Revue PMP Appel Espaces innovation en santé

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Revue PMP Appel Espaces innovation en santé
 Revue Politiques et Management Public Appel à contributions pour un numéro spécial Thème : « Les espaces favorables à l’innovation dans le champ de la santé et des politiques publiques : de l’émergence à la diffusion » Coordinateurs : Corinne Grenier (KEDGE BS, France) et Jean-­‐Louis Denis (ENAP, Montréal, Canada) Date limite d’envoi des intentions : 20 décembre 2016 Date de parution du numéro : 3ème semestre 2017 Attendus Les textes respecteront l’esprit et les normes de rédaction de la revue explicités dans le document joint. La diversité des échelles, disciplines et méthodes des approches sera appréciée. Les propositions d’articles sont à déposer sur la plateforme Lavoisier en précisant qu'elles sont destinées à ce numéro spécial : http://lavoisier.fontismedia.com/pmp/index_author.php (voir également sur le site les Consignes aux auteurs pour la longueur et la mise en forme des intentions) Texte de l’appel La transformation des champs réputés fortement institutionnalisés, tels qu’est celui de la santé (prise en charge / accompagnement des patients / usagers), questionne la capacité à faire émerger, pérenniser et diffuser des innovations capables d’agir sur les structures organisationnelles, valeurs, normes, agencements réglementaires, allocation de ressources et finalement sur les pratiques… qui tendent à empêcher ou limiter l’innovation. C’est donc très généralement d’une part la capacité à innover et d’autre part la capacité de ces innovations à transformer durablement le système de santé (ou tout autre champ fortement institutionnalisé et cloisonné) qui sont ici questionnées, que ces innovations et transformations soient impulsées par des politiques publiques ou qu’elles émergent des acteurs de terrains, considérant que, in fine, les dynamiques de transformations procèdent d’une interdépendance et d’un alignement sur le long terme entre ces deux trajectoires. Parmi les nombreuses perspectives et travaux scientifiques qui interrogent la capacité à innover, nous retenons le prisme de l’espace favorable aux innovations. Ce terme d’espace est volontairement générique et large pour embrasser tout dispositif, plus ou moins formel et plus ou moins structuré, que cet espace ait été impulsé par des politiques publiques ou des dispositifs réglementaires, encouragé par des organisations ou réseaux d’organisations, ou encore émergeant d’initiatives locales. Dit largement, nous considérons que l’espace renvoie à un espace qui peut être physique ou symbolique et métaphorique, qui structure plus ou moins durablement les relations entre des acteurs d’un environnement plus large, qui appartiennent à des univers différents (mondes 1 professionnels, univers institutionnels, organisations etc…), qui ont le souhait de s’engager pour provoquer, expérimenter ou diffuser des innovations et changer durablement leur environnement. L’espace délimite (et identifie) en quelque sorte ceux qui participent à ces aventures collectives. Il est alors le produit tout autant qu’il produit une multitude d’expériences managériales, méthodologiques et décisionnelles, et instrumentées pour y parvenir. Sans proposer ici une revue de littérature exhaustive car abondante sur ces espaces, peut-­‐on noter combien ils sont embrassés à travers une grande variété de regards : -­‐ des espaces visant l’exploration de nouvelles idées ou de nouveaux concepts, tels que les plates-­‐formes expérimentales (Cartel et al., 2012), des espaces de conception (Hatchuel, 2004), des espaces dits expérimentaux selon Zietsma et Lawrence (2010), ou encore les communautés créatives (Dubois, 2015) et collectifs créatifs (Cohendet et Simon, 2008 ; Simon, 2009), les écosystèmes entrepreneuriaux performants (Isenberg, 2011 ; Moore, 1993) qui portent l’attention sur les relations entre entrepreneurs et laboratoires de recherche, acteurs privés et publics… ; d’autres travaux s’intéressent aux espaces comme promoteurs de solutions, cherchant par exemple à interroger comment les rendre auditables dans leur environnement (Cartel, 2013) ; -­‐ des espaces dont la pérennité et la visibilité seraient une caractéristique constitutive de leur efficience, tandis que, pour d’autres travaux, ce serait davantage par des espaces « cachés » (notion de protected space selon Guérard et Seidl, 2013) que l’innovation, parce qu’entendue comme une déviance, ou portée par des acteurs faiblement dotés en ressources, pourrait être soutenue ; -­‐ des approches théoriques très variées pour donner une grille de lecture de ce que sont ces espaces et par exemple : des modes de gouvernance spécifiques (Zietsma et Lawrence, 2010) qui reposent notamment sur un travail institutionnel de frontière et aux frontières pour créer de nouvelles relations entre acteurs et ainsi une zone de protection favorable à des expérimentations, ou des dispositifs d’action collective qui permettent d’interroger les instrumentations spécifiques pour conduire l’action collective et « produire de nouvelles capacités » (Aggeri et Labatut, 2010 ), des manières de favoriser la recombinaison de ressources (Garud et Kanoe, 2003)…. ; -­‐ d’autres travaux portent attention aux approches méthodologiques qui y sont déployées pour favoriser l’innovation, telles que par ex. le travail aux frontières (comme mentionné plus haut), le bricolage collectif (Cartel et al., 2014 ; Garud et Karnoe, 2003)) ou le design thinking (Brown, 2008). Mieux comprendre l’innovation dans le champ de la santé par le prisme de l’espace pose encore à ce jour de nombreuses questions et nous en avons retenu trois dans le cadre de ce numéro spécial : 1) – Processus et mécanismes rendant possibles l’innovation au sein d’espaces Les espaces étudiés dans la littérature semblent osciller entre : visibilité / invisibilité ; permanence / moment expérimental (Muniesa et Callon, 2007). Leur objet même semble celui de l’innovation qu’ils sont supposés favoriser, tandis que d’autres travaux mettent davantage l’accent sur des habiletés méthodologiques et des pratiques spécifiques (de frontière par exemple) que les espaces peuvent favoriser, comme conditions favorables aux innovations. Ce dernier regard est celui, par exemple, adopté par Dougherty et Dunne (2010) qui proposent comment une « écologie » peut favoriser des innovations grâce au déploiement de trois processus spécifiques. L’accent est ainsi mis sur l’output désiré (l’innovation comme pouvant transformer un champ fortement institutionnalisé) ou sur des processus et mécanismes spécifiques permettant d’atteindre cet output. Cela met également l’accent sur le fait que l’espace ne peut durablement transformer un tel système s’il n’est pas avant tout un espace à fabriquer des aptitudes à innover, voire à créer des 2 opportunités de rencontres et d’émergence de « l’improbable ». Dès lors, la génération d’innovations est-­‐elle soutenue par une dynamique de trajectoires de projet, une dynamique de pratiques et d’habiletés ou encore une mise en réseau de pratiques entrepreneuriales comme mode de dissémination (Agterberg et al., 2010) ? Plusieurs questions (non limitatives) pourront être soulevées, relatives aux processus et mécanismes pour rendre possible l’innovation, mais aussi sa dissémination : l’espace appréhendé en termes de trajectoires de pratiques, d’innovations ou d’entrepreneurs (acteurs, organisations etc…) ; l’espace appréhendé en termes d’outils, de méthodologies et de mise en relations pour stimuler de nouvelles pratiques, de nouvelles habiletés méthodologiques ; l’espace comme promoteur de « surprises » comme autant d’occasions de susciter ces trajectoires ; la coconstruction de ces alternatives entre innovations et pratiques / habiletés à innover. 