la loi et les médias en mauritanie
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LA LOI ET LES MÉDIAS EN MAURITANIE Par Sidi-Brahim La Loi Et Les Medias En Mauritanie Copyright © 2009, Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest ISBN 978–9988–1–2795–4 Tous droits réservés. Toute représentation, publication, adaptation ou reproduction, même partielle,par, tous procédés (stockage dans un système de recherche documentaire, transmission sous toutes formes par tout moyen, électronique ou mécanique, photocopie et enregistrement) faite sans l’autorisation préalable du titulaire des droits d’auteur, est illicite. Composition par GertMash Desktop Services, Tel. +233–21–251386 Conception de la Couverture et Impression : QualiType Limited, Accra, Ghana. 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Chercher la justice à travers l’introduction des poursuites judiciaires au profit des journalistes, des médias et des citoyens poursuivis par les Etats et d’autres acteurs pour avoir fait valoir leur droit à la libre expression ; 4. Promouvoir les normes professionnelles des médias en vue de renforcer leurs capacités à soutenir la gouvernance et la culture démocratiques ; 5. Renforcer les connaissances et la sensibilisation parmi les citoyens quant à leurs droits à libre expression ; et renforcer l’environnement des médias grâce à la recherche et à la publication des données, à l’information ainsi qu’à l’analyse des développements, des tendances et des questions relatifs aux politiques, à la législation et à toute autre question pouvant toucher les médias et la libre expression ; 6. Soutenir le développement ou le fonctionnement des institutions et/ou des projets qui cherchent à promouvoir le développement et la durabilité des médias. Pour plus d’informations, Veuillez vous adresser à: Media Foundation for West Africa P O Box LG730, Legon Accra, Ghana Tel: 233–21–242470 Fax: 233–21–221084 E-mail: [email protected] Web site: http://www.mfwaonline.org Directeur Exécutif: Prof. Kwame Karikari INTRODUCTION La loi et les médias en Mauritanie MFWA P ays du tiers-monde, la Mauritanie a tardé à avoir une presse privée. De l’indépendance en 1961 jusqu’en 1988, il n’y avait pas de presse privée, la liberté d’expression était confisquée. Auparavant, la dictature du parti unique, à la mode dans le tiers-monde des années d’avant le discours de La Baule, en France, se suffisait de ses propres médias officiels pour faire sa propre propagande. La première constitution et les différentes chartes militaires avec lesquelles les militaires ont dirigé le pays jusqu’en 1991 ne font aucune référence aux libertés d’expression, contrairement à la constitution de 1991 qui a été le fondement de tous les instruments juridiques pris en faveur des libertés d’expression en Mauritanie ; même si de part et d’autres des violations existaient ici et là. Pourtant, dès 1988, le premier journal privé mauritanien a été créé à Nouakchott. En 1991, la constitution de 1991 consacre les libertés d’expression. Plusieurs hebdomadaires voient le jour mais la nouvelle loi ne fut qu’un instrument de restriction des libertés de la presse aux mains des pouvoirs publics. La presse privée nationale s’en trouve confrontée à d’énorme difficultés. Au changement de régime intervenu le 3 août 2005, une nouvelle ordonnance sur la liberté de la presse a été promulguée par le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), au pouvoir. Celle– ci abroge les articles liberticides élargissant, du coup, le champ des libertés de la presse. Notre travail va s’articuler autour de trois parties : Toutes les législations sur les médias et la liberté des médias en Mauritanie (1ère Partie) ; Les dispositions constitutionnelles relatives au droit à la libre expression et aux médias (2ème Partie) ; Les attaques ou les abus perpétrés contre ces droits et libertés ainsi que les violations survenues pendant la période définie (3ème Partie). 1 La loi et les médias en Mauritanie MFWA PRÉSENTATION DE LA MAURITANIE Superficie : 1 030 700 km² Population : 2,5 millions habitants (recensement 2000) Capitale : Nouakchott Monnaie : ouguiya Langue officielle : arabe Langues nationales : hassania, pular, soninké, wolof Langue de travail dans certaines administrations : le français Pays limitrophes : Algérie, Maroc (et Sahara Occidental), Sénégal, Mali 2 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Sur 192 pays, la Mauritanie est au 159ème rang pour l’espérance de vie, au 165ème pour la mortalité infantile, au 155ème pour le P.N.B. par habitant, au 91ème pour l’apport journalier en calories, au 178ème pour l’alphabétisation, au 154ème pour le taux de scolarisation. L’ensemble du pays est de type désertique. La Mauritanie, dont la capitale politique est Nouakchott, est créée dans ses frontières actuelles par le traité de Paris du 29 juin 1890. C’est un pays d’Afrique de l’Ouest. Elle est située sur la côte atlantique et se situe entre 15 et 27 degrés de latitude Nord et 5 et 17 degrés de longitude Ouest. Elle possède une côte de 600 km donnant sur l’océan Atlantique s’étendant de Saint Louis du Sénégal à la ville de Nouadhibou, au Nord. Le pays est limité, au Nord, par le Sahara occidental, l’Algérie, le Mali à l’Est et le Sénégal, au Sud. Le pays est peuplé de Maures (Arabo-Berbères), de Noirs ou Haratine (anciens esclaves), de Peuls, de Wolof et de Soninké. Pays multiethnique et multiculturel, la Mauritanie est un trait d’union entre l’Afrique Noire et l’Afrique Blanche. De par sa position géographique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, elle constitue, en effet, depuis des siècles, une zone de brassage de civilisations et de cultures arabo-africaines. Sur le plan sociodémographique, la population du pays est passée de 1,8 million d’habitants en 1988 à 2,5 millions en 2000. Il s’agit d’une population jeune, où la part des moins de 15 ans demeure importante (43,9% en 2000) et avec seulement 6% de plus de 60 ans. La répartition de la population selon le sexe est demeurée stable entre les deux derniers recensements (1988 et 2000), avec une part de 50,5% de femmes. Le taux de croissance annuel de la population est de 2,9%. L’espérance de vie à la naissance est de 51,3 ans et le taux de fécondité est de 6,32. Le taux de mortalité brut est assez bas (3 pour mille chez les femmes, contre 2,8 pour mille chez les hommes). La proportion des ruraux nomades dans la population totale est passée de 72% en 1970 à 32,9% en 1977 pour retomber à 11,4% en 1998 L’Islam pratiqué en Mauritanie est un islam sunnite, de rite malékite, qui exclut tout caractère dogmatique ou sectaire, en principe. 3 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Dans sa tolérance, cet islam cultive la solidarité, incite à l’unité, répugne la violence et la haine, combat l’arbitraire et l’oppression, en théorie. Néanmoins, il constitue le fondement de l’unité nationale. Organisation administrative et communale La République islamique de Mauritanie est divisée en 13 wilayas (régions) dont le District de Nouakchott. Chaque wilaya constitue une circonscription administrative déconcentrée. La wilaya est divisée en moughataa (départements) et les moughataa en arrondissements. Le pays compte 53 moughataa. La wilaya est placée sous l’autorité d’un wali (gouverneur) qui représente le pouvoir central ; la moughataa est placée sous l’autorité d’un hakem (préfet), et les arrondissements sont dirigés par des chefs d’arrondissements. C’est en 1986 que le Comité Militaire de Salut National, au pouvoir à l’époque, a mis en œuvre une réforme administrative et institutionnelle en vue de réorganiser l’administration et la décentralisation a été retenue comme choix stratégique en ce qu’elle permet d’associer les populations à la gestion de leurs affaires. Introduite en 1986 en tant que prélude à la démocratisation de la vie politique, la décentralisation a pu ainsi constituer, pour les populations éprouvées par l’Etat d’exception et le Parti unique, un cadre adéquat d’apprentissage de la démocratie. Actuellement, le pays compte 216 communes, dont 9 sont regroupées au sein de la Communauté urbaine dans la seule ville de Nouakchott. Aux termes de l’ordonnance N°87-289 du 20 octobre 1987, les communes exercent, théoriquement, d’importantes attributions, notamment dans les domaines de la voirie locale, l’alimentation en eau et l’hygiène, la culture et les sports. Enseignement En Mauritanie, le système éducatif actuel est le résultat d’une série de réformes qui ont poursuivi le but de son adaptation au contexte social et culturel du pays, multiethnique, multiculturel et multilingue. La première réforme, opérée en 1966, instaure le principe du 4 La loi et les médias en Mauritanie MFWA bilinguisme (l’arabe et le français), alors que la deuxième, réalisée en 1973, institue une arabisation progressive du système. Cette progression s’est poursuivie pour devenir presque totale en 2002. Cette arabisation poussée est consacrée par les mesures transitoires d’ajustement décidées en 1979. Ces mesures introduisent, à titre expérimental, l’enseignement des langues nationales. Hélas, cela n’a donné aucun progrès. Une nouvelle réforme du système éducatif, votée en 1999, maintient l’importance accordée à l’arabe et à la culture nationale, mais engage le système dans une perspective de modernisation et d’ouverture pour mettre l’école au service du développement économique et social du pays. Evolution politique Dès l’accession de la Mauritanie à la souveraineté internationale, la nécessité de créer de nouveaux textes constitutionnels fut la priorité des priorités des hommes politiques de l’époque. La Constitution du 20 mai 1961 instituera un régime présidentiel qui allait glisser inexorablement vers le système du Parti Unique, issu de l’union de plusieurs partis politiques. Le régime du Parti unique, succombant à l’usure du temps, aux difficultés de l’économie nationale fortement éprouvée par les multiples effets de la sécheresse au Sahel, et surtout par ceux de la guerre du Sahara Occidental, dans laquelle la Mauritanie était à l’époque engagée, prend fin le 10 juillet 1978. C’est pourtant cette guerre qui est le motif invoqué par les militaires pour mener leur premier coup d’Etat, le 10 juillet 1978 d’où le pays n’arrive pas à sortir. Le 18 juillet 2009, un général putschiste est élu président de la République. CONTEXTE DE L’ÉLARGISSEMENT DES LIBERTÉS DE LA PRESSE Après le coup d’Etat d’août 2005, le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), qui