Dossier pedagogique Opera de 4 notes

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Dossier pedagogique Opera de 4 notes
DOSSIER PÉDAGOGIQUE
De Tom Johnson
Mis en scène par Gilles et Corinne Benizio (Shirley et Dino)
Novembre
Mardi 3 à 20H30 Mercredi 4 à 19H30
Jeudi 5 à 20H30
Dossier réalisé par Mme Elisabeth CARPENTIER, professeur détaché du Rectorat de
l’Académie d’Amiens - Permanence à la Comédie de Picardie tous les jeudis de 13h à 17h 03 22 22 20 28
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DISTRIBUTION
MISE EN SCÈNE GILLES ET CORINNE BENIZIO
SCÉNOGRAPHIE PAUL COX
LA
SOPRANO
ANNE MARCHAND
LA
MEZZO
EVA GRÜBER
LE
TÉNOR
CHRISTOPHE CRAPEZ
LE
BARYTON
PAUL-ALEXANDRE DUBOIS
LA
BASSE
GILLES BENIZIO
LE PIANISTE
NICOLAS DUCLOUX
Coproduction : Prima donna / Les 2 Bureaux
Comédie de Picardie, Théâtre Athénée Louis-Jouvet
Avec le soutien d’Arcadi Île-de-France
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SOMMAIRE
1 - Le compositeur Tom Johnson
2 - Qu’est-ce quel’Opéra de Quatre Notes ?
3 - Corinne et Gilles Benizio, Shirley et Dino,
metteurs en scène
4 - Pistes de travail
- L’opéra et la comédie, un mélange des genres
percutant
- Une écriture sur l’écriture
- Le décalage, l’humour, la dérision
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1 - Le compositeur et librettiste Tom Johnson
Tom Johnson est né dans le Colorado en 1939. Il a étudié à l'université de Yale et, en privé,
avec Morton Feldman. Après 15 ans à New York, il s'installe à Paris, où il habite depuis
1983.
Tom Johnson est généralement considéré comme un minimaliste, puisqu'il travaille avec du
matériel toujours réduit, en procédant toutefois de manière nettement plus logique que la
plupart des autres minimalistes, ce qui se traduit par un emploi fréquent de formules, de
permutations et de séquences prévisibles.
Tom Johnson est surtout connu pour ses opéras.
Depuis trente-six ans, L'Opéra de quatre notes connaît un réel succès à travers le monde.
Dernièrement il a été donné dans l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille (octobre 2006), et il sera
bientôt à l’Athenée à Paris). Le Riemannoper, lui aussi, a été mis en scène plus de trente fois
depuis sa création à Brême en 1988.
L’oeuvre la plus importante, le Bonhoeffer Oratorium, plus de deux heures de musique pour
orchestre, choeur et solistes, sur des textes du théologien Dietrich Bonhoeffer, a été créée
par l'orchestre et les choeurs de la radio hollandaise à Maastricht en 1996, et a été
présentée par la suite à Berlin et à New York.
Tom Johnson a également écrit de nombreuses oeuvres radiophoniques, telles que J'entends
un choeur (commandée par Radio France pour le prix Italia en 1993), Music and Questions
(diffusé aussi comme CD par le Australian Broadcasting Company), et Die Melodiemaschinen
(WDR Köln 1996).
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Malgré ces essais et bien d'autres au XXe siècle, rares sont les musiciens qui conçoivent leurs
morceaux comme des structures entièrement organisées par un schéma mathématique
inaltérable, sans hasard, ni fantaisie. C'est assez récemment qu'a été proposée la
construction de pièces musicales comme de purs objets formels fondés sur des principes
mathématiques déterminant toute, ou presque toute, la composition.
Le musicien qui a exploré avec le plus de soin et de talent cette conception de l'écriture
musicale est Tom Johnson. Certaines de ses œuvres sont d'étonnantes réussites qui
proviennent d'un examen approfondi des structures logiques, géométriques ou
arithmétiques susceptibles d'agencer des notes ; Tom Johnson fait intervenir dans ses
compositions des idées mathématiques inattendues qu'il choisit avec un sens esthétique
délicat.
Les principaux enregistrements disponibles aujourd'hui en CD sont : Rational Melodies,
Ensemble Dedalus (New World, 80705-2, 2010), Vermont Harmonies etc., Ensemble Klang
(EK CD2, 2009), Block Design and other piano pieces, John McAlpine (Wandelweiser EWR
0901), Symmetries (Karnatic Labs (2007), Organ and Silence (Ants, 2003), Rational
Melodies/Bedtime Stories, Roger Heaton, clarinet (Ants, 2006), Kientzy Plays Johnson (Pogus,
2004), The Chord Catalogue (XI, 1999) Tom Johnson a reçu le prix des Victoires de la musique
2000 pour Kientzy Loops.
