Formation à la paix
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Formation à la paix
Formation à la paix Formation des adultes au travail de paix et à l’intervention non-violente lors de conflits Auteurs : Robert Rivers, Giovanni Scotto, Jan Mihalik et Frode Restad Éditeurs : Robert Rivers et Giovanni Scotto Graphisme : Frode Restad Table des matières Synthèse 2 Préface 3 Introduction 5 Chapitre premier : Panorama de la formation à la paix 8 Chapitre deuxième : Propositions pour la formation à la paix 22 Chapitre troisième : La formation à la paix aujourd’hui 32 Chapitre quatrième : Principaux défis de la formation à la paix 44 Chapitre cinquième : Élaborer et dispenser des formations 55 Chapitre sixième : Perspectives pour l’avenir – l’art de former à la paix 67 Annexe I : Bibliographie (en anglais) 80 Annexe II : Glossaire (en anglais) 86 Annexe III : Organisations partenaires d’ARCA (en anglais) 96 Synthèse Dans les domaines de l’intervention civile dans la gestion des crises, de la prévention de la violence, de la construction de la paix et de la transformation des conflits, l’importance de la formation visant à accroître les compétences professionnelles des intervenants n’est plus vraiment contestée. Ce guide a pour objectif de présenter les méthodes actuelles de formation au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits, d’envisager les défis qui peuvent se présenter et d’offrir une réflexion sur les perspectives de développement. Il est composé des six chapitres suivants : Chapitre premier : un panorama de la formation à la paix. Dans ce chapitre sont définis les concepts de travail de paix et d’intervention non-violente et sont décrites les traditions éducatives qui ont façonné la formation à la paix telle que nous la connaissons aujourd’hui. De plus, nous comprenons ici que cette formation vise à développer trois aptitudes principales chez les intervenants de paix : savoir, qualités humaines et compétences professionnelles. Chapitre deuxième : une présentation de propositions clef liées à la formation à la paix. Il s’agit en fait d’une première approche des principaux aspects de ce domaine. Ce chapitre est le fondement de ce qui sera développé dans le reste du guide. Chapitre troisième : l’étude de cas de cinq organisations actives dans la formation à la paix à la fois en Europe et dans le monde : le projet Peaceworkers d’International Alert ; Peace Action Training and Research Institute of Romania (PATRIR), Austrian Study Centre for Peace and Conflict Resolution (ASPR), Nonviolent Peaceforce (NP) et Christian Peacemakers Teams (CPT). Cette présentation de différents acteurs permet de comprendre comment les adultes sont aujourd’hui formés à l’intervention non-violente dans les conflits. Chapitre quatrième : les défis de la formation à la paix : politiques, éthiques, culturels, didactiques, et les éventuels problèmes d’efficacité. Chapitre cinquième : dans la continuité du chapitre IV, ce chapitre se concentre sur les difficultés didactiques, ou les problèmes posés lors de la mise en pratique des acquis de la formation, et s’efforce de proposer des améliorations. Ce chapitre s’intéresse particulièrement au décalage existant entre la formation dans un contexte sécurisé et la mise en pratique de ces connaissances sur le terrain. Pour rendre la formation plus efficace, il est proposé ici de l’accompagner d’une mise en situation dans le cadre d’une « formation en phase avec la pratique». Chapitre sixième : une réflexion sur l’avenir de la formation à la paix. Il s’agit de dépasser les différends entre les acteurs impliqués en démontrant la nécessité absolue de tenir compte à la fois de l’aspect professionnel de la formation mais aussi de ce qui relève de la vocation. Le chapitre présente une perspective plus globale sur laquelle s’appuyer pour développer la formation à la paix et montre finalement que cette approche globale d’une formation visant à cultiver savoir, qualités humaines et compétences professionnelles est une certaine forme d’art. La formation des intervenants de paix à la transformation des conflits est un domaine vaste et en perpétuelle évolution. Les programmes et méthodes sont aussi nombreux et variés que les conflits sont complexes. Il est délicat de tirer des conclusions définitives sur le processus de formation mais il est important néanmoins de rassembler dans ce guide certaines des leçons que nous avons apprises afin de renforcer la connaissance de ce domaine et de permettre la mise en place de pratiques plus efficaces et plus simples à mettre en place dans le cadre de la préparation des adultes à l’intervention non-violente dans les conflits. Préface Par Kai Frithjof Brand Jacobsen Au cours des deux dernières années, le projet ARCA a réuni experts, formateurs, organisations qui déploient des hommes et des femmes sur le terrain ainsi que tous ceux impliqués dans la formation des agents qui travaillent à la construction de la paix, à la transformation des conflits et qui agissent en situation de crise, dans le cadre d’une réflexion sur la situation de la formation à la paix en Europe aujourd’hui. Cette étude, l’une des plus importantes menées à ce jour, propose de nombreuses conclusions dont celle-ci : « … la formation à la paix a déjà fait ses preuves de nombreuses fois tout en ayant encore un potentiel d’utilisation considérable ». Bien que cette idée puisse sembler, au premier abord, bien peu révolutionnaire, sa signification est aussi profonde que ses implications sont importantes. C’est seulement depuis quelques années, en particulier depuis la dernière décennie, que la formation d’agents à la lutte contre la violence, la transformation constructive des conflits, ainsi qu’à l’aide aux pays, communautés et individus dans leur processus de guérison des conséquences visibles et invisibles de la violence, ont été menées à bien avec tant de rigueur et d’application. Alors que depuis quelques temps, et plus particulièrement depuis la fin de la Guerre froide, gouvernements et donateurs se montrent prêts à financer des projets d’action dans et autour des conflits, l’attention portée à la formation nécessaire aux agents déployés pour ces missions et à leurs formateurs a été bien moins importante. Plus récemment, cependant, le nombre d’organisations impliquées dans le travail de paix, le nombre d’agents déployés dans le cadre de la construction de la paix et des activités qui y sont liées (organisations et agents déployés dans leurs propres pays mais aussi à l’étranger) et le nombre d’organisations et de spécialistes de la formation ont augmenté de manière conséquente. Ce rapport est l’un des premiers à s’intéresser de manière systématique à ce qui est fait sur le terrain, aux défis et possibilités qui se présentent, aux leçons qui en sont tirées, et à ce qui peut être fait pour améliorer la formation à la paix.1 La formation à la paix, que nous abordons dans cette étude, consiste à préparer les adultes au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits. L’idée même que des gens puissent être formés à la construction de la paix est encore nouvelle pour de nombreux gouvernements et de nombreuses personnes dans le monde. Alors que des milliards sont dépensés depuis longtemps pour former des agents dans le cadre d’interventions armées dans les conflits (le budget militaire mondial en 2006 s’élevait ainsi à plus de 1,12 milliards de dollars) aucun pays ne 1 Nous espérons que la portée de cette étude, qui s’intéresse surtout à la situation en Europe, et de ses conclusions mettra en avant la nécessité de financer de nouvelles analyses de ce genre dans d’autres endroits du globe où la formation au travail de paix a connu des progrès, innovations et développements essentiels au cours des dernières années. s’engage sérieusement dans la formation d’intervenants capables de gérer les conflits de manière efficace. De fait, de nombreuses personnes à des postes clef au sein de gouvernements, d’ONG, d’agences internationales (c’est-à-dire les responsables de programmes de gestion des conflits qui frappent des milliers voire des millions de gens) ne disposent souvent pas des connaissances et des compétences nécessaires pour apporter une assistance de base, contribuer à la construction de la paix, et pour ne pas aggraver la situation. Cette situation peut et doit changer. Pour se rendre compte à la fois de la nécessité et du potentiel de la formation à la paix, il peut être utile de proposer une comparaison avec les domaines de la médecine et de la santé. Presque tous les pays du monde, et ce depuis longtemps, reconnaissent l’importance de l’éducation à la santé, qu’elle soit formelle ou informelle, dans les écoles et les communautés pour assurer le bien être de tous. De plus, médecins, infirmiers, chercheurs, scientifiques, professionnels de la santé et tous les autres travailleurs de la santé sont formés dans les universités et il semblerait inconcevable que cette formation ne dure que quelques jours ou quelques semaines. Au contraire, elle s’étale sur trois, quatre, cinq et parfois même huit années d’études approfondies combinées à de nombreux stages pratiques. Même s’il est certain qu’il faut savoir proposer un traitement approprié, les systèmes d’alerte précoce et la médecine préventive sont tout aussi essentiels et doivent être pris en compte dans le cadre d’une réflexion sur l’évolution de la pratique médicale. À la formation et aux études, il faut ajouter l’investissement en infrastructures physiques : cliniques, hôpitaux, ambulances, et, dans de nombreux endroits, parcs, espaces verts, pistes cyclables, etc. Les gouvernements ont placé des infrastructures de santé à toutes les échelles, locales ou nationales, jusqu’aux ministères et administrations de la Santé. De nombreuses organisations nongouvernementales comme la Croix Rouge, le Croissant Rouge et Médecins Sans Frontières en font partie. Au niveau international, c’est l’Organisation mondiale de la santé. Malgré le grand nombre de personnes qui tombent malades ou meurent chaque jour, peu de gens iraient dire aux médecins qu’ils sont naïfs de continuer à pratiquer parce que de l’être humain est condamné à mourir. Au contraire, nous trouvons admirable et responsable le choix de certains d’étudier et de pratiquer la médecine. D’énormes efforts ont été faits pour éradiquer les maladies, trouver de nouveaux traitements, construire de nouvelles infrastructures et travailler à l’amélioration de la qualité de la vie. Ces progrès sont le résultat des investissements en temps, efforts, engagements personnels et capacités. Nous avons aussi appris à tirer les leçons des expériences passées, à améliorer la pratique de la médecine et à former et éduquer les gens à cette pratique. L’investissement dans le domaine de la paix n’a pas encore atteint le même niveau, ou en tout cas pas à la même échelle, mais cela est en train de changer. De plus en plus de gens sont formés au travail de paix. De nombreux gouvernements, organisations, et personnes dans le monde reconnaissent que la paix n’est pas seulement souhaitable mais qu’elle est possible. Ils reconnaissent aussi qu’il est temps de s’engager à faire de la paix une réalité. L’enseignement de la paix fait désormais partie du programme de nombreuses écoles dans le monde. Les infrastructures de soutien à la paix se développent: la commission Paix et Réconciliation en Afrique du Sud et le Réseau des comités de paix régionaux et locaux mis en place pour répondre aux conflits actuels et potentiels dans le cadre de la transition post-Apartheid ; le tout nouveau ministère népalais pour la Paix et la Réconciliation ; le WANEP (West Africa Network for Peacebuilding) et les systèmes d’alerte précoce de SwissPeace ; le Réseau européen des services civils de paix (EN.CPS) ; Nonviolent Peaceforce, les programmes de formation et de déploiement du ZIF (Centre pour les opérations de paix internationales) ; la Commission de consolidation de la paix, les Bureaux de soutien à la consolidation de la paix et le Groupe de soutien à la médiation des Nations unies ; des programmes conjoints du PNUD et du DAP dont l’objectif est de renforcer les capacités étatiques, institutionnelles et individuelles pour la résolution des conflits ; et l’Alliance globale des ministères et départements de la Paix. Désormais, les acteurs contribuant au travail de paix ainsi qu’à son développement et aux avancées en la matière se comptent en centaines de milliers. Ce rapport étudie ce qui est fait en pratique pour former les agents au travail de paix et ce qui peut être fait pour améliorer la qualité et le contenu de la formation. Il n’est pas question de surestimer ce travail et j’espère que les gouvernements, les donateurs, les praticiens, les formateurs et ceux qui travaillent dans le domaine de la construction de la paix sauront tirer profit de ces pages et s’impliquer dans la poursuite de ce travail. Pour traduire des mots et des idées en politiques et en actions concrètes nous devons déterminer et acquérir les savoirs, qualités humaines et compétences professionnelles indispensables à la construction de la paix. Nous avons investi beaucoup de temps et d’argent dans les conflits armés, ce qui a fréquemment entraîné dévastation et destruction. Le monde doit aujourd’hui trouver le courage et la volonté de travailler pour la paix et de reconnaître que la guerre et la violence ne sont plus des solutions acceptables et qu’elles ne sont en aucun cas les seules envisageables. Si nous voulons la paix, nous devons accepter de nous y préparer. Cela implique la formation, le renforcement des capacités mais aussi des compétences professionnelles, des savoirs, des outils et des qualités humaines. À ceux qui ont rédigé ce rapport, à ceux qui, depuis des décennies, sont les pionniers du travail de paix et de la formation à la paix, à ceux, enfin, qui lisent ce rapport afin d’aller plus loin dans cette réflexion, nous souhaitons adresser nos plus sincères remerciements et encouragements. Introduction Par Giovanni Scotto et Robert Rivers Depuis une vingtaine d’années, de plus en plus d’importance est accordée à la formation des agents à une gestion constructive des conflits. Les expériences tirées du règlement de divers conflits communautaires et internationaux montrent qu’il est crucial de préparer minutieusement des agents au travail de paix ais aussi d’aller plus loin dans le domaine de la formation. Ce guide a pour objectif de présenter certains succès de la formation pour une intervention non-violente efficace dans le cadre de conflits (potentiellement) violents, d’insister sur les défis et difficultés auxquels la formation doit faire face et d’offrir des pistes de réflexion pour de futures évolutions. Les auteurs de ce guide ainsi que les organisations partenaires du projet financé par la Commission européenne (Associations and Ressources for Conflict Management Skills, ARCA) sont convaincus que la formation à la paix a largement fait ses preuves mais aussi que les perspectives d’évolution sont encore fortes. Grâce à ce guide, nous espérons tirer les leçons du terrain et fournir les éléments nécessaires à une meilleure préparation des agents destinés à intervenir de manière non-violente dans les conflits. Parties prenantes : Lecteurs potentiels du guide Ce guide entend répondre à un certain nombre de besoins définis par divers acteurs de la formation à la paix. Il s’agit : (1) d’améliorer la qualité de la formation à la paix au sein des organisations européennes par la recherche et l’auto-analyse ; (2) d’accroître la légitimité de la formation à la paix et prouver qu’elle peut être utilisée dans d’autres domaines (droits humains, développement, aide humanitaire, etc.) et (3) d’approfondir la connaissance du sujet chez divers types d’acteurs afin de développer les capacités de formation et de renforcer les réseaux au sein des organisations de formation en Europe liées directement ou indirectement au domaine de la formation à la paix. Par conséquent, ce guide propose une approche de la formation à la paix accessible à des personnes de tous horizons professionnels. Pour autant, il a été rédigé à l’attention particulière de personnes, groupes, organisations non-gouvernementales(ONG) et organisations étatiques pour qui le développement de méthodes efficaces de formation à la transformation des conflits violents représente un enjeu important. Ces acteurs sont : les partenaires d’ARCA ; les organisations proposant une formation dans le domaine spécifique de la construction de la paix et de la transformation des conflits ainsi que celles qui interviennent dans des domaines voisins ; les formateurs dont la priorité est de former ou de déployer des agents et des équipes dans les zones de conflit ; des personnes concernées par le travail sur le terrain ou qui ont été déployées dans des zones de conflit ; des responsables politiques (en particulier ceux rattachés aux ministères de l’Éducation, des Affaires étrangères, de l’Aide au développement) et des donateurs qui financent des projets liés à la construction de la paix et à la résolution des conflits. Bien que ce guide se concentre sur la formation à la paix mise en place par des organismes d’éducation non-formels, il a aussi des implications pratiques pour les universités et les institutions d’éducation formelle qui proposent des filières consacrées aux études de paix et à la résolution des conflits. Nous espérons que ce guide sera utile à tous nos lecteurs dans leurs domaines respectifs. Enfin, une attention particulière a été portée aux organisations locales qui proposent des formations à la paix dans le cadre du renforcement des capacités et de l’intervention non-violente dans les zones de conflit. Ce guide s’adresse en priorité à l’ensemble des organisations qui gèrent les conflits de l’extérieur, cependant, nous avons gardé à l’esprit le point de vue des acteurs internes au conflit et nous avons tenu compte de l’influence positive ou négative sur la transformation des conflits que peuvent avoir les interventions extérieures. En de nombreux points, ce guide réfléchit sur la manière d’améliorer la coopération entre les acteurs intérieurs et extérieurs afin de soutenir ceux qui travaillent directement dans et autour des conflits par la formation à la paix. Questions qui ont orienté notre démarche Comme nous l’avons dit, l’un des objectifs principaux de ce guide est de contribuer au dialogue en cours sur les modalités de la formation au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits. Les principales questions auxquelles ce guide s’efforce de répondre sont les suivantes : (1) quelles sont les principales pratiques et approches actuelles de la formation à la paix en Europe ? et (2) quelles évolutions permettraient de les améliorer ? Pour apporter une réponse à ces questions, nous nous efforcerons d’examiner les fondements de la formation à la paix, de proposer une carte conceptuelle de ce domaine, de formuler les propositions clef qui caractérisent le travail de formation aujourd’hui et de fournir des exemples de programmes de formation européens et internationaux. Ensuite, nous présenterons les principaux défis auxquels la formation à la paix doit faire face et nous proposerons une réflexion innovante sur l’avenir de la formation. Ainsi, les auteurs s’efforceront d’offrir une meilleure compréhension de la formation à la paix, et de faire avancer, au sein de la société en particulier, la pratique de la transformation pacifique des conflits violents. Avant d’aller plus loin, il est primordial de s’intéresser à ce que ce guide n’est pas. S’il examine de nombreux aspects de la formation à la paix, il ne s’agit en aucun cas d’un « manuel » détaillant les outils et contenus nécessaires à la formation à la paix. Il ne fournit pas non plus le descriptif détaillé de programmes de formation, à l’exception des cinq cas étudiés au chapitre troisième. Si c’est ce que vous cherchez, n’hésitez pas à consulter le site Web d’ARCA.2 Méthodologie De nombreuses ressources ont été consultées lors de l’écriture de ce guide. Tout d’abord, le guide repose sur l’expérience et le savoir-faire des partenaires du projet ARCA, dont certains sont à la pointe de la formation à la paix en Europe. Ensuite, nous avons passé en revue les conclusions de plus de 30 séminaires sur les aspects théoriques et pratiques (programmes, méthodologies) de la formation à la paix. Troisième aspect : nous avons interrogé six experts dans le secteur (cf. remerciements) et intégré leurs commentaires à notre travail. Enfin, nous avons utilisé les réponses d’une enquête paneuropéenne menée par les partenaires d’ARCA. À partir de cela, nous avons déterminé les propositions pertinentes concernant la formation à la paix sur lesquelles tous s’accordent (chapitre deuxième). Remerciements Ce guide est l’un des sept principaux résultats d’une collaboration de deux ans entre treize organisations européennes engagées dans un projet éducatif pour adultes financé par la Commission européenne, le projet ARCA (cf. annexe 3 pour les informations sur les partenaires). La réalisation de ce guide a été rendue possible grâce à la participation de nombreuses personnes et institutions. Les auteurs souhaitent remercier chaleureusement la Commission européenne pour son soutien tout au long de ce travail. Nous sommes également particulièrement reconnaissants des contributions de nos amis ainsi que des experts dans le secteur : Kai Frithjof Brand-Jacobsen, Ouyporn Khuankaew, Gal Harmat, Tim Wallis, Arno Truger, Hagen Bernt, Ruth Mischnick, Konrad Tempel et Craig Zelizer. Nous avons bénéficié du soutien essentiel en matière de recherche de la part de Dietrich Fischer et des étudiants en Master du Centre universitaire européen pour les études de paix.3 Nous souhaitons enfin remercier le Centre Berghof pour la gestion constructive des conflits de Berlin qui a accueilli les auteurs lors d’une rencontre en avril 2007. 2Site 3 Web d’ARCA : www.peacetraining.org Centre universitaire européen pour les études de paix : www.aspr.ac.at Chapitre premier : Panorama de la formation à la paix Par Giovanni Scotto et Robert Rivers Avant d’explorer le domaine de la formation à la paix, il est nécessaire de préparer le terrain pour un tel voyage. Ce premier chapitre propose un certain nombre de définitions clef, décrit les concepts de base qui seront utilisés dans le guide, expose plus précisément le sujet étudié et développe plusieurs outils conceptuels nécessaires à une meilleure appréhension des offres de formation. Travail de paix et intervention non-violente : définition du champ d’étude Notre objectif à travers ce guide est d’offrir aux lecteurs de nouvelles perspectives d’évolution du domaine de la formation à la paix afin d’améliorer la préparation au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits. Mais avant d’ouvrir le débat sur la formation à la paix, expliquons clairement ce à quoi nous souhaitons former nos agents, à savoir le travail de paix et l’intervention non-violente. Voici donc ces deux définitions qui vont orienter notre réflexion : Travail de paix Le travail de paix consiste ici en l’activité consciente (et stratégique) dont l’objectif est la réduction ou la suppression de la violence qu’elle soit directe, structurelle ou culturelle. Il s’agit de plus de promouvoir la paix positive là où s’exerce cette violence et entre les acteurs du conflit et ce à tous les niveaux de la société (cf. Galtung, 1996 ; Galtung, Jacobsen et Brand-Jacobsen, 2002). Il est primordial de comprendre que la paix positive ne doit pas être qu’un but en soi mais un processus continu qui ne peut ignorer les causes profondes des conflits et les besoins primaires de tous les acteurs sociaux. Ce guide va s’intéresser au travail de paix en tant qu’instrument du travail civil en faveur du changement social (notamment la mission civile de maintien de paix, le rétablissement de la paix, la construction de la paix et la transformation des conflits). Les six objectifs du travail de paix4 1. Transformer les conflits de manière pacifique 2. Prévenir et mettre fin à la violence 3. Aborder les racines du conflit 4. Créer et promouvoir les infrastructures consacrées au travail de paix 5. Renforcer les capacités de la transformation des conflits 6. Guérison, rétablissement et réconciliation post-violences De nombreuses professions sont liées à la paix positive sans qu’elle fasse partie de leurs objets principaux. C’est de manière implicite que les médiateurs, les activistes spécialisés dans les droits humains, les organisateurs locaux et d’autres encore jouent un rôle important dans la réalisation de la paix positive puisque celle-ci nécessite de multiples approches. Cette tendance à diffuser le débat autour de la paix et de la transformation des conflits est très encourageante pour l’avenir du 4 Kai Frithjof Brand Jacobsen a développé ces six objectifs du travail de paix lors de la formation PATRIR sur la construction de la paix en mai 2006. travail de paix. Cependant, le reste de ce guide ne développe pas cette forme implicite du travail de paix mais se concentre, au contraire, sur sa forme explicite, c’est-à-dire les organisations et les personnes dont l’action en faveur de la paix positive et la lutte contre la violence est volontaire.5 Intervention non-violente Les conflits n’échappent pas à la mondialisation. La population mondiale est plus connectée et dépendante qu’elle ne l’a jamais été, avec tout ce que cela comporte de constructif et de négatif. Avec le nombre de marchés existants et la diversité des cultures et des diasporas, aucune zone de conflit, pour isolée qu’elle soit, ne l’est totalement de l’influence internationale et d’une éventuelle intervention extérieure. Les intervenants de paix extérieurs impliqués dans des régions en conflit risquent de perpétuer, sans le vouloir, des schémas de contrôle et de pénétration culturelle lorsqu’ils demandent aux acteurs internes de se conformer à leur propre vision de ce qui est « juste ». Trop souvent, l’intervention extérieure s’accompagne de la mise en place de solutions non souhaitées par les acteurs des conflits. Le manque de sensibilité culturelle, l’existence de lignes de conduite politiques propres aux intervenants extérieurs et d’états d’esprit et de comportements irréfléchis risquent d’aggraver les cycles de violence au lieu de les transformer (cf. Bendaña, 2003). Le mot « intervention » lui-même est connoté de manière négative pour ceux qui y ont déjà subi son caractère violent. Voilà pourquoi nous tenons à définir ce que nous entendons ici par intervention. Il s’agit de l’action d’agents extérieurs qui s’impliquent de manière non-violente et collaborent avec les acteurs locaux de manière à offrir à ces derniers de plus grandes capacités de transformation constructive des racines des conflits dont ils sont les victimes. L’objectif est de rétablir la paix durablement dans le respect de la dignité et de la légitimité de tous les acteurs. Pour qu’une intervention ne soit pas perçue comme