a renversé l’ex-président Maaouiya 5 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Ould Taya, a promis de rétablir la démocratie et, notamment, la liberté de la presse. Déjà en décembre 2006, cette promesse était tenue ; plusieurs lois sur la liberté de la presse ont été votées. Après la volonté du régime de l’ex-président Taya (depuis 1991) de créer un cadre légal garantissant la liberté de la presse par l’élaboration de l’ordonnance N°91-023 du 25 juillet 1991, c’est depuis le 3 août 2005, que la Mauritanie vit une nouvelle étape de son histoire, marquée par un changement qui veut consacrer un esprit de rupture avec la rétention et la confiscation de l’information. C’est pourquoi la Commission Nationale Consultative pour la Réforme de la Presse et de l’Audiovisuel a été créée dans le but de faire un diagnostic complet de la situation de la Presse et de l’Audiovisuel et de proposer des mesures tendant à promouvoir la liberté d’expression, dans un climat de maturité et de citoyenneté responsable tenant compte des réalités et des spécificités socioculturelles de la Mauritanie. Or, ces spécificités socioculturelles de la Mauritanie constituent par elles-mêmes un frein au développement de toutes formes de liberté d’expression. La tendance, aujourd’hui est à la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel adapté à la promotion de la presse, dans un Etat de droit. Mais, des facteurs externes et des facteurs internes font obstacle à toute réforme de la Presse et de l’Audiovisuel dans le pays. D’abord, par rapport aux facteurs externes, il existe un monopole de droit ou de fait que se réservent l’Etat sur tout ce qui touche à l’activité d’informer. Les pouvoirs publics ont des prérogatives qui sont souvent adoptées pour entraver la liberté d’expression et d’information, au nom de “l’intérêt national’’, la “sécurité intérieure’’, “l’unité nationale’’, le “respect des valeurs morales et religieuses’’, etc. Au fait, il s’agit de contrôle visant la restriction de la liberté de la presse, en particulier et des libertés publiques, en général. Ensuite, par rapport aux facteurs internes, il y a lieu de souligner le manque de professionnalisme des journalistes. Très souvent, les articles écrits se fondent sur la rumeur ; pour cette raison, les journalistes sont fréquemment emprisonnés ou déférés devant le Parquet de la République suite aux plaintes des membres du gouvernement ou de 6 La loi et les médias en Mauritanie MFWA particuliers. Il est essentiel de souligner ici que, mis à part 4 ou 5 publications, le produit mis sur le marché, d’ailleurs très étroit, est indigeste. Cet état de fait est la résultante d’un manque de professionnalisme et surtout de culture générale, support de toute communication. Dès lors, l’on remarque que rares sont les journaux engagés à cause de l’unique recherche du gain. Il s’ensuit la primauté donnée à la subjectivité, donc aux louanges ou dénigrements des uns ou la diffamation des autres ; les règles d’éthique générale ou de déontologie professionnelle étant mises à part. Relativement à l’environnement légal, c’est l’ordonnance du 23 juillet 1991 relative à la liberté de la presse, qui est l’acte juridique à avoir marqué le plus ce secteur au cours des dernières années. Le cadre législatif et réglementaire de la communication en Mauritanie n’a pas pu suivre l’évolution rapide de ce secteur. Il a été restreint au souci des pouvoirs publics de bien cerner les médias pour mieux les contrôler. C’est pourquoi, l’information, domaine jugé très sensible, voire ‘’dangereux’’, relève de la souveraineté de l’Etat au même titre que la Défense nationale, les Affaires étrangères, l’Intérieur et les Télécommunications. A partir des années 1990, il a créé un ministère de la Communication, chargé bizarrement des Relations avec le Parlement. Ses pouvoirs sur la Télévision nationale, la Radio et l’Agence Mauritanienne d’Information (A.M.I.) sont du ressort de la Présidence de la République qui nomme leurs directeurs généraux, d’où le contrôle de leur ligne éditoriale et rédactionnelle. Dans le cadre des relations entre les pouvoirs publics et la presse privée, la perception des dirigeants politiques vis-à-vis des médias a grandement déterminé les rapports qui ont existé entre ces deux entités en Mauritanie. Ces relations, marquées par la crainte et la méfiance, ont lourdement pesé sur l’évolution des médias dans le pays. C’est pourquoi, depuis l’indépendance de la Mauritanie, les dirigeants politiques contrôlent les organes d’information tels Radio-Mauritanie, Agence Mauritanienne d’information et la Télévision de Mauritanie. En fait, ce contrôle se traduit, jusqu’à une période récente, par le rattachement du secteur de l’information au Ministère de l’Intérieur, 7 La loi et les médias en Mauritanie MFWA pour la plupart du temps, ce qui réduit ces médias à des outils de propagande du Pouvoir Politique. Jusqu’en 1991, les membres du gouvernement ne s’adressaient qu’aux médias d’Etat. De même, au sein de l’Administration, la rétention de l’information est toujours érigée en règle. Ces rapports tendus par la méfiance, se tissent dans une situation d’insécurité totale entourant le travail des journalistes. Aussi, les journalistes sont agressés presque chaque semaine ; il n’est pas mis en place un mécanisme de protection du journaliste, dans l’exercice de ses activités. LES LÉGISLATIONS SUR LES MÉDIAS ET LES LIBERTÉS DES MÉDIAS EN MAURITANIE La Mauritanie a vécu de1961 à 1978 sous un régime civil de parti unique, même si la constitution de cette époque faisait, vaguement, référence aux valeurs issues de la révolution française de 1789. De 1978 à 1991, ce sont des militaires qui ont gouverné le pays avec des chartes constitutionnelles lesquelles n’avaient pas de dispositions relatives à la liberté de la presse ou des médias. Aucune des nombreuses chartes militaires d’alors n’a fait référence à la liberté d’expression. C’est en 1991, quand le colonel Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya, l’ex-chef d’Etat, a voulu démocratiser le pays que la constitution du 20 juillet 1991 a prévu de promouvoir et protéger la liberté de la presse. Dans un autre élan de libéralisation de la presse et de l’audiovisuel, une nouvelle ordonnance vint abroger la première ; puis d’autres textes ont vu le jour. Ordonnance 91/23 du 25 juillet 1991 sur la liberté de la presse L’Ordonnance 91 du 23 du 25 juillet 1991 relative à la liberté de la presse fait place à des dispositions telles que “les libertés politiques et 8 La loi et les médias en Mauritanie MFWA syndicales ; les libertés publiques et individuelles notamment : la liberté d’opinion et de pensée ; la liberté d’expression ; la liberté de réunion et d’association”, parmi tant d’autres. Dans son article premier, cette ordonnance a pour objet de : « Définir les conditions d’exercice de la liberté d’expression et de communication des idées et des opinions politiques ainsi que les sanctions applicables en cas d’infraction aux règles organisant cette liberté ». Mieux, le préambule de cette loi disposait que le droit à l’information, le droit pour chacun de connaître la vérité sur les problèmes qui le concerne, sur ceux de son pays comme sur les affaires du monde, est une des libertés fondamentales de l’être humain que le peuple mauritanien se reconnaît. Il en est également ainsi de la liberté d’expression. Sans transition, l’ordonnance brandit la menace en insistant sur le fait qu’ : « Il découle de tous ces facteurs des devoirs pour les pouvoirs publics comme pour les journalistes et pour tous ceux qui choisissent d’exercer des activités liées d’une manière ou d’une autre au noble métier d’informer. De ce fait, l’Etat édicte, respecte et fait respecter les lois et règlements garantissant l’exercice de ces droits. Mais la meilleure garantie réside dans un comportement responsable et digne observé par tous les protagonistes : pouvoirs publics, journalistes et usagers, c’est à dire l’ensemble du corps social. Tous doivent mettre leur point d’honneur à se soumettre à un certain nombre de principes de base fondés sur la tolérance, le respect de l’autre, l’équité, l’honnêteté, et une motivation supérieure : celle d’agir pour un idéal de liberté, de justice sociale, de défense des droits de l’Homme et pour la paix entre les peuples. Plus loin, l’ordonnance égrène un chapelet de formalités et de sanctions très sévères : « Tout journal où écrit périodique quels que soient la forme de sa présentation et de son mode d’impression ne peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement après la déclaration ; avant la publication de tout journal ou de tout écrit périodique, il sera fait, au Parquet de la République et au Ministère de l’Intérieur, une déclaration. » Et puis vient l’article 11 de l’ordonnasse, qui donne un pouvoir sans limite aux pouvoirs publics pour museler la presse. Il dispose : « La circulation, la dissolution, ou la mise en vente en République 9 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Islamique de Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques ou non, d’inspiration ou de provenance étrangère ou de nature à porter atteinte aux principes de l’islam ou crédit de l’Etat, à nuire à l’intérêt général à compromettre l’ordre et la sécurité publics, quelle que soit la langue dans laquelle ils seraient rédigés, peut être interdite par arrêté du Ministre de l’Intérieur. Lorsqu’elles sont faites sciemment, la mise en vente, la distribution ou la production des journaux ou écrits interdits, sont punies d’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 60.000 à 600.000 ouguiyas. Il en est de même de la reprise de la publication d’un journal ou d’un écrit de provenance étrangère, interdits sous un titre différent. Toutefois, en ce cas, l’amende est portée de 120.000 à 1.200.000 ouguiyas. Il est procédé à la saisie administrative des exemplaires et des reproductions des journaux et écrits interdits et de ceux qui en reprennent la publication sous un titre différent ». Cette disposition a été la plus utilisée contre tout journal dont la ligne éditorialiste s’écarte de la propagande du ministère de l’Intérieur. Enfin, c’est sous l’empire de cette loi, soi-disant adoptée pour garantir la liberté de la presse, que la liberté d’expression et de pensée ont été les plus violées par les pouvoirs publics. Des peines très lourdes Cette ordonnance a été remarquable par l’arsenal juridico-politique qu’elle mettait en avant pour intimider les