these pour le diplome d`etat de docteur en medecine stenose
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UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ANNEE 2008 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Cardiologie Présentée et soutenue publiquement le 14 octobre 2008 A Créteil (Paris XII) Par Emilie FOUGERES Née le 18 juin 1979 à Paris STENOSE AORTIQUE PSEUDO-SEVERE : QUEL IMPACT EN PRATIQUE CLINIQUE ? Président de Thèse : Pr Pascal GUERET Directeur de Thèse : Dr Jean-Luc MONIN Le Conservateur de la Bibliothèque Universitaire : A Monsieur le Professeur Guéret. Vous me faites l’honneur de présider le jury de cette thèse. Vous qui m’avez manifesté votre confiance, C’est avec un profond respect que je vous exprime ma gratitude. A Madame le Professeur Macquin-Mavier. A Monsieur le Professeur Dubois-Randé. Vous avez accepté de juger ce travail. Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissance. A Monsieur le Docteur Monin. Qui est à l’origine du sujet et qui a accepté de diriger ce travail. J’ai pu apprécier au cours de ma formation Sa disponibilité et son savoir. Ses suggestions et ses conseils m’ont permis De mener à bien cette thèse. Reçois ici Jean-Luc mes sincères remerciements. 2 A mes parents. A ma sœur Charlotte. A mes grands-parents. Pour la confiance que vous m’avez toujours accordée, Pour votre soutien tout au long de ces années, Je vous remercie affectueusement. A mon oncle. Pour la vocation que tu m’as transmise. A Laurent. Pour ton soutien de chaque jour, Pour ta patience et tes encouragements. Merci, et plus encore. A ma famille. A mes amis. 3 TABLE DES MATIERES TABLE DES MATIERES............................................................................................. 4 TABLE DES ILLUSTRATIONS ................................................................................... 6 INTRODUCTION ........................................................................................................ 8 Rétrécissement aortique en bas débit ..................................................................... 8 Physiopathologie ................................................................................................. 8 Epidémiologie .................................................................................................... 10 Définition du rétrécissement aortique en bas débit ............................................ 10 Mécanisme de la dysfonction ventriculaire gauche dans le RA en bas débit ............................................................................................................ 11 Prise en charge thérapeutique des rétrécissements aortiques en bas débit ..... 12 Intérêt de l’échographie-dobutamine ..................................................................... 17 Principe de l’examen ......................................................................................... 17 Echographie-dobutamine dans le RA en bas débit ........................................... 19 Evaluation de la réserve contractile et pronostic ............................................... 21 Sténose aortique pseudo-sévère .......................................................................... 23 La surface aortique calculée est « flux-dépendante » ....................................... 23 Définition de la sténose aortique pseudo-sévère............................................... 26 Impact clinique de la sténose aortique pseudo-sévère ...................................... 33 Prise en charge thérapeutique de la sténose pseudo-sévère............................ 35 PATIENTS ET METHODE........................................................................................ 36 Population étudiée ................................................................................................ 36 Echographie-dobutamine ...................................................................................... 36 Décision clinique et suivi ....................................................................................... 37 Analyse des données ............................................................................................ 37 Analyse statistique ................................................................................................ 38 RESULTATS ............................................................................................................ 39 Répartition des patients selon la classification de DeFilippi .................................. 39 Caractéristiques cliniques des patients du groupe I à l’inclusion .......................... 41 Prise en charge thérapeutique des patients .......................................................... 41 Eléments cliniques et échographiques influençant l’attitude thérapeutique .......... 42 Mortalité à 24 mois ................................................................................................ 44 Pronostic à 24 mois des patients traités médicalement ........................................ 46 DISCUSSION ........................................................................................................... 49 4 Incidence de la sténose aortique pseudo-sévère .................................................. 49 Caractéristiques cliniques des patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère ... 50 Prise en charge thérapeutique des patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère .............................................................................................................................. 51 Pronostic des patients porteurs d’une sténose aortique pseudo-sévère ............... 52 Impact thérapeutique du diagnostic par échocardiographie à la dobutamine d’une sténose pseudo-sévère ......................................................................................... 53 Limites de l’étude .................................................................................................. 53 CONCLUSION.......................................................................................................... 55 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................... 56 5 TABLE DES ILLUSTRATIONS Tableau 1 : facteurs influençant la progression rapide de la sténose aortique ……………..……………………………………………………………………....10 Tableau 2: caractéristiques des patients et mortalité péri-opératoire du remplacement valvulaire aortique du RA en bas débit rapportées dans la littérature…………………………………………………………………………………….13 Figure 1 : courbe de survie de Kaplan-Meier chez les patients opérés et chez les patients traités médicalement……………………………………………………………..14 Tableau 3 : survie à moyen terme des patients porteurs d’un RA en bas débit selon la prise en charge thérapeutique, médicale ou chirurgicale, rapportée dans la littérature……………………………………………………………………………….……15 Tableau 4 : amélioration fonctionnelle et échocardiographique des patients porteurs d’un RA en bas débit ayant survécu au remplacement valvulaire rapportée dans la littérature…………………………………………………………………………………….16 Figure 2 : calcul de la surface d’un orifice A2 à l’aide de l’équation de continuité….18 Figure 3 : mesure du diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche…….19 Figure 4 : mise en place de la fenêtre de tir en doppler pulsé dans la chambre de chasse..……………………………………………………………………………………...19 Figure 5 : mesure de la vitesse dans la chambre de chasse………………………....19 Figure 6 : mesure de la vitesse transvalvulaire aortique……………………………....19 Figure 7 : évaluation d’une sténose aortique en bas débit par hémodynamique invasive avec injection de dobutamine…………………………………………………...20 Figure 8 : mise en évidence d’une réserve contractile à l’échocardiographiedobutamine………………………………………………………………………………….21 Figure 9 : courbe de survie de Kaplan-Meier suivant l’existence ou non d’une réserve contractile et suivant la stratégie thérapeutique ………………………..……..22 Figure 10 : calcul de la surface A d’un orifice par la formule de Gorlin………………23 Figure 11 : champs de vitesses mesurés par vélocimétrie par image de particules à travers un orifice circulaire de 1,5 cm² ………………………………………………..…25 Figure 12 : photographies de l’orifice valvulaire de 2 types de valves en silicone enregistrées par caméra vidéo à haute vitesse, en systole…………………………....27 6 Tableau 5 : incidence, attitude thérapeutique et pronostic de la sténose pseudosévère rapportés dans la littérature………………………………………………………29 Figure 13 : concept de la « surface valvulaire projetée » et calcul de la « surface valvulaire projetée » à un débit transvalvulaire de 250 ml/s…………………………...31 Figure 14 : pourcentages de classification correcte observés avec les différents paramètres échographiques pour différencier les sténoses aortiques sévères et pseudo-sévères………………………………………………………………….………….32 Figure 15 : valeur du dosage du BNP pré-opératoire selon la classification peropératoire par le chirurgien entre sténose aortique pseudo-sévère et sténose aortique sévère……………………………………………………………………………..33 Figure 16 : mortalité en fonction de la classification de DeFilippi et de la prise en charge thérapeutique à un suivi moyen de 20 mois…………………………………….34 Figure 17 : répartition des patients selon la classification échocardiographique de DeFilippi…………………………………………..…………………………………………39 Tableau 6 : paramètres échocardiographiques sous dobutamine des patients du groupe I……………………………………………………………………………………...40 Tableau 7 : caractéristiques cliniques des patients du groupe I à l’inclusion………..41 Figure 18 : attitude thérapeutique en fonction du groupe selon la classification échocardiographique …………………………………………………………………..….42 Tableau 8 : caractéristiques cliniques et échocardiographiques des patients du groupe IA en fonction de l’attitude thérapeutique……………………………….………43 Tableau 9 : caractéristiques cliniques et échocardiographiques des patients du groupe IB en fonction de l’attitude thérapeutique…………………………………...…..44 Figure 19 : mortalité à 24 mois des patients en fonction du groupe et de l’attitude thérapeutique…………………………………………………………………………..……45 Figure 20 : courbe de survie estimée de Kaplan-Meier chez les patients traités médicalement, en fonction de leur groupe……………………………………………....46 Tableau 10 : résultats de l’analyse univariée pour les facteurs cliniques prédictifs potentiels de mortalité à 24 mois chez les patients traités médicalement…….……..47 Tableau 11 : résultats de l’analyse univariée pour les facteurs échographiques prédictifs patients potentiels de mortalité à 24 mois chez les traités médicalement.