violente, les organisations de construction de la paix ne doivent intervenir dans un conflit que si des organisations locales en expriment le désir et ne pas rester sur le terrain si leur présence n’est plus souhaitée. L’intervention présente de multiples facettes. Ce guide s’intéressera en tout premier lieu à ce qu’on appelle l’intervention non-violente d’un tiers (TPNI) ou l’intervention d’acteurs extérieurs aux conflits qui s’efforcent de rester neutres et qui tentent d’avoir une influence positive sur les conflits grâce à : Accompagner et soutenir les acteurs locaux ; Surveiller les évènements dans zones de conflits, tels que les violations des droits humains, et les rapporter à la communauté internationale ; Dialogue avec les acteurs aux conflits afin de créer les conditions favorables à la réalisation de leurs objectifs de paix ; 5 Faire du travail de paix une vraie profession est l’un des objectifs principaux de plusieurs organisations qui participent au projet ARCA. En Italie, la province autonome de Bolzano et cinq autres régions ont financé une étude dont le but était de définir le profil professionnel des travailleurs de paix internationaux (Tullio, 2006). L’Italie est en train de préparer une loi sur le service civil de paix. De plus, le Zentrum für Internationale Friedenseinsätze (Centre pour les opérations de paix internationales – ZIF) forme et déploie des travailleurs de la paix (1000 font partie de la base de données et 200 sont sur le terrain) http://www.zif-berlin.org/. Enfin, le Réseau européen pour les services civils de paix (EN.CPS) travaille à la formation professionnelle et au développement de services civils de paix dans tous les pays d’Europe. Garantir les lois et valeurs internationalement reconnues qui protègent les droits essentiels des acteurs en conflit ; Favoriser l’enclenchement des processus de paix ou soutenir les dynamiques et résultats des processus déjà en cours.6 S’il est certain que la formation n’est pas garante du succès d’une intervention, la préparation des intervenants extérieurs à la construction de la paix et à la transformation de conflits peut-être très utile au travail sur les conflits et à l’action directe sur le terrain. Ce guide cherche à approfondir la compréhension du processus de formation à la paix et de son envergure avec l’espoir de découvrir de nouvelles possibilités de mettre fin aux conflits violents et de les prévenir. Pertinence de la formation à la paix Éducation et apprentissage Maintenant que sont définis les domaines de la formation que nous souhaitons proposer, à savoir le travail de paix et l’intervention non-violente, intéressons-nous à la formation à la paix. Tout processus de changement commence nécessairement par l’apprentissage, que ce soit à l’échelle de l’individu, des organisations ou de la société. Les gens acquièrent diverses compétences essentielles grâce à différents systèmes éducatifs. On distingue en général trois systèmes : l’éducation formelle (primaire, secondaire et universitaire), non-formelle (l’enseignement délivré par des organisations non-étatiques), et informelle – ce qui est acquis au travers des expériences de chacun et des interactions avec d’autres individus (que ce soit au sein de la famille, de la société ou du monde au sens large.7 Au sein de la société, l’enseignement conventionnel joue un rôle bien défini : il sert à renforcer la cohésion de ses membres et à entretenir l’adhésion aux normes sociales et aux schémas de perception du monde. Il a aussi pour vocation de préparer les individus au rôle actif qui sera le leur. L’éducation formelle, en particulier, sert de transmetteur des concepts, comportements et valeurs sans lesquels le maintien de l’identité culturelle propre à chaque société est impossible. Que ce soit de manière positive ou négative, les écoles ont une grande part de responsabilité dans la formation des individus membres de la société et, de fait, dans la transmission des structures et traditions sociales. Au niveau non-formel, les organisations comme les partis politiques, les entreprises et les syndicats, facilitent les programmes éducatifs dans le but d’accroître l’efficacité de leur personnel et pour nourrir le sentiment d’une identité commune. Les organisations non-gouvernementales sont parmi les plus actives en proposant à la fois des formations dans le domaine de l’éducation non-formelle et en s’impliquant dans la formation de leurs propres agents. De plus, de nombreux cours sont proposés aux activistes, professeurs et autres membres de la société civile pour les former aux méthodes et techniques d’action en faveur du changement social. Ainsi, selon les Ces éléments sont définis dans un papier du FEWER, d’International Alert et de Saferworld (2004). La distinction faite ici entre les différents enseignements a été introduite par l’UNESCO au début des années soixante-dix et sert de support aux politiques de l’UE sur « l’éducation tout au long de la vie » cf. Tuschling et Engemann, 2006). 6 7 objectifs ou activités que l’on prend en compte, l’éducation peut être à la base du maintien d’une certaine stabilité ou le moteur du changement. Éducation à la paix « L’éducation à la paix devrait créer chez tous la vocation à devenir des êtres humains à part entière et déclencher le processus de transformation qui donnera la volonté à tous les participants de changer le monde. » Paulo Freire (1970, p.28) Toute formation fait partie d’un enseignement plus global. Ainsi, la formation à la paix est à rattacher à l’éducation pour la paix et c’est pourquoi, dans un premier temps, nous nous intéressons à cet enseignement pour mieux comprendre notre sujet. Le mot « éducation » vient du terme latin « educare » qui signifie tirer les fruits de ou conduire. Selon son contenu, la forme qui lui est donnée et les méthodes utilisées, l’éducation fait naître chez les êtres humains de multiples manières de percevoir le monde et d’agir en fonction. Selon Ian Harris, « l’éducation réveille en chacun l’instinct de vivre en paix avec les autres et insiste sur des valeurs pacifiques sur lesquelles la société devrait reposer. L’éducation à la paix s’efforce de faire connaître les causes profondes des événements violents auxquels ils sont confrontés. » (Harris et Morrison, 2003, p.29). À l’instigation d’organisations internationales comme l’UNESCO et l’UNICEF, nombreux sont ceux qui reconnaissent l’importance qu’il faut accorder à l’éducation à la paix dans les programmes scolaires mais aussi dans le cadre de l’éducation non-formelle. Deux éléments essentiels sont acceptés par tous : premièrement, que l’éducation à la paix ne doit pas être cantonnée aux zones de conflits mais qu’elle doit être une entreprise universelle, deuxièmement, que l’éducation à la paix ne doit pas simplement servir à promouvoir la « paix négative » (c’est-à-dire la simple absence de conflit violent) mais doit servir à développer le savoir et les compétences nécessaires à la création de la « paix positive », à savoir encourager la coopération au sein des groupes humains pour le bénéfice de tous et élaborer des solutions non-violentes pour transformer les conflits. L’éducation à la paix : une définition de base par l’UNICEF « L'UNICEF définit l'éducation pour la paix comme étant un processus d’amélioration des connaissances, des attitudes et des valeurs nécessaires pour faire évoluer les comportements de façon que les enfants, les jeunes et les adultes parviennent à prévenir les conflits et la violence, tant ouvertement que structurellement ; régler pacifiquement les conflits ; et créer les conditions favorables à la paix, que ce soit sur le plan intrapersonnel, interpersonnel, intergroupes, national ou international (…) L'UNICEF est d'avis que l'éducation pour la paix a sa place dans toutes les sociétés et pas seulement dans les pays victimes de conflits armés ou de situations d'urgence. Comme il faut du temps pour modifier durablement les comportements des enfants et des adultes, une éducation pour la paix efficace est forcément un processus à long terme plutôt qu'une intervention ponctuelle. Bien qu'elle fasse surtout partie des programmes scolaires ou d'apprentissage, pour bien faire il faudrait que l'éducation pour la paix englobe l'ensemble de la communauté ». (Fountain, 1999, p.1). Puisque l’éducation est un excellent moyen de perpétuer les idéologies qui fondent les sociétés, elle est fortement liée à la manière dont les gens perçoivent les conflits et y font face. L’éducation pour la paix repose sur les hypothèses suivantes : (1) le conflit, soit les divergences d’opinions et d’objectifs entre au moins deux acteurs, est partout et (2) le conflit « ne doit pas être évité mais confronté de manière à promouvoir sa compréhension et sa transformation (Harris et Morrison, 2003, p.29). Cela est pourtant loin d’être admis de manière universelle. Pour beaucoup, un conflit est nécessairement synonyme de destruction et tout est fait pour apprendre aux gens à les éviter ou pire, à détruire le moindre embryon de désaccord. Cela est souvent à l’origine de stratégies de « paix par la force » qui légitiment les interventions militaires et la formation d’agents aux méthodes d’intervention violente. De telles interventions ne font souvent qu’aggraver les cycles de violence. C’est pourquoi l’un des objectifs de l’éducation à la paix est de proposer des méthodes plus pratiques et surtout plus efficaces de gestion constructive des conflits et de lutte contre la violence et sa prévention. L’une des manières d’aboutir à ces résultats est de former des défenseurs actifs et qualifiés de la paix positive. Ce guide est assez unique. En effet, alors que la plupart des discussions et des études insistent sur l’éducation pour la paix des jeunes et à l’école, ce guide se concentre sur la formation des adultes aux savoirs, compétences et capacités professionnels nécessaires à la transformation constructive des conflits. Formation à la paix L’une des branches de l’enseignement est la formation. Il s’agit d’un enseignement, dans le cadre formel tant que non-formel, dont l’objectif principal est d’offrir des compétences professionnelles aux participants. C’est en faisant le lien de manière pratique entre les objectifs de la formation et le travail sur le terrain des agents que sont améliorées les aptitudes et, à terme, le développement professionnel des individus et des organisations. Dans le domaine de l’éducation à la paix, la formation, c'est-à-dire la formation à la paix a de multiples objectifs. Dans ce guide nous insisterons particulièrement sur la préparation au travail de paix d’individus aptes à intervenir de manière concrète et professionnelle dans les conflits afin d’en promouvoir la transformation constructive. Nous allons mettre en évidence plusieurs niveaux de formation à la paix : le niveau individuel : le développement personnel et l’ouverture d’esprit des travailleurs, c’est-à-dire le savoir, comportements et compétences comportementales favorisant la transformation de conflits ; le niveau social : les compétences et stratégies nécessaires à la construction de structures pour une paix durable et de manière à encourager les sociétés à aider leurs acteurs en conflit à coexister de manière pacifique ; et le niveau professionnel : le développement de méthodes de travail reposant sur une connaissance des enjeux liés aux différents conflits, sur les leçons apprises des expériences passées et sur les outils nécessaires à la transformation de conflits complexes et imprévisibles. La formation à la paix est un vaste domaine en mutation. L’objectif commun à toutes les formations est d’aider les intervenants de paix à poursuivre leur travail de prévention et de lutte contre la violence et à favoriser une paix durable de manière constructive.8 Les raisons invoquées par ceux qui participent à une formation à la paix, ainsi que leurs attentes, sont très variées. Certains cherchent à connaître de nouvelles manières de faire face aux conflits, de nouveaux concepts, des expériences les plus récentes. D’autres souhaitent élargir leur réseau de connaissances, simplement partager leur expérience ou cherchent un espace de relaxation. Les objectifs de la formation à la paix sont très variés et dépendent souvent de la motivation des participants et des besoins sur le terrain. La formation peut-être très générale et couvrir les compétences de base du travail de paix (travail en équipe ou communication interculturelle) ou très spécifique et portant sur un seul aspect du travail de paix (comme les méthodes d’analyse propres à un conflit spécifique ou la démobilisation et la réintégration des anciens combattants après une guerre en particulier). Les formations peuvent se dérouler dans des zones qui ne sont plus frappées par un conflit ou être intégrées dans les programmes de projets de paix plus globaux.9 Dans notre perspective, les travailleurs de paix participent à des formations à la paix ou en organisent pour diverses raisons : Les acteurs internes participent à ces formations pour développer des capacités favorisant le changement social. De nombreux mouvements collectifs s’accompagnent d’une formation à la paix, informelle ou non-formelle, fournie par des acteurs de la société civile. Ces formations peuvent prendre des formes différentes : résistance non-violente et intervention non-violente dans les conflits ; négociation et médiation ; dialogue ; planification stratégique ; création de réseaux ; etc. Ces compétences sont liées aux deux objectifs principaux de la formation à la paix pour les acteurs internes : le renforcement des capacités et le changement social constructif. Les acteurs externes y participent pour améliorer leurs savoir et compétences et aptitudes et être ainsi plus à même d’aider les acteurs internes et d’encourager la transformation positive des conflits. Bien que plusieurs universités proposant des cursus de paix et résolution des conflits intègrent ces éléments à leurs programmes, la plupart des formations se font dans le cadre d’environnements éducatifs non-formels ou informels. Ainsi, Nonviolent Peaceforce (NP) forme des équipes d’intervenants de paix à l’aide des méthodes d’intervention non-violente par des tiers (TPNI) (cf. chapitre troisième). Ces formations s’intéressent par exemple à la manière de s’interposer de manière non-violente entre les acteurs d’un conflit et de surveiller les dynamiques des conflits. Dans le cas d’acteurs externes comme NP, l’objectif des formations à la paix est de développer des équipes internationales de travailleurs de paix professionnels et formés, capables de collaborer avec tous les acteurs internes d’un conflit et d’aider ceux travaillent à la construction de la paix.10 Ce les deux objectifs mis en avant par Mary B. Anderson et Lara Olsen (Anderson et Olsenn 2003, p.12) Voir le travail de Dan Smith dans le cadre de l’étude Utstein (2003). Le travail de PATRIR en Transnistrie et celui de la Berghof Foundation for Peace Support sur le Sri Lanka sont aussi des études de cas intéressantes. 10 De plus, des organisations comme l’ASPR, REACT, la Folke Bernadotte Academy et PATRIR, proposent des formations destinées au personnel des gouvernements, des agences de l’ONU, et des organisations internationales pour les former de manière pratique au travail dans les zones de conflit et à la construction de la paix. 8 9 Ce guide s’intéresse particulièrement à ce dernier cas. Il est important, cependant, de garder à l’esprit que la distinction entre formation à la paix interne et externe n’est pas évidente. De nombreuses formations visent à préparer des acteurs internes et externes, par exemple à l’élaboration de programmes de construction de la paix chez Peace Action Training Research Institute of Romania (PATRIR) réunissent des acteurs internes à de nombreux conflits dans le monde et des intervenants extérieurs pour trouver des méthodes efficaces de coopération stratégique. Dans de tels cas, les participants sont tous impliqués dans le renforcement des capacités et apprennent les uns des autres. Ensemble, ils apprennent à se soutenir mutuellement au cours du processus de transformation des conflits. Ces formations, si elles s’accompagnent d’un véritable suivi, peuvent avoir des effets durables sur les environnements conflictuels. Sources et héritages de la formation à la paix À l’instar du travail de paix qui s’est développé au cours des dernières décennies, les réflexions et idées sur la meilleure préparation possible des individus et des groupes à une action en faveur de la réduction de la violence et de la promotion de la paix durable se sont multipliées. On croit souvent qu’il suffit d’être rempli de bonnes intentions pour devenir un travailleur de paix. Pourtant, de nombreux indicateurs montrent qu’une approche professionnalisante du travail de paix est indispensable si on veut qu’il soit efficace. Voilà pourquoi, au moment où le travail de paix est en pleine évolution, la formation à la paix est de plus en plus reconnue comme l’un des éléments clef de la préparation professionnelle des intervenants de paix. La formation à la paix peut se targuer d’une tradition riche et particulièrement intéressante. Elle repose en grande partie sur le récit des expériences de formation des acteurs à la non-violence et à ses applications pratiques. Le fondateur des politiques actuelles de non-violence, Mohandas Gandhi, n’a eu de cesse d’insister sur l’importance de la formation des satyagrahis, engagés dans l’action non-violente. Pour lui, la discipline mentale et physique, la réflexion spirituelle accompagnée de compétences concrètes comme les premiers soins étaient essentiels à la préparation de l’Inde dans sa lutte contre le colonialisme britannique. Cette tradition s’est ensuite perpétrée aux États-Unis avec les mouvements pour le respect des droits civiques et, plus tard, avec les mouvements pacifistes et de défense de l’environnement qui se sont développés dans le monde entier entre les années soixante et quatre-vingt. De nombreux mouvements sociaux dans des pays en développement ont bénéficié de la formation à la paix, qui a servi d’instrument à l’intervention pacifique dans le cadre de conflits et d’explosion de violence dans le monde. Walter Wink estime qu’au cours des seules années 1989-90, treize pays ont connu des révolutions non-violentes qui ont affecté la vie d’1,7 milliard de personnes, soit un tiers de la population mondiale. Si on ajoute à cela les autres luttes non-violentes du 20e siècle, le nombre de personnes impliquées dans des mouvements en faveur du changement social s’élève à 3,3 milliards (Wink, 2000, p.1). Dans la plupart de ces luttes, la formation à la paix s’est avérée très utile lorsque les gens se sont organisés pour renverser les régimes tyranniques.11 Un exemple de formation à la paix Voir, entre autres, les travaux de Nonviolence International, du Centre international pour la non-violence et de l’Albert Einstein Institution. 11 « Les formateurs les plus célèbres dans les années soixante-dix et quatre-vingt étaient Hildegard Goss-Mayr et Jean Goss. Durant de nombreuses années, ils ont parcouru le monde pour former à la non-violence. Ils ont formé des gens aux Philippines peu de temps avant la révolution pacifique de 1986 et ont organisé des formations dans plusieurs États d’Amérique Latine subissant des régimes dictatoriaux. Leur préparation s’articulait autour de trois points : l’analyse des conflits, la préparation des groupes ou communautés locaux et le développement d’une stratégie. L’analyse s’intéressait aux conditions historiques, éthiques, idéologiques, politiques, légales et pédagogiques ainsi qu’aux traditions et à la culture. Ils s’intéressaient aussi aux origines des injustices. Ils posaient des questions comme : quels sont les gens, groupes et institutions impliqués dans le conflit ? De quelle manière ? L’une des questions fondamentales pour eux était de chercher à comprendre pourquoi tout le monde a une part de responsabilité dans l’injustice. Pour eux, une lutte non-violente ne peut rejeter tout le blâme sur les oppresseurs. Il s’agit d’une analyse « bipolaire ». La recherche de la non-violence doit passer par la compréhension du point de vue des opprimés mais aussi de celui des « autres ». Il faut savoir accepter que les opposants peuvent, d’une certaine manière avoir raison » (Herngren, 2004). Au-delà de la non-violence, d’importantes formations à la paix ont débuté dans les années cinquante autour d’une médiation politique non-officielle effectuée par la base, aussi connue sous le nom de diplomatie de « personne à personne ». Dans ce domaine, les premiers travaux ont été menés par des quakers, tels Adam Curle et des mennonites comme John Paul Lederach. Ces approches montraient un attachement profond aux valeurs spirituelles, un souci constant des réalités politiques dans les conflits violents, une perspective globale du paysage du conflit, et la volonté de travailler avec différents acteurs impliqués dans le conflit (Lederach, 1995 ; Curle, 1999). Alors que se développait le travail de paix de la société civile, de nombreuses autres formations sont apparues et ont enrichi le domaine : dans les années soixante, l’activité de résolution des conflits au niveau international a acquis une légitimité ; de plus grandes compétences ont été définies en matière d’élaboration des processus de changement social ; les premières sessions de facilitation non-officielle se sont déroulées et l’utilisation de la « diplomatie à voix multiples » s’est généralisée. À l’échelle nationale, l’idée de mécanismes de « résolution alternative des conflits » (RAC) a gagné de l’ampleur aux États-Unis puis en Europe, la médiation est devenue un outil fréquemment utilisé pour résoudre les conflits à tous les niveaux de la société (Moore, 2003). Dans les deux cas, des programmes de formation et des profils professionnels ont été élaborés. En Europe, l’éducation comme outil de transformation politique et sociale a été utilisée au cours du processus de démocratisation de l’Allemagne de l’Ouest (politische Bildung) et de la réconciliation franco-allemande. Ces avancées se sont produites en parallèle de l’apparition de la psychologie humaniste (Carl Rogers, Thomas Gordon) et de l’idée que l’on pouvait développer, notamment à l’aide de la formation, des comportements et des états d’esprit plus fonctionnels et valorisants. Enfin, à partir du milieu des années quatre-vingt, les pays et les organisations internationales ont compris la nécessité d’une nouvelle génération de professionnels civils capables d’intervenir en situation de conflit et de crise. Le « le maintien de la paix de deuxième génération » a ouvert la voie à des approches non-militaires et a permis l’élaboration de nouveaux outils de gestion des conflits. La construction de la paix est devenue un champ d’action bien spécifique qui nécessitait la formation de personnel qualifié et le Secrétaire général de l’ONU en 1992, Boutros Boutros-Ghali, l’a officiellement inscrite à l’Agenda pour la Paix de l’ONU. Dans les années 90, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a développé des programmes de grande envergure d’intervention civile dans les conflits et les processus de paix, et a fait envoyer son personnel dans des formations à la paix dans toute l’Europe. En parallèle à cela, de nombreux programmes de formation aux missions civiles de maintien de la paix et à la construction de la paix ont été lancés. En Europe, le Programme international de formation aux missions civiles de maintien et de construction de la paix de l’ASPR (Austrian Study Center for Peace and Conflict Resolution) a été l’un des pionniers en la matière. Toutes ces traditions se sont influencées les unes les autres et ont convergé vers ce que nous appelons aujourd’hui la formation à la paix. Analyse de la formation à la paix S’il existe plusieurs interprétations différentes de ce que devrait être la préparation des adultes au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits, toutes s’accordent sur le fait que la formation à la paix doit s’effectuer à divers niveaux pour être efficace. Ces niveaux sont, selon certains, la raison, les émotions et le savoir-faire (Lederach, 2006). Pour d’autres, la formation touche au savoir, à l’être et au faire. Dans ce guide, nous utiliserons la terminologie définie dans le cadre du Projet Peaceworkers d’International Alert selon laquelle les compétences nécessaires sont le savoir, les qualités humaines et les compétences professionnelles (Peaceworkers, UK 2006). Schéma 1 : Les compétences nécessaires au travail de paix Savoir Qualités humaines Compétences professionnelles Savoir Dans le cadre de la formation à la paix, le principal savoir nécessaire aux intervenants de paix est la connaissance d’eux-mêmes et du contexte dans lequel ils travaillent. De manière générale, le savoir est nécessaire chez ceux qui travaillent sur et dans des conflits qui (1) nécessitent spécifiquement un travail de paix, et (2) ne nécessitent pas directement un travail de paix mais dont le savoir permettra d’améliorer considérablement le travail de paix. Même s’il est impossible de dresser une liste exhaustive, voici certaines connaissances très importantes qu’il est nécessaire de garder à l’esprit lors des formations d’adultes à l’intervention non-violente dans les conflits. Les savoirs clef de la formation à la paix 1. Approches sensibles au conflit en matière de construction de la paix : la sensibilité au conflit implique de respecter la situation propre à chaque conflit et les cultures locales et d’agir en collaboration avec des acteurs internes de manière à nuire le moins possible et à maximiser les effets constructifs sur le conflit.12 2. Rôles des divers acteurs et contexte du conflit : le savoir concernant un maximum d’acteurs au conflit est déterminant. Cela inclut soi-même en tant qu’intervenant, les relations entre les différents acteurs, ainsi que les positions, objectifs et besoins de chacun. Non seulement faut-il saisir comment les intervenants extérieurs peuvent aider les acteurs internes, mais il est aussi essentiel de savoir quels acteurs risquent d’être des « diviseurs » ou au contraire des « connecteurs » dans le cadre d’un processus de paix. (Anderson, 2004). Au-delà des acteurs locaux, il est important de cartographier les contributions des acteurs internationaux et des donateurs, l’action coordonnée entre ONG, armée et civils, et toute interaction susceptible d’être négligée. Enfin, l’histoire et le calendrier d’un conflit doivent être connus ainsi que le rôle, par commission ou par omission, des différents acteurs dans le déclenchement de la violence. 