professionnels de la presse privée. Elle a institué des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Dans le domaine de la provocation aux crimes et délits, cette loi dispose que seront punis, comme complices d’une action qualifiée crime ou délit, ceux qui soit par des écrits, soit par des imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publiques, soit par des placards ou affiches exposés au regard du public, soit par des discours ou menaces proférées dans des lieux ou réunions publiques, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre la dite action, si la provocation a été suivie d’effet ou seulement d’une tentative de crime. Une telle disposition relève 10 La loi et les médias en Mauritanie MFWA purement du droit pénal ; elle ne doit pas trouver son application contre les journalistes, dans l’exercice de leur mission. En effet, dans ses articles 19-1-20 et 21, l’ordonnance entoure le journaliste de tellement de menaces qu’il lui est impossible de travailler. Sa protection ne figure nulle part. En matière de délits contre la chose publique, l’offense au Président de la République par l’un des moyens énoncés sera punie d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 200 000 à 2 000 000 ouguiyas. Encore, la publication, la diffusion ou la reproduction par quel que moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, lorsque faites de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 ouguiyas ou de l’une de ces deux peines seulement. Les mêmes faits seront punis d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 ouguiyas lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral de l’armée. Il ressort de ces dispositions que le législateur a alourdi les peines pécuniaires au moment où le journalisme n’apporte pas de sous. Cela peut bien être aperçu comme une manière de faire cesser de paraître les journaux. En ce qui concerne les délits contre les personnes, l’article 24 donne une définition juridique de la diffamation : « Toute allégation ou toute publication d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, dont l’identification est rendue possible par les termes des écrits, imprimés, placards ou affiches incriminés ». Cette disposition laisse la voie libre à l’arbitraire car elle fait référence à des termes peu précis comme “dubitative”, “non expressément nommé”. 11 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Relativement aux poursuites et à la répression, ils sont passibles, aux termes de cette loi, en tant qu’auteurs principaux des peines, dans l’ordre qui suit : — Les directeurs de publication ou éditeurs quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations et, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article 4 des codirecteurs de la publication; — Les auteurs ; — Les imprimeurs; — Les vendeurs, — Les distributeurs et afficheurs. La procédure des délits et contraventions de simple police commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen, de publication aura lieu d’office et à la requête du ministère public. Encore, la poursuite des crimes aura lieu conformément au droit commun. Sous le coup de l’ordonnance, l’affichage, le colportage et la vente sur la voie publique sont réglementés. Quiconque voudra exercer la profession du colporteur ou de distributeur sur la voie publique, ou en tout autre lieu public ou privé, de livres, écrits, brochures journaux, dessins, gravures, lithographies et photographie, sera tenu d’en faire la déclaration à la circonscription administrative où il a son domicile. De même, sont interdites la distribution, la mise en vente, l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la distribution, de la vente ou de l’exposition dans un but de propagande, de tracts, bulletins de toute nature à nuire à l’intérêt national. Encore, cette disposition ouvre la porte à l’arbitraire puisque la notion d’intérêt général est imprécise et reste soumise à l’appréciation des fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, au lieu du Ministère de la Justice. 12 La loi et les médias en Mauritanie MFWA L’ordonnance de 2006 sur la liberté de la presse C’est en août 2005, au lendemain du coup d’Etat du colonel Ely Ould Mohamed Vall, ex-directeur général de la Sûreté Nationale, que le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) s’est engagé à prendre un train de mesures de nature à créer un cadre adéquat à une liberté d’expression réelle. Cette nouvelle ordonnance relative à la liberté de la presse vise à élargir le champ des libertés dans le domaine de la presse et fixe, contrairement à la précédente, un système de régulation approprié à l’exercice de la profession de journaliste. Ce texte s’inscrit donc, en droite ligne, dans le cadre de la mise en oeuvre des engagements du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie dans le domaine de la promotion des droits de l’Homme, du renforcement de l’Etat de droit et de l’application des recommandations des Journées Nationales de Concertation tenues à Nouakchott du 25 au 29 octobre 2005. La nouvelle loi fait siennes les recommandations d’une Commission nationale consultative chargée de la Réforme de la Presse et de l’Audiovisuel, créée le 29 décembre 2005, afin de proposer des mesures de réforme propres à assurer un développement harmonieux de la presse et de l’audiovisuel, conformément aux exigences de l’Etat de droit. C’est bien pourquoi ce texte fixe un ensemble de critères relatifs au droit. Il détermine l’autorité de régulation spécifique au secteur de la presse, définit “le profil du journaliste professionnel” et détermine les règles applicables au secteur de l’impression, de l’édition et de la presse périodique, le droit de réponse ainsi que les dispositions portant sur les crimes et délits commis par voie de presse et d’édition. Conformément à cette ordonnance, le système de récépissé de dépôt, tant décrié par les journalistes, a été remplacé par un système déclaratif et met un terme au système de censure fixé par le tristement célèbre article 11 de l’ancienne ordonnance N° 91/23 du 25 juillet 1991. Mieux que l’ancienne ordonnance, celle-ci identifie, de façon plus précise, les infractions relatives à la diffamation par voie de presse et institue un système pénal adapté à la prise de sanctions prenant en compte la spécificité de la presse. 13 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Pour fixer de nouveaux principes, la loi N° 017-2006 dispose que le droit à l’information et la liberté de la presse sont des droits inaliénables. Ces libertés sont exercées conformément aux principes constitutionnels, aux dispositions légales et à la déontologie de la profession. Elles ne peuvent être limitées que par la loi et dans la mesure strictement nécessaire, à la sauvegarde de la vie démocratique. Autre innovation, le journaliste a le droit d’accéder aux sources d’information, le devoir et le droit de protéger ses sources en toute circonstance, sauf dans les cas prévus par la loi pour les besoins de la lutte contre les crimes et délits, en particulier les atteintes à la Sûreté de l’Etat et le terrorisme. Ici apparaît une violation “légale” de cette loi innovante, le journaliste étant obligé de coopérer au cas où il détient des informations relatives à l’atteinte de la sûreté de l’Etat ou au terrorisme. Dans la foulée, le régime de l’autorisation préalable et du dépôt d’une caution prescrits par l’article 11 de l’ordonnance de 1991 est abandonné au profit du système de la déclaration. Toutefois, un contrôle continue à être exercé par l’obligation de dépôt avant chaque parution au Parquet de la République du Tribunal de Nouakchott, et à la bibliothèque nationale, notamment. A défaut de cette formalité, une condamnation à une amende de 180.000 UM pour chaque livraison non déposée peut-être prononcée contre le directeur de publication. Seulement, il est utile de relever, ici, que les journaux ou écrits périodiques étrangers n’ont pas vu leur sort amélioré. Aux termes de cette loi, est considéré comme publication étrangère, toute publication quelle qu’en soit la langue d’expression, dont la déclaration de parution est faite ailleurs qu’en Mauritanie. Selon l’article 21 de la loi N° 017-2006, la circulation, la distribution ou la mise en vente, sur le territoire de la République Islamique de Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques étrangers, quelle que soit la langue dans laquelle ils sont imprimés et quel que soit le lieu de leur impression, peuvent être interdites par arrêté du ministre de l’Intérieur, lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’Islam ou au crédit de l’Etat, à nuire à l’intérêt général, à compromettre l’ordre et la sécurité publics. Par cette disposition, la menace pour des raisons 14 La loi et les médias en Mauritanie MFWA très souvent subjectives puisque non précisées par une loi, est toujours brandie au-dessus de la presse étrangère. Dans le chapitre des sanctions, quant à la presse étrangère, la nouvelle ordonnance stipule que lorsque la mise en vente, la distribution ou la reproduction de journaux ou écrits interdits sont faites sciemment , les auteurs sont punis d’une amende de 200.000 à 500.000 UM. Il en est de même de la reprise sous un titre différent de la publication d’un journal ou d’un écrit interdits. Toutefois, dans ce cas, l’amende est portée au double. De même, il est procédé à la saisie administrative des exemplaires et des reproductions de journaux ou écrits interdits. Il existe pourtant des voies de recours. L’arrêté d’interdiction est susceptible de recours devant la Chambre administrative du Tribunal de wilaya. Contrairement à l’ancienne ordonnance, celle-ci dispose que : « Tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration prescrite par le nouvel article 11 de cette même ordonnance. Celui-ci stipule également que : « Avant la publication de tout journal ou écrit périodique, il sera fait au Parquet ou au tribunal territorialement compétent, une déclaration de parution contenant : — le titre du journal ou écrit périodique et son mode de publication ; — le nom et l’adresse du directeur de publication ; — Statuts de l’institution qui publie le journal ou le périodique ; — l’indication de l’imprimerie où il doit être imprimé ; — le tirage moyen prévu ; — la périodicité ; — le nombre et les noms des journalistes, secrétaires de rédaction, photographes, maquettistes, pigistes, collaborateurs, — une déclaration sur l’honneur sur la véracité des informations fournies. 