la loi et les médias en mauritanie

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la loi et les médias en mauritanie
LA LOI ET LES MÉDIAS EN
MAURITANIE
Par
Sidi-Brahim
La Loi Et Les Medias En Mauritanie
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La Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest est une organisation régionale
non gouvernementale indépendante à but non lucratif basée à Accra, capitale du
Ghana. Elle a été fondée en 1997 pour défendre et promouvoir les droits et libertés
des médias, et plus généralement pour aider à étendre la liberté d’expression en
l’Afrique de l’Ouest.
Nos objectifs
Les objectifs de la MFWA sont de:
1. Renforcer la sensibilisation et aborder les violations des droits des médias et
de la libre expression grâce au suivi des abus et des attaques ;
2. Promouvoir le développement et l’expansion des droits des médias et de la
libre expression par le biais des réformes législatives et de politique ;
3. Chercher la justice à travers l’introduction des poursuites judiciaires au profit
des journalistes, des médias et des citoyens poursuivis par les Etats et d’autres
acteurs pour avoir fait valoir leur droit à la libre expression ;
4. Promouvoir les normes professionnelles des médias en vue de renforcer leurs
capacités à soutenir la gouvernance et la culture démocratiques ;
5. Renforcer les connaissances et la sensibilisation parmi les citoyens quant à
leurs droits à libre expression ; et renforcer l’environnement des médias grâce
à la recherche et à la publication des données, à l’information ainsi qu’à
l’analyse des développements, des tendances et des questions relatifs aux
politiques, à la législation et à toute autre question pouvant toucher les médias
et la libre expression ;
6. Soutenir le développement ou le fonctionnement des institutions et/ou des
projets qui cherchent à promouvoir le développement et la durabilité des
médias.
Pour plus d’informations,
Veuillez vous adresser à:
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Directeur Exécutif: Prof. Kwame Karikari
INTRODUCTION
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
P
ays du tiers-monde, la Mauritanie a tardé à avoir une presse privée.
De l’indépendance en 1961 jusqu’en 1988, il n’y avait pas de presse
privée, la liberté d’expression était confisquée. Auparavant, la dictature
du parti unique, à la mode dans le tiers-monde des années d’avant le
discours de La Baule, en France, se suffisait de ses propres médias
officiels pour faire sa propre propagande.
La première constitution et les différentes chartes militaires avec
lesquelles les militaires ont dirigé le pays jusqu’en 1991 ne font aucune
référence aux libertés d’expression, contrairement à la constitution
de 1991 qui a été le fondement de tous les instruments juridiques pris
en faveur des libertés d’expression en Mauritanie ; même si de part
et d’autres des violations existaient ici et là.
Pourtant, dès 1988, le premier journal privé mauritanien a été
créé à Nouakchott. En 1991, la constitution de 1991 consacre les
libertés d’expression. Plusieurs hebdomadaires voient le jour mais la
nouvelle loi ne fut qu’un instrument de restriction des libertés de la
presse aux mains des pouvoirs publics. La presse privée nationale
s’en trouve confrontée à d’énorme difficultés.
Au changement de régime intervenu le 3 août 2005, une nouvelle
ordonnance sur la liberté de la presse a été promulguée par le Conseil
Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), au pouvoir. Celle–
ci abroge les articles liberticides élargissant, du coup, le champ des
libertés de la presse.
Notre travail va s’articuler autour de trois parties :
Toutes les législations sur les médias et la liberté des médias en
Mauritanie (1ère Partie) ;
Les dispositions constitutionnelles relatives au droit à la libre
expression et aux médias (2ème Partie) ;
Les attaques ou les abus perpétrés contre ces droits et libertés
ainsi que les violations survenues pendant la période définie (3ème
Partie).
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La loi et les médias en Mauritanie
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PRÉSENTATION DE LA MAURITANIE
Superficie : 1 030 700 km²
Population : 2,5 millions habitants (recensement 2000)
Capitale : Nouakchott
Monnaie : ouguiya
Langue officielle : arabe
Langues nationales : hassania, pular, soninké, wolof
Langue de travail dans certaines administrations : le
français
Pays limitrophes : Algérie, Maroc (et Sahara Occidental),
Sénégal, Mali
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
Sur 192 pays, la Mauritanie est au 159ème rang pour l’espérance de
vie, au 165ème pour la mortalité infantile, au 155ème pour le P.N.B.
par habitant, au 91ème pour l’apport journalier en calories, au 178ème
pour l’alphabétisation, au 154ème pour le taux de scolarisation.
L’ensemble du pays est de type désertique.
La Mauritanie, dont la capitale politique est Nouakchott, est créée
dans ses frontières actuelles par le traité de Paris du 29 juin 1890.
C’est un pays d’Afrique de l’Ouest. Elle est située sur la côte atlantique
et se situe entre 15 et 27 degrés de latitude Nord et 5 et 17 degrés de
longitude Ouest. Elle possède une côte de 600 km donnant sur l’océan
Atlantique s’étendant de Saint Louis du Sénégal à la ville de
Nouadhibou, au Nord. Le pays est limité, au Nord, par le Sahara
occidental, l’Algérie, le Mali à l’Est et le Sénégal, au Sud.
Le pays est peuplé de Maures (Arabo-Berbères), de Noirs ou
Haratine (anciens esclaves), de Peuls, de Wolof et de Soninké.
Pays multiethnique et multiculturel, la Mauritanie est un trait
d’union entre l’Afrique Noire et l’Afrique Blanche. De par sa position
géographique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, elle
constitue, en effet, depuis des siècles, une zone de brassage de
civilisations et de cultures arabo-africaines.
Sur le plan sociodémographique, la population du pays est passée
de 1,8 million d’habitants en 1988 à 2,5 millions en 2000. Il s’agit
d’une population jeune, où la part des moins de 15 ans demeure
importante (43,9% en 2000) et avec seulement 6% de plus de 60 ans.
La répartition de la population selon le sexe est demeurée stable entre
les deux derniers recensements (1988 et 2000), avec une part de
50,5% de femmes. Le taux de croissance annuel de la population est
de 2,9%. L’espérance de vie à la naissance est de 51,3 ans et le taux
de fécondité est de 6,32.
Le taux de mortalité brut est assez bas (3 pour mille chez les
femmes, contre 2,8 pour mille chez les hommes). La proportion des
ruraux nomades dans la population totale est passée de 72% en 1970
à 32,9% en 1977 pour retomber à 11,4% en 1998
L’Islam pratiqué en Mauritanie est un islam sunnite, de rite
malékite, qui exclut tout caractère dogmatique ou sectaire, en principe.
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La loi et les médias en Mauritanie
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Dans sa tolérance, cet islam cultive la solidarité, incite à l’unité, répugne
la violence et la haine, combat l’arbitraire et l’oppression, en théorie.
Néanmoins, il constitue le fondement de l’unité nationale.
Organisation administrative et communale
La République islamique de Mauritanie est divisée en 13 wilayas
(régions) dont le District de Nouakchott. Chaque wilaya constitue
une circonscription administrative déconcentrée. La wilaya est divisée
en moughataa (départements) et les moughataa en arrondissements.
Le pays compte 53 moughataa.
La wilaya est placée sous l’autorité d’un wali (gouverneur) qui
représente le pouvoir central ; la moughataa est placée sous l’autorité
d’un hakem (préfet), et les arrondissements sont dirigés par des chefs
d’arrondissements. C’est en 1986 que le Comité Militaire de Salut
National, au pouvoir à l’époque, a mis en œuvre une réforme
administrative et institutionnelle en vue de réorganiser l’administration
et la décentralisation a été retenue comme choix stratégique en ce
qu’elle permet d’associer les populations à la gestion de leurs affaires.
Introduite en 1986 en tant que prélude à la démocratisation de la vie
politique, la décentralisation a pu ainsi constituer, pour les populations
éprouvées par l’Etat d’exception et le Parti unique, un cadre adéquat
d’apprentissage de la démocratie. Actuellement, le pays compte 216
communes, dont 9 sont regroupées au sein de la Communauté urbaine
dans la seule ville de Nouakchott.
Aux termes de l’ordonnance N°87-289 du 20 octobre 1987, les
communes exercent, théoriquement, d’importantes attributions,
notamment dans les domaines de la voirie locale, l’alimentation en
eau et l’hygiène, la culture et les sports.
Enseignement
En Mauritanie, le système éducatif actuel est le résultat d’une série
de réformes qui ont poursuivi le but de son adaptation au contexte
social et culturel du pays, multiethnique, multiculturel et multilingue.
La première réforme, opérée en 1966, instaure le principe du
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bilinguisme (l’arabe et le français), alors que la deuxième, réalisée en
1973, institue une arabisation progressive du système. Cette
progression s’est poursuivie pour devenir presque totale en 2002. Cette
arabisation poussée est consacrée par les mesures transitoires
d’ajustement décidées en 1979. Ces mesures introduisent, à titre
expérimental, l’enseignement des langues nationales. Hélas, cela n’a
donné aucun progrès.
Une nouvelle réforme du système éducatif, votée en 1999,
maintient l’importance accordée à l’arabe et à la culture nationale,
mais engage le système dans une perspective de modernisation et
d’ouverture pour mettre l’école au service du développement
économique et social du pays.
Evolution politique
Dès l’accession de la Mauritanie à la souveraineté internationale, la
nécessité de créer de nouveaux textes constitutionnels fut la priorité
des priorités des hommes politiques de l’époque. La Constitution du
20 mai 1961 instituera un régime présidentiel qui allait glisser
inexorablement vers le système du Parti Unique, issu de l’union de
plusieurs partis politiques. Le régime du Parti unique, succombant à
l’usure du temps, aux difficultés de l’économie nationale fortement
éprouvée par les multiples effets de la sécheresse au Sahel, et surtout
par ceux de la guerre du Sahara Occidental, dans laquelle la Mauritanie
était à l’époque engagée, prend fin le 10 juillet 1978. C’est pourtant
cette guerre qui est le motif invoqué par les militaires pour mener leur
premier coup d’Etat, le 10 juillet 1978 d’où le pays n’arrive pas à
sortir. Le 18 juillet 2009, un général putschiste est élu président de la
République.