3. Techniques de travail sur le terrain : il s’agit des techniques mises en œuvre dans les zones de conflits comme les compétences en matière de gestion des projets, les différentes pratiques de transformation des conflits, les méthodes d’intervention nonviolente par des tiers, l’analyse des conflits, etc. 4. Environnement des missions : afin de travailler de manière durable et sensible dans les zones de conflit, les qualités suivantes sont nécessaires : capacité à travailler en équipe, conscience des questions liées au genre, qualités de communication, gestion du stress, respect des codes éthiques de conduite et dévouement à sa mission.13 5. Sûreté et sécurité : cela inclut non seulement la sécurité des personnes et des groupes mais aussi les conséquences potentielles des actions des intervenants extérieurs sur la sûreté et la sécurité des acteurs locaux. De plus, il est primordial de s’intéresser aux traumatismes mais aussi aux traumatismes secondaires (appropriation des traumatismes des acteurs locaux par les intervenants qui en souffrent à leur tour). Le savoir lié aux conflits doit être aussi global que possible. Pour cela, il faut comprendre à la fois le contexte général d’un conflit mais aussi la manière dont les éléments individuels y sont Cf. www.conflictsensitivity.org pour plus d’informations. Le Code de conduite pour le travail de transformation des conflits d’International Alert en est un excellent exemple (International Alert, 1998). 12 13 connectés. La complexité des conflits oblige à une mise à jour constante des connaissances du contexte mais aussi du rôle que les intervenants doivent jouer en fonction de ce contexte.14 Qualités humaines En plus du savoir, les formations à la paix s’intéressent particulièrement au développement des qualités humaines propres à chacun. Ces qualités sont souvent décrites comme les « compétences douces » des intervenants ou leurs manières d’être. Elles évoluent en fonction du comportement des travailleurs de paix, de leur vision du monde et de leurs expériences passées. Lorsqu’ils interviennent sur un conflit, ils doivent comprendre comment ils se perçoivent euxmêmes dans cet environnement propre à chaque zone d’intervention, mais ils doivent aussi se rendre compte de la manière dont ils sont perçus par les autres. Une perception du monde faite de préjugés et de croyances rigides peut compromettre leur capacité à travailler auprès des acteurs internes aux conflits. Ainsi, l’une des principales qualités du travail de paix est l’ouverture d’esprit. Cela implique l’humilité, mais aussi la conscience profonde des conséquences négatives ou positives que peuvent avoir nos manières de penser sur le conflit. Un grand nombre d’autres compétences sont nécessaires au travail de paix (cf. chapitre deuxième). Si nous insistons ici sur l’ouverture d’esprit, c’est que de nombreuses attitudes et qualités humaines découlent de celle-ci. Les autres qualités humaines communément reconnues comme nécessaires au travail de paix en zone de conflit sont : diplomatie et sensibilité ; créativité et capacité à résoudre les problèmes pratiques ; flexibilité, adaptabilité et confiance en soi ; attitude positive et capacité à travailler en équipe ; sang-froid face en cas de stress (Peaceworkers UK, 2006) En bref, les qualités humaines d’un travailleur de paix doivent s’allier pour que sa présence nonviolente soit à même de transformer les conflits de manière positive. Des qualités personnelles inadaptées à un environnement de conflit peuvent enflammer un contexte déjà violent. Compétences professionnelles Alors même qu’ils s’efforcent d’alléger les souffrances des personnes sur les zones de conflits, les travailleurs de paix peuvent faire plus de mal que de bien s’ils ne possèdent pas les compétences professionnelles adaptées. Ainsi, la formation à la paix doit mettre en avant les compétences qui peuvent améliorer les techniques d’intervention afin de maximiser les effets positifs de l’action des travailleurs de paix. Ces compétences professionnelles qui ont fait leurs preuves dans la construction de la paix et la transformation des conflits doivent faire partie du processus de formation pour que les intervenants puissent donner une forme pratique et concrète à leur savoir et leurs qualités humaines. Ils pourront ainsi se rendre utiles sur les zones de conflit. Deux de ces compétences les plus importantes sont : la capacité à comprendre l’interconnexion qui caractérise les conflits et la capacité à réunir les acteurs clef qui sont capables de créer les Le Département britannique pour le Développement international (DFID) applique ce principe en produisant régulièrement les rapports qui lui sont commandés : www.dfid.gov.uk. Swiss Peace a été l’un des pionniers en matière de cartographie des conflits, d’évaluation et et de systèmes d’alerte rapide, avec sa méthodologie FAST : www.swisspeace.org. Le Réseau ouest-africain pour l’édification de la paix (WANEP) enfin dispose également d’un système d’alerte rapide pour l’Afrique de l’Ouest : www.wanep.org. 14 structures nécessaires à la lutte contre la violence. Lederach compare, à ce propos, les travailleurs de paix à des araignées : « Pour soutenir les changements constructifs dans des environnements violents, […] il faut se poser cette question : comment construire une structure de connexions stratégiques dans un environnement imprévisible, structure qui comprend et s’adapte continuellement aux contours d’une géographie sociale dynamique et parvient à trouver les points d’achoppe permettant de préserver ce processus ? La construction du changement social relève est l’art de repérer et de construire des réseaux (Lederach, 2005, p.84). Il y a deux façons d’y parvenir : (1) faire interagir les acteurs de conflits aux trois niveaux de la société (les dirigeants politiques, militaires et les grands patrons ; les acteurs clef de la société civile et la population) avec les acteurs de même niveau dans d’autres conflits et (2) aider ces différents acteurs à trouver des intérêts communs au sein de leur propre groupe. La capacité des intervenants de paix à encourager les relations entre ces acteurs est à la base des réseaux qui permettent de construire des structures durables pour la paix dans les zones de conflit. Schéma 2 : Les triangles du conflit de Lederach15 Premier niveau (sommet) - Dirigeants militaires, politiques et religieux à forte visibilité - Grands patrons - Représentants des pouvoirs publics Deuxième niveau (centre) - Dirigeants respectés dans leur domaine - Chef ethniques et religieux - Universitaires et professeurs - Dirigeants d’ONG - Professionnels - Média et journalistes Troisième niveau (base) - Dirigeants et doyens locaux - Intervenants au sein de communautés et d’ONG - Groupes de femmes et de jeunes gens - Professionnels de la santé locaux - Travailleurs sociaux La plupart des conflits reposent sur des contradictions internes à une société (Galtung, 2000). Si de profondes divisions (quelles soient politiques, économiques, sociales, etc.) sont ignorées, le risque de conflit est grand. Ainsi, la formation à la paix doit insister sur l’importance de la 15 Ces triangles ont été présentés pour la première fois par Lederach (1997). connaissance du contexte de chaque conflit et permettre d’ajuster les compétences professionnelles nécessaires à la transformation des racines du conflit en question. La flexibilité, par conséquent, est fondamentale. En effet, si les intervenants s’efforcent de faire évoluer les comportements et les états d’esprit dans les sociétés en conflit sans pour autant chercher à en résoudre les contradictions profondes, alors le conflit ne peut être résolu. Cela explique pourquoi Johan Galtung, l’un des fondateurs et pionniers de la recherche sur la paix, insiste sur la créativité dans la quête d’une solution efficace pour transformer les contradictions sous-jacentes, la structure profonde de chaque société ainsi que les éléments de sa culture qui sont à l’origine des conflits. Pour lui, cette créativité est l’une des compétences les plus importantes des travailleurs de paix.16 Pour faire face aux dynamiques complexes des zones de conflit, il est nécessaire que les intervenants de paix disposent d’autant de compétences professionnelles que possible. S’appuyer seulement sur l’une ou l’autre de ces compétences serait comme n’avoir qu’un marteau dans sa boîte à outils, et pour John Galtung, « si un marteau est tout ce que vous avez dans votre boîte à outils, alors le monde commence à ressembler à un clou ». Absence d’une vision commune de la formation à la paix Comme nous l’avons vu, il existe de nombreuses manières d’envisager la formation la plus efficace possible au travail de paix et à la transformation de conflits. Une vision du monde, des opinions, valeurs et cultures différentes empêchent les formateurs de s’accorder sur des normes conceptuelles communes quant à ce que les intervenants doivent acquérir pour intervenir de manière efficace à tous les niveaux du conflit. Cette situation est en partie due à ce que le domaine de la formation à la paix est relativement nouveau et que les personnes qui s’y intéressent disposent de formations très diverses. Mais c’est justement cette diversité qui fait la richesse dont le domaine de la formation peut s’inspirer afin d’offrir une large palette de bon sens, savoirs et expériences. Certains experts recommandent une préparation fondée sur la spiritualité quand d’autres ont une approche plus pragmatique et prennent plus en compte les éléments pratiques nécessaires à l’action sur le terrain. Pour certains, le travail de paix est un domaine à part entière, pour d’autres ce n’est rien d’autre qu’une extension d’autres domaines déjà existants. Certains formateurs insistent sur l’importance du professionnalisme, d’autres souhaitent que les futurs travailleurs de paix n’oublient jamais que leur démarche vient avant tout de leur vocation. Si tous reconnaissent que tous ces éléments doivent intervenir dans la formation, la part de chacun dépend du contexte de chaque conflit mais aussi des mandats des organisations déployées. Un exemple évident de ce que nous venons de dire est l’usage de la terminologie. Même si de nombreux acteurs utilisent les mêmes termes, leur signification peut fortement varier. Ainsi, le terme rétablissement de la paix (peacemaking) dans la terminologie de l’ONU sert généralement à définir les activités décrites dans l’article 33 de la Charte de l’ONU : négociation, enquête, médiation, conciliation, arbitrage, et règlement judiciaire. Récemment, cependant, cette notion a été utilisée comme un synonyme d’imposition de la paix (peace enforcement) pour décrire les opérations militaires visant à faire accepter, de force, un cessez-le feu aux parties prenantes d’un Johan Galtung s’est exprimé à ce propos dans son discours intitulé « What Does Professionalization Mean in Peace Research? » (Qu’est-ce que la professionnalisation dans la recherche sur la paix ?) lors de la conférence organisée par l’International Peace Research Association (IPRA) en 2006, à Calgary, au Canada. L’ensemble du discours peut être consulté sur le site Web de l’IPRA : http://soc.kuleuven.be/pol/ipra/calgary_highlights.html. 16 conflit. À cela nous devons ajouter que les stratégies utilisées pour atteindre les objectifs nombreux et variés liés à la lutte contre la violence et la promotion de la paix positive sont très diverses. Ainsi, quand certaines rejettent dans tous les cas la coopération entre le civil et le militaire, affirmant que la collaboration avec ceux qui ont été formés par des méthodes violentes d’intervention est un moyen injuste pour une fin louable, d’autres accueillent cette initiative avec enthousiasme. Tomber d’accord sur des normes communes devient de plus en plus difficile et en même temps de plus en plus nécessaire alors que les exigences de la communauté internationale augmentent : la demande en matière de présence de civils dans les zones de conflit ne cesse d’augmenter, et ce particulièrement lorsque la violence est au plus fort. Bien que des groupes comme les Brigades de paix internationales interviennent au niveau des communautés dans les zones de conflit depuis plus de 25 ans, divers organisations et organismes régionaux consacrent leurs efforts à créer des capacités civiles destinées à des interventions à grande échelle.17 La coordination de telles forces civiles demande, certes, davantage de financement et d’organisation, mais elle présente une véritable chance de se passer de manière non-violente de l’intervention militaire généralement acceptée. Un compromis doit être trouvé sur les concepts, les stratégies et les valeurs du travail de paix (ou du moins sur la nature et l’étendue des différences entre les acteurs – cf. chapitre quatrième), pour faciliter la prise de décisions politiques à l’égard des interventions. Ce défi concerne aussi la manière dont le travail de paix doit être présenté au grand public. Sans un langage approprié, la légitimité du travail de paix peut être remise en cause, notamment par ceux pour qui l’intervention relève du domaine militaire. Il est évident qu’on ne peut trouver une terminologie adaptée à tous les publics ; pour autant, décrire le travail de paix en des termes inaccessibles au plus grand nombre risque de causer du tort à ce domaine. Si le travail de paix n’est pas compris et si l’on ne s’engage pas à le présenter de manière accessible, il devient presque impossible d’envisager des interventions à grande échelle qui impliquent un grand nombre d’acteurs. Il est important pour l’avenir du travail de paix que ceux qui mettent en place les pratiques sur le terrain trouvent de manière cohérente comment élargir le champ les capacités d’intervention non-violente.18 Conclusions La formation à la paix repose sur une riche tradition fondée sur l’éducation pour la paix et l’expérience des experts qui travaillent, depuis des décennies, à réduire la violence et à promouvoir la paix positive aux niveaux local et international. La formation à la paix a aujourd’hui tout à apprendre des leçons du passé. Au moment où les possibilités d’interventions civiles à plus grande échelle sont de plus en plus importantes, il est nécessaire de développer des formations globales et de veiller à ce que les différents acteurs du domaine s’accordent sur les normes auxquelles ces formations doivent répondre. Ce chapitre s’est efforcé de poser les bases de l’étude dont ce guide fait l’objet et de commencer à évoquer les approches communes de 17Voir le site Web de Nonviolent Peaceforce : www.nonviolentpeaceforce.org et celui du Centre international pour les opérations de paix : http://www.zif-berlin.org/. 18 EPLO (European Peacebuilding Liaison Office) est l’exemple d’une organisation européenne qui s’efforce de parvenir à cette cohérence. À l’initiative de nombreuses organisations européennes, elle travaille à la promotion de la construction de la paix, et la diffuse de manière accessible à tous. EPLO s’efforce également de maintenir soutien et cohérence politiques au niveau des institutions européennes. l’éducation à la paix ainsi que les défis qui se présentent à l’égard de son développement. Le chapitre suivant approfondit la compréhension de la formation à la paix en formulant cinq propositions essentielles pour la formation à la paix. Chapitre deuxième : Propositions pour la formation à la paix Par Frode Restad et Robert Rivers Dans le chapitre précédent, nous avons préparé le terrain en revenant sur l’histoire et les bases de la formation à la paix ainsi qu’en offrant une brève analyse des compétences que nous espérons développer chez les intervenants de paix. Dans ce chapitre, il s’agit d’approfondir la réflexion en présentant cinq propositions qui doivent être prises en considération à tous les niveaux de la formation à la paix. Ces points d’orientation serviront de base au débat sur les défis qui se posent à la formation à la paix et sur les possibilités de transformer ces défis en opportunités. Avant de commencer, nous souhaitons clarifier un élément : une proposition est une déclaration qui peut être vraie mais qui ne l’est pas nécessairement. D’après la synthèse des résultats du projet ARCA et des recommandations des spécialistes du domaine, les propositions suivantes mettent en exergue des éléments importants pour une préparation plus efficace des individus afin qu’ils aient une influence positive sur le conflit. Proposition 1 : La formation à la paix est un moyen pertinent pour préparer efficacement les individus à avoir une influence positive sur le conflit. Bien qu’il existe de nombreuses approches de la formation à la paix, en tant que domaine, elle est respectée par les acteurs issus de divers milieux à travers toute l’Europe. Sur les 660 questionnaires distribués dans le cadre du questionnaire ARCA, 184 organisations basées dans 20 pays différents ont répondu – elles sont toutes engagées dans des interventions nationales et internationales de construction de la paix et de transformation des conflits. Cet impressionnant taux de réponse de 27% indique qu’un grand nombre d’organisations européennes clé souhaitent faire entendre leurs voix sur le sujet de la formation à la paix.19 Méthodes préférées des organisations À la question « quelles sont vos méthodes de travail Éducation et formation 163 de paix préférées ? », près de 90% d’entre elles ont Action 92 répondu l’éducation et la formation. Cet engagement Sensibilisation, lobbying, 81 pour la formation à la paix de la part de ces constitution de réseaux Recherche 55 organisations gouvernementales, nonAutres 30 gouvernementales ou universitaires montre qu’elle est bien plus qu’un simple centre d’intérêt pour les divers acteurs du secteur. Si la formation à la paix n’était pas un outil efficace de préparation des adultes pour qu’ils aient une incidence positive sur le conflit, il 19 Cf. les résultats du questionnaire ARCA dans le rapport général : www.peacetraining.org. serait peu probable qu’un si grand nombre d’organisations y prête attention. C’est pourquoi, vu la place importante qu’occupe la formation à la paix au sein des pratiques des organisations européennes, nous pouvons en déduire qu’elle est considérée comme un outil approprié et efficace de préparation des individus à l’intervention non-violente dans un conflit. Proposition 2 : L’objectif de la formation à la paix (à quoi les intervenants de paix sont-ils formés ?) Préparer les individus à avoir une influence positive sur le conflit. « La formation en elle-même n’est qu’un moyen d’aboutir à une fin, et cette fin est d’avoir des intervenants mieux préparés et plus qualifiés, qui fournissent un travail de meilleure qualité et plus efficace, faisant une réelle différence sur les situations de conflit. » – Tim Wallis, projet Peaceworkers d’International Alert Il existe des cas où la formation est, en elle-même, un moyen d’intervention : par exemple, quand des acteurs du conflit se réunissent dans la même salle de formation pour partager leurs expériences. Cependant, quand il s’agit de former des intervenants extérieurs, le but de la formation à la paix est de les préparer à avoir une influence positive sur le conflit. Cela ne signifie pas pour autant que l’on sous-estime le développement personnel des intervenants de paix ; cet aspect doit être pris en compte à tous les niveaux de la formation à la paix mais ne doit pas être considéré comme l’objectif de ce processus. Hagen Bernt et Ruth Mischnick, tout deux formateurs, expliquent : « En renforçant les capacités personnelles des intervenants de la paix, ils renforcent l’élément le plus important du travail de transformation des conflits : leur propre personne. » En améliorant leur développement personnel et en faisant le lien entre leur formation et la réalité de leur travail, les intervenants de la paix seront plus efficaces dans la transformation active des conflits. L’objectif de la formation à la paix peut être étudié plus en profondeur en examinant les besoins du côté de la demande ainsi que du côté de l’offre de formation. En ce sens, l’offre signifie répondre aux besoins de chaque intervenant de paix qui assiste à une formation, et la demande signifie répondre aux besoins sur le terrain. Formation répondant à la demande et formation répondant à l’offre « Je crois qu’il ne faut pas s’intéresser d’abord à l’intervenant de paix, puis au terrain. Il faut d’abord étudier le terrain afin de déterminer ses besoins, puis essayer de voir comment on peut y répondre. D’une certaine manière, nous devons répondre à la demande et non à l’offre. Si l’on s’intéresse à l’offre, on ne répondra jamais à la demande (ou en tout cas, pas de façon suffisante). Il est impératif de faire participer les acteurs du terrain à la préparation des formations. Ils doivent nous exposer leurs besoins, pas pour des formations particulières, mais dans le domaine de la transformation des conflits, de la réconciliation et de la construction de la paix. C’est seulement après cela que nous pourrons demander : « Comment la formation peut-elle répondre à cette demande sur le terrain ? » C’est une approche différente. Lorsque je prépare des formations, je réunis des personnes de terrain et des personnes travaillant ici, au Centre d’études autrichien pour la paix et la résolution des conflits (ASPR), afin de débattre des améliorations que l’on peut apporter aux formations. Puis, nous les organisons et les mettons en place. » – Arno Truger, ASPR Il y a de nombreuses façons différentes de former les intervenants de paix à avoir une influence positive sur le conflit. Pour la plupart des organisations européennes ayant répondu au questionnaire ARCA, l’objectif de la formation est le développement professionnel de leur personnel, suivi de près par la formation de multiplicateurs et la formation d’individus travaillant localement à la construction de la paix dans leur pays d’origine. Proposition 3 : Les méthodes de formation à la paix (comment les intervenants de paix sont-ils formés ?) La formation à la paix met en œuvre différentes méthodes d’apprentissage afin de préparer avec plus d’efficacité les individus à avoir une influence positive sur le conflit. Les méthodes employées au cours des formations jouent un rôle important dans la réussite de la préparation des individus au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits. De nombreuses structures éducatives traditionnelles sont uniquement fondées sur le transfert de connaissances en sens unique : de la personne qui sait (le professeur) aux élèves, qui sont considérés comme des objets vides que l’on doit remplir d’informations. Cette forme d’éducation « bancaire » nie non seulement la grande sagesse des participants, mais elle reproduit les cycles de domination que les formations à la paix tentent justement de transformer.20 C’est pourquoi les formations s’inspirent de diverses méthodes d’apprentissage afin de relier les intervenants de paix à leur « tête », leur « cœur » et leurs « mains ». Parmi les méthodes les plus appréciées se trouvent le travail de groupe et en équipe, les jeux de rôle, les simulations, l’utilisation d’études de cas de conflit et l’apprentissage des bonnes pratiques. Les méthodes doivent être adaptées au contexte culturel, au contenu de ce qui est appris et à l’objectif de la formation. Par exemple, un cours magistral peut être le meilleur moyen d’introduire une théorie de la transformation des conflits mais n’est pas recommandé pour montrer les possibilités d’entraide entre les membres d’une équipe qui travaillent ensemble dans une situation tendue. Dans ce cas, une simulation est un moyen bien plus efficace de tester leurs aptitudes. Quelle que soit la méthode employée, il faut garder à l’esprit que les êtres humains apprennent mieux lorsqu’un plus grand nombre de leurs facultés sont stimulées. L’éducation bancaire est un terme utilisé par Paulo Freire (1970) qui désigne des pratiques pédagogiques déshumanisantes où les éducateurs estiment que les élèves n’ont aucun savoir. Ce processus est comparable à un individu déposant de l’argent à la banque. 