2) – Management, gouvernance et leadership des espaces entre protection et isolement Il est attendu de ces espaces qu’ils créent des conditions favorables pour innover ou générer des habiletés méthodologiques et managériales, des pratiques permettant l’innovation, et des formes de régulation conjointe entre prescription de comportements par des normes ou des règles extérieures à l’espace, et régulation autonome, souvent défensive (Grenier, 2014). Parce qu’il faut innover dans la gouvernance pour innover dans les services (Moore et Hartley, 2008). Mais faut-­‐il encore que ces espaces ne tombent pas dans une sorte de piège dit de l’isolement, au risque de perdre ou d’affaiblir la visée transformatrice du champ qui est celle avec laquelle nous étudions cette question des espaces. De nombreux travaux nous proposent des formes spécifiques de gouvernance (Ansell et Gash, 2008 ; Bamford-­‐Wade et Moss, 2010) et de leadership (Denis et al., 2012) des modes d’action collective et de dispositifs davantage organisés en vue de favoriser l’innovation. Mais très majoritairement questionnent-­‐ils comment ces mécanismes et arrangements peuvent soutenir des espaces favorables aux innovations d’un point de vue internaliste, à savoir en vue de soutenir le travail d’innovation entre les acteurs qui y participent, au-­‐delà de compétences et de profils professionnels variés qui tendent naturellement à limiter l’intercompréhension (Carlile, 2004) et l’action collective. C’est donc également un point de vue externaliste qui peut être discuté pour examiner comment gouvernance et leadership peuvent soutenir la protection des espaces tout autant qu’éviter leur isolement. L’enjeu de cette articulation entre protection et ouverture est double. D’une part, et à l’instar d’Hargadon et Douglas (2001), l’on peut considérer que l’innovation s’inscrit toujours partiellement dans les cadres institutionnels qu’elle entend modifier ; il n’y a jamais rupture brutale, mais une certaine continuité de manière à pouvoir faciliter l’acceptation de l’innovation, tout autant que préserver des pratiques et des connaissances jugées pertinentes. D’autre part, le champ doit établir des formes originales de connexion afin de faciliter la diffusion des innovations (Grenier, 2014) et des processus transformateurs plus durables du champ tout entier. Ce second thème entend questionner comment management (et compétence managériale) gouvernance et leadership peuvent soutenir la transformation du champ, par la diffusion des innovations ou pratiques et habiletés à innover. Il questionnera leurs caractéristiques et mécanismes entre confinement des acteurs (Guérard et al., 2012) et irrigation transformatrice du champ. 3) – Capitaliser et diffuser des espaces favorables aux innovations Ce troisième thème questionne les modalités de pérennisation et de diffusion de ces espaces transformateurs dans un champ qui, parce que fortement institutionnalisé, doit très certainement « être attaqué » de multiples manières et en de multiples lieux. C’est donc les questions de capitalisation et de diffusion des espaces eux-­‐mêmes qui sont ici posées ; considérant que l’on puisse transformer un champ en re-­‐localisant en différents territoires de tels espaces. Considérant ainsi que l’espace deviendrait alors le substrat politique (gouvernance), méthodologique et sociocognitif (connaissances, pratiques) de la transformation durable du champ, de nombreuses questions 3 émergent que les contributions à ce numéro spécial pourraient investir. Ainsi, l’espace est lui-­‐même une innovation particulière dont la diffusion requière des approches spécifiques de re-­‐
contextualisation entre imitation et spécificités contextuelles (Sahlin et Wedlin, 2008) ; une approche serait alors une mise en réseau des compétences et habiletés à faire émerger et structurer de tels espaces entre acteurs désireux de se les approprier (Agterberg, 2010). Un autre questionnement pourrait avoir trait au grain territorial pertinent pour attaquer durablement le champ. Pour ce numéro spécial, sont attendues des contributions qui analysent ces différents aspects d’un espace favorable à l’innovation. Des contributions relatant des expériences hors du champ de la santé, mais dont l’environnement général présente les caractéristiques similaires à ce dernier (forte institutionnalisation, cloisonnement institutionnel, organisationnel ou professionnel, rôle majeur de régulation des politiques publiques…) sont les bienvenues. Préférence sera donnée aux travaux étudiant ces thématiques à partir d’une base empirique originale, mais des travaux plus analytiques ou conceptuels pourront également être examinés. Références -­‐ Aggeri, F., Labatut, J. (2010), « La gestion au prisme de ses instruments. Une analyse généalogique des approches théoriques fondées sur les instruments de gestion », Finance, contrôle, stratégie, vol 13/3 p. 5-­‐37. -­‐ Agterberg, M., Van den Hooff, B., Huysman, M., Soekijad, M. (2010). “Keeping the wheels turning: The dynamics of managing networks of practice”, Journal of Management Studies, Vol.47(1), p. 85-­‐