CONTEXTE DE L’ÉLARGISSEMENT DES LIBERTÉS DE LA
PRESSE
Après le coup d’Etat d’août 2005, le Conseil Militaire pour la Justice
et la Démocratie (CMJD), qui a renversé l’ex-président Maaouiya
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La loi et les médias en Mauritanie
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Ould Taya, a promis de rétablir la démocratie et, notamment, la liberté
de la presse. Déjà en décembre 2006, cette promesse était tenue ;
plusieurs lois sur la liberté de la presse ont été votées.
Après la volonté du régime de l’ex-président Taya (depuis 1991)
de créer un cadre légal garantissant la liberté de la presse par
l’élaboration de l’ordonnance N°91-023 du 25 juillet 1991, c’est depuis
le 3 août 2005, que la Mauritanie vit une nouvelle étape de son histoire,
marquée par un changement qui veut consacrer un esprit de rupture
avec la rétention et la confiscation de l’information. C’est pourquoi la
Commission Nationale Consultative pour la Réforme de la Presse et
de l’Audiovisuel a été créée dans le but de faire un diagnostic complet
de la situation de la Presse et de l’Audiovisuel et de proposer des
mesures tendant à promouvoir la liberté d’expression, dans un climat
de maturité et de citoyenneté responsable tenant compte des réalités
et des spécificités socioculturelles de la Mauritanie.
Or, ces spécificités socioculturelles de la Mauritanie constituent
par elles-mêmes un frein au développement de toutes formes de liberté
d’expression. La tendance, aujourd’hui est à la mise en place d’un
cadre juridique et institutionnel adapté à la promotion de la presse,
dans un Etat de droit. Mais, des facteurs externes et des facteurs
internes font obstacle à toute réforme de la Presse et de l’Audiovisuel
dans le pays.
D’abord, par rapport aux facteurs externes, il existe un monopole
de droit ou de fait que se réservent l’Etat sur tout ce qui touche à
l’activité d’informer. Les pouvoirs publics ont des prérogatives qui
sont souvent adoptées pour entraver la liberté d’expression et
d’information, au nom de “l’intérêt national’’, la “sécurité intérieure’’,
“l’unité nationale’’, le “respect des valeurs morales et religieuses’’,
etc. Au fait, il s’agit de contrôle visant la restriction de la liberté de la
presse, en particulier et des libertés publiques, en général.
Ensuite, par rapport aux facteurs internes, il y a lieu de souligner
le manque de professionnalisme des journalistes. Très souvent, les
articles écrits se fondent sur la rumeur ; pour cette raison, les journalistes
sont fréquemment emprisonnés ou déférés devant le Parquet de la
République suite aux plaintes des membres du gouvernement ou de
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La loi et les médias en Mauritanie
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particuliers. Il est essentiel de souligner ici que, mis à part 4 ou 5
publications, le produit mis sur le marché, d’ailleurs très étroit, est
indigeste. Cet état de fait est la résultante d’un manque de
professionnalisme et surtout de culture générale, support de toute
communication. Dès lors, l’on remarque que rares sont les journaux
engagés à cause de l’unique recherche du gain. Il s’ensuit la primauté
donnée à la subjectivité, donc aux louanges ou dénigrements des uns
ou la diffamation des autres ; les règles d’éthique générale ou de
déontologie professionnelle étant mises à part.
Relativement à l’environnement légal, c’est l’ordonnance du 23
juillet 1991 relative à la liberté de la presse, qui est l’acte juridique à
avoir marqué le plus ce secteur au cours des dernières années. Le
cadre législatif et réglementaire de la communication en Mauritanie
n’a pas pu suivre l’évolution rapide de ce secteur. Il a été restreint au
souci des pouvoirs publics de bien cerner les médias pour mieux les
contrôler. C’est pourquoi, l’information, domaine jugé très sensible,
voire ‘’dangereux’’, relève de la souveraineté de l’Etat au même titre
que la Défense nationale, les Affaires étrangères, l’Intérieur et les
Télécommunications.
A partir des années 1990, il a créé un ministère de la
Communication, chargé bizarrement des Relations avec le Parlement.
Ses pouvoirs sur la Télévision nationale, la Radio et l’Agence
Mauritanienne d’Information (A.M.I.) sont du ressort de la Présidence
de la République qui nomme leurs directeurs généraux, d’où le contrôle
de leur ligne éditoriale et rédactionnelle.
Dans le cadre des relations entre les pouvoirs publics et la presse
privée, la perception des dirigeants politiques vis-à-vis des médias a
grandement déterminé les rapports qui ont existé entre ces deux entités
en Mauritanie. Ces relations, marquées par la crainte et la méfiance,
ont lourdement pesé sur l’évolution des médias dans le pays. C’est
pourquoi, depuis l’indépendance de la Mauritanie, les dirigeants
politiques contrôlent les organes d’information tels Radio-Mauritanie,
Agence Mauritanienne d’information et la Télévision de Mauritanie.
En fait, ce contrôle se traduit, jusqu’à une période récente, par le
rattachement du secteur de l’information au Ministère de l’Intérieur,
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La loi et les médias en Mauritanie
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pour la plupart du temps, ce qui réduit ces médias à des outils de
propagande du Pouvoir Politique. Jusqu’en 1991, les membres du
gouvernement ne s’adressaient qu’aux médias d’Etat. De même, au
sein de l’Administration, la rétention de l’information est toujours érigée
en règle.
Ces rapports tendus par la méfiance, se tissent dans une situation
d’insécurité totale entourant le travail des journalistes. Aussi, les
journalistes sont agressés presque chaque semaine ; il n’est pas mis
en place un mécanisme de protection du journaliste, dans l’exercice
de ses activités.
LES LÉGISLATIONS SUR LES MÉDIAS ET LES LIBERTÉS
DES MÉDIAS EN MAURITANIE
La Mauritanie a vécu de1961 à 1978 sous un régime civil de parti
unique, même si la constitution de cette époque faisait, vaguement,
référence aux valeurs issues de la révolution française de 1789. De
1978 à 1991, ce sont des militaires qui ont gouverné le pays avec des
chartes constitutionnelles lesquelles n’avaient pas de dispositions
relatives à la liberté de la presse ou des médias. Aucune des
nombreuses chartes militaires d’alors n’a fait référence à la liberté
d’expression.
C’est en 1991, quand le colonel Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya,
l’ex-chef d’Etat, a voulu démocratiser le pays que la constitution du
20 juillet 1991 a prévu de promouvoir et protéger la liberté de la presse.
Dans un autre élan de libéralisation de la presse et de l’audiovisuel,
une nouvelle ordonnance vint abroger la première ; puis d’autres textes
ont vu le jour.
Ordonnance 91/23 du 25 juillet 1991 sur la liberté de la
presse
L’Ordonnance 91 du 23 du 25 juillet 1991 relative à la liberté de la
presse fait place à des dispositions telles que “les libertés politiques et
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La loi et les médias en Mauritanie
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syndicales ; les libertés publiques et individuelles notamment : la liberté
d’opinion et de pensée ; la liberté d’expression ; la liberté de réunion
et d’association”, parmi tant d’autres. Dans son article premier, cette
ordonnance a pour objet de : « Définir les conditions d’exercice de la
liberté d’expression et de communication des idées et des opinions
politiques ainsi que les sanctions applicables en cas d’infraction aux
règles organisant cette liberté ». Mieux, le préambule de cette loi
disposait que le droit à l’information, le droit pour chacun de connaître
la vérité sur les problèmes qui le concerne, sur ceux de son pays
comme sur les affaires du monde, est une des libertés fondamentales
de l’être humain que le peuple mauritanien se reconnaît.
Il en est également ainsi de la liberté d’expression. Sans transition,
l’ordonnance brandit la menace en insistant sur le fait qu’ : « Il découle
de tous ces facteurs des devoirs pour les pouvoirs publics comme
pour les journalistes et pour tous ceux qui choisissent d’exercer des
activités liées d’une manière ou d’une autre au noble métier d’informer.
De ce fait, l’Etat édicte, respecte et fait respecter les lois et règlements
garantissant l’exercice de ces droits. Mais la meilleure garantie réside
dans un comportement responsable et digne observé par tous les
protagonistes : pouvoirs publics, journalistes et usagers, c’est à dire
l’ensemble du corps social. Tous doivent mettre leur point d’honneur
à se soumettre à un certain nombre de principes de base fondés sur la
tolérance, le respect de l’autre, l’équité, l’honnêteté, et une motivation
supérieure : celle d’agir pour un idéal de liberté, de justice sociale, de
défense des droits de l’Homme et pour la paix entre les peuples.
Plus loin, l’ordonnance égrène un chapelet de formalités et de
sanctions très sévères : « Tout journal où écrit périodique quels que
soient la forme de sa présentation et de son mode d’impression ne
peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de
cautionnement après la déclaration ; avant la publication de tout journal
ou de tout écrit périodique, il sera fait, au Parquet de la République et
au Ministère de l’Intérieur, une déclaration. »
Et puis vient l’article 11 de l’ordonnasse, qui donne un pouvoir
sans limite aux pouvoirs publics pour museler la presse. Il dispose : «
La circulation, la dissolution, ou la mise en vente en République
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La loi et les médias en Mauritanie
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Islamique de Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques ou non,
d’inspiration ou de provenance étrangère ou de nature à porter atteinte
aux principes de l’islam ou crédit de l’Etat, à nuire à l’intérêt général
à compromettre l’ordre et la sécurité publics, quelle que soit la langue
dans laquelle ils seraient rédigés, peut être interdite par arrêté du
Ministre de l’Intérieur. Lorsqu’elles sont faites sciemment, la mise en
vente, la distribution ou la production des journaux ou écrits interdits,
sont punies d’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende
de 60.000 à 600.000 ouguiyas. Il en est de même de la reprise de la
publication d’un journal ou d’un écrit de provenance étrangère, interdits
sous un titre différent. Toutefois, en ce cas, l’amende est portée de
120.000 à 1.200.000 ouguiyas. Il est procédé à la saisie administrative
des exemplaires et des reproductions des journaux et écrits interdits
et de ceux qui en reprennent la publication sous un titre différent ».