L’écriture minimaliste
L'origine du terme « minimaliste » pour qualifier le courant minimaliste reste peu claire. On
en accorde généralement la paternité au compositeur britannique Michael Nyman dans son
livre de 1974 Experimental Music: Cage and beyond. Toutefois, Nyman avait dès 1968 utilisé
le terme « minimal », dans un article intitulé Minimal Music, sur les travaux
des
compositeurs Cornelius Cardew et Henning Christiansen 5. Le terme de « minimaliste » sera
plus tard utilisé par Nyman pour décrire non seulement le courant américain, mais aussi la
production de la musique expérimentale anglaise (comprenant les compositeurs Gavin
Bryars, Christopher Hobbs, Michael Parsons...).
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Le critique musical Tom Johnson a aussi utilisé le terme en mars 1972 à propos d'un concert
d'Alvin Lucier.
Johnson utilisera le terme de minimaliste pour qualifier les compositions de Steve Reich,
mais le vocabulaire est changeant, et il lui arrive d'utiliser « musique hypnotique ». En 1977,
le journaliste écrit un article intitulé What is Minimalism really about dans lequel le terme de
« musique minimaliste » est désormais bien établi.
2- Qu’est-ce que L’Opéra de Quatre Notes ?
Opéra ( Littré)
(o-pé-ra) s. m.
Poème dramatique mis en musique, et, plus particulièrement, grand poème lyrique
composé de récitatif, de chant et de danse, sans discours ou dialogue parlé.
L’Opéra de Quatre Notes a un livret intitulé Imaginary Music écrit par Tom Johnson.
Une oeuvre légère et profonde, burlesque et féroce, faite avec un piano, un pianiste, quatre
notes – la, si, ré, mi –, et cinq chanteurs.
Depuis sa création en 1972, cet opéra de poche a été régulièrement donné dans le monde
entier. Un spectacle d'initiation autant qu'un spectacle pour initiés, pour comprendre ce que
c'est qu'un opéra, ou pour s'amuser à pénétrer dans l'esprit des chanteurs et entendre la
petite musique sous les grands airs : celle des rivalités, des frustrations, des petites vanités,
des angoisses.
L’Opéra de quatre notes dissèque avec art le cerveau des chanteurs ; il met à nu leurs doutes
et leurs triomphes, leurs failles comme leurs fanfaronnades.
Il s’agit bien d’une étrange expérience : car tandis que Tom Johnson (le compositeur) réserve
aux chanteurs quelques exercices périlleux, Tom Johnson (le librettiste) leur permet de
désigner sans cesse le responsable de leurs misères : le compositeur.
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Tom Johnson déborde de sens du nonsense, d’humour gracieux et d’ironie, mais est
également épris d’austérité. Ou peut-être entend-il l’austérité qui tonne sous sa fantaisie, ou
l’inverse, comme il essaye de toucher, par la simplicité la plus absolue, à la plus grande
complexité, et vice-versa.
Cette tension entre fantaisie et contrainte, malice et science, abondance et dénuement, est
particulièrement vibrante dans L’opéra de quatre notes.
Enfermés dans la partition, les chanteurs bataillent pour en sortir, tout à tour se soumettent
et se rebellent. À si bien pénétrer leur esprit, on finirait presque par oublier que, pour
concevoir ces six personnages en quête d’auteur, il y eut d’abord un compositeur et un
librettiste devant une page, jonglant avec quatre notes, cinq chanteurs et un pianiste.
« Il y a une chanson dans chaque silence, qui cherche des paroles et une mélodie. »
Lola Gruber
Dans le monde de l’opéra contemporain, il serait difficile de trouver une oeuvre qui a réussi
comme l’Opéra de quatre notes. Pendant plus de 25 ans ce "chef d’oeuvre d’humour et de
férocité" (Libération, 1982) a été présenté avec une régularité et une dispersion
géographique extraordinaire.
L’Opéra de quatre notes sera pour Tom Johnson une source d’inspiration constante. Il lance
des défis aux chanteurs et s’amuse de situations un peu dangereuses où les interprètes
courent un risque réel. Compositeur immoral pour chanteurs fascinés par les situations sans
filet, il produit une réalité théâtrale à la Pirandello.