20 Schéma 3 : Taux de mémorisation dans l’éducation des adultes21 Écoute seule Vision seule 20 % 30 % Écoute et Écoute, parole vision et vision 50 % 70 % Écoute, parole, vision et action 90 % % de mémorisation Les formations des adultes au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits reposent donc davantage sur des méthodes d’apprentissage interactives plutôt que sur des approches normatives. En dépit des similitudes que l’on peut y trouver, aucun conflit n’est identique à un autre. Il est donc impossible de « prescrire » une solution pour tous les conflits. Les approches interactives cherchent à se nourrir de la diversité des expériences des participants afin de créer un flux de connaissances multidirectionnel (cf. cinquième chapitre). Le dialogue et l’échange d’idées peuvent faire naître un processus d’apprentissage riche qui stimule les participants à de nombreux niveaux, accroissant ainsi l’efficacité de la formation à la paix. L’une des meilleures méthodes de formation des adultes au travail de paix consiste à employer la pédagogie critique afin de les aider à voir les liens entre leurs propres vies et les conflits dans lesquels ils interviendront de façon non-violente. Pédagogie critique et formations à la paix « D’une certaine manière, les individus qui interviennent dans un conflit doivent d’abord comprendre leur propre contexte avant d’intervenir dans celui de quelqu’un d’autre. En d’autres termes, ils ne peuvent pas parler du conflit entre Israéliens et Palestiniens sans parler également de la façon dont les gens dans leur propre pays vivent dans des communautés fermées et ne voient jamais les personnes défavorisées et marginalisées. La formation doit permettre aux participants de faire le lien entre ce qu’ils apprennent et leur propre vie. Ils doivent comprendre la peur qu’ils peuvent ressentir en tant qu’individu de peau blanche faisant la rencontre des membres d’un gang dans une rue du Bronx. S’ils ne peuvent regarder ces personnes dans les yeux et leur parler, pourquoi iraient-ils le faire en Israël ? Peu importe le nombre de fois que les intervenants de paix ont fait le tour du monde ; s’ils ne comprennent pas profondément les conflits de leur propre société, cela se ressentira. Ils seront perçus comme des éléments extérieurs car ils sont froids, distants ou neutres. Les intervenants de paix doivent apprivoiser leur propre souffrance et la manière dont ils ont réussi à vaincre les obstacles au cours de leur vie. Ils doivent analyser en profondeur leurs peurs, les ressentir, et les apprivoiser ; ensuite, lorsqu’ils en ont une bonne compréhension, ils peuvent se rendre dans d’autres endroits car le conflit ne leur fera pas aussi 21 In : Arnold et al. (1991). peur. C’est pourquoi j’aimerais qu’il y ait des formations où les participants mettent en œuvre la transformation des conflits dans leur propre communauté et dans leur propre vie afin qu’ils aient quelque chose à partager avec d’autres individus vivant dans le conflit. S’ils ont fait l’expérience de leur propre souffrance, il sera très difficile pour les intervenants de paix de dormir dans un bel hôtel alors que les réfugiés avec qui ils travaillent dorment dans des tentes et ne disposent pas de l’eau courante. En fondant la formation sur un point de vue critique à l’égard de sa propre vie, on évite de commettre bon nombre d’erreurs qui contribuent à la mauvaise réputation des intervenants de paix. » - Gal Harmat, Centre de pédagogie critique, Université de Tel-Aviv L’emploi de méthodes variées stimule les participants et les oblige à faire appel à un éventail de compétences, ce qui les prépare à gérer la complexité des conflits. Les zones de conflit sont souvent des réseaux de tensions causées par de nombreuses dynamiques. Celles-ci doivent être représentées autant que possible durant les formations à la paix. Si la formation n’est que la transmission par un formateur de son savoir à des participants, ceux-ci ne seront pas préparés à un travail actif sur le terrain. Si l’objectif de la formation à la paix est de préparer les individus à avoir une influence positive sur le conflit, alors les formations à la paix, pour gagner en efficacité, doivent comprendre différentes méthodes qui testent réellement les individus (et font appel à leur tête, leur cœur et leurs mains). Proposition 4 : Les compétences nécessaires à la formation à la paix (quelles compétences l’intervenant de paix doit-il posséder ?) La formation à la paix met l’accent sur les compétences relationnelles (qualités personnelles) car c’est un élément essentiel pour les individus qui souhaitent avoir une influence positive sur le conflit. Dans le droit fil du premier chapitre, s’il est d’une importance cruciale dans la conception d’une transformation constructive de la société de réunir les acteurs du conflit et de créer des structures qui résistent à la violence, la question qui se pose, vitale pour la formation à la paix, est la suivante : quelles sont les compétences qui permettent de créer des réseaux dans les zones de conflit ? Le questionnaire ARCA illustre bien que, quelque soit l’objectif de la formation à la paix, l’ensemble des compétences requises est très similaire. Parmi l’ensemble des personnes interrogées, 33% privilégient les compétences non techniques (compétences relationnelles ou qualités humaines), 30% les savoirs comportementaux et 28% les compétences professionnelles. Schéma 4 : Importance des compétences en fonction de l’objectif du travail de paix Importance i des comp o t important tences selon by differen les objectifs Aim Soft Skills Relationnelles 60 Behavioural Comportementales Professional 50 Other Professionnelles Autres 40 30 20 10 0 Personnel Ow n Staff ploiement DDeployment D Development veloppement Niveau Locallocal level Multiplicateur Multiplier Prise de d cision DecisionMaker Autre objectif Other aim Bien que ces pourcentages montrent la nécessité pour les intervenants de paix d’être complets, l’on peut en déduire que les compétences relationnelles sont à la base de tout travail de paix efficace. Celles-ci reposent essentiellement sur une connaissance profonde de soi-même et sur la capacité à créer un lien avec autrui. On peut évidemment développer son savoir, ses compétences comportementales et professionnelles en plus de ses compétences relationnelles, il n’empêche que si les intervenants de paix ne parviennent pas à instaurer une relation de confiance avec les acteurs du conflit, leurs compétences techniques ne leur permettront pas d’ouvrir les portes qui se seront fermées à cause de leur manque de sensibilité. C’est pourquoi nous pensons que la sensibilité au conflit est au cœur des compétences relationnelles nécessaires à un travail de paix efficace. Afin de poursuivre les propos du premier chapitre, la sensibilité au conflit représente la capacité des intervenants à comprendre le contexte du conflit dans lequel ils travaillent, à être conscients de la manière dont leur intervention influence ce contexte et à agir de sorte à éviter les effets négatifs et à optimiser les effets positifs (FEWER, International Alert et Saferworld, 2004). Tous ceux qui interviennent dans les conflits doivent fournir une réflexion continue afin d’analyser l’influence de leur présence sur leur environnement. Dix compétences relationnelles nécessaires au travail de paix 1. Empathie : se mettre à la place de tous les acteurs du conflit et trouver la légitimité dans les expériences des autres. 2. Humilité : faire preuve d’un grand respect vis-à-vis des cultures et des traditions locales et s’efforcer à soutenir les acteurs internes plutôt que de résoudre leurs problèmes à leur place. 3. Calme : savoir gérer le stress et les situations traumatisantes et faire preuve de créativité pour réagir aux situations difficiles. 4. Endurance : persévérer dans les moments difficiles et garder son identité personnelle et une certaine clairvoyance quant aux raisons pour lesquelles on s’est engagé à intervenir dans le conflit. 5. Vigilance : être conscient que son attitude (apparence, personnalité, nationalité, culture…) peut influencer de façon positive ou négative l’environnement du conflit. 6. Espoir : conserver sa joie même dans la tragédie et toujours voir les possibilités de paix, même lorsqu’elles ne sont pas évidentes. 7. Idéalisme et réalisme : être profondément optimiste tout en restant lucide quant à la réalité du conflit et ses capacités réelles. 8. Honnêteté et fiabilité : communiquer ouvertement avec tous les acteurs du conflit et être transparent sur ses intentions et sa mission. 9. Détachement : se concentrer sur sa responsabilité de faire ce qui est bien dans l’unique but de bien faire, et non pour le résultat que cela peut apporter. La réalité du conflit est l’instabilité ; c’est pourquoi, les intervenants de paix peuvent travailler de façon stratégique en vue de transformer le conflit, ils ne doivent cependant pas trop s’attacher aux situations de paix, ni aux situations de conflit. 10. Sens de l’humour : rester de bonne humeur dans des situations éprouvantes. Il est plus difficile de créer des indicateurs concrets pour évaluer les compétences relationnelles des intervenants de paix que leurs compétences techniques, c’est pourquoi l’une des questions les plus importantes en matière de formation est : Comment les intervenants de paix sont-ils préparés à transférer efficacement leurs qualités personnelles et leur sensibilité au conflit à l’environnement du conflit de façon constructive et transformative ? De nombreuses organisations expliquent que les intervenants de paix sont plus efficaces et sensibles au conflit lorsqu’ils organisent leur travail en fonction d’une analyse du conflit globale et régulière. Cette analyse du conflit doit étudier les dynamiques de la relation entre le profil, les acteurs et les causes de tout conflit donné. Cela guide par la suite le cycle d’intervention : organisation, mise en œuvre, suivi et évaluation. Schéma 5 : Analyse en vue d’une intervention dans un conflit22 22 In : FEWER, International Alert et Saferworld (2004). En utilisant un processus aussi systématique, les intervenants de paix peuvent trouver des moyens constructifs d’introduire de façon concrète leurs compétences relationnelles dans les environnements de conflit. Pour finir, il est nécessaire d’intégrer les compétences relationnelles aux savoirs et compétences professionnelles. Puisqu’aucun processus de paix n’est possible si les individus n’ont pas la volonté de travailler ensemble, les intervenants de paix doivent mettre leurs connaissances et leurs compétences relationnelles et professionnelles à profit afin de d’abord préparer les acteurs internes à travailler avec leurs opposants pour ensuite réunir les parties au conflit et instaurer un dialogue. Pourquoi ces compétences ? « La question qu’il faut se poser est : ‘à quoi nous servent ces compétences ?’ Pour moi, il s’agit surtout de savoir faire preuve d’amour et de compassion. Nous devons nous demander ce qu’il résultera de nos actions. Quand nous travaillons dans le conflit, la seule façon de savoir si ce que nous faisons réalise son objectif est de savoir si nous sommes capables de réunir les gens. Et la seule façon de réunir des individus, c’est de les pousser à se montrer humains. Et ce sont la souffrance, le bonheur et la joie qui permettent de créer des liens entre êtres humains. Peu importe que l’on soit un homme ou une femme, noir ou blanc… » - Ouyporn Khuankaew, International Women's Partnership for Peace and Justice Au final, ce sont les compétences relationnelles qui sont les plus importantes dans ce processus d’humanisation car, comme le dit Jiddu Krishnamurti, « être, c‘est être en relation » (Krishnamurti, 1973, p. 164). Proposition 5 : L’évaluation de la formation à la paix (quelle est l’influence sur le terrain de ce à quoi nous sommes formés ?) La formation à la paix doit être évaluée en continu, mise à jour et adaptée afin d’avoir une influence positive sur le conflit. À l’instar des programmes d’intervention qui doivent être souvent évalués pour vérifier la sensibilité au conflit de la réponse qu’ils apportent aux besoins spécifiques du terrain, les formations à la paix doivent faire l’objet d’évaluations.23 Si les formations à la paix ne sont pas mises à jour pour répondre aux besoins changeants du terrain, elles perdent de leur pertinence. L’évaluation est le mécanisme clef pour s’assurer que le contenu et les méthodes employés sont adaptés aux objectifs de la formation et au contexte que les participants sont formés à influencer. Aujourd’hui, 95 % des organisations européennes qui ont répondu au questionnaire ARCA évaluent leurs formations. Les réponses indiquent que plus de la moitié d’entre elles utilisent des questionnaires, alors que d’autres se servent d’indicateurs de performance et d’entretiens individuels avec les participants. La plupart des formations à la paix effectuent les évaluations auprès des participants à la fin de la formation mais, dans certains cas, il est demandé aux participants de faire part de leurs commentaires et impressions quant à la pertinence de la formation 3 à 6 mois plus tard. Analyser la façon dont une formation répond directement aux besoins du terrain est une tâche très difficile – il semble néanmoins que ces évaluations tardives soient le signe de bonnes pratiques car elles permettent aux personnes formées de tester ce qu’elles ont appris, et d’y réfléchir, et de voir ce qu’elles y ajouteraient ou modifieraient afin ualitydof Qualitˇ esTr in n Qualitˇ d es formations 12 % formations 6% Excellente Excellent Bonne Good 32 % Satisfaisante Satis factory % 50 % Poor Mˇdio cre d’améliorer encore la formation. À la question de la qualité des formations actuelles et de leur capacité à doter les participants des compétences nécessaires à l’intervention dans le conflit, il est intéressant de noter que moins de 60 % ont répondu que les formations à la paix étaient bonnes ou excellentes. Cela peut être en partie dû au fait que la majorité des personnes ayant répondu ont exprimé le désir que les méthodes de formation soient plus orientées sur la pratique. Et cela contredit les rapports de la 23 Pour plus d’informations sur le contrôle des évaluations dans divers pays, veuillez consulter le site Web de Search for Common Ground : http://www.sfcg.org/. plupart des organisations qui affirment que leurs formations se caractérisent par un emploi conséquent de pédagogie expérientielle. Soit les organisations exagèrent ce qu’elles offrent, soit la méthodologie orientée vers la pratique qu’elles utilisent ne correspond pas aux objectifs des formations ou aux besoins des participants ou du terrain. Autre possibilité : les formations actuelles ont beau être très bonnes, il faut concevoir des formations bien plus complètes afin de répondre aux besoins du terrain. De nombreux formateurs déclarent qu’après deux jours de formation, les participants disent souvent qu’ils auraient besoin d’au moins une semaine de formation. Au bout d’une semaine, les participants souhaiteraient que la formation dure trois semaines. Après trois semaines de formation de bonne qualité, les participants disent souvent qu’ils auraient besoin que celle-ci dure un an. Ces commentaires montrent que le secteur de la formation à la paix a un potentiel de croissance incroyable et que les participants peuvent être formés à de nombreuses choses. Dans d’autres domaines, comme la médecine ou le droit, de longues années de formation sont nécessaires – pourquoi n’en serait-il pas de même pour ceux que l’on prépare à transformer des conflits, des systèmes sociaux et des relations humaines complexes ? Ce sont des dilemmes importants que les organismes de formation doivent étudier afin d’améliorer les évaluations de leurs formations et leur influence sur le terrain du conflit. Cela vaudrait la peine que des formateurs venant de toute l’Europe se réunissent afin de partager leurs expériences sur la façon dont ils dépassent le décalage entre les objectifs, la méthode, la théorie et la pratique. Une telle analyse permettrait de développer des indicateurs communs généraux pour vérifier l’adéquation entre les pratiques et les besoins du terrain ainsi que les objectifs et le contenu de la formation. Ce guide constituerait une aide vitale pour les organismes de formation dans leurs évaluations des procédés et des retombées de leurs formations. « Cela vaut la peine d’améliorer la façon dont nous vérifions la croissance des compétences des participants grâce aux efforts de formation. Si les évaluations sont réalisées avec plus de sérieux et si les connaissances et les compétences des participants (celles qui sont pertinentes par rapport aux objectifs de formation) sont testées avant et après les formations, nous verrons une amélioration de la qualité des formations suivantes. » - Konrad Tempel, Forum ZFD Un autre niveau d’évaluation concerne non seulement la façon dont les formations sont évaluées, mais aussi la façon dont les intervenants de paix sont capables de mettre en pratique ce qu’ils ont appris. Selon la nature de la formation à la paix, les participants peuvent être évalués sur les changements dans leurs connaissances, attitudes, comportements et compétences concrètes (cf. quatrième chapitre). Il semble qu’une des méthodes les plus efficaces pour ce type d’évaluation est de placer les participants dans des scénarios qui ressemblent à des situations de conflit auxquelles ils seront confrontés sur le terrain. En utilisant des objectifs clairement articulés et des indicateurs de performance concrets, les observateurs qualifiés peuvent suivre les participants tout au long du processus de formation et évaluer leurs réponses aux défis qui leur sont présentés. À la fois dans les comptes rendus de groupes et individuels par la suite, ces observateurs peuvent, d’une part, souligner l’influence des actes des participants sur le scénario du conflit et, d’autre part, mettre en exergue les domaines dans lesquels les participants doivent encore évoluer personnellement. Conclusions Dans ce chapitre, nous avons introduit cinq propositions afin de mieux expliquer la formation à la paix et de mettre en évidence certains des éléments clef du secteur. La formation à la paix est respectée en tant que moyen pertinent pour préparer efficacement les individus à avoir une influence positive sur le conflit. L’objectif de la formation à la paix est de préparer les individus à avoir une influence positive sur le conflit. La formation à la paix met en œuvre différentes méthodes d’apprentissage afin de préparer avec plus d’efficacité les individus à avoir une influence positive sur le conflit. La formation à la paix met l’accent sur les compétences relationnelles (qualités personnelles), car c’est un élément essentiel pour les individus qui souhaitent avoir une influence positive sur le conflit. La formation à la paix doit être évaluée en continu, mise à jour et adaptée afin d’avoir une influence positive sur le conflit. Dans ce guide, nous reviendrons plus longuement sur un certain nombre de ces fondamentaux. La réflexion sur la manière de répondre aux besoins des participants de façon à promouvoir leur capacité à avoir une influence positive sur le conflit et à répondre aux exigences du terrain est au cœur de la formation à la paix. La formation à la paix reste un domaine nouveau et il y a encore de nombreuses améliorations qui peuvent être apportées aux méthodes employées. Dans le chapitre suivant, nous poursuivrons la réflexion sur ces propositions pour étudier ce que nous pouvons tirer des principales ressources de formation et de cinq études de cas en termes de pratiques actuelles afin d’évaluer le niveau actuel de la formation à la paix. Chapitre troisième : La formation à la paix aujourd’hui Par Robert Rivers et Frode Restad Introduction Dans ce chapitre, nous allons poursuivre notre étude en analysant comment la formation à la paix est mise en pratique. Pour mener à bien cette tâche, une équipe de recherche, composée de partenaires d’ARCA et d’étudiants en Master du Centre universitaire européen pour les études de paix, a réalisé des études de cas et des travaux déterminants sur le sujet. L’objectif était de recenser des programmes, méthodes et structures de formation représentatifs de l’enseignement donné aux personnes destinées à travailler dans et sur les conflits. Des organisations de divers secteurs ont recours à des techniques de transformation des conflits pour satisfaire d’autres objectifs non moins importants, tels que le développement, la défense des droits humains ou l’aide humanitaire. Cependant, cette étude s’est concentrée en grande partie sur les institutions pour lesquelles l’intervention non-violente constitue la principale méthode de travail. Les deux principaux sujets de cette étude sont : Les moyens didactiques reposant sur des thèmes relatifs à la construction de la paix et la transformation des conflits. Ces thèmes peuvent être l’approche sensible au conflit pour la construction de la paix, l’évaluation des conséquences des interventions non-violentes, ou la communication et le travail d’équipe interculturels et le dialogue ; et Les moyens didactiques reposant sur les stratégies, les théories et les pratiques actuellement mises en œuvre par les organisations qui animent des formations à la paix. Parmi ces dernières, cinq offraient un programme complet de formation et une description de leur pédagogie, de leur méthodologie et de leurs activités de mise en pratique des formations à la paix. Il est très difficile de donner une vision globale de la place de la formation à la paix dans la myriade d’organisations travaillant à plusieurs échelons de la société aux quatre coins du monde. Des ouvrages tels que People Building Peace, vol 1 et II (publiés par le Centre européen pour la prévention des conflits, en 1999 et en 2005 respectivement) font une description détaillée des réussites en matière de construction de la paix dans le monde entier. Des organisations de construction de la paix plus connues, notamment Search for Common Ground et Responding to Conflict, ont fait l’objet d’une publicité non négligeable pour leur travail. Enfin, des articles du manuel accessible en ligne, Berghof Handbook, tels que « Training for Conflict Transformation— An Overview of Approaches and Resources » (Formations pour la transformation des conflits, vue d’ensemble des approches et des moyens, Schmelzle, 2006) proposent une classification méthodique du travail réalisé actuellement en matière de formation. Par conséquent, dans ce chapitre, nous souhaitons nous concentrer sur cinq organisations pionnières dans la formation à la paix qui préparent activement des adultes à intervenir de façon non-violente dans des conflits. Trois de ces organisations sont européennes : le projet Peaceworkers d’International Alert, Peace Action Training and Research Institute of Romania (PATRIR), et l’Austrian Study Centre for Peace and Conflict Resolution (ASPR). Deux sont des organisations internationales : Nonviolent Peaceforce (NP) et Christian Peacemakers Teams (CPT). PATRIR, le projet Peaceworkers et l’ASPR proposent des formations générales et spécialisées payantes, ouvertes au public. L’ASPR et le projet Peaceworkers participent également au projet de formation à la gestion civile des crises de l’Union européenne (UE) et forment de futurs intervenants pour des organisations internationales comme l’OSCE et l’UE. NP et CPT, quant à elles, préparent les futurs membres de leurs propres missions. Nous tirerons de l’étude de chacune de ces cinq organisations des informations concernant leurs différentes techniques et leurs points forts et nous indiquerons quels sont les types de formation à la paix les plus remarquables. Projet Peaceworkers d’International Alert (IA) L’année dernière, Peaceworkers UK et International Alert se sont associés pour créer un centre de formation des intervenants de paix. Afin de mener à bien cette tâche difficile, IA apporte toute son expérience dans le domaine de la construction de la paix et de la transformation des conflits. Entre autres principes, IA accorde une place prépondérante aux individus et s’efforce d’avoir toujours à l’esprit que tous les acteurs impliqués dans les conflits doivent être considérés comme des êtres humains à part entière et non comme des cas d’étude ou de simples partenaires. La transformation des conflits n’est possible qu’avec l’accord et la participation des individus qui en sont les victimes. IA met donc l’accent sur la compréhension du contexte et des acteurs du conflit. Pour cela, l’organisation souligne l’importance d’avoir une bonne connaissance des causes profondes des conflits et d’être capable d’utiliser cette connaissance pour travailler de façon constructive avec les acteurs internes à ces conflits et jouer ainsi un rôle positif dans leur transformation. Le projet Peaceworkers (www.peaceworkers.org.uk) s’est employé, peut-être plus que toute autre organisation en Europe, à établir des normes transparentes relatives aux compétences professionnelles afin que les civils travaillant pour la paix soient plus nombreux et mieux formés. Depuis sa création, le projet Peaceworkers a formé près de 600 personnes de 40 pays différents pour travailler sur les conflits. L’objectif de cet enseignement est d’inculquer des savoir-faire pratiques considérés comme essentiels pour le travail de paix et de préparer les participants à une évaluation de leurs compétences afin de déterminer le niveau d’engagement qui leur convient. À cette fin, Peaceworkers a mis au point une grille de cinq niveaux de travail de paix pour faciliter le développement des compétences des intervenants de paix et pour déterminer le type de travail qui peut être proposé aux participants à chaque niveau. Schéma 6 : Les niveaux de travail de paix de Peaceworkers UK24 Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 24 Qui entre dans cette catégorie ? Personnes avec peu ou pas d’expérience théorique ou professionnelle (même si elles sont très expérimentées dans un domaine sans rapport). Personnes titulaires d’un diplôme universitaire pertinent (un Master dans un domaine connexe, par exemple) mais ayant peu ou pas d’expérience professionnelle. Personnes ayant une expérience professionnelle dans le domaine dans leur propre pays (au moins deux ans sans interruption) mais peu ou pas du tout à l’étranger. Personnes ayant une expérience professionnelle dans le domaine dans leur propre pays (deux ans minimum) ainsi qu’une expérience de terrain pas forcément dans le domaine (six mois Peaceworkers UK (2006, p. 9). Quelles sont leurs possibilités ? Possibilités de travailler essentiellement dans leur propre pays, et quelques possibilités de travail à l’étranger comme volontaires, observateurs électoraux temporaires, assistants, etc. Possibilités de travailler comme volontaires ou stagiaires à l’étranger, observateurs électoraux à long terme, premiers assistants, etc. Fonctions générales : postes de surveillance et autres postes sans responsabilité sur le terrain. Postes de responsables sur le terrain dans un domaine spécialisé : conseillers, formateurs et consultants. Niveau 5 minimum). Personnes ayant une grande expérience sur le terrain dans le domaine (deux ans minimum à un poste reconnu). Postes à responsabilités, de spécialistes et de cadres supérieurs. Acquérir de l’expérience et se former à chaque niveau est indispensable pour développer les compétences nécessaires à un travail de terrain de plus haut niveau. Le projet Peaceworkers propose des formations spécialisées pour les participants de chaque niveau. Le niveau 1 offre principalement une introduction à l’intervention dans les conflits et une simulation destinée à faire réfléchir les participants sur ce qui les motive à travailler pour la paix. Au niveau 2, l’accent est mis sur les compétences fondamentales pour travailler dans les conflits et travailler pour la paix au cœur d’un conflit. Les thèmes abordés sont notamment la sensibilisation aux questions liées au genre, la sensibilité aux cultures, la gestion des conflits et le travail en équipe. L’objectif de la formation de niveau 2 est de préparer les participants à des projets à court terme ou à peu de responsabilités à l’étranger. Au niveau 3, les participants sont préparés à des missions de gestion de crise par une formation de deux semaines qui couvre les préparatifs élémentaires pour travailler dans des zones de conflit ainsi que les principes de sûreté et de sécurité. Au niveau 4, la formation propose des cours hautement professionnels dans divers domaines de spécialité : travail de terrain pour la défense des droits humains ; transformation des conflits ; désarmement, démobilisation et réintégration ; défense des médias libres et indépendants ; démocratisation ; développement de la société civile ; et gestion de mission. Enfin, le niveau 5 offre des formations de spécialisation d’un niveau avancé concernant plus particulièrement les équipes civiles de réponse aux crises, les techniques de médiation perfectionnées et la gestion de projet. Peaceworkers n’assure pas elle-même tous ces cours. Elle s’associe avec d’autres organisations de formation pour pouvoir assurer tout un éventail de cours nécessaires à la préparation des futurs intervenants dans différents projets. Ensemble, elles ont également mis en ligne un portail gratuit accessible au public, permettant aux intéressés de trouver des postes sur le terrain, des formations adaptées, et différentes méthodes pour améliorer leurs compétences en matière de travail de paix.25 D’une manière générale, le projet Peaceworkers a réalisé le travail le plus conséquent dans le domaine en mettant au point des normes de qualité pour la formation à la paix. Son guide de formation, réalisé avec méthode, offre de nombreux points de référence pour favoriser le dialogue au sujet de la création de normes plus universelles concernant le travail de paix. Peace Action, Training and Research Institute of Romania (PATRIR) Plus de 900 participants venant de 47 pays, ont profité de la formation spécialisée de niveau avancé offerte par PATRIR au Centre international de formation à la paix et au développement (International Peace and Development Training Center, IPDTC) de Cluj-Napoca, en Roumanie. PATRIR a également formé plus de 3 500 personnes dans 26 pays différents. Le portail de Peaceworkers est accessible sur http://www.peaceworkers.org.uk/index.php?option=com_signup&task=register 25 Les formations de PATRIR sont essentielles à sa participation dans la construction de la paix et la transformation des conflits. Destinées aux professionnels et responsables politiques travaillant sur et dans les conflits, elles sont développées à partir des meilleures pratiques et des leçons apprises sur le terrain afin d’aider les individus qui s’engagent activement dans la construction de la paix dans leur propre pays comme à l’étranger. Les participants des programmes de PATRIR appartiennent à des milieux professionnels très variés : fonctionnaires, personnalités politiques, personnel des Nations unies ou d’autres organisations gouvernementales internationales, employés d’ONG, coopérants au niveau local, militaires, étudiants, journalistes, professeurs ou chefs d’entreprises. Les formations de PATRIR tentent avant tout d’aider ces acteurs à augmenter leurs aptitudes en matière de construction de la paix (savoir, qualités humaines et compétences professionnelles) tout en abordant des sujets plus vastes tels que le développement structurel, la planification stratégique, et le renforcement des institutions. Un espace de dialogue À plusieurs reprises, des parties en conflit ont participé ensemble à des programmes de formation de PATRIR à l’IPDTC. Dans le cadre de ces formations, les participants approfondissent leurs compétences et leur savoir et engagent un dialogue dans le but de trouver des moyens pratiques et viables de résoudre leurs conflits. À l’automne 2005, le médiateur officiel du conflit à Mindanao est s’est rendu chez PATRIR, accompagné du conseiller présidentiel pour le processus de paix et d’un représentant du mouvement révolutionnaire indigène RPMM. Des groupes similaires de Transnistrie, du Soudan et du Kosovo ont eux aussi participé aux cinq jours de formation organisés par l’institut. PATRIR propose trois sortes de programmes de formation : 1. Sur demande : ces formations sont mises en place à la demande d’organisations locales ou internationales, de gouvernements ou de ministères. PATRIR travaille alors en étroite collaboration avec ces organismes afin de mettre au point des programmes adaptés à leurs besoins, contextes et objectifs. Elle a déjà élaboré de tels programmes en coopération avec des groupes tels que Terre des hommes (TDH), Save the Children Norvège, l’Alliance globale pour les ministères et départements de la paix, des parties au conflit locales et nationales et des organisations et des commissions de défense des droits humains ayant pour but de faciliter la médiation et les processus de paix. Ces programmes peuvent être destinés aux membres de organismes qui en ont fait la demande ou à des communautés avec lesquelles ils désirent établir un dialogue dans leurs pays, leurs régions ou à l’international. 