Cette disposition a été la plus utilisée contre tout journal dont la
ligne éditorialiste s’écarte de la propagande du ministère de l’Intérieur.
Enfin, c’est sous l’empire de cette loi, soi-disant adoptée pour garantir
la liberté de la presse, que la liberté d’expression et de pensée ont été
les plus violées par les pouvoirs publics.
Des peines très lourdes
Cette ordonnance a été remarquable par l’arsenal juridico-politique
qu’elle mettait en avant pour intimider les professionnels de la presse
privée. Elle a institué des crimes et délits commis par la voie de la
presse ou par tout autre moyen de publication.
Dans le domaine de la provocation aux crimes et délits, cette loi
dispose que seront punis, comme complices d’une action qualifiée
crime ou délit, ceux qui soit par des écrits, soit par des imprimés vendus
ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions
publiques, soit par des placards ou affiches exposés au regard du
public, soit par des discours ou menaces proférées dans des lieux ou
réunions publiques, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs
à commettre la dite action, si la provocation a été suivie d’effet ou
seulement d’une tentative de crime. Une telle disposition relève
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La loi et les médias en Mauritanie
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purement du droit pénal ; elle ne doit pas trouver son application contre
les journalistes, dans l’exercice de leur mission. En effet, dans ses
articles 19-1-20 et 21, l’ordonnance entoure le journaliste de tellement
de menaces qu’il lui est impossible de travailler. Sa protection ne figure
nulle part.
En matière de délits contre la chose publique, l’offense au
Président de la République par l’un des moyens énoncés sera punie
d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 200
000 à 2 000 000 ouguiyas. Encore, la publication, la diffusion ou la
reproduction par quel que moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de
pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers,
lorsque faites de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique ou
aura été susceptible de la troubler, sera punie d’un emprisonnement
de six mois à trois ans et d’une amende de 100 000 à 1 000 000
ouguiyas ou de l’une de ces deux peines seulement. Les mêmes faits
seront punis d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende
de 100 000 à 1 000 000 ouguiyas lorsque la publication, la diffusion ou
la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la
discipline ou le moral de l’armée.
Il ressort de ces dispositions que le législateur a alourdi les peines
pécuniaires au moment où le journalisme n’apporte pas de sous. Cela
peut bien être aperçu comme une manière de faire cesser de paraître
les journaux.
En ce qui concerne les délits contre les personnes, l’article 24
donne une définition juridique de la diffamation : « Toute allégation ou
toute publication d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la
considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est
une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de
cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est
faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps
non expressément nommé, dont l’identification est rendue possible
par les termes des écrits, imprimés, placards ou affiches incriminés ».
Cette disposition laisse la voie libre à l’arbitraire car elle fait référence
à des termes peu précis comme “dubitative”, “non expressément
nommé”.
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
Relativement aux poursuites et à la répression, ils sont passibles,
aux termes de cette loi, en tant qu’auteurs principaux des peines,
dans l’ordre qui suit :
—
Les directeurs de publication ou éditeurs quelles que soient
leurs professions ou leurs dénominations et, dans les cas
prévus au deuxième alinéa de l’article 4 des codirecteurs
de la publication;
—
Les auteurs ;
—
Les imprimeurs;
—
Les vendeurs,
—
Les distributeurs et afficheurs.
La procédure des délits et contraventions de simple police commis
par la voie de la presse ou par tout autre moyen, de publication aura
lieu d’office et à la requête du ministère public.
Encore, la poursuite des crimes aura lieu conformément au droit
commun.
Sous le coup de l’ordonnance, l’affichage, le colportage et la
vente sur la voie publique sont réglementés.
Quiconque voudra exercer la profession du colporteur ou de
distributeur sur la voie publique, ou en tout autre lieu public ou privé,
de livres, écrits, brochures journaux, dessins, gravures, lithographies
et photographie, sera tenu d’en faire la déclaration à la circonscription
administrative où il a son domicile.
De même, sont interdites la distribution, la mise en vente,
l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la
distribution, de la vente ou de l’exposition dans un but de propagande,
de tracts, bulletins de toute nature à nuire à l’intérêt national. Encore,
cette disposition ouvre la porte à l’arbitraire puisque la notion d’intérêt
général est imprécise et reste soumise à l’appréciation des
fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, au lieu du Ministère de la
Justice.
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La loi et les médias en Mauritanie
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L’ordonnance de 2006 sur la liberté de la presse
C’est en août 2005, au lendemain du coup d’Etat du colonel Ely Ould
Mohamed Vall, ex-directeur général de la Sûreté Nationale, que le
Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) s’est engagé
à prendre un train de mesures de nature à créer un cadre adéquat à
une liberté d’expression réelle. Cette nouvelle ordonnance relative à
la liberté de la presse vise à élargir le champ des libertés dans le
domaine de la presse et fixe, contrairement à la précédente, un système
de régulation approprié à l’exercice de la profession de journaliste.
Ce texte s’inscrit donc, en droite ligne, dans le cadre de la mise en
oeuvre des engagements du Conseil Militaire pour la Justice et la
Démocratie dans le domaine de la promotion des droits de l’Homme,
du renforcement de l’Etat de droit et de l’application des
recommandations des Journées Nationales de Concertation tenues à
Nouakchott du 25 au 29 octobre 2005. La nouvelle loi fait siennes les
recommandations d’une Commission nationale consultative chargée
de la Réforme de la Presse et de l’Audiovisuel, créée le 29 décembre
2005, afin de proposer des mesures de réforme propres à assurer un
développement harmonieux de la presse et de l’audiovisuel,
conformément aux exigences de l’Etat de droit.
C’est bien pourquoi ce texte fixe un ensemble de critères relatifs
au droit. Il détermine l’autorité de régulation spécifique au secteur de
la presse, définit “le profil du journaliste professionnel” et détermine
les règles applicables au secteur de l’impression, de l’édition et de la
presse périodique, le droit de réponse ainsi que les dispositions portant
sur les crimes et délits commis par voie de presse et d’édition.
Conformément à cette ordonnance, le système de récépissé de
dépôt, tant décrié par les journalistes, a été remplacé par un système
déclaratif et met un terme au système de censure fixé par le tristement
célèbre article 11 de l’ancienne ordonnance N° 91/23 du 25 juillet
1991. Mieux que l’ancienne ordonnance, celle-ci identifie, de façon
plus précise, les infractions relatives à la diffamation par voie de presse
et institue un système pénal adapté à la prise de sanctions prenant en
compte la spécificité de la presse.
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
Pour fixer de nouveaux principes, la loi N° 017-2006 dispose
que le droit à l’information et la liberté de la presse sont des droits
inaliénables. Ces libertés sont exercées conformément aux principes
constitutionnels, aux dispositions légales et à la déontologie de la
profession. Elles ne peuvent être limitées que par la loi et dans la
mesure strictement nécessaire, à la sauvegarde de la vie démocratique.
Autre innovation, le journaliste a le droit d’accéder aux sources
d’information, le devoir et le droit de protéger ses sources en toute
circonstance, sauf dans les cas prévus par la loi pour les besoins de la
lutte contre les crimes et délits, en particulier les atteintes à la Sûreté
de l’Etat et le terrorisme. Ici apparaît une violation “légale” de cette
loi innovante, le journaliste étant obligé de coopérer au cas où il détient
des informations relatives à l’atteinte de la sûreté de l’Etat ou au
terrorisme. Dans la foulée, le régime de l’autorisation préalable et du
dépôt d’une caution prescrits par l’article 11 de l’ordonnance de 1991
est abandonné au profit du système de la déclaration. Toutefois, un
contrôle continue à être exercé par l’obligation de dépôt avant chaque
parution au Parquet de la République du Tribunal de Nouakchott, et à
la bibliothèque nationale, notamment.
A défaut de cette formalité, une condamnation à une amende de
180.000 UM pour chaque livraison non déposée peut-être prononcée
contre le directeur de publication. Seulement, il est utile de relever, ici,
que les journaux ou écrits périodiques étrangers n’ont pas vu leur sort
amélioré.
Aux termes de cette loi, est considéré comme publication
étrangère, toute publication quelle qu’en soit la langue d’expression,
dont la déclaration de parution est faite ailleurs qu’en Mauritanie.
Selon l’article 21 de la loi N° 017-2006, la circulation, la distribution ou
la mise en vente, sur le territoire de la République Islamique de
Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques étrangers, quelle que
soit la langue dans laquelle ils sont imprimés et quel que soit le lieu de
leur impression, peuvent être interdites par arrêté du ministre de
l’Intérieur, lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’Islam ou
au crédit de l’Etat, à nuire à l’intérêt général, à compromettre l’ordre
et la sécurité publics. Par cette disposition, la menace pour des raisons
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La loi et les médias en Mauritanie
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très souvent subjectives puisque non précisées par une loi, est toujours
brandie au-dessus de la presse étrangère. Dans le chapitre des
sanctions, quant à la presse étrangère, la nouvelle ordonnance stipule
que lorsque la mise en vente, la distribution ou la reproduction de
journaux ou écrits interdits sont faites sciemment , les auteurs sont
punis d’une amende de 200.000 à 500.000 UM. Il en est de même de
la reprise sous un titre différent de la publication d’un journal ou d’un
écrit interdits. Toutefois, dans ce cas, l’amende est portée au double.
De même, il est procédé à la saisie administrative des exemplaires et
des reproductions de journaux ou écrits interdits.
Il existe pourtant des voies de recours. L’arrêté d’interdiction
est susceptible de recours devant la Chambre administrative du Tribunal
de wilaya.
Contrairement à l’ancienne ordonnance, celle-ci dispose que : «
Tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation
préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration prescrite
par le nouvel article 11 de cette même ordonnance. Celui-ci stipule
également que : « Avant la publication de tout journal ou écrit périodique,
il sera fait au Parquet ou au tribunal territorialement compétent, une
déclaration de parution contenant :
—
le titre du journal ou écrit périodique et son mode de
publication ;
—
le nom et l’adresse du directeur de publication ;
—
Statuts de l’institution qui publie le journal ou le périodique ;
—
l’indication de l’imprimerie où il doit être imprimé ;
—
le tirage moyen prévu ;
—
la périodicité ;
—
le nombre et les noms des journalistes, secrétaires de
rédaction, photographes, maquettistes, pigistes,
collaborateurs,
—
une déclaration sur l’honneur sur la véracité des
informations fournies.