La soprano roucoule, le ténor se plaint de ne pas pouvoir montrer son aigu, la basse apparaît
furtivement, chante son air – bref – et disparaît, comme il se doit dans tout opéra
traditionnel. La mezzo s’apprête à chanter son air avec une véhémence qui tourne court.
Tout est prétexte à plaisanterie caustique et situation absurde aux dépens des chanteurs
d’opéra…
L’intérêt de Tom Johnson pour les figures répétitives et pour les modèles commence à
poindre également.
La graine la plus féconde semée dans l’Opéra de quatre notes est peut-être le duo de 42
mesures, où les chanteurs comptent les mesures; petite plaisanterie qui, avec les années,
devient beaucoup plus que cela. Compter devient un travail drôle, profondément religieux,
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dénué de sens, complètement irrationnel, un théâtre de l’absurde, beau à écouter aux
dépens des chanteurs d’opéra….
"En regardant les représentations L’Opéra de quatre notes, au Centre Américain de Paris en
mars dernier, j’ai compris que cette oeuvre était, en tant que compositeur, un tournant
important. Je l’ai écrite à 31 ans, c’était mon premier opéra et l’aboutissement d’un
ensemble d’influences et d’essais antérieurs. Pour la première fois, j’avais pu agencer un
morceau qui atteignait la durée d’une heure et c’était l’une des premières choses que j’ai
écrites qui ne ressemblait pas du tout à celle d’un autre compositeur. Bref, c’était un but
atteint, un point sur lequel je prouvais enfin, à moi-même et aux autres, que j’étais un
véritable compositeur.
Mais j’ai aujourd’hui 42 ans et, regardant en arrière, je peux voir aussi que l’Opéra de quatre
notes n’était pour moi qu’un début dans beaucoup d’autres directions.
C’est pourquoi j’ai pris du temps pour réfléchir à ce qui s’était passé avant et après cette
composition charnière.
(…) Six personnages en quête d’auteur est une des oeuvres d’art qui m’ont le plus
profondément touché quand j’étais étudiant. Des frissons me remontaient le long de la
colonne vertébrale en voyant combien les personnages de Pirandello y étaient
incroyablement vrais. D’une façon ou d’une autre, je commençais à comprendre pourquoi
j’avais toujours été séduit par ces tableaux de Vermeer où l’on voit le visage de l’artiste dans
le miroir au fond du tableau ...Pirandello fut pour moi la clé d’une découverte importante et
je suis sûr qu’elle est en fin de compte pour beaucoup dans l’Opéra de quatre notes.
Tom Johnson in Théâtre Public, nov-dec 1982
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3- Corinne et Gilles Benizio, Shirley et Dino, metteurs en
scène
Corinne et Gilles Benizio se rencontrent en 1982 à l’université Paris III. En 1985, ils sont à
l’origine de la création de l’association « Achille Tonic ». Leur parcours s’enrichit des
rencontres avec Ariane Mnouchkine, Howard Buten, Carlo Boso, Monika Pagneux,
Pierre Etaix, Jean-Christophe Averty…
Dès 1987, avec la compagnie Achille Tonic, ils imaginent des spectacles sur le thème du
Music-Hall. En 1988, on découvre pour la première fois dans le cadre du « Festival Off » à
Avignon les personnages de Shirley et Dino. Depuis, « Shirley et Dino » poursuivent leur
aventure, aventure consacrée d’ailleurs par le Molière du Meilleur spectacle d’humour en
2003. Leur parcours ne s’arrête pas là… et les mène vers le cinéma
(Cabaret Paradis, Première Etoile) ainsi que la télévision (Le plus grand cabaret du monde,
Les Années bonheur, Vivement Dimanche...).
En 2007-2008, ils réalisent la mise en scène de l’adaptation du Soldat Rose de Louis
Chédid et Pierre-Dominique Burgaux, en comédie musicale, de même que le concept original
du décor et la chorégraphie du spectacle. Ils poursuivent leur activité de metteurs en scène
avec King Arthur (Purcell), le Concert spirituel sous la direction musicale d’Hervé Niquet pour
le Festival Radio France à l’Opéra de Montpellier, repris en 2011 à l’Opéra royal de
Versailles. Au Théâtre des Champs Elysées de Paris, ils mettent en scène le Carnaval des
animaux (Saint-Saëns).
En septembre 2011, au 61e Festival de musique de Besançon, ils signent la mise en scène, en
collaboration avec le chorégraphe Philippe Lafeuille, de La Belle au Bois dormant (Hérold). Ils
poursuivent avec La Belle Hélène au Corum de Montpellier avec l’Orchestre national de
Montpellier sous la direction d’Hervé Niquet.