2. De sa propre initiative : ces formations sont organisées par le personnel et les formateurs de PATRIR à partir des engagements de l’institut dans les processus de construction de la paix, de l’évaluation des besoins, de l’étude des formations dans le monde et des pratiques sur le terrain. Ces programmes sont ouverts à des participants du monde entiers et sont organisés cinq fois par an à l’IPDTC, à Cluj-Napoca (voir encadré). Les programmes réguliers de formation spécialisée de PATRIR : - Construction de la paix, transformation des conflits et reconstruction post-conflit - Construction de la paix et développement - Plans de construction de la paix - Construction de la paix et questions liées au sexe - Réconciliation et guérison post-conflit 3. Pour accompagner les processus de construction de la paix : PATRIR propose des programmes de formation, sur demande des participants, en soutien aux processus de construction de la paix (CP) et de transformation des conflits (TC). Ces programmes sont mis au point pour des secteurs clef et les parties au conflit telles que les dirigeants politiques et militaires, les organisations de la société civile, les médias, les entreprises et les chambres du commerce et les jeunes. Ils peuvent être organisés pour des groupes particuliers ou de façon conjointe pour plusieurs parties au conflit. En plus de la formation et du renforcement des capacités, les programmes procurent un espace de rencontre favorisant la compréhension mutuelle, l’analyse commune du conflit et la résolution conjointe du problème. Le schéma suivant représente un cadre de formation commun en soutien aux processus de paix : Schéma 7 : Le cadre de formation de PATRIR en soutien aux processus de paix26 Contexte pratique et théorique du travail actuel de paix et de transformation des conflits Évaluation Savoir et compréhension Préparation des étapes suivantes Cadres culturels du conflit Conception de programmes de formation à la paix Valeurs et attitudes Incitation de l’État ou des autorités à soutenir le travail des sociétés civiles Savoir-faire pratique pour les experts de paix et de transformation de conflit Technique, outils et méthodes Mise au point de stratégies de TC et de CP pour une issue intelligente de la transformation des conflits Rôle de la société civile dans le travail de paix Toutes les formations se caractérisent par une approche favorisant la coordination et aide les participants à développer des méthodes de mise en pratique de la construction de la paix. Les 26 Ce modèle a été réalisé pour un programme de formation d’experts de paix et de transformation des conflits en Transnistrie (octobre 2006). programmes de PATRIR abordent les pratiques essentielles dans la transformation des conflits et mettent l’accent sur les valeurs et le savoir inhérents au domaine. Ils présentent des méthodes pratiques pour prévenir la violence et s’engager de manière constructive et stratégique dans l’élaboration de solutions adaptées aux particularités de chaque conflit. Outre ses programmes de formation, PATRIR accueille également l’Université de paix Transcend (en association avec l’organisation Transcend), programme d’études de paix et de développement en ligne le plus important au monde (www.transcend.org/tpu). Cette université donne à des professionnels la possibilité d’étudier dans une ambiance dynamique avec des participants du monde entier. Nombre d’entre eux y font part de leur propre expérience de travail dans diverses situations de conflit. Certains des professeurs comptent parmi les plus grands spécialistes et professionnels du domaine, à l’image de Johan Galtung, recteur de l’Université de paix Transcend. Tout comme les programmes de formation de PATRIR, l’Université de paix Transcend est un lieu d’apprentissage où les professionnels trouvent un soutien dans leur recherche de moyens plus efficaces de transformation des conflits. Austrian Study Centre for Peace and Conflict Resolution (ASPR) Comme nous l’avons signalé au chapitre premier, l’ASPR est l’une des premières organisations en Europe à avoir formé des civils à différents aspects de l’intervention non-violente. Depuis 1982, elle a formé près de 1 500 participants de 105 pays. L’objectif de l’ASPR est de développer des compétences en matière de construction de la paix à toutes les étapes de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits violents. Dans ses différentes formations, l’ASPR aborde un large éventail d’aspects essentiels dans le processus de gestion des conflits : conseil, surveillance, recherche d’informations et enquête, et renforcement des capacités. Elle fait intervenir des experts de milieux organisationnels, professionnels et culturels variés et cherche à favoriser la participation des acteurs internes aux conflits en coopération avec des organisations internationales compétentes, à savoir les Nations unies, l’OSCE et le Conseil de l’Europe. Pour l’ASPR, la préparation et la formation du personnel de mission doivent suivre les étapes suivantes : Les étapes de la formation à la paix de l’ASPR Stage de base : l’ASPR définit le stage de base comme étant une formation générale préalable à toute implication dans une mission, quelles que soient cette mission et la fonction exercée par le participant. Ce stage met l’accent sur la préparation des intervenants de paix aux conditions générales dans lesquelles ils vont devoir travailler (situations de conflits critiques, insuffisance des infrastructures, préjugés et sentiments hostiles, problèmes de santé et d’alimentation et contact avec des personnes traumatisées). Afin de pouvoir faire face à ces problèmes, les intervenants de paix doivent connaître les causes et le contexte du conflit et savoir où une transformation positive du conflit est possible. Ce stage de base aide aussi les participants à gérer leur propre comportement face au conflit et à leur position vis-à-vis des différentes parties au conflit. Stage spécialisé : par le biais du stage spécialisé, l’ASPR prépare les intervenants de paix à remplir une fonction particulière dans une zone de conflit, mais qui n’est pas nécessairement liée à une mission spécifique. Préparation de mission : Ces formations ont pour but de préparer des experts civils à une mission donnée. Elles comprennent l’étude des objectifs de la mission, de la structure et du rôle de l’organisation à l’origine de cette mission, des stratégies et de la logistique, et enfin des situations politiques, juridiques, sociales, culturelles, économiques et sécuritaires de la zone d’intervention. Formation continue : Ces formations sur le terrain constituent une préparation supplémentaire en rapport avec la mission réalisée par l’intervenant de paix. Elles apportent des précisions sur les tâches particulières à cette mission et les conditions dans lesquelles elles doivent être mises en œuvre. Compte-rendu et évaluation : Toutes les étapes susmentionnées doivent faire l’objet d’un bilan méthodique et d’une évaluation afin d’avoir un retour d’information continu qui puisse permettre une actualisation systématique des programmes de formation. Chaque année, l’ASPR propose au moins trois stages de base d’une durée de deux semaines. Elle organise également au moins trois stages spécialisés concernant différentes fonctions telles que la participation à la vie politique, la promotion et la défense des droits humains, l’aide humanitaire, la presse et l’information de la population, le développement des médias, le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR), l’observation et l’assistance électorales, la protection de l’enfance, et la transformation de conflit. En ce qui concerne la préparation des adultes à l’intervention non-violente, il est intéressant de voir comment ce dernier stage sur la transformation des conflits est structuré. Il agit dans deux sens : d’une part, pour répondre au besoin d’action sensible au conflit, il forme des experts techniques qui sont envoyés dans des zones de conflit ou de post-conflit mais qui ne sont pas chargés d’intervenir directement dans les conflits. D’autre part, il contribue à la création d’un groupe d’experts en transformation des conflits sur lesquels les organisations non-gouvernementales, gouvernementales ou intergouvernementales peuvent compter pour mener à bien des missions dans des zones de conflit ou des pays en sortie de conflit. Ce stage vient compléter la formation de base de l’ASPR et se compose de six modules regroupant différents thèmes dont l’objectif est de permettre aux participants et aux futurs intervenants sur le terrain d’améliorer leur connaissance et leur maîtrise de la complexité et l’interdépendance des différents enjeux du conflit ainsi que des techniques et des incidences sur les conflits et la paix des interventions de tierces parties. Stage spécialisé sur la transformation des conflits : modules et thèmes Module 1 : Analyse du conflit : la nature et l’objet du conflit ; les racines du conflit ; la cartographie du conflit ; de l’analyse à la transformation du conflit. Module 2 : Intervention d’un tiers : difficultés de mettre fin aux violences ; justification de l’intervention d’une tierce partie ; stratégies d’intervention. Module 3 : Savoir-faire et techniques de transformation des conflits : tour d’horizon des différents rôles des tiers ; présentation théorique de la médiation et de la facilitation ; mise en pratique de la théorie (simulation de médiation dans des conflits sociaux d’envergure). Module 4 : Développement du processus de paix : dynamique générale des processus de paix ; création de groupes de soutien de la paix ; concertation avec les intervenants de paix locaux ; réaction face aux détracteurs ; étude de cas d’une modération d’un processus de paix. Module 5 : Enjeux post-conflit : dynamique générale des problèmes post-conflit ; développement de politiques post-conflit ; évaluation des incidences du conflit et de la paix (« Do no Harm ») ; établissement d’un lien entre transformation des conflits et développement ; travail suivi avec étude de cas d’une modération d’un processus de paix. Module 6 : Vers une paix durable : de la médiation à la réconciliation, concepts et méthodologies. Le stage est organisé de façon à avoir une utilité pratique pour les personnes œuvrant pour la transformation des conflits sur le terrain. Il repose sur un apprentissage interactif, fait intervenir l’expérience des participants et fournit des compétences fondamentales afin d’améliorer l’intervention des tiers dans les conflits. Dans l’idéal, le stage devrait améliorer la capacité des participants à transformer les conflits de manière efficace à petite, moyenne et grande échelle. Nonviolent Peaceforce (NP) Nonviolent Peaceforce est une ONG internationale qui participe à la création d’une force de maintien de la paix internationale composée de civils non-armés. En association avec des groupes locaux, les membres de NP appliquent des stratégies non-violentes éprouvées pour défendre les droits humains, prévenir les violences et aider à créer un espace de travail pour les artisans de la paix. Constituée en 1999, lors de la conférence de l’Appel à la paix de La Haye, NP rassemble 90 organisations membres du monde entier. Fidèle au principe d’impartialité, elle peut travailler avec tous les acteurs du conflit. Actuellement, des membres d’équipes de terrain non-armés et spécialement formés de NP travaillent au Sri Lanka, aux Philippines et au Guatemala. L’ONG prépare également le déploiement de ses membres en Ouganda et en Colombie. Afin de préparer les membres de ses équipes de terrain, NP offre des formations de base hors du pays concerné et des formations spécialisées sur le terrain. La plupart des membres d’équipes de terrain s’engagent pour 18 mois, mais NP a également commencé à former des groupes de réserve pour des missions à court terme. Avant de commencer une formation de base, les membres d’équipes de terrains potentiels sont soumis à une évaluation intensive de quatre jours afin de déterminer s’ils possèdent les aptitudes élémentaires pour travailler sur le terrain. Lorsqu’ils ont passé l’évaluation, accompli la formation de base et qu’ils obtiennent un poste sur le terrain, les participants reçoivent une formation continue formelle ou informelle pendant une période de trois mois durant laquelle ils sont encadrés. La majeure partie du programme de la formation de base de trois semaines s’appuie sur le manuel Opening Space for Democracy (OSD) élaboré par Training for Change USA.27 Ce manuel rend compte des expériences d’un certain nombre d’institutions engagées dans l’intervention nonviolente d’un tiers (TPNI, en anglais) telles que les Brigades de paix internationales, Christian 27 Le manuel Opening Space for Democracy est téléchargeable sur www.trainingforchange.org. Peacemaker Team, et les Équipes de paix dans les Balkans. Il expose tout un programme de modules et de marches à suivre interdépendants recouvrant les quatre éléments fondamentaux de la TPNI : accompagnement, surveillance et contrôle, présence non-violente et interposition. Bien que certains thèmes soient récurrents tout au long du programme, voici le résumé des principaux sujets abordés au cours de chaque semaine de formation : Organisation de la formation de base de NP 1ère semaine : Les principaux sujets abordés sont la compréhension de l’organisation de la formation, la présentation de la mission de NP et la création d’un cadre sûr pour les équipes, à travers la coordination et l’échange, ayant pour objectif d’assurer la sécurité des membres et la mise en place de systèmes efficaces de retour d’information et de soutien. L’accent est porté sur l’aptitude à communiquer ainsi que sur la question du pouvoir et des privilèges en ce qui concerne les relations nord/sud et le rôle des parties internes ou externes au conflit. La théorie de la TPNI est abordée et les participants acquièrent des compétences d’apprentissage reposant sur la prise d’initiatives. Une importance toute particulière est accordée à l’accompagnement et la semaine se termine par une simulation et un questionnaire afin d’évaluer les connaissances des participants concernant cette première technique de la TPNI. 2ème semaine : Au cours de la deuxième semaine, la formation porte principalement sur la sécurité, les premiers secours et les compétences personnelles nécessaires à une bonne dynamique de groupe (l’empathie et la capacité d’écoute, par exemple). Une importance particulière est donnée à la prise en compte de la différence entre les sexes, au principe de nonviolence et à la façon de faire face à la peur et au traumatisme, ainsi qu’aux compétences pratiques telles que la rédaction de rapports. La maîtrise de la deuxième technique de la TPNI, portant sur la surveillance et le contrôle, est évaluée à la fin de la semaine par le biais d’une nouvelle simulation et d’un questionnaire. À ce stade, les participants sont soumis à un examen de mi-parcours. 3ème semaine : Lors de la troisième semaine, les participants acquièrent des connaissances théoriques, telles que l’analyse des conflits à grande échelle, de même que des compétences très techniques. En outre, l’attention est portée sur la façon de gérer les problèmes de classe et de culture ainsi que sur la médiation et la négociation. Les deux dernières techniques de la TPNI (présence non-violente et interposition) sont enseignées à travers une autre simulation. Derniers jours : Au cours des derniers jours, un certain temps est passé à analyser l’importance de la formation pour le travail sur le terrain. Les participants évaluent la formation et leur propre épanouissement. Des entretiens individuels sont réalisés par les formateurs avec chaque participant et une cérémonie de clôture est organisée pour faire le point sur ces trois semaines de formation intensive. Le travail de NP repose sur le principe que tout le monde a la capacité de suivre une formation continue basée sur la prise d’initiative. Ses formations de base Expérience privilégient un apprentissage dynamique Application Réflexion axé sur la présence des participants et suivent les principes d’apprentissage par la pratique. Les participants sont donc encouragés à se livrer aux exercices avant de réfléchir à leurs actes. À travers les questionnaires qui reposent sur le dialogue démocratique, les participants sont incités à étudier, ou généraliser, le caractère non isolé de leur expérience, celle-ci étant liée à des sujets plus larges qui ont une utilité directe pour le travail au sein des conflits. Enfin, les participants peuvent appliquer ce qu’ils ont appris dans les activités qu’ils mènent par la suite. Observer si les leçons sont intégrées permet de fournir des indicateurs précis pour l’évaluation du développement personnel et de l’équipe au long des trois semaines de formation. Dans ses formations, NP recommande en outre l’apprentissage en spirale, les adultes apprenant très vite lorsque les sujets sont abordés plusieurs fois à divers niveaux. De cette façon, les leçons reposent les unes sur les autres pour former un processus d’apprentissage global. Ainsi, certains thèmes directeurs (formation d’une équipe, compétences liées au conflit et conscience de soi, par exemple) reviennent tout au long de la formation. Cette répétition de sujets, qui apparaissent dans différents contextes, aide les participants à intégrer l’apprentissage comme faisant partie d’euxmêmes, et non comme un simple cours. Le manuel OSD utilisé par NP est peut-être la source la plus exhaustive concernant la formation des intervenants de paix à des compétences essentielles pour l’intervention non-violente et apporte certains compléments à la formation à la paix. Tout d’abord, il établit des bases très solides, tant théoriques que pratiques, à la formation. Il propose une méthodologie très démocratique qui permet aux participants de faire part de leur propre savoir. L’accent mis par l’OSD sur l’équipe en tant que gage de sécurité, de soutien et d’apprentissage continuel dans les situations difficiles est primordial, surtout lorsque l’on aborde les problèmes de peur et d’anxiété. La formation à des niveaux personnels et collectifs incite les participants à apprendre les uns des autres et favorise la confiance et l’entraide indispensables au travail sur le terrain. Christian Peacemakers Teams Tout comme NP, l’organisation Christian Peacemaker Teams (CPT) forme des intervenants de paix pour travailler au sein de ses propres missions. CPT a été créée en 1984 par des frères, des quakers et des mennonites et appelait les chrétiens à consacrer la même discipline et le même sacrifice de soi au rétablissement de la paix que les armées à la guerre. Actuellement, CPT compte 40 membres à plein temps et 125 membres de réserve à temps partiel et intervient dans quatre régions : la frontière entre le Mexique et les États-Unis, la Colombie, l’Irak et la Palestine (Cisjordanie). Christian Peacemaker Teams est mentionnée dans ce chapitre car il s’agit de l’un des acteurs les plus expérimentés dans le domaine de l’intervention non-violente d’un tiers mais aussi car, contrairement aux autres cas étudiés, CPT est d’origine religieuse. L’un des points forts de cette organisation est sa définition très claire des qualités et des compétences nécessaires pour exercer un travail de paix en son sein. La plupart des compétences mises en valeur sont les mêmes que chez les autres organisations et dans les manuels, mais CPT est plus précise en ce qui concerne les besoins en matière de développement individuel et de groupe dans le cadre d’une activité en zone de conflit. Elle souligne certains aspects souvent négligés tels que la forme physique et le besoin pour les intervenants de participer activement à leur propre développement intellectuel et spirituel lorsqu’ils travaillent sur le terrain. En outre, CPT fait appel à des techniques très approfondies pour faire face à la peur et à la violence. Elle encourage les intervenants de paix à avoir une bonne connaissance des menaces auxquelles ils sont confrontés dans leur travail, des traumatismes directs qui peuvent les affecter et des symptômes des traumatismes secondaires. Des outils sont apportés aux intervenants de paix pour rompre le cercle vicieux du traumatisme, aider les autres membres de l’équipe et permettre à l’ensemble de l’équipe de se reconstruire. D’autres organisations abordent ces problèmes, mais CPT va plus loin, notamment en enseignant comment affronter les conséquences psychologiques et émotionnelles du travail sur et dans les conflits. CPT met également en évidence des techniques permettant de faire face aux enlèvements et à la torture, parmi lesquels le principe de considérer les ravisseurs comme des êtres humains, euxmêmes fruits de l’oppression. Durant leur formation, les participants apprennent à rédiger des appels à l’action si l’un des membres de l’équipe est en danger. On leur enseigne également le système judiciaire du pays dans lequel ils interviennent et ce qu’ils doivent faire si un membre de l’équipe est arrêté. Enfin, CPT forme ses intervenants de paix à un ensemble de compétences variées telles que l’encadrement, la facilitation, la prise de parole en public, l’écoute attentive, la collecte de fonds et l’organisation de campagnes, la recherche, la désobéissance non-violente, l’information relatives aux droits humains et les relations avec les médias. L’éventail des compétences allant de la capacité de préserver sa santé physique et mentale dans des environnements stressants à l’apaisement de la violence au sein de la communauté, CPT porte toute son attention sur les difficultés quotidiennes auxquelles font face les intervenants sur le terrain. La synthèse systématique entre la préparation spirituelle et émotionnelle des participants et l’enseignement de compétences très pratiques nécessaires au travail de paix semble générer d’importantes leçons pour les autres organisations qui forment des participants au même travail. Conclusion Ces cinq études de cas s’accordent sur de nombreux points. Étant donné l’ampleur et le nombre de sources, nous ne sommes pas en mesure d’énumérer toutes celles qui apportent à ce domaine une contribution considérable. Notre objectif est ici de résumer les principales leçons tirées d’ouvrages et d’organisations représentatifs et d’établir une base solide pour ce qui va suivre dans les deux prochains chapitres. En présentant le travail réalisé de façon remarquable par chacune de ces cinq organisations, nous espérons apporter plus d’informations à ceux qui ne connaissent pas suffisamment ces initiatives et donner à ceux qui organisent des formations à la paix la possibilité de réfléchir à la manière d’améliorer leurs propres programmes grâce au savoir faire des autres. Dans l’ensemble, la plupart des institutions recommandent des moyens similaires dans le processus de formation à la paix. Ces moyens sont l’établissement de théories généralement admises, la participation à des « mises en pratique virtuelles » sous la forme d’exercices (jeux de rôle et simulations reproduisant des situations que les participants peuvent être amenés à rencontrer), et l’évaluation de l’impact des actions mises en œuvre. Paradoxalement, les différentes expériences des organisations travaillant dans le domaine de la formation à la paix clarifient et compliquent à la fois l’identification du savoir et des compétences personnelles et professionnelles qui sont nécessaires au travail de paix. Les principales organisations et ouvrages présentent les mêmes exigences pour la réussite des interventions non-violentes : savoir dresser la carte d’un conflit et l’analyser, connaître le contexte culturel et sociopolitique des conflits, être capable de déterminer les causes profondes d’un conflit, adhérer au principe de non-violence, savoir gérer le stress afin de pouvoir réaliser un travail sur le long terme, savoir travailler en équipe, savoir collecter des fonds, etc. Cependant, les domaines de la construction de la paix et de la transformation des conflits variant considérablement selon les contextes, il est très difficile d’établir une liste universelle et définitive des compétences nécessaires à tout travail de paix. Il est bien plus facile de déterminer quelles sont les aptitudes indispensables à chaque type de mission, car les intervenants doivent répondre à certaines caractéristiques en fonction de la mission à laquelle ils sont destinés. Ainsi, la plupart des organisations insistent sur le fait que les intervenants doivent étudier attentivement la dynamique des conflits au sein desquels ils travaillent, l’intérêt et les capacités opérationnelles de leurs propres projets et les liens entre les deux. Cela nécessite d’apprendre à acquérir une connaissance profonde de soi et de l’organisation pour laquelle on travaille et à développer des techniques d’observation afin de s’assurer que les interventions correspondent aux besoins du terrain. Les méthodologies et pédagogies de formation à la paix doivent rester fidèles aux objectifs de la formation en elle-même de façon à garantir une préparation aiguë des intervenants de paix aux nombreuses exigences du terrain. Chapitre quatrième : Principaux défis de la formation à la paix Par Giovanni Scotto et Jan Mihalik Travail de paix et formation à la paix : les défis Comme tout autre type de formation, la formation à la paix soulève de nombreuses questions auxquelles nous nous devons de répondre afin de garantir sa qualité. Dans ce chapitre, nous présenterons un certain nombre de défis mis en lumière par nos entretiens avec des experts chevronnés et par le questionnaire rempli aux organisations européennes impliquées dans le travail de paix et dans la formation à la paix. Cette liste n’est en aucun cas exhaustive : nous avons sélectionné les défis qui sont, selon nous, les plus importants à relever pour le développement du terrain. Dans le chapitre cinq, nous passerons en revue les défis plus complexes liés à la conception et à la mise en œuvre de formations à la paix et nous dégagerons la conclusion des chapitres quatrième et cinquième. Mais commençons par illustrer les défis généraux de la formation à la paix. Ils peuvent être classés en cinq catégories : 1. les défis politiques touchent à la relation entre la formation et la manière dont les parties externes s’engagent dans le règlement des conflits. Cela inclut leurs objectifs et leurs programmes. Les défis politiques comprennent également la relation entre les États, les organisations internationales et les sociétés civiles mondiale et locale et leur influence sur 2. 