EPISODE 8 1994 vers fin illusions

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EPISODE 8 1994 vers fin illusions
HUITIEME EPISODE : 1994
VERS LA FIN DES ILLUSIONS
Alors que j’allais reprendre ma narration sur l’activité de Dinard, j’apprends la triste nouvelle
du décès de Claude ROUSSEAU, le fondateur de la zone industrielle de Dinard-PleurtuitSt.Malo. J’ouvre donc une nouvelle parenthèse après celle consacrée à Dinard pour évoquer
ce « batisseur » ayant choisi l’aviation pour l’aviation et non pour « faire de l’argent » comme
c’est devenu le cas pour d’autres et dans bien des domaines. Au cours des obsèques
auxquelles j’assistais en l’église Saint-Malo de Dinan , c’est Jacques Martin, son compagnon
et ami des années de développement de la plateforme de Pleurtuit, qui le salua en
s’adressant à Marie-Thérèse, sa veuve qui ne bénéficie que d’une pension inférieure au
SMIC. C’est après cette cérémonie que le commandant Martin m’apprit que Claude
ROUSSEAU avait d’abord été un employé de l’aviation civile, alors sous autorité
« Ponts et Chaussées » comme c’est à nouveau le cas aujourd’hui. Les pièces
jointes à la fin de cette hommage témoignent de cette situation.
MARIE-THERESE
J’écris ces lignes ci-dessous ne citant que des faits, évitant de faire
apparaitre des sentiments personnels chargés d’émotion car nos
vies, y compris celle de mon épouse Yvette, ont été intimement
liées.
Pardonne moi de rester dans l’ombre des souvenirs.
___________
Aujourd’hui nous pleurons un ami avec qui beaucoup d’entre nous
ont partagé joies et peines pendant un demi siècle, tous unis par la
passion de l’aviation.
Claude aimait le pilotage. Il avait découvert ce plaisir en 1947 alors qu’il n’avait que
19 ans. Il deviendra très expert. Qui se souvient des répliques qu’il a effectuées :
- Celle de l’étrange avion VOISIN DELAGRANGE si difficile à maintenir en vol.
- Celle de l’hydravion LATE 28 de MERMOZ, de la CHAUVE-SOURIS d’ADER.
- Celle des avions FOKKER pour le cinéma.
On oubliera pas l’atterrissage de l’authentique BLERIOT XI sur la plage de Dinard et
la DS VOLANTE du film FANTOMAS ainsi que bien d’autres engins volants.
Nous lui devons la création de la zone industrielle de l’aéroport sur laquelle se
développera une activité dont nous bénéficions toujours. Parmi ses réalisations, il
construira 26 avions de tourisme, reconstruira et réparera des avions, des planeurs
très divers venus de toutes les régions.
Mais les dinardais ont surtout apprécié la création de la compagnie ROUSSEAU
AVIATION assurant le transport des passagers et du fret à partir des départements
bretons, devenant la première compagnie régionale avec 200.000 passagers par an.
Le jeune apprenti mécanicien était devenu le PDG d’une entreprise de 350
personnes.
Cette belle aventure se termina en 1972.
Claude ne pouvait rester sur un échec Il crée une nouvelle société, AFRIQUE AERO
PHOTO : 20 ans d’aventures au-dessus des pays africains, toujours accompagné
d’une épouse confiante, « sa bonne étoile » disait-il, indispensable pour un pilote qui
affrontera les pires meteos, perdra une hélice en plein vol, se retrouvera au
RWANDA au milieu des massacres entre HUTUS et TUTSIS et se sortira de
situations extrêmes.
Un tel homme, hors du commun, se devait d’être honoré de son vivant. Claude a
donné son nom à un boulevard à SAINT-LUNAIRE (x), une rue à PLEURTUIT. Il a
été titulaire de nombreuses distinctions dont la médaille aéronautique.
Claude, tes souffrances sont achevées. Tu as lutté courageusement pendant
des années et tu as rejoint ceux dont tu admirais les prouesses.
Nos pensées vont vers Marie-Thérèse, ta compagne tant aimée dont nous
partageons la douleur.
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(x) la plateforme est partagée entre les communes de Pleurtuit et Saint-Lunaire.
L’aérogare est sur Pleurtuit et la zone industrielle sur Saint-Lunaire.
