Égalité salariale entre femmes et hommes dans l`administration du

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Égalité salariale entre femmes et hommes dans l`administration du
Égalité salariale entre femmes
et hommes dans l’administration
du canton de Berne
Mise en œuvre de la motion 169/2006 (Kropf, Berne [JA!])
Rapport du Conseil-exécutif
au Grand Conseil du 6 mai 2009
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Historique et mandat
Le 25 janvier 2007, le Grand Conseil a examiné la motion 169/2006 « Égalité salariale
dans la pratique », déposée par le député Blaise Kropf (Berne, JA!) le 13 juin 2006.
Conformément aux propositions du Conseil-exécutif du 6 décembre 2006, le Grand
Conseil a arrêté les décisions suivantes au sujet des exigences de la motion :
1. faire examiner les salaires versés dans l’administration cantonale selon la méthode
décrite ci-dessous (analyse de régression) : adoption de la motion ;
2. présenter au Grand Conseil et à l’opinion publique les résultats et, le cas échéant,
proposer les mesures nécessaires pour améliorer la situation : adoption de la motion ;
3. répéter ce contrôle à intervalles réguliers : adoption sous forme de postulat ;
4. faire réaliser une analyse similaire dans les institutions subventionnées dont la taille
est suffisante (à partir de 30 à 50 collaboratrices et collaborateurs) : adoption sous
forme de postulat.
Le présent rapport exécute le mandat découlant des exigences des points 1 et 2 qui ont
été adoptés sous la forme contraignante de la motion.
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Méthode et procédure
En mai 2007, l’Office du personnel du canton de Berne a chargé le Bureau d’études de
politique du travail et de politique sociale BASS SA, de Berne, de vérifier l’égalité des
salaires versés au personnel cantonal au moyen d’une analyse de régression.
Cette analyse a été réalisée à l’aide de LOGIB, l’instrument de contrôle de l’égalité des
salaires de la Confédération. Avec LOGIB, le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes
et hommes (BFEG) et la Commission des achats de la Confédération ont fait développer une méthode d’analyse économico-statistique permettant de contrôler l’égalité des
salaires entre femmes et hommes. Cette méthode est aujourd’hui employée au niveau
fédéral dans le cadre de l’attribution des marchés publics, pour vérifier par échantillonnage l’égalité salariale dans les entreprises.
LOGIB est un instrument d’autocontrôle programmé sous Excel qui est destiné aux entreprises comprenant au moins 50 employées et employés. La clé de voûte de la méthode est la procédure statistique de l’analyse de régression. Elle permet de déterminer
quelle part du différentiel de salaire entre femmes et hommes peut s’expliquer par des
caractéristiques individuelles de qualification (formation, ancienneté et expérience
professionnelle potentielle1) ou par des différences dans des facteurs liés au poste de
1
L’expérience professionnelle potentielle désigne l’expérience professionnelle qui est possible après
l’achèvement de la formation la plus élevée. Elle n’est pas établie individuellement, mais selon des critères normalisés : pour les personnes diplômées de l’Université, par exemple, on considère généralement que les études s’achèvent à l’âge de 23 ans. À l’âge de 40 ans, une personne diplômée de
l’Université a donc une expérience professionnelle potentielle de 17 ans. En outre, la méthode ne retient
pas si la personne considérée présente ou non des « trous » dans son parcours professionnel.
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travail (position professionnelle et niveau de qualification requis), et quelle part est attribuable au sexe.
L’utilisation de LOGIB pour l’administration du canton de Berne présentait plusieurs difficultés :
 Nécessité de recourir à une assistance externe : en principe, LOGIB peut être utilisé
par une entreprise de manière autonome et sans aide extérieure. Toutefois, cet instrument atteint ses limites lorsque les volumes de données excèdent
10 000 enregistrements. Avec ses 17 000 enregistrements de données au bas mot, le
canton de Berne ne pouvait donc pas réaliser lui-même le test : pour ce motif et pour
des raisons techniques, il a fallu faire appel aux services du Bureau BASS.