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Toute mutation dans les conditions ci-dessus énumérées sera
déclarée dans les trente jours qui suivront ».
C’est une disposition toute différente de celle de l’article 11 de
l’ordonnance abrogée qui donnait toute latitude au Ministère de
l’Intérieur d’interdire, de censurer ou de saisir tout journal.
Le système du dépôt s’en trouve plus simplifié. Au moment de
la publication du journal, il est déposé deux exemplaires :
—
Au Parquet de la République du Tribunal de Nouakchott,
et à la bibliothèque nationale, si la publication a lieu à
Nouakchott ;
—
Auprès des Procureurs des tribunaux des wilayas, si la
publication a lieu à l’Intérieur du pays ;
—
A la mairie, dans les localités ou il n’a pas de Procureur, le
maire ayant la qualité d’officier de police judiciaire.
Ce dépôt est effectué sous peine d’une amende de 180.000 UM
contre le directeur de publication, pour chaque livraison non déposée.
Il ne constitue pas une condition préalable à la parution de la publication.
Autre innovation de cette loi. Pendant toute la période électorale,
le délai de trois jours prévu pour l’insertion est d’un jour pour les
journaux quotidiens. Aussi, la réponse doit être remise six heures, au
moins, avant le tirage du journal dans lequel l’insertion doit paraître.
En plus, dès l’ouverture de la campagne électorale, le directeur de
publication du journal est tenu de déclarer au Procureur de la
République, sous peine de sanctions édictées à l’article 17 de la
présente ordonnance, l’heure à laquelle, pendant cette période il entend
fixer le tirage de son journal.
La nouvelle loi met sous la compétence des communes,
l’affichage, le colportage et la vente de journaux sur la voie publique.
Aussi, dans chaque commune, le maire désigne, par arrêté, les lieux
exclusivement destinés à recevoir les affiches de lois et autres actes
de l’autorité publique.
Il est interdit d’y placarder des affiches particulières.
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En ce qui concerne l’aide à la presse, l’article 31 de l’ordonnance
017/2006 pose que : « L’Etat a le devoir d’aider les organes de
communication qui contribuent à la mise en oeuvre du droit de tous à
l’information.
Les modalités et conditions d’attributions de l’aide à la presse
seront définies par voie législative ».
Jusqu’ ce jour, ces dispositions législatives n’ont pas encore été
votées par le Parlement. D’ailleurs, cette aide à la presse serait la
source de trop de problèmes dans la mesure qu’elle ne profiterait
qu’aux organes de communications qui contribuent à la diffusion de
l’information. Est-ce que les organes qui ne paraissent pas
régulièrement auront droit à une telle aide ? Ce n’est pas précisé par
les services compétents.
Un organe de régulation de la presse
Il est créé, auprès du président de la République, un organe indépendant
de régulation de la presse et de l’audiovisuel dénommé Haute Autorité
de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA). Il est dirigé par un collège
de neuf membres qui sont nommés par les pouvoirs publics.
Ils sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une
seule fois. Les ONG et les syndicats de journalistes n’y sont pas
représentés d’où la mainmise des pouvoirs publics sur les médias.
Par rapport à son rôle, la HAPA est chargée explicitement de servir
d’organe de protection des libertés d’expression, or, elle constitue
également, un organe habilité à prononcer des sanctions.
En dehors de son rôle d’arbitre entre les candidats à la
présidentielle, en matière de communication, la HAPA donne avis au
Président de la République sur toute question relative au secteur de la
presse et de la communication, propose au choix du Président de la
République les personnalités qui doivent exercer à la tête des médias
publics tels que Radio-Mauritanie, Télévision de Mauritanie et
l’Agence Mauritanienne d’Information.
Elle donne également avis au Parlement et au gouvernement
sur toute question relative au secteur de la presse.
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La loi et les médias en Mauritanie
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Les attributions de la HAPA
L’ordonnance créant la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel
définit les attributions. Elle dispose que la Haute Autorité :
—
Donne avis au Président de la République sur toute question
relative au secteur de la presse et de la communication
audiovisuelle, dont il la saisit ;
—
Propose au choix du Président de la République les
personnalités qui doivent exercer à la tête des organismes
publics du secteur de la presse et de l’audiovisuel ;
—
Donne avis au Parlement et au gouvernement sur toute
question relative au secteur de la presse et de l’audiovisuel,
dont elle serait saisie par les Présidents des chambres du
Parlement ou par le Premier Ministre ;
—
Est obligatoirement sollicitée pour donner son avis au
Premier ministre sur les projets de lois ou projets de décrets
relatifs au secteur de la presse et de la communication
audiovisuelle, avant leur présentation au Conseil des
Ministres ;
—
Est obligatoirement sollicitée pour donner son avis aux
présidents des deux chambres du Parlement sur les
propositions de lois relatives au secteur de la presse et de
l’audiovisuel, avant leur examen par la chambre concernée ;
—
Suggère au gouvernement les modifications de nature
législative et réglementaire, rendues nécessaires par
l’évolution technologique, économique, sociale et culturelle
des activités du secteur de la presse et de l’audiovisuel ;
—
Veille au respect, par tous les pouvoirs ou organes
concernés, des lois et règlements applicables à la presse
et à l’audiovisuel ;
—
Instruit les demandes d’autorisation de création et
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La loi et les médias en Mauritanie
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d’exploitation des entreprises de presse et de l’audiovisuel,
selon les procédures légales et réglementaires en vigueur
et accorde les autorisations y afférentes, conformément à
la législation et la réglementation en vigueur ;
—
Accorde les autorisations d’utilisation des fréquences
radioélectriques, et, en cas de besoin, est habilitée à créer
une commission de coordination avec les autres organismes
publics chargés de gérer le spectre des fréquences et d’en
assurer le contrôle ;
—
Contrôle le respect, par les organismes de communication
audiovisuelle, du contenu des cahiers de charges et, de
manière générale, le respect, par lesdits organismes, des
principes et règles applicables au secteur ;
—
Approuve les cahiers des charges des médias publics et
en contrôle le respect et propose les candidatures aux
postes de directeurs généraux des entreprises publics de
presse et d’audiovisuel. ;
—
Veille au respect des valeurs fondamentales consacrées
par la constitution, de l’expression pluraliste de la culture
nationale et des courants de pensée et d’opinion, notamment
en matière d’information politique, tant par le secteur privé
que par le secteur public de l’audiovisuel ;
—
A cette fin :
propose au gouvernement les mesures de toute nature,
notamment d’ordre juridique, à même d’assurer le respect
des principes et valeurs fondamentales énoncées dans le
préambule de la constitution et les dispositions du présent
projet d’ordonnance ;
transmet, suivant la périodicité qu’il établit, aux
présidences des deux chambres du Parlement, au
gouvernement et aux responsables des partis politiques,
des organisations syndicales et des chambres
professionnelles, et à toute autre direction concernée, le
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La loi et les médias en Mauritanie
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relevé du temps d’intervention des personnalités politiques,
syndicales ou professionnelles dans les émissions des
organes de radio et télévision ; il peut, à cette occasion,
formuler toutes remarques qu’il juge utiles ;
—
Veille au respect de la législation et de la réglementation
applicables aux règles et conditions de production, de
programmation et de diffusion des émissions relatives aux
campagnes électorales que les organismes de
communication du secteur public et du secteur privé doivent
respecter ;
—
Veille au respect, par les publications, journaux et
périodiques et les organismes de communication
audiovisuelle, de la législation et de la réglementation en
vigueur en matière de publicité ;
A cet effet, le collège est habilité à exercer un
contrôle, par tous les moyens appropriés, sur les modalités
de programmation des espaces et émissions publicitaires
publiées ou diffusées par les media, publications, journaux
et périodiques des secteurs public et privé bénéficiaires
d’un titre quelconque d’exploitation. ;
—
Sanctionne les infractions commises par la presse, les
organismes de communication audiovisuelle et les
journalistes ou fait proposition aux autorités compétentes,
conformément à la législation en vigueur et aux cahiers de
charges pertinents des sanctions encourues ;
—
Encourage l’excellence professionnelle des journalistes et
des entreprises de presse écrite et audiovisuelle, en
particulier par la formation professionnelle ;
—
Encourage le règlement amiable des litiges concernant
l’application de la loi relative au régime de la presse ;
—
Edicte les normes d’ordre juridique ou technique applicables
à la mesure d’audience des entreprises de communication
audiovisuelle, et de la diffusion pour la presse écrite ;
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La loi et les médias en Mauritanie
—
MFWA
Supervise et régule le partage de la publicité entre les
organes médiatiques par les promoteurs et régies
publicitaires publics ou privés selon des critères définis par
les textes, surveille la qualité et le contenu de ces publicités
conformément aux termes de l’ordonnance sur la liberté
de la presse et de l’audiovisuel.
Elle peut recevoir des plaintes émanant des organisations
politiques, syndicales, des associations reconnues d’utilité publique ou
des personnes physiques, relatives à des violations, par les organes de
communication audiovisuelle et de presse, des lois ou règlements
applicables au secteur de la presse et de l’ audiovisuel.
Elle instruit, s’il y a lieu, lesdites plaintes et leur donne la suite
prévue par la présente ordonnance, les lois ou règlements applicables
à l’infraction.
Elle peut, également, être saisie par l’autorité judiciaire, afin de
lui donner avis sur les plaintes fondées sur des violations de la législation
ou réglementation relative au secteur de la presse et de la
communication audiovisuelle et que ladite autorité aurait à connaître.
La HAPA est habilitée, en outre, à saisir les autorités
compétentes pour connaître des pratiques contraires à la loi sur la
liberté des prix et la concurrence dans le domaine de sa compétence.
Ces mêmes autorités peuvent la saisir pour recueillir son avis.
