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ENQUETE
« 17ème Rue », enseigne de
prêt-à-porter non loin de
« Marques Avenue »
Etre indépendant, c’est aussi
trouver et asseoir sa place dans un
environnement parfois fortement
concurrentiel. Lorsque « Marques
Avenue » a ouvert ses portes
à deux pas de Cholet, les
commerçants du centre-ville,
dont ceux spécialisés dans le prêtà-porter, se sont fait quelques
cheveux blancs, craignant pour
la pérennité de leur activité. Le
prêt-à-porter, Noël Guittet en
connaît un rayon. En 1974, il
ouvre sa première boutique en
centre-ville, 20 m2, dédiée à
l’homme. Aujourd’hui, il est
à la tête de 3 points de vente :
un magasin de sportswear
(17ème Rue), un de chaussures et
une boutique de déstockage où
il vend les fins de séries non
écoulées à moitié prix. « L’impact
de Marques Avenue sur notre
activité a été mineur contrairement à ce que l’on imaginait.
Le commerce indépendant affiche
Aujourd’hui, le commerce indépendant doit jouer des coudes
pour tenter de résister à un environnement économique qui n’a
jamais été aussi concurrentiel et
exigeant. Comment dans ce
contexte un commerçant peut-il
s’adapter, inventer de nouveaux
concepts pour résister et justifier
son rôle d’acteur économique à
part entière ?
ses atouts et
sa différence
Le commerce indépendant
présente une typicité qui lui est
propre : la proximité géographique, une culture du service,
le sens de la relation humaine,
la sélectivité des produits, autant
d’atouts spécifiques qui en
font un acteur majeur du tissu
économique local et un facteur
de sociabilisation. 8 commerces
sur 10 sont indépendants et leur
surface moyenne a progressé
(93 m2 contre 67 m2 en 2004).
Autre atout de choix : la valeur
ajoutée apportée à un centreville face à l’uniformisation
des enseignes. Ce qui fait la
spécificité d’un centre-ville,
c’est la qualité et la diversité du
commerce indépendant notamment dans l’équipement de la
personne (à titre d’exemple, à
Angers, l’offre de commerces
indépendants, notamment dans
l’équipement de la personne,
contribue à rendre le centreville plus attractif). Mais il y
L’appareil commercial en France
L’appareil commercial se distingue
sous trois formes principales : le
commerce indépendant isolé (le
commerçant est juridiquement
et financièrement indépendant.
Il n’est affilié à aucun réseau),
le commerce associé (structure
organisée et contrôlée par des
commerçants indépendants,
propriétaires des points de vente,
qui se sont associés au sein de
groupements de commerçants
afin de mutualiser leurs moyens
et développer des politiques
communes – achat, enseigne,
services…), et le commerce intégré
(il regroupe les fonctions de gros
et de détail ; les magasins dits
« succursalistes » appartiennent
à une enseigne).
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Anjou Eco - n°11 - Septembre 2009
Une forme de commerce qui met
en avant le talent des hommes
www.maineetloire.cci.fr
www.maineetloire.cci.fr
a un revers à la médaille : le
commerçant ne doit compter
que sur lui-même. Il ne dispose
souvent d’aucun réseau sur
Notre situation en centre-ville
est un atout : elle offre une multitude de commerces qui
n’existent pas dans ce type de
structure, une qualité de service
et d’environnement. Les clients
viennent chez moi pour y trouver
des produits tendance, non des
articles des saisons passées ».
Dans ce créneau particulièrement
volatile et éphémère qu’est la
mode, un impératif : se mettre
au diapason des incontournables
et autres « must ». « Je dois sans
cesse être à l’affût, m’informer des
nouvelles marques qui arrivent
sur le marché, savoir aussi
« lâcher » un produit quand il
devient moins performant ».
Récemment, Noël Guittet a fait
entrer une nouvelle marque en
agençant une partie de son
magasin pour la mettre en
valeur, sans négliger les aspects
décoration, aménagements intérieurs, éclairage, tout aussi
importants. Rien n’est laissé
au hasard. Autres atouts dans la
manche de Noël Guittet :
l’exclusivité sur la plupart des
marques vendues, un fichier
clients conséquent, des cartes
lequel s’appuyer et doit assumer de fidélité, des opérations « spéseul ou presque le quotidien sur ciales ». « Aujourd’hui, c’est un
un plan administratif, comptable, peu plus compliqué qu’avant. Il
faut être plus vigilant sur les
marketing.
achats, la gestion ». En qualité
de Président des Vitrines de
Cholet, Noël Guittet pense que
le commerce indépendant doit
se mettre à l’heure des grandes
enseignes s’il veut perdurer en
proposant de plus larges créneaux
d’ouverture. Qu’est-ce qu’être
un « bon » commerçant ? « C’est
proposer des produits à leur
juste prix, apporter un service
au client. Il faut également être
attentif à tout ce qui se passe
dans son environnement proche
(travaux, modifications des sens
de circulation…) qui peuvent
perturber l’activité du commerce. Il
est important que le commerçant
indépendant adhère à une
association de commerçants.