 Collecte et saisie de données : pour exécuter LOGIB, il faut impérativement que certaines données soient enregistrées dans un système d’information sur le personnel. La
plupart d’entre elles figurent dans PERSISKA, le système d’informations personnelles
du canton de Berne. Toutefois, il a fallu rechercher puis saisir certaines données (notamment le plus haut diplôme obtenu) spécialement pour cette analyse. Seuls les services du personnel des Directions et des offices pouvaient s’acquitter de cette tâche, qui
a nécessité un très fort investissement en raison de l’exhaustivité de l’enquête (examen
des dossiers personnels, demandes auprès des collaborateurs et collaboratrices
concernés). Ces travaux ont pris plusieurs mois.
En été 2008, les données collectées ont été transmises pour analyse au Bureau BASS,
qui a présenté la version finalisée de son rapport en décembre 2008.
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Résultats
Le rapport d’analyse complet du Bureau BASS est fourni en annexe.
Voici, en résumé, les résultats de l’analyse standardisée de l’égalité des salaires entre
femmes et hommes dans l’administration du canton de Berne :
Les femmes représentent 46 pour cent des quelque 17 000 collaborateurs et collaboratrices du canton de Berne sur lesquels a porté l’analyse LOGIB. En moyenne,
les femmes gagnent 19,3 pour cent de moins que leurs collègues de sexe masculin.
Par rapport aux hommes, les femmes sont en moyenne plus jeunes, présentent
moins d’expérience professionnelle potentielle, travaillent depuis moins longtemps
au canton et ont en général un niveau de formation légèrement inférieur. Ces caractéristiques individuelles de qualification expliquent près des deux tiers (65%)
du différentiel de salaire.
Les facteurs liés au poste de travail sont par ailleurs à l’origine d’un autre cinquième (22%) du différentiel de salaire. Il s’agit en l’occurrence de la sousreprésentation des femmes à tous les niveaux de l’encadrement et dans les fonctions qualifiées ayant un niveau d’exigences élevé.
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À conditions par ailleurs équivalentes, les femmes employées dans l’administration
du canton de Berne gagnent 2,5 pour cent de moins que les hommes (13% de la différence de 19,3%).
Ce différentiel de salaire inexpliqué de 2,5 pour cent lié au sexe est très faible :
ainsi se situe-t-il par exemple nettement sous le seuil de tolérance de 5 pour cent
qui est en vigueur dans le domaine des marchés publics de la Confédération. Cette
inégalité salariale de 2,5 pour cent relevée dans l’administration du canton de Berne
est également inférieure aux chiffres d’autres employeurs ayant réalisé une analyse
avec LOGIB : dans l’administration de la ville de Berne, la différence atteignait par
exemple 2,8 pour cent en 20062 ; selon une analyse du Bureau BASS, elle représente environ 9,1 pour cent dans l’économie privée et autour de 3,2 pour cent à la
Confédération3.
Il apparaît donc qu’en ce qui concerne l’égalité salariale au sens strict, il n’y a pas
lieu de prendre des mesures dans l’immédiat dans l’administration du canton de
Berne.
Globalement, les femmes employées par le canton de Berne gagnent en moyenne
19,3 pour cent de moins que les hommes. Cet écart s’explique en grande partie par
des différences de qualification personnelle, de position professionnelle et de niveau
d’exigences des postes de travail occupés. Une partie de cet écart reste inexpliquée :
c’est l’ampleur de l’inégalité - ou de la discrimination - salariale entre les sexes, qui
représente 2,5 pour cent en défaveur des femmes.