Mais aussi, elle peut exiger des entreprises de presse et de la
communication audiovisuelle la publication de mises au point ou de
réponses à la demande de toute personne ayant subi un préjudice, à la
suite de la diffusion d’une information portant atteinte à son honneur
ou qui est manifestement contraire à la vérité.
La HAPA fixe le contenu et les modalités desdites publications
et en assortit le non-respect, le cas échéant, d’une astreinte dont elle
fixe le montant et en assure le recouvrement.
Les commissions
En plus d’un secrétariat général, la HAPA se compose d’une
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La loi et les médias en Mauritanie
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Commission de la Presse Ecrite. (CPE) et d’une Commission de la
Communication Audiovisuelle (CCA).
Commission de la Presse Ecrite (CPE)
La CPE assure le suivi des publications de la presse écrite de
l’impression et de la publicité. Elle est en outre, chargée de préparer
les dossiers soumis à la HAPA et de mettre en oeuvre les décisions
arrêtées par celle-ci. Elle est chargée de :
—
Centraliser et traiter les dossiers présentés pour l’obtention
de la carte de presse et les cas de litige relatifs à la carte.
—
Relever les atteintes à la loi sur la presse et le délit de
presse aux principes et aux règles de l’éthique et de la
déontologie et de proposer les mesures coercitives suivant
les dispositions du code pertinent.
—
Initier toutes études ou recherches relatives à l’appui à la
presse et à l’impression.
—
Examiner et instruire à l’attention du Conseil de la HAPA
toute pratique restrictive de la libre concurrence, en
surveillant, pour l’empêcher, toute tentative de monopole
ou d’oligopole dans le secteur de la presse écrite.
Commission de la Communication Audiovisuelle
Sous l’autorité du président de la HAPA, la Commission de la
Communication Audiovisuelle (CCA) est chargée de traiter tous les
dossiers relatifs à la communication audiovisuelle.
En coordination avec les services des télécommunications, la
Commission est chargée de la gestion du spectre hertzien et de
l’attribution des fréquences radio et télévision.
En outre, elle doit promouvoir l’efficacité des moyens techniques,
favoriser leur émergence et leur développement. Elle veille aussi au
respect des aspects techniques fixés dans les cahiers de charges des
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
titulaires d’autorisations/licences accordées par la HAPA.
Elle est tenue de donner sa réponse aux demandes d’autorisations
de fréquences dans un délai maximum de six semaines.
Afin de remplir les missions qui lui sont assignées par la présente
ordonnance et les textes pris pour son application ou exécuter les
décisions de la HAPA, la Commission de la communication
audiovisuelle dispose d’un corps de contrôleurs, placé sous l’autorité
du Président de la CCA, chargé d’enquêter, en cas de besoin, sur
pièces et sur place, afin de constater les infractions aux dispositions
des cahiers de charges et aux lois ou règlements en vigueur.
Les contrôleurs sont habilités à :
—
Procéder à l’enregistrement de toutes les émissions de
radiodiffusion et de télévision, selon des moyens appropriés ;
—
Recueillir, tant auprès des administrations que des
personnes morales ou physiques titulaires des autorisations
délivrées aux entreprises de services de communication
audiovisuelle, toutes les informations nécessaires pour
s’assurer du respect des obligations qui sont imposées aux
titulaires d’autorisations;
—
Procéder auprès des mêmes personnes physiques ou
morales à des enquêtes.
Ils sont assistés dans leurs missions, le cas échéant, d’officiers
de police judiciaire désignés à cette fin par l’autorité compétente.
Lorsque, à l’occasion de l’exercice de sa fonction habituelle de
contrôle ou à la suite d’une enquête effectuée à la demande du collège
de la HAPA, il est porté à la connaissance du président de la
Commission des faits constitutifs d’une infraction aux lois et règlements
en vigueur, notamment des pratiques contraires à l’Islam, à la loi, aux
bonnes moeurs, au respect dû à la personne humaine et à sa dignité, à
la protection de l’enfance et de l’adolescence, aux codes de
déontologie et à l’éthique professionnelle ou d’une violation des cahiers
de charges par les titulaires d’une autorisation, le président de la
Commission en informe immédiatement le collège de la HAPA qui,
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La loi et les médias en Mauritanie
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après délibération, décide des suites à donner et, notamment, autorise
le président de la Commission à agir en justice au nom de la Haute
Autorité et à saisir les autorités administratives, judiciaires et
professionnelles compétentes.
La Haute Autorité veille, en particulier, en période électorale, à
l’octroi d’un droit égal, entre tous les candidats, et de temps d’antenne
réguliers par les stations de radio et de télévision du service public de
portée nationale et régionale et, en espaces pour les journaux et
périodiques du service public de l’Etat.
Le code de déontologie et d’éthique de la presse
A son préambule de ce code, l’on note essentiellement le rattachement
des journalistes et professionnels de la presse et de l’audiovisuel à
affirmer leur volonté de perpétuer les traditions de lutte de la presse
mauritanienne pour la liberté d’expression et le droit du public à
l’information.
Les professionnels de la presse marquent également leur
engagement à promouvoir la culture démocratique en conformité avec
la Constitution qui garantit la liberté de presse en Mauritanie. Ils sont
convaincus que les responsabilités, qui incombent aux journalistes dans
la mission d’information du public, priment toute autre responsabilité,
en particulier à l’égard des employeurs et des pouvoirs publics, surtout.
Ils soutiennent que cette mission ne peut être assumée que sur
la base de saines pratiques professionnelles. Ils ont, par conséquent,
décidé d’élaborer un code de déontologie qui énonce les devoirs et les
droits du journaliste dans l’exercice de sa profession.
Les devoirs du journaliste
Dans le chapitre des devoirs, le journaliste est tenu de respecter les
faits, quoi que cela puisse lui coûter personnellement, pour accomplir
les devoirs suivants imposés par le code de déontologie :
—
L’honnêteté et le droit du public à une information vraie :
Le journaliste est tenu de respecter les faits, quoi que cela
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
puisse lui coûter personnellement, et ce en raison du droit
que le public a de connaître la vérité.
—
La responsabilité sociale :
Le journaliste publie uniquement les informations dont
l’origine, la véracité et l’exactitude sont établies.
—
Le respect de la vie privée et de la dignité humaine :
Le journaliste respecte les droits de l’individu à la vie privée
et à la dignité. La publication des informations qui touchent
à la vie privée d’individus ou de personnalités publiques ne
peut être justifiée que par l’intérêt général.
—
L’intégrité professionnelle et la liberté :
En dehors de la rémunération qui lui est due par son
employeur dans le cadre de ses services professionnels, le
journaliste doit refuser de toucher de l’argent ou tout
avantage en nature des mains des bénéficiaires ou des
personnes concernées par ses services, quelle qu’en soit
la valeur et pour quelque cause que ce soit. Il ne cède à
aucune pression et n’accepte de directive rédactionnelle
que des responsables de la rédaction.
Le journaliste s’interdit tout chantage par la publication
ou la non publication d’une information contre
rémunération.
—
Le secret professionnel :
Le journaliste garde le secret professionnel et ne divulgue
pas la source des informations obtenues confidentiellement.
—
La séparation du commentaire des faits :
Le journaliste est libre de prendre position sur n’importe
quelle question. Il a l’obligation de séparer le commentaire
des faits. Dans le commentaire, il doit tenir le scrupule et
le souci de l’équilibre pour règles premières dans la
publication de ses informations.
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
—
La séparation de l’information de la publicité :
L’information et la publicité doivent être séparées
—
L’incitation à la haine :
Le journaliste se refuse à toute publication incitant à la
haine tribale, raciale, ethnique, particulariste et religieuse.
Il doit proscrire toute forme de discrimination. Il s’interdit
l’apologie du crime.
—
Le sensationnel :
Le journaliste s’interdit le sensationnalisme dans le
traitement et la présentation de l’information.
—
L’identité de l’information :
Le journaliste est responsable de ses publications, du choix
des photographies, des extraits sonores, des images et de
son commentaire, et ceci en accord avec ses supérieurs
hiérarchiques..
Il avertit s’il s’agit d’images d’archives, d’un “faux
direct” ou d’un “direct”, d’éléments d’information ou de
publicité.
—
L’honneur professionnel :
Le journaliste évite d’utiliser des méthodes déloyales pour
obtenir des informations, des photographies et des
illustrations.
—
La protection des mineurs :
Le journaliste respecte et protège les droits des mineurs
en s’abstenant de publier leurs photographies et de révéler
leur identité.
—
La violence et obscénités :
Le journaliste doit s’abstenir, autant que possible, de publier
des scènes de violence, des images macabres ou obscènes.
26
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
—
La confraternité :
Le journaliste doit cultiver l’esprit de confraternité. Il
s’interdit d’utiliser les colonnes des journaux ou les
antennes, à des fins de règlement de compte avec ses
confrères. Le journaliste ne sollicite pas la place d’un
confrère, ni ne provoque son licenciement en offrant de
travailler à des conditions inférieures.
—
Incompatibilité des fonctions de journaliste et d’attaché
de presse
Les fonctions d’attaché de presse, de chargé de relations
publiques et autres fonctions assimilées sont incompatibles
avec l’exercice cumulé de la profession de journaliste.
—
Le devoir de compétence :
Avant de produire un article ou une émission, le journaliste
doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ses
connaissances. Le journaliste n’aborde ses sujets qu’après
avoir fait un minimum d’effort de recherche ou d’enquête.
Le journaliste doit constamment améliorer ses talents et
ses pratiques professionnelles en se cultivant et en
participant aux activités de formation permanente
organisées par les diverses associations professionnelles
—
Mesures disciplinaires :
Tout manquement aux dispositions du présent code de
déontologie expose son auteur à des sanctions disciplinaires
qui pourront lui être infligées par les instances
d’autorégulation des médias et les associations
professionnelles. Le journaliste accepte le jugement de ses
pairs, ainsi que les décisions issues des délibérations des
instances ci-dessus mentionnées. Le journaliste s’oblige à
connaître la législation en matière de presse.
