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NOTE D’ ANALYSE 26/02/2008 LE PRÉSIDENT MUSHARRAF PEUT-IL SURVIVRE POLITIQUEMENT AUX RÉSULTATS DES ÉLECTIONS DU 18 FÉVRIER ? Par André BURSTIN, di rect eurduDépart ementAsi edel ’ ESI SC Le 18 février dernier, le Pakistan organisait les neuvièmes élections générales de son histoire. Du fait de la crise politique et sécuritaire qui secoue le pays, ce scrutin a revêtu une i mpor t anc ec ons i dé r abl e ,t antpourl ’ ave ni rde si ns t i t ut i onsquepourl ’ al l i anc edansl ague r r e contre le terrorisme. Conf r ont é sàl adé gr adat i ondel as i t uat i onaus uddel ’ Af ghani s t an,l e s pay say ante nvoy éde st r oupe sdansl ec adr edel aFor c ed’ as s i s t anc ei nt e r nat i onal eàl a sécurité (ISAF) ont ainsi observé de très près le déroulement de ces élections. Dès l’ annonc edes résultats, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont fait part de leur anxiété au président Musharraf et au grand vainqueur des élections, Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto et co-président du Parti du peuple pakistanais (PPP). Le départeme ntd’ Et a tamé r i c ai naaus s ie xpr i més one s poi rdevoi rr e s t e re npl ac el ’ undes e s alliés les plus fidèles dans le combat contre Al-Qaïda1. Les alliances qui seront conclues au cours des prochaines semaines seront donc capitales pour son avenir à la tête del ’ Et at ,qui s e mbl eauj our d’ huibi e nc ompr omi spa rl eme s s a gede sur ne s . Ne ufansapr è sl ec oupd’ Et atquiapor t éPervez Musharraf au pouvoir, le 12 octobre 1999, ces élections ont marqué le retour de la démocratie au Pakistan.Del ’ avi sgé né r alde s obs e r vat e ur sl oc auxe ti nt e r nat i onaux,e tmal gr él e sappr é he ns i onsdel ’ oppos i t i on,e l l e sont été régulières, sans doute parmi les plus honnêtes et équitables à y avoir été organisées depuis 19472. En effet, la défaite du camp présidentiel était tant attendue qu’ une manipulation du scrutin aurait été très difficile. Les électeurs ont donc exprimé un vote de rejet massif de la politique du président Musharraf e tde l ’ ac t ue lgouve r ne me ntdela Ligue musulmane du Pakistan - Qaïd-e-azam (PML-Q). Au contraire, il sonta c c or dél av i c t oi r eauxde uxpr i nc i pauxpar t i sd’ oppos i t i on, le PPP et la Ligue musulmane du Pakistan - Nawaz del ’ a nc i e n Pr e mi e rmi ni s t r e Nawaz Sharif. Par ailleurs, ils ont également infligé une véritable déroute à la coalition islamiste MMA, proche des Talibans et des rebelles des zones tribales du Nord-ouest, dont deux partis membres avaient boycotté le scrutin3. Vinod Sharma, « The foreign hand in Pakistani Politics » Hindustan Times, 23/02/2008. « HRSP greets EC on conducting fair and peaceful elections», Daily Times, 25/02/2008. 3 Lodhi, Iftikhar A., « Forthcoming Pakistan Elections: A profile on the Islamic parties», ISAS Brief, Institute of South Asian Studies, Singapour, 26/12/2007. 1 2 1 Noust r a c e r onsdansc e sl i gne sl epr of i lde sdi f f é r e nt sac t e ur sdontdé pe ndr al ’ ave ni rdu Pakistan : les vainqueurs du scrutin du 18 février, le PPP et la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), et les vaincus, la Ligue musulmane du Pakistan-Qaïd-eazam (PML-Q) et les islamistes. Nous verrons aussi le rôle que pourraient jouer deux partis pivots, le Muttahida Qaumi Movement (MQM) et l ’ AwamiNat i onalPart y( ANP) , qui seront probablement appelés dans la future coalition gouvernementale. Enfin, après avoir présenté les différentes hypothèses qui se présentent pour la formation du gouvernement, nouse s s ay e r onsde voi rl e sc hanc e squ’ e l l e speuvent offrir à Pervez Musharraf de conserver son mandat présidentiel. 