15 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Toute mutation dans les conditions ci-dessus énumérées sera déclarée dans les trente jours qui suivront ». C’est une disposition toute différente de celle de l’article 11 de l’ordonnance abrogée qui donnait toute latitude au Ministère de l’Intérieur d’interdire, de censurer ou de saisir tout journal. Le système du dépôt s’en trouve plus simplifié. Au moment de la publication du journal, il est déposé deux exemplaires : — Au Parquet de la République du Tribunal de Nouakchott, et à la bibliothèque nationale, si la publication a lieu à Nouakchott ; — Auprès des Procureurs des tribunaux des wilayas, si la publication a lieu à l’Intérieur du pays ; — A la mairie, dans les localités ou il n’a pas de Procureur, le maire ayant la qualité d’officier de police judiciaire. Ce dépôt est effectué sous peine d’une amende de 180.000 UM contre le directeur de publication, pour chaque livraison non déposée. Il ne constitue pas une condition préalable à la parution de la publication. Autre innovation de cette loi. Pendant toute la période électorale, le délai de trois jours prévu pour l’insertion est d’un jour pour les journaux quotidiens. Aussi, la réponse doit être remise six heures, au moins, avant le tirage du journal dans lequel l’insertion doit paraître. En plus, dès l’ouverture de la campagne électorale, le directeur de publication du journal est tenu de déclarer au Procureur de la République, sous peine de sanctions édictées à l’article 17 de la présente ordonnance, l’heure à laquelle, pendant cette période il entend fixer le tirage de son journal. La nouvelle loi met sous la compétence des communes, l’affichage, le colportage et la vente de journaux sur la voie publique. Aussi, dans chaque commune, le maire désigne, par arrêté, les lieux exclusivement destinés à recevoir les affiches de lois et autres actes de l’autorité publique. Il est interdit d’y placarder des affiches particulières. 16 La loi et les médias en Mauritanie MFWA En ce qui concerne l’aide à la presse, l’article 31 de l’ordonnance 017/2006 pose que : « L’Etat a le devoir d’aider les organes de communication qui contribuent à la mise en oeuvre du droit de tous à l’information. Les modalités et conditions d’attributions de l’aide à la presse seront définies par voie législative ». Jusqu’ ce jour, ces dispositions législatives n’ont pas encore été votées par le Parlement. D’ailleurs, cette aide à la presse serait la source de trop de problèmes dans la mesure qu’elle ne profiterait qu’aux organes de communications qui contribuent à la diffusion de l’information. Est-ce que les organes qui ne paraissent pas régulièrement auront droit à une telle aide ? Ce n’est pas précisé par les services compétents. Un organe de régulation de la presse Il est créé, auprès du président de la République, un organe indépendant de régulation de la presse et de l’audiovisuel dénommé Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA). Il est dirigé par un collège de neuf membres qui sont nommés par les pouvoirs publics. Ils sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une seule fois. Les ONG et les syndicats de journalistes n’y sont pas représentés d’où la mainmise des pouvoirs publics sur les médias. Par rapport à son rôle, la HAPA est chargée explicitement de servir d’organe de protection des libertés d’expression, or, elle constitue également, un organe habilité à prononcer des sanctions. En dehors de son rôle d’arbitre entre les candidats à la présidentielle, en matière de communication, la HAPA donne avis au Président de la République sur toute question relative au secteur de la presse et de la communication, propose au choix du Président de la République les personnalités qui doivent exercer à la tête des médias publics tels que Radio-Mauritanie, Télévision de Mauritanie et l’Agence Mauritanienne d’Information. Elle donne également avis au Parlement et au gouvernement sur toute question relative au secteur de la presse. 17 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Les attributions de la HAPA L’ordonnance créant la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel définit les attributions. Elle dispose que la Haute Autorité : — Donne avis au Président de la République sur toute question relative au secteur de la presse et de la communication audiovisuelle, dont il la saisit ; — Propose au choix du Président de la République les personnalités qui doivent exercer à la tête des organismes publics du secteur de la presse et de l’audiovisuel ; — Donne avis au Parlement et au gouvernement sur toute question relative au secteur de la presse et de l’audiovisuel, dont elle serait saisie par les Présidents des chambres du Parlement ou par le Premier Ministre ; — Est obligatoirement sollicitée pour donner son avis au Premier ministre sur les projets de lois ou projets de décrets relatifs au secteur de la presse et de la communication audiovisuelle, avant leur présentation au Conseil des Ministres ; — Est obligatoirement sollicitée pour donner son avis aux présidents des deux chambres du Parlement sur les propositions de lois relatives au secteur de la presse et de l’audiovisuel, avant leur examen par la chambre concernée ; — Suggère au gouvernement les modifications de nature législative et réglementaire, rendues nécessaires par l’évolution technologique, économique, sociale et culturelle des activités du secteur de la presse et de l’audiovisuel ; — Veille au respect, par tous les pouvoirs ou organes concernés, des lois et règlements applicables à la presse et à l’audiovisuel ; — Instruit les demandes d’autorisation de création et 18 La loi et les médias en Mauritanie MFWA d’exploitation des entreprises de presse et de l’audiovisuel, selon les procédures légales et réglementaires en vigueur et accorde les autorisations y afférentes, conformément à la législation et la réglementation en vigueur ; — Accorde les autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques, et, en cas de besoin, est habilitée à créer une commission de coordination avec les autres organismes publics chargés de gérer le spectre des fréquences et d’en assurer le contrôle ; — Contrôle le respect, par les organismes de communication audiovisuelle, du contenu des cahiers de charges et, de manière générale, le respect, par lesdits organismes, des principes et règles applicables au secteur ; — Approuve les cahiers des charges des médias publics et en contrôle le respect et propose les candidatures aux postes de directeurs généraux des entreprises publics de presse et d’audiovisuel. ; — Veille au respect des valeurs fondamentales consacrées par la constitution, de l’expression pluraliste de la culture nationale et des courants de pensée et d’opinion, notamment en matière d’information politique, tant par le secteur privé que par le secteur public de l’audiovisuel ; — A cette fin : propose au gouvernement les mesures de toute nature, notamment d’ordre juridique, à même d’assurer le respect des principes et valeurs fondamentales énoncées dans le préambule de la constitution et les dispositions du présent projet d’ordonnance ; transmet, suivant la périodicité qu’il établit, aux présidences des deux chambres du Parlement, au gouvernement et aux responsables des partis politiques, des organisations syndicales et des chambres professionnelles, et à toute autre direction concernée, le 19 La loi et les médias en Mauritanie MFWA relevé du temps d’intervention des personnalités politiques, syndicales ou professionnelles dans les émissions des organes de radio et télévision ; il peut, à cette occasion, formuler toutes remarques qu’il juge utiles ; — Veille au respect de la législation et de la réglementation applicables aux règles et conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales que les organismes de communication du secteur public et du secteur privé doivent respecter ; — Veille au respect, par les publications, journaux et périodiques et les organismes de communication audiovisuelle, de la législation et de la réglementation en vigueur en matière de publicité ; A cet effet, le collège est habilité à exercer un contrôle, par tous les moyens appropriés, sur les modalités de programmation des espaces et émissions publicitaires publiées ou diffusées par les media, publications, journaux et périodiques des secteurs public et privé bénéficiaires d’un titre quelconque d’exploitation. ; — Sanctionne les infractions commises par la presse, les organismes de communication audiovisuelle et les journalistes ou fait proposition aux autorités compétentes, conformément à la législation en vigueur et aux cahiers de charges pertinents des sanctions encourues ; — Encourage l’excellence professionnelle des journalistes et des entreprises de presse écrite et audiovisuelle, en particulier par la formation professionnelle ; — Encourage le règlement amiable des litiges concernant l’application de la loi relative au régime de la presse ; — Edicte les normes d’ordre juridique ou technique applicables à la mesure d’audience des entreprises de communication audiovisuelle, et de la diffusion pour la presse écrite ; 20 La loi et les médias en Mauritanie — MFWA Supervise et régule le partage de la publicité entre les organes médiatiques par les promoteurs et régies publicitaires publics ou privés selon des critères définis par les textes, surveille la qualité et le contenu de ces publicités conformément aux termes de l’ordonnance sur la liberté de la presse et de l’audiovisuel. Elle peut recevoir des plaintes émanant des organisations politiques, syndicales, des associations reconnues d’utilité publique ou des personnes physiques, relatives à des violations, par les organes de communication audiovisuelle et de presse, des lois ou règlements applicables au secteur de la presse et de l’ audiovisuel. Elle instruit, s’il y a lieu, lesdites plaintes et leur donne la suite prévue par la présente ordonnance, les lois ou règlements applicables à l’infraction. Elle peut, également, être saisie par l’autorité judiciaire, afin de lui donner avis sur les plaintes fondées sur des violations de la législation ou réglementation relative au secteur de la presse et de la communication audiovisuelle et que ladite autorité aurait à connaître. La HAPA est habilitée, en outre, à saisir les autorités compétentes pour connaître des pratiques contraires à la loi sur la liberté des prix et la concurrence dans le domaine de sa compétence. Ces mêmes autorités peuvent la saisir pour recueillir son avis. Mais aussi, elle peut