le droit au logement opposable
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le droit au logement opposable
BLANC L UCILE DRIBLA F ATIMA CHARTIER S TÉPHANIE MALPERTU J ANIQUE L ICENCE PROFESSIONNELLE « MANAGEMENT DU LOGEMENT SOCIAL » LE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE SON APPLICATION DANS LE PUY-DE-DÔME T UTEURS DE PROJET : FABERON-TOURETTE FLORENCE FIOLET L AURENT 2013-2014 REMERCIEMENTS P our l’élaboration de notre projet « L’application de la loi DALO dans le Puy-deDôme », nous avons rencontré différents interlocuteurs directement impliqués dans la mise en place du droit au logement opposable. Ainsi, pour nous orienter et nous donner de nouvelles pistes nous tenons à remercier particulièrement nos maîtres de projet Madame Florence FABERON-TOURETTE, Professeur de droit à l’université d’Auvergne, et Monsieur Laurent FIOLET, Responsable du Service contentieux à Logidôme, pour le temps qu’ils nous ont consacré. Lors de nos premières investigations, nous avons rencontré Madame Charlène CALLIZO, chargée de Clientèle à Logidôme. Elle a participé au fonctionnement de la commission technique durant l’année 2013 et qui nous a éclairé sur le processus DALO. Nous avons aussi rencontré Madame Françoise LUNEAU, Responsable de Patrimoine à l’Ophis, et membre de la commission de médiation. Nous tenons à la remercier pour le temps qu’elle nous a consacré, et de nous avoir donné plus amples explications sur le fonctionnement de la commission de médiation. Notre principale source d’information a été la Direction Départementale de la Cohésion Sociale. Aussi nous tenons à remercier plus particulièrement Madame Christine JAILLER, Chef du service politique social du logement, Madame Ana-Paula FIDALGO, son adjointe. Nous les remercions de leur accueil au sein du service, et de nous avoir apporté des informations utiles sur la situation du logement dans le Puy-de-Dôme et sur la loi DALO plus précisément. Monsieur Raymond AMBLARD, le Président de la commission de médiation nous a reçu et a répondu à toutes nos questions en terme pratique, quant à l’interprétation de celle-ci. Et enfin, l’association Habitat Humanisme a eu la gentillesse de nous recevoir et de nous informer sur leurs actions. Nous tenons donc à remercier toutes ces personnes qui nous ont permis d’élaborer plus précisément notre projet, et d’une manière générale le corps enseignant de la formation. TABLE DES SIGLES ADIL : Agence départementale d’information sur le logement AJDI : Actualité juridique droit immobilier ALTIC : Association aux logements temporaires d’insertions de Clermont-Ferrand APL : Aide personnalisée au logement ANAH : Agence nationale de l’habitat ANEF : Association nationale d’entraide féminine ATD : Agir tous pour la dignité AVDL : Accompagnement vers et dans le logement CCAS : Centre Communal d'Action Sociale CCAPEX : Commission de coordination des actions de préventions des expulsions locatives CCH : Code de la construction et habitation CHRS : Centre d’hébergement et de réinsertion sociale CLCV : Consommation logement et cadre de vie CNRS : Centre national recherche scientifique CUS : Convention d’Utilité Sociale DAHO : Droit à l’hébergement opposable DALO : Droit au logement opposable DDASS : Direction départementale des affaires sanitaires et sociales DDCS : Direction départementale de la cohésion sociale DDE : Direction départementale de l’équipement DDT : Direction départementale des territoires EPIC : Etablissements publics à caractère industriel et commercial FSL : Fonds de solidarité pour le logement FSH : Fonds de solidarité habitat HLM : Habitation à loyer modéré MOLLE (loi) : Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion MOUS : Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale MSA : Mutualité sociale agricole OPAH : Opération programmée d’amélioration de l’habitat PACT 63 : Propagande et action contre les taudis du Puy-de-Dôme PDAHI : Plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion PDALPD : Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées PIG : Programme d’intérêt général PLAI : Prêt locatif aidé d’intégration PNRU : Plan national de réhabilitation urbaine ROL : Relevé observation logement SCI : Société civile immobilière SIAO : Services intégrés d’accueil et d’orientation SRU : Solidarité et renouvellement urbains SOMMAIRE PAGES INTRODUCTION 1 PARTIE I – UN DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE ENTRE PUBLICS ET MEDIATION 5 I. Des publics vulnérables reconnus prioritaires au DALO 5 A / Quand être sans logement rend éligible au DALO 6 1. Les personnes pouvant prétendre à ce droit 6 2. Les publics en phase de perdre leur logement 9 B / Quand avoir un logement rend éligible au DALO 12 1. Les logements dangereux ou inadaptés 12 2. Les personnes en délais anormalement longs 16 II. 18 Vers une procédure de recours amiable A / Une procédure législative en demi-teinte 18 1. Une saisie administrative pour accéder à un droit 18 2. Une application efficace dans le Puy-de-Dôme 21 B / D’une procédure décisionnaire vers un bilan encourageant 24 1. Le caractère décisionnaire de la commission de médiation et ses suites 24 2. D’un bilan national en demi-teinte à un bilan local positif 27 PARTIE II – LE DALO UN BILAN JURIDIQUE ET PRATIQUE I. Le DALO, une réponse systématique aux situations de mal-logement : à l’épreuve du juge A/ Le DALO : un droit justiciable 1. 2. 31 32 Le juge administratif, bras armé juridique de la commission de médiation 33 Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand face au DALO : une unique décision 37 B/ Le droit au logement : entre obligations de résultats et obligations de réparations II. 31 39 1. Quand le juge oblige au logement 39 2. Quand réparer s’impose 42 Le droit au logement opposable à l’épreuve des faits : une application contrastée A/ Des difficultés pratiques d’application 1. 2. 44 44 Des dispositifs pas toujours investis et un manque criant de logements 44 Un texte en proie à des blocages : pas d’expulsions sans relogement préalable 48 B/ Le Puy de Dôme : un département plein de ressources 50 1. Le logement social : une priorité 50 2. Un travail en partenariat source d’efficacité 54 CONCLUSION 56 INTRODUCTION « Au total, 10 millions de personnes sont touchées par la crise du logement »1. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre se veut alarmant relativement aux chiffres du mal-logement en France. 3,5 millions de personnes mal-logées. L es problèmes liés aux logements ne sont pas nouveaux. En effet, il est possible de dater la crise du logement du XIX° siècle alors que débute l’industrialisation. La modernisation du matériel a poussé les gens vers les villes pour aller chercher du travail dans les usines industrielles. Par conséquent, cet exode rural a entraîné une forte concentration de population2. À la fin de la seconde guerre mondiale, autant les autorités publiques que les acteurs privés ont joué un rôle primordial face à l’envergure de la crise du logement. Un véritable « droit au logement » a trouvé les moyens de son déploiement par l’application d’un côté des droits de l’urbanisme et de la construction et de l’autre d’un droit de l’aide et de l’action sociales3. Les années 50 à 60 se remarquent par une politique de construction de masse. Les aides dites « à la pierre » permettent de fournir des logements à des coûts de production adaptés à la population. Cette période est marquée par l’appel de l’Abbé Pierre en hiver 1954 en faveur des sans-logis et déshérités et demande au Parlement de remédier à cette situation de misère. En même temps avec les années 70, le rapport « Nora-Eveno » publié en 1975 sur l’habitat ancien, révèle qu’il reste encore 15 millions de mal-logés en France. Les derniers taudis et bidonvilles vont alors disparaître. En 1977, la grande réforme rééquilibre les politiques publiques vers un renforcement de la logique « aide à la personne », avec la création de l’aide personnalisée au logement (APL). Ces nouveaux dispositifs d’accès au logement viennent compléter les mesures de réinsertion sociale existantes à travers les structures d’hébergements. Le logement devient une question « vitale » pour certains individus, et permet une véritable insertion sociétale. Il reste au logement à revêtir les apparents d’un droit véritable. C’est à partir des années 80 qu’une série de lois en faveur du logement voit le jour. Le droit au logement est cité comme un droit fondamental pour la première fois, avec à la loi Quillot du 22 juin 1982, qui fixe les droits et obligations des parties dans un contrat réglementé et écrit. 1 Cf annexe 1, Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Présentation du rapport 2014 sur l’état du mal-logement en France, « Les chiffres du mal-logement en 2014 », p. 4. 2 Lexinter.net, Encyclopédie en ligne, Industrialisation, Saint-Simon, Apôtre de l’industrialisation du XIX° siècle, http://www.lexinter.net/ENCYCL/industrialisation/. 3 ème « Droit de l’aide et de l’action sociales », Michel Borgetto et Robert Lafore, 8 édition, p. 703 et p. 704. 1 Pour continuer sur ces idées, la loi Besson du 31 mai 1990 édicte que garantir le droit au logement « constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». La nation n’a pas l’obligation de fournir un logement à toute personne qui en fait la demande. En revanche elle doit apporter une aide aux personnes visées par le texte. En 1994, la loi Habitat vient compléter ce texte en intégrant de nouvelles dispositions pour l’hébergement d’urgence des personnes sans-abri. La complexité de ces dispositifs législatifs a tenté de réguler l’accès au logement. Néanmoins, l’obligation de résultats n’est pas encore apparue, l’État n’a toujours qu’une obligation de moyens. Le 19 janvier 1995 apporte un changement crucial dans le domaine du droit au logement. En effet le Conseil constitutionnel considère que « la possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ». Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées avait proposé, dans plusieurs de ses rapports annuels de rendre l’État responsable de l’accès du droit au logement comme par exemple « La crise du logement est donc aussi une crise de l’État droit 1» .Un pas supplémentaire est franchi en 1995 qui ne rend pas pour autant ce droit opposable. L’État ne doit pas moins renforcer sa politique de logement en vue de concrétiser « un droit » aux plus démunis pour l’accès au logement. C’est dans ce contexte, que l’Abbé Pierre lance un appel en 2004. Il alerte les pouvoirs publics relativement aux problèmes persistants du logement. À la même période, un regroupement de 51 associations se constitue pour l’affirmation d’un droit au logement opposable, autour d’ATD Quart Monde2. Des mouvements se créés. Des manifestations ont lieu le 5 juin 2004, dans plusieurs villes de France. En 2005, les incendies des habitations abritant les mal-logés à Paris ont provoqué plusieurs décès, ce qui relancent le problème et soulignent les dérives des marchands de sommeils. On peut constater qu’il y a non seulement un problème avec les personnes sans logement, mais aussi avec celles qui sont logées mais dans des habitats précaires. Le gouvernement s’investit. Il propose deux projets de loi entre 2005 et 2006. Ils resteront sans suite. Mais il faut agir. Le mouvement associatif se veut actif. Une action marquante revient à l’association « Les enfants de Don Quichotte ». Le 16 décembre 2006 elle porte ses revendications au cœur de l’actualité en organisant un campement de tentes le long du canal Saint-Martin à Paris. 1 8° rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, « Vers un droit au logement opposable », octobre 2002, p. 15. 2 Agir Tous pour la Dignité Quart Monde. 2 Finalement, le Président de la République a demandé lors de ses vœux du 31 décembre 2006, de faire voter un texte créant un droit au logement opposable, avant la fin de son mandat. Une loi doit répondre aux problèmes du mal-logement. C’est chose faite le 5 mars 2007 avec la promulgation de la loi dite DALO. Ce texte institue un droit au logement pour certaines catégories de ménages reconnues comme prioritaires. Le droit au logement est non seulement un objectif à valeur constitutionnelle, mais encore un droit opposable. L’État devient le garant de l’accès à ce droit. Il s’engage à assurer aux citoyens une obligation de résultat. La loi est d’application progressive avec une entrée en vigueur à compter de 2008 et la mise en place d’une nouvelle organisation au sein des départements, et l’implication de l’ensemble des collectivités territoriales. Chaque département progresse au rythme de l’économie du pays. La crise du logement est présente à différentes échelles selon la densité de la population. En effet, les grandes agglomérations sont confrontées à un contexte immobilier plus dense. Alors que les régions se qualifiants comme « rurales » se voient moins en difficulté face à ce problème. Le département du Puy-de-Dôme, quant à lui, possède un contexte immobilier local qui se caractérise par un nombre de logements sociaux par rapport aux nombres d’habitants total inférieurs à la moyenne nationale1. La localisation des logements à caractère social est essentiellement urbaine dans l’agglomération Clermontoise, avec 35 386 logements gérés par des organismes HLM, environ 10 % de l’offre de logement. Les résidences principales constituent l’essentiel du marché immobilier, toutefois il y a tout de même 9,7 % de logements vacants sur le territoire2. Au niveau de sa population, on constate un phénomène de paupérisation, de plus en plus de ménages perçoivent des revenus inférieurs à 60 % des plafonds HLM. Cette situation entraîne une surreprésentation des familles monoparentales, des personnes seules, et des couples avec enfants sur les profils des demandeurs DALO. Concernant leurs origines, la majeure partie émane de la France, 15 % viennent d’autres nationalités extérieures à l’Union européenne et 6,7 % sont membres de l’Union européenne. Cette présentation est la caractéristique des villes moyennes françaises. 1 Statistiques INSEE 567 logements pour 10 000 habitants pour le Puy-de-Dôme, contre 642 pour 10 000 habitants au niveau national, http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/. 2 «Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées » Conseil général du Puyde-Dôme 2012 -2016, p. 26. 3 La ville est donc caractérisée par une forte population qui se loge dans des logements sociaux dans des quartiers sectorisés. La politique de la ville en matière de logement est bien développée à travers différents programmes de réhabilitation et de constructions dans le cadre du plan national de la réhabilitation urbaine (PNRU). Ce dynamisme met en évidence les besoins en matière de logement et répond à une demande locale. Cette demande englobe des personnes étant dans une situation précaire souvent sans logement ou vivant dans un habitat inadapté à leur besoin. Il faut être en mesure de démontrer comment cette loi s’applique au niveau local et comment elle se matérialise. Il convient alors de dévoiler les rouages de la loi DALO dans sa mise en application dans le Puy-de-Dôme. La loi DALO répond à un problème de logement visant les personnes n’ayant pas de logement et qui peuvent avoir recours à la médiation pour obtenir un logement (partie I). Elle vise un public spécifique éligible au DALO avec ou sans logement (I). Dans le cadre de cette loi, ces publics peuvent se lancer vers une procédure législative de recours amiable pour demander un logement correspondant à leurs situations (II). Au vu du bilan mitigé constaté par l’application de la loi DALO sur tout le territoire français, on se rend compte que dans le département du Puy-de-Dôme, il est en autrement, puisque la loi a permis de réelles avancées sociales indéniables, malgré certaines limites juridiques et pratiques (partie II). Le droit au logement opposable est un droit justiciable ouvrant droit à une procédure contentieuse contraignant l’Etat à une obligation de résultat (I). De ce fait nous porterons un regard plus général sur l’application de cette loi à l’échelle de notre département (II). 4 PARTIE I – UN DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE : ENTRE PUBLICS ET MEDIATION L a situation actuelle progresse dans un climat de crise économique depuis 2010, ce qui met en péril l’évolution des politiques économiques et sociales. Ce contexte touche le logement qui reste toujours un enjeu majeur pour l’Etat. Le « droit au logement » défini en 2007 comme un droit « opposable » est à l’épreuve. En effet, « cette novation qui justifie alors la mise en place d’une procédure obligeant en principe les responsabilités publics à fournir un logement à certains ménages qui en sont dépourvus1 ». Il convient donc de déterminer dans un premier temps, quels sont ces ménages reconnus prioritaires à ce droit au logement opposable (I), et dans un second temps, définir la procédure amiable qui mène à la commission DALO pour en bénéficier (II). I/ Des publics vulnérables reconnus prioritaires au DALO L e recours DALO peut s’exercer sur une demande de logement ou d’hébergement. Le logement par définition est un lieu de refuge, où se constitue le noyau familial, un lieu indispensable pour se projeter vers l’avenir, pour préserver sa santé. On sait que l’absence de logement peut rendre difficile les conditions d’existences. C’est pour cette raison que le Législateur s’est saisi de la question. Au niveau national, 88 % des demandes concernent une demande en vue d’obtenir un logement et 12 % un hébergement2. Nous allons nous intéresser ici uniquement aux demandes concernant le logement. La demande en DALO implique une recherche de situation pérenne et non pas provisoire, comme c’est le cas pour l’hébergement en DAHO. Nous allons comparer la répartition des demandeurs par type de catégories dans le Puy-de-Dôme et les resituer par rapport au niveau national qui peut nous servir de référence. Parmi les différentes catégories de demandeurs, certains n’ont pas du tout de logement et d’autres habitent dans des conditions insoutenables. Ainsi, les demandeurs classés prioritaires au titre du DALO regroupent les personnes dépourvues de logement, les personnes vivant dans des locaux impropres à l'habitation, les demandeurs menacés d'expulsion, les personnes en hébergement d'accueil, les personnes cumulant à la fois le fait d'être handicapé (ou ayant à sa charge une personne en situation de handicap) ou un enfant mineur et habiter dans un 1 « Droit de l’aide et de l’action sociales », Michel Borgetto et Robert Lafore, lextenso éditions, 2012, ème 8 édition, p. 730. 2 Statistiques InfoDalo, Direction Départementale de la Cohésion Sociale du Puy-de-Dôme, chiffres 2013. 5 logement non-décent ou sur-occupé, les demandeurs se trouvant en situation de délais anormalement longs. Ainsi donc cette loi s’adresse aux personnes rencontrant des difficultés face au logement. Il s’agit d’une part, des personnes sans logement et d’autre part (A), des personnes vivant dans des logements ne répondant pas à des exigences qualitatives minimales (B). A/ Quand être sans logement rend éligible au DALO Ainsi, le DALO vise les situations d’urgence ou du moins prioritaires que matérialise systématiquement l’absence de logement ou sa perte prévisible par une procédure d’expulsion. Nous allons dans un premier temps étudier les personnes qui n’ont pas du tout de logement, parmi elles celles sans logement actuel, mais aussi les personnes qui sont en phase de le devenir : les personnes en procédures d’expulsion. 1. Les personnes sans logement Les personnes dépourvues de logements et hébergées peuvent déposer un recours pour le droit au logement dans le cadre du dispositif DALO. Les personnes dépourvues de logement, cette catégorie regroupe un public assez vaste qui englobe les personnes qui vivent dans la rue ou sans domicile fixe, les personnes vivant en foyer d'accueil, dans un squat, dans un camping, dans un hôtel, ou une fourgonnette, un camping-car, une caravane, ou encore une tente. Ce sont effectivement des personnes qui sont en très grande précarité d'insertion et particulièrement par rapport à l'habitat. On peut aussi inclure dans cette catégorie les personnes qui ont purgé une peine de prison. D’autres cas peuvent être invoqués par exemple à la suite d’un divorce, le conjoint qui a reçu une ordonnance de nonconciliation ou des propriétaires en surendettement qui doivent vendre leur bien immobilier. En revanche, on peut exclure de cette catégorie les personnes qui vont bientôt conclure un bail glissant avec une association, celles qui logent dans une résidence d'accueil depuis moins de 6 mois, les personnes qui sollicitent une mutation dans le parc social, le locataire dont le propriétaire donne congés (le délai est suffisant pour se reloger), ou qui ont effectivement des revenus suffisants pour accéder à un habitat1. Dans le Puy-de-Dôme, les demandeurs se situant dans cette catégorie au 1er semestre 2013, représentent 17,6 % des demandes totales, contre 32 % au niveau national2. La commission apprécie la situation de demandeur vis-à-vis de possibilité 1 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO » n°21-2011, sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 46. 2 er Statistiques InfoDalo, DDCS, 1 semestre 2013. 