Plusieurs représentants d’aéro-clubs bénéficiaires des activités des ateliers
Rousseau étaient présents à la cérémonie. Ange COUPE, ancien président de l’aéroclub des Côtes du Nord et secrétaire de l’UR6 de la FNA était là cependant que
Jacques CARLIER son président qui m’avait téléphoné la veille n’avait pu faire le
déplacement depuis LAVAL, son lieu de résidence.. L’ancien patron de TAT
INDUSTRIES, Monsieur CORBEL était là également mais je n’ai reconnu personne
de la C.C.I de Saint-Malo, gestionnaire de l’ensemble de la plateforme dont il est
envisagé que la CCI de RENNES en hérite conjointement avec la région.
Je ne peux manquer de noter que la faillite de l’entreprise Rousseau
intervient au moment où l’inflexion libérale se manifeste sous la
présidence de POMPIDOU. Dès alors ce sont les résultats financiers qui
vont primer sur toute autre considération.
Dès lors les initiatives locales pour maintenir des activités ou les
développer seront découragées , les regroupements de services publics
vont être la règle, l’Etat se « désengager »sur le territoire et c’est sous ce
signe que j’entame « la fin des illusions », dernière étape de mon activité
comme commandant d’aérodrome à Dinard.
Je reprends ma narration en rappelant que Claude Rousseau et Jacques
Martin avaient été les invités d’honneur de la Patrouille Aérienne de
France lors du meeting national de 2008.
La peau de chagrin du commandant d’aérodrome
Lorsque je pris mes fonctions en 1985, les services relevant de mon autorité
disposaient d’effectifs conséquents, comprenant notamment un adjoint, chef CA, une
secrétaire, une maintenance locale avec deux électroniciens et un électricien, deux
techniciens d’encadrement pour le SSIS, un mécanicien pour l’entretien des
véhicules, quatre techniciens de la navigation aérienne et douze contrôleurs
aérodrome et approche. Le Service Local des Bases Aériennes avait une petite
équipe chargée de l’entretien des pistes et servitudes. La station MTO avait un statut
à part entière au même titre que celle de l’aérodrome rennais.
En 1994 il n’y avait plus d’électroniciens ni de techniciens d’encadrement ; les
effectifs tour et bureau de piste étaient en voie de quasi disparition, Idem pour la
MTO.
Le commandant d’aérodrome, au sens plein de cette responsabilité, allait luimême disparaître dans le cadre de la réorganisation de la direction générale de
l’aviation civile et d’une redéfinition des services. Une direction régionale
ouest était créée..
Christian ASSAILY, son premier directeur prenait ses fonctions en 1993 avec
des directives de la technocratie centrale dont il nous fit part lors d’une
réunion.
Seuls, Nantes, Rennes et Brest auraient désormais la vocation transport aérien
cependant que Dinard et Morlaix gardaient leur vocation de plateforme industrielle.
L’appellation commandant était remplacée par celle de directeur et les directeurs des
trois aérodromes à vocation « transport aérien » seraient associés à la gouvernance
de la région.
Sur ce dernier point, pas beaucoup de changement puisque Jean-Yves Delhaye ,
ancien chef de district avait anticipé et mis à l’écart les commandants locaux lors des
réunions de caractère stratégique avec les gestionnaires.
Le terme de directeur se substituant à commandant était à lui seul significatif de
l’orientation technocrate qui allait brider le droit à l’initiative des directeurs locaux ou
régionaux.
La création d’ICARE épaulée par les élus du canton de Dinard et quelques villes
motivées par le maintien et le développement aéroportuaire à Dinard posait,
d’évidence, un problème au directeur de région pas toujours bien en cours auprès de
ces élus . Outre le maire de Dinan et celui de Pleslin-Trigavou qui n’était autre que
Charles Josselin, Christian Assailly devait compter avec Charles THEPAUT, maire
de Pleurtuit et conseiller général. Le maire de St-Malo, René Couanau se tenait à
l’écart.
Monsieur Thepaut créa le SIPAD, organisme de la communauté de communes dont
la vocation était le développement des activités aéroportuaires, empiétant ainsi sur le
domaine de responsabilités de la C.C.I. dont la présence semblait limitée à la gestion
de l’aérogare et du SSIS. Bien entendu j’étais convié aux réunions SIPAD.
L’assistance commerciale était d’ailleurs un monopole confié par la CCI à TAT pour
les compagnies n’ayant pas leurs propres représentants sur place.
Cependant la C.C.I., peut-être stimulée par ICARE et le SIPAD, commençait à
s’investir davantage. Alors que son secrétaire général, un ITPE, m’avait envoyé
promener lorsque je plaidais pour un renfort de la piste principale en raison de
l’intérêt manifesté par RYANAIR venu se renseigner à mon échelon dans la
perspective de vols charters … « pas question de dépenser des millions pour
quelques charters » elle accédait par la suite aux besoins prioritaires de TAT
industrie qui voulait étendre ses activités à des appareils de plus fort tonnage.