exiger des entreprises de presse et de la communication audiovisuelle la publication de mises au point ou de réponses à la demande de toute personne ayant subi un préjudice, à la suite de la diffusion d’une information portant atteinte à son honneur ou qui est manifestement contraire à la vérité. La HAPA fixe le contenu et les modalités desdites publications et en assortit le non-respect, le cas échéant, d’une astreinte dont elle fixe le montant et en assure le recouvrement. Les commissions En plus d’un secrétariat général, la HAPA se compose d’une 21 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Commission de la Presse Ecrite. (CPE) et d’une Commission de la Communication Audiovisuelle (CCA). Commission de la Presse Ecrite (CPE) La CPE assure le suivi des publications de la presse écrite de l’impression et de la publicité. Elle est en outre, chargée de préparer les dossiers soumis à la HAPA et de mettre en oeuvre les décisions arrêtées par celle-ci. Elle est chargée de : — Centraliser et traiter les dossiers présentés pour l’obtention de la carte de presse et les cas de litige relatifs à la carte. — Relever les atteintes à la loi sur la presse et le délit de presse aux principes et aux règles de l’éthique et de la déontologie et de proposer les mesures coercitives suivant les dispositions du code pertinent. — Initier toutes études ou recherches relatives à l’appui à la presse et à l’impression. — Examiner et instruire à l’attention du Conseil de la HAPA toute pratique restrictive de la libre concurrence, en surveillant, pour l’empêcher, toute tentative de monopole ou d’oligopole dans le secteur de la presse écrite. Commission de la Communication Audiovisuelle Sous l’autorité du président de la HAPA, la Commission de la Communication Audiovisuelle (CCA) est chargée de traiter tous les dossiers relatifs à la communication audiovisuelle. En coordination avec les services des télécommunications, la Commission est chargée de la gestion du spectre hertzien et de l’attribution des fréquences radio et télévision. En outre, elle doit promouvoir l’efficacité des moyens techniques, favoriser leur émergence et leur développement. Elle veille aussi au respect des aspects techniques fixés dans les cahiers de charges des 22 La loi et les médias en Mauritanie MFWA titulaires d’autorisations/licences accordées par la HAPA. Elle est tenue de donner sa réponse aux demandes d’autorisations de fréquences dans un délai maximum de six semaines. Afin de remplir les missions qui lui sont assignées par la présente ordonnance et les textes pris pour son application ou exécuter les décisions de la HAPA, la Commission de la communication audiovisuelle dispose d’un corps de contrôleurs, placé sous l’autorité du Président de la CCA, chargé d’enquêter, en cas de besoin, sur pièces et sur place, afin de constater les infractions aux dispositions des cahiers de charges et aux lois ou règlements en vigueur. Les contrôleurs sont habilités à : — Procéder à l’enregistrement de toutes les émissions de radiodiffusion et de télévision, selon des moyens appropriés ; — Recueillir, tant auprès des administrations que des personnes morales ou physiques titulaires des autorisations délivrées aux entreprises de services de communication audiovisuelle, toutes les informations nécessaires pour s’assurer du respect des obligations qui sont imposées aux titulaires d’autorisations; — Procéder auprès des mêmes personnes physiques ou morales à des enquêtes. Ils sont assistés dans leurs missions, le cas échéant, d’officiers de police judiciaire désignés à cette fin par l’autorité compétente. Lorsque, à l’occasion de l’exercice de sa fonction habituelle de contrôle ou à la suite d’une enquête effectuée à la demande du collège de la HAPA, il est porté à la connaissance du président de la Commission des faits constitutifs d’une infraction aux lois et règlements en vigueur, notamment des pratiques contraires à l’Islam, à la loi, aux bonnes moeurs, au respect dû à la personne humaine et à sa dignité, à la protection de l’enfance et de l’adolescence, aux codes de déontologie et à l’éthique professionnelle ou d’une violation des cahiers de charges par les titulaires d’une autorisation, le président de la Commission en informe immédiatement le collège de la HAPA qui, 23 La loi et les médias en Mauritanie MFWA après délibération, décide des suites à donner et, notamment, autorise le président de la Commission à agir en justice au nom de la Haute Autorité et à saisir les autorités administratives, judiciaires et professionnelles compétentes. La Haute Autorité veille, en particulier, en période électorale, à l’octroi d’un droit égal, entre tous les candidats, et de temps d’antenne réguliers par les stations de radio et de télévision du service public de portée nationale et régionale et, en espaces pour les journaux et périodiques du service public de l’Etat. Le code de déontologie et d’éthique de la presse A son préambule de ce code, l’on note essentiellement le rattachement des journalistes et professionnels de la presse et de l’audiovisuel à affirmer leur volonté de perpétuer les traditions de lutte de la presse mauritanienne pour la liberté d’expression et le droit du public à l’information. Les professionnels de la presse marquent également leur engagement à promouvoir la culture démocratique en conformité avec la Constitution qui garantit la liberté de presse en Mauritanie. Ils sont convaincus que les responsabilités, qui incombent aux journalistes dans la mission d’information du public, priment toute autre responsabilité, en particulier à l’égard des employeurs et des pouvoirs publics, surtout. Ils soutiennent que cette mission ne peut être assumée que sur la base de saines pratiques professionnelles. Ils ont, par conséquent, décidé d’élaborer un code de déontologie qui énonce les devoirs et les droits du journaliste dans l’exercice de sa profession. Les devoirs du journaliste Dans le chapitre des devoirs, le journaliste est tenu de respecter les faits, quoi que cela puisse lui coûter personnellement, pour accomplir les devoirs suivants imposés par le code de déontologie : — L’honnêteté et le droit du public à une information vraie : Le journaliste est tenu de respecter les faits, quoi que cela 24 La loi et les médias en Mauritanie MFWA puisse lui coûter personnellement, et ce en raison du droit que le public a de connaître la vérité. — La responsabilité sociale : Le journaliste publie uniquement les informations dont l’origine, la véracité et l’exactitude sont établies. — Le respect de la vie privée et de la dignité humaine : Le journaliste respecte les droits de l’individu à la vie privée et à la dignité. La publication des informations qui touchent à la vie privée d’individus ou de personnalités publiques ne peut être justifiée que par l’intérêt général. — L’intégrité professionnelle et la liberté : En dehors de la rémunération qui lui est due par son employeur dans le cadre de ses services professionnels, le journaliste doit refuser de toucher de l’argent ou tout avantage en nature des mains des bénéficiaires ou des personnes concernées par ses services, quelle qu’en soit la valeur et pour quelque cause que ce soit. Il ne cède à aucune pression et n’accepte de directive rédactionnelle que des responsables de la rédaction. Le journaliste s’interdit tout chantage par la publication ou la non publication d’une information contre rémunération. — Le secret professionnel : Le journaliste garde le secret professionnel et ne divulgue pas la source des informations obtenues confidentiellement. — La séparation du commentaire des faits : Le journaliste est libre de prendre position sur n’importe quelle question. Il a l’obligation de séparer le commentaire des faits. Dans le commentaire, il doit tenir le scrupule et le souci de l’équilibre pour règles premières dans la publication de ses informations. 25 La loi et les médias en Mauritanie MFWA — La séparation de l’information de la publicité : L’information et la publicité doivent être séparées — L’incitation à la haine : Le journaliste se refuse à toute publication incitant à la haine tribale, raciale, ethnique, particulariste et religieuse. Il doit proscrire toute forme de discrimination. Il s’interdit l’apologie du crime. — Le sensationnel : Le journaliste s’interdit le sensationnalisme dans le traitement et la présentation de l’information. — L’identité de l’information : Le journaliste est responsable de ses publications, du choix des photographies, des extraits sonores, des images et de son commentaire, et ceci en accord avec ses supérieurs hiérarchiques.. Il avertit s’il s’agit d’images d’archives, d’un “faux direct” ou d’un “direct”, d’éléments d’information ou de publicité. — L’honneur professionnel : Le journaliste évite d’utiliser des méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des illustrations. — La protection des mineurs : Le journaliste respecte et protège les droits des mineurs en s’abstenant de publier leurs photographies et de révéler leur identité. — La violence et obscénités : Le journaliste doit s’abstenir, autant que possible, de publier des scènes de violence, des images macabres ou obscènes. 