………………………………………………………………………….......48 7 INTRODUCTION Le rétrécissement aortique (RA) représente la plus fréquente des valvulopathies dans les pays industrialisés. Cette affection touche 3% des sujets de plus de 75 ans (1) et représente plus d’un tiers des remplacements valvulaires chirurgicaux. L’incidence élevée et croissante du rétrécissement aortique s’explique par le vieillissement de la population. Le seul traitement est le remplacement de la valve aortique. La prise en charge thérapeutique des patients présentant une sténose aortique sévère est bien codifiée et fait l’objet de recommandations des sociétés savantes française, européenne et américaine (2-4). Dans 2 à 5% des cas, le RA s’associe à une dysfonction ventriculaire gauche (5). Le rétrécissement aortique en bas débit pose plusieurs problèmes en pratique courante : appréciation de la sévérité du RA, du mécanisme de la dysfonction ventriculaire gauche, évaluation du risque opératoire et bénéfice prévisible de la chirurgie. Rétrécissement aortique en bas débit Physiopathologie La sténose aortique est due dans la grande majorité des cas dans les pays industrialisés à une atteinte dégénérative de la valve (81,9% des patients opérés pour rétrécissement aortique de l’étude Euro Heart Survey on Valvular Heart Disease (5)). Elle peut être plus rarement la conséquence d’atteinte rhumatismale (11,2%), congénitale (5,4%), endocarditique (0,8%), ou exceptionnellement de pathologies métaboliques. La sclérose aortique se définie par un épaississement diffus ou localisé des sigmoïdes aortiques associé à des calcifications nodulaires, généralement à leur base, et sans retentissement hémodynamique. Elle affecte environ ¼ des sujets de plus de 65 ans. Pendant longtemps, on a considéré qu’il s’agissait d’un processus physiologique lié à l’âge. Néanmoins, seule la moitié des sujets de plus de 80 ans 8 présente une sclérose de la valve aortique. Ainsi, plusieurs études expérimentales et cliniques ont suggéré qu’il pouvait s’agir d’un phénomène actif, inflammatoire, significativement lié aux facteurs de risque d’athérosclérose et à la morbi-mortalité cardiovasculaire (6). A partir des données de la Cardiovascular Heart Study, les auteurs ont mis en évidence les facteurs cliniques liés à la survenue d’une sclérose ou d’une sténose aortique : âge, sexe masculin, poids, tabagisme, hypertension, élévation du LDL-cholestérol et de la lipoproteine A. Cependant, bien qu’il existe des liens physiopathologiques communs entre le rétrécissement aortique et l’athérosclérose, seuls 50% des patients souffrant d’un rétrécissement aortique présentent des lésions coronaires significatives et la majorité des coronariens n’ont aucune maladie aortique. Ainsi, la physiopathologie de la sténose aortique demeure imparfaitement élucidée. Certains auteurs suggèrent une origine infectieuse (7) : des nanobactéries, les CNPs (nanoparticules calcifiantes autoréplicantes, self-replicating calcifying nanoparticles), en colonisant la valve aortique, pourraient d’une part déclencher le processus inflammatoire et d’autre part entraîner la calcification des tissus (grâce à leur propriété à précipiter le calcium en cristaux d’apatite aux concentrations physiologiques de calcium et de phosphates). Les cultures de ces CNPs étaient positives dans 64% des 75 valves sténosées obtenues lors d’un remplacement valvulaire pour RA serré et totalement absentes des 8 valves saines explantées lors d’une transplantation cardiaque. La nature évolutive de la pathologie aortique a également été confirmée. On observe généralement une réduction de la surface valvulaire de 0,1 cm² par an. Néanmoins, il existe une grande variabilité de la vitesse de progression vers la sténose aortique suivant les patients. Les facteurs influençant cette progression ont été identifiés : parmi ces facteurs, on retrouve un grand nombre de facteurs de risque d’athérosclérose (6, 8) (Tableau 1). 9 Tableau 1 : facteurs influençant la progression rapide de la sténose aortique Facteurs liés au patient âge tabagisme hypertension obésité diabète anomalies du bilan lipidique insuffisance rénale chronique apparition ou agravation des symptômes coronaropathie Facteurs hémodynamiques dysfonction VG ou bas débit cardiaque hémodialyse modifications hémodynamiques à l'effort Facteurs valvulaires bicuspidie aortique sténose aortique dégénérative calcifications et fuites valvulaires sténose modérée lors du diagnostic Epidémiologie Dans l’étude Euro Heart Survey on Valvular Heart Disease, la sténose aortique était la plus fréquente des valvulopathies (33,9% des valvulopathies, 46,6% des patients opérés). Parmi les 512 patients ayant bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique, 16,4% avaient une FEVG entre 30 et 50% et 2,9% avaient une FEVG inférieure à 30% (5). Le rétrécissement aortique affecte le plus souvent les sujets de plus de 65 ans (prévalence de 2 à 7% dans cette population), et plus volontiers les hommes (6). Définition du rétrécissement aortique en bas débit Le rétrécissement aortique serré en bas débit a été initialement décrit en 1980 par Carabello et coll. (9). Il se caractérise par un rétrécissement aortique associé à un gradient moyen transvalvulaire bas, due à la dysfonction systolique ventriculaire 10 gauche, et donc un flux transvalvulaire diminué. Il se définie à l’heure actuelle par une surface aortique inférieure à 1 cm² (ou 0,6 cm²/m²) avec dysfonction systolique ventriculaire gauche (fraction d’éjection du ventricule gauche, FEVG, inférieure à 40%) et un gradient moyen transvalvulaire inférieur à 40 mmHg (10, 11). Mécanisme de la dysfonction ventriculaire gauche dans le RA en bas débit La dysfonction systolique du ventricule gauche peut être liée à une élévation de la postcharge avec désadaptation à la charge (afterload mismatch) qui est réversible en post-opératoire, et/ou à une dysfonction contractile qui n’est généralement pas réversible en post-opératoire. La contrainte pariétale est la force qui s’exerce par unité de surface au niveau du myocarde ventriculaire gauche, et sa valeur en télésystole est le reflet de la postcharge VG. Selon la loi de Laplace, elle est proportionnelle à la pression et au diamètre télésystolique du ventricule gauche et inversement proportionnelle à son épaisseur pariétale. Le RA est responsable d’une surcharge de pression du VG qui augmente la contrainte pariétale systolique et entraîne le développement d’une hypertrophie concentrique des parois du ventricule gauche destinée à normaliser la contrainte. Le RA « compensé » est ainsi caractérisé par une hypertrophie concentrique du VG, une augmentation de la masse ventriculaire gauche, une augmentation du rapport épaisseur pariétale / rayon ventriculaire, une contrainte pariétale systolique normale et une fraction d’éjection normale. La désadaptation à la charge (afterload mismatch) apparaît lorsque ce processus d’adaptation est dépassé et que l’hypertrophie ne permet plus de normaliser la contrainte, générant elle-même une réduction de la fraction d’éjection mais sans dépression contractile. L’autre mécanisme de la dysfonction ventriculaire gauche en cas de RA est l’existence d’une dysfonction contractile qui peut être due à une fibrose myocardique compliquant l’hypertrophie ventriculaire gauche. Elle peut aussi être induite par une cardiopathie d’autre cause. En particulier, les facteurs de risque communs d’athérosclérose retrouvés dans la sténose aortique et les coronaropathies 11 expliquent la forte prévalence de la cardiopathie ischémique chez les sujets porteurs d’un rétrécissement aortique (46 à 83% de coronaropathie sur les coronarographies pré-opératoires et 16 à 65% d’antécédent d’infarctus du myocarde selon les études chez des patients porteurs de rétrécissement aortique en bas débit). Prise en charge thérapeutique des rétrécissements aortiques en bas débit Le remplacement valvulaire aortique améliore les symptômes et prolonge la survie des patients porteurs d’un rétrécissement aortique symptomatique (12) et bénéficie donc d’indications larges et bien codifiées. La prise en charge thérapeutique des patients présentant un rétrécissement aortique en bas débit présente un véritable challenge. Risque opératoire élevé En effet, de nombreuses études ont souligné le risque opératoire élevé de cette population (jusqu’à 33% de mortalité per-opératoire selon les études, Tableau 2) comparé à celui du remplacement valvulaire aortique en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche de 2,7% (5). Les facteurs de risque opératoire retrouvés dans ces différentes études sont multiples : coronaropathie et antécédent d’infarctus du myocarde (13, 14), gradient moyen transvalvulaire < 20mmHg (15), pontage aortocoronaire associé (15), absence de réserve contractile lors de l’échocardiographiedobutamine (10, 11, 15). 12 Tableau 2 : caractéristiques des patients et mortalité péri-opératoire du remplacement valvulaire aortique du RA en bas débit rapportées dans la littérature. Etudes n Caractéristiques hémodynamiques Coronaropathie Antécédent d'IDM RVA PAC associé Mortalité péri-opératoire BROGAN (18) 18 * * 18 * 33% BLITZ (16) 52 * * 52 54% 11% CONNOLLY (13) 154 55% * 154 51% 9% SMITH (24) 23 15 65% * 23 43% 0 CONNOLLY (19) 52 69% 40% 52 62% 21% POWELL (14) 55 75% 36% 55 55% 18% MONIN (10) 45 51% 20% 30 27% 17% SCHWAMMENTHAL (23) 24 79% 71% 10 3O% 0 PEREIRA (22) 157 66% 44% 68 60% 8% NISHIMURA (11) 32 71% * 21 * 14% MONIN (15) 136 46% 16% 95 28% 14% KULIK (20) 79 * * 79 62% 8% BOROWSKI (17) 30 SAO < 0,4 cm²/m² GMT < 30 mmHg FE moyenne = 48% SAO < 0,75 cm² GMT < 40 mmHg FE moyenne = 27% SAO moyenne = 0,6 cm² GMT moyen = 44 mmHg DC moyen = 4,6 L/min SAO < 0,8 cm² GMT < 40 mmHg FE moyenne = 26% SAO moyenne = 0,7 cm² GMT moyen = 23 mmHg FE < 30 % SAO < 0,75 cm² GMT moyen = 41 mmHg FE < 30 % SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg FE < 40% SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg FE < 35 % SAO < 0,75 cm² GMT < 30 mmHg FE < 40 % SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg IC < 3 L/min/m² SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg FE < 50 % SAO < 1,2 cm² GMT < 40 mmHg FE < 40 % SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg: n=13 GMT > 40 mmHg: n=17 FE < 35 % SAO < 1 cm² GMT < 30 mmHg * * 30 * 7% 23% 13 17 217 74 7% 6% 16% LEVY (21) 217 28% n : nombre de patients inclus ; IDM : infarctus du myocarde ; RVA : remplacement valvulaire aortique ; PAC : pontages aorto-coronaires ; SAO : surface aortique ; GMT : gradient moyen transvalvulaire ; FE : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; DC : débit cardiaque ; IC : index cardiaque (10, 11, 1324). 