Une campagne de communication était lancée, l’aérogare allait être modernisée, des
installations nouvelles étaient financées pour les aero-clubs désormais regroupés à
Pleurtuit suite à la fermeture de la zone de Blanche-Roche nécessaire au
développement d’activités commerciales en bordure de Saint-Malo.
Dans le même temps, la flotte de véhicules du SSIS était rénovée cependant que le
volet sécurité/sûreté prenait une importance exceptionnelle à la suite des attentats
terroristes.
Je présidais naturellement le comité sûreté de l’aéroport ce qui, déjà sous
commandement de Jacques Martin, suscitait quelques réserves de la part du chef de
la Police de l’Air et des Frontières, au demeurant frère du maire de Saint-Malo .
C’était d’ailleurs le même problème qu’avec le chef du SLBA, interlocuteur privilégié
de la CCI en raison des problèmes d’infra. A l’arrivée de personnalités officielles de
haut rang, le cercle des autorités voulant jouer des coudes s’élargissait .
Les problèmes de sûreté avaient donc pris de l’ampleur et j’avais été amené à suivre
divers stages visant en particulier l’installation d’appareils de contrôle des bagages
dans les aérogares. Une occasion de retrouver des collègues embarqués dans le
même bateau, à Bordeaux, Marseille, Toulouse et à Roissy, mais aussi dans un
centre de formation des douaniers à ces techniques dont le musée consacré à leurs
saisies était impressionnant.
C’est le chef de la PAF, l’inspecteur de police, Monsieur RAUX qui venait d’assurer la
relève qui initia les personnels de l’aérogare à l’utilisation d’un premier équipement
control X.
Le nouveau chef de la PAF se révéla un excellent partenaire des autres services
installés .
De fait, un esprit de famille s’était développé devant la menace du désengagement
tous azimuths qui s’annonçait. Au demeurant une vie associative s’était affirmée ,
d’une part chez les fonctionnaires de la navigation aérienne, rassemblés dans une
amicale qui organisait des pots ou repas pour fêter tel ou tel événement.
Une association « tennis » fut également créée au bénéfice de tous les personnels ,
et c’est le chef de la brigade des douanes qui en devint le gestionnaire. Rappelons
qu’à côté de la brigade existait un important service de recette des douanes justifié
par les importantes transactions internationales de l’entreprise industrielle TAT.
Je ne fus donc pas étonné d’observer qu’à l’occasion du départ en retraite de
Jacques Defernez, baptisé le dernier des mohicans, en 2010, tout le monde était là ,
dont l’ancien chef d’exploitation CCI , Monsieur Lucas, qui avait du faire face à toutes
les insuffisances des installations avec les moyens du bord., et aux récriminations
des exploitants.
Le développement d’une zone d’industries ouest, grâce à l’action
du SIPAD renforça la vocation reconnue à Dinard privé de sa
vocation transport international.
Jean-Paul URVOY et Michel GINGAT, anciens de l’aeronavale avaient d’abord créé
cette coopérative à Dinan avec des « Rousseau » qui n’avaient pas rejoint TAT. Ils
obtenaient la consécration de leurs efforts en s’installant côté Pleurtuit de l’aéroport,
la TAT côté ouest étant sur Saint-Lunaire.
Le récent président de la C.C.I., Daniel Roullier, patron de la multinationale TIMAC
installée sur le port de Sain-Malo, qui présidait cette cérémonie , était également à
l’origine de la construction du club-house et ateliers des aero-clubs regroupés sur le
site.
Lors d’une réunion avec Monsieur Roullier j’avais essayé de le convaincre de relever
la redevance domaniale payée par TAT industries dont j’estimais, point de vue
partagé par la DRAC-NORD, qu’elle était anormalement basse.
Je lui fis remarquer que Monsieur Marchais qui menaçait de délocaliser vers Orly
devrait payer dix fois plus cher pour le même espace et que son chantage ne tenait
pas la route.
Bien entendu Monsieur Roullier me fit valoir le problème des emplois à quoi
j’objectais que ce n’était pas au budget de l’aérodrome, à vocation transport aérien
d’en payer le prix.
Aux dernières nouvelles, Michel Marchais qui a fait fortune grâce à la maintenance
aéronautique, s’est délocalisé en Belgique pour échapper aux impôts. TAT industries
est d’ailleurs sous enseigne SABENA à Saint-Lunaire.
LA SCA a abouti à un bon profil grâce à ses techniciens. Un beau
fleuron pour Pleurtuit dont l’ancien maire peut s’honorer.
Côté
TAT

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