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NOTE DE MISE EN SCENE
«Les chanteurs de l’Atelier Lyrique de Franche-Comté ont déjà interprété L’Opéra de 4 Notes
avec beaucoup de succès entre 2003 et 2008. Ils nous sollicitent aujourd’hui dans la
perspective d’une reprise afin d’explorer de nouveau cette oeuvre extrêmement originale.
Néanmoins, ils rêvent d’une nouvelle forme, d’un esprit différent.
Riches de nos diverses aventures dans l’univers de l’Opéra, nous nous sommes intéressés à
cette belle proposition.
L’Opéra de 4 Notes nous a immédiatement conquis par sa modernité, sa fantaisie, sa
virtuosité et cette touche d’humour incomparable, propre aux oeuvres de Tom Johnson.
Nous avons suggéré une direction de travail plus moderne s’inspirant de l’esthétique avantgardiste des années 70, en phase avec l’univers musical de cet opéra atypique.
Spectacle original où l’opéra croise la comédie, chaque variation raconte une histoire.
C’est une structure ouverte où les personnages vont naître, s’aimer, se haïr, la magie opère
elle touche et divertit.
Cet été, nous avons décidé de travailler ensemble durant une semaine afin de confronter
nos univers. Cette troupe de chanteurs passionnés a su nous communiquer sa jubilation
pour ce projet à travers leur exigence et leur qualité d’interprète. Leur envie de se dépasser
dans le jeu d’acteur et leur légèreté dans le domaine de la comédie nous donne une réelle
confiance quant au résultat détonnant de la réunion de tant d’énergies enthousiastes !
Nous nous inspirerons directement des illustrations du livre Imaginary Music de Tom
Johnson, et de son style à la fois minimaliste, inventif et poétique. C’est un regard amusé et
tendre que nous porterons sur ces années de créativité intense. »
Gilles et Corinne Benizio
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4- Pistes de travail
L’opéra et la comédie, un mélange des genres percutant
Il s’agit d’un véritable mélange des genres. Ici l’opéra est le lieu du comique. Il y a donc jeu
des voix et jeu théâtral. On pourra se demander lequel enrichit l’autre. On demandera aux
élèves de citer les moments qui leur ont procuré le plus de plaisir et rire puis de définir les
moments ou temps forts au cours desquels le chant apporte une dimension comique dans le
jeu théâtral.
On pourra également relever les temps privilégiés de jeu théâtral enrichissant le chant ou
séparant le temps du jeu des voix de celui du jeu théâtral.
On pourra également consacrer une étude pour chaque personnage : la voix est-elle la
caractéristique du personnage ? Le chant ou le jeu théâtral apporte-t-il une originalité à
chaque personnage ?
Il semble intéressant de définir les relations entre les personnages en étudiant comment la
voix et le chant jouent un rôle entre chacun ? Quelle est la part du chant et celle du geste, du
mouvement, du jeu théâtral ?
Une écriture sur l’écriture
Le compositeur et librettiste est seul devant la page blanche. Durant tout l’opéra, il montre
son angoisse de la page blanche mais aussi ses pensées, ses commentaires face à l’écriture,
face aux enjeux de l’écriture. Il utilise pour cela la moquerie, le burlesque pour mieux se
distancer et dédramatiser son angoisse.
On demandera aux élèves de repérer ces moments d’expression de l’angoisse de l’écriture :
-
Angoisse exprimée sérieusement, prise au sérieux
-
Angoisse distancée, tournée en dérision voire ridiculisée
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On fera comprendre à quel point l’écriture minimaliste participe d’une forme de contreculture où l’auteur ne se prend pas au sérieux et se distancie du processus de création.
En même temps qu’elle se joue et se chante, l’œuvre se compose et s’écrit.
On étudiera le processus d’écriture de la création. Les élèves pourront être répartis par
groupes pour reprendre dans leur vécu de spectateur les éléments de réflexion, de
commentaire sur l’écriture.
Le décalage, l’humour, la dérision
Après avoir identifié les différentes voix et le pianiste, il sera pertinent de définir la dérision
et le burlesque provoqués par chacun d’eux, burlesque qui développe leur stéréotype vocal
et instrumental.
Enfin, quels sont les choix de mise en scène pour créer et développer le comique et le
burlesque ?
Faire la liste des éléments scénographiques (décors, costumes, lumières…) et/ou des
éléments de jeu (expressions du visage, déplacements, gestes…) permettra de cerner la
portée de la mise en scène.
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