L`hôtellerie de luxe face à la crise: quelles conséquences pour les
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L`hôtellerie de luxe face à la crise: quelles conséquences pour les
L’hôtellerie de luxe face à la crise: quelles conséquences pour les employés ? Le cas des concierges d’hôtels Thibaut Menoux∗1 1 Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne (CESSP) – Université Paris I Panthéon-Sorbonne, École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS], CNRS : UMR8209, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) – France Résumé La crise qui a frappé l’économie mondiale en 2007 n’a pas, malgré ce qu’on pourrait imaginer, épargné l’industrie du luxe. Même si ce secteur se tourne vers une clientèle dont le pouvoir d’achat est censé résister aux crises économiques, voire être favorisé par le creusement des inégalités économiques dont elles s’accompagnent ordinairement, il a pourtant été touché lui aussi. Et ce d’autant plus qu’il a, ces dernières décennies, connu une intégration au niveau mondial : augmentation du poids des chaı̂nes hôtelières intégrées aux dépens des hôtels indépendants, concentration et irruption des fonds d’investissements. Ces derniers introduisent des critères de rentabilité inédits dans ce secteur de services, des taux peu compatibles avec la gestion hôtelière pratiquée jusqu’alors, et ce avec d’autant plus de force que la crise est susceptible d’entamer leur revenus. Cette communication s’intéresse aux répercussions de la crise économiques sur le travail des employés du secteur, au prisme du cas des concierges. Chargés de conseiller les clients sur les services en-dehors de l’hôtel et d’organiser leur séjour, les concierges rapportent à leur hôtel un gain difficile à évaluer en termes strictement comptables, d’où leur position en porte-à-faux face aux réflexes comptables renforcés en temps de crise. Une vision ” financière ” se substitue alors à une vision ” hôtelière ”. Certaines chaı̂nes hôtelières réduisent drastiquement les effectifs des équipes de conciergerie, imposant aux chefs concierges une réorganisation du travail et un recours aux CDD et aux extras. Elles peuvent aussi choisir de supprimer leurs conciergeries, de les remplacer par des tour opérateurs sous-traitants, ou encore de capter les commissions perçues à titre individuel par les concierges auprès des prestataires extérieurs en signant avec ces derniers des contrats d’exclusivité qui évincent les concierges de leur rôle de prescripteur. Au croisement de la sociologie du travail, de la sociologie des groupes professionnels et de la sociologie économique, cette communication tente de comprendre les effets de la crise sur l’organisation du travail des conciergeries, mais aussi de voir quelles réponses collectives le groupe professionnel parvient ou non mettre en place face à ces menaces. Cette réflexion allie les statistiques (à partir d’archives d’hôtels et d’une association professionnelle de concierges) et l’ethnographie (observation participante et entretiens en France et en Amérique du Nord). Elle montrera comment les concierges tentent de mettre en place des stratégies collectives de visibilisation du gain économique qu’ils pensent apporter à leur ∗ Intervenant sciencesconf.org:jist2016:80960 établissement, de leur action dans la production quotidienne d’un service de luxe et de son rôle de fidélisation de la clientèle dans un contexte de crise et de concurrence accentuée par celle-ci. Elle montrera également quelles sont les alternatives à une réponse syndicale pour ces employés rétifs à utiliser collectivement ce type de mobilisation.