Les droits du journaliste
En ce qui concerne les droits, le code de déontologie dispose que tout
27
La loi et les médias en Mauritanie
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journaliste doit, dans l’exercice de sa profession, revendiquer les droits
suivants :
—
Le libre accès aux sources :
Le journaliste, dans l’exercice de sa profession, a accès à
toutes les sources d’information et a le droit d’enquêter
librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique
—
Le refus de subordination :
Le journaliste a le droit de refuser toute subordination
contraire à la ligne éditoriale de son organe de presse.
—
La clause de conscience :
Le journaliste, dans l’exercice de sa profession, peut
invoquer la clause de conscience.
Il peut refuser d’écrire ou de lire des commentaires
ou éditoriaux politiques contraires aux règles de déontologie
de la profession ou d’être le censeur des articles, oeuvres
radiophoniques et télévisuelles de ses pairs, sur des bases
autres que professionnelles. En cas de conflit lié à la clause
de conscience, le journaliste peut se libérer de ses
engagements contractuels à l’égard de son entreprise, dans
les mêmes conditions et avec les mêmes droits qu’un
licenciement.
—
La protection du Journaliste :
Le journaliste a droit, sur toute l’étendue du territoire
national, et ce sans condition ni restriction, à la sécurité de
sa personne, de son matériel de travail, à la protection légale
et au respect de sa dignité.
—
L’obligation de consultation :
L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée
de toute décision importante de nature à affecter la vie de
l’entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision
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La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
définitive, sur toute mesure intéressant la composition de
la rédaction : embauche, licenciement, mutation et
promotion de journalistes. Elle doit être consultée avant
tout changement de propriétaire.
—
Le contrat et rémunération :
En considération de sa fonction et de ses responsabilités,
le journaliste ne doit pas accepter des conditions en deçà
de celles prévues par les conventions collectives. Il doit
aussi revendiquer un contrat individuel de travail assurant
sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération
correspondant au rôle social qui est le sien et qui garantit
son indépendance économique.
Octroi de la carte de presse
Enfin, le Décret 2008-027 fixant les conditions d’octroi de la carte de
presse a été pris le 19 février 2006 en application de l’ordonnance
017/ 2006.
Cette loi donne la définition du journaliste professionnel éligible
à l’obtention de la carte de presse.
Elle dispose donc qu’est considéré journaliste professionnel celui
qui, titulaire d’un diplôme de journalisme ou d’un diplôme d’études
supérieures avec deux années d’expérience professionnelle au moins
dans un organe médiatique public ou privé, écrit ou audiovisuel, ou de
formation moyenne avec cinq années d’expérience au moins dans un
organe médiatique public ou privé écrit ou audiovisuel, a pour activité
principale rétribuée la collecte, le traitement et la diffusion
d’informations.
Sont exclus de la dénomination “Journalistes professionnels” les
agents de publicité et les collaborateurs occasionnels. La profession
de journaliste sera organisée par décret, notamment en ce qui concerne
les modalités et les critères d’attribution de la carte de presse. Une
convention collective du travail régit les rapports ente employeurs et
employés des organes médiatiques.
29
La loi et les médias en Mauritanie
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Tout postulant à la carte de presse doit déposer à la Direction de la
Presse Ecrite au Ministère chargé de la Communication, un dossier
de demande comportant les pièces suivantes :
—
Une demande manuscrite ;
—
Une copie légalisée de la carte d’identité nationale ;
—
4 Photos d’identité,
—
Un curriculum vitae.
—
Une copie légalisée du diplôme requis à l’article 2 du
présent décret ;
—
Une attestation de travail indiquant la spécialité du
journaliste, établie et signée par le directeur de l’organe de
presse dans lequel le postulant exerce son activité;
—
Des attestations de travail justifiant l’expérience
professionnelle telle que définie dans l’article 2 ci-dessus ;
—
Une copie des deux derniers bulletins de paie ;
—
Une copie du contrat de travail en cours de validité ;
—
Un extrait du casier judiciaire datant d’au moins trois
mois ;
—
Une déclaration sur l’honneur certifiant que le journalisme
est la profession principale et rétribuée du postulant.
La carte de presse est renouvelée pour une durée de deux ans
sur décision de la Commission de la Carte de Presse.
Le dossier de renouvellement comporte :
—
une demande manuscrite,
—
4 photos d’identité récentes ;
—
un extrait du casier judiciaire datant de moins de trois
mois ;
30
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
—
un contrat de travail en cours de validité ;
—
une attestation délivrée par l’employeur ;
—
le dernier bulletin de salaire ;
A l’article 7, le décret dispose que la carte de presse doit
comporter les indications de la devise nationale, couleurs nationales,
nom et prénoms du titulaire, sa spécialité, sa photographie, sa signature,
son numéro d’identification, sa durée de validité, le nom de l’organe
de presse dans lequel il exerce sa profession ainsi que la mention : «
Les autorités compétentes sont priées de faciliter le travail du titulaire
de la présente carte ».
Le correspondant de presse régulièrement accrédité auprès du
Ministère chargé de la Communication reçoit une carte de presse
portant la mention E (étrangère) dont la validité ne dépasse pas un an.
Elle est renouvelée chaque fois que la lettre d’accréditation est aussi
renouvelée.
La carte de presse est signée par le ministre de la Communication.
La carte de presse peut être retirée, par décision du Ministre
chargé de la Communication sur proposition motivée de la Commission
de la Carte de Presse après avis de la HAPA pour l’une des raisons
suivantes :
—
le non respect des lois et règlements en vigueur et des
règles d’éthique et de déontologie professionnelle,
—
la production de faux documents lors du dépôt de son
dossier pour l’obtention de la carte de presse,
—
l’abandon de la pratique du métier de journaliste
DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES AU
DROIT DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET AUX MÉDIAS
Les Mauritaniens ont vécu de 1961 à 1978 sous la dictature de parti
unique. Le parti du Peuple Mauritanien (PPM) avait régné sans partage
31
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
jusqu’ au coup d’Etat du 10 juillet 1978. Depuis cette date, les militaires
ont gouverné le pays avec leurs propres chartes, soucieuses de garantir
la sécurité des pouvoirs. Il eut une constitution qui a été amendée
après le coup d’Etat du 3 août 2005.
En conséquence, les dispositions constitutionnelles relatives à la
liberté de la presse et aux médias ont été très rares dans la première
constitution et les chartes militaires ayant régi la vie nationale de
l’indépendance en 1961 à 2009.
Il y a deux raisons essentielles à cela :
—
Constitution du 20 mai 1961 est d’une époque qui précède
de beaucoup la prise en compte par les pouvoirs publics en
Afrique de l’Ouest de certaines valeurs telles que les
libertés relatives à la presse et aux médias. Cependant, la
seule valeur universelle à laquelle fait référence ce texte
fondamental, dans son article 2, était que la Mauritanie
garantit à tout un chacun la liberté de conscience. Ce qui
est d’ailleurs paradoxal à cette époque-là et même à
présent car l’existence de la liberté de conscience fait
l’objet de polémiques entre intellectuels, même si la
Constitution en vigueur y fait référence.
—
Au cours de la période du 10 juillet 1978 au 18 juillet 2009,
la politique du pays était régie par des régimes militaires
qui gouvernaient à l’aide de chartes. Cela veut dire que le
pays a vécu une dictature sur plus de 30 ans. Alors, il en
résulte que le terrain n’était pas favorable à la promotion
de la liberté d’expression, de façon générale.
En conséquence, aucune disposition relative à la liberté de la
presse ou des médias n’a figuré dans les chartes militaires du 10
juillet 1978, du 6 avril 1979 ou du 12 décembre 1980.
C’est en 1991, à la faveur de la “démocratisation” du pays sous
le régime de l’ex-chef d’Etat, le colonel Maouiya, que la constitution
du 20 juillet 1991, d’ailleurs très inspirée de la Constitution française
32
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
de 1958 , a fait référence aux principes de la démocratie et des libertés
d’expression.
Dans le préambule de ce texte fondamental, le législateur a
mentionné : considérant que la liberté, l’égalité et la dignité de l’Homme
ne peuvent être assurées que dans une société qui consacre la primauté
du droit, soucieuse de créer les conditions durables d’une évolution
sociale harmonieuse, respectueuse des préceptes de l’Islam, seule
source de droit et ouverte aux exigences du monde moderne, le peuple
mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits
et principes suivants :
—
Le droit à l’égalité;
—
Les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine;
—
Le droit de propriété;
—
Les libertés politiques et les libertés syndicales;
—
Les droits économiques et sociaux;
La garantie des libertés publiques et individuelles a été donc
consacrée par le texte fondamental de 1991.
—
Le liberté d’opinion et de pensée;
—
La liberté d’expression;
—
La liberté de réunion;
—
La liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute
organisation politique ou syndicale de leur choix;
—
La liberté du commerce et de l’industrie;
—
La liberté de création intellectuelle, artistique et scientifique;
Dès lors, la liberté ne peut être limitée que par la loi.
C’est donc en application de ces dispositions constitutionnelles
que toutes les lois actuelles sur la liberté de la presse ont été
33
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
promulguées et les décrets pris. Toutefois, toutes ces libertés n’ont en
rien ou presque profité à l’épanouissement d’une presse libre,
indépendante et consciente de son rôle dans un pays qui cherche à
asseoir une démocratie.
Quand cette constitution fut amendée par référendum le 25 juin
2006, les mêmes dispositions relatives à la liberté de la presse n’ont
pas été réaménagées par le Conseil Militaires pour la Démocratie et
la Justice qui avait soumis la constitution au référendum. Sans doute
que c’est pour cette raison que la Charte du Conseil Militaire pour la
Justice et la Démocratie (CMJD), issu du coup d’Etat du 3 août 2005
avait disposé, en ce qui concerne la liberté de la presse, que les
dispositions de la Constitution du 20 juillet 1991, y compris son
préambule, relatives aux libertés individuelles et collectives sont
maintenues.
