Les Assises du socialisme, ou l`échec d`une tentative de rénovation

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Les Assises du socialisme, ou l`échec d`une tentative de rénovation
PRIX DE LA FONDATION
JEAN-JAURES
2001
François Kraus
Les Assises du socialisme,
ou l’échec d’une tentative
de rénovation d’un parti
12 et 13 octobre 1974
Maîtrise d’histoire contemporaine,
sous la direction de Jean-Louis Robert et Frank Georgi
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1
2001
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RÉSUMÉ DU MÉMOIRE
« Je rêvais, à cette époque, et je n’étais pas le seul,
d’un parti qui fût simultanément pour l’État et la
société. Eh bien, François Mitterrand m’a fait faire,
en politique, un progrès considérable : je ne rêve
plus1. »
Cette remarque quelque peu désabusée d’Edmond Maire (secrétaire général de la
CFDT de 1971 à 1988) traduit assez bien, à la fois le désir d’une prise en compte
politique des aspirations sociétales qui, à la suite de la campagne présidentielle de
mai 1974, a suscité le lancement du projet d’Assises du socialisme, et le
désenchantement qu’il a, par la suite, engendré au sein de ses plus vifs partisans.
Souvent limité à une simple entreprise de reclassement politique ayant permis à
Michel Rocard de passer du secrétariat national du PSU en novembre 1973 au
secrétariat national du PS en octobre 1975, le processus de regroupement enclenché à
cette occasion entre le Parti socialiste, le Parti socialiste unifié, et divers militants
issus de la CFDT et d’organisations dites « chrétiennes » (groupes Témoignage
Chrétien, La Vie Nouvelle), ou autogestionnaires (GAM, Objectif Socialiste), présente
un intérêt historiographique non négligeable dans la mesure où il apparaît, trois ans
après le congrès d’Épinay du PS, comme une tentative d’achèvement d’un processus
organisationnel de destruction/reconstruction de la gauche socialiste amorcé une
quinzaine d’années auparavant avec la création du PSA/PSU.
Nécessitant l’analyse des relations et des interactions idéologiques, militantes et
géographiques d’un espace organisationnel de trois types différents (partisan,
syndical et associatif), l’étude des Assises implique un champ de documentation assez
vaste, que la principale étude sur le sujet – celle d’Hélène Hatzfeld sur Les Relations
entre le PS., la CFDT et le mouvement social de 1971 à 1981 – n’avait pu entreprendre
faute d’accès aux archives de la CFDT et du PS. S’appuyant principalement sur des
archives du PSU et de la CFDT et des interviews de leurs animateurs – en particulier
Robert Chapuis, Jacques Julliard et Pierre Héritier –, cette étude tend à analyser la
démarche des Assises comme l’émanation de la volonté du courant majoritaire de la
CFDT et des animateurs socio-éducatifs qui lui sont proches, à assurer à leurs
aspirations et à leurs options une médiation politique susceptible de les transcrire
tant sur le plan électoral qu’institutionnel.
Manifestée à l’occasion des élections législatives de 1973 et présidentielles de mai
1974, l’incapacité du PSU à assurer une réponse politique crédible à la question de la
prise de pouvoir constitue donc le fondement d’une démarche, qui semble plus être
pensée comme une tentative de greffe d’une force militante et idéologique dans une
optique cédétiste de régénération interne de type « Reconstruction » – c'est-à-dire à
partir d’un pôle modernisateur s’attelant à la mutation idéologique du parti –, que
comme une substitution du PS par une nouvelle force politique.
1
Entretien d’Edmond Maire avec Hervé Hamon et Patrick Rotman, La Deuxième gauche, Saint-Amand, Seuil,
1984, p.278.
2
Ainsi cette étude s’articule moins autour de l’ambiguïté des implications
organisationnelles des Assises – simple renforcement du PS ou création d’une
nouvelle force née du dépassement des organisations politiques existantes –, que sur
la recherche des fondements expliquant l’enclenchement, les conditions et la forme
du processus, l’analyse des réticences idéologiques, stratégiques, culturelles ou
sociologiques qu’elles soulèvent au sein des acteurs politiques et sociaux qu’elles
impliquent, l’étude de la fonction politique qui leur est assignée et enfin, l’examen de
la faiblesse et de la division du mouvement d’engagement politique qu’elles
engendrent et le désenchantement final qui touche ces principaux initiateurs.
Apparaissant comme un mode de réception politique aux aspirations d’un monde
syndical et associatif à dominante cédétiste, dont les propositions de rapprochement
tactique (stratégie d’Union des Forces Populaires) ou idéologique (colloques CFDT
sur l’autogestion) avaient été rejetées, l’opération des Assises constitue donc pour le
PS une forme interne et non externe de leur prise en compte, au travers des
conditions devant permettre d’atténuer les clivages culturels que le climat
exceptionnellement unitaire de la campagne présidentielle avait su dépasser afin de
déclencher un processus de transformation d’une alliance conjoncturelle en unité
organique.
Les vagues de protestations et de réactions que cette opération soulève au sein des
forces sociales et politiques qu’elle implique, et les conditions très défavorables à un
engagement politique massif qui en découlent (notamment le renversement de la
direction rocardienne du PSU) constituent, plus que la préparation et le simple weekend où les Assises se tiennent, les principales cause de l’échec de l’entreprise de
rénovation partisane qu’elles visent, dans la mesure où elles se traduisent par une
démobilisation très nette des ressources militantes susceptibles d’appuyer au sein du
PS les efforts dans ce sens.
Enfin, le choc culturel, l’ostracisme et les différentes manœuvres auxquels sont
confrontés les nouveaux venus amorcent un phénomène rapide de désengagement
qui, renforcé par la primauté donnée à l’action idéologique et médiatique sur celle
d’une véritable transformation des pratiques militantes et des modes de
fonctionnement interne, tendent à accroître la désaffection et la défection de réseaux
sociaux, dont l’aspiration initiale à un médiateur politique plus crédible impliquait
une mutation profonde du PS et non une simple « couche de peinture idéologique »
aux couleurs de l’autogestion.
SOURCES
!
Archives du PSU : aux Archives Nationales (compte-rendu du Bureau national,
liste des effectifs nationaux et fédéraux, fiches de renseignement, correspondance
avec les fédérations), et à la BDIC (conseil d’Orléans, congrès d’Amiens de
décembre 1974, évolution des effectifs).
!
Archives confédérales de la CFDT : fonds personnels d’Edmond Maire,
activité du secteur politique (relations avec les partis politiques) et du secrétariat
général (dossier sur les Assises), procès-verbaux du Bureau national et de la
3
Commission exécutive, fonds d’interviews audio de responsables (Jacques
Moreau, Albert Detraz, André Jeanson, Kléber Gouyer, Marcel Gonin).
!
Archives sur le PS : à la Fondation Jean-Jaurès (fonds personnel de Pierre
Mauroy), à l’Institut d’études politiques de Paris (fonds personnels de Gilles
Martinet et d’André Jeanson), et à l’OURS (compte rendu de la convention
nationale de décembre 1974 et du congrès de 1975).
!
Archives privées : archives de Jacques Julliard sur les Assises (communication
personnelle), entretien avec Didier Motchane par Éléonore Merlin (1er juillet
2001).
!
Entretiens réalisés par l’auteur : avec Alain Bergounioux, Pierre
Bourguignon, Robert Chapuis, Michel Charzat, Albert Détraz, Marcel Gonin,
Pierre Héritier, Jacques Julliard, Jean Le Garrec, Jean Maire, Edmond Maire,
Gilles Martinet, Michel Rocard, Dominique Taddeï et Michel Winock.
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