Gafa + Microsoft = 2.240 milliards de dollars.

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Gafa + Microsoft = 2.240 milliards de dollars.
CHRONIQUE ECONOMIQUE
PAR HUBERT TASSIN
Gaspal Gestion
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« Gafa » + Microsoft = 2.240 milliards de dollars. Est-ce dangereux ?
Derrière les variations boursières au jour le jour : la valorisation des géants de l’internet
Un air de bulle flotte sur le Nasdaq : le cas des biotech est bien différent de celui des technologies de l’information
Depuis le début de l’année les cinq champions ont « créé » une valeur boursière équivalente à 19 % du PIB français
Les grands du secteur numérique tirent l’ensemble du secteur
La vulnérabilité face à une hausse des taux n’est pas la même pour les nouveaux entrants et les « maîtres du monde »
La première des barrières à l’entrée dans la mutation numérique, c’est la puissance : Big is beautiful
« Gafa » + Microsoft = 2.240 milliards de dollars.
Est-ce dangereux ?
Derrière l'actualité des marchés financiers sous l'influence cumulée et interactive des
banques centrales et des statistiques économiques, on en vient à oublier ce qui est
l'essence des Bourses : l'évaluation des actifs, être le thermomètre de l'avenir. On
doit prendre évidemment le recul nécessaire face à une volatilité entretenue et à des
réactions trop rapides sanctionnant tel ou tel événement, telle ou telle publication. Les
cours affichés traduisent par construction une anticipation de l'avenir, qu'il soit celui
de la perception des investisseurs finaux ou, tout de même, de la réalité
microéconomique. Nous avons regardé cette semaine une réalité financière qui est
en partie occultée par la vision globale des tendances : la valorisation des géants de
l'internet.
L'indice Nasdaq 100 donne une idée de l’appétence des investisseurs pour les
valeurs technologiques : il affiche une progression de près de 10 % depuis le début
de l'année et se situe à moins de 1% de son niveau record établit le 20 juillet. Il l'a
même pratiquement retrouvé le 28 octobre. Le krach de 2000 est effacé, la bulle
rattrapée et au-delà.
C'est un air de bulle qui flotte forcément sur le compartiment technologique américain.
Évidemment, sept ans de croissance de l'économie des États-Unis donnent des effets
sur les résultats qui permettent de justifier aujourd'hui les anticipations d'il y a quinze
ans. Cependant, les ratios observés sur le secteur biotechnologique apparaissent
comme un retour à une « Bourse- loterie » : on parie sur les phases d'étude, puis
d'homologation de tel ou tel traitement, pas même sur sa rentabilité finale. Il y a un
peu plus d'un an, Janet Yellen, la patronne de la Réserve Fédérale, pointait des
valorisations « tendues » pour le secteur. Cela ne s'est pas calmé depuis.
Le cas des sociétés « liées aux réseaux sociaux » qui complétaient alors
l'avertissement de la présidente de la Fed est assez différent sur le fond puisqu'il
Un air de bulle flotte sur le Nasdaq
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02 Novembre 2015
CHRONIQUE ECONOMIQUE
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s'agit de prendre un pari sur un modèle économique et pas de supporter l’aléa d'une
recherche pharmaceutique. Cela dit, les injections monétaires continues de la banque
centrale et le maintien de taux directeurs à zéro ont donné du carburant aux
anticipations, donc à une spéculation qui est mesurée par les indices du Nasdaq.
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mondiaux, ont une valeur cumulée inférieure à 60% de celles des cinq champions de
l'internet.
Des ratios déraisonnables pour les nouveaux entrants,
justifiables pour les « maîtres du monde » : very big is very
beautiful !
Quatre groupes pèsent en Bourse 60 % du PIB de la France
À la publication des résultats trimestriels, l'actualité s'est focalisée sur les géants
d'internet. Sans s'attacher aux performances, le constat boursier suffit à montrer les
enjeux. Les actions des grands du secteur, les fameux « Gafa » (pour Google, Apple,
Facebook et Amazon) affichent une progression de 13 % en mois. C'est beaucoup,
mais les chiffres en cause précisent les choses : les capitalisations se sont
appréciées de 213 milliards de dollars. Aujourd'hui, les quatre sociétés capitalisent
plus de 1.800 milliards de dollars : les deux tiers du produit intérieur brut de la France.