1. Les vainqueurs du scrutin a. Le PPP : le retour du clan Bhutto Avec 89 sièges, le grand vainqueur du scrutin est sans conteste le Parti du peuple pakistanais (PPP) de l ’ anc i e n Pr e mi e r ministre Benazir Bhutto, assassinée le 27 4. Le PPP aura donc réussi dé c e mbr ede r ni e rl or sd’ unr as s e mbl e me nté l e c t or alàRawal pi ndi à capitaliser sur le sentiment de sympathie né du décès tragique de sa présidente et sur le rejet du régime manifesté par la population. Auj our d’ huic o-présidé par le veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari, et par son fils, Bilawal Bhutto Zardari, le PPP sera sans aucun doute la formation dominante du prochain gouvernement. Dès à présent, ses dirigeants se sont ainsi accordés sur leur candidat au poste de Premier ministre, Makhmood Amin Fahim, vice-président du parti et fidèle du clan Bhutto5. Handicapé par plusieurs scandales de corruption –il a passé plusieurs années en prison –e tnes ’ é t antpas présenté aux élections, Asif Ali Zardari ne peut en effet pas prétendre à la direction du gouvernement. Héritier désigné par les dernières volontés de son épouse, son influence restera néanmoins prépondérante sur les orientations que choisira le parti dans les prochaines semaines6. Fondé par Zulfikar Ali Bhutto, initiateur du grand programme de nationalisations des années 70, le PPP se présente toujours comme un parti progressiste, qui a promis de « se débarrasser des islamistes. » Les femmes, les classes moyennes inférieures et les défavorisés constituent sa base électorale. Interdit par le général Zia ul-Haq en 1977, le PPP a retrouvé le pouvoir après sa mort en 1988. Indissociable de la figure de son fondateur, le parti a été dirigé depuis par sa fille Benazir. Celle-ci a occupé le poste de Premier ministre à deux reprises, dedé c e mbr e1 988àaoût1 990e td’ oc t obr e1 993ànove mbr e1 996,et en a été chassée deux fois suite à des scandales de corruption, dont la responsabilité a été attribuée en grande partie à son mari. Eduquée en Angleterre et aux Etats-Unis, Benazir Bhutto i nc ar nai tl ’ é l i t eoc c i de nt al i s é eduPaki s t an,pl usàl ’ ai s ee nangl ai squ’ e nurdu. Cette proximité ave cl ’ Oc c i de nte xpl i quel es out i e ndonte l l ebé né f i c i ai tdel apar tde sEt at s -Unis, dont les pressions avaient permis son retour en octobre dernier, huit ans après son départ en exil. Le PPP dispose enfin du soutien de l ’ Awami National Party (Parti national du peuple, ANP). Bien implanté dans la province de la Frontière du Nord-ouest (NWFP) et au nord du Baloutchistan, ce parti nationaliste pashtoune de centre gauche y a obtenu d’ e xc e l l e nt sr é s ul t at sé l e c t or aux.L’ ANP e s tl ’ hé r i t i e rduNat i onalAwamiPart yd’ Abdul Wali Khan, que la Cour suprême avait interdit dans les années 70 à la demande de Zulfikar Ali Bhutto, qui voyait en lui uneme nac epourl ’ uni t éduPaki s t an.C’ e s tl egé né r al Zi aquial i bé r és onpr é s i de nte tl ’ aaut or i s éàr e pr e ndr ec e sac t i vi t é spol i t i que saprès son « Paki s t an/ Te r r or i s me:l amor tdeBe naz i rBhut t ohypot hè quel ’ av e ni rduPaki s t an», ESISC, 27/12/2007. 5 « Pakistan/Elections : la nouvelle majorité aurait choisi un Premier ministre », ESISC, 22/02/2008. 6 Shah, Saeed, « Husband says Bhutto's will names him party leader», globeandmail.com, 06/02/2008. 