3. 4. 5. la formation. Nous aborderons également les défis politiques inhérents au processus d’apprentissage lui-même ; les défis liés aux perceptions et aux cultures se rapportent à la manière dont les facteurs sociétaux et culturels influencent la perception du conflit par les intervenants et au problème que cela pose dans la formation à la paix ; les défis éthiques sont liés aux dilemmes éthiques et moraux que peut engendrer une intervention (externe) dans les conflits ; les défis didactiques sont les défis qui émergent des efforts pédagogiques directs de formation à la paix. Ils touchent au contenu, à la méthodologie, à la gestion des dynamiques de groupe et à la conciliation des besoins de différents acteurs ; le défi d’efficacité concerne l’impact de la formation à la paix sur les participants, sur l’environnement conflictuel et sur la pratique de l’intervention non-violente elle-même. Les défis politiques Les défis politiques sont très étroitement liés au débat du chapitre deuxième sur l’objectif de la formation à la paix, qui est de préparer des individus à avoir une influence positive sur le conflit. Les différents acteurs ont des points de vue disparates quant à la manière de réaliser cela le plus efficacement possible. Par conséquent, il existe parfois une tension entre, d’une part, les processus de paix traditionnels menés par les États (la diplomatie officielle) et par l’armée et, d’autre part, les processus engagés par des civils, qui résultent de traditions telles que la nonviolence active et le dialogue à la base. Les deux approches luttent chacune à leur façon pour trouver des solutions aux problèmes contemporains de violence généralisée et de guerre. De nombreuses organisations engagées dans des mouvements pour la paix pensent que l’intervention civile dans les conflits peut se substituer de façon viable, ou est en tous cas un complément nécessaire, aux processus mis en œuvre par les États. Ceci concerne par exemple des organisations de maintien de la paix telles que Brigades de paix internationales ou Nonviolent Peaceforce. Les progrès des opérations de terrain menées par des organisations gouvernementales internationales comme les Nations unies et l’OSCE ont commencé à éveiller la conscience de nombreuses institutions étatiques quant à l’importance de la participation de la société civile locale et du rôle des ONG internationales dans les processus de paix. Les États et les organisations internationales, de la même façon, ont commencé à reconnaître qu’il était important de renforcer leur propre contribution à la construction de la paix et donc leurs infrastructures et leurs capacités. Ce mouvement a conduit, au cours des dernières années, à la création de la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies, de l’Unité de soutien à la médiation du Département des affaires politiques des Nations unies, et du programme conjoint PNUD-DAP visant au renforcement des capacités nationales de résolution des conflits. Dans plusieurs pays, il existe également maintenant des campagnes pour la création de départements ou de ministères de la Paix, le gouvernement népalais fournissant l’un des exemples les plus récents de création de ce type d’infrastructure au niveau gouvernemental. Au cours des quelques dernières années, des formes de coopération entre les États et les acteurs de la société civile sont même nées ; le service civil de paix allemand 28 en constitue un exemple majeur. 28 Pour de plus amples informations, consultez le site Web du service civil de paix allemand sur : www.forumZDF.de. Dans le domaine de la formation, cette dualité des approches est moins visible. Les idées et programmes développés au départ pour les acteurs de la société civile ont été adoptés pour former les agents de l’ONU, de l’OSCE, de l’UE et des États à des missions de maintien et de construction de la paix, et vice versa. Comme l’illustre le chapitre troisième, des organisations telles que le projet Peaceworkers d’International Alert, PATRIR et l’ASPR sont des précurseurs dans la tentative de combinaison d’idéologies de formation autrefois rivales visant à créer des moyens mieux acceptés et plus efficaces de préparer les personnes à travailler dans et sur le conflit. Alors qu’une division subsiste entre ceux qui pensent que les méthodes les plus efficaces sont des processus de paix politiques, dirigés par les États, et ceux qui pensent que ce sont des méthodes fondées sur les communautés locales, les deux parties sont nécessaires à la transformation des conflits profondément enracinés. C’est pourquoi il est encourageant de constater certains points de synergie au niveau de la formation. La préparation des personnes à des missions complexes « multidimensionnelles », c’est-à-dire au cours desquelles du personnel militaire de maintien de la paix travaille aux côtés d’intervenants de paix d’organisations internationales, d’ONG, de partenaires locaux et d’autres groupes issus de la société civile, constitue un autre défi politique. Des missions de ce type peuvent être à l’origine de problèmes de coordination entre des agences intervenantes ayant des approches, des cultures organisationnelles, des philosophies d’intervention et des objectifs politiques différents, et qui doivent trouver des moyens compatibles de collaborer. D’une part, un niveau élevé de coordination est impératif, à la fois pour assurer la sécurité de ceux travaillant sur le terrain et pour produire un effet positif sur les conflits violents ; d’autre part, une trop grande fusion des techniques et des rôles risque de limiter la diversité des approches nécessaires à la réalisation de changements sociaux constructifs. La Folke Bernadotte Academy, en Suède, constitue un exemple d’institution de formation se concentrant largement sur le développement de la capacité des acteurs sur le terrain – société civile, militaires, gouvernement, ONU et organisations internationales – à coopérer et à interagir les uns avec les autres en utilisant des simulations et des jeux de rôle et variés et très bien conçus. Ce problème de coordination est d’autant plus compliqué qu’au cours d’opérations multidimensionnelles, de nombreuses ONG agissent dans des environnements très peu sûrs. Souvent, les civils ont besoin de la protection des intervenants militaires de maintien de la paix pour faire leur travail, mais en même temps, il leur arrive de souhaiter montrer leur distance pour prouver que l’intervention non-violente non armée représente une autre solution. Dans ces cas-là, les civils prennent des risques supplémentaires, tout particulièrement dans des situations sévères et instables de violence sociétale généralisée. Un autre problème de collaboration se pose lorsque les intervenants militaires de paix sont mobilisés pour prendre en charge des missions typiquement « civiles », telles que la reconstruction et l’aide humanitaire, auxquelles ils peuvent ne pas être suffisamment bien préparés. La formation à la paix doit prendre en compte ce défi. Comme le montrent bon nombre de nos études de cas, la formation est un moment idéal pour rassembler les représentants des institutions étatiques, de l’armée et d’organisations de la société civile et voir de quelle façon chaque groupe peut compléter le rôle et l’expertise des autres groupes. Les formations auxquelles participent des professionnels de secteurs variés devraient inclure le temps nécessaire à ce que les participants clarifient les différences de politique, d’instruments et de culture organisationnelle et réfléchissent aux sujets potentiels de collaboration. Pour finir, quelles que soient les différences existant entre les idéologies de travail de paix ou les approches de préparation des personnes à la transformation des conflits, le processus d’apprentissage de la formation est en lui-même un défi politique auquel tout est rattaché. En considérant cette activité d’apprentissage sous l’angle de la pédagogie critique, elle peut être vue comme de nature politique (Schor, 1993). Tous les formateurs choisissent des méthodes et des contenus reflétant certains paradigmes et convictions politiques. Donaldo Macedo, pédagogue critique, déclare : « L’exercice de la liberté nous amène au besoin de faire des choix, et ce besoin nous conduit à l’impossibilité d’être neutre » (Macedo 1999, p. 86). Ceci est particulièrement important dans le cas lorsque l’on forme des intervenants de paix externes à intervenir dans des conflits et des cultures qui ne sont pas les leurs. Par conséquent, les présupposés politiques implicites de toute pédagogie et de tout programme de formation nécessitent une réflexion et une analyse (cf. chapitre cinquième). Celles-ci peuvent être menées en posant des questions telles que : Quelles sont les perceptions du monde des différentes composantes de la formation ? Quels sont les objectifs que la formation est censée faire atteindre aux intervenants de paix en les préparant ? Quels groupes de la société seront capables de participer à cette formation ou à des activités de travail de paix ? Quelles sont les valeurs sous-jacentes à toutes les facettes de la formation ? Par exemple, quelle idée de la société est présentée comme préférable ? Défis liés aux perceptions et aux cultures Cet ensemble de défis se rapporte à la première et à la troisième propositions présentées dans le chapitre deux, c’est-à-dire, respectivement, que la formation à la paix est un moyen approprié de préparer de façon efficace des individus à avoir une influence positive sur le conflit et que cette formation à la paix englobe différentes méthodes d’apprentissage en vue de préparer plus efficacement les individus à avoir cette influence bénéfique. Si la formation à la paix est vue comme un moyen approprié de transformer les conflits, il est alors crucial de se renseigner sur les présupposés et fondements culturels des approches utilisées. Comment les intervenants de paix doivent-ils être formés pour adopter une démarche sensible à la culture de la zone dans laquelle ils interviennent ? Comment garantir que la façon dont les intervenants de paix et les formateurs interprètent la réalité d’un conflit soit adaptée aux objectifs de leur travail ? Jusqu’à quel point les formateurs et les organisations de formation sont-ils capables d’analyser un conflit convenablement pour développer en conséquence leurs stratégies d’intervention et offrir une formation appropriée répondant aux besoins d’un cadre bien précis ? L’une des manières de réduire les complexités de la réalité consiste à la décrire dans des termes mécanistes. Pour faire simple, selon le mécanisme, l’univers peut être découpé en composantes individuelles que l’on peut alors analyser sans observer leur connexion les unes aux autres et à l’ensemble (Capra 1996, p. 6)29. Toutefois, ce type d’analyse fragmentée, qui n’interprète pas La médecine occidentale contemporaine, qui voit le corps comme une machine et a tendance à négliger la manière dont les états physique, émotionnel et spirituel agissent les uns sur les autres, est un exemple typique de ce paradigme. 29 comment tous les éléments d’un conflit se rapportent les uns aux autres et aux causes profondes du conflit dans l’ensemble du système, est trop souvent à l’origine de mauvaises pratiques. La « pensée nouvelle » dans le domaine du développement, les approches systémiques de gestion des problèmes mondiaux et les innovations dans le domaine de la construction de la paix et de la transformation des conflits ont mis en question les fondements du paradigme mécaniste. Selon ces disciplines, la transformation sociale avisée peut être obtenue de meilleure façon en combinant la réflexion stratégique à l’appréciation de la complexité systémique, ainsi qu’à des stratégies participatives, à un dialogue continu et à l’ouverture et l’adaptation aux retours d’information du terrain.30 Néanmoins, beaucoup ont encore tendance à penser la plupart du temps en termes de chaînes d’actions et de réactions et de résultats que l’on pourrait obtenir de manière linéaire. Ceci est vrai en partie dans le domaine de la formation à la paix. La métaphore de la boîte à outils – largement utilisée dans la formation à la paix – va dans ce sens. Selon cette vision, la formation devrait principalement s’appliquer à doter les intervenants de paix d’outils et de compétences leur permettant de changer la réalité sociale dans laquelle ils travaillent. Comme nous l’avons expliqué, de nombreuses compétences sont en effet nécessaires à un travail de paix efficace. Cependant, la mise au point d’outils pour transformer des résultats de conflit spécifiques reste dans un cadre de perception qui ne permet pas d’apprécier la complexité de la gestion de conflits violents. En outre, les objectifs et présupposés implicites à l’origine de l’utilisation de tout « outil » de travail de paix particulier sont rarement définis. Ceci entrave le développement de la réflexion personnelle chez les intervenants de paix.31 Une bonne partie de ces perceptions se rapportant à la gestion du conflit sont enracinées dans les différentes perceptions culturelles de la réalité. Par exemple les valeurs d’individualisme et la conception linéaire du temps prédominent dans de nombreuses cultures occidentales, alors que le collectivisme et la vision cyclique du temps imprègnent largement nombre de cultures orientales. Il est évident que de telles différences ont des effets marqués sur la manière dont l’efficacité est jugée dans les formations à la paix. Récemment, au cours d’un exercice de formation pour une grande organisation impliquée dans l’intervention non-violente, un groupe multiculturel a dû résoudre un exercice visant à transformer un conflit de groupe. À la fin de l’exercice, un participant originaire d’Amérique du Nord était satisfait parce que le groupe avait atteint une issue spécifique désirée, tandis qu’un participant africain ne l’était pas car la décision prise – bien qu’elle fût considérée comme appropriée – ne tenait pas compte du point de vue de certaines personnes. Ceci n’est qu’un exemple visant à souligner le fait qu’en formant à la paix, il faut être conscient des avantages que les différentes cultures ont à offrir et de l’importance de ne pas évaluer les performances des participants au moyen d’une perception culturelle unique. De plus en plus, des formateurs et des experts dans le monde entier travaillent ensemble dans le cadre de différents programmes de Master en études de paix et de résolution des conflits et dans d’importants instituts. Ils constituent de vastes réseaux de personnes travaillant dans la construction de la paix et la transformation des conflits, qui permettent de faire le lien entre le Sud Les approches systémiques de la transformation des conflits représentent un bon exemple de cette pensée (Wils et al., 2005). 31 Ce point a été particulièrement souligné par Bush et Folger (2005) dans le domaine de la médiation. 30 et le Nord. Pourtant, un nombre considérable de formateurs internationaux sont originaires de pays du Nord/occidentaux, ou sont formés selon des méthodes et des approches spécifiques de ces régions du monde, ce qui, en soi, n’est pas nécessairement un problème. Le défi se présente lorsque les formateurs ne développent pas la conscience et la sensibilité nécessaires à l’approche des présupposés qu’ils véhiculent. Ce qui fait une différence cruciale, c’est certainement si la formation présente certaines pratiques comme « les bons outils » ou si elle les présente comme des produits issus de visions « occidentales » du monde qui ont bien fonctionné dans de nombreuses zones de conflits. Si les perceptions culturelles ne sont pas équilibrées et les formateurs ou intervenants de paix commencent à imposer leur mode de pensée aux autres, un défi politique émerge sous forme d’« impérialisme culturel ». « Je me trouve personnellement en difficulté lorsque des experts et des formateurs internationaux se présentent à moi, formateur ayant une expérience locale, et me disent ce que j’ai à faire. Ils ont un air de supériorité – même s’ils ne se présentent pas comme étant supérieurs car ce n’est pas politiquement correct – parce qu’ils parlent un meilleur anglais, sont plus âgés ou viennent de pays pacifiques et s’imaginent donc que tout le monde devrait adopter leurs méthodes. Ces attitudes génèrent une dynamique de pouvoir précaire entre les formateurs et entre les formateurs et les participants. Pour moi, une personne est l’experte de sa propre vie. Une femme illettrée de Sierra Leone assise à côté d’un homme titulaire d’un doctorat de la meilleure université au monde est toujours l’experte de sa propre vie. Dans ce cas, il est absolument essentiel que l’expert international écoute ce qu’elle a à lui apprendre ». -Gal Harmat, Université de Tel Aviv Ces défis ne représentent qu’une partie des défis ayant trait à la perception et à la culture. Cependant, même si ces deux composantes peuvent être source de difficultés, la communication interculturelle et l’analyse de ses propres perceptions du monde peuvent constituer deux des aspects les plus créatifs de toute formation internationale à la paix. Dans l’idéal, ce type de formation donne à des participants de cultures variées l’occasion de réfléchir ensemble et de partager leurs points de vue et idées implicites qui permettent la création de moyens innovants et intégratifs de construire la paix. Défis éthiques Le principe « First : Do No Harm » (Anderson 1999), classique issu de la tradition médicale, a été appliqué au cours des dernières années à l’aide humanitaire dans les zones de crise. Malheureusement, les intervenants ne peuvent pas être sûrs à l’avance de l’intensité des effets positifs ou négatifs produits par leurs actes. Cette obligation de « ne pas nuire » oblige les intervenants de paix à repenser constamment leur travail et à en évaluer les incidences afin de minimiser les conséquences néfastes et de maximiser les effets bénéfiques de toute intervention dans un conflit. Peut-il en aller de même pour la formation à la paix et pour l’aide humanitaire dans les zones de conflit ? La formation est généralement considérée comme absolument inoffensive. Cependant, dans certaines situations, l’enseignement de certaines compétences et méthodologies peut en fait entraver la capacité des acteurs à réagir de façon adéquate à un conflit violent. Comme nous y avons fait allusion plus haut, nous pensons que les systèmes de formation conçus à partir d’une idée étriquée de « recettes » censées « résoudre les problèmes » posés par les conflits, c’est-à- dire celles basés sur des hypothèses mécanistes de changement social linéaire, limitant l’ouverture et la créativité des intervenants de paix, présentent un danger potentiel. Ce danger devient particulièrement important lorsque la formation est utilisée comme un outil d’intervention dans des conflits où des experts internationaux, la plupart du temps originaires des pays de l’hémisphère Nord et occidentaux, ayant de faibles connaissances du conflit sont envoyés pour donner des conseils à l’occasion d’un programme de formation (pour lequel ils touchent généralement des sommes importantes). Ce type de formation, à moins qu’elle ne soit effectuée avec beaucoup de soin, que la méthodologie soit adaptée et qu’il y ait un engagement de suivi, peut affaiblir les capacités participatives des futurs intervenants. Cela leur rappelle qu’ils ne disposent pas des aptitudes à transformer leur propre conflit et qu’ils doivent compter sur des personnes extérieures qui sont disposées à partager leurs compétences mais qui, partant juste après la fin de la formation, ne se soucient pas de leur être solidaires. Des formations de ce type sont rarement pertinentes pour les individus directement concernés par le conflit et représentent le gaspillage de précieuses ressources. Pour relever ce défi, l’une des possibilités serait d’encourager les échanges « SudSud » et « Sud-Nord » de connaissances et de compétences en invitant les experts des zones de conflit à former des individus dans des contextes similaires dans d’autres pays. Un autre défi d’ordre éthique se présente lorsqu’un formateur prépare un groupe de personnes à prendre des risques personnels qu’il ne serait lui-même pas disposé à prendre. Les formateurs doivent avoir beaucoup d’humilité et pratiquer une grande transparence quant aux coûts acceptables d’intervention. De plus, les organisations préparant des intervenants de paix doivent être claires vis-à-vis des objectifs de leur mission et du rôle qu’elles vont demander aux intervenants de jouer. Cette condition est particulièrement importante quand on sait que, dans des groupes tels que Christian Peacemaker Teams (cf. chapitre troisième), on demande aux membres de s’engager dans des missions d’intervention non-violente par des tiers, même face à un danger personnel considérable. L’enlèvement et l’assassinat récents de Tom Fox, l’un des membres de l’équipe de terrain de CPT en Irak, fait partie des nombreux événements tragiques rappelant que l’intervention civile de paix non-armée peut avoir des conséquences fatales. Défis didactiques Les défis didactiques se rapportent à ce qu’il se passe dans la salle de formation (pour plus d’informations, cf. chapitre cinquième). Le premier d’entre eux : jusqu’à quel point les formateurs ont-ils développé un répertoire de pratiques, d’outils et d’activités pour former les intervenants de paix, de manière appropriée, aux fonctions qu’ils devront remplir ? Comme nous l’avons vu, le travail de paix nécessite des connaissances interdisciplinaires et des compétences professionnelles multiples. La formation à la paix doit répondre à ces besoins. Par chance, la quantité de manuels et d’exercices de formation a rapidement augmenté ces quelques dernières années, certains d’entre eux étant disponibles dans de nombreuses langues (cf. bibliographie). Autre défi didactique : comment créer un espace qui permette aux experts de véritablement réfléchir à leurs propres pratiques ? Au cours de nos entretiens avec des experts chevronnés, il nous a semblé que la communauté professionnelle des intervenants de paix développait davantage de méthodes pour partager les connaissances, les expériences et les leçons tirées. Ce mouvement conduit à une réflexion sur soi-même plus authentique et à de meilleures pratiques.32 En ce qui concerne la formation, cependant, les efforts de « formation des formateurs » qui offrent aux individus la possibilité de développer leurs capacités en tant que formateurs dans les disciplines de la construction de la paix et de la transformation des conflits sont encore peu nombreux.33 Malgré l’augmentation de la littérature théorique disponible sur ce sujet (Lederach, 1995 ; Bittl-Drempetic, 1994 ; Euli, 2004 ; cf. également Schmelzle, 2006), la réflexion sur ces pratiques de formation reste un domaine sous-exploité. Autre défi didactique majeur : comment gérer les différents besoins et intérêts des organisateurs, des participants, des formateurs et des bailleurs de fonds impliqués dans la formation (cf. chapitre cinquième). En déterminant les différences de tous ceux qui sont impliqués dans une formation, en apprenant à vivre avec des contradictions et des paradoxes et en s’engageant à les transformer, tous les acteurs peuvent faciliter par leur action un processus de transcendance des sources de tension afin de créer un environnement d’apprentissage sain. L’expérience même de la formation consiste à vivre avec des paradoxes. Le domaine de l’apprentissage par l’expérience, en particulier, peut être résumé grâce à deux recommandations paradoxales bien connues : « Soyez spontané ! » et « Mettez l’autorité en question ! »34. Soit : les participants doivent faire confiance aux formateurs lorsqu’ils sont invités à rentrer dans une zone d’inconfort pour développer leurs connaissances, leurs qualités humaines et leurs compétences pour le travail dans et sur un conflit. En même temps, les participants doivent prendre conscience de leurs propres objectifs, besoins et convictions et mettre les formateurs en question si nécessaire. Il existe un autre défi, plus difficile à définir, au cours de la formation : la création de la beauté. Nous ne souhaitons pas expliquer la signification de la beauté dans le cadre de la formation à la paix ; cependant, il est utile d’exprimer le besoin de beauté dans le processus de formation. C’est la beauté qui unit l’observateur et l’observé à un niveau profond et permet à l’individu de mieux se connaître en se dotant de nouvelles capacités pour le travail de paix. Les relations humaines sont belles lorsque les individus peuvent éprouver de l’empathie les uns pour les autres qu’ils donnent à l’autre l’espace nécessaire à la réalisation plus complète de ses propres potentiels. Cultiver la beauté dans la formation à la paix, par conséquent, signifie donner aux participants l’espace nécessaire pour se connaître et connaître les autres (cf. chapitre sixième). Défi d’efficacité : effet et évaluation de la formation Tous les défis précédemment cités se fondent dans cet ensemble final de défis clef concernant le lien entre la formation et la pratique – un lien qui, en fin de compte, illustre l’efficacité de la formation pour transformer de manière positive les conflits. L’estimation de l’efficacité des formations mène à un domaine très complexe d’évaluation. Il inclut la compréhension de la Le site Web Peace and Collaborative Development en est un exemple. C’est un site de constitution de réseaux professionnel destiné à encourager l’interaction entres les individus et les organisations du monde entier qui sont impliqués dans le développement, la paix, la résolution des conflits et les domaines connexes. Ses membres sont encouragés à dialoguer et à partager leurs ressources. http://internationalpeaceandconflict.ning.com/ http://internationalpeaceandconflict.ning.com/ 33 En 2006, un projet pilote pour le développement d’un programme de formation des formateurs à la transformation des conflits violents a été achevé par une équipe européenne coordonnée par l’organisation allemande de formation Kurve Wustrow. 