6 d'accéder ou non à un logement ou hébergement. Au niveau du Puy-de-Dôme, le plan départemental pour le logement des personnes défavorisées tente d’apporter des solutions à leurs conditions de vie difficiles. L’article 4 de la loi du 31 mai 1990 donne une définition plus précise du public visé dans le PDALPD, il s’agit « des personnes et familles sans aucun logement, menacées d’expulsion sans relogement, hébergées ou logées temporairement, ou exposées à des situations d’habitat indigne, ainsi que celles qui sont confrontées à un cumul des difficultés ». Le département dispose de 3 accueils de jour situé à Issoire, Riom et Clermont-Ferrand. Ces accueils permettent en journée d'assurer un service de base incluant les repas et la mise à l'abri1. Sont aussi dans des situations d’urgence face au logement les personnes en hébergement d’accueil. Les personnes en hébergement d’accueil sont en très grande détresse. Cette catégorie peut inclure plus largement : les détenus qui vont sortir de prison, les SDF et les personnes prises en charge par le 1152. Ce sont ainsi les personnes « hébergées dans une structure d’hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de 6 mois ou logées temporairement dans un logement de transition ou un logement-foyer depuis plus de 18 mois », disposition IV de l’article L. 441-2-3 du CCH3. Du fait de leur situation financière mais aussi de leurs difficultés d'insertion sociale, ils ne sont pas en mesure d'assumer un logement seul (du point de vue de l'entretien, du paiement des loyers, ou des rapports avec le voisinage). En effet, ces publics ne sont pas en capacité d’assumer un logement en parfaite autonomie, notamment financière. Cette situation est souvent confirmée par un travailleur social. L'article L. 441-2-3 III du code de la construction et de l'habitation prévoit que « la commission de médiation peut également être saisie, sans condition de délai, par toute personne qui, sollicitant l'accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou un logement de transition, un logement foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande ». Lorsque cette catégorie de demandeurs présentent un dossier DALO ; la solution la plus adaptée est de leur fournir un hébergement et non pas un logement. Aussi, la commission de médiation peut être amenée à juger la capacité du requérant à assumer un logement lorsqu’elle examine la demande. Ce public nécessite fréquemment un accompagnement social. 1 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, p. 43. 2 Les Cahiers du Gridauh « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 48. 3 Ibid, p. 57. 7 Les personnes dans cette situation représentent tout de même 15 % des demandes dans le Puy-de-Dôme, contre 20,3 % au niveau national1. Au niveau national selon le Rapport de la Fondation Abbé Pierre on peut inclure parmi les personnes privées de domicile au sens large ; les sans-domiciles, les personnes en résidences sociales, en chambres d’hôtel, en habitats de fortune, ou hébergées chez un tiers. Selon ce Rapport elles représenteraient 19 % des mal-logés en France2. Le recours est rejeté si le demandeur n'apporte pas la preuve de la recherche d'hébergement. D’autres causes de refus existent si le demandeur refuse toute proposition d'hébergement, s’il dispose déjà d'une solution d'hébergement ou de logement, ou encore si l'hébergement ne correspond pas à ses besoins en raison de son profil psychologique. Compte tenu de l’émergence de nouveaux profils (jeunes en errance, personnes âgées dépendantes, gens du voyage en voie de sédentarisation, personnes souffrant de problèmes psychiatriques…), les structures d’hébergement deviennent inadaptées. Actuellement, on assiste à une saturation de l’offre de structures adaptées. On dénombre dans le département 246 à 253 places d’hébergement permanentes. Et 189 hébergements d’insertion incluant les centres d’hébergement et de réinsertion qui dispose d’un accompagnement professionnel3. Pour combler ce manque de places, le conseil général a mis en place un dispositif d'hébergement d'urgence. Il est composé de 50 places, principalement située sur l’agglomération Clermontoise, et dans chaque sous-préfecture4. Outre ces places fixes, l'Etat fait régulièrement appel à des établissements hôteliers pour compléter cette offre. Le plan départemental d'accueil, d'hébergement et d'insertion (PDAHI) est le volet hébergement du PDALPD. Il prévoit notamment d'augmenter l'offre en maisons relais et de créer 30 places supplémentaires mais aussi de créer des lits « halte soins santé »5. Plus en amont, le PDALPD cherche à développer un service intégré d’accueil et d’orientation pour ces publics. Il a pour but d’orienter les personnes qui font la demande d’un hébergement en composant le 115. Le SIAO est géré par l’association ANEF et représente un budget total de 683 000 € en 2011 dans notre département.6 Compte tenu de l’importance de la participation du conseil général dans ce domaine, on peut en conclure que c’est une action prioritaire de gérer, mobiliser et organiser l’offre de logement en faveur des personnes défavorisées. Toutefois, d’autres publics 1 Statistiques InfoDalo, DDCS 2013. Cf. Annexe n° 1, rapport de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Présentation du rapport 2014 sur l’état du mal-logement en France, « Les chiffres du mal-logement en 2014 », p. 4. 3 Statistiques InfoDalo, DDCS 2013. 4 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, p. 43. 5 Ibid, Action 7, p. 58. 6 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, p. 43. 2 8 bien qu’ils soient toujours dans leur logement sont tout de même en difficulté ; ce sont les personnes en mesure d’expulsion. 2. Les publics en phase de perdre leur logement : les demandeurs menacés d'expulsion Il s’agit des personnes qui ont fait l'objet « d'une décision de justice prononçant l'expulsion du logement », le délai pour libérer les lieux est proche, voire dépassé. Le concours de la force publique peut avoir été demandé, voire même accordé mais ce n’est pas une obligation1. Du fait de la flambée des loyers ces dernières années, et du niveau des salaires qui progressent beaucoup moins vite, les loyers représentent une part toujours plus importante dans le budget des ménages. Bien que des indicateurs comme le taux d’effort, le quotient familial ou le reste à vivre, soient étudiés en amont par les organismes HLM, il n’en demeure pas moins qu’un aléa, ou un incident de la vie peuvent parfois tout faire basculer et provoquer une situation très difficile. Dans ce contexte, le nombre d’expulsions pratiquées n’a jamais été aussi élevé, alors que ces personnes ont été reconnues DALO. Dans notre département, c’est le deuxième motif invoqué, après les délais anormalement longs. Elle représente plus de 38,2 % de l’ensemble des demandes au 1er semestre 2013, contre 12,3 % au niveau national. Dans le département, il faut savoir que les assignations prononcées sur la période 2012-2013 ont progressé de 13 %, passant de 744 à 839. Parallèlement, les demandes du concours de la force publique ont connu un bond de 47 % sur la même période. L’intervention effective de la force publique a chuté de 64 % passant de 25 en 2012 à seulement 9 en 2013. En outre, la loi Valls du 26 Octobre 2012, prévoit le relogement prioritaire des personnes en procédure d’expulsion. De ce fait, le préfet a l’obligation de reloger systématiquement les personnes reconnues prioritaires au titre de la menace d’expulsion « dans un délai tel qu’il intervienne avant la date à laquelle le concours de la force publique sera mise en œuvre ». La DDCS émet tout de même des réserves sur ces chiffres qui paraissent encourageants, car il est possible que l’information ne soit pas systématiquement transmise par les huissiers. Plus restrictif encore, dans certains départements où le marché est tendu, la commission accepte uniquement ce critère si la préfecture a accordé le concours de la force publique, lorsque le locataire risque l'expulsion matérielle de façon imminente. Nous constatons que cette catégorie est très présente dans les procédures invoquées en DALO, bien qu’à première vue ce choix semble délicat. En effet, ce public dispose encore d’un logement, mais il est en phase de le perdre. La loi Valls agit de façon préventive pour éviter que ces personnes deviennent sans logement, et perdent pied avec la société. Plus récemment, les commissions prennent en considération la notion 1 Les Cahiers du Gridauh « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 54. 9 de bonne foi des demandeurs. Ainsi certaines commissions recherchent à apprécier la « bonne foi » du requérant en s’assurant des efforts qu’il a entrepris pour résorber sa dette, ou encore en recherchant si celui-ci ne s’est pas sciemment mis dans cette situation, en s’abstenant de régler ses loyers alors qu’il en avait les moyens. En l’absence d’éléments attestant cette volonté de réduire la dette, les commissions de médiation de Seine-Saint-Denis et des Bouches-du-Rhône ont déjà rejeté un recours au motif que le couple « s’est mis lui-même en situation d’expulsion ».1 On peut considérer que l’Etat n’a pas à répondre des situations d’expulsion, lorsqu’elles sont provoquées de manière intentionnelle par le demandeur. La prévention des expulsions locatives est un volet important du PDALPD. Une charte de prévention des expulsions a été signée le 3 juillet 2008 par l’ensemble des partenaires et des bailleurs publics. Cette prévention est pilotée par la DDCS. La loi MOLLE a rendu obligatoire la mise en place des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions. Son décret n°2008-187 du 26 février 2008 (article 49) prévoit la création de la CCAPEX auprès des instances de pilotage du PDALPD. Dans le Puy-de-Dôme, elle a été instituée le 23 juillet 2010. L’objectif de la CCAPEX est de traiter le plus en amont possible les cas d’impayés de loyer. Pour cela, elle doit coordonner l’action des partenaires concernés, afin d’établir l’examen commun des situations. Le PDALPD nous informe aussi que l’arrondissement de Clermont-Ferrand représente à lui seul plus de 2/3 des procédures d’expulsion. Et parmi ces expulsions une grande majorité est prononcée dans le parc privé2. Toujours dans l’objectif de maintenir les ménages en difficultés dans leur logement, le principal outil est le fond solidarité logement (FSL). C’est un indicateur qui renseigne sur les difficultés des ménages à accéder à un logement ou à faire face à leur charge de logement. Le conseil général pense réécrire ses conditions d’obtention afin de faciliter l’accès ou le maintien dans un logement au plus grand nombre. Le FSL connait un nombre de demande en renouvellement toujours plus important. Le conseil général en déduit des difficultés croissantes des ménages face à l’appropriation du logement. En 2009, le FSL a participé à hauteur de 2 061 546 € pour le logement3. Pour renforcer toutes ces mesures, le PDALPD vise à développer l’intermédiation locative4. Depuis décembre 2010, l’Etat a agréé onze associations dans le Puy-deDôme, désormais habilitées à faire de l’intermédiation locative. Le but de ces 1 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 56. 2 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, action 10, p. 63 et p. 41. 3 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, p. 32. 4 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puy-de-Dôme, 2012-2016, action 9, p. 61. 10 associations est d’augmenter le nombre de logements gérés en intermédiation location, en mobilisant le parc privé. Ainsi, grâce à un accompagnement plus personnalisé ces personnes vont mieux s’insérer. Le système du bail glissant consiste à permettre aux ménages en difficultés d’accéder à un logement, tout en étant accompagnés. D’abord de manière provisoire, et à l’issue d’une période déterminée, si le ménage a répondu à ses obligations, l’association lui propose de réaliser un bail à son propre nom. Ainsi l’intermédiation locative permet de reloger des personnes en difficultés de manière pérenne grâce au bail glissant. Cette action représente un budget de 74 800 € en 2011 pour le Puy-de-Dôme. Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’association Habitat et Humanisme. Cette association dispose de 60 logements dans le département et permet d’insérer un public en grande difficulté. Notamment en agissant auprès des propriétaires privés par le biais de réhabilitation lorsque c’est nécessaire. Cette association à but humanitaire fait preuve d’un vrai professionnalisme et dispose d’un accompagnement social personnalisé. Le public est toujours présenté par une conseillère sociale du centre médicaux-social dirigé par le conseil général. Ces publics sont présentés à l’association par la conseillère sociale, bien en amont, c’est pourquoi l’association permet probablement de réduire le nombre de demandeurs DALO, mais elle ne les classe pas comme tel. Leur mission est de reloger les personnes vulnérables le plus rapidement possible, mais elle ne procède pas à un classement par catégorie, il n’est donc pas possible de déterminer le nombre de personnes pouvant être classés en DALO. Bien que ces catégories soient en grande difficulté de logement, ils ne résument pas la question du logement. D’autres publics méritent qu’on s’intéresse à eux, particulièrement lorsque leur habitat ne répond pas à des normes minimales de décence. 11 B/ Quand avoir un logement rend éligible au DALO Avoir un logement ne garantit pas d’avoir un logement répondant aux normes et exigences qualitatives. Peuvent recourir au DALO, les personnes vivant dans des logements impropres, insalubres ou dangereux. Mais aussi, celles cumulant le fait d’être dans des logements indécents et sur-occupés et d’avoir au foyer un enfant mineur ou une personne handicapée. Les personnes dans des délais anormalement longs sont aussi regroupées dans cette catégorie. Elles sont effectivement dans un logement, mais elles satisfont aux critères d’attribution des logements sociaux, et elles sont en attente d’une proposition. Nous allons d’abord nous intéresser aux logements impropres, insalubres ou dangereux ainsi qu’aux publics fragiles qui vivent dans des logements indécents ou suroccupés, puis aux personnes étant dans des délais anormalement longs qui rencontrent eux aussi des difficultés. 1. Les logements inadaptés ou dangereux L'article L. 1331-22 du code de la santé publique définit les locaux impropres à l’habitation de la façon suivante : « Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues de d'ouvertures sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à la disposition aux fins d'habitation, à titre onéreux ou gratuit ». C’est le cas des locaux sans sanitaires, un local sans chauffage ni douche, un garage qui manque de ventilation et d'éclairage, un sous-sol dont la surface est inférieur à 8 m². La loi Molle a apporté une précision sur les locaux impropres à l'habitation. Elle prévoit que la commission « statue au vu d'un rapport des services mentionnés à l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ou des opérateurs mandatés pour constater l'état des lieux » et « si les locaux sont déjà frappés d'une mesure de police, un rapport présentant l'état d'avancement de l'exécution de la mesure est également produit »1. Au niveau national, 56 % des mal-logés, vivent en 2013 dans des conditions très difficiles, privés des éléments de conforts basiques2. Cette situation est peu invoquée au niveau national, et départemental peut-être est-ce par honte, ou par méconnaissance du dispositif. Même si elle reste rarement invoquée dans les procédures, ce n'est pas pour autant qu’elle ne correspond pas à une réalité. Le demandeur doit apporter la preuve du caractère « impropre ». Dans le Puy-deDôme, au 1er semestre 2013, les demandeurs répondants à cette catégorie 1 Les Cahiers du Gridauh « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 50. 2 Cf. Annexe n° 1, rapport de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Présentation du rapport 2014 sur l’état du mal-logement en France, « Les chiffres du mal-logement en 2014 ». 12 représentait environ 5,9 % des demandes contre 3,8 % au niveau national1. La commission de médiation cherche à vérifier l’exactitude de cette situation par le biais d’un représentant de l’Etat. Cet expert du Pôle habitat indigne fait les vérifications et procède à un contrôle de la situation du logement. Dans ce cas, l'urgence n'est pas un facteur reconnu par la commission, elle va plutôt statuer au cas par cas et peut même écarter la demande si elle est issue d'un propriétaire qui a refusé une proposition de relogement par un bailleur social. Les locaux insalubres sont ceux qui peuvent porter atteintes à la santé des occupants ou à leur voisinage immédiat. Les occupants doivent apporter la preuve du caractère « insalubre ». Dans notre département, la commission de médiation cherche à vérifier l’exactitude de la situation. Elle n’exige pas en particulier un « arrêté préfectoral ». Elle n’a pas une exigence très pointue comme le préconise l'article L. 1331-26 du code de la santé publique. Elle devrait statuer en fonction des opérateurs mandatés pour constater l'état des lieux. Ainsi elle pourrait rejeter les demandes si les éléments fournis par le requérants lui paraissent insuffisants (un simple rapport des services sociaux est jugé insuffisant car ils ne sont pas spécialistes dans le domaine de l'habitat, la commission a déjà tranché par la négative dans le cas d’une attestation provenant d’un huissier)2. En principe, c’est le représentant du Pôle habitat indigne, qui procure le document apportant la preuve de l’état du logement.3 Les locaux dangereux doivent quant à eux être prouvés par un arrêté de péril imminent avec l'interdiction d'habiter le logement, ou un arrêté de péril ordinaire avec travaux prescrits ou réalisés d'office. La dangerosité est exclusivement liée à la structure du bâtiment. Dans ce cas aussi la commission se réfère à l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ou des opérateurs mandatés pour constater le caractère dangereux4. Des procédures de droit commun sont prévues pour remédier aux logements impropres à l'habitation, insalubres et dangereux, précisément dans l’article L. 1331-28-2 du code de la santé publique, et l'article L. 1314-1 et suivants du code de l'urbanisme. La commission reste vigilante à ne pas empiéter sur les procédures de droit commun, qui restent le moyen le plus approprié pour assurer le relogement, en cas d'insalubrité. Cette situation reste très rarement invoquée. En outre, il est beaucoup plus fréquent de constater une combinaison de différents éléments comme la sur-occupation avec la présence de plomb et l'insalubrité. 1 Statistiques InfoDalo, DDCS 2013. DDCS, entretien Mr Amblard, président de la Commission de Médiation du Puy-de-Dôme. 3 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 51. 4 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 52. 2 13 Les personnes cumulant à la fois le fait d’avoir au foyer une personne handicapée ou un enfant mineur et habiter dans un logement non-décent ou sur-occupé1, sont aussi classées dans cette catégorie de publics fragiles. En effet, ce n’est pas ici le logement et son caractère indécent qui est déterminant mais bien le fait de le cumuler avec une situation personnelle de fragilité. Ainsi, un enfant mineur à charge ou une personne handicapée dans le foyer rend le demandeur éligible au droit au logement opposable. Le demandeur a l'obligation de prouver le fait du handicap et la présence d'un enfant mineur au sein de son foyer. Cette condition ne pose pas de problème à être attestée, il faut par contre qu'elle soit cumulée à une autre condition qui est la situation de logement indécent ou sur-occupé. Cette catégorie de demandeurs représente 8,8 % des demandes dans le département, contre 21,4 % au niveau national2. Le logement indécent doit présenter au moins un des risques sur la sécurité ou la santé énumérée par l'article 2 du 30 janvier 2002, ou s'il ne dispose pas d'au moins deux des éléments d'équipement et de confort mentionnés à l'article 3 du même décret. La requête doit être accompagnée d'éléments attestant de l'indécence. Quelques exemples permettent d’illustrer la situation d’indécence. Elle peut se caractériser par la présence de peinture au plomb, l’humidité dans le logement, un logement sans éléments d'équipement et de confort (pas de toilette et/ou de salle d'eau), la présence d’infiltration d'eau dans le logement ou encore la vétusté de l'installation électrique. La définition de sur-occupation est édictée par le code de la sécurité sociale qui prévoit « pour un ménage sans enfant, tout du moins deux personnes il faudrait une surface habitable inférieur à 16 m², augmenté de 9 m² par personne supplémentaire, dans la limite de 70 m² pour huit personnes et plus ». Au sens strict de loi très peu de demandeurs peuvent effectivement répondre à ces critères. Mais la Commission de médiation est souveraine dans ces décisions et possède tout pouvoir d’appréciation. En effet, son fonctionnement vise à résoudre les situations difficiles. C’est pourquoi, la Commission va prendre en compte le caractère plus ou moins dramatique des situations des demandeurs. Etant donné qu’au niveau local, elle applique la loi de façon mathématique, elle tiendra compte des éléments liés à l’environnement et les autres critères que pourrait cumuler le requérant, tel qu’un délai anormalement long par exemple3. Ainsi, la ville de Saint-Nazaire a rejeté un recours d’un demandeur dont l’indécence avait été reconnue, en invoquant le motif qu’il « vivait seul et n’était pas en situation reconnu de handicap »4. 