108; -­‐ Ansell C. et Gash A. (2008), “Collaborative Governance in Theory and Practice”, Public administration Research and Theory, vol 18/4, p. 543-­‐571 -­‐ Bamford-­‐Wade A. et Moss C., (2010), “Transformational leadership and shared governance: an action study”, Journal of Nursing Management, vol 18, p. 815–821 -­‐ Brown (2008), “Design Thinking”, Harvard Business Review, 86/6, 84–95 -­‐ Carlile P. (2004). “Transferring, translating and transforming: An integrative framework for managing knowledge across boundaries”, Organization Science, vol. 15, n° 5, p. 555-­‐568. -­‐ Cartel M. (2013), La fabrique de l'innovation institutionnelle : les marchés du carbone comme champs d'expérimentations managériales, thèse de doctorat, Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris -­‐ Cartel M., Boxenbaum E. et Aggeri F. (2014), « Policy making as bricolage: the role of plat-­‐ forms in institutional innovation. EGOS, July, Rotterdam, Netherlands -­‐ Cohendet P. et Simon L. (2008). «Knowledge Intensive Firms, Communities and Creative Cities». (Chapitre 9), in Amin, A. et J. Roberts (éditeurs). Community, Economic Creativity, and Organization. Oxford University Press -­‐ Denis, J. L., Langley, A., & Sergi, V. (2012), “Leadership in the plural”, The Academy of Management Annals, 6(1), 211-­‐283. -­‐ Dougherty D. et Dunne D. (2011), “Organizing ecologies of complex innovation”, Organization Science, 22/5, p. 1214-­‐23 -­‐ Dubois L. E. (2015), Le pilotage de la genèse de communautés créatives par le co-­‐design : contextes, dynamiques et organisation, thèse de doctorat, Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris -­‐ Garud R. et Karnøe P. (2003), « Bricolage versus breakthrough: distributed and embedded agency in technology entrepreneurship ». Research policy 32 (2), p. 277-­‐300. -­‐ Guérard S. et Seidl D., 2013), « Spaces of Institutional Work: A Wonder Drug and the Single Technology Appraisal Procedure in UK », Academy of Management Proceedings, 2013 -­‐ Guérard S., Seidl D. et Dimitrova B. (2012), « Spaces of institutional work the case of the wonder drug for breast cancer in UK », EGOS, Helsinki. 4 -­‐ Grenier C. (2014), « Proposition d’un modèle d’espaces favorables aux habiletés stratégiques”, Journal de Gestion et d’Economie Médicales, vol 32/1, p. 3-­‐11 -­‐ Hargadon, A. et Douglas, Y. (2001), « When innovations meet institutions: edison and the design of the electric light”, Administrative Science Quarterly, 46, pp. 476-­‐501. -­‐ Hatchuel A. (2004), « Apprentissages collectifs et activités de conception ». Revue française de gestion, vol 99, p. 109-­‐120. -­‐ Isenberg, D. (2011). The Entrepreneurship Ecosystem Strategy as a New Paradigm for Economic Policy: Principles for Cultivating Entrepreneurship. Retrieved June 12, 2011, from http://entrepreneurial-­‐revolution.com/wp-­‐content/uploads/2011/06/The-­‐
entrepreneurshipecosystem-­‐strategy-­‐for-­‐economic-­‐growth-­‐policy.pd -­‐ Muniesa F. et Callon M. (2007), « Economic experiments and the construction of markets ». In Do economists make markets? On the performativity of economics, by Donald MacKenzie, Fabian Muniesa, et Lucia Siu, 161-­‐189. UK: Princeton UniversityPress. -­‐ Sahlin K. et Wedlin L. (2008), « Circulating ideas : imitation, translation and editing », chap 8, in Greenwood R., Olivier C., Suddaby R. Sahlin K. (eds), the Sage Handbook of Organizational Institutionalism, p. 218-­‐242 -­‐ Simon L. (2009), “Underground, upperground et middle-­‐ground : les collectifs créatifs et la capacité créative de la ville », Management international, vol. 13, p. 37-­‐51 -­‐ Zietsma, C. et Lawrence, T. (2010). ‘Institutional work in the transformation of an organizational field: The interplay of boundary work and practice work’, Administrative Science Quarterly, 55, pp. 189-­‐221. 5