Ainsi fédérée, notre profession
est une entité représentative et
reconnue auprès de nos édiles ».
Anjou Eco - n°11 - Septembre 2009
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ENQUETE
Entre vignobles et maisons de
négoce, un caviste indépendant
C’est dans une petite rue
reliant la Loire à la place SaintPierre à Saumur que se trouve
la seule et unique cave à vins de
la ville, « Aux saveurs de la
tonnelle », tenue par Julien
Pougnant depuis 2003. D’aucuns
pourraient penser que le pari
est risqué de vendre le nectar
de Bacchus lorsque ses plus
proches voisins sont des
domaines viticoles, des maisons
de négoce, sans parler de la
grande distribution. Julien
Pougnant pense tout autrement :
«Notre situation est un peu
particulière. Côté viticulteurs,
nos concurrents sont aussi nos
partenaires. Nous vendons leur
vin au prix du domaine en
réduisant nos marges. Chez
nous, le client achète plus facilement au détail alors qu’il
achètera plutôt une caisse chez
le vigneron ». Autres concurrents
et non des moindres, les maisons
de négoce qui absorbent une
large part du marché des vins
locaux. « Notre atout : proposer
une palette de vins à des prix
allant de 3 à 1 000 euros la
bouteille. Dans ce domaine,
notre seul concurrent sérieux
reste l’hypermarché local très
bien achalandé en vins de
qualité (80 % de vins sont achetés
en grande surface) ». Parmi la
clientèle, les touristes, qui, un
peu perdus par la multiplicité de
l’offre locale, viennent chez
Julien Pougnant pour être
conseillés et trouver le vin qui
répondra à leur attente. Pour se
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démarquer de la concurrence,
Julien Pougnant est sans cesse à
l’affût de la rareté qui fera la
différence et que les autres
n’ont pas. Trois fois par an, il
essaime les régions vinicoles
(Bourgogne, Alsace…), rencontre
les vignerons, les persuade de
lui vendre leur vin quand il sait
avoir mis la main sur une perle
rare. Pas un mois sans que
Julien Pougnant ne rentre 2
ou 3 nouveautés. Pour fidéliser
sa clientèle, il organise des
dégustations et renouvelle le
concept régulièrement. « En
décembre dernier, nous avons
organisé un « salon du vin ».
10 vignerons issus des quatre
coins de l’hexagone présentaient leurs vins dans le cadre
prestigieux du Domaine de la
Grande Vignole ». Succès de
cette manifestation : 300 palais
sont venus déguster ces nectars.
Plus convivial, au mois de juin,
chaque vendredi soir, Julien
Pougnant a invité 3 vignerons
et organisé un apéritif à l’extérieur de son magasin. Au début
de l’année, il a créé un site
Internet avec un joli premier
succès : entre 3 et 4 000 euros
de commande sur trois mois.
« Les commandes viennent de
connaisseurs qui recherchent un
vin en particulier ». Indépendant
et content de l’être : « Je suis libre
dans mes choix, contrairement
à un caviste franchisé qui n’est
pas tenu d’apprécier tout ce
qu’il vend ».
Meubles Pié, depuis trois générations
90 ans, bel âge pour une société.
En trois générations, les
anciens ateliers d’ébénisterie
créés par André Pié en 1929
sont devenus aujourd’hui un
magasin de meubles design et
contemporains haut de gamme.
« Si la notoriété facilite les
choses, elle ne dispense pas de
se renouveler, de communiquer,
bien au contraire » concède
Patrick Pié. En 2003, il décide
d’effectuer un virage à 360° :
« Depuis toujours, nous étions
positionnés sur le créneau des
meubles anciens. Nous l’avons
délaissé constatant un intérêt
croissant pour le meuble contemporain et design ». Patrick Pié
savoir le référencer au bon
moment, c’est-à-dire à l’instant
où une frange significative du
public est prête à l’accepter et le
remplacer par un nouveau avant
que les acteurs opérant sur le
marché de masse s’emparent du
concept et le dénaturent. Il est
indispensable de renouveler
l’offre régulièrement si l’on veut
voir revenir nos clients. Tout
comme il est essentiel d’offrir un
service, d’instaurer une relation
personnalisée d’autant plus
dans un créneau haut de
gamme où une insatisfaction,
aussi minime soit-elle, ne doit
surtout pas être négligée ».
Selon Patrick Pié, le client
Autre secteur d’activité où le
commerce reste majoritairement indépendant, les métiers
de bouche. Leur présence joue
un rôle essentiel dans la vie économique et sociale des villes,
quartiers et villages. Si chaque
commerçant indépendant a
une expérience et un vécu qui
lui est propre, tous sont animés
d’une fibre commerciale et
humaine développée et partagent
le plaisir d’un métier qu’ils
aiment et ont choisi.