26 La loi et les médias en Mauritanie MFWA — La confraternité : Le journaliste doit cultiver l’esprit de confraternité. Il s’interdit d’utiliser les colonnes des journaux ou les antennes, à des fins de règlement de compte avec ses confrères. Le journaliste ne sollicite pas la place d’un confrère, ni ne provoque son licenciement en offrant de travailler à des conditions inférieures. — Incompatibilité des fonctions de journaliste et d’attaché de presse Les fonctions d’attaché de presse, de chargé de relations publiques et autres fonctions assimilées sont incompatibles avec l’exercice cumulé de la profession de journaliste. — Le devoir de compétence : Avant de produire un article ou une émission, le journaliste doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ses connaissances. Le journaliste n’aborde ses sujets qu’après avoir fait un minimum d’effort de recherche ou d’enquête. Le journaliste doit constamment améliorer ses talents et ses pratiques professionnelles en se cultivant et en participant aux activités de formation permanente organisées par les diverses associations professionnelles — Mesures disciplinaires : Tout manquement aux dispositions du présent code de déontologie expose son auteur à des sanctions disciplinaires qui pourront lui être infligées par les instances d’autorégulation des médias et les associations professionnelles. Le journaliste accepte le jugement de ses pairs, ainsi que les décisions issues des délibérations des instances ci-dessus mentionnées. Le journaliste s’oblige à connaître la législation en matière de presse. Les droits du journaliste En ce qui concerne les droits, le code de déontologie dispose que tout 27 La loi et les médias en Mauritanie MFWA journaliste doit, dans l’exercice de sa profession, revendiquer les droits suivants : — Le libre accès aux sources : Le journaliste, dans l’exercice de sa profession, a accès à toutes les sources d’information et a le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique — Le refus de subordination : Le journaliste a le droit de refuser toute subordination contraire à la ligne éditoriale de son organe de presse. — La clause de conscience : Le journaliste, dans l’exercice de sa profession, peut invoquer la clause de conscience. Il peut refuser d’écrire ou de lire des commentaires ou éditoriaux politiques contraires aux règles de déontologie de la profession ou d’être le censeur des articles, oeuvres radiophoniques et télévisuelles de ses pairs, sur des bases autres que professionnelles. En cas de conflit lié à la clause de conscience, le journaliste peut se libérer de ses engagements contractuels à l’égard de son entreprise, dans les mêmes conditions et avec les mêmes droits qu’un licenciement. — La protection du Journaliste : Le journaliste a droit, sur toute l’étendue du territoire national, et ce sans condition ni restriction, à la sécurité de sa personne, de son matériel de travail, à la protection légale et au respect de sa dignité. — L’obligation de consultation : L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision 28 La loi et les médias en Mauritanie MFWA définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journalistes. Elle doit être consultée avant tout changement de propriétaire. — Le contrat et rémunération : En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste ne doit pas accepter des conditions en deçà de celles prévues par les conventions collectives. Il doit aussi revendiquer un contrat individuel de travail assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et qui garantit son indépendance économique. Octroi de la carte de presse Enfin, le Décret 2008-027 fixant les conditions d’octroi de la carte de presse a été pris le 19 février 2006 en application de l’ordonnance 017/ 2006. Cette loi donne la définition du journaliste professionnel éligible à l’obtention de la carte de presse. Elle dispose donc qu’est considéré journaliste professionnel celui qui, titulaire d’un diplôme de journalisme ou d’un diplôme d’études supérieures avec deux années d’expérience professionnelle au moins dans un organe médiatique public ou privé, écrit ou audiovisuel, ou de formation moyenne avec cinq années d’expérience au moins dans un organe médiatique public ou privé écrit ou audiovisuel, a pour activité principale rétribuée la collecte, le traitement et la diffusion d’informations. Sont exclus de la dénomination “Journalistes professionnels” les agents de publicité et les collaborateurs occasionnels. La profession de journaliste sera organisée par décret, notamment en ce qui concerne les modalités et les critères d’attribution de la carte de presse. Une convention collective du travail régit les rapports ente employeurs et employés des organes médiatiques. 29 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Tout postulant à la carte de presse doit déposer à la Direction de la Presse Ecrite au Ministère chargé de la Communication, un dossier de demande comportant les pièces suivantes : — Une demande manuscrite ; — Une copie légalisée de la carte d’identité nationale ; — 4 Photos d’identité, — Un curriculum vitae. — Une copie légalisée du diplôme requis à l’article 2 du présent décret ; — Une attestation de travail indiquant la spécialité du journaliste, établie et signée par le directeur de l’organe de presse dans lequel le postulant exerce son activité; — Des attestations de travail justifiant l’expérience professionnelle telle que définie dans l’article 2 ci-dessus ; — Une copie des deux derniers bulletins de paie ; — Une copie du contrat de travail en cours de validité ; — Un extrait du casier judiciaire datant d’au moins trois mois ; — Une déclaration sur l’honneur certifiant que le journalisme est la profession principale et rétribuée du postulant. La carte de presse est renouvelée pour une durée de deux ans sur décision de la Commission de la Carte de Presse. Le dossier de renouvellement comporte : — une demande manuscrite, — 4 photos d’identité récentes ; — un extrait du casier judiciaire datant de moins de trois mois ; 30 La loi et les médias en Mauritanie MFWA — un contrat de travail en cours de validité ; — une attestation délivrée par l’employeur ; — le dernier bulletin de salaire ; A l’article 7, le décret dispose que la carte de presse doit comporter les indications de la devise nationale, couleurs nationales, nom et prénoms du titulaire, sa spécialité, sa photographie, sa signature, son numéro d’identification, sa durée de validité, le nom de l’organe de presse dans lequel il exerce sa profession ainsi que la mention : « Les autorités compétentes sont priées de faciliter le travail du titulaire de la présente carte ». Le correspondant de presse régulièrement accrédité auprès du Ministère chargé de la Communication reçoit une carte de presse portant la mention E (étrangère) dont la validité ne dépasse pas un an. Elle est renouvelée chaque fois que la lettre d’accréditation est aussi renouvelée. La carte de presse est signée par le ministre de la Communication. La carte de presse peut être retirée, par décision du Ministre chargé de la Communication sur proposition motivée de la Commission de la Carte de Presse après avis de la HAPA pour l’une des raisons suivantes : — le non respect des lois et règlements en vigueur et des règles d’éthique et de déontologie professionnelle, — la production de faux documents lors du dépôt de son dossier pour l’obtention de la carte de presse, — l’abandon de la pratique du métier de journaliste DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES AU DROIT DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET AUX MÉDIAS Les Mauritaniens ont vécu de 1961 à 1978 sous la dictature de parti unique. Le parti du Peuple Mauritanien (PPM) avait régné sans partage 31 La loi et les médias en Mauritanie MFWA jusqu’ au coup d’Etat du 10 juillet 1978. Depuis cette date, les militaires ont gouverné le pays avec leurs propres chartes, soucieuses de garantir la sécurité des pouvoirs. Il eut une constitution qui a été amendée après le coup d’Etat du 3 août 2005. En conséquence, les dispositions constitutionnelles relatives à la liberté de la presse et aux médias ont été très rares dans la première constitution et les chartes militaires ayant régi la vie nationale de l’indépendance en 1961 à 2009. Il y a deux raisons essentielles à cela : — Constitution du 20 mai 1961 est d’une époque qui précède de beaucoup la prise en compte par les pouvoirs publics en Afrique de l’Ouest de certaines valeurs telles que les libertés relatives à la presse et aux médias. Cependant, la seule valeur universelle à laquelle fait référence ce texte fondamental, dans son article 2, était que la Mauritanie garantit à tout un chacun la liberté de conscience. Ce qui est d’ailleurs paradoxal à cette époque-là et même à présent car l’existence de la liberté de conscience fait l’objet de polémiques entre intellectuels, même si la Constitution en vigueur y fait référence. — Au cours de la période du 10 juillet 1978 au 18 juillet 2009, la politique du pays était régie par des régimes militaires qui gouvernaient à l’aide de chartes. Cela veut dire que le pays a vécu une dictature sur plus de 30 ans. Alors, il en résulte que le terrain n’était pas favorable à la promotion de la liberté d’expression, de façon générale. En conséquence, aucune disposition relative à la liberté de la presse ou des médias n’a figuré dans les chartes militaires du 10 juillet 1978, du 6 avril 1979 ou du 12 décembre 1980. C’est en 1991, à la faveur de la “démocratisation” du pays sous le régime de l’ex-chef d’Etat, le colonel Maouiya, que la constitution du 20 juillet 1991, d’ailleurs très inspirée de la Constitution française 32 La loi et les médias en Mauritanie MFWA de 1958 , a fait référence aux principes de la démocratie et des libertés d’expression. Dans le préambule de ce texte fondamental, le législateur a mentionné : considérant que la liberté, l’égalité et la dignité de l’Homme ne peuvent être assurées que dans une société qui consacre la primauté du droit, soucieuse de créer les conditions durables d’une évolution sociale harmonieuse, respectueuse des préceptes de l’Islam, seule source de droit et ouverte aux exigences du monde moderne, le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants : — Le droit à l’égalité; — Les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine; — Le droit de propriété; — Les libertés politiques et les libertés syndicales; — Les droits économiques et sociaux; La garantie des libertés publiques et individuelles a été donc consacrée par le texte fondamental de 1991. — Le liberté d’opinion et de pensée; — La liberté d’expression; — La liberté de réunion; — La liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation politique ou syndicale de leur choix; — La liberté du commerce et de l’industrie; — La liberté de création intellectuelle, artistique et scientifique; Dès lors, la liberté ne peut être limitée que par la loi. C’est donc en application de ces dispositions constitutionnelles que toutes les lois actuelles sur la liberté de la presse ont été 33 La loi et les médias en Mauritanie MFWA promulguées et les décrets pris. Toutefois, toutes ces libertés n’ont en rien ou presque profité à l’épanouissement d’une presse libre, indépendante et consciente de son rôle dans un pays qui cherche à asseoir une démocratie. Quand cette constitution fut amendée par référendum le 25 juin 2006, les mêmes dispositions relatives à la liberté de la presse n’ont pas été réaménagées par le Conseil Militaires pour la Démocratie et la Justice qui avait soumis la constitution au référendum. Sans doute que c’est pour cette raison que la Charte du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), issu du coup d’Etat du 3 août 2005 avait disposé, en ce qui concerne la liberté de la presse, que les dispositions de la Constitution du 20 juillet 1991, y compris son préambule, relatives aux libertés individuelles et collectives sont maintenues. Il importe, néanmoins de mentionner que l’article 8 de la Charte Constitutionnelle du Haut Conseil d’Etat (HCE) dispose, à son second alinéa : « Lorsque pour des raisons quelconques, le fonctionnement du Parlement est entravé, le Haut Conseil d’Etat édicte, par ordonnance, les mesures de force législative nécessaires à la garantie de la continuité des pouvoirs publics et à la garantie de la liberté et de la transparence des élections présidentielles prévues. Les ordonnances prises en application du présent article ne peuvent, en aucun cas, porter atteinte aux libertés publiques et individuelles reconnues par la constitution et les lois de la République. Eu égard à cette disposition force est de constater que la Charte constitutionnelle du Haut Conseil d’Etat (HCE) est plus protectrice des libertés publiques que les précédentes chartes militaires. Au terme de cette constitution, les libertés d’expressions dont devenues effectives. Les partis et groupements politiques concourent à la formation et à l’expression de la volonté politique. Ils se forment et exercent leurs activités librement sous la condition de respecter les principes démocratiques et de ne pas porter atteinte par leur objet ou par leur action à la souveraineté nationale, à l’intégrité territoriale à l’unité de la Nation et de la République. 