4 2 c oupd’ Et at .I r oni que me nt ,l ’ ANP s ’ e s tdoncauj our d’ huirangé aux côtés du parti fondé par l ’ hommequil ’ avai tf ai ti nt e r di r e .Le sde uxmouve me nt ss ’ oppos e nte ne f f e tauxi s l ami s t e s qui dirigeaient la NWFP depuis 2002 en affichant leur proximité avec les Talibans, exilés au Paki s t an de pui sl ’ i nt e r v e nt i on mi l i t ai r ea mé r i c ai ne de l ’ aut omne 2001en Afghanistan. Ensemble, ils forment donc un front anti-islamiste, et une alliance avec le président Musharraf pourrait constituer une garantie de poursuite de la guerre contre le terrorisme7. b. Nawaz Sharif, le retour du « tigre » La ligue musulmane du Pakistan - Nawaz (PML-N) e s tar r i vé ede uxi è med’ uns c r ut i n 8. Parti qu’ e l l eavai tme nac édeboy c ot t e r ,r e mpor t ant66 s i è ge sàl ’ As s e mbl é enat i onal e conservateur, la PML-N rassemble les membres de la Ligue musulmane du Pakistan (PML) r e s t é sf i dè l e sàl ’ anc i en Premier ministre Nawaz Sharif après son éviction du pouvoir en 1999. Renversé par le général Musharraf, il avait été condamné en 2000 à la prison à perpétuité par un tribunal antiterroriste pour « dé t our ne me ntd’ a vi on»,avantd’ ê t r e aut or i s éàs ’ e xi l e rpour une période de dix ans en Arabie saoudite9. La plupart des membres de son parti rejoignirent alors la Ligue musulmane du Pakistan - Qaid-e-Azam, rangée de r r i è r el enouve aur é gi me .Re nt r éd’ e x i le nnovembre dernier, grâce à la médiation de Ryad, 10. Nawaz Sharif s ’ e s tv ui nt e r di r el apar t i c i pat i onauxé l e c t i ons ,ai ns iques onf r è r eSha hbaz La PML-N reste cependant indissociable de son chef, et si son accession au poste de Premier mi ni s t r ee s tc ondi t i onné eàl ’ adopt i on d’ un ame nde me nt c ons t i t ut i onne l ,i l restera incontournable pour tout gouvernement comprenant son parti. Né le 10 décembre 1949 à Lahore, Nawaz Sharif e s ti s s ud’ unepui s s ant ef ami l l ei ndus t r i e l l e du Pendjab, alliée au général Zia ul-Haq. Nationalisée en 1972 par Zulfikar Ali Bhutto, la fonderie familiale fut en effet rendue aux Sharif après le renversement de celui-ci. La famille s ’ appuy ae ns ui t es urs onr é s e aur e l at i onne lpourc ons t i t ue rune mpi r ei ndus t r i e le ts ’ i nve s t i r en politique. En 1981, Nawaz devint ainsi ministre des Finances du Pendj ab,avantd’ e nê t r e nommé Chief minister en 1985. A la tête de la province la plus peuplée et la plus représentée dupay sdansl ’ admi ni s t r at i one tl ’ a r mé e ,Na wazShar i fé t ai tdé j àunhommepol i t i quede premier plan. Après la mort du général Zia en 1988, il prit donc la tête de la coalition conservatrice Islami-Jamhoori-Ittehad (IJI), et accéda au poste de Premier ministre en novembre 1990 sous les couleurs de la PML, après la chute du premier gouvernement de Be naz i rBhut t o.A l ’ i magedec e t t ede r ni è r e ,i l devait être destitué pour corruption en 1993 par le président Ghulam Ishaq Khan11. En 1997, il retrouvait le pouvoir après la chute du deuxième gouvernement de Benazir Bhutto. Durant ce mandat, il fit adopter des lois renforçant considérablement les pouvoirs du Premier ministre, abolissant notamment le huitième amendement de la Constitution, qui pe r me t t ai tauc he fdel ’ Et atdel el i moge r .I li mpos aé gal e me ntunes t r i c t edi s c i pl i neaux députés de son parti, faisant adopter le quatorzième amendement, qui permet de priver de leurs mandats des parlementaires refusant de voter suivant les instructions de leur parti12. S’ i lgouve r naav e cpr agmat i s medupoi ntdevueé c onomi que ,s onmandatf uta us s imar qué parl edogmat i s mei s l ami que .I lt e nt aai ns id’ i mpos e rl ’ application de la Charia et de se faire attribuer le titre de « commandeur des croyants. » Sous son mandat, le Pakistan devint une puissance nucléaire en 1998 et apporta un soutien sans faille au régime taliban installé à Kaboul13. « Zardari meets Awami National Party chief», The Deccan Herald, 21/02/2008. Ibid., Election Commission of Pakistan. 