34 C’est David Grant de Nonviolent Peaceforce qui a attiré notre attention sur ce point. 32 « théorie du changement » d’une action particulière et l’importance de la contribution de l’action à la réalisation des objectifs fixés. Ces dernières années, tout le secteur de la construction de la paix a réalisé des efforts dans le but d’améliorer les pratiques d’évaluation de projets et de programmes (cf. Church et Rogers, 2006). L’évaluation est le pont reliant la pratique de la paix, les besoins du terrain et la formation. L’évaluation permet d’estimer le degré d’efficacité et l’incidence des interventions sur le conflit et d’analyser à la fois les conséquences qui étaient recherchées et celles qui ne l’étaient pas. On pratique aussi bien des évaluations internes, c’est-à-dire effectuées par les organisations intervenantes et les équipes elles-mêmes, que des évaluations externes, c’est-à-dire menées par des évaluateurs indépendants ou des équipes d’évaluation (Schmelzle, 2006, p. 8). Aujourd’hui, les éléments d’évaluation sont généralement considérés comme une partie intégrante du cycle du projet de formation (comme indiqué dans le schéma 3 du chapitre deuxième). Deux niveaux d’incidence de la formation sont à distinguer : (1) l’impact direct sur les participants et (2) l’impact indirect sur le conflit dans lequel les participants interviennent après leur formation. Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre deux, la conséquence immédiate perçue et rapportée par les participants est généralement évaluée pendant ou à la fin de la formation. C’est, pour les participants, une occasion importante d’apporter un retour d’informations quant à l’influence perçue de la formation sur leurs connaissances, leurs qualités humaines et leurs compétences professionnelles. Cependant, le défi inhérent à de telles évaluations est qu’elles ont tendance à être orientées par les sentiments primaires du participant plus que par de véritables changements et peuvent ainsi ne pas fournir les meilleures indications. Des indicateurs d’une formation efficace ? « Je ne pense pas que des formateurs puissent « garantir » quoi que ce soit. Le mieux qu’ils puissent faire, c’est bien préparer les personnes et espérer qu’elles utiliseront ce qu’elles ont appris une fois sur le terrain. Naturellement, nous devrions dans l’idéal contrôler l’efficacité de la formation en fournissant des moyens de mesurer les retombées du travail d’une personne sur un conflit et vérifier si ces retombées ont été ou pourraient être améliorées par une formation. Mais ceci est extrêmement difficile, sinon impossible, à réaliser, car l’influence d’une personne est aussi incommensurable qu’est l’effet d’un unique cours de formation sur la manière dont une personne se comporte alors. » -Tim Wallis, projet Peaceworkers Ouyporn Khuankaew présente les choses légèrement différemment : « Pour moi, si quelqu’un vient pour une formation de cinq jours et qu’il est en conflit à l’extérieur, c’est-à-dire avec son ou sa partenaire ou sa famille, je veux qu’il se sente confiant et qu’il s’engage à rentrer à la maison pour transformer ces conflits. Je parle ici du plan personnel car bien souvent, nous attendons d’un membre d’équipe de terrain qu’il soit capable d’avoir une influence sur le conflit sur le terrain, mais il arrive bien souvent que cette personne n’ait même pas la capacité de transformer le conflit existant dans son propre foyer. Au dernier jour d’une formation de cinq jours, je recherche deux choses : (1) que les personnes prennent conscience qu’il existe un conflit et qu’elles ne le nient pas et (2) qu’après avoir suivi la formation, elles sachent quand elles sont bloquées et qu’elles aient les compétences, le courage et la motivation pour transformer le conflit. Ici, dans notre centre en Thaïlande, nos formations ont une base spirituelle. Par conséquent, deux indicateurs nous permettent de déterminer quelles sont les personnes motivées pour transformer des conflits : (1) la sagesse de savoir comment transformer le conflit (connaissances et compétences) ; et (2) la compassion nécessaire pour le faire. » La collecte d’informations sur la manière dont la formation a influencé les pratiques d’un participant est un processus à long terme. Nous avons décidé que les organisations assurant la formation devraient également en mener le suivi. Pour cela, il faut clairement expliquer aux participants et aux organisations qui envoient des participants à des formations qu’on leur demandera d’évaluer la formation et ses conséquences sur leur travail plusieurs mois, voire un an après la fin de la formation. Une fois ce temps écoulé, les participants et les organisations dont ils font partie pourraient remplir des questionnaires pour que nous puissions suivre, au moins de manière approximative, les changements de qualité induits par la formation. Cette méthode présente également ses difficultés car elle demande du temps à tous ceux qui sont impliqués et aux participants de s’auto-évaluer. L’évaluation des conséquences d’une formation sur le conflit lui-même est source de difficultés encore plus importantes. Pour que ces évaluations soient dans tous les cas révélatrices, elles doivent être très complexes et sont généralement assez coûteuses. Pourtant, au niveau de la communauté, on dispose d’études montrant comment les formations peuvent influencer positivement les situations de violence. Dans ces cas-là, les formations peuvent influencer la transformation des conflits si elles sont utilisées de manière stratégique, c’est-à-dire si elles s’inscrivent dans un projet plus étendu (CDR Associates et Centre Berghof, 1999, p. 28-29). Pour ce qui concerne les intervenants externes, il n’existe quasiment aucune étude connue établissant un lien entre la formation et la qualité des actions des intervenants de paix sur le terrain. Cette perspective pourrait être très enrichissante pour ce terrain. Comme dans le domaine de la transformation des conflits, les véritables experts en matière d’efficacité des formations à la paix sont les acteurs internes au conflit qui peuvent discerner immédiatement quelles parties de la formation sont utiles dans une situation et un contexte socioculturel particuliers. C’est pourquoi nombre de leçons utiles pour la formation peuvent provenir des formations qui sont élaborées à partir de et conformément à des projets de dialogue et des initiatives locales de renforcement des capacités. La formation comme outil de transformation des conflits dans les Balkans Dans les années quatre-vingt-dix, la formation était largement utilisée dans les Balkans pour diffuser de nouvelles perspectives sur la transformation des conflits et des thèmes comme la médiation et la non-violence. Pendant la guerre, au début des années quatre-vingt-dix, la coalition des ONG croates Anti-War Campaign (ARK) a commencé à organiser des formations pour diffuser l’idée de la transformation non-violente des conflits. Plus d’une décennie plus tard, le Centre pour la non-violence à Osjek est devenu l’un des principaux centres de formation de la région. À la fin des années quatre-vingt-dix, l’ONG Canadian Institute for Conflict Resolution proposait une série de formations à la gestion des conflits et à la médiation en BosnieHerzégovine. Suite à cela, dans la région de Mostar, un groupe de médiation aidant à régler les problèmes concernant le retour des réfugiés dans la Republika Srpska (République serbe de Bosnie), à l’est, a vu le jour. Le Centre pour l’action non-violente de Sarajevo est une des organisations de formation les plus anciennes des pays issus de la disparition de la Yougoslavie. Son fondateur, Nenad Vukosavljevic, a développé des programmes de formation qui ont été utilisés dans la région par des personnes, issues de nombreux secteurs, ayant suivi des cours de formation à Kurve Wustrow en Allemagne. La plupart des efforts d’évaluation sont dirigés par les donateurs. Ces derniers tiennent généralement beaucoup à comprendre comment leur argent a été dépensé. Naturellement, mais aussi malheureusement, ils exercent une pression importante afin de détecter les réussites et effets immédiats. Généralement, cela a comme conséquence un manque d’attention (et de ressources financières) pour les études sur les effets qualitatifs à long terme des formations. Par conséquent, il est conseillé, pour les programmes ayant des composantes de formation, d’affecter, dans les budgets, des fonds spécifiques à différentes étapes de l’évaluation afin d’estimer de manière plus authentique les effets de la formation sur le conflit. L’autre solution consiste à mettre en place des partenariats durables entre les organismes assurant les formations, les organisations mettant en œuvre les formations et les institutions universitaires. Une telle collaboration pourrait garantir la disponibilité de davantage de ressources pour une évaluation approfondie. À moyen terme, il faudrait développer une culture de l’évaluation. On pourrait, entre autres, demander aux universités proposant des cursus de paix et de transformation des conflits de se doter des compétences nécessaires à la conduite d’évaluations à long terme et de former leurs étudiants à des méthodologies d’évaluation. Chapitre cinquième : Élaborer et dispenser des formations Par Jan Mihalik, Robert Rivers et Giovanni Scotto Introduction Ce chapitre explore plus profondément les défis didactiques – c’est-à-dire ceux qui se présentent pendant la formation elle-même – présentés dans le chapitre quatre. Lorsqu’ils sont bien pris en charge, ces défis offrent des opportunités d’enrichissement du processus de formation et de l’expérience de toutes les personnes impliquées. Il n’existe pas de recette unique pour surmonter ces difficultés d’ordre didactique qui garantisse des résultats positifs ; cependant, certaines tendances communes laissent transparaître une manière de les transformer. Vous trouverez cidessous quelques suggestions. Le dernier paragraphe de ce chapitre est une synthèse des quatrième et cinquième chapitres et offre une réflexion sur l’avenir de la formation à la paix. Limites de la formation à la paix La formation à la paix ne peut pas faire de n’importe qui un professionnel. Généralement, les participants doivent remplir des conditions préalables pour s’inscrire à une formation – c’est-à-dire qu’ils doivent avoir certaines capacités que l’on ne peut acquérir en passant simplement d’une salle de formation à une autre. Pour que l’apprentissage soit véritablement de haute qualité, la première condition est que le participant ait une motivation authentique. La formation ne peut faire naître la motivation chez les participants. Elle peut les inspirer et les aider à éclaircir les raisons de leur engagement, mais elle ne peut se substituer à la motivation personnelle. Il y a également des limites à ce bagage de prédispositions de base des participants. Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, le profil professionnel d’un intervenant de paix se caractérise par la combinaison de savoir, de qualités humaines et de compétences. Même si la formation peut fournir aux participants l’espace nécessaire pour développer ces trois aspects, certaines valeurs et attitudes sont requises dès le début des formations à la paix. Si l’on devait n’en retenir qu’une seule, ce serait la capacité des participants à traiter autrui avec respect et être ouverts à de nouvelles idées. Au mieux, la formation favorise la transformation personnelle, mais ne constitue pas une formule magique pour un changement instantané. Par conséquent, en règle générale, plus la formation est courte, plus les participants doivent être matures pour atteindre des résultats tangibles. Enfin, des conditions personnelles particulières peuvent également constituer une limite à la formation. Si un participant souffre d’un traumatisme profond engendré par une expérience personnelle de violence, suivre une formation d’intervenant de paix peut ne pas être la meilleure façon de traiter ses souffrances ; en fait, certains exercices et thèmes abordés peuvent même conduire à un nouveau traumatisme. Cette dimension doit être prise en compte, notamment lorsque l’on forme des individus vivant dans des régions qui sont le théâtre de graves conflits. Répondre aux besoins des parties prenantes de la formation à la paix Des besoins en contradiction et la formation Comme nous l’avons énoncé dans le quatrième chapitre, une tension entre les parties impliquées dans les formations façonne souvent la pratique de la formation elle-même. Ce conflit de besoins et d’attentes entre les bailleurs de fonds, les organisateurs, les formateurs et les participants – qui peut ne pas être nécessairement apparent à première vue – peut constituer un défi majeur et une importante occasion de transformation. Les organisations et les bailleurs de fonds s’attendent généralement à ce que certains changements se produisent chez les participants eux-mêmes, dans leurs relations vis-à-vis des autres acteurs du conflit et, si possible, à l’égard du contexte général dans lequel ils travaillent. On peut voir, en ce sens, dans les transformations personnelles, une motivation renouvelée, des compétences accrues ou une meilleure base de connaissances pour leur travail. En ce qui concerne les relations, la constitution d’une équipe, l’établissement d’un réseau, l’accroissement de la synergie avec les partenaires et la gestion des micro-conflits au sein et à l’extérieur du groupe de travail sont souvent prioritaires. Quant au contexte plus large de l’intervention, les formations ont souvent pour but de modifier de manière bénéfique le règlement du conflit ou les processus politiques en fournissant de nouvelles informations, des espaces de dialogue et des possibilités de développer l’expertise nécessaire avec les acteurs clef. Les participants individuels ont également des attentes très diverses, comme l’acquisition de connaissances pointues, des occasions de développement professionnel et un espace pour partager des expériences avec des personnes qui effectuent un travail similaire dans d’autres régions du monde. Par ailleurs, certains participants voient dans les formations un moyen de fuir la routine du quotidien pour réfléchir à leur développement personnel et à leur futur travail. Enfin, les formateurs ont eux aussi leurs propres besoins. Ceux qui sont plutôt techniques recherchent parfois un espace où ils peuvent présenter des approches et des méthodologies de formation particulières. D’autres éprouvent le désir de créer des liens personnels avec les participants et de faciliter des processus de responsabilisation, offrant aux acteurs internes de nouveaux moyens de percevoir le conflit et d’y travailler. Souvent, le formateur devient une zone tampon entre les organisations, les donateurs et les participants. Il lui faut donc être assez flexible pour répondre aux besoins des participants et avoir la discipline nécessaire pour respecter le mandat des institutions organisatrices. En fin de compte, quels que soient les acteurs impliqués, l’existence de besoins ne représente qu’une partie de l’équation. Être conscient de ces besoins et les gérer de façon à les transformer est l’une des clefs de la réussite d’une formation à la paix. Gérer les conflits de besoins Comme nous l’avons exposé, le formateur joue un rôle important en conciliant les besoins et attentes des parties impliquées dans les formations à la paix. Premièrement, le formateur a la responsabilité d’expliquer les objectifs de l’organisateur, les contenus et le style de formation souhaités, ainsi que leurs critères quant aux qualifications de base dont les participants doivent être dotés pour être pris en formation. Pendant la formation, il est important que le formateur aide les participants à prendre conscience de leurs propres besoins. Il arrive que des contradictions se présentent. Dans de tels cas, les participants et les formateurs doivent renégocier leurs besoins et leurs attentes. On peut alors par exemple demander au groupe : « Pourquoi certains besoins ont-ils une signification importante et comment ces besoins individuels se rattachent-ils au groupe dans sa globalité et au travail pour lequel les participants sont formés ? » Il n’est pas nécessaire de faire passer certains besoins et certaines attentes avant les autres, mais il faut aider les personnes à comprendre comment leurs besoins se rattachent à leur communauté d’apprentissage et au contexte plus large. Parfois, des participants découvrent que les besoins qu’ils pensaient essentiels ne le sont en fait pas réellement. Un dialogue facilité et des processus collectifs de prise de décisions permettent d’atteindre les niveaux de compromis et même de transcendance – où tous les besoins sont satisfaits de manière créative. La méthode ayant permis d’aboutir à cette synthèse constitue une expérience d’apprentissage importante pour les participants à la formation. Konrad Tempel propose un panorama détaillé de différentes mesures à prendre pour clarifier et satisfaire les besoins des participants (cf. encadré) : Éclaircir les besoins des participants 1. « Pour répondre aux besoins des participants, l’équipe de formateurs a la tâche difficile de donner au groupe le pouvoir de définir le cours comme le leur. 2. Tous devraient profiter de la richesse du groupe ; par conséquent, l’équipe de formateurs doit (a) découvrir les exceptionnelles différences et similarités entre les membres du groupe, discuter des différents niveaux de connaissances et de compréhension existant dans le groupe et planifier à l’avance l’utilisation de ces ressources, et (b) veiller à débuter la formation sur une base de compréhension commune au sein du groupe. Ce qui demande du temps. 3. Pour répondre aux besoins, il faut que les participants connaissent leurs propres besoins. C’est pourquoi il est utile de demander aux participants d’éclaircir leurs besoins avant le début de la formation. L’Action Evaluation 35 constitue une bonne méthode.36 Elle consiste à demander au groupe : (a) quels sont vos objectifs pour cette formation ? (b) pourquoi ces objectifs sont-ils importants pour vous et quelles valeurs représentent-ils ? (c) d’où provient la passion qui alimente votre travail et que souhaiteriez-vous voir dans le monde ? et (d) comment pensez-vous que vos objectifs peuvent être réalisés et quelle peut être votre contribution au processus ? 4. Dans l’idéal, les participants se familiariseront immédiatement avec leur domaine de travail, si bien que leurs questions et leurs objectifs deviendront plus spécifiques. Cependant, lorsque des individus ont besoin de plus d’expérience, je leur recommande d’effectuer un stage – comme nous le faisons dans nos propres programmes – de sorte que tout le monde puisse avoir au moins une expérience concrète liant la formation au travail qu’ils effectueront sur le terrain. 36 L’Action Evaluation a été conçue par Jay Rothman et The ARIA Group. Consultez leur site Web : www.ariagroup.com. 5. Les méthodes touchant à l’expérience humaine des participants doivent être favorisées. De telles méthodes permettent aux participants de développer leur compréhension de leurs propres sentiments et comportements dans les situations difficiles, ce qui se révèle très important dans la préparation des individus à un futur travail de terrain. 6. Il est sage de développer l’habitude, pour les participants, de pouvoir dire, pendant les formations, si l’équipe a répondu ou non aux besoins du groupe et ce qui devrait changer. 7. Enfin, je recommanderais que les formations soient orientées autour des principes directeurs indiqués dans le Training Guidelines of Nonviolent Peaceforce (principes directeurs de formation de Nonviolent Peaceforce - 2006) et dans le récent projet test du Forum ZFD (2006).37 Si les équipes de formateurs conçoivent le programme et chaque activité en s’assurant qu’ils permettent de répondre à certains « fondamentaux didactiques », il y a une forte probabilité pour que les besoins des participants soient satisfaits. À cet égard, le processus de formation devrait inclure des éléments permettant : (a) l’accroissement des qualités humaines des participants ; (b) l’intégration de l’expérience, des connaissances et des compétences professionnelles des participants ; (c) un apprentissage actif fondé sur la participation ; (d) la flexibilité ; (e) une vision du groupe comme lieu d’apprentissage ; (f) l’ouverture et la transparence ; (g) l’équilibre de l’apprentissage cognitif, affectif et social ; (h) l’esprit de contradiction et (i) un retour d’informations positif. » Vers un meilleur apprentissage des adultes dans les formations à la paix Notre étude et l’expérience des personnes ayant répondu au questionnaire ARCA nous permettent de tirer des leçons clés quant à l’apprentissage dans la formation à la paix. Dans cette partie, nous aborderons les conditions nécessaires à un apprentissage efficace lors de la session de formation, les méthodes employées durant l’apprentissage, l’importance d’intégrer les expériences des participants ainsi que d’aller au-delà des préjugés et des conceptions des participants et des formateurs, qui jouent un rôle dans la formation. Conditions requises pour un apprentissage efficace La plupart des participants débutent la formation avec certaines craintes et avec leurs limites personnelles. Certaines des craintes les plus fréquentes sont celles de voir ses faiblesses (perçues) exposées et d’être jugé par d’autres personnes. Gal Harmat fait remarquer qu’une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes se placent dans des modèles comportementaux professionnels classiques en formation est que cela leur procure un masque commun derrière lequel ils peuvent se cacher. Par conséquent, il est important que les formateurs contribuent à mettre en place un espace sûr où les participants peuvent prendre des risques et s’aventurer en dehors de leur « zone de confort ». Encourager les participants à dominer leurs mécanismes de défense et à davantage se dévoiler est un aspect délicat mais important de la formation à la paix. Cependant, ceci ne devrait pas être confondu avec un travail psychologique profond comme une psychothérapie. L’objectif de la formation n’est pas de modifier des structures profondes de la personnalité mais de donner aux participants l’occasion de réfléchir à leur perception et leur interaction dans le monde et de les soutenir dans leur cheminement vers de meilleures pratiques 37 Aucun de ces documents n’est disponible au public pour l’instant. Ils seront publiés prochainement sur les sites Web de Nonviolent Peaceforce et du Forum ZFD : www.nonviolentpeaceforce.org et http://www.forumzfd.de/start.html. en les aidant à prendre conscience de leurs comportements qui peuvent être bénéfiques ou nuisibles à leur environnement. Priorité à l’individu « Lorsque je dirige une formation, j’essaie de construire un groupe très solide et un espace sûr dans lequel les personnes peuvent partager leur expérience. Généralement, je suis le premier à me mettre en position de vulnérabilité, ce qui permet aux participants de progressivement s’exposer à leur tour. Le premier jour de la formation, les participants doivent s’habituer à de nouveaux environnements et de nouvelles personnes. Il est important pour les participants d’être à l’écoute de leur moi et de créer un lien avec autrui. Pour cela, j’utilise beaucoup de jeux et de questions telles que : qu’emmèneriez-vous sur une île déserte si vous ne pouviez prendre que trois choses ? Quel est votre livre préféré et pourquoi ? Quelle relation entretenez-vous avec vos frères et sœurs ? En partageant ce genre de choses en petits groupes et en réunions plénières, et en réservant du temps à des activités telles que le chant ou d’autres activités permettant de briser la glace, j’encourage les participants à ne pas se réfugier dans l’intellectualisme au début. Par exemple, les groupes composés de Palestiniens et d’Israéliens ou de Bosniaques et de Serbes veulent vraiment parler du conflit tout le temps et de la manière dont il les a touchés, et dire à quel point ils haïssent l’autre camp. Je n’autorise pas ce type de discussions avant qu’ils n’aient créé de liens entre eux et qu’ils n’aient appris à se connaître en tant qu’êtres humains, que ce soit par la danse, par un verre, un repas partagé ou par d’autres activités effectuées ensemble. En fournissant un espace sûr, il peut être toujours très difficile de parler du conflit, mais au moins, ce n’est pas explosif. » – Gal Harmat, Université de Tel Aviv Les expériences des participants pendant la formation Comme nous l’avons vu, beaucoup de formateurs considèrent le partage, par les participants, de leurs expériences comme un élément déterminant de la formation à la paix. Il existe trois types fondamentaux d’expérience, qui peuvent être utilisés lorsque l’on travaille avec des méthodes de pédagogie expérientielle et de facilitation : tout d’abord, l’expérience personnelle des participants – par exemple, l’expérience des relations, des conflits, de la communication et de la prise de décisions ; ensuite, l’expérience professionnelle des participants ; et enfin, leur « expérience de formation », ou celle acquise au cours de la formation elle-même. En général, si la formation est fondée sur des expériences personnelles, les résultats de l’apprentissage sont