1 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 59. 2 Statistiques InfoDalo, DDCS, Chiffres 2013. 3 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 62. 4 Les Cahiers du Gridauh, « Le DALO », 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 59. 14 Au niveau national, les personnes vivant dans des logements surpeuplés, d’après le Rapport de la Fondation Abbé Pierre 2014, représentent tout de même 22,6 % des mal-logés, soit 800 000 personnes. Au début de l'application de la loi, les modes de preuve admis étaient variés et la recevabilité de la commission assez souple. Les modes de preuves pouvaient être établies par différents acteurs comme les services d'hygiène et de sécurité de la Ville, le centre départemental de l'habitat, ou la DDCS. Dans le Puy-de-Dôme, un représentant du Pôle habitat indigne participe aux réunions de la commission de médiation au nom de l’État. Son rôle est de vérifier l’exactitude des déclarations du demandeur, et de constater si un signalement a été déposé auprès du Pôle. Enfin, il fait procéder à un contrôle1. La Commission, présidée par M. Amblard vérifie la réalité des faits et n’exige pas d’arrêté ou de rapport officiel. Le mode de preuve admis est simplement une attestation produite par le Pôle habitat indigne, représentant de l’État. La loi Molle du 25 mars 2009 a clarifié cette situation. Désormais la commission « statue au vu d'un rapport des services mentionnés à l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ou des opérateurs mandatés pour constater l'état des lieux. Si les locaux concernés sont déjà frappés d'une mesure de police, un rapport présentant l'état d'avancement et l'exécution de la mesure est également produit » d’après article L. 441-2-3 VII du code de la construction et de l’habitation. Cette précision permet aux commissions d’avoir une référence, et de créer un mode de décision plus homogène dans son ensemble. Toutefois au niveau national, en zone tendue particulièrement, certaines commissions peuvent être plus rigides et exiger en plus une interdiction d'habiter prévue par l'article L. 1331-26 du code de la santé publique. A première vue les commissions qui statuent dans des zones plus tendues sont beaucoup plus strictes que dans le Puy-deDôme où les demandes sont nettement moindres. C’est le cas pour Paris, le Rhône ou les Bouches-du-Rhône. Le conseil général prévoit de développer la lutte contre l’habitat indigne2. Cette action est avant tout partenariale, elle est pilotée par la direction départementale des territoires. Les principaux intervenants sont l’agence départementale de l’habitat et l’agence départementale sur le logement. Elles agissent de façon préventive en informant les publics de leurs droits. Bien d’autres organismes sont impliqués, notamment l’agence régionale de santé, la caisse d’allocations familiales et la caisse de la mutuelle sociale agricole. Le département a lancé une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale depuis 2009. Elle permet de coordonner les différentes structures impliquées, et surtout elle identifie les situations d’habitat indignes. La MOUS a détecté en 2011 ; 51 situations d’insalubrité et de péril, auxquelles on peut ajouter 136 situations de non 1 Entretien Mme Luneau, Responsable du Patrimoine à l’Ophis. « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, action 4, p. 55. 2 15 décence1. Ces situations très difficiles ne concernent pas uniquement les locataires. Les propriétaires occupants peuvent rencontrer des situations extrêmement difficiles. Pour cela, le département développe un fond d’aides pour réaliser des travaux de mises aux normes. Ce fond d’aides est destiné aux propriétaires occupants en difficultés, le FAPOD intervient sous forme d’avances remboursables ou de subventions. Il permet soit d’aider les propriétaires qui rencontrent des difficultés financières à faire face à leur(s) crédit(s), soit de les aider à réaliser des travaux urgents de salubrité ou de sécurité2. En 2010, 65 dossiers ont été financés. Ces publics dans un logement qui ne répond pas à des normes d’habitabilité minimale sont éligibles au DALO depuis la mise en place de la loi, néanmoins une nouvelle catégorie a été instaurée à compter de 2012, ce sont les personnes en délais anormalement longs. 2. Les personnes en délais anormalement longs Sont concernées les personnes qui n'ont pas reçu de proposition adaptée à leur demande de logement dans un délai déterminé par l’article L. 441-2-3 et R. 441-14-1 du CCH. Ce délai est fixé par arrêté préfectoral et peut être très variable d'un département à l'autre, au regard des circonstances locales. Dans le Puy-de-Dôme, il est de 15 mois alors qu'en région parisienne il peut atteindre entre 6 et 9 ans. En principe, la conjoncture du parc locatif est prise en compte pour sa détermination, ainsi que le nombre de logements sociaux dans le secteur, la demande et le délai d'attribution moyen. Cette catégorie peut être invoquée depuis janvier 20123. Alors que les autres étaient applicables depuis le début de la mise en place de la loi. En principe, cette demande est justifiée lorsque la personne qui l’invoque cumule d’autres difficultés (logements indécents, insalubrité). C’est le premier motif des demandes en DALO dans le Puy-de-Dôme soit 41,2 % contre 32,2 % au niveau national4. Compte tenu de l’évolution de la composition familiale, de l’éclatement des foyers et du desserrement5 , l’offre de logements sociaux apparaît en déficit. De plus, on peut voir que les prix dans le neuf ont progressé du fait des nouvelles normes et de la flambée des matériaux de construction. Par conséquent, les nouveaux programmes ne sont pas adaptés au public DALO. Il y a donc une incohérence entre les nouveaux logements et les faibles ressources des ménages, accentuant le manque de logements accessibles. Pour tenter de minimiser ce nombre 1 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puy-de-Dôme, 2012-2016, p. 41. 2 Ibid, p. 44. 3 Les Cahiers du Gridauh « Le DALO, 21-2011, Sous la direction de Jean-Philippe BROUANT, avec la collaboration d’Yves JEGOUZOU, p. 44. 4 Statistiques InfoDalo, DDCS, chiffres 2013. 5 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puyde-Dôme, 2012-2016, p. 19 « Ce phénomène de desserrement a générée sur tous le territoire une augmentation du nombre de résidences principales très supérieure à l’augmentation de la population. ». 16 de demandeurs dans cette situation, les organismes HLM font l’effort de réduire leur délai en commissions d’attribution. De plus, en partenariat avec le PDALPD, ils recherchent à développer la construction de logements très sociaux, financés en PLAI. Dans le cadre des conventions d’utilité sociale, tous les bailleurs sociaux du département s’engagent à produire 25 à 30 % de PLAI pour chaque nouvelle opération1. Pour qu’un demandeur puisse être déclaré éligible au DALO, il doit répondre aux critères de base. Il devait résider sur le territoire de façon permanente, ne pas être en mesure d’accéder à un logement par ses propres moyens ou de s’y maintenir. Il doit aussi être inscrit sur le fichier départemental et être titulaire d’un numéro unique. La personne doit aussi avoir fait de réelles démarches pour trouver une solution : par exemple avoir régulièrement renouvelé une demande de logement social ou engagé des démarches auprès du propriétaire du logement indécent. Les demandeurs qui reçoivent une proposition qu’ils déclinent perdent le droit à être relogé en priorité. Ainsi, ces différents publics, indépendamment du fait qu’ils aient ou non un logement peuvent demander à ce que leur droit au logement soit reconnu. Leur droit est d’abord étudié au préalable auprès d’une commission technique avant d’être présenté à la commission de médiation. 1 « Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées », conseil général du Puy-de-Dôme, 2012-2016, action 2, p. 53. 17 II / Vers une procédure de recours amiable L es commissions de médiation sont issues de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. C’est pourquoi, certaines ont hérité d’un système administratif avec l’appui de l'État, tels que les anciennes directions départementales de l'équipement (DDE), les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et les services préfectoraux. Depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État, le secrétariat des commissions est assuré par les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS)1. S’il est important de souligner la procédure du recours amiable (A) qui dégage à la fois un aspect très administratif et une mise en application efficace dans le Puy-de-Dôme, alors il faut aussi mettre en évidence ses aspects décisionnaires (B) avec ses différents caractères et un bilan national et local partagé. A / Une procédure législative en demi-teinte La commission de médiation, prévue par la loi, doit se présenter comme une démarche officielle pour le demandeur. Par conséquent, nous devons commencer à nous intéresser à la « saisine » et ensuite analyser son application dans le Puy-de-Dôme. 1. Une saisie administrative pour accéder à un droit La procédure de reconnaissance du bénéfice du droit au logement opposable est codifiée aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du CCH. Il est souhaitable de mettre en avant les étapes de cette procédure à travers un schéma simplifié2. 1 Doctrinal Plus, AJDI 1/12/2011 p. 849 « Le coût des procédures DALO », Dominique Malégat-Mély, Conseiller maître à la Cour des comptes. http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermontuniversite.fr/doc/doctrinal/notice/. 2 http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F18005.xhtml. 18 Les décrets n° 2007-1677 du 28 novembre 2007 et 2010-398 du 22 avril 2010 sont venus préciser les conditions de mise en œuvre du droit au logement opposable créé par la loi du 5 mars 2007. Ils détaillent la composition de la commission de médiation, fixent la procédure de saisine et les délais dans lesquels elle est tenue de se prononcer. Une personne souhaitant saisir la commission de médiation doit être de nationalité française ou disposer d’un titre de séjour, elle doit ne pas pouvoir se loger par ses propres moyens dans un logement décent et indépendant, et enfin elle doit répondre aux conditions d’accès à un logement. La commission est saisie par le demandeur dans les conditions prévues au II ou au III de l'article L. 441-2-3 du CCH. La demande est réalisée au moyen d'un formulaire Cerfa1. Elle précise l'objet et le motif du recours, ainsi que les conditions de logement ou d'hébergement. Le requérant devra justifier sa situation avec des pièces justificatives. Il faut souligner l’importance pour certain requérant d’un accompagnement social pour pouvoir remplir au mieux les formulaires qui peuvent être perçus comme « un frein ». Depuis novembre 2010, le délai court dès la réception du dossier par le secrétariat de la commission. Le secrétariat envoie un accusé de réception au requérant en mentionnant la date du jour de la réception de la demande. En cas d’absence de pièces, le délai de recours est alors suspendu dans l’attente d’avoir un dossier complet. Le délai est de six semaines pour une demande d'hébergement. Pour une demande de logement, il est de trois mois ou six mois dans les grandes agglomérations (plus de 300 000 habitants) et les départements d'outremer. La doctrine de la commission2 se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l'urgence qu'il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l'accueillir dans une structure d'hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées. Et effet, d’après le décret n° 2007-1677 du 28 novembre 2007 « Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 du CCH les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social qui se trouvent dans l'une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques telles que, par exemple, que la personne soit en délai anormalement long au regard de la demande de logement social, dépourvue de logement, menacée d'expulsion, en situation de sur occupation manifeste, ou encore logée dans des locaux impropres à l'habitation, insalubres, dangereux ou ne présentant pas certains éléments de confort »3. Nous constatons que cette définition juridique reste à l’appréciation du législateur, car chaque requérant a son propre vécu, et que le caractère prioritaire peut se retrouver sur différents aspects de sa vie. Nous pensons que c’est un point très intéressant de la 1 Cf. Annexe n° 2 imprimés cerfa n° 13940*01 DALO et annexe n° 3 cerfa n°13941*01 DAHO. Doctrinal Plus, revue actualité juridique droit immobilier (AJDI) 1/12/2011 p.840 « Les doctrines d’interprétation des commissions de médiation », Jean-François Struillou, Directeur de recherche au centre national recherche scientifique (CNRS), faculté de droit et des sciences politiques de Nantes, http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermont-universite.fr/doc/doctrinal/notice/. 3 Art. R. 441-14-1 (Décret n° 2007-1677 du 28 novembre 2007), http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermont-universite.fr/doc/doctrinal/notice/. 2 19 procédure, car il intègre réellement l’aspect « humain » en dépassant le cadre juridique. Il convient de souligner que la commission de médiation n’a pas la personnalité morale ; et par conséquent pas de lien hiérarchique avec le préfet. En cas de contestation des décisions, il doit saisir le juge administratif. De plus, d’après le CCH « les membres de la commission de médiation et les personnes chargées de l'instruction des saisines sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues à l'article 226-13 du code pénal »1. La commission délibère à la majorité simple. Elle siège valablement, à première convocation, si la moitié de ses membres sont présents, et à seconde convocation, si un tiers des membres sont présents. Un règlement intérieur fixe les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission2. Il peut arriver parfois que dans l’instruction des dossiers, le préfet puisse demander aux services compétents de faire une enquête sociale auprès des requérants et déterminer au mieux leur situation. La commission se compose de douze membres minimums désignés par le préfet «Les membres de la commission et leurs suppléants sont nommés par arrêté du préfet pour une durée de trois ans, renouvelable une seule fois3». A ce titre, la désignation du représentant des établissements publics de coopération intercommunale et le nombre de représentant des communes désignées par l'association des maires peuvent être différents dans le cadre d’un accord collectif intercommunal. Cet accord est règlementé d’après l’article L. 441-1-1 du CCH, « L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat et disposant d'un programme local de l'habitat adopté peut proposer aux organismes disposant d'un patrimoine locatif social dans le ressort territorial de cet établissement de conclure pour trois ans un accord collectif intercommunal ». Une fois ses décisions rendues, elle notifie par écrit au demandeur (DALO ou DAHO) sa décision qui doit être motivée en précisant qu’une offre de logement ou une proposition d'accueil doit lui être faite. Elle porte également à sa connaissance le délai dans lequel il pourra saisir le tribunal administratif en cas de contestation4, « à compter du 1er décembre 2008, le recours devant la juridiction administrative prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 peut être introduit par le demandeur qui n'a pas reçu d'offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités passé un délai de trois mois5 «à compter» de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence ». 1 Article L. 441-1-3-VI du CCH., http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do. Article R. 441-13 du CCH, Doctrinal Plus, AJDI 1/12/2011 p.847 « Le fonctionnement des commissions de médiation : vers une juridictionnalisation », Jean-Philippe Brouant, Maître de conférences à l'École de droit de la Sorbonne (Paris I), co-directeur du Cerdeau, http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermontuniversite.fr/doc/doctrinal/notice/. 3 Décret N° 2011-176 du 15 février 2011, http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermontuniversite.fr/doc/doctrinal/notice/. 4 Art. R. 441-16-1 Décret. N° 2007-1677 du 28 novembre 2007, http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermont-universite.fr/doc/doctrinal/notice/ 5 Décret n° 2009-400 du 10 avril 2009, http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermontuniversite.fr/doc/doctrinal/notice/. 2 20 La commission de médiation transmet alors au préfet la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. Tout changement dans la situation du demandeur doit être signalée au préfet et au bailleur pouvant affecter la proposition de logement (périmètre défini, taille du ménage…). De plus, il faut savoir qu’une seule proposition de logement est faite au titre du droit au logement opposable et qu’en cas de refus d'une offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités, le requérant risque de perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation. Dans le cas d’une demande d’hébergement, la commission de médiation doit rendre sa décision dans un délai de six semaines pour les centres d'hébergement, un logement de transition, un logement foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale. Toutefois, si la commission préconise un accueil dans un logement de transition ou dans un logement foyer, le délai est porté à trois mois. La personne se voit perdre le bénéfice de la décision en cas de refus. Nous pouvons penser que certains types d’hébergements ont un caractère « d’urgence » que d’autres n’ont pas, car les délais sont plus courts sur ces structures. La saisie au recours amiable se retrouve dans un cadre très organisé et peu flexible, cependant le Puy-de-Dôme a su trouver une méthode pour la rendre plus efficace. 2. Une application efficace dans le Puy-de-Dôme Dans le Puy-de-Dôme, c’est la direction départementale de la cohésion sociale, organisme de l’État, qui récolte les dossiers et les demandes « recours DALO et DAHO ». Au cours de nos divers entretiens auprès de Madame Christine Jailler, Chef du service de la politique sociale du logement à la DDCS, de son adjointe Madame Ana-Paula Fidalgo et de Monsieur Amblard, Président de la commission de médiation. Nous observons que la procédure appliquée dans le Puy-de-Dôme est conforme à la loi, avec néanmoins des adaptations qui sont sources d’efficacité. En effet, dans le Puy-de-Dôme, ces adaptations tiennent de l’existence du « groupe technique DALO » qui intervient au préalable de la commission de médiation. Bien que non prévue textuellement, elle s’inscrit comme une étape de la procédure dans la saisine de la commission de médiation. Ce groupe a pour vocation de traiter en amont les dossiers par un comité de personnes, afin d’apporter des éléments complémentaires pour chaque dossier. De plus, la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives1 (CCAPEX) intervient également sur les dossiers à traiter en donnant un avis pour les situations de personnes menacées d’expulsion. En effet cette commission est un dispositif de prévention des expulsions qui existe depuis la loi Molle en 2009. Elle va permettre de donner une appréciation sur les dossiers afin de conforter la commission de médiation dans ses décisions sur les motifs d’expulsion. 1 Créée par un arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général du 23 juillet 2010. 21 Le groupe technique s’est révélé indispensable dans son rôle préventif, dans la procédure puydômoise. Nous avons rencontré Charlène Callizo, chargée clientèle à Logidôme, qui nous a fait part de ce rôle. Le groupe technique DALO se compose d’un représentant caisse allocation familiale, d’un représentant conseil général (un assistant de service social), d’un représentant de la DDCS, d’un représentant de l’association nationale entraide féminine (ANEF), d’un représentant du centre communal de l’action sociale (CCAS), et d’un représentant pour chaque bailleur (Ophis, Logidôme et SCI Habitat). Cette composition reste la même pour chaque réunion et elle permet d’impliquer les acteurs du département jouant un rôle majeur en matière de logement. Ce groupe est une réunion de préparation à la commission de médiation. Non reconnu juridiquement, il a été instauré volontairement dans le département. Il se déroule dix jours avant la commission de médiation. Il a un rôle majeur dans la mesure où il permet de discuter des dossiers, et son atout réside dans sa capacité à prendre en considération les individus et leurs situations. Ceci est un bon moyen de procéder à la sélection des personnes reconnues prioritaires. Ce processus permet à la commission de médiation de se prononcer en connaissance et en conscience, et de gagner un temps précieux. La commission de médiation a donc un rôle actif au service du logement et des bénéficiaires. Selon la loi, la commission statue sur les caractères prioritaires et d’urgence, en fonction de la bonne foi du requérant. Elle se remet a une composition diversifiée1 dans le cadre législatif : le Président M. Amblard, 2 représentants de l’Etat (DDCS et DDT), 2 représentants de collectivités territoriales (conseil général et association des maires), 3 représentants des bailleurs et structures d’hébergements (organisme HLM, chambre des propriétaires de la région auvergne, ANEF), 3 représentants d’association de locataires et d’associations agréées dans le département dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées2. La commission est composée à part égale du nombre de collèges (4). Le Président et les institutions de la commission sont nommés par le préfet pour une durée de trois ans par un arrêté préfectoral3. Chaque institution doit nommer son ou ses représentants qui doivent participer aux commissions. Nous sommes alors surpris de constater que seuls les maires sont le plus souvent absents aux commissions. Ce qui démontre le manque d’implication de ces derniers à la loi DALO. La commission se réunie tout les mois à la DDCS par convocation et étudie une vingtaine de dossiers. Concernant les décisions, chaque requérant est représenté par une fiche de synthèse4 mentionnant la date du dépôt, l’accusé de réception, la date de demande de pièces avec un délai d’instruction si il y a lieu, l’identité du requérant, la 1 Cf Annexe n° 4 « composition de la commission de médiation du Puy-de-Dôme », fournie par la DDCS. Consommation logement et cadre vie (CLCV), le centre d’hébergement et de réinsertion sociale Cecler, Secours Catholique. 