9«P aki s t an/ Et atd’ ur ge nc e:r e t ourdel ’ anc i e nPr e mi e rmi ni s t r eNawazSharif », ESISC, 26/11/2007. 10 « P aki s t an/ Et atd’ ur ge nc e:r e j e tdel ac andi dat ur edeNawazShar i f», ESISC, 03/12/2008. 11 Ishtiaq Ahmed, « Forthcoming Pakistan Elections: A profile on Nawaz Sharif », ISAS Brief, Institute of South Asian Studies, Singapour, 19/12/2007. 12 Id. 13 Id. 7 8 3 Enfin, il faut rappeler que Nawaz Sharif s ’ oppos af r ont al e me ntau président de la Cour suprême, Syed Sajjad Ali, sur plusieurs problèmes légaux et constitutionnels. Il le démit de ses fonctions dès novembre 1997, après que des manifestations organisées par des membres de la PML aientpe r t ur bél e st r ava uxdel ac our .Ra ppe l onsquel ’ unede spr i nc i pal e s revendications de Nawaz Sharif e s t auj our d’ hui l er é t abl i s s e me nt d’ une j us t i c e i ndé pe ndant e ,s us c e pt i bl ed’ annul e rl emandatpr é s i de nt i e ldePervez Musharraf. 2. Le camp présidentiel a. La PML-Q apayépourl ’ i mpopul ari t éduprési dentMusharraf Le parti présidentiel a connu une défaite cuisante lors du scrutin de lundi. La PML-Q a non seulement perdu une grande partie de sa représentation parlementaire, mais plusieurs de ses figures symboliques n’ ontpasé t ér é é l ue s .L’ anc i e nPr e mi e rmi ni s t r ee tpr é s i de ntdupa r t i , Chaudhry Shujaat Hussain, a ainsi perdu dans sa circonscription de Gujarat, face à l ’ anc i e ns e c r é t ai r egé né r alduPPP, Chaudry Ahmed Mukthar. De même, ont été battus le président du Parlement, Choudry Amir Hussain,l ’ anc i e nmi ni s t r edel aDé f e ns e , Rao Sikandar Iqbal,l ’ anc i e nmi ni s t r ede sAf f ai r e sé t r angè r e s ,Khurshid Mahmood Kasuri, l ’ anc i e n mi ni s t r e de sTr ans por t s ,Shaikh Rashid Ahmed, ainsi que plusieurs autres ministres du gouvernement du Premier ministre Shaukat Aziz14.Dè sl ’ annonc e de s premiers résultats, le porte-parole du parti, Tariq Azeem, a dû reconnaître la défaite et a déclaré que « la PML-Q s ’ appr ê t ai tàs i é ge rdansl ’ oppos i t i one tf é l i c i t ai tl e svai nque ur sdu scrutin. » Sousc ouve r tdel ’ anony ma t ,unaut r er e s pons abl edupar t is edé c l ar a i t«choqué », ajoutant que « le facteur Nawaz avait joué un grand rôle dans la défaite.15 » A la veille des élections, le président Musharraf affichait une grande confiance, contestant des sondages « biaisés » réalisés par des ONG internationales16. Le gouvernement défendait en effet un bilan économique appréciable, présentant une croissance annuelle moyenne de 7,5% depuis 2004 et une forte demande intérieure. Ce résultat a été obtenu grâce à une politique fiscale expansionniste, un rétablissement du secteur agricole, une bonne tenue du secteur industriel et une forte augmentation des services17. Cette croissance soutenue a toutefois pr odui tunphé nomè ned’ i nf l at i one tundé f i c i tde sc omptes publics inquiétant qui va se poser au nouveau gouvernement18. Cette politique économique a été menée sous la direction de l ’ anc i e nPr e mi e rmi ni s t r ee tmi ni s t r ede sFi nanc e s ,Shaukat Aziz, ancien cadre dirigeant de Citibank, appelé au gouvernement dès 1 999parl epr é s i de ntMus har r af .Sonbi l ann’ aur a t out e f oi spasé t és uf f i s antpouré vi t e raupa r t il ’ é c he cé l e c t or aldu1 8f é v r i e r .Se sdi r i ge a nt s craignent maintenant un exode de ses membres et de ses élus vers la PML-N, dont provient l apl upar td’ e nt r ee ux19. Lepr é s i de ntMus ha r r afaé t éobl i géd’ as s ume rde sc hoi xdi f f i c i l e spours apopul ar i t é ,dont l ’ al i gne me nts url e sEt at s -Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Cette politique ne f utpase xe mpt ed’ ambiguïtés,l ec he fdel ’ Et ats ’ a ppuy ants url es partis islamistes pour gouverner et négocier des accords avec les tribus rebelles pashtounes des Federally Administered Tribal Areas (FATA). Le gouvernement fut néanmoins incapable d’ e mpê c he rl ’ i mpl ant at i onde sTal i banse td’ Al -Qaïda au sein de ses frontières. Au contraire, l ePaki s t an s ombr adansun c y c l edevi ol e nc equic ul mi naave cl ’ as s autl anc éc ont r el a « Najeeb, Muhammad, PPP emerges biggest party in Pakistan polls», Hindustan Times, 19/02/2008. 15 « PPP, « N » rout PML-Q, The Nation, 19/02/2007. 16 « Musharraf hits out at « biased » opinion polls », The Dawn, 15/02/2007. 17 Asian Development Outlook 2007 Update, Asian Development Bank, 2007, p.212. 18 Ibid. p, 213. 19 Irfan Ghauri, « PML-Q faced with defection threat », Daily Times, 23/02/2008. 14 4 Mos qué er ouged’ I s l ama bade nj ui l l e t200720. De plus, le président provoqua la révolte du monde judiciaire en destituant le 9 mars dernier le président de la Cour suprême, Ifthikar Mohammed Chaudry, considéré comme un frein à la lutte contre le terrorisme21. L’ i ns t al l at i ondel ’ i ns t abi l i t épol i t i quee tl apour s ui t ed’ unevagued’ at t e nt at ss anspr é c é de nta e nf i name nél epr é s i de ntàdé c l ar e rl ’ é t atd’ ur gence en mars 2007, provoquant un rejet massif de la population. Celle-ci aura donc sanctionné brutalement le « parti du roi », retirant sans conteste sa confiance au gouvernement de Pervez Musharraf. b. Maintien du MQM Le Muttahida Qaumi Movement (MQM), parti représentant essentiellement la communauté muhadjire – les musulmans indiens exilés au Pakistan au moment de la Partition de 1947 –a maintenu ses positions par rapport au scrutin de 2002. Il disposera ainsi de 19 déput é sàl ’ Assemblée nationale et de 38dé put é sàl ’ Assemblée de la province du Sindh, son fief traditionnel, où il arrive deuxième derrière le PPP22.Al l i éj us qu’ i c iau président Musharraf, lui-même un Muhadjir, le président du parti, Altaf Hussain,s ’ e s t toutefois dit prêt à rejoindre le PPP aus e i nd’ unec oal i t i ongouve r ne me nt al e .Undi r i ge ant du MQM, Mohammad Farouq Sattar,aai ns idé c l ar équ’ i lal l ai t« proposer une coalition à Zardari. » « Je pense que Zardari a également fait cette offre à M. Altaf Hussain », a-t-il enfin ajouté23. Le MQM a participé à quatre des cinq derniers gouvernements. La configuration la plus favorable pour une telle alliance serait une coalition avec le PPP et la PML-Q. Une alliance avec la PML-N, avec laquelle le MQM a déjà partagé le pouvoir entre 1997 et 1999, semble en effet plus difficile en raison de profonds désaccords politiques. « Mê me une pi l ul e amè r e pe utê t r e aval é e ,j e ne l ’ é c ar t e pas», a toutefois concédé Mohammad Farouq Sattar,aj out antqu’ i ln’ yavai t«pas de point final en politique. » Il sera cepe ndantdi f f i c i l epourl e sde uxpar t i sdes ’ ac c or de rs url ’ at t i t udeàadopt e rf ac ea u président Musharraf. Alors que Nawaz Sharif ve utobt e ni ràt outpr i xl edé par tdel ’ homme quil ’ ac has s édupouv oi r ,l aMQM e s tpar t i s a nd’ uneappr oc hepl usc onc i l i a nt e ,v oulant continuer à travailler avec le président, quitte à lui « offrir une sortie honorable » au bout de de uxans .Quoi qu’ i le ns oi t , la décision sur une participation du MQM à un gouvernement devra être décidée par le secrétariat international du parti, établi à Londres depuis le départ d’ Altaf Hussain, accusé de violences et de tortures au Pakistan24. 