13 Amélioration post-opératoire pronostique, fonctionnelle et échographique Chez les patients porteurs d’un RA en bas débit ayant survécu au remplacement valvulaire aortique, on observe une nette amélioration de la survie à moyen terme (Tableau 3). Pereira et coll. ont mis en évidence une diminution de la mortalité de 84% chez les patients porteurs d’un RA en bas débit opérés par rapport aux patients traités médicalement dans une série de 95 malades appariés (39 opérés et 56 « contrôles » traités médicalement) (22) (Figure 1). Les facteurs de risque de mortalité à moyen terme retrouvés dans les études sont : coronaropathie ou antécédent d’infarctus du myocarde (13, 14, 16, 19) et absence de réserve contractile (15). Survie Figure 1 : courbe de survie de Kaplan-Meier chez les patients opérés et chez les patients traités médicalement. Suivi (années) n = 95 malades appariés (39 opérés et 56 « contrôles » traités médicalement) (22). AVR : remplacement valvulaire aortique ; no AVR : traitement médical. 14 D’autre part, les différentes études montrent, chez les survivants au remplacement valvulaire aortique, une amélioration fonctionnelle et échographique (Tableau 4). Tableau 3 : survie à moyen terme des patients porteurs d’un RA en bas débit selon la prise en charge thérapeutique, médicale ou chirurgicale, rapportée dans la littérature. Etudes n Caractéristiques RVA hémodynamiques DEFILIPPI (25) 18 FE < 45% 4 Mortalité Traitement Période de Mortalité péri-opératoire médical suivi durant le suivi totale 25% 14 12 mois CHIR: 0 CHIR: 25% MED: 29% MED: 29% SAO < 0,5 cm²/m² Mortalité GMT < 30 mmHg MONIN (10) 45 FE < 30 % 30 17% 15 24 mois SAO < 1 cm² CHIR: 8% CHIR: 23% MED: 80% MED: 80% CHIR: 20% CHIR: 20% MED: 36% MED: 36% CHIR: 17% CHIR: 32% MED: 53% MED: 83% CHIR: 20% CHIR: 33% MED: 72% MED: 72% CHIR: 30% CHIR: 41% GMT < 40 mmHg SCHWAMMENTHAL 24 (23) FE <40% 10 0 14 17 mois SAO <1 cm² GMT <40 mmHg PEREIRA (22) 157 FE < 35% 68 8% 89 12 mois SAO < 0,75 cm² GMT < 30 mmHg NISHIMURA (11) 32 FE < 40 % 21 14% 11 32 mois SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg LEVY (21) 217 FE < 35 % 217 16% 0 31 mois SAO < 1 cm² GMT < 30 mmHg n : nombre de patients inclus ; RVA : remplacement valvulaire aortique ; FE : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; SAO : surface aortique ; GMT : gradient moyen transvalvulaire ; MED : traitement médical ; CHIR : traitement chirurgical (10, 11, 21-23, 25). 15 Tableau 4 : amélioration fonctionnelle et échocardiographique des patients porteurs d’un RA en bas débit ayant survécu au remplacement valvulaire rapportée dans la littérature. Etudes n Survivants au RVA Amélioration fonctionnelle Amélioration échographique BROGAN (18) 18 12 * CONNOLLY (13) 154 140 56% passés de classe NYHA 3-4 à NYHA 1-2 7% NYHA 3-4 post-opératoire versus 88% pré-opératoire 66% amélioration > 2 classes NYHA 88% amélioration > 1 classe NYHA CONNOLLY (19) 52 41 23% NYHA 3-4 post-opératoire versus 85% pré-opératoire 77% amélioration > 1 classe NYHA 74% augmentation FEVG (augmentation moyenne de 10 ± 14%) POWELL (14) 55 55 * 95% augmentation FEVG (augmentation moyenne de 22%) MONIN (10) 45 22 (réserve contractile) FEVG moyenne 44% post-opératoire versus 29% pré-opératoire * SCHWAMMENTHAL (23) 24 3 (absence de réserve contractile) 10 5% NYHA 3-4 post-opératoire versus 80% pré-opératoire Absence d'amélioration 100% d'amélioration clinique avec perte d'au moins 1 classe NYHA FEVG moyenne 48% post-opératoire versus 28% pré-opératoire PEREIRA (22) 157 65 QUERE (26) 66 66 66% augmentation FEVG (augmentation moyenne de 15%) FEVG moyenne 47% post-opératoire versus 29% pré-opératoire (augmentation moyenne de 18%) KULIK (20) 79 79 LEVY (21) 217 129 18% NYHA 3-4 post-opératoire versus 68% pré-opératoire 58% amélioration > 2 classes NYHA 94% amélioration > 1 classe NYHA 9% NYHA 3-4 post-opératoire versus 89% pré-opératoire classe NYHA moyenne 1,3 post-opératoire versus 2,5 pré-opératoire 16% NYHA 3-4 post-opératoire versus 79% pré-opératoire 76% augmentation FEVG (augmentation moyenne de 12 ± 14%) * FEVG moyenne 41% post-opératoire versus 28% pré-opératoire n : nombre de patients inclus ; RVA : remplacement valvulaire aortique ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche (10, 13, 14, 18-23, 26). Pronostic catastrophique sous traitement médical Chez les patients pris en charge médicalement, le pronostic est toujours sombre (Tableau 3). Pereira et coll. ont retrouvé une survie à 1 an de 41% et à 4 ans de 15% sous traitement médical (22). Ainsi, la prise en charge thérapeutique des patients porteurs d’un RA en bas débit demeure complexe. Le clinicien étant confronté à une unique opportunité de traitement, le remplacement valvulaire, mais dont le risque opératoire peut paraître rédhibitoire sur ce terrain. Néanmoins, la plupart des patients survivent à l’opération 16 et certains voient au décours une amélioration très nette de leur état fonctionnel et de leur fraction d’éjection ventriculaire gauche. Le challenge pour le clinicien est donc de distinguer parmi les patients porteurs d’un RA en bas débit ceux qui vont bénéficier du remplacement valvulaire des autres. Des moyens de stratification étaient donc nécessaires. L’ACC-AHA recommande l’évaluation hémodynamique de ces patients en préopératoire par l’échographie-dobutamine (classe IIa) (2). Intérêt de l’échographie-dobutamine Principe de l’examen On utilise dans cette indication une dose faible de dobutamine afin d’obtenir le maximum d’effet inotrope sans réponse chronotrope. On commence habituellement l’examen à la dose de 5 µg/kg/min, jusqu’à un maximum de 20 µg/kg/min. La durée des paliers et l’augmentation des doses de dobutamine entre chacun d’entre eux ne sont pas standardisées : ils varient entre 3 et 5 minutes, avec une augmentation de la dose d’inotrope de 2,5 à 5 µg/kg/min. La pression artérielle ainsi que l’électrocardiogramme 12-dérivations doivent être monitorés durant tout l’examen. Les critères d’interruption de l’examen sont : atteinte de la dose maximale de dobutamine, augmentation de la fréquence cardiaque de plus de 10 battements par minute et effets indésirables des inotropes (dyspnée, angor, trouble du rythme, ischémie myocardique, chute ou pic tensionnels). On mesure à l’état de base le diamètre sous aortique, celui-ci étant considéré constant. On mesure ensuite à l’état de base et à chaque palier de dobutamine à l‘aide du doppler l’intégrale temps-vitesse sous aortique (ITV) ainsi que les gradients transvalvulaires. On calcule ainsi pour chaque palier le volume d’éjection systolique. 17 VES = Surface sous aortique x ITV sous aortique VES : volume d’éjection systolique (mL) Surface sous aortique (cm²) = π x (diamètre sous aortique)² 4 ITV : intégrale temps-vitesse sous aortique (cm) On calcule également la surface aortique à partir des données non invasives fournies par l’échocardiographie doppler, à l’aide de l’équation de continuité fondée sur le principe de conservation de masse (27) (Figure 2). On calcule ainsi la surface effective de la valve (vena contracta). Figure 2 : calcul de la surface d’un orifice A2 à l’aide de l’équation de continuité. A étant la surface de l’orifice, V la vitesse du flux et D le diamètre de l’orifice. L’équation de continuité établie que le débit cardiaque Q = A1xV1 = A2xV2. Soit : A2 = (A1xV1) = ∏ x D1² x V1. V2 4 x V2 Surface aortique = surface sous aortique x ITV sous aortique ITV aortique On mesure le diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche (D1) sur une coupe parasternale grand axe (Figure 3). On obtient la vitesse dans la chambre de chasse (ITV sous aortique, V1) en plaçant le curseur de doppler pulsé dans la chambre d’éjection du ventricule gauche (Figure 4 et 5) et la vitesse transvalvulaire aortique (ITV aortique, V2) en doppler continu (Figure 6). 18 Figure 3 : mesure du diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche. Figure 4 : mise en place de la fenêtre de tir en doppler pulsé dans la chambre de chasse. Figure 5 : mesure de la vitesse dans la chambre de chasse (ITV sous aortique, V1). Figure 6 : mesure de la vitesse transvalvulaire aortique (ITV aortique, V2) Echographie-dobutamine dans le RA en bas débit DeFilippi et coll. ont utilisé en 1995 pour la première fois l’échocardiographiedobutamine chez 18 patients atteints de RA en bas débit (FEVG < 45%, Sao < 0,5 cm²/m² et GMT < 30 mmHg) (25) . Ils ont mesuré le gradient moyen transvalvulaire et calculé la surface aortique à l’état de base et sous la dose maximale de dobutamine. Ils ont ainsi décrit trois types de réponse à la dobutamine : • Groupe IA : rétrécissement aortique « fixé ». La perfusion de dobutamine entraînait d’une part la mise en évidence d’une réserve contractile et 19 d’autre part une élévation de la vitesse maximale du flux aortique et des gradients. Ainsi la surface aortique restait inchangée. • Groupe IB : rétrécissement aortique « relatif ». En dépit de la mise en évidence d’une réserve contractile sous dobutamine, on n’observait pas d’élévation de la vitesse maximale et des gradients transvalvulaires. Ainsi, la surface aortique calculée augmentait significativement (> 0,3 cm²). • Groupe II : la perfusion de dobutamine n’entraînait pas d’élévation significative du volume d’éjection systolique (< 20%) témoignant de l’absence de réserve contractile. Nishimura et coll. ont appuyé cette observation par une étude hémodynamique invasive couplée à la perfusion de dobutamine chez 32 patients atteints de RA en bas débit (Sao < 1 cm², FEVG < 40%, GMT < 40 mmHg) (11) (Figure 7). Dans cette étude, l’évaluation hémodynamique était effectuée lors d’un cathétérisme cardiaque gauche par mesure simultanée des pressions ventriculaires gauche et de l’aorte ascendante. Le débit cardiaque était mesuré à l’état de base et sous dobutamine par thermodilution. La surface aortique était calculée aux différents paliers de dobutamine par la formule de Gorlin. Figure 7 : évaluation d’une sténose aortique en bas débit par hémodynamique invasive avec injection de dobutamine. Base AVA 0,5 cm² Mean 24 mmHg Dobutamine AVA 0,8 cm² Mean 47 mmHg Base AVA 0,6 cm² Dobutamine Mean 17 mmHg AVA 0,7 cm² Mean 20 mmHg Base AVA 0,9 cm² Mean 37 mmHg Dobutamine AVA 0,7 cm² Le patient A élève sous dobutamine son débit cardiaque ainsi que son gradient transvalvulaire ; il s’agit d’un rétrécissement aortique fixé (groupe IA de DeFilippi). Le patient B présent une sténose aortique relative (groupe IB de DeFilippi) : il élève peu son gradient transvalvulaire en dépit de l’existence d’une réserve contractile. En péri-opératoire, le chirurgien a constaté chez ce patient une sténose aortique modérée. Enfin, le patient C n’a aucune réserve contractile sous dobutamine (11). 