3 Cf Annexe n° 5 « Arrêté préfectoral n° 07/05334 » sur la création de la commission de médiation. http://www.puy-de-dome.gouv.fr/IMG/pdf/arrete_creation_com_mediation_cle075111-2.pdf. 4 Cf Annexe n° 6 fiche synthèse.dossier, fournie par C.Callizo via la DDCS. 2 22 composition de son foyer et sa situation. Elles sont prises à la majorité des représentants et se formulent de cette manière : sursis ou ajournement1, sans objet2, rejet3, prioritaire4, requalification hébergement5. Beaucoup de dossiers n’arrivent pas jusqu’en commission (sans objet), car les personnes trouvent un logement avant. Dans le Puy-de-Dôme, les principaux motifs des demandes sont représentés par le dépassement du délai anormalement long et par des procédures d’expulsions. Les personnes sont de plus en plus des familles monoparentales et des personnes aux revenus modestes. Une fois que la commission a statué, contrairement à la loi, elle envoie par voie informatique le rendu des décisions à chaque acteur ayant participé à cette délibération. À partir de ce moment, les bailleurs ont trois mois pour proposer un logement à ces personnes. Passé ce délai, le demandeur peut saisir le tribunal administratif. Afin de pouvoir au mieux cibler les besoins de la personne reconnue prioritaire, le bailleur est en droit de recevoir le demandeur afin de discuter avec lui de sa situation dans le but de pouvoir lui proposer au mieux le logement adapté et que son dossier soit admis en commission d’attribution. Nous voyons bien ici la volonté du département de prendre en compte la personne et de l’accompagner vers une solution de logement. Demandes DDCS Groupe Technique DALO et avis CCAPEX Commission Médiation : décisions Attribution logement ou hébergement Recours Tribunal Administratif 3 mois (logement) 6 semaines (hébergement) 3 mois (logement) 6 semaines (hébergement) 1 Pièces ou éléments manquants au dossier, repasse en commission. Personne ayant trouvé un logement entre temps ou procédure d’expulsion en suspend. 3 Dossier non recevable. 4 Reconnues DALO. 5 Personnes redirigées vers un hébergement en vue de leur situation. 2 23 B / D’une procédure décisionnaire vers un bilan encourageant Les décisions sont soumises à des critères déterminés par la loi qui demande à la commission une certaine analyse personnalisée. De plus le caractère législatif ne se retrouve pas toujours dans la réalité. Nous pouvons alors souligner d’abord l’importance de ce caractère et ensuite faire un bilan national et local sur les recours et les décisions. 1. Le caractère décisionnaire de la commission de médiation et ses suites Dans la mesure où la commission doit émettre une décision, cette dernière doit être motivée. Le principe de la commission est qu’elle doit statuer en fonction du contenu de la demande, des motifs invoqués à son appui et en fonction des éléments existants à la date de la décision. Selon la loi, les champs d’application des décisions doivent être basés sur des caractères matériel, personnel et temporel du requérant1. En effet, la commission de médiation doit déterminer en fonction de son amplitude décisionnelle, pour chaque demandeur en tenant compte de ses besoins et capacités, les caractéristiques du logement. Un seul requérant doit faire la demande pour l’ensemble du foyer. Et enfin, les décisions entrent en vigueur à l’égard des requérants à compter de leur notification. De plus d’après le décret n° 2011-176 du 15 février 2011 : « La commission de médiation, lorsqu'elle détermine en application du II de l'article L. 441-2-3 les caractéristiques du logement devant être attribué en urgence à toute personne reconnue prioritaire, puis le préfet, lorsqu'il définit le périmètre au sein duquel ce logement doit être situé et fixe le délai dans lequel le bailleur auquel le demandeur a été désigné est tenu de le loger dans un logement tenant compte de ses besoins et capacités, apprécient ces derniers en fonction de la taille et de la composition du foyer au sens de l'article L. 442-12, de l'état de santé, des aptitudes physiques ou des handicaps des personnes qui vivront au foyer, de la localisation des lieux de travail ou d'activité et de la disponibilité des moyens de transport, de la proximité des équipements et services nécessaires à ces personnes. Ils peuvent également tenir compte de tout autre élément pertinent propre à la situation personnelle du demandeur ou des personnes composant le foyer. » Selon son application au regard de la loi « Elle peut, par une décision spécialement motivée, rendre éligible des personnes qui ne répondent qu'incomplètement aux caractéristiques définies. »2 Par conséquent, la commission doit réellement tenir compte de la situation personnelle du demandeur avec la composition de son foyer au moment de sa 1 Les cahiers du Gridauh « Le DALO » n° 21-2011, sous la direction de Jean-Philippe Brouant avec la collaboration d’Yves Jegouzo, p. 76 à 81. 2 Décret. N° 2010-398 du 22 avril 2010, article 6, http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermontuniversite.fr/doc/doctrinal/notice/. 24 demande, de sa situation géographique et de ses attentes. Il est nécessaire que la décision soit motivée pour définir clairement les besoins du requérant. C’est pourquoi, il convient de préciser que c’est l’étape la plus complexe pour la commission. Dans le Puy-de-Dôme, la commission de médiation statue des dossiers pour lesquels le groupe technique et la CCAPEX ont formulé un avis et apporté un certain nombre d’informations pour compléter la demande. La commission se base d’abord sur les éléments juridiques et met en application les critères « reconnus prioritaires ». Elle détecte, par ailleurs, les « besoins d’urgence » pour bénéficier du DALO. Cependant, comme le dispose la loi, la situation de chaque requérant étant particulière, elle prend en compte certains éléments sur la situation personnelle ou financière de la personne ce qui parfois peut venir contribuer à la décision. C’est pourquoi elle a un pouvoir d’appréciation sur la « notion de bonne ou mauvaise foi » du requérant. Cette dernière peut être prouvée par tous moyens du bailleur ou des associations accompagnant les personnes et possédant un certain nombre d’informations pouvant contribuer à la décision. Il faut noter que la motivation des décisions ne donne pas lieu à un logement dans l’immédiat. Le requérant se voit alors « prioritaire » mais non logé. C’est seulement après notification de la commission de médiation que la liste des demandeurs prioritaires est envoyée au préfet. Ce dernier doit alors désigner par quel organisme le logement doit être attribué. Il doit déterminer le périmètre géographique pour la proposition du logement. L’attribution peut faire l’objet d’abord du « contingent préfectoral ». En effet, depuis le 1er janvier 2008, l’État et les organismes sociaux s’accordent sur le nombre de logements locatifs sur lesquels est ouvert un droit de réservation (25 %) qui repose alors sur les flux du bailleur. C’est une souplesse pour le bailleur dans le choix de son locataire. Cependant, le préfet dispose d’un pouvoir cœrcitif. De plus, dans la majeure partie des cas, ce sont les bailleurs sociaux qui doivent attribuer le logement dans le périmètre défini. Le préfet désigne les ménages aux bailleurs sociaux chargés de proposer des logements. Ces désignations dépendent de la précision de l’objet des décisions des commissions de médiation (caractéristiques). Le cas échéant, il est contraint de designer le ménage au bailleur qui dispose d’un parc locatif important dans le périmètre. Et enfin, les centres d’hébergement sont désignés par le représentant de l’État lorsque la commission a statué. Selon qu’il s’agisse d’une demande DAHO ou d’un dossier DALO dirigée plutôt vers une structure d‘hébergement, le préfet doit proposer l’accueil du demandeur dans une structure adaptée à ses besoins dans un délai de six semaines. Nous remarquons que la loi prévoit certaines mesures d’attribution qui s’inscrivent dans une démarche stricte. Il faut rappeler que c’est un droit qui est donné à certaines personnes rentrant dans les conditions requises. C’est pourquoi, la procédure paraît longue et rigide. En outre, il est utile de souligner que l’attribution d’un logement ne donne pas droit directement à la personne d’en occuper les lieux. En effet, elle est tenue de respecter la décision de la commission d’attribution dès qu’une proposition est faite (procédure 25 d’attribution des bailleurs sociaux). C’est pourquoi, des rejets de propositions peuvent être évoqués en commission d’attribution : mixité sociale, insuffisance de ressources1. Dans ce cas, le préfet peut procéder à une attribution de logement sur son droit de réservation. De plus, d’après l’article 2 du décret n° 2010-398 du 22 avril 2010 qui a dû modifier l’article R-441-3 du CCH « pour instaurer une exception à la règle des trois candidatures », prévoit que les préfectures peuvent présenter des candidatures uniques aux commissions d’attributions afin de ne pas être confronté à ce problème. Dans le Puy-de-Dôme, contrairement à la loi, la commission est « souveraine » de ses décisions2, c’est-à-dire qu’elle ne va pas passer par l’État (ou le préfet) une fois ses décisions notifiées. En effet, il y a un partenariat installé entre les différents membres et les différents acteurs du logement qui existe et qui permet une totale « autonomie » sur la gestion des attributions de logement. Concrètement une fois la commission ayant rendue ses décisions, elle envoie le compte rendu par voie informatique aux différents membres du groupe technique et membres de la commission. À partir de ce moment une relation inter-bailleurs se met en place en vue de l’attribution d’un logement. Les bailleurs sont partenaires avec les associations qui aident les personnes à se loger3. Dans ce contexte les associations peuvent proposer des dossiers de demandeurs qui sont en sous-location sur leur bail, et permettre un bail glissant avec le demandeur. Le bailleur social est alors chargé de sélectionner au moins un dossier DALO sur trois dossiers normaux pour la présentation en commission d’attribution qui a lieu toutes les semaines à Clermont-Ferrand. Cependant, la part reste faible par rapport au nombre de dossiers normaux. C’est la commission d’attribution qui statue au cas par cas en fonction de l’urgence des dossiers. Comme nous l’avons vu précédemment, dans le Puy-de-Dôme le délai est de trois mois dès la notification de la commission. De manière générale, ce délai est respecté par les bailleurs sociaux pour l’attribution d’un logement. Il faut savoir qu’un « accord collectif départemental4 » est signé tous les trois ans depuis le 3 juillet 2008 entre les bailleurs sociaux et le préfet pour fixer les objectifs d’attribution de logements sociaux à atteindre chaque année, en faveur des personnes les plus défavorisées. Se retrouvent notamment, celles reconnues au regard de la loi DALO. Globalement, les objectifs sont largement respectés. Pour ce qui concerne les requalifications en hébergements, les dossiers sont ensuite étudiés lors d’une autre commission au sein de la DDCS qui désigne les types d’hébergements pour chaque demandeur dans un délai de six semaines. 1 Les cahiers du Gridauh « Le DALO » n° 21-2011, sous la direction de Jean-Philippe Brouant avec la collaboration d’Yves Jegouzo, p. 101-102. 2 Informations recueillies auprès de M.Amblard, Président de la commission de médiation du Puy-deDôme. 3 Association nationale entraide féminine (ANEF), association aux logements temporaires d’insertion de Clermont-Ferrand (ALTIC), le centre communal d’action sociale (CCAS). 4 Le « plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées » du Puy-de-Dôme 2012 -2016, Conseil général du Puy-de-Dôme, p. 38. 26 Nous pensons que face à une procédure rigide, la souveraineté et la relation entre partenaires qui existent dans le Puy-de-Dôme, facilite beaucoup le gain de temps pour l’attribution du logement et permet une homogénéité des demandeurs dans les différents parcs de logement. C’est ainsi que M. Amblard, le Président de la commission du Puy-de-Dôme, peut affirmer que « la loi a imposé l’application du DALO, cependant notre département n’étant pas situé dans une zone dite tendue, sa mise en place n’était pas une réelle nécessité. Cependant, elle a renforcé les liens sur la pratique du partenariat entre les différents acteurs au titre du logement ». 2. D’un bilan national en demi-teinte à un bilan local positif D’après les chiffres donnés par le Haut comité, la DDCS du Puy-de-Dôme et le PDALPD du Puy-de-Dôme, sur les années 2008 à 2013, nous sommes en mesure de dresser un bilan sur les recours amiable qui évoluent, face à des décisions qui varient selon les secteurs. Les recours à la procédure amiable paraissent nombreux et proportionnels selon le lieu géographique. L’État a dû investir en matière de moyens humains et de prestations externes dans la mise en place de ces commissions avec dès le départ un flux plutôt mitigé1. En effet, la première année d’application en 2008 il y avait un flux de dossiers déposés de 48 336. Entre 2008 et 2010, les dossiers s’élèvent à 179 880, avec une part de 45 % de décision favorable. Ce qui reste plutôt faible, par rapport aux nombres de personnes dans le besoin au début de l’application de la loi. Depuis, le nombre de recours déposés est en progression. 1 Doctrinal Plus, AJDI 1/12/2011 p. 849 « Le coût des procédures DALO », Dominique Malégat-Mély, Conseiller maître à la Cour des comptes. http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermont-universite.fr/doc/doctrinal/notice/. 27 Au 1er semestre 2012, le nombre total de recours ayant fait l’objet d’un accusé de réception s’établit à 295 3131 : er 2008 à 2010 2011 1 semestre 2012 Nombre recours déposés 179 880 73860 27780 Nombre recours mensuel 4996 (moyenne) 6155 6945 Evolution du nombre mensuel de recours faisant l'objet d'un accusé de réception 8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 2008 2009 2010 2011 1er sem. 2012 Le rythme continue de progresser : il atteint 7 000 recours par mois au premier semestre 2012. La progression du rythme des recours en 2012 est due aux régions qui enregistrent le plus de recours DALO : Île-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Rhône-Alpes, MidiPyrénées. On remarque qu’il y a 51 % des départements qui enregistrent moins de 10 recours par mois, et certains n’enregistrent pas du tout de dossier (la Meuse par exemple). Depuis l’instauration de la loi on constate une forte progression des demandes ; passant de 4028 recours en 2008 à 6945 au 1er semestre 2012, soit une augmentation de 72 % en 4 ans. Cette évolution nous semble inquiétante, car il y a de plus en plus de demandeurs ce qui signifie que la loi ne remplie pas entièrement sa mission. Concernant le Puy-de-Dôme, depuis la création de la loi en 2008, nous remarquons qu’il y eu une évolution constante des dossiers déposés en recours, passant de 106 dossiers en 2008 à 257 en 2013, ce qui représente une hausse de 142 % en 5 ans. Le 1 Rapport n°6 du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, novembre 2012, « Droit au logement : rappel à la loi », p. 17 et p. 22. 28 département se classe dans les 21 départements ayant une activité DALO modérée, avec entre 10 et 29 recours par mois. Cet élément confirme que le département ne se situe pas dans une zone « tendue », et que la population globale n’est pas dans un besoin urgent à se loger Nous pouvons nous intéresser maintenant aux résultats des décisions qui sont, dans l’ensemble, modulables. Décisions recours commission médiation en France 60% 50% 40% 2008 à 2010 30% 2011 20% 1° sem 2012 10% 0% Avis favorable Rejet Sans objet Source 5ème rapport1 pour chiffres 2008 à 2010, et 6èmerapport annuel comité suivi DALO pour 2011 et 2012 Parmi les régions qui ont le plus de recours DALO, l’évolution du taux de décisions favorables rapporté à l’ensemble des décisions est plutôt en baisse en passant de 45 % à 38,9 % en 2011, les régions comme l’Île-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Nord-Pas-Calais sont concernées, alors que les régions Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées sont en hausse. Cette hausse ne se répercute pas sur la tendance générale. Cette analyse est le reflet direct du nombre important des demandes dans les secteurs ayant le plus de recours, car cela implique que les commissions doivent d’avantages être vigilants sur leur appréciation. Sur le plan local, le taux moyen d’avis favorable est passé de 46 % en 2010 à 19 % en 2013, et le taux de rejet de 25 % à 32 %. 1 Rapport n° 5 annuel du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, « Monsieur le Président, faisons enfin appliquer la loi Dalo ! », novembre 2011, p. 13 et p. 20. 29 Décisions recours commission médiation du Puy-de-Dôme 50% 40% 30% 2008 à 2010 2013 20% 10% 0% Avis favorable Rejet Sans objet 1 Source statistiques DDCS Puy-de-Dôme chiffres 2013 InfoDalo TP2, et PDALPD chiffres 2008 à 2010 Comme au niveau national, il est important souligner la tendance des chiffres depuis 2010 avec une forte progression des dossiers rejetés alors que les dossiers reconnus prioritaires sont en baisse. Cet aspect inquiétant, démontre qu’il y a une méconnaissance de la loi, un manque d’information et peut être une carence du suivi social des demandeurs qui mènent à un fort taux de requêtes irrecevables. Globalement, on constate que le taux de personnes étant relogées avant la commission (sans objet) est nettement supérieur à la moyenne nationale, avec 7 % en 2012 contre 22 % en 2013 sur le Puy-de-Dôme. La bonne interaction entre les acteurs du logement en est la preuve. Le taux de décision favorable est plutôt encourageant. La France est encore en manque de logement par rapport à la progression des recours. En effet, c’est un bilan encourageant car les efforts et les moyens mis en place par cette loi fonctionnent, en répondant à une partie des personnes ayant un caractère urgent à se loger ou se reloger. Cependant cette procédure peut avoir certaines limites d’une part sur les secteurs où la demande s’accroît plus vite que l’offre, et d’autre part sur son aspect « urgent » qui se voit perdre de sa crédibilité. Le Puy-de-Dôme a su s’adapter face à cette nouvelle procédure en utilisant un « partenariat » entre les acteurs du logement, et répondre dans un délai convenable au demandeur. 1 Le « plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées » du Puy-de-Dôme 2012 -2016, Conseil général du Puy-de-Dôme, p. 38. 30 L a loi instituant le droit au logement opposable du 05 mars 2007 cherche à répondre à la crise du logement abordable et aux situations de mal logement d’un nombre croissant de personnes démunies. Les associations se sont faites le portevoix d’une crise qui perdure. En 2013, le nombre de demandeurs au titre du droit au logement opposable a augmenté de 7 % par rapport à 2012. Cette forte hausse s’est matérialisée par un développement du contentieux administratif. Un recours spécifique est ouvert devant le tribunal administratif aux personnes qualifiées de prioritaires et qui n’ont pas reçu, dans un délai fixé par décret1, une offre de logement tenant compte de leurs besoins et capacités ; et aux personnes reconnues comme prioritaires pour un hébergement et qui n’ont pas été accueillies dans une structure d’hébergement. Cependant cette loi répond-elle à toutes les situations de mal logement ? Sept ans après, il convient de dresser un bilan d’une loi imposée par les circonstances. PARTIE II – LE DALO, UN BILAN MITIGE : ENTRE AVANCEES SOCIALES ET LIMITES JURIDIQUES ET PRATIQUES D ans un premier temps, il nous appartient d’analyser les voies de recours devant le juge administratif, et de nous interroger sur son caractère ou non de nouvelle filière d’accès au logement (I). Dans un second temps, il conviendra de saisir les limites de la loi à travers notamment le prisme de l’obligation de résultat qui incombe à l’État (II). I/ Le DALO, une réponse systématique aux situations de mal logement à l’épreuve du juge L a loi DALO dispose que « toute personne dont la demande de logement ou d’hébergement est reconnue comme prioritaire et urgente par la commission de médiation, et qui n’a pas reçu une offre de logement ou d’hébergement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, a la possibilité de saisir la juridiction administrative »2. Comment ne pas s’interroger sur le fait de savoir si ce recours est réellement la solution ultime à la résolution de toutes les situations de mal logement ? Dans cette perspective, il nous faut porter notre attention sur la reconnaissance du DALO en tant 1 1 Décret du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit opposable au logement, modifié par le décret n° 2009-40 du 10 avril 2009. 