3. Déroute des islamistes L’ unde sf ai t smar quant sde sé l e c t i onsdu1 8f é v r i e raur aé t él er e ve r sc i ngl antdel ac oal i t i on islamiste Muttahidda Majlis-e-Amal ( Coal i t i on pour l ’ act i on – MMA), tant à l ’ As s e mbl é enat i onal e ,oùe l l enedi s pos e r apl usquede6s i è ge s ,quedansl apr ovi nc edel a Frontière du Nord-Oue s t ,quié t a i tj us qu’ i c is ouss onc ont r ôl e .El l eype r de ne f f e t60s i è ge s , ne conservant que 9 siègesàl ’ Assemblée provinciale25. Burstin, André, « Après la prise de la Mosquée rouge, quel avenir pour le Pakistan », Not ed’ anal y s e del ’ ESISC, 16/07/2007. 21 « Pakistan/Politique : le limogeage du président de la Cour suprême conti nued’ e nf l amme rl e Pakistan », 14/05/2007. 22 Ibid., Election Commission of Pakistan. 23 « MQM strategy in 48 hours », Daily Times, 20/02/2008. 24 «Pakistan: Information on Mohajir/Muttahida Qaumi Movement-Altaf (MQM-A) », UNHCR. http://www.unhcr.org/cgi bin/texis/vtx/home/opendoc.htm?tbl=RSDCOI&page=research&id=414fe5aa4 25 Ibid., Election Commission of Pakistan. 20 5 La MMA se compose de trois partis : la Jamiat Ulema-e-islami de Fazlur Rahman (JUI-F). Comme la plupart des gr oupe si s l ami s t e sr a di c auxd’ As i edu Sud e t65% de smadr a s asdu Paki s t an,c e mouve me nts er é c l amedel ’ é c ol edé obandie26 ; la Jama’ at -e-islami (JI), plus vieux parti religieux du pays, qui prône la révolution islamique depuis 1941 ; la Jamiat Ulema-e-Pakistani,i s s uedel ’ é c ol ebar e l vi ,di r i géparShah Faridul Haq. Seule la JUI - Fazlur Rahman avait toutefois pris part au scrutin, les deux autres ayant proclamé un boycott en raison de la poursuite des combats dans les zones tribales et dans la province de la frontière du Nord-ouest. Si leur déroute est en partie imputable à ce boycott, elle y a été accueille par une immense explosion de joie, notamment à Peshawar, la capitale provinciale27.Vai nque ur par dé f aut e n 2002,l e si s l ami s t e s n’ ontpas r e s pe c t él e ur s pr ome s s e sauc our sdel e urmandatàl at ê t edel apr ovi nc e .Depl us ,l ami s ee npl ac ed’ une politique fondamentaliste, interdisant notamment la musique, les a écartés de la majorité de la population28. Enfin, tant le soutien accordé pendant des années au président Musharraf que leur proximité avec les Talibans ont été sanctionnés par une population épuisée par la crise politique et la violence. L’ i s l ami s mepol i t i quepa ki s t anai se s tnéave cl af ondat i ondel aJI en 1941 par Abu lala 29. En Maududi,s urba s ed’ unei dé ol ogi ed’ i ns pi r at i onf as c i s t ee tde spr é c e pt e sdé obandi s créant la JI, Abu lala Maududi espérait mener une révolution islamique en Inde, tout en s ’ oppos antàl ac r é at i onduPaki s t an.Apr è sl apa r t i t i onde1 947,i lyi mmi gr ané anmoi ns ,e ty milita pour le remplacement du régime parlementaire par un Etat islamique. La violence des campagnes menées par le parti força Zulfikar Ali Bhutto à appliquer une partie de son programme et à adopter des lois islamiques dans les années 7030. La base électorale traditionnelle de la JI se trouve dans les classes moyennes urbaines inférieures du Pendjab et du Sindh. Si le pouvoir au sein du parti est beaucoup moins personnalisé que chez ses homologues laïcs, la JI di s pos ed’ unes t r uc t ur et r è shi é r ar c hi s é e ,e s s e nt i e l l e me ntbas é es ur l ’ anc i e nne t é .Lec he fdupar t ie s tac t ue l l e me ntQazi Hussein Ahmed, un ancien professeur de la province de la Frontière du Nord-ouest. Il faut enfin rappeler que la JI a créé une branche militaire, le Hizb-ul-Mujahideen, dont les membres sont partis combattre en Afghanistan et au