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Appréciation des résultats et conclusions du Conseil-exécutif
4.1 Appréciation générale
Le Conseil-exécutif prend acte avec satisfaction des résultats de l’analyse. Le fait que,
à conditions égales, femmes et hommes touchent pratiquement le même salaire dans
l’administration du canton de Berne, confirme aussi l’efficacité pratique de la conception
non discriminatoire du système de rémunération en place. Si le rapport d’analyse du
Bureau BASS considère que le différentiel de salaire est statistiquement significatif et
ne résulte donc pas du hasard, cela s’explique selon le Conseil-exécutif par des facteurs liés au poste de travail ; autrement dit, cela tient au fait que les femmes sont sousreprésentées dans les fonctions correspondant aux classes de traitement les plus éle2
Ville de Berne : « Analyse der Lohngleichheit zwischen Frauen und Männern in der Stadtverwaltung
Bern » [Analyse de l’égalité des salaires entre femmes et hommes dans l’administration de la ville de
Berne], cf. http://www.buerobass.ch/pdf/2006/ Lohnanalyse_StadtBern.pdf
3
Economie privée et Confédération : « Analyse comparative entre les salaires des femmes et des
hommes sur la base des données de l’Enquête sur la structure des salaires 1998 à 2006. Analyse dans
le cadre de l’évaluation de l’efficacité de la Loi sur l’égalité (LEg) », cf. http://www.buerobass.ch/pdf/2008/
Lohnanalysen_LSE1998-2006_d.pdf
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vées (postes d’encadrement et postes ayant des exigences supérieures). Les résultats
de cette analyse doivent aussi permettre de saisir l’occasion de continuer de manière
ciblée et adéquate à améliorer la situation.
4.2
Mesures visant à améliorer la situation
L’analyse du Bureau BASS montre en particulier que les facteurs liés au poste de travail entraînent une différence de salaires entre femmes et hommes, bien que dans une
proportion relativement faible. Les facteurs liés au poste de travail (position professionnelle ou prise en charge de fonctions d’encadrement et niveau d’exigences requis pour
un poste) sont ceux sur lesquels l’employeur peut exercer une certaine influence et qui
pourraient faire l’objet de mesures le cas échéant.
Le Conseil-exécutif n’est pas sans savoir (et savait d’ailleurs indépendamment des résultats de l’étude du Bureau BASS) que les femmes sont sous-représentées dans
l’administration du canton de Berne à tous les niveaux d’encadrement et aux fonctions
qualifiées ayant des exigences poussées. Pour cette raison, il a adopté dès 2004 des
Directives sur l’égalité qui formulent notamment l’objectif d’une « répartition équilibrée
des sexes à tous les échelons et dans tous les domaines de l’administration cantonale » (ACE 1884 du 20 juin 2004, point 1.1).
En conséquence, des efforts ont été déployés ces dernières années dans le cadre de la
politique du personnel pour améliorer les chances des femmes d’accéder à des postes
d’encadrement et pour faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Il
faut mentionner par exemple les mesures suivantes, qui sont maintenues :
Le canton de Berne approuve l’idée de l’équilibre entre travail et vie privée, qu’il
soutient depuis de nombreuses années en offrant des modèles souples d’horaire de
travail (p. ex. horaire de travail annualisé) ainsi qu’en proposant le travail à temps
partiel et le partage de poste même aux cadres. L’instauration du travail à temps
partiel à des postes qualifiés permet à des femmes et des hommes qui ne peuvent
ou ne veulent pas travailler à plein temps de suivre une carrière professionnelle attrayante. Il leur est ainsi plus facile de participer à un cours de perfectionnement ou
de pratiquer des activités extraprofessionnelles. Les pères et les mères occupant un
poste de cadre peuvent en outre mieux concilier carrière et vie de famille.
En proposant des programmes de développement personnel et de perfectionnement spécialement destinés aux femmes (p. ex le cours « Praxisbegleitung für Führungsfrauen » proposé au titre du développement des dirigeant-e-s et des cadres),
le canton de Berne encourage ses collaboratrices à élargir et à approfondir leurs
compétences professionnelles.
En outre, l’Office du personnel incite les Directions et la Chancellerie d’Etat à publier
les avis de vacances de postes sur FEMDAT (www.femdat.ch), plate-forme suisse
d’information pour les expertes et les professionnelles qualifiées.
La définition d’objectifs quantifiables, dans les accords sur les prestations des Directions et de la Chancellerie d’Etat, permet de vérifier les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs. Un premier bilan de la mise en œuvre des Directives sur l’égalité
sera dressé en 2010 sous la forme d’un rapport d’évaluation.
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Il convient toutefois d’observer que l’élimination des écarts de salaire liés au poste de
travail ne relève qu’en partie de la sphère d’influence directe du Conseil-exécutif :
 Environ 20 pour cent des postes aux exigences les plus poussées sont pourvus par
le Grand Conseil ou dans le cadre d’une élection populaire.