Il importe, néanmoins de mentionner que l’article 8 de la Charte
Constitutionnelle du Haut Conseil d’Etat (HCE) dispose, à son second
alinéa : « Lorsque pour des raisons quelconques, le fonctionnement
du Parlement est entravé, le Haut Conseil d’Etat édicte, par
ordonnance, les mesures de force législative nécessaires à la garantie
de la continuité des pouvoirs publics et à la garantie de la liberté et de
la transparence des élections présidentielles prévues. Les ordonnances
prises en application du présent article ne peuvent, en aucun cas,
porter atteinte aux libertés publiques et individuelles reconnues par la
constitution et les lois de la République.
Eu égard à cette disposition force est de constater que la Charte
constitutionnelle du Haut Conseil d’Etat (HCE) est plus protectrice
des libertés publiques que les précédentes chartes militaires.
Au terme de cette constitution, les libertés d’expressions dont
devenues effectives.
Les partis et groupements politiques concourent à la formation
et à l’expression de la volonté politique. Ils se forment et exercent
leurs activités librement sous la condition de respecter les principes
démocratiques et de ne pas porter atteinte par leur objet ou par leur
action à la souveraineté nationale, à l’intégrité territoriale à l’unité de
la Nation et de la République.
34
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
La loi fixe les conditions de création, de fonctionnement et de
dissolution des partis politiques.
La libre expression et le droit de grève sont consacrés par deux
dispositions :
—
Les partis et groupements politiques concourent à la
formation et à l’expression de la volonté politique. Ils se
forment et exercent leurs activités librement sous la
condition de respecter les principes démocratiques et de
ne pas porter atteinte, par leur objet ou par leur action à la
souveraineté nationale, à l’intégrité territoriale et à l’unité
de la Nation et de la République.
La loi fixe les conditions de création, de fonctionnement et de
dissolution des partis politiques.
—
Le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre
des lois qui le réglementent.
La grève peut être interdite par la loi, pour tous les services ou
activités publics d’intérêt vital pour la Nation. Il s’agit des secteurs de
la défense et de la sécurité nationales.
VIOLATIONS DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PRESSE
EN MAURITANIE DE L’INDÉPENDANCE À JUILLET 2009
L’histoire de la presse indépendante en Mauritanie est relativement
récente, elle date de 1988.
Depuis l’indépendance du pays, il eut d’abord, la création en
1961 du premier journal du pays, “Mauritanie Nouvelles”. C’était donc
le premier organe de presse officiel du nouvel Etat. Ce journal est
l’ancêtre des quotidiens Horizons et Chaab qui sont publiés par le
Ministère de l’Information, donc des “médias publics’’ depuis 2006.
35
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
Une radio et une télévision d’Etat sont contrôlées par les pouvoirs et
mises au service de leur propagande.
Les débuts de la presse privée
Le premier journal indépendant est créé en 1988, il s’agit de MauritanieDemain dont l’ex- Directeur de publication est actuellement membre
de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA). Ce
journal avait été autorisé par les pouvoirs publics sur la base qu’il était
un journal culturel. C’est dire que son autorisation n’inaugurait pas
une réelle volonté des pouvoirs publics d’alors de tendre vers le respect
de la liberté d’expression ; surtout qu’à cette époque il n’y avait aucune
législation nationale dans la matière. C’est bien pour cela que, quand
le premier numéro et le deuxième de ce journal avaient traité,
respectivement, de la démocratie et des Droits de l’Homme, les
autorités enclenchèrent un processus de noyautage contre lui en
encourageant la création de “journaux” à leur solde pour servir leur
propagande.
Pour bien s’attaquer à ce premier et unique journal privé du
pays, les pouvoirs publics avaient, au cours de la même année,
commencé à lui mettre les bâtons dans les roues, au niveau de l’unique
imprimerie nationale. La difficulté consistait à faire monter les prix de
l’impression de façon continuelle, en plus d’autres obstacles. Dans le
même moment, le journal avait publié, pour la première fois en
Mauritanie, un article sur la torture, quand cette horrible pratique était
de règle. Ce fut la goutte qui déborda le vase : Mauritanie-Demain
était dans la visée des pouvoirs politiques du pays. Le directeur de la
rédaction était constamment sous pression des autorités politiques.
La police politique multiplie les harcèlements du directeur de la
publication de ce journal.
La première loi “libérant” la presse est promulguée
En 1991, en faveur d’une nouvelle ère de démocratisation en
Mauritanie, une ordonnance relative à la liberté de la presse a été
promulguée au mois de juillet. Cette ordonnance promulguée pour
36
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
protéger la liberté de la presse en Mauritanie a été un outil de répression
aux mains des services du ministère de l’Intérieur, pendant plusieurs
années, pour faire disparaître plusieurs publications indépendantes.
La police politique a arrêté certains journalistes et commis des violences
à l’endroit d’autres.
En avril 1989, il eut les tragiques évènements, entre la Mauritanie
et le Sénégal. Au cours de ces évènements, il eut des violations des
droits de l’Homme répétées sur fond de pilage et de déportations.
Les victimes ont été des négro-africains.
Par rapport donc à aux violations des droits de l’Homme commis
en 1989, le journal Mauritanie Demain fit des enquêtes sur ce sujet et
donna la parole aux rescapés desdits évènements. Toutefois, cette
édition-là fut saisie par le Ministère de l’Intérieur au lendemain de la
publication de l’ordonnance 91/ du 23-7-1991 sur la liberté de la presse.
Cette saisie fut la première alerte donnée sous cette nouvelle loi.
Celle loi censée promouvoir et protéger la liberté d’expression
contient des clauses oppressives. Il s’agit de l’article 11. Celui-ci
stipule :
« La circulation, la dissolution, ou la mise en vente en République
Islamique de Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques ou
non, d’inspiration ou de provenance étrangère ou de nature à
porter atteinte aux principes de l’islam ou crédit de l’Etat, à
nuire à l’intérêt général à compromettre l’ordre et la sécurité
publics, quelle que soit la langue dans laquelle ils seraient rédigés,
peut être interdite par arrêté du Ministre de l’Intérieur.
Lorsqu’elles sont faites sciemment, la mise en vente, la distribution
ou la production des journaux ou écrits interdits, sont punies d’un
emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 60.000
à 600.000 ouguiyas. Il en est de même de la reprise de la
publication d’un journal ou d’un écrit de provenance étrangère,
interdits sous un titre différent. Toutefois, en ce cas, l’amende
est portée de 120.000 à 1.200.000 ouguiyas.
Il est procédé à la saisie administrative des exemplaires et
des reproductions des journaux et écrits interdits et de ceux qui
37
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
en reprennent la publication sous un titre différent ».
Suite à une série de saisies et d’interdictions, Mauritanie Demain
a fini par disparaître des kiosques. Il laisse la place à un autre
hebdomadaire privé, EL Bayane.
De 1991 à 1993, les restrictions à la liberté de la presse avaient
beaucoup diminué. Il eut un bout de temps où il n’y avait ni interdiction,
ni saisie
Mise au pas de la presse privée
Au mois de juillet 1994, un autre hebdomadaire, le Calame qui continue
à paraître jusqu’à présent, est créé. Celui-ci a été censuré en 1994
par le Ministère de l’Intérieur au motif avoué qu’il avait publié un
article sur le roi Juan Carlos d’Espagne. Cependant, le vrai motif est
lié à une enquête sur le rôle joué par le ministre de l‘Intérieur durant
les évènements de 1989, quand il était wali du Trarza, région
administrative frontalière avec le Sénégal, où il y eut trop de déportations
et de pillage de biens appartenant à des Négro-africains.
Dès le 2ème semestre de 1994, les pouvoirs publics ont adopté
une stratégie de mise au pas de la presse se basant sur la multiplication
de censure, de saisie et d’interdictions, notamment.
Dans leur acharnement contre les organes de la presse privée,
les pouvoirs publics se montraient de plus en plus déterminés.
L’hebdomadaire Le Calame a été censuré 33 fois et interdit par 2
fois. La première interdiction est d’une durée de 3 mois ; la seconde
étant de 1 mois. Akhbar El Esbou, autre édition arabophone a été
carrément interdite de façon définitive, sans que la moindre explication
soit donnée au responsable de la publication.
Imposition d’un système d’autorisation
Encore, en 1997, le journal Le Calame a été censuré plus de 30 fois.
Il a été interdit par deux fois de trois mois, chacune.
Le Ministère de l’Intérieur était le lieu où il y avait un système
38
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
de censure tout à fait arbitraire puisque laissé à l’appréciation des
fonctionnaires du département, abusant largement de leurs pouvoirs,
pour entraver les libertés publiques.
En théorie, le dépôt légal consistait, sous l’ordonnance de 1991,
à déposer deux journaux au Ministère de l’Intérieur, et deux au
Ministère de la Justice. Six heures d’horloge après ce dépôt, si
l’Administration ne notifie pas un avis de saisie au directeur de la
publication. Le journal est récupéré, contre la présentation d’un
récépissé délivré par le Ministère de l’Intérieur, à partir de l’imprimerie,
en vue de sa distribution
Mais, en pratique, il en est autrement. La remise du récépissé
n’est plus immédiate après le dépôt légal. Cela dépend de l’humeur
du fonctionnaire concerné au niveau du département ministériel. C’est
dire que, parfois, le produit fait 3 jours à l’imprimerie. Par une telle
pratique, l’autorité a institué le système de l’autorisation, non prévue
par la loi sur la presse.
De grands abus contre la liberté d’informer
Au titre de l’année 1999, Le Calame fut suspendu pour trois mois.
Puis, deux mois à peine, les éditions arabe et française du journal Le
Calame ont été suspendues pour une durée indéterminée. Ensuite,
ces abus avaient atteint le correspondant de la British Broadcast
Corporation (BBC) à Nouakchott et le quotidien arabophone El Hayat,
publié à Londres. Le correspondant s’est vu retiré son accréditation
par le Ministère de l’Information. Cet acte fut suivi de très peu de
l’arrestation du directeur du journal “Rajoul Echare” (homme de la
rue) ; puis de la censure de la 13ème édition du journal “La Nouvelle
Expression” et du journal indépendant La Dépêche.