2 Voir article 9 de la loi DALO du 05 mars 2007. 31 que droit justiciable (A), et analyser l’obligation de résultat à travers les moyens dont dispose l’État pour réparer un possible préjudice (B). A/ Le DALO : un droit justiciable Depuis la loi DALO, les modalités du recours contentieux au droit au logement opposable sont étroitement réglementées. Elles sont prévues par le code de la construction et de l’habitation, le décret du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit opposable au logement et le code de la justice administrative. Les articles L. 441-2-3-1, R. 441-16-1 et suivants du CCH dispose que « le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue prioritaire par la commission de médiation et que n'a pas été proposée au demandeur une place dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, ordonne l'accueil dans l'une de ces structures et peut assortir son injonction d'une astreinte ». Par ailleurs, le décret n° 2008-1227 du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit opposable au logement détaille la procédure selon laquelle ces requêtes seront présentées, instruites et jugées par le juge administratif. Il prévoit également que dans le cadre de la première phase d'application suivant la loi1, deux catégories de personnes peuvent saisir le juge administratif afin qu’il ordonne leur logement ou leur relogement2. Ce n’est qu’à compter de la 2ème phase d’application des dispositions de la loi, c’est-à-dire le 1er janvier 2012, que le recours a été ouvert à l’ensemble des personnes qui souhaitent faire valoir un droit au logement opposable. Enfin le code de la justice administrative intègre un nouveau chapitre intitulé « le contentieux du droit au logement »3 est créé. Il existe une véritable reconnaissance du droit au logement et de son opposabilité. Cette consécration va s’accompagner d’une augmentation du nombre de recours contre l’État. Si le juge administratif est de plus en plus saisi, ce n’est pas le cas de celui de Clermont-Ferrand. 1 er A partir du 1 décembre 2008. Il s’agit des personnes reconnues prioritaires par les commissions de médiation départementales pour bénéficier d'une offre de logement et qui n'ont pas reçu d'offre correspondant à leurs besoins et capacités, ainsi que des personnes qui, en l'absence de commission, ont saisi le représentant de l'État, mais n'ont pas reçu d'offre de logement ou d'hébergement adaptée, dans un délai de trois ou six mois pour un logement et de six semaines pour un hébergement. 3 Livre VII, Titre VII, Chapitre VIII du code de la justice administrative, articles L. 778-1 et L. 778-2. 2 32 1. Le juge administratif, « bras armé juridique »1 de la commission de médiation : du dialogue local à la procédure contentieuse Les recours contre l’État sont en augmentation constante. Entre la fin 2008 et la fin 2011, le DALO a en effet été à la source de 21 600 requêtes. Au 1er semestre 2013, on dénombrait 2 953 recours gracieux2 contre une décision négative de la commission, soit 6,1 % des décisions3. Également 2 641 recours pour excès de pouvoir suite à décision de rejet ont été enregistrés4. Ont aussi été déposés 6 665 recours DALO pour absence d’offre, entre le 1er août 2012 et le 31 juillet 20135. Ces chiffres mettent en évidence la réelle naissance d’un nouveau contentieux. Cependant, il convient de rappeler la nécessaire mise en œuvre d’un recours amiable avant tout recours contentieux devant le tribunal administratif compétent. Selon la loi de 2007, le préfet désigne un demandeur à un organisme HLM après avis du maire. Il définit ensuite le territoire sur lequel le logement devra se situer et fixe le délai dans lequel l’organisme est tenu de loger la personne désignée. Il s’avère que dans le Puyde-Dôme cette règle ne s’applique pas stricto-sensu. Il est d’usage que les bailleurs du département s’entendent entre eux sur les attributions. Ils privilégient d’avantage l’entente inter-bailleurs6 toujours en vue de la satisfaction de l’obligation de résultat. Cette application plus souple de la loi présente de nombreux avantages. Les bailleurs sociaux du département travaillent dans un esprit empreint d’une volonté de cohérence. Ils n’ont pas toujours le type de logement adéquat, ou bien le quartier proche des besoins ou du mode de vie du demandeur. Aussi les bailleurs se proposent à tour de rôle et de manière spontanée de loger tel ou tel demandeur. Trois paramètres principaux entrent en compte : le « passé du demandeur » (impayés expulsions), le « mode de vie » (adaptations du logement aux besoins et capacités), et le « coût du loyer » (pourra-t-il être supporté ?). C’est le passé du demandeur qui constitue l’élément déterminant. Un partenariat social et constructif se met en place. Les différents bailleurs sociaux du Puy-de-Dôme entretiennent des relations cordiales avec l’État. Un véritable climat de confiance s’est créé. Les différents préfets successifs ont toujours soutenu les actions des bailleurs, et reconnu les arrangements entre eux comme une solution alternative préférable à une application stricte de la loi DALO. L’État, à travers son représentant, reconnaît la volonté des bailleurs du Puy-de-Dôme 1 ème E. Aubin, L’essentiel du droit des politiques sociales, Paris, Lextenso, Les carrés, 2013, 7 édition p. 29. Fiche thématique n° 26 « droit au logement opposable, où en sommes-nous ? », Union sociale de l’habitat. 3 Contre 5,4 % en 2010 et 5,9 % en 2011. 4 2295 en 2011, dont 79 % exercés en Île-de-France et 5947 jugements. 22 % de satisfaction et 51% de rejet. 5 5525 au cours de la même période l’année précédente. 80% de ces recours ont été déposés en Ile-deFrance. 6 Informations recueillies suite à un entretien avec Mme Luneau, responsable du patrimoine à l’Ophis, organisme social à Clermont-Ferrand. 2 33 de reloger au mieux les personnes prioritaires. Par un accord tacite, le préfet laisse le champ libre et à la discrétion des bailleurs pour répondre à l’obligation de relogement concernant les demandeurs. En application de l’article R. 441-5 du code de la construction et de l’habitation, l’État, par l’intermédiaire du préfet, dispose d’un quota de logements réservés et d’un droit de proposition de candidats prioritaires. Le préfet dispose donc de logements réservés au titre du contingent préfectoral1, et a sans doute comme logique et intérêt d’entretenir des relations d’échanges avec les bailleurs. Ce climat est propre à notre département. Il n’empêche en rien qu’un demandeur qui refuse une proposition de logement adaptée pourra enclencher le levier du contentieux. Cette possibilité est envisageable dans le cas d’un demandeur qui estime que l’État n’assure pas son obligation de relogement et dans l’hypothèse où la procédure amiable n’a pas permis de résoudre la précarité de sa situation. Cette saisine du juge administratif est possible à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la notification au demandeur de la commission le reconnaissant prioritaire et comme devant être logé d’urgence. Il ne peut être supérieur à 4 mois à compter de cette même notification. Dans les départements dans lesquels il n’existe pas de commission de médiation, ce délai est de 3 mois après la saisine directe du préfet et dans l’unique situation où le demandeur ne reçoit aucune proposition de relogement. L’article R. 441-16-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit une dérogation pour les départements d’outre-mer : le délai est alors porté à 6 mois. Concernant la requête2, elle doit être écrite et différentes mentions doivent figurer dont les noms et domiciles des parties, l’exposé des faits et des moyens ainsi que des conclusions soumises au juge. Il existe enfin une possibilité de déposer un mémoire exposant le ou les moyens mis en œuvre par le préfet. La requête doit aussi comporter la décision de la commission de médiation sous peine d’irrecevabilité. En l’absence de commission, c’est la copie de la demande adressée au préfet qui prévaut. La défense par un avocat n’est pas requise. Au cours de l’audience, le demandeur peut se faire assister par un représentant d’une association dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées, ou bien d’une association de défense de personnes en situation d’exclusion. L’association doit être agrée par la préfecture ou par tous organismes bénéficiant d’un agrément relatif à l’ingénierie sociale, financière et technique. Dès l’enregistrement de la requête auprès du greffe du tribunal, le juge ou le président du tribunal peut fixer la date de l’audience ; la juridiction doit statuer en urgence3 dans les deux mois à compter de la saisine. Le préfet transfère alors l’ensemble du dossier de la saisine de la commission de médiation au rendu de sa décision. 1Ce "contingent préfectoral" est fixé habituellement à 30 % du patrimoine de chaque bailleur social disposant de logements dans le département, dont 5 % sont réservés pour les fonctionnaires et 25 % pour les personnes défavorisées. 2 http://www.anil.org/analyses-et-commentaires/analyses-juridiques/2008/dalo-recours-contentieuxdevant-la-juridiction-administrative-analyse-de-lensemble-du-dispositif/. 3 http://www.senat.fr/rap/r11-621/r11-621_mono.html. 34 Pour toutes les demandes, il est à noter que doit être respecté le principe du contradictoire (ou principe de la contradiction). En droit français, il existe dans toute procédure, qu'elle soit civile, administrative, pénale ou disciplinaire, et qui signifie que chacune des parties a été mise en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés. Ce principe est également invoqué par la locution latine Audiatur etaltera pars qui signifie « que soit entendue aussi l'autre partie ». Le juge dispose d’un délai de 2 mois pour statuer en premier et dernier ressort1. S’il constate que la commission a estimé que le demandeur est prioritaire DALO et que le préfet ne respecte pas son obligation de logement dans les délais, le magistrat prononce une injonction à l’État de respecter cette obligation sous peine d’une astreinte pécuniaire. Son montant est fixé en fonction du coût moyen de l’hébergement ou du logement en attente, et dont le demandeur aurait dû bénéficier. Le montant de cette astreinte n’est pas au bénéfice des demandeurs. Il est en totalité versé2 au fonds d’aménagement urbain en place dans chaque région et est destiné à financer le logement social3. Ces fonds ont pour but de permettre aux communes ou aux EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial) de financer leurs projets fonciers et immobiliers dans le secteur de l’habitat social. Il faut noter que cette procédure contentieuse est empreinte d’un lourd formalisme. La charge est particulièrement lourde pour les greffes qui doivent faire face à de multiples mesures d'instruction, mais aussi, tout au long de la procédure, à de nombreuses sollicitations de la part des requérants eux-mêmes. Le mécanisme juridictionnel n’est pas toujours aisé à saisir pour un demandeur. En ce qui concerne les décisions des juges, une importante jurisprudence conforte les décisions des commissions de médiation. En cela le juge administratif apparait comme le véritable « bras armé juridique » de la commission. Par exemple, le TA de Paris4 a rejeté une demande au motif que « Considérant, en premier lieu, que, s’il ressort effectivement des pièces du dossier […], que M. et Mme O. n’ont reçu aucune proposition adaptée de logement depuis le mois de mars 2002 correspondant à la date de l’enregistrement de leur première demande, une telle circonstance n’est pas susceptible d’être prise en compte par la commission pour l’appréciation de la situation de la requérante au regard du premier critère visé à l’article R. 441-14-1 précité, dès lors qu’à la date de sa décision, l’arrêté prévu à l’article L. 441-1-4 pour l’application de ce critère, n’a pas encore été pris ». Cette décision infirme celle de la commission. 1Pas d'appel possible devant la Cour administrative d'appel mais pourvoi en cassation possible devant le Conseil d'Etat. 2 http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F20343.xhtml. 3 Voir article L. 302-7 du CCH. 4 TA Paris, 29 janvier 2009, n°0808980, Mr et Mme O. 35 Également le TA de Montpellier1 a statué dans le sens que « Compte tenu de la situation familiale et des conditions de logement de M. B et alors que celui-ci n’établit pas ni même n’allègue avoir pris contact, comme la commission l’y invitait, avec son bailleur en vue de la réalisation des travaux nécessaires, la commission de médiation n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en ne désignant pas comme prioritaire et urgente la demande de logement de M. B, alors même qu’il n’avait pas reçu de proposition de logement depuis un délai anormalement long ». Pour les demandes soumises au délai fixé à l’article L. 441-1-4, la commission n’est pas tenue de considérer la demande comme urgente, et dispose d’un large pouvoir d’appréciation de l’urgence en fonction de critères objectifs qui peuvent caractériser une telle urgence. Malgré des motifs de contestations distinctes, la demande concerne un recours en annulation de la décision de la commission. Le juge une fois de plus a conforté le pouvoir de la commission, mais ci-celle-ci ne dispose pas dans la théorie d’un pouvoir souverain. De son côté la cour d’appel de Nancy2 a estimé que la recherche d’un emploi dans une région offrant plus de possibilités de travail invoquée par le demandeur en délai anormalement long ne justifie pas d’une situation d’urgence pour être reconnu prioritaire pour l’attribution d’un logement. Les diverses motifs de recours n’ont pas suffi à faire naitre de revirement jurisprudentiel. En l’absence de critères DALO pour juger de la légalité de la décision de la Commission, le tribunal administratif n’examine même pas l’éventuelle bonne foi des demandeurs. Le juge semble opérer un contrôle normal de la légalité des décisions, c’est-à-dire qu’il s’attache à l’examen des motifs ayant fondés la décision de la Commission plutôt qu’aux nouveaux éléments que peut apporter le requérant. Aucun jugement n’ayant annulé une décision négative, aucune conséquence d’un tel jugement ne peut être tirée pour le moment. Dans notre département, la jurisprudence fait-elle « force de loi » ou le juge le juge est-il revenu sur une décision de la commission de médiation ? Nous allons maintenant nous attacher particulièrement au contentieux dans la région Auvergne. 1 TA Montpellier, 17 décembre 2010, n° 1002090, Mr B. CAA Nancy, 21 mars 2011, n° 10NC00454, Mlle A. 2 36 2. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand face au DALO : une unique décision prise en 2010 Le tribunal administratif1 de Clermont-Ferrand, et ceci vaut pour tout le ressort (c’està-dire pour le département Puy-de-Dôme mais également pour l’Allier, le Cantal et la Haute-Loire), n’a pratiquement pas eu à connaître de contentieux concernant la loi DALO. Un seul et unique dossier a été jugé à ce jour. En 2013, le juge a été saisi d’une deuxième affaire. Le dossier est toujours en cours d’instruction et l’audience n’est pas encore fixée. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rendu sa seule affaire le 15 octobre 20102, dans le cadre d’un référé injonction. Mme L., mère de famille à l’approche de l’hiver, vivait en caravane avec ses enfants sur l’aire d’accueil des gens du voyage de Brioude. Elle a été reconnue prioritaire DALO par la commission de médiation de la Haute-Loire. Elle devait donc faire l’objet d’un relogement d’urgence. La commission a proposé deux types de « logement adapté »: un logement dans le parc public (cette famille étant considérée comme défavorisée, elle relevait du plan d’aide au logement des personnes défavorisées) ou un « terrain familial » (attribué au titre du schéma départemental pour l’accueil et l’habitat des gens du voyage). Eu égard à l’appartenance de la famille à la communauté des gens du voyage, cette seconde solution a été retenue mais n’a pas eu de prolongements pratiques. C’est dans ce contexte que Mme L. a saisi le tribunal en invoquant l’irrecevabilité de la requête et le non fondement de la demande d’injonction. Pour le préfet non seulement la demande est tardive par rapport à la notification de la décision de la commission (supérieur au délai légal de 4 mois), mais encore la requérante n’a pas « qualité à agir ». En effet, cette dernière habite dans une caravane installée sur une aire de gens du voyage. Elle n’est pas dépourvue de logement, et son logement n’est pas sur-occupé. Par ailleurs, pour le préfet il n’existe pas à Brioude de logements publics pour les personnes relevant du PDALPD. De plus, l’OPAC de Brioude a donné son accord de principe pour la construction d’une maison individuelle pour la requérante et sa famille, conditionné à la mise à disposition d’un terrain par la commune de Brioude. Mme L. a refusé cette proposition. Le juge administratif a rejeté l’argument d’irrecevabilité. Il faut dire que le préfet n’est pas en mesure de fournir la date exacte de réception de la notification. La notification de la décision de la commission a été envoyée par courrier le 15 avril 2010 et la requête de Mme L. enregistrée au greffe du tribunal le 18 août 2010. Le juge a estimé que la requérante a très bien pu réceptionner ce courrier le 18 avril 2010 et par conséquent sa requête intervient dans le délai légal de saisine du tribunal de 4 mois. 1 Face à la nécessité de connaître la réalité exacte de la judiciarisation du recours DALO dans le Puy-deDôme, nous avons pris contact avec le TA de Clermont-Ferrand par l’intermédiaire de Mme Chantal Gleyze, documentaliste au tribunal administratif. Nous avons ainsi pu obtenir des éléments concernant les recours DALO. 2 Cf. Annexe n° 7, TA Clermont-Ferrand, 15 octobre 2010, n° 1001445, Mme L. 37 Par contre le juge a estimé que la décision de la commission de médiation n’a pas été appliquée. Mme L. ayant été reconnue prioritaire DALO, elle aurait dû se voir attribuer un logement adapté. Le juge enjoint l’État à respecter son engagement et son obligation de relogement, à défaut il devra payer des astreintes jusqu’à l’application de la décision. Une caravane n’est pas autorisée à stationner de manière permanente sur une aire de gens du voyage. Aussi le juge ordonne l’application de la décision de la commission, à savoir l’attribution d’un logement adapté au titre du public visé par le PDALPD, ou bien l’attribution d’un terrain familial dans le cadre du schéma départemental pour l’accueil et l’habitat des gens du voyage. Dans le jugement du 15 octobre 2010, rendu par le tribunal administratif de ClermontFerrand, le juge rappelle deux règles fondamentales : la décision de la commission de médiation s’applique de plein droit et l’État a une obligation de résultat, il est le garant du DALO. Il n’appartient pas au juge administratif de juger de la légalité de la décision de la commission de médiation. Dès lors que la commission reconnaît une personne prioritaire, elle doit être relogée dans le délai légal d’un mois à compter de la notification de la décision par la commission de médiation. Ce seul et unique recours démontre que dans le Puy-de-Dôme, la tendance n’est pas à la progression des recours. Il existe une réelle hétérogénéité en fonction des territoires. Manifestement notre département n’est pas dans la voie d’une forte jurisprudence à venir en matière de contentieux. C’est pour cette raison aussi que le dispositif DALO n’est pas très consommateur de temps dans notre département ni pour le juge ni pour les bailleurs sociaux. Dans les départements les plus sollicités, les organismes sociaux contribuent à l’instruction d’un très grand nombre de dossiers, qui parfois encombrent les commissions de médiation et demandent de large disponibilité en termes d’organisation des transmissions d’informations. Il n’empêche que même si les configurations sont différentes et font naître des phénomènes de territorialité en termes d’application de la loi, il n’en va pas moins que l’obligation qui incombe à l’état de loger ses demandeurs reconnus prioritaires et la même sur tout le territoire nationale. 38 B/ Le droit au logement : entre obligation de résultat et obligation de réparation Le principal instrument dont dispose l'État pour s'acquitter de son obligation de résultat est le contingent de réservation de logements locatifs sociaux dont dispose chaque préfet de département1. Le préfet peut déléguer au maire ou, avec l'accord de celui-ci, au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, tout ou partie des droits à réservation de logements dont il bénéficie par application de la loi du 13 août 20042. Même dans ce cas, le droit au logement relève de sa responsabilité, car il dispose seul de l'intégralité des moyens susceptibles d'en obtenir la mise en œuvre. Le juge a la possibilité de l’y contraindre mais quand est-il dans la réalité ? Il nous appartient d’étudier la manière dont le juge oblige au logement, et ensuite les différents recours possibles afin d’obtenir réparation. 