34 La loi et les médias en Mauritanie MFWA La loi fixe les conditions de création, de fonctionnement et de dissolution des partis politiques. La libre expression et le droit de grève sont consacrés par deux dispositions : — Les partis et groupements politiques concourent à la formation et à l’expression de la volonté politique. Ils se forment et exercent leurs activités librement sous la condition de respecter les principes démocratiques et de ne pas porter atteinte, par leur objet ou par leur action à la souveraineté nationale, à l’intégrité territoriale et à l’unité de la Nation et de la République. La loi fixe les conditions de création, de fonctionnement et de dissolution des partis politiques. — Le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. La grève peut être interdite par la loi, pour tous les services ou activités publics d’intérêt vital pour la Nation. Il s’agit des secteurs de la défense et de la sécurité nationales. VIOLATIONS DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PRESSE EN MAURITANIE DE L’INDÉPENDANCE À JUILLET 2009 L’histoire de la presse indépendante en Mauritanie est relativement récente, elle date de 1988. Depuis l’indépendance du pays, il eut d’abord, la création en 1961 du premier journal du pays, “Mauritanie Nouvelles”. C’était donc le premier organe de presse officiel du nouvel Etat. Ce journal est l’ancêtre des quotidiens Horizons et Chaab qui sont publiés par le Ministère de l’Information, donc des “médias publics’’ depuis 2006. 35 La loi et les médias en Mauritanie MFWA Une radio et une télévision d’Etat sont contrôlées par les pouvoirs et mises au service de leur propagande. Les débuts de la presse privée Le premier journal indépendant est créé en 1988, il s’agit de MauritanieDemain dont l’ex- Directeur de publication est actuellement membre de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA). Ce journal avait été autorisé par les pouvoirs publics sur la base qu’il était un journal culturel. C’est dire que son autorisation n’inaugurait pas une réelle volonté des pouvoirs publics d’alors de tendre vers le respect de la liberté d’expression ; surtout qu’à cette époque il n’y avait aucune législation nationale dans la matière. C’est bien pour cela que, quand le premier numéro et le deuxième de ce journal avaient traité, respectivement, de la démocratie et des Droits de l’Homme, les autorités enclenchèrent un processus de noyautage contre lui en encourageant la création de “journaux” à leur solde pour servir leur propagande. Pour bien s’attaquer à ce premier et unique journal privé du pays, les pouvoirs publics avaient, au cours de la même année, commencé à lui mettre les bâtons dans les roues, au niveau de l’unique imprimerie nationale. La difficulté consistait à faire monter les prix de l’impression de façon continuelle, en plus d’autres obstacles. Dans le même moment, le journal avait publié, pour la première fois en Mauritanie, un article sur la torture, quand cette horrible pratique était de règle. Ce fut la goutte qui déborda le vase : Mauritanie-Demain était dans la visée des pouvoirs politiques du pays. Le directeur de la rédaction était constamment sous pression des autorités politiques. La police politique multiplie les harcèlements du directeur de la publication de ce journal. La première loi “libérant” la presse est promulguée En 1991, en faveur d’une nouvelle ère de démocratisation en Mauritanie, une ordonnance relative à la liberté de la presse a été promulguée au mois de juillet. Cette ordonnance promulguée pour 36 La loi et les médias en Mauritanie MFWA protéger la liberté de la presse en Mauritanie a été un outil de répression aux mains des services du ministère de l’Intérieur, pendant plusieurs années, pour faire disparaître plusieurs publications indépendantes. La police politique a arrêté certains journalistes et commis des violences à l’endroit d’autres. En avril 1989, il eut les tragiques évènements, entre la Mauritanie et le Sénégal. Au cours de ces évènements, il eut des violations des droits de l’Homme répétées sur fond de pilage et de déportations. Les victimes ont été des négro-africains. Par rapport donc à aux violations des droits de l’Homme commis en 1989, le journal Mauritanie Demain fit des enquêtes sur ce sujet et donna la parole aux rescapés desdits évènements. Toutefois, cette édition-là fut saisie par le Ministère de l’Intérieur au lendemain de la publication de l’ordonnance 91/ du 23-7-1991 sur la liberté de la presse. Cette saisie fut la première alerte donnée sous cette nouvelle loi. Celle loi censée promouvoir et protéger la liberté d’expression contient des clauses oppressives. Il s’agit de l’article 11. Celui-ci stipule : « La circulation, la dissolution, ou la mise en vente en République Islamique de Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques ou non, d’inspiration ou de provenance étrangère ou de nature à porter atteinte aux principes de l’islam ou crédit de l’Etat, à nuire à l’intérêt général à compromettre l’ordre et la sécurité publics, quelle que soit la langue dans laquelle ils seraient rédigés, peut être interdite par arrêté du Ministre de l’Intérieur. Lorsqu’elles sont faites sciemment, la mise en vente, la distribution ou la production des journaux ou écrits interdits, sont punies d’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 60.000 à 600.000 ouguiyas. Il en est de même de la reprise de la publication d’un journal ou d’un écrit de provenance étrangère, interdits sous un titre différent. Toutefois, en ce cas, l’amende est portée de 120.000 à 1.200.000 ouguiyas. Il est procédé à la saisie administrative des exemplaires et des reproductions des journaux et écrits interdits et de ceux qui 37 La loi et les médias en Mauritanie MFWA en reprennent la publication sous un titre différent ». Suite à une série de saisies et d’interdictions, Mauritanie Demain a fini par disparaître des kiosques. Il laisse la place à un autre hebdomadaire privé, EL Bayane. De 1991 à 1993, les restrictions à la liberté de la presse avaient beaucoup diminué. Il eut un bout de temps où il n’y avait ni interdiction, ni saisie Mise au pas de la presse privée Au mois de juillet 1994, un autre hebdomadaire, le Calame qui continue à paraître jusqu’à présent, est créé. Celui-ci a été censuré en 1994 par le Ministère de l’Intérieur au motif avoué qu’il avait publié un article sur le roi Juan Carlos d’Espagne. Cependant, le vrai motif est lié à une enquête sur le rôle joué par le ministre de l‘Intérieur durant les évènements de 1989, quand il était wali du Trarza, région administrative frontalière avec le Sénégal, où il y eut trop de déportations et de pillage de biens appartenant à des Négro-africains. Dès le 2ème semestre de 1994, les pouvoirs publics ont adopté une stratégie de mise au pas de la presse se basant sur la multiplication de censure, de saisie et d’interdictions, notamment. Dans leur acharnement contre les organes de la presse privée, les pouvoirs publics se montraient de plus en plus déterminés. L’hebdomadaire Le Calame a été censuré 33 fois et interdit par 2 fois. La première interdiction est d’une durée de 3 mois ; la seconde étant de 1 mois. Akhbar El Esbou, autre édition arabophone a été carrément interdite de façon définitive, sans que la moindre explication soit donnée au responsable de la publication. Imposition d’un système d’autorisation Encore, en 1997, le journal Le Calame a été censuré plus de 30 fois. Il a été interdit par deux fois de trois mois, chacune. Le Ministère de l’Intérieur était le lieu où il y avait un système 38 La loi et les médias en Mauritanie MFWA de censure tout à fait arbitraire puisque laissé à l’appréciation des fonctionnaires du département, abusant largement de leurs pouvoirs, pour entraver les libertés publiques. En théorie, le dépôt légal consistait, sous l’ordonnance de 1991, à déposer deux journaux au Ministère de l’Intérieur, et deux au Ministère de la Justice. Six heures d’horloge après ce dépôt, si l’Administration ne notifie pas un avis de saisie au directeur de la publication. Le journal est récupéré, contre la présentation d’un récépissé délivré par le Ministère de l’Intérieur, à partir de l’imprimerie, en vue de sa distribution Mais, en pratique, il en est autrement. La remise du récépissé n’est plus immédiate après le dépôt légal. Cela dépend de l’humeur du fonctionnaire concerné au niveau du département ministériel. C’est dire que, parfois, le produit fait 3 jours à l’imprimerie. Par une telle pratique, l’autorité a institué le système de l’autorisation, non prévue par la loi sur la presse. De grands abus contre la liberté d’informer Au titre de l’année 1999, Le Calame fut suspendu pour trois mois. Puis, deux mois à peine, les éditions arabe et française du journal Le Calame ont été suspendues pour une durée indéterminée. Ensuite, ces abus avaient atteint le correspondant de la British Broadcast Corporation (BBC) à Nouakchott et le quotidien arabophone El Hayat, publié à Londres. Le correspondant s’est vu retiré son accréditation par le Ministère de