Cachemire indien31. Traditionnellement, le Pakistan connaissait de ux t y pe s d’ or gani s at i ons i s l ami s t e s ,l e s pr e mi è r e spar t i c i pant e sàl avi epol i t i quee tl e sde uxi è me ss ec ant onnantàl ’ e s pac es pi r i t ue l e tc ar i t a t i f .L’ a r r i vé eaupouv oi rdugé né r alZi ae tl ague r r es ovi é t i quee nAf ghani s t a nac r é e un troisième type, les or gani s at i onsdj i hadi s t e s ,quiontpe u àpe ui nf i l t r él ’ e ns e mbl edu courant islamiste. Le mouvement le plus pénétré de cette idéologie est la JUI- F, dont le chef entretient toujours des liens étroits avec la hiérarchie civile et militaire des Talibans32. Cr i s i sGr oupAs i ar e por tn° 1 30,Paki s t an:Kar ac hi ’ sMadr as asandv i ol e nte xt r e mi s m, Islamabad/Brussels, 29 March 2007. 27 Chipaux, Françoise, « Pakistan : "Nous n'étions pas heureux avec les mollahs" », Le Monde, 21/02/2008. 28 Id. 29 Gaborieau, Marc, Un autre islam, Inde, Pakistan, Bangladesh, collection Planète Inde, Albin Michel, 2007, p. 154. 30 Loc cit., Lodhi, Iftikhar A. 31 « Jammu & Kashmir. Terrorist Groups : an overview », South Asia Terrorism Portal, 2001. 32 Loc cit., Lodhi, Iftikhar A. 26 6 4. Perspectives gouvernementales Al ’ he ur eoùnousé c r i v ons ,l ’ hy pot hè s egouve r ne me nt al el apl uspr obabl ee s tunec oal i t i on entre le PPP et la PML-N. En dépit de profondes divergences politiques, Nawaz Sharif a e ne f f e tannonc él ej e udi21f é vr i e rqu’ unac c or da vai té t édé gagéauc our sd’ uner é uni onavec Asif Ali Zardari. Ce dernier a également déclaré que lui et Sharif « entendaient siéger ensemble au Parlement. » Le futur Premier ministre proviendra donc vraisemblablement des rangs du PPP, qui devrait donc choisir son vice-président, Makhdoom Amin Fahim, déjà opposé à Pervez Musharraf l or sdel ’ é l e c t i onpr é s i de nt i e l l edu6oc t obr ede r ni e r .De plus, l e sde uxdi r i ge ant spol i t i que sontd’ or e se tdé j àr e f us él apr opos i t i ondes out i e nl anc é eparl e président Musharraf à tout nouveau gouvernement. « Quel soutien Musharraf pourrait-il nous apporter ? », a ainsi déclaré Nawaz Sharif. Si les négociations entre les deux partis ar r i ve ntàl e urt e r me ,l af or ma t i ond’ unt e lgouve r ne me ntr e pr é s e nt e r ai tunnouve aur e ve r s pourl ec he fdel ’ Et at ,quive r r ai tunec oal i t i ondes e soppos ant spar t age rl epouv oi r . Jus qu’ i c i ,l apos i t i ond’ Asif Ali Zardari s e mbl ai tt out e f oi sbe auc oupmoi nst r anc hé e .S’ i ls e s i t ueé gal e me ntdansl ’ oppos i t i onàPervez Musharraf,i lnepar t agepasl ’ avis de Nawaz Sharif s urde sj uge ss us c e pt i bl e sd’ annul e rl ’ amni s t i equil uiaé t éac c or dé epourde sc r i me s de corruption commis avant 1999. Il pourrait donc finalement privilégier une alliance avec la Ligue musulmane du Pakistan-Quaid-i-Azam (PML-Q), le parti présidentiel, et le MQM. Le président de la PML-Q, Chaudhry Shujaat Hussain, aurait déjà rencontré des membres de la direction du PPP à Rawalpindi pour aplanir les différents et dégager un accord de majorité. Une telle coalition aurait également le soutien des Etats-Unis, qui ont toujours privilégié une alliance entre le président Musharraf et le PPP pour poursuivre la guerre contre le terrorisme. Selon des membres de la PML-N cités par CNN et le site d’ i nf or mat i on paki s t anai sIBN live s ousc ouve r td’ anonymat, le camp de Nawaz Sharif c omme nc e r ai tàdout e rdel as i nc é r i t édel ’ e ngage me ntd’ Asif Ali Zardari pour la formation d’ ungouve r ne me ntd’ oppos i t i onàPervez Musharraf33. Enfin, quoique peu probable, la possibilité d’ unenouve l l ei nt e r ve nt i