20 Mean 26 mmHg Evaluation de la réserve contractile et pronostic L’échographie-dobutamine permet d’évaluer la réserve contractile (groupe I de DeFilippi). Elle se définie par une augmentation de 20% du volume d’éjection systolique sous dobutamine, soit une augmentation de 20% de l’ITV sous aortique (Figure 8). Figure 8 : mise en évidence d’une réserve contractile à l’échocardiographie-dobutamine. L’ITV sous aortique augmente de 100% sous 15 µg/kg/min de dobutamine (28). Monin et coll. ont mis en évidence que l’absence de réserve contractile lors de l’examen échocardiographique sous dobutamine était un facteur indépendant de mortalité péri-opératoire (Odd ratio= 10,9) : 5% et 32% de mortalité péri-opératoire chez les patients avec et sans réserve contractile à l’échographie-dobutamine (15). De plus, ils observaient une amélioration de la survie post-opératoire à moyen terme uniquement dans le groupe I : survie estimée à 3 ans après remplacement valvulaire de 79% (Figure 9). 21 Figure 9 : courbe de survie de Kaplan-Meier suivant l’existence ou non d’une réserve contractile et suivant la stratégie thérapeutique. Groupe I : présence d’une réserve contractile ; groupe II : absence de réserve contractile (15). Enfin, l’amélioration fonctionnelle post-opératoire était significativement meilleure dans le groupe I (84%) que dans le groupe II (45%). Ainsi, la présence d’une réserve contractile à l’échographie-dobutamine incite au remplacement valvulaire aortique dans cette population de RA en bas débit, le risque opératoire étant acceptable et le bénéfice post-opératoire probable. En l’absence de réserve contractile, le risque opératoire est certes élevé, mais le pronostic sous traitement médical est toujours catastrophique. L’absence de réserve contractile seule ne doit pas faire contre-indiquer la chirurgie (29). Quere et coll. ont étudié une population de 80 patients souffrant d’un RA en bas débit ayant été opérés (26). Ces patients avaient bénéficié en pré-opératoire d’une échographie à la dobutamine : 50 patients avaient une réserve contractile (groupe I, 62%) et 30 patients n’en avaient pas (groupe II, 38%). Le taux de mortalité péri-opératoire était de 6% dans le groupe I et de 33% dans le groupe II. Parmi les survivants, les auteurs observaient une amélioration fonctionnelle post-opératoire comparable dans les 2 groupes. En analyse multivariée, la présence d’une réserve contractile n’était pas un facteur d’amélioration fonctionnelle post-opératoire ; le seul facteur indépendant était 22 l’augmentation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) au décours de la chirurgie. Ils observaient également une augmentation comparable de la FEVG postopératoire dans les 2 groupes (p=0,54). La présence d’une réserve contractile avait une valeur prédictive positive de restauration de la FEVG d’au moins 10% de 83% mais l’absence de réserve contractile n’avait une valeur prédictive négative de restauration de la FEVG que de 35%. Enfin, la survie post-opératoire à 2 ans n’était pas différente pour les groupes I et II (respectivement 92 ± 7% versus 90 ± 5%, p=0,63). Ainsi, l’échographie-dobutamine, en distinguant les patients avec et sans réserve contractile, permet de stratifier le risque opératoire. Néanmoins, ses résultats doivent être intégrés à d’autres paramètres individuels pour décider de la stratégie thérapeutique, tel que les comorbidités, le gradient moyen transvalvulaire ou les lésions coronaires associées (26) afin d’évaluer pour chaque patient le ratio risque/bénéfice. L’échographie-dobutamine permet également d’identifier un troisième groupe de patients parmi les RA en bas débit : les porteurs de sténose aortique pseudosévère (groupe IB de DeFilippi). Sténose aortique pseudo-sévère La surface aortique calculée est « flux-dépendante » La surface aortique peut être calculée à partir des données invasives du cathétérisme cardiaque à l’aide de la formule de Gorlin (30) (Figure 10). Figure 10 : calcul de la surface A d’un orifice par la formule de Gorlin. P1 étant la pression d’amont, P2 la pression d’aval, F le flux trans-orificiel et V la vitesse de ce flux. 23 Ainsi, pour le calcule de la surface aortique S : La surface aortique calculée par cette formule est une approximation de la surface valvulaire anatomique. Différents auteurs ont démontré in-vitro (31) et in-vivo chez l’homme ou chez l’animal (32, 33) que la surface aortique ainsi calculée était dépendante des variations de flux transvalvulaire. Ainsi, ces auteurs ont mis en évidence une augmentation de 5 à 22% de la surface aortique calculée lors d’une augmentation de 50% du flux transvalvulaire aortique. De même, ils ont retrouvé une diminution de 24% de la surface aortique calculée lors de la diminution de 50% du flux transvalvulaire. Ainsi, la surface aortique calculée à l’aide de la formule de Gorlin s’avère être « flux-dépendante ». En d’autres termes, lors d’une dysfonction ventriculaire gauche systolique, la diminution du flux transvalvulaire qui en résulte peut conduire à une sous-estimation de la surface aortique calculée, et donc à une surestimation de la sténose aortique. Plusieurs études ont également mis en évidence la « flux-dépendance » de la valeur de la surface aortique calculée échographiquement par l’équation de continuité (32, 34), avec une tendance à surestimer cette surface lorsque le flux transvalvulaire augmente et à l’inverse à la sousestimer lorsque le flux diminue. Ainsi, Otto et coll ont mis en évidence une augmentation de 9% de la surface aortique calculée par l’équation de continuité lors d’une augmentation du flux transaortiqe de 22% induite par un exercice physique (35). Plusieurs éléments peuvent expliquer ces modifications de surface. Tout d’abord, il peut exister un réel changement de la surface valvulaire anatomique lors des modifications de flux. La première explication est une plus grande ouverture des sigmoïdes aortiques lors de l’augmentation des forces de pression transvalvulaire 24 (36) et à l’inverse une plus faible ouverture, lorsque le débit diminue (à l’image de « la porte de saloon »). Néanmoins, ce mécanisme implique une souplesse conservée des sigmoïdes aortiques, ce que l’on observe rarement sur des sigmoïdes très calcifiées. Plus récemment, Kadem et coll. ont mis en évidence une réelle diminution de la surface effective sur un modèle d’orifice rigide en faisant diminuer le débit transorificiel (37). Les sinus de Valsalva produisent des vortex qui participent à la fermeture des sigmoïdes aortiques. En bas débit, l’énergie cinétique est insuffisante pour contrer les vortex qui se forment en aval de la sténose ; ceux-ci s’exercent sur le jet et entrainent une diminution de la vena contracta (Figure 11). Figure 11 : champs de vitesses mesurés par vélocimétrie par image de particules à travers un orifice circulaire de 1,5 cm². A : pour un volume d’éjection normal (70 mL), l’énergie cinétique du fluide traversant l’orifice est suffisante pour contrer les vortex qui se forment en aval de la sténose. B : en bas débit (volume d’éjection de 20 mL), la réduction d’énergie cinétique prédispose à la formation de vortex, qui s’appliquent sur le flux et donc sur le diamètre de la vena contracta, diminuant la surface effective (37). 25 D’autre part, il existe avec les deux méthodes de calcul des artéfacts de mesure lorsque les conditions hémodynamiques varient. Ainsi, la constante de Gorlin (coefficient de décharge), supposée fixe, change en fonction du débit (38). De plus, la mesure échographique de la surface de la chambre de chasse ventriculaire gauche peut s’avérer techniquement difficile (calcifications annulaires importantes, bourelet septal sous aortique) à l’origine d’erreurs de calcul amplifiées par l’élévation au carré de la mesure du diamètre de la chambre de chasse dans le calcul sa surface. Ainsi, quelque soit la méthode de calcul utilisée, la mesure de la surface aortique est « flux-dépendante » : la diminution du flux transvalvulaire aortique entraîne une sous-estimation de la surface et donc une surestimation de la sténose. Ceci pose un réel problème diagnostic pour quantifier la sévérité d’un rétrécissement aortique en cas de bas débit cardiaque : s’agit-il d’un RA serré responsable de la dysfonction VG par afterload mismatch ou d’un RA moyennement serré associé à une cardiomyopathie susceptible de s’ouvrir avec l’augmentation du débit (sténose aortique pseudo-sévère) ? Définition de la sténose aortique pseudo-sévère La sténose aortique pseudo-sévère se définit par une surface valvulaire calculée faible en situation de bas débit cardiaque mais qui, lorsque l’on augmente le flux transvalvulaire, voit son gradient transvalvulaire peu ou pas modifié ; ainsi, la surface valvulaire recalculée dans ces nouvelles conditions hémodynamiques se trouve significativement augmentée. Il s’agit dans cette situation d’une maladie primitive du myocarde, quelqu’en soit la cause, responsable de la dysfonction ventriculaire gauche associée à une sténose aortique modérée à moyenne. L’exemple fréquemment donné est celui de la « porte de saloon » : l’ouverture complète de la porte n’est pas atteinte si la pression exercée est insuffisante, comme dans le cas d’un ventricule gauche défaillant. La surface valvulaire aortique fonctionnelle est réduite alors que les lésions anatomiques de la valve sont limitées voir inexistantes. Blais et coll. ont utilisé un model in-vitro avec des valves de rigidité 26 différente et soumises à des débits transvalvulaires différents reproduisant bien ce phénomène (39) (Figure 12). Figure 12 : photographies de l’orifice valvulaire de 2 types de valves en silicone enregistrées par caméra vidéo à haute vitesse, en systole. En haut : exemple de sténose pseudo-sévère soumise à un faible débit (à gauche) ou à un débit transvalvulaire normale (à droite) (39). En bas : exemple de sténose sévère dans les mêmes conditions. SV : volume d’éjection systolique ; EOA : surface valvulaire calculée ; MG : gradient moyen transvalvulaire. 