1. Quand le juge oblige au logement La loi DALO dispose que « le droit au logement opposable est garanti à toute personne qui, résidant sur le territoire national français de façon régulière et dans des conditions de permanences définies par décret3, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ». La loi entend donner une portée universelle à travers la reconnaissance de ce droit et l’obligation faite à l’État de le satisfaire. Les personnes en situation de précarité concernant le logement peuvent exercer un recours devant la juridiction administrative, et il pèse sur l’État, du moins en principe, une obligation de résultat. Cette procédure est novatrice car elle concrétise véritablement l’opposabilité du droit au logement et va créer un étage juridictionnel doté d’un pouvoir d’injonction envers l’État à travers les pouvoirs publics. Dans la pratique nous avons souhaité nous interroger sur la réalité de cette pression juridictionnelle prévue par la loi, ainsi que sur l’efficacité de ce pouvoir d’injonction. D’un point de vue jurisprudentiel, dès le début de l’année 2009, le tribunal administratif de Paris a enregistré plusieurs dizaines de recours et a rappelé pour la première fois cette obligation. Un requérant peut désormais entamer une procédure formelle auprès du tribunal de son département afin de faire valoir ce droit et l’État doit lui garantir « le droit à un logement décent et indépendant »4. 1 Voir article R. 441-5 du CCH. Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. 3 Décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant et modifiant le code de la construction et de l'habitation (partie réglementaire). 4 Voir article L.300-1 du CCH. 2 39 Au 30 septembre 2009, on comptait 2409 recours devant le tribunal administratif. Le droit au logement opposable a dès lors été qualifié de « droit incantatoire »1. Après seulement deux années d’application, la loi ne répond déjà plus vraiment aux promesses législatives, « son charme retombe »2. Les personnes visées par la loi comme bénéficiaires potentiels, ne se voient pas systématiquement proposer un logement adapté à leurs besoins, alors qu’elles se pensent dans une démarche légitime. Il existe parfois un véritable écart d’appréciation entre les besoins qualifiés par la commission et les besoins des demandeurs pouvant se caractériser par un refus de la proposition de logement. Toutefois, un demandeur reconnu prioritaire doit mesurer son acte et faire preuve d’une grande prudence s’il souhaite refuser une offre de logement. Il en a effectivement la possibilité, s’il estime que le logement ne correspond pas à ses attentes et il peut engager une procédure contentieuse. À ce stade, le juge reste maître de la validation ou non de ce refus. Si le juge estime que ce refus d’attribution n’est pas recevable, le demandeur perd le bénéfice de ce droit au logement. Dans ces situations, l’État a une obligation de résultat qui se trouve limitée par un refus non légitime d’une proposition de logement. Si ce refus est avéré, l’État se libère a priori de son obligation. Mais s’il appartient à l’État de tout mettre en œuvre pour offrir au demandeur une offre adaptée à ses besoins et capacités, il est important de noter que dans le cadre du DALO : « aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit qu’une personne à laquelle une proposition de logement, adaptée à ses besoins et ses capacités, a été faite disposerait de la faculté de bénéficier d’une seconde proposition »3. En d’autres termes une seule offre de logement adaptée suffit. C’est ainsi que le l’obligation de résultat de l’État se voit limitée dans son application, afin d’éviter certains refus répétitifs. Dès lors que le juge estime que sa seule motivation est de l’ordre de la pure convenance personnelle ou non légitime, l’État a rempli son obligation. À nos yeux, cela pose une réelle limite à l’exécution de l’obligation de résultat de l’État, et explique en partie pourquoi dans certaines régions, principalement en Île-de-France, certains demandeurs ne sont pas relogés. Certes, ces demandeurs ont toujours la possibilité de saisir à nouveau la commission de médiation, mais ils risquent de voir leur demande rejetée au motif que leur bonne foi n’est pas avérée. La bonne foi est devenue très tôt une variable déterminante dans une juste application de la loi. Dès 2009, le tribunal administratif de Paris estime que la commission de médiation n’a pas commis d’erreur d’appréciation en refusant de reconnaître prioritaire une personne dont la mauvaise foi est établie. La requérante avait formulé un recours devant le juge judiciaire qui l’avait jugé de « mauvaise foi » car elle avait cinq mois auparavant refusé «une proposition de logement qui correspondait pourtant à ses capacités et à ses besoins»4. L’absence de la bonne foi justifie le rejet du recours 1 Op.cit. E. Aubin, L’essentiel du droit des politiques sociales, p. 140. Ibid. E. Aubin, L’essentiel du droit des politiques sociales. 3 TA Montpellier, 20 octobre 2010, n° 095284, M. N. 4 TA Paris, 29 janvier 2009, n° 0810452, Mme D. 2 40 amiable, quelles que soient les conditions de logement du demandeur dès lors qu’il a reçu une proposition de logement social adaptée à ses besoins et à ses capacités et qu’il l’a refusée. Dans une autre affaire, la cour administrative d’appel de Bordeaux1 a confirmé une décision de rejet prise par la commission de médiation de la Gironde. La requérante fait valoir qu’elle a fait l’objet d’une décision de justice prononçant l’expulsion de son logement et qu’elle vivait depuis 2005 dans une caravane. La commission de médiation avait rejeté la demande de logement en retenant le refus de la requérante à deux propositions de logement social et le fait que l’expulsion avait eu lieu en raison de troubles de voisinage. La requérante justifiait ses refus par l’absence de transports en commun pour rejoindre son lieu de travail depuis les logements proposés. Les juges d’appel ont estimé « qu’une telle assertion n’est toutefois pas établie, compte tenu de l’existence d’un réseau développé de transports en commun dans l’agglomération bordelaise dont ces communes font partie ; que par ailleurs, ni la circonstance qu’elle ait fait l’objet d’une décision de justice prononçant son expulsion, ni le fait qu’elle vivait depuis 2005 dans une caravane ne constituaient des circonstances qui impliquaient que la commission de médiation fût tenue de reconnaître sa demande comme prioritaire ; que dans ces conditions, Mme X n’est pas fondée à soutenir que la commission de médiation aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant sa demande ». Plus récemment, un arrêt du conseil d’État du 17 juillet 20132 a considéré que « la commission de médiation est fondée, pour apprécier la bonne foi du demandeur, à tenir compte du comportement de celui-ci. Cette appréciation restant soumise au contrôle du juge administratif ». La Haute juridiction qui a été amenée à statuer sur un arrêt de la cour administrative d’appel, qui avait annulé une décision de la commission de médiation. Cette dernière avait motivé son refus d’attribution en invoquant la mauvaise foi du demandeur, caractérisée par des troubles de voisinages avérés. Dès lors, «un comportement tel que celui causant des troubles de jouissance conduisant à une expulsion est de nature à justifier que la commission de médiation, eu égard à l'ensemble des éléments du dossier qui lui est soumis, estime que le demandeur n'est pas de bonne foi et, par suite, refuse de le reconnaître comme prioritaire et devant être logé d'urgence». Une telle décision s'inscrit dans la ligne suivie par le Conseil d'État, statuant au titre du recours DALO, selon laquelle le comportement d'un demandeur peut conduire l'administration à être déliée de son obligation de le loger en urgence3. Force est de constater l’obligation de résultat : oui, mais pas à n’importe quelle condition, telle est l’univers de « l’impitoyable DALO4 ». Et quand est-il si l’État reconnait un préjudice 1 er CAA Bordeaux, 1 mars 2011, n° 10BX00426, Mme X. CE, 17 juillet 2013, n° 349315, Mr et Mme A. 3 CE, 28 mars 2013, n° 347794, Mmes A. et B., JurisData n° 2013-005642. 4 Doctrinal plus, Brouant Jean-Philippe, DALO, ton univers impitoyable, Actualité Juridique Droit Immobilier (AJDI), 01-04-2013, p. 299. 2 41 pour le demandeur suite à la saisie du juge. Nous allons étudier les autres recours dont dispose le demandeur. 2. Quand réparer s’impose Le constat d’augmentation du rythme de condamnation de l’État par le tribunal administratif pour non relogement s’impose. Également, entre le 1er août 2012 et le 31 juillet 2013, sur 5 947 jugements rendus1, 82 % ont été rendus au bénéfice des requérants2. Certes de nombreuses demandes aboutissent mais nous avons souhaité savoir si en cas de rejet d’une demande DALO, un requérant avait la possibilité d’intenter d’autres recours. La loi prévoit un contentieux spécifique afin de condamner l’État à loger les demandeurs de logement ou d’hébergement sous astreinte. Il nous a paru essentiel de s’interroger sur la logique de celle-ci. A priori elle a pour objectif de faire pression pour obtenir la décision de justice de relogement. Or, nous nous sommes rendues compte que l’astreinte payée par l’État était prélevée sur le budget « développement et amélioration de l’offre de logement ». L’astreinte va par la suite alimenter un Fond national d’accompagnement vers et dans le logement géré par l’État lui-même. Cela nous a paru fort surprenant d’autant que le financement repose sur le non-respect par l’État de ses obligations. Certes il est sanctionné, mais cette sanction nous paraît relativement limitée. Dans le cas inverse du rejet de la demande des demandeurs, ces derniers peuvent-ils en parallèle exercer d’autres types de recours de droit commun ? Il existe en effet plusieurs types de recours qui peuvent être formulés. En préalable il convient de noter qu’un recours amiable ou « recours gracieux » est toujours souhaitable. Le recours gracieux contre la décision d’une commission de médiation peut être formé sur papier libre3, dans les deux mois à compter de la réception de la décision de la commission. Les textes relatifs au DALO ne font pas précisément référence à la notion de recevabilité de ces demandes. En revanche, la pratique admet la recevabilité d’un recours amiable en se basant sur plusieurs points : la complétude du dossier ; la personne doit être dans une des situations permettant de solliciter la reconnaissance du DALO ou un accueil en hébergement ; la personne ne peut pas accéder ou se maintenir dans un logement décent et indépendant par ses propres moyens ; la bonne foi ; l’existence de démarches préalables ; les conditions de séjour pour les personnes de nationalité étrangère ; la saisine d’une seule commission de médiation. Si après avoir vérifié ces points et si l’un ou plusieurs fait toujours 1 Op.cit., fiche thématique n° 26, USH. Taux de 78 % l’année précédente. 3 La demande doit être envoyée avec accusé de réception. 2 42 défaut, et qu’aucun élément nouveau n’est apporté au dossier, la commission de médiation confirmera sa décision. Toutefois si le demandeur n’obtient pas satisfaction par un recours amiable, il peut intenter un recours contentieux, mais encore un recours en vue d’obtenir des indemnités pour réparation du préjudice subi. Le demandeur doit en apporter la preuve. Toute demande en réparation doit constituer une requête distincte. Cet impératif a été énoncé par le Conseil d’État en mars 2013. Il a été saisi par une personne reconnue prioritaire et devant être relogée d'urgence. Cette dernière conteste l'ordonnance du TA qui rejette sa demande de condamnation de l’État à lui verser des dommages et intérêts au titre de l'absence de proposition de relogement. Le Conseil d’État considère que conformément aux dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du CCH : le « juge ne peut être saisi de conclusions mettant en cause la responsabilité de l’État à raison de sa carence dans la mise en œuvre du DALO, de telles conclusions ne pouvant être utilement présentées devant le tribunal administratif, que dans le cadre d'une requête distincte ». Toutefois, lorsqu'il est saisi de telles conclusions, le juge est tenu, conformément à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, « d'inviter son auteur à les régulariser en les présentant dans le cadre d'une requête distincte ». La demande d’injonction et la demande d’indemnité font l’objet de deux recours distincts. Le recours indemnitaire de droit commun ne peut se faire à l’occasion du recours spécifique DALO en injonction. Ce dernier recours ne donne compétence au juge que pour ordonner le logement ou le relogement, pas pour accorder une indemnité en raison de la carence de l’État. Le juge ne peut rejeter la demande sans inviter le requérant à la régulariser dans une requête distincte, sur laquelle il sera statué. Un demandeur peut également exercer un recours pour excès de pouvoir contre les décisions de refus d’attribution rendues par la commission de médiation. Dès lors qu’une demande n’est pas jugée prioritaire, le requérant a deux mois pour intenter un recours dans les conditions du droit commun. L’ensemble des requêtes est généralement rejeté. 43 II/ LE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE À L'ÉPREUVE DES FAITS : UNE APPLICATION CONTRASTÉE L e logement est en crise, et plus particulièrement le logement urbain. En effet selon M. Borgetto et R. Lafore : « L’intervention publique en matière d’accès au logement n’est pas nouvelle. Depuis les débuts de l’industrialisation au XIXème siècle, le logement urbain est en crise chronique, connaissant de façon constante des pénuries, des inadaptations entre offre et demande, des inégalités fortes selon les groupes sociaux »1. En effet, les personnes les plus fragiles à reloger se sont vues attribuer des logements en priorité grâce à cette fameuse loi DALO. Cependant depuis maintenant six années, depuis l’entrée en vigueur de la loi, on s’aperçoit de la complexité de l’application de la loi (A) à l’instar du département du Puy-de-Dôme qui fait partie des « bons élèves » en matière d’application de cette loi (B). A/ Des difficultés pratiques d’application L’application d’une loi est d’une difficulté extrême notamment quand elle touche l’action sociale. Le Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable explique que : « par bonne pratique on entend toute action, tout dispositif ou mode d’organisation ayant permis, sur un territoire donné, d’améliorer l’efficacité des interventions en faveur du droit au logement. » Ainsi les dispositifs mis en place ne sont pas toujours suivis à la lettre et certains textes législatifs peuvent freiner les processus établis. 1. Des dispositifs pas toujours investis et un manque criant de logements Quand une loi est adoptée, il n'est pas toujours facile de l'appliquer et de la faire rentrer dans les mœurs. En effet les dispositifs établis ne sont pas toujours accomplis notamment dans le cadre de l'accompagnement des personnes quand il s'agit d'une loi d'action sociale. Cependant ce n'est pas la seule cause d'une application non investis. Il faut prendre en compte aussi, l’ensemble des causes génératrices des retards attributions, notamment le manque de logements. La mise en place du dispositif DALO tend à montrer les difficultés à accéder à l’information et le manque de moyens dédiés à l’accompagnement des requérants 1 ème M.Borgetto et R.Lafore, Droit de l’aide et de l’action sociales, lextenso éditions, 2012, 8 p. 703. édition , 44 dans l’instruction des dossiers. Par ailleurs le suivi des recours rend difficile la mise en œuvre effective du DALO. Au regard des situations de mal logement et de non logement existantes, il y a très peu de services sociaux et d’associations qui assurent ces missions. De nombreux dossiers sont considérés comme incomplets ou irrecevables par le secrétariat de la commission de médiation, mais encore les requérants exercent très rarement leur droit au recours. Dans ce contexte, la création de permanences d'accès au droit lié au logement, spécialisées sur le DALO est apparu primordiale. En effet au plan national 4 permanences ont été créées : à Asnières en 2011, à Puteaux en janvier 2012, à Boulogne en mars 2012 (en partenariat avec cinq autres associations), à Chatillon en juillet 2012. Ces permanences s’adressent, à toute personne en difficulté de logement ou d'hébergement, résidant sur les communes à proximité de la permanence. Chaque permanence est tenue par une équipe de dix bénévoles qui se relaient pour l’ouvrir une fois par semaine. Les missions assurées consiste à l’accueil et l’écoute des demandeurs, l’accueil et dialogue autour des difficultés, du besoin ou du projet de logement ou d'hébergement de la personne accueillie, orienter les demandeurs vers les instances compétentes et les dispositifs appropriés. Ces permanences permettent aussi et surtout l’accompagnement vers un droit au logement opposable, avec des informations et l’accompagnement des personnes tout au long de la procédure DALO (recours amiable, recours gracieux, recours contentieux, recours indemnitaires…). Il faut aussi compter avec la mise en relation avec un avocat en fonction de la situation (par le biais du réseau d’avocats de la Fondation Abbé Pierre). On peut souligner ici que le partenariat associatif permet de renforcer les équipes de bénévoles et surtout de permettre à des personnes qui sont prioritaires d’accéder à un droit qu’il leur est dû tel que le DALO. De plus, il est vrai que la complémentarité avec les services sociaux est à construire à l’image de la coopération existante avec certains travailleurs sociaux qui montent le dossier recours amiable avant de passer le relais aux permanences lorsqu’il s’agit d’exercer les recours devant un tribunal administratif. Les premiers résultats sont encourageants. Près de 300 ménages sont accompagnés, dont 56 % ont eu leurs demandes reconnues prioritaires et urgentes. Parmi ces ménages 30 % sont relogés1. Enfin ce réseau de permanences est en lien avec le Comité de Veille DALO 92 dont la mission est de s’assurer de la bonne application de la loi sur le département, et d’être force de proposition pour améliorer sa mise en œuvre, dans l’intérêt des personnes et en dialogue avec les institutions concernées. 1 Chiffre issu du Chapitre 3 du tableau de bord de la Fondation Abbé Pierre. http://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/content-files/files/19e_remlchapitre3_letableaudeborddumallogement.pdf. 45 Cependant on se rend compte que dans le Puy-de-Dôme il n’existe pas ce genre de permanences. Malgré ce manque, les prioritaires DALO ne semblent pas être lésés. En effet les bailleurs sociaux ainsi que la DDCS1 (Direction départementale de la cohésion sociale), à Clermont-Ferrand et dans tout le département, font en sorte de sensibiliser toutes personnes qui pourraient rentrées dans une catégorie relevant du DALO. Ce travail là se fait généralement au pôle service de gestion locative et au pôle social. Par exemple auprès de l’Ophis il existe une cellule spéciale au sein de la direction du patrimoine qui s’occupe de toutes les personnes relevant du DALO. Ce travail est fait par Madame Meynadier2 qui est une conseillère sociale. En outre, lors de son adoption le 5 mars 2007, suite aux nombreuses tentes installées sur les quais de Paris par l’association des Enfants de Don Quichotte, la loi n° 2007-290 instituant le droit au logement opposable a été salué par le milieu associatif comme une mesure ambitieuse et porteuse d’espoir afin de lutter contre la précarité de personnes sans logement. En effet, si ce droit avait fait l’objet de plusieurs textes législatifs, ceux-ci restaient toutefois formels. De même, sa reconnaissance par le Conseil constitutionnel en tant qu’objectif de valeur constitutionnelle (décision n° 94359 du 19 janvier 1995) n’assurait qu’un niveau de protection minimale puisque l’Etat n’était tenu que d’une obligation de moyen. Concrètement, le demandeur dans une situation d’urgence peut saisir la commission départementale de médiation qui juge du caractère prioritaire ou non de la demande. Dans l’affirmative, et si le demandeur n’a pas reçu une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, il pourra saisir le juge compétent. Ce dernier à la possibilité, au vu du dossier, d’ordonner à l’Etat le logement du demandeur et d’assortir son injonction d’une astreinte. Ainsi, il est constant qu’un véritable droit-créance est offert aux citoyens sans logement à l’encontre de l’Etat. Or force est de constater que sept ans après son entrée en vigueur, le bilan d’application de la loi DALO est quelque peu mitigé. En raison d’un manque évident de logements disponibles, l’effectivité de ce nouveau droit est relative. En effet, selon l’association Droit au logement (DAL), sur les quelques 100 000 demandes ayant reçu un avis favorable des commissions de médiation, seules 13 000 familles ont été relogées. Même lorsque les tribunaux administratifs condamnent l’Etat, les familles ne sont pas toujours relogées. C’est ainsi que son rapport daté d’octobre 2009, le Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable a alerté le gouvernement « sur le non-respect de la loi ». Selon Luc Novales, membre du DAL (Droit au logement) et du Collectif « urgence un toit » :« Cette loi est très bien, mais elle n’est pas appliquée. Il y a toujours autant de personnes à la rue. De toute façon, il n’y a pas assez de places disponibles pour loger 1 Responsable du Service politiques, sociales du logement (DDCS) à Clermont-Ferrand, Mme Jailler et son adjointe Mme Fidalgo. 