Marianne Bourgeois
Julien Pougnant
Le commerce de Maine-et-Loire
Boisramé, l’enseigne
« haute-fidélité »
Image, son, électro-ménager,
l’enseigne « Boisramé », tous les
Lionnais la connaissent. Installé
depuis 30 ans au Lion d’Angers,
Marcel Boisramé parle de son
métier avec cette verve qui fait
plaisir à entendre. « Etre implanté
dans une région semi-rurale est
un atout : je connais 70 % de ma
clientèle. Lorsqu’on a besoin
d’un conseil, d’un service, on
pousse la porte du magasin. Pas
besoin de faire un numéro de
téléphone 0 800… ! Mais cette
fidélité, je dois la mériter ». Marcel
Boisramé a su se démarquer
de la concurrence des grandes
enseignes. Il s’est appuyé sur le
réseau national Pulsat (GIE(1)
rassemblant 500 professionnels
répartis sur toute la France), ce
qui lui permet de bénéficier du
soutien, de l’expertise de ce dernier
en matière d’achats et de
marketing. « Régulièrement, j’envoie des mailings. En comparant
avec les catalogues publicitaires
des grandes enseignes ou de la
grande distribution, les gens
réalisent que mes prix sont à peu
près similaires, avec cet avantage
de la proximité ». Entre Marcel
Boisramé et ses clients s’est installée une relation de confiance :
« Mon intérêt n’est pas de
vendre à tout prix, mais de
vendre le produit dont mes
clients ont réellement besoin.
Je préfère la perte d’une vente à
celle d’un client qui, s’il est insatisfait, ne reviendra pas ». Marcel
Boisramé, c’est « Mr Service + ».
Lorsque le mode d’emploi d’un
appareil lui semble peu compréhensible, il ajoute sa propre notice
d’utilisation pour faciliter la tâche
de ses clients. Avec l’arrivée
d’Internet, Marcel Boisramé a
su aussi trouver bien des avantages grâce à ce nouvel outil de
communication. « Les technologies
évoluent si rapidement qu’il est
indispensable de suivre cela de
très près. Face à un client, je dois
toujours avoir une réponse ».
Nombre de
points de vente
Surface couverte
Emplois
(en ETP)
Indépendant
80 %
40 %
52 %
Membre de groupement,
d’une chaîne,
d’une centrale d’achat
11 %
41 %
35 %
Franchisé
5%
8%
6%
Commission d’affiliation
1%
1%
0%
Succursaliste
3%
10 %
7%
100 %
100 %
100 %
Total
Patrick Pié
s’est lui aussi appuyé sur un
réseau : « Cela permet de nouer
des partenariats avec des fournisseurs, de bénéficier de leur
savoir-faire, de leur expérience,
de nouer des contacts avec
d’autres confrères, que l’on
n’aurait pu avoir seul ». Pour se
démarquer de la concurrence,
Patrick Pié est en quête constante
de produits originaux (exclusifs
pour la plupart), des dernières
tendances : « Un produit, il faut
d’aujourd’hui n’a pas changé, à
un bémol prêt : s’il est toujours
demandeur de services, de bons
produits, il l’est aussi en matière
de prix, qu’il veut les plus ajustés
possible. « Etre indépendant signifie avant tout aimer son métier,
communiquer son enthousiasme,
apporter une attention particulière aux demandes de nos
clients. En conclusion, travailler
avec le client dans un intérêt
commun ».
Les indépendants sont les plus gros employeurs en comparaison
des autres formes d’exploitation. Un magasin emploie en moyenne
2.47 ETP (Equivalent Temps Plein) pour 100 m2.
Alimentaire
Équipement de Équipement
la personne de la maison
Hygiène santé Culture loisirs
Indépendant
82,4 %
68,4 %
70,4 %
87,6 %
85,9 %
Membre de groupement, d’une
chaîne,
d’une centrale
d’achat
10,4 %
11,3 %
17,6 %
8,6 %
9,9 %
Franchisé
5,3 %
6,9 %
8,8 %
3,3 %
2,9 %
Commission d’affiliation
0,1 %
2%
0,5 %
0,2 %
0%
Succursaliste
1,8 %
11,4 %
2,7 %
0,3 %
1,3 %
Total
100 %
100 %
100 %
100 %
100 %
En alimentaire, les supermarchés sont à 57 % exploités par
des indépendants alors que les hypermarchés sont à 72 % membres
d’un groupement, d’une chaîne ou d’une centrale d’achat.
Source : Observatoire du Commerce 2008
GIE : Groupement d’intérêt économique
Anjou Eco - n°11 - Septembre 2009
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Anjou Eco - n°11 - Septembre 2009
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