Les enfants placés ne s`en sortent pas si mal

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Les enfants placés ne s`en sortent pas si mal
Les enfants placés ne s’en sortent pas si mal
Une enquête menée par Action Enfance auprès d’anciens enfants placés dans leurs « villages » montre qu’ils s’en sortent plutôt
mieux que ceux placés dans les foyers « classiques » de l’aide sociale à l’enfance, voire que la moyenne nationale.
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En matière d’aide sociale à l’enfance, on parle plus souvent de ce qui ne va pas que de ce qui fonctionne. Certains
chiffres, de fait, parlent pour eux: 40 % des jeunes sans-abri, par exemple, seraient d’anciens enfants de l’aide sociale à
l’enfance (ASE).
Alors qu’un « livre noir » de la protection de l’enfance sort ces jours-ci, l’enquête d’Action Enfance donne de l’espoir. Cette
fondation, qui accueille près de 700 enfants dans dix « villages d’enfants » et quatre foyers, a interrogé 122 pensionnaires
pour savoir comment ils s’en étaient sortis. Et la réponse, globalement, est positive.
> Lire aussi notre reportage dans un village
« On ne parle de la protection de l’enfance qu’à travers les scandales, déplore le sociologue Patrick Dubéchot, qui a piloté
l’étude et en a déjà mené d’autres, notamment auprès d’anciens de l’ASE. Pourtant, c’est en regardant les parcours
réussis qu’on comprend ce qui marche. »
Une bonne insertion professionnelle
Intitulée « Histoires d’enfants blessés et vainqueurs de leur passé », l’étude montre que 75 % des personnes interrogées
sont « satisfaites » de leur vie. Leur insertion professionnelle est bonne: 40 % ont décroché un CDI dès leur premier
emploi; 54 % des moins de 30 ans ont un emploi contre 45 % pour la moyenne nationale. De même, ils ont davantage
accès au logement que les enfants sortis de l’ASE.
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Une sortie prématurée du système scolaire
Cette bonne insertion s’explique par plusieurs facteurs: le réseau créé avec les éducateurs, les « jobs » décrochés durant
le placement, mais aussi l’obligation de se débrouiller dès 18 ans, à la sortie du dispositif de protection de l’enfance.
L’aspect négatif de cette autonomie précoce est la sortie prématurée du système scolaire. Les jeunes placés sont moins
diplômés que des enfants non placés: 35 % ont un niveau bac ou supérieur, contre 64 % des jeunes Français, les jeunes
placés étant davantage orientés vers des filières courtes et professionnalisantes.
Une vie familiale stable
Côté vie privée, 46 % des répondants sont en couple au moment du questionnaire et 53 % ont des enfants. Ils sont ainsi
proches des moyennes nationales, ce qui est remarquable étant donné leurs parcours de jeunesse.
« C’est le grand enjeu de leur existence, ne pas reproduire ce qu’ils ont vécu, offrir une vie meilleure et plus stable à leurs
enfants, explique Patrick Dubéchot. Ils n’ont pas les mêmes priorités que les autres jeunes de leur âge. Il y a une forme
de réparation qui s’opère. »
Des revenus trop faibles
En revanche, seulement 12 % des répondants ont un salaire supérieur à 2000 euros. À l’inverse, 14 % vivent sous le seuil
de pauvreté. « Sur ce point, le décrochage avec les moyennes nationales est important, observe Patrick Dubéchot. Le
faible niveau de diplôme et l’absence de famille pour les appuyer au début de leur vie sont des facteurs négatifs. »
Les villages d’enfants, un dispositif qui marche
Mais à part ce point, l’étude est plutôt positive. « Cette enquête montre que quand on a de l’ambition pour ces enfants, on
peut leur offrir une vie stable et ordinaire », souligne l’ex-défenseur des enfants, Marie Derain.
L’accueil dans les « villages d’enfants », qui représente 2 % des placements, est en effet très spécifique: les « maisons »
hébergent au maximum cinq ou six enfants, préservent les fratries, les encadrent par des groupes de trois éducateurs qui
restent pendant plusieurs jours d’affilée, 24 heures sur 24; les placements durent plus longtemps (sept ou huit ans, contre
18 mois en moyenne dans les maisons à caractère social de l’ASE)… « Quand il y a de la continuité, de la sécurité, de la
mise en confiance et de l’anticipation, le placement n’est plus une fatalité », a encore souligné Marie Derain.
Flore Thomasset
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Les-enfants-places-ne-s-en-sortent-pas-si-mal-2014-09-25-1211802
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