ondel ’ armée dans le jeu pol i t i quen’ e s tpas à exclure. Si une coalition entre le PPP et la PML-N tentait effectivement de le destituer ou de faire annuler son mandat, le président Musharraf pourrait dissoudre le Parlement ou demande ràl ’ ar mé edelui redonner le pouvoir. Le nouveau che fd’ é t a t -major, le général Ashfaq Kiyani, un proche de Pervez Musharraf, a cependant pr é ve nuqu’ i l entendait se recentrer sur des activités strictement militaires. Si elle a engrangé des succès dans la vallée de Swat, contre le Tehrik Nifaz-e-Shariat Mohammadi34, l’ ar mé es ’ e s t j us qu’ i c imont r é ei nc a pabl edevai nc r el e sc omba t t ant si s l ami s t e sde sz one st r i bal e s . De plus, l ’ e nl è ve me ntdepl us i e ur sc e nt ai ne sdes ol dat sparde smi l i t ant si s l ami s t e sa porté un coup très dur au prestige de l ’ i ns t i t ut i on mi l i t ai r e . Celle-ci dispose toutefois encore d’ i nt érêts é c onomi que sc ons i dé r a bl e s ,l ar ge me ntr e nf or c é ss ousl ’ aut or i t édePervez Musharraf. Une politique visant à lui retirer ces avantages pourraient donc provoquer une réaction, même si celle-ci r e s t ef or ti mpr obabl eàl ’ he ur eac t ue l l e . 5. La fin du règne de Pervez Musharraf ? Les résultats des élections du 18 février marquent certainement un tournant majeur du règne de Pervez Musharraf à Islamabad. En offrant la victoire à ses plus farouches opposants, les électeurs pakistanais ont en effet exprimé leur lassitude et leur colère face à un pouvoir quin’ aur apasé t éc a pabl ed’ e mpê c he rl epay sdes ombr e rdansl avi ol e nc et e r r or i s t ee tl e c haospol i t i que .Poura ut ant ,l er é s ul t atn’ e nt r aî ne r apas nécessairement son retrait du 33 34 « PML-N having doubts over support to Zardari », IBNlive.com, 24/02/2008. (TNSM - Mouvement pour la défense de la loi du prophète) du Maulana Fazlullah. 7 pouvoir. Non seulement le président a exclu de démissionner35,mai ss e sadve r s ai r e sn’ ont pas de position commune sur le sort qui doit lui être réservé. Si Nawaz Sharif exige en effet l ade s t i t ut i ondel ’ hommequil ’ ac has s édu pouvoir, Asif Ali Zardairi préfère évoquer une c ol l abor at i onpos s i bl e ,s er appe l antquel epr é s i de ntl uiaa c c or dél ’ a mni s t i equil uiape r mi s de rentrer au Pakistan. Depl us ,l ’ i nf l ue nc eé t r a ngè r epour r ai ts ’ avé r e rdé t e r mi nant epourl af or mat i ondunouveau gouvernement. Dès l ’ a nnonc e de sr é s ul t at s , Asif Ali Zardari a ainsi rencontré l ’ ambas s ade ur de s Et at s -Unis, Anne Patterson, pour discuter de tous les scénarios postélectoraux et de la poursuite de la lutte contre les islamistes armés36. Rappelons que Washington a joué un rôle essentiel dans le retour de Benazir Bhutto au Pakistan, le 18 octobre dernier. Les Etats-Uni se s pé r ai e ntàl ’ é poqueobt e ni rl ac onc l us i ond’ uneal l i anc e e nt r el epr é s i de ntMus har r afe tl ’ anc i e nPr e mi e rmi ni s t r e ,me i l l e urmoy e nàleurs yeux de pr é s e r ve rl ’ e ngage me ntdupay sdansl ague r r ec ont r el et e r r or i s me ,donte l l e -même aura été l ’ unede svi c t i me sl e spl uss y mbol i que s .Si les négociations devaient échouer entre le PPP et la PML-N, une telle coalition pourrait donc encore se former, et maintenir Pervez Musharraf àl at ê t edel ’ Et ate ndé pi tdel ’ unede sdé f ai t e sé l e c t or al e sl e spl uss i gni f i c at i ve s del ’ hi s t oi r eduPaki s t an. Copyright © ESISC 2008 35 36 « Pakistan/Terrorisme : le président Musharraf ne démissionnera pas », ESISC, 20/02/2008. «Pakistan/Elections : défaite du camp présidentiel aux élections générales», ESISC, 19/02/2008. 8