2 Mme Meynadier, conseillère économique, sociale et familiale travaillant chez l’Ophis au pôle direction du patrimoine. 46 tout le monde, mais aucune mesure concrète n’a été prise pour remédier à ce problème. En Haute-Garonne, le délai de carence est passé à 30 mois pour une demande de logement social. L’Etat freine les dossiers, parce qu’ils n’ont pas les moyens de reloger ». Pour le président du conseil général de la Haute-Loire, « il y a un manque énorme de logements, mais ce n'est pas le seul problème». Et de déplorer « une grande disparité dans le fonctionnement des commissions » qui décident si un ménage est éligible ou non au DALO. Certaines commissions de médiation se prononcent ainsi en fonction « d'éléments de contexte, se souciant surtout du nombre de logements disponibles ». Le manque de logements très sociaux pose le plus de problèmes. La production de logements sociaux intermédiaires, qui vont plutôt à la classe moyenne, est beaucoup plus forte selon le rapport du Sénat, qui parle de la loi sur le droit au logement opposable1. Un des problèmes c’est que 66 % des requérants DALO présentent des ressources si faibles qu'ils relèvent d'un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Ce prêt destiné aux organismes HLM vise à les aider à fournir un logement aux personnes défavorisées, en plafonnant les loyers à un niveau très bas. « Beaucoup de maires rechignent à développer le parc locatif très social, parce que les plus démunis sont vus comme une population à risque2 », déplore Gérard Roche. À l'association Droit au logement (DAL), Jean-Baptiste Eyraud remarque: « Ceux qui sont candidats aux PLAI représentent 35 % des ménages de ce pays! » Le rapport souligne la nécessité de construire de nouveaux logements, « mais pas n'importe où », et soulève aussi une question plus polémique: celle de la participation du logement privé. Énormément de logements vides pourraient, par voie de conventions, servir à faire du logement social. « Les tarifs des HLM sont aussi trop lourds pour beaucoup de gens reconnus comme prioritaires, il faut que les aides au logement tiennent mieux compte des charges réelles du logement », ajoute Gérard Roche3. De plus les conditions de réussite du DALO ne sont pas réunies. L’offre locative sociale demeure insuffisante, bien sûr, mais aussi inadaptée d’un point de vue à la fois financier et géographique. En outre, toutes les possibilités de relogement offertes par des logements sociaux pourtant disponibles au titre des contingents réservés ne sont pas exploitées en raison de dysfonctionnements dans les relations entre réservataires et bailleurs sociaux. La juridiction administrative, qui fait face à une charge de travail très importante, peine à percevoir l’utilité réelle de son intervention, qui ne débouche encore que très rarement sur le logement ou le relogement du demandeur à l’issue 1 Rapport du Senat n° 621 (2011-2012) de MM. Claude DILAIN et Gérard ROCHE, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 27 juin 2012. http://www.senat.fr/rap/r11-621/r11-621.html. 2 Cf. annexe n° 8 « La carte des villes en manque de logements ». 3 Ibid.Rapport du Senat n° 621 (2011-2012) de MM. Claude DILAIN et Gérard ROCHE, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 27 juin 2012. 47 directe du recours. Le plus souvent, l’État est condamné à une astreinte financière qu’il se verse à lui-même. Enfin, la mise en œuvre du DALO n’intervient pas dans des conditions permettant d’assurer le respect de l’objectif de mixité sociale rappelé par la loi elle-même. Il semble que les attributions de logements aux demandeurs prioritaires se fassent pour l’essentiel dans des territoires déjà très paupérisés. En plus de connaître des difficultés pratiques d’application, le juge administratif est également venu préciser les contours de cette loi et a incontestablement limité la portée de celle-ci. En effet, le juge administratif a dû trancher la question de savoir si les personnes devant faire l’objet d’une expulsion pouvaient invoquer la loi DALO afin d’empêcher celle-ci. 2. Un texte en proie à des blocages : pas d’expulsion sans relogement préalable Depuis l'entrée en vigueur de la loi DALO, on constate qu'au fur et à mesure des années l'Etat essaye d'apporter un nouveau souffle à ce texte législatif afin de pallier le nombre de demandes. Depuis que le nouveau gouvernement a pris place, il est forcé de constater que l'Etat essaye d'apporter son soutien aux locataires et aux demandeurs les plus fragiles. Cependant il faudrait faire attention à trouver un juste équilibre tant pour les bailleurs que pour les locataires et ainsi trouver un remède aux expulsions. Les ministres, de l’intérieur Manuel Valls et du logement Cécile Duflot, ont signé le 26 octobre 20121 une circulaire pour demander aux préfets de reloger les familles bénéficiaires du droit au logement opposable avant de donner l’ordre à la police de les expulser lorsqu’elles sont visées par une décision judiciaire l’autorisant. La circulaire réagit à une vague d’expulsions locatives à l’approche de la trêve du 1er novembre, qui empêche celles-ci jusqu’au 31 mars2. Les familles touchées sont bien souvent des victimes du chômage qui ne peuvent plus payer leur loyer. Parmi les expulsés, il y a des bénéficiaires du droit au logement opposable dont la situation résidentielle est jugée suffisamment critique pour qu’elles aient droit en urgence à l’attribution d’un logement social par le préfet3. 1 Cf Annexe n° 10, Circulaire du 26 octobre 2012, instruction n° NOR INTK1229203j, énoncé par le ministre de l’intérieur Manuel Valls et la ministre du logement Cécile Duflot. 2 Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) n° 84 Senat session ordinaire de 2013-2014 du 20 février 2014 qui énonce que la trêve hivernal sera prolongé jusqu’au 31 mars. http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2013-2014/356.html. 3http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/10/24/les-beneficiaires-du-droit-au-logementopposable-ne-pourront-plus-etre-expulses_1780430_3224.html. 48 La mesure principale de la circulaire demande « de veiller à mettre en œuvre systématiquement le relogement effectif du ménage, lorsque celui-ci a été reconnu prioritaire et urgent, dans un délai tel qu’il intervienne avant la date à laquelle le concours de la force publique sera mis en œuvre ». La circulaire renforce, tout au moins promet, les moyens d’aide financière à ces ménages fragiles, souvent en dettes locatives, via les aides comme le FSL/FSH (fonds de solidarité pour le logement et fonds de solidarité habitat) , les CCAS, et surtout l’AVDL (l’accompagnement vers et dans le logement) qui est un fonds financé par les astreintes que l’état paye pour chaque dossier DALO non relogé et passé au tribunal. Ce fonds fixe, entre autres, à pratiquer un diagnostic social afin de déterminer au mieux le suivi de chaque ménage (autrement dit non seulement leur autonomie sociale mais aussi financière). Il faut toutefois convenir que les critères seront ceux édictés par les bailleurs et qu’il est nécessaire de rester vigilant à ce que ces derniers jouent le jeu qu’institue cette circulaire. Il est un fait que les bailleurs sociaux réclament, de plus en plus souvent, un accompagnement AVDL pour chaque dossier reconnu prioritaire et urgent en commission DALO – source pour eux, de protection envers des ménages fragiles – créant ainsi le danger de faire cette aide, à terme, un critère de recevabilité dans les commissions d’attribution de logement. À noter que cette circulaire ne devrait pas avoir les faveurs de la plupart des bailleurs puisque les expulsions deviendraient dans la plupart des cas impossible à réaliser. Il serait juste de rappeler qu’il revient moins cher de maintenir un ménage en difficulté dans un logement et de l’aider que de l’expulser et de payer l’ensemble des actions de prévention, de secours et de relogement qui en seraient la conséquence. En effet lorsqu’on interroge les acteurs du logement social du Puy-de-Dôme, on constate dans un premier temps que la circulaire du 26 octobre 2012 est un texte qui permet de protéger certains locataires endettés mais encore de leur donner une seconde chance pour leur permettre de ne pas être à la rue et de pouvoir trouver des solutions adéquates à leur situation. Cependant dans un second temps, on peut s’inquiéter des limites de cette circulaire qui tend à créer un engrenage dans le cadre des expulsions. Il est vrai que si des personnes ne payent pas leur loyer, ils seront redirigés vers un autre logement selon les conditions de la circulaire Valls/Duflot, et dans ce cas, certaines personnes seront tentées de récidiver. Ainsi on peut se demander s’il ne serait pas préférable de juger de la bonne foi des personnes avant d’interdire toutes expulsions. 49 Dans un arrêt du 17 juillet 20121 opposant M. et M., le Conseil d'État estime que le comportement d'un locataire, menacé d'expulsion, peut suffire à caractériser sa mauvaise foi dans le cadre d'une demande au droit au logement opposable. En effet pour la Haute juridiction, la commission « est fondée, pour apprécier la bonne foi du demandeur, à tenir compte du comportement de celui-ci ». Elle indique qu'en particulier, un comportement tel que celui causant des troubles de jouissance conduisant à une expulsion est de nature à justifier que la commission de médiation estime que le demandeur n'est pas de bonne foi2 et, par suite, qu'elle refuse de le reconnaître prioritaire et devant être logé en urgence. Cependant malgré quelques disfonctionnements de la loi DALO dans certaines zones géographiques, il s’avère que pour certains départements, tel que le Puy-de-Dôme, ce texte juridique est un outil utilisé à bon escient permettant aux plus démunies d’être relogés rapidement. B/ Le Puy-de-Dôme : un département plein de ressources La loi DALO est un dispositif très complexe d’application dans certaines parties du territoire français. En effet la population tend à se paupériser et les difficultés de logements de ces personnes sont devenues une embûche dans le processus d’intégration. En ce qui concerne le département du Puy-de-Dôme, il fait partie de ces territoires ou la procédure pour le relogement des personnes prioritaires est encadrée par la loi tout en faisant l’objet d’une certaine souplesse d’action et d’organisation aux acteurs locaux. 1. Le logement social : une priorité En vertu de l'article L. 441 alinéa 1 et 2 du code de la construction et de l'habitation : « l'attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées. L'attribution des logements locatifs sociaux doit notamment prendre en compte la diversité de la demande constatée localement ; elle doit favoriser l'égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». La construction de logement social est un fait. Il est vrai que beaucoup de débats partent de l’idée que notre pays connaîtrait un important déficit de logements, nécessitant une politique de construction massive. En effet depuis l’entrée en vigueur de la loi SRU en 2000, on constate que le manque de logements est dû à plusieurs 1 2 http://www.editions-legislatives.fr/aboveille/actucontinue/article.do?attId=147144&theme=14AL. Cf. annexe n° 11 CE, 26.06.2013, N°349315, M. et Mme P. 50 raisons et notamment au refus de certains maires de construire des logements sociaux1. Cependant dans le Puy-de-Dôme on constate un taux élevé de vacance : 11,36 % comparé au taux national de 6,1 %2. Dans la très grande majorité des cas, les bâtiments vacants ont été construits avant 1949 et la plupart d'entre eux le sont depuis plus de 3 ans. Cette vacance est principalement liée à l’ancienneté d'une partie du parc qui ne répond plus aux besoins actuels. Par contre dans le territoire du Grand Clermont, on constate que c’est un secteur plutôt jeune mais vieillissant, qui concentre en volume le plus grand nombre de ménages fragiles mais aussi l'offre de logements et d'équipements la plus variée pour répondre à la diversité des situations : hébergement, logement social, logement locatif privé, accession etc. En 2008, selon l'INSEE, le parc public représente 10,9 % des résidences principales du département contre 9,8 % au niveau régional et 14,7 % au niveau national. Le parc HLM est ainsi moins bien représenté dans le Puy-de-Dôme qu'au niveau national. A titre de comparaison, le parc locatif privé représente 25,2 % des logements puydômois et 24 % des résidences principales sur la région, ce qui est similaire à la moyenne nationale (25 %). L’offre locative sociale est concentrée à 75 % sur l’agglomération clermontoise comme le montre le tableau ci-dessous3 : On peut observer que la part des logements sociaux sur la commune de ClermontFerrand représente 54,13 % du parc total et 30,77 % des logements sociaux du 1http://www.liberation.fr/societe/2011/01/20/ces-maires-qui-refusent-le-logement-social_708603. 2 Données FILOCOM 2009. 3http://actionsociale.puydedome.fr/portal/page/portal/ASC/ASC_LOGEMENT_V3/2013_08_pdalpd.pdf. 51 département se situent en zone urbaine sensible (ZUS) ou zone de revitalisation urbaine (ZRU) et 24,65 % sur la seule commune de Clermont-Ferrand1. De plus, la production de logements sociaux publics s'est fortement accrue pendant la période du Plan de cohésion sociale avec notamment près de 1 200 PLUS/PLAI/PLS subventionnés annuellement dans le Puy-de-Dôme en 2009 et 2010. Les nouveaux objectifs de production fixés en 2011 demeurent sensiblement supérieurs à ceux constatés avant 2005. En effet pour faire face aux demandeurs prioritaires, le département du Puy-de-Dôme mène une politique de construction de logement en prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) dans la production de logements sociaux (PLAI et PLUS) qui est passée de 27 % en 2009 à 31 % en 2010 : De plus la « loi MOLLE », dans son article 1er, a prévu la conclusion d’une CUS2 (Convention d’Utilité Sociale) entre chaque bailleur et l’État, conférant à l’organisme la qualité d’opérateur du service d’intérêt général du logement social pour une durée de 6 ans. La convention d'utilité sociale est signée, au nom de l'Etat, par le préfet de la région dans laquelle se situe le siège social de l’organisme Hlm. La convention d'utilité sociale est établie sur la base du plan stratégique de patrimoine. « Elle comporte le classement de tous les immeubles ou ensembles immobiliers en catégories conformément aux articles R. 445-2-8, R. 445-3 et R. 445-4 ». Ainsi depuis fin 2010, 5 conventions ont été signées entre l’État, les bailleurs (Logidôme, Auvergne Habitat, Domocentre, SCIC Habitat et Ophis) et plusieurs EPCI dotés de PLH (Riom Communauté, Limagne Bords d’Allier, Allier Comté Communauté et Nord Limagne). La synthèse départementale de ces conventions met en évidence, en particulier, une importante production nouvelle (environ 750 logements chaque année) accentuée sur les zones les plus tendues du département notamment l’agglomération clermontoise. Elle met encore en avant la mise en place de solutions d’accès au logement pour les ménages reconnus dans une situation prioritaire au sens du droit au 1Chiffres du PDALPD, Conseil général du Puy-de-Dôme, 2012-2016. 2 Le décret n° 2009-1486 du 3 décembre 2009 relatif aux conventions d'utilité sociale des organismes d'habitations à loyer modéré a été publié au Jo du 4 décembre 2009. 52 logement : plus de 25 % de l’offre nouvelle de logements sera destinée à l’accueil des familles les plus modestes (logements très sociaux). Enfin, dans le cadre du contingent préfectoral, conformément aux articles L. 441-1 et R. 441-5 du code de la construction et de l'habitation, l’État dispose d'un droit de réservation au profit des personnes prioritaires, notamment mal logées ou défavorisées. Dans le Puy-de-Dôme, le contingent préfectoral avait été intégré depuis juillet 2008 à l’accord collectif départemental. Mais le décret n° 2011-176 du 15 février 2011 a rendu obligatoire la signature de conventions de réservation entre le préfet et chacun des bailleurs sociaux. Les organismes HLM doivent affecter une partie des logements sociaux construits, aux candidats proposés par les réservataires (État, collectivités territoriales et établissement publics collecteurs du 1 %) dans le cadre de leur contingent, en contrepartie du financement ou des cautionnements octroyés. Le régime des attributions des logements locatifs sociaux prévoit un droit de réservation préfectoral à hauteur de 30 % maximum du total des logements de chaque organismes dont 5 % maximum au bénéfice des agents civils et militaires de l’État. Ces conventions ont été signées début novembre 2011. Elles définissent ainsi le droit de réservation de logements sociaux dont bénéficie l’État pour le logement des personnes relevant de la « loi DALO ». En outre, ce qui fait que ce département mène à bien ses projets et ses objectifs c’est notamment grâce à l’accord collectif départemental, signé le 3 juillet 2008 dans le Puyde-Dôme, qui constitue une règle entre l’État et les bailleurs sociaux pour l’attribution de logements HLM aux personnes les plus défavorisées notamment celles dont la priorité, au regard de la « loi DALO », a été reconnue par la Commission départementale de médiation. Les organismes HLM signataires de cet accord se sont engagés à reloger 900 personnes chaque année, dont 600 relevant des dispositions de la « loi DALO », qu’elles aient ou non formé un recours devant la commission DALO, et 300 relevant des catégories de publics prioritaires identifiés dans le PDALPD. Il est important de rappeler que cet accord a, en fait, formalisé les bonnes pratiques constatées dans le Puy-de-Dôme, où les attributions des logements HLM sont conformes à leur vocation sociale. La mise en œuvre de l’accord collectif se traduit également par la maîtrise du nombre de recours DALO. Le dernier bilan de l'accord collectif (2010) présente un taux global de réalisation des objectifs très satisfaisant (108 %)1. Enfin, un des objectifs des bailleurs sociaux, édictés par le PDALPD, est de mettre en place la réforme des aides de l’ANAH intervenue le 1er janvier 2011 qui apporte également des subventions accrues aux opérations très sociales conduites par des associations agréées intervenant sur le parc privé existant. En outre, plusieurs territoires du Puy-de-Dôme et notamment ses principales agglomérations ont 1 Chiffres de réalisation de l’objectif fournis par l’Ophis et la DDCS. 53 récemment conclu avec l’ANAH des programmes d’amélioration de l’habitat permettant d’amplifier le dispositif d’aides nationales. L’objectif est d’assurer un niveau de production soutenu de logements adaptés aux ménages à faibles ressources en maintenant la mixité des nouvelles opérations de logements publics (25 à 30 % de PLAI par opération) et en développant l’intervention des associations agréées sur le parc privé. Tout ce travail résulte d’un partenariat infaillible entre les bailleurs sociaux du Puy-deDôme et le préfet, qui a permis entre autres de dépasser l’objectif fixé du nombre de personnes relogées. 2. Un travail de partenariat source d’efficacité La démarche de partenariat s’est généralisée dans le champ social notamment à partir des lois de décentralisation. Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs sociaux sont de plus en plus complexes et les dispositifs d’action sociale associent de nombreux acteurs du secteur public. Dans ce contexte, travailler ensemble, unir les compétences, les ressources et les efforts, mutualiser les moyens, produire de la synergie est devenu une nécessité pour assurer un accompagnement de qualité pour l’usager. Le partenariat entre institutions est considéré aujourd’hui comme un principe d’action indispensable à la mise en œuvre des objectifs fixés. La mise en œuvre du DALO a ainsi provoqué des aménagements au sein des services déconcentrés de l’État ou chez les bailleurs. Mais elle a surtout été le révélateur de pratiques qui lui étaient antérieures. Là où les partenariats étaient largement structurés et le processus de relogement des ménages fluide, la mise en œuvre du DALO s’est inscrite dans la continuité des bonnes pratiques déjà éprouvées. À l’inverse, sur les territoires traditionnellement en tension ou en relative grande, contrairement au Puy-de-Dôme, on constate une insuffisance d’offre de logements, la mise en œuvre du DALO a été plus problématique. Pour l’étude du processus de relogement, plusieurs éléments doivent être distingués. La loi DALO prévoit que le relogement des publics prioritaires s’impute d’abord sur le contingent préfectoral. Celui-ci correspond normalement à 25 % de l’ensemble du parc social d’un département. Sa récupération par l’État a été stimulée par l’apparition du DALO. L’importance de ce contingent1, sa localisation, son taux de rotation et l’état du parc sont des variables importantes pour analyser les moyens d’action effectifs des responsables départementaux du relogement des ménages déclarés prioritaires. En outre, depuis 2009, les organismes collecteurs du 1 % logement (action logement) ont l’obligation d’attribuer un quart de leur parc aux 1 25 % de logements sur l’ensemble du parc social d’un département. Conformément aux articles L. 4411 et R 441-5 du Code de la construction et de l'habitation, l’État dispose d'un droit de réservation au profit des personnes prioritaires, notamment mal logées ou défavorisées. 