l’Information. Cet acte fut suivi de très peu de l’arrestation du directeur du journal “Rajoul Echare” (homme de la rue) ; puis de la censure de la 13ème édition du journal “La Nouvelle Expression” et du journal indépendant La Dépêche. Avant la fin de l’année 1999, les pouvoirs publics de Nouakchott avaient multiplié les attaques en direction des libertés publiques, en général puisque, des attaques contre la presse, ils passent à celles menées contre les partis politiques : ce fut l’interdiction du parti politique Attalia. Plus de deux quotidiens furent interdits en vertu de l’article 11 de l’ordonnance 91-23 sur la liberté de la presse. Parmi les motifs 39 La loi et les médias en Mauritanie MFWA à cette interdiction, les autorités citent un article consacré au Sahara occidental, occupé par le royaume du Maroc. Sur sa position officielle par rapport à l’affaire du Sahara occidental, le régime en place voulait aligner la presse nationale. Au mois de décembre, Le Calame subit une énième censure au motif, selon sa publication, d’avoir publié des informations concernant l’aide accordée par le gouvernement israélien au régime mauritanien, dans le cadre des accords portant sur l’enfouissement, dans le vaste désert mauritanien, de déchets nucléaires. L’affaire avait fait tapage à l’époque puisque la Mauritanie a toujours nié un tel enfouissement de déchets sur son territoire. Au cours de l’année 1999, Le Calame fut censuré plus de 23 fois et suspendu pour une durée de 3 mois. En somme, du mois de décembre 1997 à la fin 1999, la presse indépendante a fait l’objet de plus de 30 suspensions, d’interdictions ou de censures. Elargissement du champ des sanctions contre la presse privée Cette année ne fut guère meilleure pour la presse indépendante mauritanienne. Beaucoup de titres avaient cessé de paraître, tellement la censure était systématique et les moyens financiers manquaient. C’est la conséquence des interdictions et des censures répétées. A cette époque, des journalistes tentaient, tant bien que mal, de par les problèmes dont souffre le plus la profession. L’une des principales revendications est la mise en place d’”une convention collective garantissant aux journalistes des salaires, l’élaboration d’un code d’éthique et de déontologie et surtout un allègement des coûts d’impression. Ont été interdits par les Pouvoirs publics en vertu de l’article 11, l’hebdomadaire d’opposition L’Eveil Hebdo. A cela s’ajoute une interdiction de parution pour un mois contre le Journal Errouya Al Watania. Les autorités mauritaniennes ont invoqué l’article 11 de la loi sur 40 La loi et les médias en Mauritanie MFWA la presse pour saisir, le 3 juillet 2000, l’hebdomadaire privé La Tribune. Celui-ci avait publié 3 articles que le Ministère de l’Intérieur trouvait dangereux pour la ‘’sécurité nationale’’. D’abord, il s’agit en réalité d’une interview d’un ancien colonel mauritanien de l’armée national, exilé en France, d’abord. Ensuite, d’un autre article évoquant l’expulsion de deux Français, dont un diplomate, le 1er juillet 2000. Et enfin, l’éditorial de ce numéro, qui abordait la violence policière aux zones frontalières, mettait en avant la “déliquescence de l’Etat”. Selon le directeur du journal, cette saisie serait due à un éditorial titré “Une fête pour quoi faire ?”, qui évoquait la commémoration du coup d’Etat du 10 juillet 1978 et estimait que “le bilan des militaires est négatif, sur tous les plans”. De même, un dossier très critique sur les visites du chef de l’Etat à l’intérieur du pays aurait été très mal vu par les censeurs. Au cours du dernier trimestre de l’année, l’hebdomadaire privé Le Carrefour et le journal arabophone “Al Alame’’ furent interdits l’un après l’autre suite à la publication d’ articles concernant l’arrestation de trois officiers de l’armée nationale, ainsi que la couverture des mouvements de contestation en Mauritanie. Et l’année fut bouclée avec la censure du numéro 140 de La Tribune par le pouvoir de Nouakchott, et l’interdiction de diffusion, le 5 octobre 2000, des émissions de RFI sur la bande FM à Nouakchott. La chute du dictateur en 2005 Jusqu’en 2003, le régime poursuivait sa politique de musellement de la presse indépendante. Toujours en 2003, l’Eveil-Hebdo, qui continue de paraître, a fait l’objet d’une kyrielle de censures. Au mois d’août 2005, l’ex-chef d’Etat Maouya Ould Sid Ahmed Taya est chassé du pouvoir, lui qui avait promulgué la 1ère loi sur la liberté de la presse. Un Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) a pris le pouvoir. Après une interruption de plus de cinq ans, le nouveau pouvoir de Nouakchott, sous la pression, s’est empressé de lever l’interdiction 41 La loi et les médias en Mauritanie MFWA pesant depuis octobre 2000 sur la diffusion de Radio France Internationale, en FM à Nouakchott. Le Chef de l’Etat de la transition a promis la mise en place d’une Commission Nationale Consultative Chargée de la Réforme de la Presse et de l’Audiovisuel. Cette Commission va faire prendre l’ordonnance 017-2006 sur la liberté de la presse, supprimant du coup le triste article 11 de l’ordonnance de 1991 parvenant ainsi à forger un cadre légal adéquat à la libre expression et au pluralisme de la pensée et de l’écrit. L’ordonnance de 2006 relative à la liberté de la presse L’ordonnance sur la liberté de la presse de 1991 fut abrogée le 17 juillet 2006 par l’ordonnance 017-2006 du 17-7-2006 relatives à la liberté de la presse en Mauritanie. Du coup, la Mauritanie a aboli la censure qui muselait la presse privée depuis sa création en 1988. Elargissement de la liberté de la presse L’ordonnance prévoit entre autres que tout ce qui a trait à la presse soit désormais sous la tutelle du ministère de la Justice, et non plus de celui de l’Intérieur comme sous l’ordonnance de 1991 sur la liberté de la presse. L’ordonnance permet au journaliste de ne plus citer ses sources et « consacre le régime déclaratif au lieu du système de récépissé qui était en vigueur, ce qui est de nature à éviter les obstacles qui entravaient la liberté du journaliste. Par ailleurs, le principe de la création d’une Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel a été retenu. L’évènement a été salué par la presse privée et les défenseurs des libertés d’expression de par le monde. Judiciarisation du contrôle de la presse privée Désormais, il n’y a plus de régime de l’autorisation mais de régulation. La tutelle est confiée par la loi au Ministère de la Justice. Il en résulte que le Ministère de l’Intérieur n’est plus concerné ; par contre, c’est 42 La loi et les médias en Mauritanie MFWA le Ministère de la Justice qui a pris le relais par l’intermédiaire du Parquet de la République où le dépôt se fait désormais. C’est la dépolitisation du contrôle de la presse privée. Depuis la promulgation de cette ordonnance sur la liberté de la presse, en juillet 1991, il a été recensé plus de 100 censures prononcées par les autorités mauritaniennes à l’encontre de la presse indépendante, en vertu de son article 11, dont les principales victimes sont l’hebdomadaire aujourd’hui disparu Mauritanie Nouvelles, Le Calame, La Tribune parmi tant d’autres. Le ministère de l’Intérieur avait en place un système de censure selon lequel il fallait remettre un exemplaire de chaque journal au Ministère de l’Intérieur et au procureur de la République pour que, sous 48 heures, ils délivrent ou non un récépissé autorisant la publication du produit. Conclusion La presse privée mauritanienne a fait un saut en avant depuis la promulgation de l’ordonnance 017/2006. En 21 ans de lutte contre les régimes militaires et les dictatures civiles, le nombre de parutions passe d’un organe à plus de 35 qui paraissent régulièrement. Selon plusieurs observateurs, la Mauritanie est, depuis 2006, un bel exemple en matière de liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, même si les autorités n’ont pas encore libéralisé l’audiovisuel et des ondes. Présentement, ce n’est plus un cadre juridique approprié qui fait défaut à cette presse privée. Elle souffre de biens d’autres maux. D’abord, il est nécessaire que les mentalités changent car les Mauritaniens ont des spécificités socioculturelles qui constituent par elles-mêmes des facteurs d’arriération à l’évolution positive de la liberté d’expression. Ensuite, à partir des années 1990, il a créé un ministère de la Communication, chargé bizarrement des Relations avec le Parlement. Il n’a pas de pouvoirs réels sur les médias publics. La Télévision nationale, la Radio et l’Agence Mauritanienne d’Information (A.M.I.) sont du ressort de la Présidence de la République qui nomme leurs 43 La loi et les médias en Mauritanie MFWA directeurs généraux, d’où le contrôle de leur ligne éditoriale et rédactionnelle dont le premier souci est la propagande du régime en place. Il est tout à fait important de noter que, même si pratiquement, à nos jours, il n’existe plus de restriction à la liberté d’expression en Mauritanie, cela reste sans grand effet parce que ceux qui ont choisi ce métier n’ont pas les moyens financiers et matériels de profiter de ce cadre juridique adéquat au développement de la profession. Autrement dit, ils sont obligés, pour continuer à paraître, de verser dans une certaine forme de “mendicité”. Aussi, peut-on se demander si, dans de pareilles conditions matérielles, il peut y avoir une presse indépendante et comment. L’aide à la presse prévue par l’ordonnance de 2006 sur la liberté de la presse tarde à venir du côté de la HAPA. Pour survivre, les journalistes s’adonnent aux dénigrements, souvent infondés, et la critique d’où leurs nombreuses citations en justice pour diffamations et injures aux particuliers et mêmes aux autorités. Le tout sur fond de marque de professionnalisme ; la plupart des journalistes sont mus par la recherche du gain et non pas le devoir d’informer. Les syndicats de journalistes, peu nombreux, n’arrivent pas à marcher la main dans la main pour défendre les intérêts de la profession. La presse privée a besoin d’être assainie. En Mauritanie, n’importe qui peut être journaliste, aucun critère n’est exigé : militaires libérés, commerçants en faillite, fonctionnaires, surtout les enseignants en exercice. Références La Constitution de la Mauritanie de 1961. La charte du Comité Militaire de Redressement National du 10 juillet 1978. La charte du Comité Militaire de Salut National du 6 avril 1979. La charte constitutionnelle du Comité Militaire du 12 décembre 1980. La Constitution du 20 juillet 1991. 44