 Près de 50 pour cent des postes aux exigences les plus poussées se trouvent à
l’Université. Avant que le Conseil-exécutif ne procède à la nomination pour les charges de professorat ordinaire à pourvoir à l’Université, une personne déléguée à
l’égalité intervient pour contrôler et suivre la procédure. On peut donc partir du principe que cela permet d’établir suffisamment tôt et de manière approfondie s’il existe
une ou plusieurs candidatures féminines appropriées pour le poste de professeur
ordinaire à pouvoir.
 Il faut enfin noter que les femmes font défaut pour certains postes de cadres dans
l’administration cantonale (p. ex. postes de dirigeants dans des offices à caractère
technique).
Une réduction accrue des différences liées au poste de travail représente donc un processus de longue haleine. Les évolutions dépendront aussi du nombre de postes qui se
libéreront au plus haut niveau d’encadrement de l’administration cantonale. Le Conseilexécutif s’efforcera néanmoins, dans les limites de ses possibilités, d’accomplir de nouveaux progrès ces prochaines années.
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Conclusion
Le Conseil-exécutif propose au Grand Conseil de prendre connaissance du présent
rapport. Voici les réponses aux quatre exigences de la motion précédemment mentionnée :
1. Les salaires versés dans l’administration cantonale ont été examinés à l’aide d’une
analyse de régression. Les résultats des travaux du Bureau BASS sont présentés
dans son rapport du 11 décembre 2008 ainsi que dans le présent document.
2. Les résultats de l’étude sont portés à la connaissance du Grand Conseil dans le
présent rapport. Ils seront aussi présentés à l’opinion publique dans le cadre d’un
communiqué de presse. Les mesures adoptées jusqu’ici pour améliorer la situation
en ce qui concerne les écarts de salaire liés au poste de travail sont déjà connues ;
elles sont accessibles à tous sur le site internet de l’Office du personnel
(www.pa.fin.be.ch / Conditions de travail).
3. Le Conseil-exécutif renonce pour l’instant à répéter le contrôle dans l’ensemble de
l’administration, et ce pour les raisons suivantes : d’une part, le rapport montre
qu’en ce qui concerne l’égalité salariale, la situation actuelle dans l’administration
du canton de Berne peut déjà être considérée comme très bonne en soi et par
comparaison avec d’autres employeurs ; d’autre part, on peut escompter que les efforts déjà déployés et ceux qui seront encore entrepris pour renforcer la présence
des femmes aux postes d’encadrement porteront bientôt leurs fruits. Dans ces
conditions, il semble au Conseil-exécutif que l’investissement lié à un nouveau
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contrôle ne se justifie pas. En revanche, il est prévu de réaliser périodiquement des
contrôles par échantillonnage. S’ils donnent à penser que la situation se détériore,
de nouvelles mesures seront adoptées.
4. Le Conseil-exécutif estime qu’il ne lui appartient pas de faire réaliser une analyse
similaire dans les institutions subventionnées par le canton. En effet, le canton de
Berne n’y est pas l’employeur, et il ne peut pas imposer de consignes impératives
aux institutions certes subventionnées, mais juridiquement indépendantes, au sujet
des conditions d’engagement de leur personnel. Dans le domaine hospitalier, il faut
aussi remarquer, en particulier, que les hôpitaux régionaux et de district auparavant
financés par des syndicats de communes sont désormais gérés en tant que « centres hospitaliers régionaux » (CHR) avec le statut juridique de sociétés anonymes.
Ils « sont responsables de leur gestion dans les limites des dispositions contractuelles convenues » et mettent à profit la marge de manœuvre adéquate et conforme
au droit que le canton s’efforce de leur accorder (art. 40 de la loi sur les soins hospitaliers ; LSH). Il importe aussi de mentionner à cet égard la disposition légale selon
laquelle les partenaires sociaux règlementent les conditions de travail du personnel
des CHR dans une convention collective de travail (art. 19 LSH).
Berne, le 6 mai 2009
Au nom du Conseil-exécutif
La présidente :
Egger-Jenzer
Le chancelier :
Nuspliger