54 publics prioritaires de la loi DALO. Une autre donnée importante pour comprendre les écarts dans les taux de relogement des départements qui peuvent varier de un à huit réside dans le niveau et la qualité des relations partenariales. Par exemple, dans le cas d’un partenariat renforcé entre les services de l’État et les bailleurs sociaux, on observe un gain de temps important, des propositions de relogement de meilleure qualité (la connaissance du contingent préfectoral est facilitée et cela aide à réaliser des propositions de logement adaptées aux besoins des ménages) et des pratiques de suivi du relogement mieux formalisées. L’implication des bailleurs sociaux tout au long du parcours de relogement (de la commission de médiation à l’entrée dans le nouveau logement, en passant par la commission d’attribution) apporte généralement une plus-value à la procédure, tant par leurs connaissances de la situation des ménages que par leur capacité à identifier les demandes non prioritaires. Pour certains locataires du parc social, le recours DALO correspond davantage à une demande de mutation non satisfaite qu’à un dernier recours. La présence des bailleurs sociaux dès la commission de médiation leur donne l’occasion de mieux saisir la complexité de la situation des ménages qu’ils auront à reloger, mais aussi d’activer des leviers importants du droit commun pour les personnes n’ayant pas reçu une décision favorable. Les services déconcentrés de l’État, suivant le mode de gestion de leur contingent, occupent des postures différentes mais restent toujours garants d’une application rigoureuse de la loi. Pour contrôler la mise en œuvre et l’efficience du processus de recours et de relogement, l’administration centrale a créé un outil de gestion et de suivi qui permet d’obtenir des données attestant des résultats pour chaque département (le logiciel Comdalo par exemple). Les taux départementaux de relogement (108 %)1, issus de cet outil sont souvent le reflet des difficultés rencontrées dans l’appropriation même de l’outil, mais ils indiquent aussi des difficultés réelles à effectuer les relogements. Cependant, l’étude de terrain a montré que ces résultats étaient souvent en-deçà de la réalité. Pour disposer de résultats nationaux et départementaux, il est nécessaire que chaque service déconcentré tienne à jour la base de données issue de Comdalo jusqu’à la phase de relogement. Les saisies sont souvent retardées et les résultats s’en trouvent parfois décalés par rapport à la réalité. Cette observation pointe l’importance et l’impact des outils de gestion accompagnant l’application de la loi. Ainsi, nous pouvons affirmer, qu’aux vue des chiffres du nombre de relogements réalisé suite au recours DALO (10 %) et la confiance que le préfet à envers les bailleurs sociaux, le département Puy-de-Dôme, fait partie de ces élites en matière d’application de la loi DALO. 1 Op.cithttp://actionsociale.puydedome.fr/portal/page/portal/ASC/ASC_LOGEMENT_V3/2013_08_pdalpd. pdf. 55 CONCLUSION L e DALO apparaît à maints égards comme une véritable avancée sociale, bien que son bilan reste mitigé. Toutefois le bilan national n’est pas celui du Puy-de-Dôme. Les freins de procédures, les tensions du marché, sont manifestes et moins prégnants dans le département. Sept ans après sa promulgation, le bilan est finalement plutôt encourageant et les pouvoirs publics se révèlent engagés. A cet égard, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté le 21 janvier 2013, ainsi que le discours Duflot1 prononcé lors de la clôture du colloque « 5ème Bilan Parlementaire du DALO », le 28 novembre 2013, traduit la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre une feuille de route globale et concrète, qui place la solidarité du logement au cœur des politiques publics. Le Gouvernement s’est engagé dans la mise en place d’une politique de relance contra-cyclique2en faveur de la construction de Logement social, notamment avec le pacte d’objectifs et de moyens signé en juillet 2013. L’appel à projets national va permettre de financer 3 000 logements « super PLAI » et porte ses premiers fruits comme en témoigne le nombre de logements sociaux agréés en 20133.Cependant, en matière d’hébergement d’urgence, un effort inédit pour renforcer le dispositif d’accueil pérenne a été réalisé et la fin de la gestion saisonnière a été engagée. Par ailleurs, un grand nombre d’engagements du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a trouvé une traduction législative dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), qui a mis en place un encadrement des loyers en zones tendues afin de réguler les excès dans le parc privé, à instaurer d’une garantie universelle des loyers, à renforcer la prévention des expulsions, et a su donner un nouveau souffle aux Services Intégrés d'Accueil et d'Orientation. La loi prévoit aussi la fusion des PDALPD et des PDAHI, la lutte contre l’habitat indigne, et enfin des dispositions qui permettent une plus grande transparence dans le processus d’attribution des logements sociaux, notamment avec l’accès pour les gens du voyage aux dispositifs de droit commun en matière d’urbanisme. 1 ème Cf. Annexe n° 9, Discours Duflot lors de la clôture du Colloque sur le 5 Bilan de la loi DALO le 28 novembre 2013 à la maison de la Chimie. 2 Def : désignant un phénomène qui se produit de façon contraire à son cycle normal 3 En hausse de 14 % par rapport à l’année précédente. 56 Au-delà de la mise en œuvre effective des mesures prévues dans la loi ALUR, trois axes prioritaires sont prévus pour faire reculer le mal-logement en 2014 : lancement d’une mission nationale confiée à Adoma1 pour résorber les bidonvilles, réalisation d’un véritable « plan d’action » en faveur des personnes reconnues prioritaires au DALO et mise en place de la garantie universelle des loyers. Le chef du gouvernement JeanMarc Ayrault a reconnu ne pas vouloir baisser la garde. L’année 2014 « sera celle de l’accès à des solutions dignes pour les personnes sans domicile ou habitant dans des bidonvilles ». Dans cet objectif, et afin de faire augmenter la production de 100 000 à 150 000 logements sociaux par an d’ici à 2016, l’État et le mouvement HLM ont conclu, en juillet 2013, un pacte d’objectifs et de moyens pour une durée de trois ans, qui reprend les engagements pris par l’État et le monde HLM pour atteindre l’objectif fixé par le président de la République (construction de 150 000 logements sociaux par an). Ce pacte, qui marque le retour à une relation de partenariat et de confiance entre l’État et le mouvement HLM, met face aux objectifs ambitieux de production les moyens importants dégagés pour les atteindre : baisse du taux de TVA à 5,5 % pour la production et la rénovation des logements sociaux, mobilisation exceptionnelle d’Action logement (via un emprunt d’un milliard d’euros par an sur la période du pacte, auprès des fonds d’épargne), mobilisation du foncier public, suppression du prélèvement sur le potentiel financier et mise en place d’un mécanisme de mutualisation financière entre bailleurs sociaux. Ces efforts importants engagés depuis plus d’un an portent leurs premiers fruits. L’année 2013 a ainsi vu la construction de logements sociaux repartir à la hausse, avec 117 065 logements sociaux agréés, ce qui représente une hausse de 14 % par rapport à l’année 20122. Par ailleurs la proportion de PLAI augmente pour atteindre plus du quart des logements agréés, ce qui est une évolution particulièrement attendue pour les ménages les plus modestes. De plus, Cécile Duflot a lancé un premier appel à projet national afin d’encourager le développement d’une nouvelle offre de logements très sociaux, dits « super PLAI ». L’objectif est de construire ou bien d’acquérir et d’améliorer 3 000 logements très sociaux par an (dont au moins 2 000 dès 2014), destinés à des ménages cumulant des difficultés financières et sociales spécifiques (chômage, parent isolé, etc), ainsi qu’aux ménages reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable. Ces locataires bénéficieront d’un loyer maîtrisé et d’aides personnalisées au logement (APL) bonifiées, grâce au doublement du « forfait charges » pris en compte dans le calcul des APL et qui permettra de réduire leur reste à charge. Nous pouvons aussi citer les travaux de la Conférence contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale qui ont aussi acté un changement des pratiques et une meilleure coordination des acteurs autour de l’accompagnement des personnes. Parallèlement, 1 Adoma est une entreprise engagée. Aux côtés des travailleurs algériens à l’origine, et désormais aux côtés des populations les plus précarisées, l’entreprise s’est attachée au fil des années à renouveler les valeurs humanistes et de progrès qui sont au cœur de ses fondements. 2 2012: 102 728 unités ; 2011: 116 106 unités. 57 une nouvelle circulaire1 revalorisant l’aide à la gestion locative sociale (AGLS), a été diffusée le 30 mai 2013. C’est une première depuis la création, en 2000, de cette aide qui finance l’accompagnement des personnes et l’organisation de la vie collective dans les résidences sociales. Le soutien aux initiatives favorisant l’accès au logement des personnes les plus exclues sera développé. En 2013, un appel à projets a permis de soutenir, pour une enveloppe globale de 2,2 millions d’euros, 20 projets innovants favorisant l’entrée dans le logement de femmes victimes de violences, des personnes sortant de prison, des jeunes en grandes difficultés, des jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance ou de la Protection judiciaire de la jeunesse, grands exclus, des personnes souffrant de troubles psychiques, etc. Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de janvier 2013, le ministère de l’égalité des territoires et du logement lance en 2014 un Plan d’action spécifique et volontariste pour le relogement des ménages prioritaires bénéficiaires du droit au logement. Ce Plan comporte sept volets. Il est prévu de renforcer l’action des services déconcentrés de l’État sur le relogement des ménages bénéficiant du DALO : rappeler le caractère obligatoire du relogement des bénéficiaires du DALO ; constituer un vivier de ménages bénéficiant du DALO ; mettre en place un suivi de la situation de ces ménages de façon à pouvoir proposer leur candidature en temps réel ; achever la récupération du contingent préfectoral et en accroître la proportion utilisée pour des ménages bénéficiant du DALO. Également, la mobilisation du contingent d’action logement est au programme à hauteur de ce qui est prévu par la loi2: passer, sans attendre la publication du projet de loi ALUR qui les rendra obligatoires, des accords locaux avec les collecteurs du 1 % en fixant des objectifs chiffrés en rapport avec les besoins et en prévoyant des mesures concrètes de mobilisation de ce par cet d’alimentation des CIL en demandeurs issus du vivier. Parallèlement, il convient d’inciter les partenaires du logement social à collaborer au relogement des ménages bénéficiant du DALO, notamment, au niveau national, via un accord-cadre avec l’ADF visant à encourager une meilleure articulation locale des interventions respectives de l’État et des départements en matière d’accompagnement vers et dans le logement. Il est aussi prévu de créer des commissions des cas bloqués dans le cadre des accords collectifs, si elles n’existent pas, afin d’y passer systématiquement les ménages DALO non logés dans les délais. Par toutes ces actions, le Gouvernement met en place une véritable volonté de trouver des solutions adéquates pour les personnes en difficulté, notamment celles relevant du DALO. Le plan prévoit aussi un volet concernant l’amélioration du dispositif DALO pour les ménages menacés d’expulsion. Tout d’abord, il vise notamment à modifier la procédure de reconnaissance du DALO pour cette catégorie de ménages éligibles, afin 1http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/06/cir_37106.pdf 2 25 % des attributions de logements effectuées sur leur contingent de logements réservés. 58 qu’elle puisse intervenir plus en amont de la procédure. Ensuite, il va permettre une meilleure application de la circulaire du 26 octobre 2012 qui prévoit de procéder au relogement des ménages DALO menacés d’expulsion. Et enfin il va permettre de mobiliser, pour les plus endettés, des mesures d’intermédiation dans le parc privé ou de baux glissants dans le parc social. Cet accompagnement se complète par des incitations à des mesures d’aide à la solvabilisation des ménages démunis relogés : utiliser l’appel à projet « super-PLAI » ; développer les expériences de remise sur quittance par les bailleurs ou par les CIL ; mettre en place des expériences de remise en ordre des loyers permettant de développer une offre abordable dans les quartiers non sensibles. Ce plan passe nécessairement par une durée dans le parc privé et par le développement du conventionnement très social (Anah), création de logements en intermédiation locative dans les communes carencées en logement social au titre de la loi SRU. La loi DALO est bien une loi perfectible. Son adaptation territoriale et humaine est incontournable, et elle reste soumise à une volonté réitérée du Gouvernement de « compléter les actions engagées avec de nouveaux axes de travail, de façon à approfondir leur contribution, à la lutte contre la pauvreté, en s’adaptant aux évolutions permanentes de l’exclusion sociale »1. 1 Dictionnaire permanent, Action sociale, Les éditions législatives, Bulletin n° 310, février 2014. 59 BIBLIOGRAPHIE Le « plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées » du Puy-de-Dôme 2012 -2016, Conseil général du Puy-de-Dôme. Les Cahiers du Gridauh « Le Dalo », n° 21-2011, sous la direction de Jean-Philippe Brouant avec la collaboration d’Yves Jegouzo. Auteurs : Xavier Bioz, Caroline Bugnon, Damien Fallon, Norbert Foulquier, Geneviève Iacone, Rozen Noguellou, Arnauld Noury, Sabrina Robert-Cuendet, Frédéric Rolin, Jean-François Struillou, Françoise Zitouni. Doctrinal Plus, AJDI 1/12/2011 p. 849 « Le coût des procédures DALO », Dominique Malégat-Mély, Conseiller maître à la Cour des comptes. Doctrinal Plus, AJDI 1/12/2011 p. 847 « Le fonctionnement des commissions de médiation : vers une juridictionnalisation », Jean-Philippe Brouant, Maître de conférences à l'École de droit de la Sorbonne (Paris I), codirecteur du Cerdeau. Doctrinal Plus, revue actualité juridique droit immobilier (AJDI) 1/12/2011 p. 840 « Les doctrines d’interprétation des commissions de médiation », Jean-François Struillou, Directeur de recherche au centre national recherche scientifique (CNRS), faculté de droit et des sciences politiques de Nantes. Doctrinal Plus, Recueil Lebon - Recueil des décisions du conseil d'Etat 2009 « Droit au logement opposable : recours contre les décisions de la commission de médiation et office du juge », avis rendu par Conseil d'Etat 4ème et 5ème sous-sections réunies, 21-072009, n° 324809. Statisques de la direction départementale de la cohésion sociale (2012-2013), recours reçus et InfoDalo TP2. « Composition de la commission de médiation du Puy-de-Dôme», d’après l’arrêté préfectoral n° 11/194 du 03/02/2011, DDCS 63. Informations relatives au « groupe technique », fournies par Logidôme, C. Callizo. Informations relatives à la « commission de médiation du Puy-de-Dôme », fournies par Mme Jailler et Mme Fidalgo de la DCCS, et M. Amblard, Président de la commission de médiation du Puy-de-Dôme. Informations relatives aux « publics prioritaires », fournies par l’Ophis, Mme Luneau. E. Aubin, L’essentiel du droit des politiques sociales, Paris, Lextenso, Les carrés, 2013, 7ème édition. Fiche thématique n° 26 « droit au logement opposable, où en sommes-nous ? », Union sociale de l’habitat. Doctrinal plus, Brouant Jean-Philippe, DALO, ton univers impitoyable, Actualité Juridique Droit Immobilier (AJDI), 01-04-2013, p. 299. « Droit de l’aide et de l’action sociales », Michel Borgetto et Robert Lafore, lextenso éditions, 2012, 8ème édition, p. 703-704. SITOGRAPHIE http://www.lexinter.net/ENCYCL/industrialisation/. http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/. http://www.puy-dedome.gouv.fr/IMG/pdf/arrete_creation_com_mediation_cle075111-2.pdf. http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F18005.xhtml. http://newip.doctrinalplus.fr.sicd.clermont-universite.fr/doc/doctrinal/notice/. http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do. http://www.anil.org/analyses-et-commentaires/analyses-juridiques/2008/dalorecours-contentieux-devant-la-juridiction-administrative-analyse-de-lensemble-dudispositif/. http://www.senat.fr/rap/r11-621/r11-621_mono.html. http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F20343.xhtml. http://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/contentfiles/files/19e_remlchapitre3_-letableaudeborddumallogement.pdf. http://www.senat.fr/rap/r11-621/r11-621.html. http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2013-2014/356.html. http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/10/24/les-beneficiaires-du-droit-aulogement-opposable-ne-pourront-plus-etre-expulses_1780430_3224.html. http://www.editionslegislatives.fr/aboveille/actucontinue/article.do?attId=147144&theme=14AL. http://www.liberation.fr/societe/2011/01/20/ces-maires-qui-refusent-le-logementsocial_708603. http://actionsociale.puydedome.fr/portal/page/portal/ASC/ASC_LOGEMENT_V3/2013 _08_pdalpd.pdf. TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le DALO, droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale: Article 9. Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) N° 84 Senat session ordinaire de 2013-2014 du 20 février 2014 qui énonce que la trêve hivernal sera prolongé jusqu’au 31 mars. CODES Code de la construction et de l’habitat : Article L. 441-1-1 du CCH Article L. 441-1-3 du CCH Article L. 441-1-3-VI du CCH Article L. 441-2-3 du CCH Article L. 441-2-3-1 du CCH Article L. 441-2-3-III du CCH Article L. 441-2-3-VII du CCH Article L. 300-1 du CCH Article L. 302-7 du CCH Article R. 441-5 du CCH Article R. 441-13 du CCH Article R. 441-16-1 du CCH Article L. 441-1-4 du CCH Articles R. 441-16-1 et suivants du CCH Code de la justice administrative : Livre VII, Titre VII, Chapitre VIII, articles L. 778-1 et L. 778-2 Code de la santé publique : Article 1331-22, Article 1331-26, Article 1331-28-2 Code de l’urbanisme : Article 1314-1 DECRETS Décret n° 2007-1677 du 28 novembre 2007 relatif à l'attribution des logements locatifs sociaux, au droit au logement opposable et modifiant le code de la construction et de l'habitation Décret n° 2010-398 du 22 avril 2010 relatif au droit au logement opposable Décret n° 2011-176 du 15 février 2011 relatif à la procédure d'attribution des logements sociaux et au droit au logement opposable Décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant et modifiant le code de la construction et de l'habitation (partie réglementaire). Décret n° 2008-1227 du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit opposable au logement modifié par le décret n° 2009-40 du 10 avril 2009. Le décret n° 2009-1486 du 3 décembre 2009 relatif aux conventions d'utilité sociale des organismes d'habitations à loyer modéré a été publié au JO du 4 décembre 2009. Décret n° 2009-400 du 10 avril 2009 modifiant le code de la construction et de l'habitation et modifiant le décret n° 2008-1227 du 27 novembre 2008 relatif au contentieux du droit au logement opposable. JURISPRUDENCE TA Paris, 29 janvier 2009, n° 0810452, Mme D. TA Paris, 29 janvier 2009, n° 0808980, Mr et Mme O. TA Clermont-Ferrand, 15 octobre 2010, n° 1001445, Mme L. TA Montpellier, 20 octobre 2010, n° 095284, M. N. TA Montpellier, 17 décembre 2010, n° 1002090, Mr B. CAA Nancy, 21 mars 2011, n° 10NC00454, Mlle A. CAA Bordeaux, 1er mars 2011, n° 10BX00426, Mme X. CE, 28 mars 2013, n° 347794, Mmes A. et B. CE, 17 juillet 2013, n° 349315, Mr et Mme A. CE, 26.06.2013, N° 349315, M. et Mme P. RAPPORTS Rapport n° 19 de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Présentation du rapport 2014 sur l’état du mal-logement en France, « Les chiffres du mal-logement en 2014 ». Rapport n °8 du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, « Vers un droit au logement opposable », octobre 2002. Rapport n° 5 annuel du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, « Monsieur le Président, faisons enfin appliquer la loi DALO ! », novembre 2011. Rapport n° 6 annuel du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, « Droit au logement : rappel à la loi », novembre 2012. Rapport du Senat n° 621 (2011-2012) de MM. Claude DILAIN et Gérard ROCHE, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 27 juin 2012. CIRCULAIRE Circulaire du 26 octobre 2012, instruction n° NOR INTK1229203j, énoncé par le ministre de l’intérieur Manuel Valls et la ministre du logement Cécile Duflot. ARRETE Arrêté Préfectoral du 27 décembre 2007, n° 07/05334 sur la création de la commission de médiation du Puy-de-Dôme