Avant la fin de l’année 1999, les pouvoirs publics de Nouakchott
avaient multiplié les attaques en direction des libertés publiques, en
général puisque, des attaques contre la presse, ils passent à celles
menées contre les partis politiques : ce fut l’interdiction du parti politique
Attalia. Plus de deux quotidiens furent interdits en vertu de l’article
11 de l’ordonnance 91-23 sur la liberté de la presse. Parmi les motifs
39
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
à cette interdiction, les autorités citent un article consacré au Sahara
occidental, occupé par le royaume du Maroc. Sur sa position officielle
par rapport à l’affaire du Sahara occidental, le régime en place voulait
aligner la presse nationale.
Au mois de décembre, Le Calame subit une énième censure au
motif, selon sa publication, d’avoir publié des informations concernant
l’aide accordée par le gouvernement israélien au régime mauritanien,
dans le cadre des accords portant sur l’enfouissement, dans le vaste
désert mauritanien, de déchets nucléaires. L’affaire avait fait tapage
à l’époque puisque la Mauritanie a toujours nié un tel enfouissement
de déchets sur son territoire.
Au cours de l’année 1999, Le Calame fut censuré plus de 23
fois et suspendu pour une durée de 3 mois.
En somme, du mois de décembre 1997 à la fin 1999, la presse
indépendante a fait l’objet de plus de 30 suspensions, d’interdictions
ou de censures.
Elargissement du champ des sanctions contre la presse
privée
Cette année ne fut guère meilleure pour la presse indépendante
mauritanienne. Beaucoup de titres avaient cessé de paraître, tellement
la censure était systématique et les moyens financiers manquaient.
C’est la conséquence des interdictions et des censures répétées. A
cette époque, des journalistes tentaient, tant bien que mal, de par les
problèmes dont souffre le plus la profession. L’une des principales
revendications est la mise en place d’”une convention collective
garantissant aux journalistes des salaires, l’élaboration d’un code
d’éthique et de déontologie et surtout un allègement des coûts
d’impression.
Ont été interdits par les Pouvoirs publics en vertu de l’article 11,
l’hebdomadaire d’opposition L’Eveil Hebdo. A cela s’ajoute une
interdiction de parution pour un mois contre le Journal Errouya Al
Watania.
Les autorités mauritaniennes ont invoqué l’article 11 de la loi sur
40
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
la presse pour saisir, le 3 juillet 2000, l’hebdomadaire privé La Tribune.
Celui-ci avait publié 3 articles que le Ministère de l’Intérieur trouvait
dangereux pour la ‘’sécurité nationale’’. D’abord, il s’agit en réalité
d’une interview d’un ancien colonel mauritanien de l’armée national,
exilé en France, d’abord. Ensuite, d’un autre article évoquant
l’expulsion de deux Français, dont un diplomate, le 1er juillet 2000. Et
enfin, l’éditorial de ce numéro, qui abordait la violence policière aux
zones frontalières, mettait en avant la “déliquescence de l’Etat”.
Selon le directeur du journal, cette saisie serait due à un éditorial
titré “Une fête pour quoi faire ?”, qui évoquait la commémoration du
coup d’Etat du 10 juillet 1978 et estimait que “le bilan des militaires
est négatif, sur tous les plans”. De même, un dossier très critique sur
les visites du chef de l’Etat à l’intérieur du pays aurait été très mal vu
par les censeurs.
Au cours du dernier trimestre de l’année, l’hebdomadaire privé
Le Carrefour et le journal arabophone “Al Alame’’ furent interdits
l’un après l’autre suite à la publication d’ articles concernant
l’arrestation de trois officiers de l’armée nationale, ainsi que la
couverture des mouvements de contestation en Mauritanie.
Et l’année fut bouclée avec la censure du numéro 140 de La
Tribune par le pouvoir de Nouakchott, et l’interdiction de diffusion, le
5 octobre 2000, des émissions de RFI sur la bande FM à Nouakchott.
La chute du dictateur en 2005
Jusqu’en 2003, le régime poursuivait sa politique de musellement de
la presse indépendante.
Toujours en 2003, l’Eveil-Hebdo, qui continue de paraître, a fait l’objet
d’une kyrielle de censures.
Au mois d’août 2005, l’ex-chef d’Etat Maouya Ould Sid Ahmed
Taya est chassé du pouvoir, lui qui avait promulgué la 1ère loi sur la
liberté de la presse. Un Conseil Militaire pour la Justice et la
Démocratie (CMJD) a pris le pouvoir.
Après une interruption de plus de cinq ans, le nouveau pouvoir
de Nouakchott, sous la pression, s’est empressé de lever l’interdiction
41
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
pesant depuis octobre 2000 sur la diffusion de Radio France
Internationale, en FM à Nouakchott.
Le Chef de l’Etat de la transition a promis la mise en place d’une
Commission Nationale Consultative Chargée de la Réforme de la
Presse et de l’Audiovisuel.
Cette Commission va faire prendre l’ordonnance 017-2006 sur
la liberté de la presse, supprimant du coup le triste article 11 de
l’ordonnance de 1991 parvenant ainsi à forger un cadre légal adéquat
à la libre expression et au pluralisme de la pensée et de l’écrit.
L’ordonnance de 2006 relative à la liberté de la presse
L’ordonnance sur la liberté de la presse de 1991 fut abrogée le 17
juillet 2006 par l’ordonnance 017-2006 du 17-7-2006 relatives à la
liberté de la presse en Mauritanie. Du coup, la Mauritanie a aboli la
censure qui muselait la presse privée depuis sa création en 1988.
Elargissement de la liberté de la presse
L’ordonnance prévoit entre autres que tout ce qui a trait à la presse
soit désormais sous la tutelle du ministère de la Justice, et non plus de
celui de l’Intérieur comme sous l’ordonnance de 1991 sur la liberté de
la presse. L’ordonnance permet au journaliste de ne plus citer ses
sources et « consacre le régime déclaratif au lieu du système de
récépissé qui était en vigueur, ce qui est de nature à éviter les obstacles
qui entravaient la liberté du journaliste. Par ailleurs, le principe de la
création d’une Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel a été
retenu.
L’évènement a été salué par la presse privée et les défenseurs
des libertés d’expression de par le monde.
Judiciarisation du contrôle de la presse privée
Désormais, il n’y a plus de régime de l’autorisation mais de régulation.
La tutelle est confiée par la loi au Ministère de la Justice. Il en résulte
que le Ministère de l’Intérieur n’est plus concerné ; par contre, c’est
42
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
le Ministère de la Justice qui a pris le relais par l’intermédiaire du
Parquet de la République où le dépôt se fait désormais. C’est la
dépolitisation du contrôle de la presse privée.
Depuis la promulgation de cette ordonnance sur la liberté de la
presse, en juillet 1991, il a été recensé plus de 100 censures prononcées
par les autorités mauritaniennes à l’encontre de la presse indépendante,
en vertu de son article 11, dont les principales victimes sont
l’hebdomadaire aujourd’hui disparu Mauritanie Nouvelles, Le Calame,
La Tribune parmi tant d’autres.
Le ministère de l’Intérieur avait en place un système de censure
selon lequel il fallait remettre un exemplaire de chaque journal au
Ministère de l’Intérieur et au procureur de la République pour que,
sous 48 heures, ils délivrent ou non un récépissé autorisant la publication
du produit.
Conclusion
La presse privée mauritanienne a fait un saut en avant depuis la
promulgation de l’ordonnance 017/2006. En 21 ans de lutte contre les
régimes militaires et les dictatures civiles, le nombre de parutions passe
d’un organe à plus de 35 qui paraissent régulièrement. Selon plusieurs
observateurs, la Mauritanie est, depuis 2006, un bel exemple en matière
de liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, même si les autorités
n’ont pas encore libéralisé l’audiovisuel et des ondes.
Présentement, ce n’est plus un cadre juridique approprié qui fait
défaut à cette presse privée. Elle souffre de biens d’autres maux.
D’abord, il est nécessaire que les mentalités changent car les
Mauritaniens ont des spécificités socioculturelles qui constituent par
elles-mêmes des facteurs d’arriération à l’évolution positive de la
liberté d’expression.
Ensuite, à partir des années 1990, il a créé un ministère de la
Communication, chargé bizarrement des Relations avec le Parlement.
Il n’a pas de pouvoirs réels sur les médias publics. La Télévision
nationale, la Radio et l’Agence Mauritanienne d’Information (A.M.I.)
sont du ressort de la Présidence de la République qui nomme leurs
43
La loi et les médias en Mauritanie
MFWA
directeurs généraux, d’où le contrôle de leur ligne éditoriale et
rédactionnelle dont le premier souci est la propagande du régime en
place.
Il est tout à fait important de noter que, même si pratiquement, à
nos jours, il n’existe plus de restriction à la liberté d’expression en
Mauritanie, cela reste sans grand effet parce que ceux qui ont choisi
ce métier n’ont pas les moyens financiers et matériels de profiter de
ce cadre juridique adéquat au développement de la profession.
Autrement dit, ils sont obligés, pour continuer à paraître, de verser
dans une certaine forme de “mendicité”. Aussi, peut-on se demander
si, dans de pareilles conditions matérielles, il peut y avoir une presse
indépendante et comment. L’aide à la presse prévue par l’ordonnance
de 2006 sur la liberté de la presse tarde à venir du côté de la HAPA.
Pour survivre, les journalistes s’adonnent aux dénigrements,
souvent infondés, et la critique d’où leurs nombreuses citations en
justice pour diffamations et injures aux particuliers et mêmes aux
autorités. Le tout sur fond de marque de professionnalisme ; la plupart
des journalistes sont mus par la recherche du gain et non pas le devoir
d’informer.
Les syndicats de journalistes, peu nombreux, n’arrivent pas à
marcher la main dans la main pour défendre les intérêts de la profession.
La presse privée a besoin d’être assainie. En Mauritanie, n’importe
qui peut être journaliste, aucun critère n’est exigé : militaires libérés,
commerçants en faillite, fonctionnaires, surtout les enseignants en
exercice.
Références
La Constitution de la Mauritanie de 1961.
La charte du Comité Militaire de Redressement National du 10 juillet 1978.
La charte du Comité Militaire de Salut National du 6 avril 1979.
La charte constitutionnelle du Comité Militaire du 12 décembre 1980.
La Constitution du 20 juillet 1991.
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