27 Cannon et coll. ont mis en évidence en 1992 que, parmi 48 patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche et diagnostiqués comme porteurs d’un rétrécissement aortique serré par la formule de Gorlin (surface aortique < à 0,8 cm²), le chirurgien ne retrouvait que des lésions aortiques modérées chez 8 d’entre eux (17%) (40). DeFilippi et coll. ont utilisé en 1995 pour la première fois l’échocardiographiedobutamine chez 18 patients atteints de RA en bas débit (FEVG < 45%, Sao < 0,5 cm²/m² et GMT < 30 mmHg) dans le but de tenter de distinguer en pré-opératoire les sténoses aortiques « fixées », sévères, des sténoses aortiques « flux-dépendantes », pseudo-sévères (25). Ils ont mesuré le gradient moyen transvalvulaire et la surface aortique à l’état de base et sous la dose maximale de dobutamine. Le groupe IB de la classification de DeFilippi concerne les sténoses pseudo-sévères : en dépit de la réserve contractile sous dobutamine, il n’existe pas d’élévation de la vitesse maximale et des gradients transvalvulaires. Ainsi, la surface aortique calculée augmente significativement (> 0,3 cm²), la valve aortique « s’ouvre » lorsque le débit transvalvulaire augmente. Dans cette première série de patients, l’incidence de la sténose pseudosévère était de 28%. Plusieurs auteurs ont par la suite publié des séries de patients porteurs d’un RA en bas débit explorés par échocardiographie-dobutamine. L’incidence da la sténose pseudo-sévère varie considérablement suivant les études (de 5 à 35% des RA en bas débit explorés) (Tableau 5) (10, 11, 13, 15, 19, 23, 25, 39). Plusieurs éléments expliquent cette disparité. D’une part, les populations étudiées ne sont pas identiques : l’étude TOPAS (39) ou la série de patients décrite par Schwammenthal et coll. (23) ne concernent que les patients du groupe I de DeFilippi, c'est-à-dire avec réserve contractile, et c’est assurément dans ces 2 études que l’on retrouve les incidences les plus élevées de sténose pseudo-sévère (respectivement 35 et 33%). De même, l’étude TOPAS ne concernait que les patients ayant bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique (39). 28 29 Résultats poolés BLAIS (39) ZUPPIROLI (41) MONIN (15) FE < 40 % NISHIMURA (11) par l'examen de la valve GMT < 40 mmHg Classification peropératoire SAO < 1,2 Dsao > 0,25 cm² Sao finale > 1 cm² ET GMT final < 30 mmHg Dsao > 0,3 cm² OU Sao finale > 1,2 cm² ET Sao finale > 1 cm² Dsao > 0,3 cm² Dsao > 0,3 cm² Critères diagnostic de sténose pseudo-sévère FE < 40 % GMT < 30 mmHg SAO < 1 cm² FE < 40 % GMT < 40 mmHg SAO < 1 cm² GMT < 40 mmHg IC < 3 L/min/m² SAO < 1 cm² FE < 40 SAO <1 cm² GMT < 40 mmHg SCHWAMMENTHAL GMT < 30 mmHg SAO < 0,5 cm² /m² FE < 45 % Critères d'inclusion (23) DEFILIPPI (25) Etudes 45/281 (16%) 8/23 (35%) 10/48 (21%) 7/136 (5%) 7/32 (22%) 8/24 (33%) 5/18 (28%) Incidence de la sténose pseudo-sévère 20 mois * 24 mois 19 mois 32 mois 12 mois 12 mois Suivi (47 à 56%) 0 17 à 20/36 CHIR 1/37 (3%) * 7/10 (70%) 3/6 (50%) 0 (57 à 100%) 4 à 7/7 2/8 (25%) 1/5 (20%) mortalité totale MED 36/37 (97%) 100% CHIR 100% MED 6 MED (86%) 1 CHIR (14%) 100% MED 100% MED 100% MED traitement Tableau 5 : incidence, attitude thérapeutique et pronostic de la sténose pseudo-sévère rapportés dans la littérature. FE : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; SAO : surface aortique ; GMT : gradient moyen transvalvulaire ; Dsao : augmentation de la surface aortique sous dobutamine ; IC : index cardiaque ; MED : traitement médical ; CHIR : remplacement valvulaire aortique (11, 15, 23, 25, 39, 41). D’autre part, les critères définissant la sténose pseudo-sévère ne sont pas clairement établis et varient selon les auteurs. Ainsi, DeFilippi et coll. définissaient le groupe IB par une augmentation de la surface aortique sous dobutamine supérieure ou égale à 0,3 cm² (25). Un second critère était nécessaire pour certains : surface aortique finale sous dobutamine supérieure à 1 cm² (15, 23), ou 1,2 cm² (11). Nishimura et col ont appliqué un troisième critère : gradient final moyen transvalvulaire inférieure à 30 mmHg (11). Quant à l’étude TOPAS, c’est l’œil du chirurgien qui classait en RA sévère ou non (39). Enfin, les modifications de gradient transvalvulaire et de surface aortique sous dobutamine dépendent de l’amplitude de l’augmentation du flux transvalvulaire obtenue à la dose maximale de dobutamine. Ceci va dépendre de la méthodologie de l’examen, différente suivant les auteurs, et pourrait faire varier l’incidence de la sténose pseudo-sévère. D’autre part, les modifications hémodynamiques obtenues sous dobutamine varient selon les patients (42, 43). Ainsi, une équipe a proposé un nouveau paramètre : la « surface valvulaire projetée » à un flux transvalvulaire normale (250 ml/sec) (39). En s’appuyant sur le fait que la surface valvulaire calculée au pic de dobutamine dépendait du débit transvalvulaire obtenue à ce pic, différent suivant les patients, ils ont déterminé la compliance valvulaire de chaque patient en réalisant à chaque étape de l’examen la courbe surface valvulaire calculée/débit et par une formule en ont dérivé la « surface valvulaire projetée », qui serait celle obtenue à un débit de 250 ml/sec (Figure 13) : Saoproj = Saorep + CV x (250 – Qrep) Saoproj : surface aortique projetée. Saorep : surface aortique de base, au repos. CV : compliance valvulaire, qui représente la pente de la courbe surface valvulaire calculée/débit. Qrep : débit cardiaque de base, au repos. 30 Surface aortique (cm²) Surface aortique (cm²) Figure 13 : concept de la « surface valvulaire projetée » chez 4 patients différents (A) et calcul de la « surface valvulaire projetée » à un débit transvalvulaire de 250 ml/s (B). Surf ace aortique projetée * * * * Débit transvalvulaire (mL/s) * Pente = compliance valvulaire Valeur mesurée au repos Débit transvalvulaire (mL/s) * : surface valvulaire obtenue au pic de dobutamine (39). Selon ces auteurs, ce nouveau paramètre améliorerait les performances de l’échographie-dobutamine pour classifier en sévère et pseudo-sévère 23 patients porteurs de RA en bas débit, en comparaison avec l’inspection chirurgicale (Figure 14) : pourcentage de classification correcte de 83% pour la surface valvulaire projetée et de 91% lorsqu’elle est indexée à la surface corporelle (par rapport au 61 à 74% de classification correcte des autres paramètres échographiques usuels). 31 Figure 14 : pourcentages de classification correcte observés avec les différents paramètres échographiques pour différentier les sténoses aortiques sévères et pseudo-sévères. MG > 30 mmHg EOA < 1,00 cm² EOA < 1,20 cm² ∆ EOA < 0,30 cm² Stress EOA < 1,00 cm² + ∆ EOA < 0,30 cm² Stress EOA < 1,20 cm² + stress MG > 30 mmHg RES > 150 dyn.s. cm -5 SWL > 25% projected EOA < 1,00 cm² MG : gradient moyen transvalvulaire ; EOA : surface aortique calculée ; RES : résistances valvulaires ; SWL : stroke work loss (39). D’autres outils diagnostiques sont en cours d’évaluation afin de différencier les sténoses serrées fixées des sténoses pseudo-sévères, témoignant de l’intérêt clinique de cette distinction. Burwash et coll. ont récemment démontré que la réserve de flux myocardique étudiée par tomographie par émission de positons au repos puis après une épreuve de stress pharmacologique était corrélée à la sévérité de la sténose aortique chez les patients présentant un rétrécissement aortique en bas débit et permettait de distinguer les sténoses fixées des sténoses pseudo-sévères avec une sensibilité de 85% (44). Berger-Klein et coll. ont mis en évidence que le taux de BNP était significativement inférieur en cas de sténose pseudo-sévère, mais 32 indexed projected EOA < 0,55 cm²/m² les valeurs entre les groupes souffraient d’une importante zone « grise » de recouvrement (45) (Figure 15). Figure 15 : valeur du dosage du BNP pré-opératoire selon la classification per-opératoire par le chirurgien entre sténose aortique pseudo-sévère et sténose aortique sévère. n = 11 dans le groupe sténose pseudo-sévère (PS) ; n = 14 dans le groupe sténose sévère (TS) (45). Impact clinique de la sténose aortique pseudo-sévère La distinction entre sténose aortique sévère et pseudo-sévère chez les patients en bas débit cardiaque est pourtant essentielle. En effet, les RA en bas débit, en particulier s’il existe une réserve contractile, bénéficient en générale du remplacement valvulaire aortique. A l’inverse, pour de nombreux auteurs, les RA pseudo-sévères relèvent avant tout d’un traitement médicale (29, 46, 47). Néanmoins, il n’existe à l’heure actuelle aucune étude permettant d’affirmer ou d’infirmer cette attitude thérapeutique. La prise en charge médicale des sténoses pseudo-sévères repose sur la physiopathologie de cette affection : il s’agit avant tout de traiter la cardiomyopathie associée. En théorie, le traitement médicale optimale de la dysfonction systolique ventriculaire gauche permettrait d’améliorer le débit cardiaque et donc l’ouverture 33 aortique. Le pronostic des patients porteurs d’une sténose aortique pseudo-sévère serait alors équivalent à celui des patients porteurs d’une dysfonction systolique de même sévérité. Or, la mortalité à 2 ans des RA pseudo-sévère traités médicalement rapportée dans la littérature et poolée (36 patients) est d’environ 50% (Figure 16). Dans l’étude multicentrique CARE-HF, la mortalité des patients en insuffisance cardiaque systolique (FEVG < 35%) du groupe traitement médicale seul était de 30% à 29 mois (48). Ainsi, l’association d’une sténose pseudo-sévère à une cardiomyopathie va presque doubler la mortalité de cette affection. Bien sûr, les populations ne sont pas strictement comparables : plus agées, plus de comorbidités (en particulier de coronaropathie) en cas de sténose aortique. Néanmoins, cette surmortalité doit conduire à se poser la question de la prise en charge thérapeutique de cette pathologie. Dans la littérature, un seul patient porteur d’une sténose aortique pseudo-sévère a été opéré (remplacement valvulaire aortique + pontages aortocoronaires) : à l’inspection chirugicale, il s’agissait d’une valve modérément calcifiée. Ce patient était vivant, en classe I de la NYHA à 14 mois de suivi (15). Figure 16 : mortalité en fonction de la classification de DeFilippi et de la prise en charge thérapeutique à un suivi moyen de 20 mois. 19 80 70 Mortalité 60 (%) 50 37 72% 38 36 29 62% 63% 50% 37 47 36 89 40 30 20 10 0 20% 1 108 0 MED CHIR MED IB CHIR IA MED CHIR II n = 258 patients dont on connaît les données évolutives, issus de 5 études (11, 15, 23, 25, 41). Les chiffres en blanc indiquent le nombre de patients dans chaque groupe. 