Cela vaut le coup de s'arrêter à la traduction financière de la vraie mutation de la vie
quotidienne de pratiquement tout le monde sur la planète. Apple (près 681 milliards
de dollars de capitalisation) est la compagnie la plus chère au monde. Elle est suivie
par Alphabet (la holding qui contrôle Google), qui affiche 560 milliards de dollars.
Facebook et Amazon font figure de compléments avec 290 milliards chacun. Si on
ajoute Microsoft (420 milliards de dollars) à ces Gafa, le poids boursier de 2.240
milliards de dollars des cinq groupes a progressé d'un tiers depuis le début de l'année
: une richesse « créée » de 542 milliards de dollars, 19 % du PIB français.
Que dire sinon comparer avec les géants mondiaux de secteurs plus établis – et plus
rentables ? Le pétrole ? Exxon vaut 345 milliards de dollars et Total 119 milliards. La
banque ? Wells Fargo capitalise 278 milliards et BNP Paribas 76. Les produits de
consommation ? 243 milliards pour Nestlé, 103 pour L'Oréal. La pharmacie ?
Johnson et Johnson affiche 280 milliards, Sanofi, 135. L’industrie : 274 milliards du
côté de General Electric, 50 pour Airbus. L'automobile ? 174 milliards pour Toyota,
encore 63 pour Volkswagen. La litanie montre bien le potentiel attaché au numérique,
à internet, à la mobilité. Les 40 sociétés du CAC 40, qui compte des leaders
Les grands tirent le secteur et les valeurs « de second plan » (capitalisations
comprises entre 17 et 35 milliards de dollars) affichent des performances parallèles.
Les actions LinkedIn, Ebay, twitter et Yahoo ! ont gagné 30 % depuis janvier dont 18
% au cours du mois d'octobre. Est-on en face de la hausse saine basée sur la réalité
des performances économiques en comparaison avec les excès d’anticipation de la
bulle des années 2000 ? Doit-on au contraire craindre les effets d'un relèvement des
taux d'intérêt qui renchérirait le coût de la spéculation ?
Bien sûr, les excès de valorisation sont là. Mais ils se concentrent sur les compagnies
qui sont encore des paris. On pense évidemment aux 26 milliards d’AirBnB, aux 50
milliards d'Uber, aux 46 milliards de Netflix, et même au 1,6 milliard de Blablacar.
Mais les géants présentent des profils de risque nettement plus modérés. Les Gafa
(et Microsoft) ont certes créé des barrières technologiques à l'entrée qui peuvent être
fragilisées par de nouvelles révolutions. Mais la véritable barrière à l'entrée pour se
mesurer à eux, c'est leur puissance, leur présence mondiale tellement dominante
dans leur catégorie qu'elles ne peuvent pas être contournées. Les nouveaux entrants,
aussi bien valorisés soient-ils, doivent utiliser les prestations des leaders, trouver des
niches. Ils sont aussi fragiles en raison des valeurs boursières des géants, qui leur
permettent des prises de contrôle avec des critères de prix que leur taille seule peut
amortir.
On a ainsi le sentiment qu'au-delà des chiffres qui donnent le vertige, la Bourse n'est
pas folle quand elle cote les géants du net, ces groupes qui sont entrés dans notre
univers quotidien et qui savent désormais valoriser leur audience. La fragilité des
estimations des valeurs des nouveaux du secteur vis à vis des taux d'intérêt est
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réelle, celle des grands nettement moins sensible. Les plans d'affaires sont
solidement installés et les ratios ne sont finalement pas excessifs. Les gérants du
fonds spécialisé dans la transition numérique Pictet-Digital Communication (investi à
hauteur de 67 % dans les technologies de l'information et à plus de 17 % dans les
cinq leaders) indiquent un ratio moyen du portefeuille de 20,5 fois les bénéfices
estimés 2016.
Les excès des start-up et, aussi, des nouveaux entrants dans le coté comme le noncoté ne touchent pas vraiment ces maîtres du monde que sont devenus les Gafa. «
Very big is very beautiful » dans un marché sans frontières et directement accessible.
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