34 Prise en charge thérapeutique de la sténose pseudo-sévère Il est envisageable que le remplacement chirurgical d’une sténose aortique modérée sur un ventricule gauche défaillant apporte un bénéfice, en soulageant le ventricule d’un excès de postcharge. La discongruence patient/prothèse (prothesis-patient mismatch, PPM) est définit par une taille de prothèse insuffisante par rapport à la surface corporelle du patient (surface valvulaire aortique indexée < 0,85 cm²/m²). Il sagit d’un équivalent de sténose aortique modérée. Certains auteurs ont mis en évidence un impact du mismatch patient/prothèse sur la mortalité post-opératoire des patients présentant une dysfonction VG (20, 49, 50). Le ventricule gauche défaillant serait plus sensible à l’excès de postcharge, même modeste, induit par le mismatch. Dans cette hypothèse, le remplacement d’une valve aortique modérément sténosante pourrait apporter un bénéfice en cas de dysfonction VG. Néanmoins, l’impact de la taille de la prothèse sur la survie n’est pas confirmée par toutes les études (51). Il n’existe pas à l’heure actuelle de recommandation quant à la prise en charge thérapeutique de la sténose aortique pseudo-sévère, du fait de la rareté des donnée de la littérature sur cette situation peu fréquente. L’objectif de cette étude était d’évaluer, dans une large cohorte de patients présentant un RA serré en bas débit investigués par échocardiographie-dobutamine, l’impact de la prise en charge thérapeutique, médicale ou chirurgicale, sur le pronostic des sténoses pseudo-sévères. 35 PATIENTS ET METHODE Population étudiée Tous les patients porteurs d’un rétrécissement aortique symptomatique en bas débit (surface aortique < 1 cm² ou surface aortique indexée < 0,6 cm²/m², index cardiaque < 3 L/min/m²) étaient incluables dans l’étude si leur gradient moyen transvalvulaire de base était inférieur ou égal à 40 mmHg. Les critères d’exclusion étaient de sévères comorbidités, une insuffisance mitrale ou aortique supérieure au grade 2 et la fibrillation atriale. D’octobre 1993 à mars 2007, 250 patients ont été inclus prospectivement dans 8 centres en France et en Belgique (Amiens, Argenteuil, Bordeaux, Bruxelles, Créteil, Lorient, Reims, Strasbourg). Echographie-dobutamine Tous les patients bénéficiaient d’une évaluation échocardiographique complète. Le diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche (diamètre sousaortique) était recueilli sur une coupe parasternale grande axe uniquement à l’état basal. Les paramètres suivants étaient recueillis à l’état basal et à chaque palier de dobutamine : intégrale temps-vitesse (ITV) sous-aortique, ITV transvalvulaire aortique, gradients moyen et maximal transaortiques calculés par la formule de Bernouilli, surface aortique calculée par l’équation de continuité, fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) par la méthode de Simpson biplan. Les mesures doppler étaient réalisées sur une coupe apicale des 5 cavités. La mesure des dimensions ventriculaires gauches télédiastoliques et télésystoliques pour le calcul de la FEVG était réalisée sur une coupe apicale des 4 cavités et des 2 cavités. La perfusion continue intraveineuse de dobutamine était débutée à 5 gamma/kg/min, avec une progression par paliers de 2,5 gamma/kg/min toutes les 5 minutes, jusqu’à une dose maximale de 20 gamma/kg/min. La perfusion était interrompue lorsque la dose maximale de dobutamine était atteinte ou lorsque la fréquence cardiaque du patient s’accélérait de plus de 10 battements par minute. 36 Un monitorage de la pression artérielle et d’un électrocardiogramme sur 12 dérivations était effectué durant toute la durée de l’examen. Décision clinique et suivi La décision thérapeutique finale était laissée à la discrétion de l’équipe médicale ayant en charge le patient. Ceux-ci avaient connaissance des résultats de l’échocardiographie-dobutamine. Pour chaque patient était effectué un calcul de l’EuroScore standard et logistique, et ce quelque soit la décision thérapeutique. Le recueil des données cliniques au cours du suivi était effectué lors d’une consultation médicale ou par un interrogatoire téléphonique. Le suivi clinique a été réalisé chez tous les patients de l’étude dans un intervalle moyen de 37 ± 35 mois après l’inclusion. Un examen échocardiographique durant le suivi a pu être réalisé chez 112 patients, dans un intervalle moyen de 19 ± 23 mois après l’inclusion. Les paramètres cliniques recueillis durant le suivi étaient la survie et la classe fonctionnelle NYHA. Les paramètres échographiques recueillis durant le suivi étaient la FEVG et le diamètre télédiastolique du ventricule gauche. Analyse des données La réserve contractile lors de l’échocardiographie à la dobutamine était définie par une augmentation de 20% de l’ITV sous aortique au palier maximal. Selon les résultats de l’échocardiographie, les patients étaient classés en 3 groupes selon la présence (groupe I) ou l’absence (groupe II) de réserve contractile. La sténose aortique pseudo-sévère (groupe IB) était définie, chez les patients présentant une réserve contractile, par une surface aortique finale supérieure ou égale à 1,1 cm² et/ou par une augmentation de la surface aortique calculée au moins égale à 0,3 cm². 37 Analyse statistique Les variables continues ont été représentées par leur valeur moyenne ± écarttype. Les variables nominales ont été représentées en pourcentage. L’analyse statistique a été effectuée à l’aide de tests statistiques non paramétriques. Les variables continues ont été comparées entre les différents groupes par un test t de Student. Les variables nominales ont été comparées, selon les effectifs, par un test du Chi-2 ou un test de Fischer. Les variables évolutives dans le suivi, comme la classe fonctionnelle NYHA, la FEVG, le diamètre télédiastolique du VG, ont été comparés avec leur valeur de base par une ANOVA mesures répétées. La survie a été représentée par une courbe de Kaplan-Meier. Une valeur de p inférieure à 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. L’analyse statistique a été effectuée à l’aide des logiciels StatView (version 5.0 pour Windows, SAS Institute Inc., SAS Campus Drive Cary, NC 27513) et SPSS (SPSS Inc, Chicago, Illinois 60606). 38 RESULTATS Répartition des patients selon la classification de DeFilippi Deux cent cinquante patients ont été inclus dans l’étude. L’échocardiographiedobutamine a permis la classification des patients en 3 groupes, selon les critères définis par DeFilippi (25). La répartition des patients est représentée Figure 17. Figure 17 : répartition des patients selon la classification échocardiographique de DeFilippi. 9% 32% 1 2 3 59% Groupe IB (n = 23) Groupe IA (n = 147) Groupe II (n = 80) Les paramètres échocardiographiques de base et sous dobutamine des patients du groupe I sont représentés Tableau 6. 39 Tableau 6 : paramètres échocardiographiques sous dobutamine des patients du groupe I Groupe IA (n=147) Groupe IB (n=23) p FEVG Simpson (%) Septum (mm) DTDVG (mm) 0,31 ± 0,09 13 ± 3 60 ± 8 0,32 ± 0,12 11 ± 2 64 ± 6 0,82 0,05 0,03 VES de base (mL) ∆VES au pic de dobutamine (mL) IC de base (L/Kg/m²) 49 ± 14 17 ± 6 59 ± 18 23 ± 9 0,001 0,0003 2,13 ± 0,60 2,15 ± 0,45 0,84 0,7 ± 0,2 0,4 ± 0,1 0,9 ± 0,1 0,5 ± 0,1 <0,0001 <0,0001 0,8 ± 0,2 1,3 ± 0,1 <0,0001 0,12 ± 0,12 28 ± 7 42 ± 12 0,34 ± 0,12 22 ± 8 32 ± 12 <0,0001 0,002 0,0002 49 ± 11 51 ± 20 0,68 SAO de base (cm²) SAO indexée de base (cm²/m²) SAO au pic de dobutamine (cm²) ∆SAO (cm²) GMT de base (mmHg) GMT au pic de dobutamine (mmHg) PAPS de base (mmHg) FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DTDVG : diamètre télédiastolique du VG ; VES : volume d’éjection systolique ; ∆VES : variation du VES entre sa valeur de base et au pic de dobutamine ; IC : index cardiaque ; SAO : surface aortique ; ∆SAO : variation de surface aortique entre sa valeur de base et au pic de dobutamine ; GMT : gradient moyen transvalvulaire aortique ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique. L’examen échocardiographique ne retrouvait pas de différence entre les 2 groupes en termes de fraction d’éjection ventriculaire gauche (Tableau 6). Dans le groupe IB, on observait une épaisseur septale moindre et un diamètre télédiastolique du VG plus élevé. Le volume d’éjection systolique à l’état basal de ces patients était plus élevé que dans le groupe IA. Au pic de dobutamine, on observait en cas de sténose pseudo-sévère, une élévation plus nette du volume d’éjection systolique. La dose de dobutamine administrée n’était pas différente entre les deux groupes (Tableau 6). Par définition, en cas de sténose pseudo-sévère, la surface aortique ainsi que le gradient moyen transvalvulaire aortique de base étaient plus faibles qu’en cas de sténose serrée. 40 Caractéristiques cliniques des patients du groupe I à l’inclusion Les caractéristiques cliniques à l’inclusion des patients du groupe I sont rapportées Tableau 7. Tableau 7 : caractéristiques cliniques des patients du groupe I à l’inclusion Groupe IA (n=147) Groupe IB (n=23) p 106 (72%) 71 ± 10 3,0 ± 0,7 34 (23%) 33 (22%) 25 (17%) 61 (41%) 22 (96%) 68 ± 11 2,9 ± 0,7 8 (35%) 7 (30%) 9 (39%) 15 (65%) 0,01 0,16 0,39 0,23 0,40 0,01 0,06 Monotroculaire (%) 22 (36%) 4 (27%) Bitronculaire (%) Tritronculaire (%) 10 (16%) 29 (48%) 5 (33%) 6 (40%) EuroScore Logistique EuroScore Standard 14 ± 12 8±3 14 ± 12 8±3 Sexe masculin (%) Age (années) Classe NYHA HTA (%) Diabète (%) IDM (%) Coronaropathie (%) 0,99 0,72 Les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère étaient plus souvent du sexe masculin que les patients atteints de sténose serrée. On retrouvait dans ce groupe plus d’antécédent d’infarctus du myocarde (p = 0,01) et une tendance à une atteinte coronarienne associée plus fréquente (p = 0,06). Il n’existait pas de différence en termes d’âge, de classe fonctionnelle NYHA ou d’incidence de l’HTA et du diabète entre les groupes IA et IB. Prise en charge thérapeutique des patients L’équipe en charge des patients décidait de l’attitude thérapeutique, médicale ou chirurgicale. Celle-ci est représentée, en fonction des groupes, Figure 18. 41 Figure 18 : Attitude thérapeutique en fonction du groupe selon la classification échocardiographique. * * 90% Incidence (%) 80% 70% 60% 74% 77% 17 113 68% 54 50% Traitement médical Série2 40% 30% 20% Série1 32% 26% 6 10% Traitement chirurgical 23% 26 34 0% 1 Groupe IB 2 Groupe IA 3 Groupe II ** ** n = 250 patients. * : p < 0,05. ** : p < 0,05. La proportion de patients traités chirurgicalement était significativement supérieure dans les groupes IA et II par rapport au groupe IB (p<0,0001 et p=0,0004 respectivement). La proportion de patients traités médicalement ou chirurgicalement n’était pas différente entre les groupes IA et II (p=0,13). Les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère ont été majoritairement traités médicalement (74% contre 26% traités chirurgicalement). Les proportions inverses ont été observées pour les patients des groupes IA et II. Eléments cliniques et échographiques influençant l’attitude thérapeutique Chez les patients présentant une sténose serrée fixée, le traitement chirurgical est plus volontiers proposé aux patients plus jeunes (p = 0,0006) et présentant un rétrécissement valvulaire hémodynamiquement plus sévère (surface aortique plus 42 faible, gradient moyen transvalvulaire plus élevé). L’EuroScore des patients opérés est plus bas que celui des patients traités médicalement (p = 0,002) (Tableau 8). Tableau 8 : caractéristiques cliniques et échocardiographiques des patients du groupe IA en fonction de l’attitude thérapeutique. Traitement chirurgical (n=113) Traitement médical (n=34) p Sexe masculin (%) Age (années) Classe NYHA HTA (%) Diabète (%) IDM (%) Coronaropathie (%) EuroScore Logistique EuroScore Standard 82 70 ± 10 3,0 ± 0,7 30 25 21 45 12,57 ± 11,54 8±3 24 76 ± 8 3,2 ± 0,6 4 8 4 16 18,97 ± 12,48 10 ± 3 0,82 0,0006 0,08 0,07 0,86 0,35 0,09 0,006 0,002 FEVG Simpson (%) Septum (mm) DTDVG (mm) VES de base (mL) SAO de base (cm²) SAO indexée de base (cm²/m²) GMT de base (mmHg) 0,32 ± 0,10 13 ± 3 59 ± 7 50 ± 14 0,7 ± 0,2 0,4 ± 0,1 0,29 ± 0,08 12 ± 2 62 ± 9 46 ± 13 0,8 ± 0,3 0,4 ± 0,1 0,17 0,21 0,06 0,16 0,04 0,009 29 ± 7 22 ± 8 <0,0001 FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DTDVG : diamètre télédiastolique du VG ; VES : volume d’éjection systolique ; SAO : surface aortique ; GMT : gradient moyen transvalvulaire aortique. Chez les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère, on ne retrouve aucun élément clinique ou échographique discriminant les patients opérés des non opérés (Tableau 9). 43 Tableau 9 : caractéristiques cliniques et échocardiographiques des patients du groupe IB en fonction de l’attitude thérapeutique. Traitement chirurgical (n=6) Traitement médical (n=17) p Sexe masculin (%) Age (années) Classe NYHA HTA (%) Diabète (%) IDM (%) Coronaropathie (%) EuroScore Logistique EuroScore Standard 6 63 ± 11 2,8 ± 0,8 2 2 1 4 14,18 ± 15,19 8±3 16 70 ± 11 2,9 ± 0,7 6 5 8 11 14,01 ± 18,84 8±3 0,54 0,20 0,74 0,93 0,86 0,34 0,30 0,98 0,87 FEVG Simpson (%) Septum (mm) DTDVG (mm) VES de base (mL) SAO de base (cm²) SAO indexée de base (cm²/m²) GMT de base (mmHg) 0,31 ± 0,08 11 ± 1 67 ± 8 65 ± 7 1,0 ± 0,1 0,6 ± 0,1 0,32 ± 0,13 11 ± 2 64 ± 6 57 ± 20 0,9 ± 0,2 0,5 ± 0,1 0,91 0,76 0,40 0,35 0,36 0,18 25 ± 5 22 ± 9 0,45 FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DTDVG : diamètre télédiastolique du VG ; VES : volume d’éjection systolique ; SAO : surface aortique ; GMT : gradient moyen transvalvulaire aortique. Mortalité à 24 mois La mortalité à 24 mois de l’ensemble de la population était significativement supérieure dans le groupe de patients traités médicalement (64%, 49/77 patients) que dans le groupe de patients traités chirurgicalement (23%, 40/173 patients, p < 0,0001). On observait la même surmortalité des patients traités médicalement dans les groupes IA et II, avec respectivement 71% (24/34 patients) et 73% (19/26 patients) de décès à 24 mois sous traitement médical, versus 18% (20/113 patients) et 35% (19/54 patients) de mortalité sous traitement chirurgical (p < 0,0001 et p = 0,002, respectivement). 44 A l’opposé, la mortalité à 24 mois dans le groupe IB n’était pas significativement différente en fonction de l’attitude thérapeutique : mortalité à 24 mois de 35% (6/17 patients) sous traitement médical versus 17% (1/6 patients) sous traitement chirurgical (p = 0,62). La Figure 19 représente la mortalité à 24 mois des patients en fonction du groupe et du choix thérapeutique. Sous traitement médical, la mortalité des patients des groupes IA et II était supérieure à celle des patients du groupe IB (p=0,02 et p=0,01, respectivement). Figure 19 : mortalité à 24 mois des patients en fonction du groupe et de l’attitude thérapeutique. ** * 80% Mortalité à 24 mois (%) 70% 71% 73% 24/34 19/26 19 24 60% NS 50% 40% 35% 30% 6/17 17 35% 19/54 20% 17% 18% 10% 1/6 20/113 19 20 6 0% 1 Groupe IB 2 Groupe IA NS NS n = 250 patients. * : p < 0,05. ** : p < 0,05. NS : différence non significative. 45 3 Groupe II Série1 Traitement médical Série2 Traitement chirurgical Pronostic à 24 mois des patients traités médicalement La Figure 20 représente la courbe de survie de Kaplan-Meier estimée chez les patients traités médicalement, selon le groupe (IA, IB ou II). Figure 20 : courbe de survie estimée de Kaplan-Meier chez les patients traités médicalement, en fonction de leur groupe. En analyse univariée, 3 caractéristiques cliniques sont prédictives de décès à 24 mois chez les patients traités médicalement : la sévérité de la coronaropathie, l’EuroScore et le groupe selon la classification de DeFilippi. Le fait d’appartenir au groupe IB est un facteur favorable de survie (Tableau 10). 46 Tableau 10 : résultats de l’analyse univariée pour les facteurs cliniques prédictifs potentiels de mortalité à 24 mois chez les patients traités médicalement. Décédés à 24 mois (n=49) Survivants à 24 mois (n=28) p 34 (69%) 76 ± 8 3,1 ± 0,6 10 (20%) 11 (22%) 13 (27%) 28 (57%) 23 (82%) 72 ± 9 2,9 ± 0,7 5 (18%) 6 (21%) 7 (25%) 15 (54%) Monotroculaire (%) 3 (11%) 5 (33%) Bitronculaire (%) 7 (25%) 7 (47%) 0,22 0,06 0,11 0,79 0,92 0,88 0,76 0,07 0,15 Tritronculaire (%) 18 (64%) 3 (20%) 0,01 EuroScore Standard EuroScore Logistique Groupe : 10 ± 2 21 ± 11 8±3 12 ± 10 0,0005 0,003 IA (%) 24 (71%) 10 (29%) IB (%) 6 (35%) 11 (65%) II (%) 19 (73%) 7 (27%) 0,26 0,006 0,22 Sexe masculin (%) Age (années) Classe NYHA HTA (%) Diabète (%) IDM (%) Coronaropathie : Sur le plan échocardiographique, 3 paramètres sont prédictifs de décès à 24 mois chez les patients traités médicalement : une fraction d’éjection basse, une surface aortique de base faible et une pression artérielle pulmonaire de base élevée (Tableau 11). 47 Tableau 11 : résultats de l’analyse univariée pour les facteurs échographiques prédictifs potentiels de mortalité à 24 mois chez les patients traités médicalement. FEVG Simpson DTDVG (mm) SAO de base (cm²) GMT de base (mmHg) PAPS de base (mmHg) Décédés à 24 mois (n=44) Survivants à 24 mois (n=103) p 0,27 ± 0,08 61 ± 9 0,9 ± 0,2 22 ± 7 53 ± 11 0,33 ± 0,10 61 ± 7 1,1 ± 0,2 22 ± 8 44 ± 13 0,006 0,82 0,0006 0,99 0,04 FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DTDVG : diamètre télédiastolique du VG ; SAO : surface aortique ; GMT : gradient moyen transvalvulaire aortique ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique. Ces différents facteurs prédictifs de mortalité à 24 mois ont été intégrés dans un modèle multivarié de mortalité à 24 mois. Pour l’ensemble de la population traitée médicalement, un EuroScore standard supérieur ou égal à 10 était un facteur prédictif indépendant de mortalité à 24 mois avec un risque relatif de 4,8 (intervalle de confiance à 95% [1,6 - 14,7], p = 0,006). Dans cette même population de patients traités médicalement, l’appartenance au groupe IB était un facteur protecteur indépendant de mortalité à 24 mois avec un risque relatif de 0,2 (intervalle de confiance à 95% [0,07 – 0,7], p = 0,009). 48 DISCUSSION Incidence de la sténose aortique pseudo-sévère Dans une population de 250 patients porteurs d’une sténose aortique serrée symptomatique en bas débit, avec un gradient moyen transvalvulaire inférieur à 40 mmHg, l’échocardiographie-dobutamine a identifié dans cette étude 23 patients (9% de l’effectif) comme porteurs d’une sténose pseudo-sévère. Cette incidence est plus faible que dans la majorité des études publiées (11, 15, 23, 25, 41) où l’incidence moyenne était de 16%, allant de 5 à 35% (Tableau 5). Néanmoins, les critères diagnostiques rapportés dans la littérature étaient différents suivant les études. Les critères diagnostiques de sténose pseudo-sévère qui ont été utilisés dans ce travail sont les plus stricts, prenant en compte la surface aortique finale et l’amplitude de l’augmentation de surface aortique sous dobutamine. Ainsi, la surface aortique finale était de 1,3 + 0,1 cm² dans ce travail (Tableau 6), supérieure aux surfaces finales sous dobutamine rapportées dans les autres séries (1,08 + 0,20 cm² selon Blais et coll., 1,1 cm² selon DeFilippi et coll., 1,1 + 0,08 cm² selon Schwammenthal et coll.). Lorsque l’on applique les critères diagnostiques de sténose pseudo-sévère employés par DeFilippi et coll. ou Zupirolli et coll. (25, 41), soit une augmentation de la surface aortique sous dobutamine au moins égale à 0,3 cm², l’incidence de la sténose pseudo-sévère dans notre population atteint 14% (34 patients). Si on utilise les critères diagnostic rapportés par Monin et coll. ou Schwammenthal et coll. (15, 23), soit la combinaison d’une surface aortique finale supérieure ou égale à 1 cm² et l’augmentation de la surface aortique sous dobutamine au moins égale à 0,3 cm², on observe une incidence de la sténose pseudo-sévère de 11% (28 patients). Enfin, en s’appuyant sur la publication de Nishimura et coll. (11), portant le diagnostic de sténose relative lorsque la surface finale est supérieure ou égale à 1,2 cm² ou que le gradient moyen transvalvulaire aortique sous dobutamine est inférieur ou égal à 30 mmHg, l’incidence dans notre étude atteint 18% (46 patients). Dans cette étude, 6 patients classés en pré-opératoire dans le groupe IB au vue des données de l’échocardiographie-dobutamine ont bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique. En per-opératoire, le chirurgien a classé à 49 l’inspection des valves explantées 3 de ces patients comme présentant une sténose serrée et les 3 autres une sténose moyennement serrée. Ainsi, l’incidence du point de vue chirurgicale de la sténose pseudo-sévère est peut être plus faible encore. Néanmoins, nous ne disposons pas de critères chirurgicaux standardisés pour classer la sévérité des sténoses aortiques, et notamment nous ne disposons pas pour ces 6 patients du poids des valves explantées. La distinction entre une sténose aortique sévère et pseudo-sévère chez des patients porteurs d’un rétrécissement aortique en bas débit pose donc un problème diagnostique. Les critères définissant la sténose pseudo-sévère lors de l’échocardiographie-dobutamine ne sont pas clairement identifiés et on manque de confrontation échographique et chirurgicale pour affiner ces critères. D’autres outils sont en cours d’évaluation afin d’établir la sévérité de la sténose dans ce groupe de patients présentant une défaillance cardiaque (44, 45). Caractéristiques cliniques des patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère Sur le plan clinique, comparé au groupe IA, les patients du groupe IB sont plus souvent porteurs d’une cardiopathie ischémique associée au rétrécissement aortique (Tableau 7). De plus, sur le plan morphologique, l’hypertrophie septale est moins marquée alors que le ventricule gauche est plus volontiers dilaté que pour les patients du groupe IA (Tableau 6). Ces constations semblent corroborer l’hypothèse que les patients atteints d’une sténose pseudo-sévère sont avant tout porteurs d’une cardiomyopathie d’une autre cause, et notamment ischémique, associée à la valvulopathie, et que l’afterload mismatch n’est pas le mécanisme prépondérant de la dysfonction ventriculaire gauche. On observait, sous dobutamine, chez les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère, une élévation plus nette du volume d’éjection systolique (Tableau 6). Ainsi, la dose de dobutamine étant semblable dans les 2 groupes, les patients du groupe IB paraissaient avoir une meilleure réserve contractile que les patients du groupe IA. Enfin, à l’état basal, les patients du groupe IB présentaient une sténose aortique moins sévère que dans le groupe IA, avec une surface aortique 50 significativement plus élevée et un gradient moyen transvalvulaire plus bas. Un seul patient du groupe IB avait une surface aortique de base inférieure à 0,7 cm². Prise en charge thérapeutique des patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère Le choix thérapeutique revenait dans cette étude aux cliniciens en charge des patients, qui avaient connaissance des données de l’échocardiographie-dobutamine. Six patients, soit 26% de l’effectif, ont été traités chirurgicalement. Il s’agit de la plus importante série rapportée de patients du groupe IB ayant bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique. Le faible effectif des patients opérés n’a pas permis de mettre en évidence d’élément discrimant les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère proposés pour la chirurgie de ceux traités médicalement d’emblée. Il n’existe à l’heure actuelle aucune recommandation quant à la stratégie thérapeutique à appliquer chez les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère. L’attitude habituelle privilégie le traitement médical en l’absence de données publiées (47). Ainsi dans la littérature, 1 seul patient porteur d’une sténose pseudo-sévère investigué en préopératoire par échographie-dobutamine avait bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique ; 97% des cas décrits avaient été traités médicalement. Soixante dix-sept pour cent des patients de cette étude porteurs d’une sténose aortique fixée (IA) ont été traités chirurgicalement, une proportion que l’on retrouve dans la littérature. En revanche, 68% des patients de ce travail sans réserve contractile ont bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique ; ce chiffre, plus élevé que dans les autres études (en moyenne, le traitement chirurgical concernait 56% des patients du groupe II, Figure 16), témoigne probablement d’une tendance plus interventionnelle chez ces patients, en accord avec de récentes publications incitant à des indications chirurgicales plus larges (21, 26). 51 Pronostic des patients porteurs d’une sténose aortique pseudosévère A la différence des groupes IA et II, on ne met pas en évidence de surmortalité chez les patients atteints d’une sténose pseudo-sévère et traités médicalement. Le faible effectif des patients du groupe IB ayant bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique n’a pas permis de mettre en évidence une différence de mortalité dans ce groupe en fonction du traitement. Sous traitement médical, la mortalité à 24 mois des patients des groupes IA (63%) et II (72%) était supérieure à celle des patients du groupe IB (p=0,02 et p=0,01, respectivement) (Figure 19). La courbe de survie de Kaplan-Meier met en évidence la différence en termes de pronostic des patients traités médicalement (Figure 20) : les patients du groupe IB ont une survie estimée à 24 mois significativement supérieure aux patients IA et II. Le pronostic catastrophique des patients présentant une sténose aortique en bas débit et traités de manière conservatrice ne s’applique ainsi pas aux sténoses pseudo-sévères. La mortalité à 24 mois dans ce groupe était de 35%, très inférieure aux chiffres de mortalité rapportés dans la littérature, en moyenne 50% à 20 mois de suivi (Tableau 5) (11, 15, 23, 25, 41). La différence de pronostic de cette étude avec les publications plus anciennes (11, 15, 23, 25, 41) s’explique probablement par une meilleure prise en charge médicale des patients présentant une insuffisance cardiaque systolique, en particulier depuis les années 2000 et l’utilisation à grande échelle des béta-bloquants (52, 53). En effet, dans ce travail, plus de la moitié des patients ont été inclus à partir de l’an 2000 (158 patients, 63%) alors que DeFilippi et coll. ont inclus avant 1994 (25), Schwammenthal et coll. et Nishimura et coll. avant 2000 (11, 23). De plus, ce chiffre se rapproche du taux de mortalité du groupe contrôle de l’étude CARE-HF, c’est-à-dire des patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG < 35%) symptomatique traités médicalement : mortalité à 29 mois de 30% (48). 52 Impact thérapeutique du diagnostic par échocardiographie à la dobutamine d’une sténose pseudo-sévère Ainsi, cette étude met en évidence une différence majeure en terme de pronostic au sein de la population de patients présentant un rétrécissement aortique en bas débit. Alors qu’il est établi que les patients des groupes IA et II ont un meilleur pronostic s’ils bénéficient d’un remplacement valvulaire aortique, les patients du groupe IB ont un pronostic comparable à une population d’insuffisants cardiaques symptomatiques sans sténose valvulaire lorsqu’ils sont traités médicalement. L’identification des porteurs d’une sténose pseudo-sévère parmi les patients présentant un rétrécissement aortique en bas débit revêt donc une importance capitale pour décider de la prise en charge thérapeutique. Alors que les patients des groupes IA et II seront préférentiellement adressés pour la chirurgie, les patients du groupe IB relèveront avant tout d’une prise en charge médicale de leur insuffisance cardiaque. L’échocardiographie-dobutamine a été le premier outil diagnostique permettant de différencier les sténoses sévères fixées et pseudo-sévères (25). L’importance en pratique clinique d’identifier les sténoses pseudo-sévères parmi les patients présentant un RA en bas débit doit inciter à en améliorer les performances diagnostiques. L’utilisation d’un nouveau paramètre échocardiographique comme la « surface valvulaire projetée » (39) pourrait, s’il s’avère réalisable en pratique courante, être très utile dans cette indication. D’autre part, d’autres types d’outils diagnostiques sont en cours d’évaluation pour identifier ces patients (44, 45). Limites de l’étude La principale limite de cette étude réside dans le faible effectif des patients porteurs d’une sténose aortique pseudo-sévère, et en particulier dans le groupe de patients traités chirurgicalement. Il s’agit d’une condition peut fréquente, puisque touchant 9% des patients présentant un rétrécissement aortique en bas débit, représentant eux-mêmes moins de 5% des rétrécissements aortiques (5). Ainsi, la population de cette étude représente la plus large cohorte de patients du groupe IB décrite dans la littérature. Quant aux patients de ce groupe traités chirurgicalement, un seul cas avait été jusqu’alors rapporté (15). Ce faible effectif n’a pas permis de 53 comparer le pronostic de ces patients sous traitement médical versus traitement chirurgical. D’autre part, les inclusions ayant débuté en 1993, aucun des patients de l’étude n’a bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique percutané (54). Il est possible qu’un certain nombre de patients traités médicalement à l’époque de leur inclusion, aient aujourd’hui bénéficié de cette technique. Enfin, nous ne disposons pas de critères standardisés et quantitatifs permettant aux chirurgiens de coter la sévérité de la sténose des valves explantées. Ceci aurait permis de confronter le diagnostic échocardiographique et chirurgical de sténose sévère et pseudo-sévère. 54 CONCLUSION La prise en charge des patients porteurs d’un rétrécissement aortique en bas débit cardiaque représente un véritable challenge tant sur le plan diagnostique, pour évaluer la sévérité de la sténose, que thérapeutique. La sténose aortique pseudo-sévère est une situation peu fréquente mais dont le pronostic semble différent de celui des autres patients. Alors que les patients porteurs d’une sténose serrée fixée (groupe IA) ou sans réserve contractile (groupe II) ont un pronostic catastrophique sous traitement médical, les patients porteurs d’une sténose pseudo-sévère (groupe IB) ont dans ces conditions une survie proche de celle des patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche symptomatique sans valvulopathie associée. L’optimisation du traitement médical semble ainsi être le principal objectif thérapeutique chez les porteurs d’une sténose pseudo-sévère. Leur identification, parmi les patients présentant un rétrécissement aortique en bas débit est donc capitale. L’échocardiographie-dobutamine est un outil diagnostic indispensable pour évaluer la sévérité de la sténose aortique dans ces conditions. Néanmoins, les critères définissant la sténose pseudo-sévère ne sont pas clairement définis et des paramètres échographiques plus complexes comme la surface aortique projetée doivent faire leur preuve en pratique clinique. 55 BIBLIOGRAPHIE 1. Lindroos M, Kupari M, Heikkila J, Tilvis R. Prevalence of aortic valve abnormalities in the elderly: an echocardiographic study of a random population sample. J Am Coll Cardiol. 1993 Apr;21(5):1220-5. 2. Bonow RO, Carabello BA, Chatterjee K, de Leon AC, Jr., Faxon DP, Freed MD, et al. 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