meilleurs et la motivation des participants plus grande. Demetrio propose quatre principaux domaines d’expérience humaine desquels les adultes tirent le plus d’enseignements (Demetrio, 1995) : amor – le domaine de l’affection, des relations humaines, de l’amitié et de l’amour ; mors – le domaine de la souffrance, du conflit (négatif), de la perte et de la mort ; ludus – le domaine des arts, des sports et du jeu ; opus – le domaine de l’expérience et des compétences professionnelles. Dans de nombreux programmes de formation à la construction de la paix, à la transformation des conflits et à la non-violence, l’importance de tous ces domaines est connue, mais ils ne sont pas toujours inclus dans le programme. L’un des objectifs de base de la formation à la paix est d’aider les individus à transformer leurs expériences négatives de conflit (mors) en des expériences plus saines (amor). Les formations contribuent à cela en donnant une place considérable à la dimension de ludus, en proposant des activités telles que des jeux de rôle, des simulations, des exercices de créativité et en utilisant l’art. Il est bon de chercher des moyens pour les participants de réfléchir à leur propre expérience dans ces quatre domaines humains au cours des programmes de formation à la paix. L’une des façons de faire cela consiste à aider les intervenants à utiliser leurs expériences personnelles et à les relier à celles des personnes en conflit, comme le détaille Ouyporn Khuankaew (cf. encadré) : Relier son expérience personnelle à celle des personnes internes au conflit « Souvent, en tant que personne extérieure, il est très facile de juger ceux qui sont internes au conflit. Mais, si nous parvenons à créer un lien avec leurs propres colères et leurs propres craintes, alors nous nous rendons compte que nous avons vécu des expériences similaires. Ce qu’il est important de se rappeler, c’est que tout conflit est plus grand que nos conflits personnels. Mais, si nous formons les intervenants à partir de leurs propres expériences, nous les aidons à comprendre la complexité et les contextes du conflit et à travailler avec sagesse. Alors, ils ont la possibilité d’avoir une influence sur le conflit grâce à la compassion. Cela aide les intervenants à prendre en compte les différentes parties au conflit. Plus une personne voit sa propre expérience de la vie et ses propres conflits avec sagesse et compassion, plus il y a de chances qu’elle comprenne ce qu’il se passe sur le terrain et qu’elle soit capable d’influencer le conflit d’une perspective véritablement humaine. » Approches interactives de la formation à la paix La prise en compte des expériences des participants apporte une nouvelle dimension à la formation qui serait un échec si le programme n’était constitué que de cours magistraux et du transfert à sens unique de connaissances du formateur vers les participants. L’implication de l’expérience personnelle présuppose que le noyau du contenu de la formation ne vienne pas de l’extérieur, mais plutôt qu’il soit révélé par le dialogue. Ce contenu peut alors être adapté aux connaissances, aux cultures, aux usages et aux aptitudes spécifiques des participants. Il devient quelque chose qu’ils peuvent considérer comme leur création. Si l’on utilise la terminologie proposée par J. P. Lederach, il semble qu’une tendance se dessine en faveur des approches interactives plutôt que prescriptives (cf. Lederach, 1995). Les formations de ce type sont considérées comme plus efficaces pour encourager les capacités locales à la transformation des conflits ; cependant, les experts Hagen Bernt et Ruth Mischnick restent sceptiques quant à l’intention de nombreux programmes de formation actuels de les appliquer réellement (cf. encadré). Honorer les capacités locales « La principale leçon que nous avons apprise lors des formations, c’est qu’il faut reconnaître les capacités locales. La plupart des formateurs arrivent avec un projet qu’ils ont l’intention de mener à bien mais oublient les connaissances ou les capacités locales de ceux avec lesquels ils travaillent. Quand les événements ne se déroulent pas comme ils l’avaient prévu, ils ne comprennent pas. S’il n’y a pas d’initiative au niveau local, les formateurs ne peuvent pas promouvoir leurs projets uniquement parce qu’ils pensent qu’ils ont quelque chose à offrir. Beaucoup d’institutions disent travailler en collaboration avec les capacités locales des personnes impliquées dans le conflit, mais en réalité, elles ne le font pas. Généralement, les organisateurs de formations usent de formules attractives dans l’intitulé de leurs programmes sans réellement faire ce qu’ils prétendent. On ne sait pas bien qui définit les paradigmes, qui dirige les programmes et qui définit les termes selon lesquels les programmes pour la paix et les formations à la paix sont organisés. Généralement, ce sont ceux qui ont l’argent et le pouvoir. Dans ces cas-là, le travail de paix se rapproche beaucoup de la poursuite de la guerre par d’autres moyens. » Le processus d’apprentissage interactif constitue un défi pour les formateurs car cela leur demande de grandes aptitudes de facilitation.38 La pédagogie interactive se base sur la supposition que les formateurs ne sont pas nécessairement de meilleurs professionnels ou n’ont pas nécessairement des connaissances plus approfondies dans un certain domaine que les participants eux-mêmes. Dans le cas de la pédagogie interactive, l’aptitude la plus importante pour les formateurs est de savoir poser les bonnes questions au bon moment et de guider adroitement le dialogue de manière à aider les participants à réfléchir à leurs propres expériences et à développer de meilleures pratiques pour demain. Il convient de noter que parfois, les méthodes de pédagogie interactive peuvent se heurter à la résistance de participants lorsque ces derniers s’engagent dans une formation en attendant de leurs formateurs la « meilleure recette » pour gérer les conflits. Les méthodes de formation interactives face aux défis culturels De nombreux participants s’attendent à ce qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire, mais dans certains pays et certaines cultures, ceci a une signification particulière. John Paul Lederach trouve que c’est un défi particulièrement intéressant dans l’espace postsoviétique. Dans nombre de ces pays, le modèle éducatif était traditionnellement très hiérarchisé et les enseignants fixaient ce qu’il était important de savoir, tandis que les étudiants devaient apprendre par cœur les informations qu’ils avaient reçues. Les personnes issues de tels milieux éducatifs basés sur la domination ne font parfois pas confiance aux formateurs – et ont même tendance à leur manquer de respect – si ces derniers ne leur disent pas directement ce qu’ils savent. Dans ces cas-là, il se peut très bien que les participants s’opposent à la création d’un espace plus participatif. Alors, pendant la formation, une sorte de « danse » a lieu entre les formateurs et les participants. Le formateur doit à la fois respecter et mettre en question ces attitudes et être assez humble pour accepter que des modèles éducatifs aussi enracinés ne changeront pas du jour au lendemain. Parfois cependant, des personnes ayant grandi dans ce genre d’atmosphère apprécient l’expérience des différentes approches et cette opportunité de partager leurs propres connaissances dans un espace de dialogue. Le défi de méthodes de formation adaptées Le débat opposant les formations interactives aux formations normatives fait partie d’une question plus générale concernant les méthodologies de formation à la paix. Pour reprendre la troisième proposition du deuxième chapitre, les différentes dimensions de la connaissance (la « tête »), des qualités humaines (le « cœur ») et des aptitudes professionnelles (les « mains ») exigent des méthodologies dynamiques. Il existe des stéréotypes concernant les capacités de formation, pour 38 La facilitation est une approche éducative développée en premier par le psychologue américain Carl Rogers (Rogers et Freiberg, 1994). lesquels différentes méthodes sont utiles. De nombreuses personnes considèrent que la formation d’intervenants professionnels de paix nécessite des formateurs dotés de bonnes connaissances à transmettre aux participants, tandis que les méthodes interactives sont plus appropriées pour constituer des équipes et aider les individus à grandir et à devenir des intervenants de paix matures. Il faut combattre ces attitudes consistant à considérer comme deux extrêmes opposés les méthodes normatives - qui seraient associées à des formations d’experts « difficiles » - et la méthodologie interactive - qu’on associerait à des formations émotionnelles « douces ». Différentes méthodes peuvent être utilisées dans presque tous les scénarios de formation pour former à tous les niveaux des individus à l’intervention non-violente de paix. L’essentiel de la formation à la paix pour un intervenant de paix n’est pas tant de recevoir d’un formateur chevronné un panorama le plus complet sur un certain sujet que d’acquérir les compétences nécessaires pour sa propre pratique. Ainsi, les méthodes spécifiques impliquant les « mains » des participants sont cruciales. À cet égard, Tim Wallis fait deux recommandations : « (1) rendre la formation aussi pratique et interactive que possible et éviter de trop aborder théories et généralités ; et (2) utiliser le jeu de rôle et la simulation pour recréer de la façon la plus réaliste possible le type d’environnement auquel les intervenants de paix seront confrontés, de sorte qu’ils puissent s’entraîner à gérer ces situations dans ces conditions. » Les méthodes de formation à la paix doivent également aborder la réaction des participants à un stress extrême ou à un traumatisme grave dans le but de dévoiler leurs attitudes et comportements face à la crise. Ceci nécessite davantage que de simplement retenir des mesures à appliquer avec les victimes de traumatismes apprises dans un manuel. Ouyporn Khuankaew décrit son approche plus holistique dans ce domaine (cf. encadré) : Gérer les traumatismes « Lorsque nous travaillons à la construction bouddhique de la paix avec les femmes de Birmanie, la formation dure trois mois. La plupart d’entre elles ont survécu à des événements traumatisants. On sent le détachement, la colère et la souffrance qui les habitent. Au cours des sept premiers jours, nous les aidons à devenir présentes en leur faisant faire du yoga deux fois par jour, en les faisant travailler ensemble dans le jardin et en les faisant chanter. Les participantes doivent être mises en condition avant d’étudier quoi que ce soit qui ait un rapport avec la société, l’oppression ou toute théorie. Le yoga, la première semaine, me permet de voir, à leurs mouvements, comment leur corps exprime la souffrance. Mais, au bout de cinq semaines, elles s’apaisent et la pratique déplace leur énergie. Trop de méthodes de résolution de conflits commencent directement par la réflexion et je pense qu’il devrait exister une approche différente. » Gérer les préjugés et présupposés dans la formation à la paix Notre dernière partie sur la mise en valeur d’un meilleur apprentissage de l’adulte dans les formations à la paix reprend là où nous nous étions arrêtés dans le quatrième chapitre concernant l’importance des présupposés que les personnes font entrer avec elles dans la salle de formation. Si les individus ne sont pas conscients de leurs présupposés, ceux-ci peuvent très rapidement se transformer en préjugés et faire du mal, tout particulièrement si l’on crée un véritable espace d’apprentissage dans lequel les participants exposent des expériences très personnelles de leur vie. Par conséquent, pour faire un bon formateur ou un bon participant à toute formation à la paix, il est essentiel d’être conscient de ses propres présupposés et de se rendre compte à quel point ils influencent notre comportement. Certains préjugés peuvent être évités plus facilement. Au cours des formations, par exemple, les formateurs doivent être capables de voir comment les dynamiques de culture, de sexe, de classe et de groupe créent parfois un espace que peuvent partager certains membres, mais dans lequel d’autres peuvent se sentir obligés de garder le silence. Lorsqu’une femme ayant reçu une éducation élémentaire parle peu dans une formation, cela ne veut pas dire qu’elle est ignorante (comme certains le supposeraient, notamment s’ils sont issus de cultures qui accordent beaucoup d’importance à l’éducation). Beaucoup d’autres facteurs peuvent entrer en jeu. Cela peut être dû au fait que, dans sa culture, ce sont habituellement les hommes qui contrôlent l’espace publique ou que la formation est dispensée dans une langue autre que sa langue maternelle. Chaque être humain présente de nombreuses complexités. Lorsque les formateurs s’attendent à ce que les participants agissent selon leur paradigme, sans analyser consciemment la situation, beaucoup de mal peut être fait. Il n’est cependant pas facile de se défaire de certains présupposés. En fait, tous les concepts, toutes les théories, idéologies et pratiques proviennent de présupposés et de préjugés. Même les présupposés positifs, tels que reconnaître l’importance d’être ouvert à la collaboration avec tous les acteurs du conflit, sont, en eux-mêmes, des positions contre des structures plus totalitaires et plus autoritaires. En fin de compte, la question n’est pas de distinguer le vrai du faux et le bien du mal, mais d’être conscient que toutes les pensées et actions sont fondées sur des préjugés envers certains objectifs qui peuvent être (et seront) perçus par certains acteurs des zones de conflit comme opposés à leur programme. Par conséquent, l’objectif, dans les formations à la paix, n’est pas d’essayer de présenter des théories et des pratiques exemptes de présupposés. C’est impossible. Ce qui est important, c’est que les formateurs et les participants éclaircissent les présupposés à la base de tout leur travail. Malheureusement, on recense bon nombre d’expériences négatives dans les formations à la paix lorsque les préjugés et les présupposés sont obscurs. Souvent, les théories et pratiques s’étant montrées efficaces dans un contexte ne peuvent pas être adaptées à d’autres contextes simplement parce qu’elles sont supposées être universellement valables. Presque toutes les composantes des formations à la paix doivent être modifiées d’une façon ou d’une autre pour s’adapter au contexte de la formation ou du conflit et pour répondre aux besoins de différents groupes. Cette capacité à adapter les outils aux conditions locales constitue un véritable défi paradigmatique. Comment combler le fossé entre la formation et le terrain ? Comment combler le fossé entre la salle de formation et le terrain du conflit ? Cette question représente un défi important des formations à la paix. Ce besoin de relier ces deux réalités peut sembler être une condition sine qua non de la préparation d’individus au travail de paix ; cependant, la formation est souvent assez éloignée des réalités du conflit, voire du véritable travail demandé aux participants. De nombreuses variables différentes entravent la synergie potentielle : les contraintes de temps, le manque de ressources financières pour des recherches et une préparation approfondies, l’insuffisance des mécanismes de contrôle des dynamiques en évolution constante sur le terrain, etc. Dans les paragraphes ci-dessous, nous présentons trois moyens potentiels de relever ce défi. D’où proviennent les connaissances sur les exigences du terrain ? Premièrement, il est très important de travailler avec des sources d’information fiables lorsque l’on cherche à relier la formation au théâtre du conflit. Il y a différentes manières d’apporter aux participants des connaissances et des compétences pertinentes et fiables : Les ressources clef pour les formations à la paix Des personnes venant des zones de conflit spécifiques dans lesquelles les participants vont intervenir : ce sont des ressources humaines. Ces personnes peuvent être d’anciens membres d’une équipe de terrain, représenter un acteur clef sur le terrain ou avoir une expérience pertinente. Des ressources spécifiques à la région dans laquelle les participants vont intervenir : les différents sites Web des organisations, les livres et articles de journaux écrits par des acteurs locaux, les éditoriaux critiques dans les journaux locaux et l’art local – poésie, théâtre, peinture, etc. Ces recherches, notamment lorsqu’elles sont effectuées conjointement avec les partenaires locaux de la zone de conflit, constituent un élément incontournable de toutes les interventions à court et à long terme. Des formateurs expérimentés : dans l’idéal, les formateurs devraient avoir une expérience directe du type de travail sur lequel ils dispensent une formation, ou des expériences personnelle et professionnelle comparables. Si les connaissances des formateurs et des organisateurs sur le terrain du conflit sont confuses, il y a de fortes chances pour que les perceptions des intervenants de paix soient illusoires et que leur frustration augmente une fois qu’ils seront sur le terrain. Par conséquent, les formations à la paix doivent apporter des connaissances détaillées sur le terrain et inclure beaucoup d’acteurs différents. Arno Truger explique : « Le défi consiste à inclure la coopération avec autant d’acteurs réels que possible, même ceux considérés comme les « méchants ». Souvent, j’ai vu des formateurs non-violents habitués à avoir uniquement affaire à des personnes de même sensibilité. Mais, la réalité du terrain, c’est que vous devez travailler avec ceux qui utilisent des méthodes violentes. » Où et quand une formation est-elle dispensée et quel est l’objectif global de la formation ? Le moment et le lieu de la formation influencent profondément les processus et sont porteurs de messages implicites forts. Si les formations sont éloignées géographiquement, socialement et culturellement du lieu d’intervention, la probabilité de se détacher du terrain augmente. Il en va de même pour le moment. Le fossé entre la formation et le terrain se creuse si les formations sont perçues comme des événements exceptionnels plutôt que comme des processus suivis sur de longues périodes qui accompagnent les intervenants de paix dans leur développement. Par conséquent, un mélange dynamique d’éléments est nécessaire pour atteindre l’objectif global de la formation à la paix. Une partie de la formation doit être coupée de la vie de tous les jours pour que les participants se concentrent sur le processus d’apprentissage. Mais les participants ont également besoin d’être immergés dans la vie quotidienne du terrain à certains moments du processus de formation pour expérimenter les modèles culturels et sociaux pertinents et la réalité des personnes sur le terrain. Parfois, de petits détails revêtent une importance cruciale, notamment ceux auxquels les intervenants peuvent ne pas penser à l’avance, comme par exemple le fait de vivre dans une communauté et de ne pas avoir d’espace personnel, d’entendre tout le temps de la musique qui ne leur plaît pas, de ne pas avoir d’eau chaude pour prendre sa douche ou de ne pas avoir d’eau courante du tout et de manger de la nourriture contenant des épices auxquelles ils ne sont pas habitués. Se préparer à l’imprévisible Même si les formations à la paix sont bien financées, systématiquement conçues à l’aide d’études détaillées réalisées à partir du terrain et menées par des formateurs expérimentés, certains éléments de la formation et du travail de terrain peuvent se révéler imprévisibles. Si l’intervention dans un conflit était aussi simple que de travailler à la chaîne et fixer toute la journée la même vis sur des modèles de voiture identiques, une formation qui suivrait la recette magique serait idéale. Cependant, la nature en évolution constante des conflits posera toujours des problèmes pour relier la formation au terrain. Pour poursuivre les propos du premier chapitre, une façon de surmonter les difficultés liées à l’imprévisibilité est d’aider les participants à cultiver des « méta-compétences » pour le travail de paix. Des aptitudes telles que la conscience de soi, la créativité et la flexibilité (tout particulièrement dans la planification stratégique des interventions) constituent une base solide à des compétences spécifiques et aident les intervenants de paix à être réceptifs à des conditions de terrain toujours différentes. L’aptitude à reconnaître les capacités locales, de même que la clairvoyance dans la détermination des compétences et décisions particulières nécessaires lors de situations inattendues, sont incontournables, quelle que soit l’intervention. En fin de compte, la méta-compétence consistant à être capable d’apprendre à partir de sa propre expérience contribue à garantir un travail de paix plus sensible au conflit et la possibilité d’un apprentissage tout au long de la vie et d’une amélioration de son travail et de sa contribution sur le terrain. Le phénomène d’imprévisibilité constitue une autre raison pour laquelle des méthodes du type « boîte à outils » - bien qu’importantes dans certains cas – ne sont pas suffisantes pour la formation à la paix. C’est pourquoi cette dernière doit aider les intervenants de paix à développer à la fois des compétences concrètes pour des situations spécifiques et des aptitudes plus basiques qui leur permettront de trouver une issue dans des situations hautement imprévisibles, que ce soit dans la salle de formation ou sur le terrain. Conclusions : vers une formation en phase avec la pratique Répondre aux différents besoins des acteurs impliqués dans la formation à la paix, développer des pratiques éducatives judicieuses et combler le fossé entre la formation et le terrain constituent trois défis clef de l’élaboration et de la mise en œuvre de formations à la paix. En reliant la formation aux pratiques réelles de transformation de conflits et d’intervention non-violente auxquelles les participants recourront, on peut incontestablement garantir la qualité de la formation. Comme nous l’avons vu, les participants ont à la fois besoin, pour cette préparation, d’un espace sûr qui leur donne l’occasion de s’explorer en profondeur, et de concepts, d’outils et d’approches appropriés qu’ils pourront utiliser. L’élaboration d’un système de formation complexe, conçu pour correspondre aux participants à de nombreux niveaux, plutôt qu’une simple préparation intellectuelle, constitue un élément clef pour la mise en œuvre de tout cela. À bien des égards, ceci reflète une mutation similaire à celle des systèmes d’éducation traditionnels vers les modèles d’apprentissage tout au long de la vie révélateurs d’un cadre éducatif informel. La capacité à « apprendre à apprendre » - lorsque l’apprentissage se fait en parallèle à la pratique – est une compétence clef à la base de cette approche éducative plus holistique. En conclusion des quatrième et cinquième chapitres, nous proposons de planifier et de diriger des activités de formation dans le cadre conceptuel d’une formation en phase avec la pratique. La formation est toujours un type d’intervention. Mais ce type d’intervention est indirect. C’est pourquoi il est important de replacer les activités de formation dans le contexte de l’intervention civile dans les conflits et d’évaluer leur efficacité dans le contexte des réalités en évolution constante du conflit. Au niveau le plus élémentaire, le défi de concevoir une formation en phase avec la pratique efficace réside dans l’établissement de voies de communication appropriées afin de relier les expériences de la salle de cours aux contextes sociaux, politiques et culturels du terrain. Par conséquent, il devient essentiel d’évaluer les résultats de la formation sur les intervenants de paix et sur leur capacité à contribuer de façon constructive à la transformation des conflits. Cette formation en phase avec la pratique s’accompagne d’un certain nombre d’indicateurs pertinents pour de nouvelles améliorations de la formation à la paix et du travail de paix : clarifier les objectifs, les présupposés explicites et implicites, et les programmes politiques des acteurs impliqués dans les formations à la paix ; donner largement le temps aux participants de partager leur propre expérience, leurs ressources et leurs connaissances qui viendront alimenter le contenu de la formation ; concevoir des formations qui soient autant rattachées que possible au lieu du conflit, par exemple, recruter des formateurs ayant l’expérience et l’expertise appropriées et utiliser des informations pertinentes collectées sur le terrain ; prévoir, au cours de la formation, des expériences de terrain, comme par exemple des sorties et des stages sur le terrain, qui donnent des occasions d’apprentissage sur site, lorsque c’est possible ; former ensemble des intervenants extérieurs et des locaux et prévoir un espace où ils pourront échanger leurs expériences ; consacrer du temps au dialogue, à la réflexion et à la supervision pendant et après les expériences sur de terrain ; évaluer les résultats à court et moyen terme de la formation sur les connaissances des intervenants de paix, sur leurs qualités humaines, leurs compétences professionnelles, leur aptitude à faire leur travail plus efficacement et sur leur capacité à contribuer positivement à la transformation du conflit ; adapter les objectifs et les instruments de la formation aux réalités changeantes du terrain. Les formations dispensées sur une base régulière – par exemple lorsqu’elles s’inscrivent dans un processus d’intervention plus large – doivent être révisées et mises à jour régulièrement. Dans l’idéal, la formation devrait représenter seulement une fraction du travail de soutien et de supervision des intervenants. Ceux-ci ont besoin, lorsqu’ils sont impliqués dans une mission, d’un système de soutien qui les aide à continuellement construire leurs capacités en tant qu’intervenants de paix. Il serait bénéfique, pour la qualité du travail de paix que les organisations qui déploient des intervenants sur le terrain les accompagnent et les aident à réfléchir à leur expérience et ainsi gagner en maturité. Cela donnerait également aux intervenants de paix le temps de mieux documenter leur travail, ce qui contribuerait alors à ce que l’information pour la formation à la paix soit autant à jour et pertinente que possible. Chapitre sixième : Perspectives pour l’avenir – l’art de former à la paix Par Robert Rivers « Que la beauté que tu vénères soit visible dans tes actes ; il y a tant de façons de s’agenouiller pour embrasser le sol. » - Jalaluddin Rumi Introduction Le plus souvent, un conflit violent fait le lit de conditions de vies inhumaines et met en place des systèmes d’une brutalité extrême. Cependant, des hommes persévèrent et se destinent à faire évoluer leur société de façon non-violente, face aux menaces et à la violence. Leur force est l’une des beautés les plus accomplies de l’âme humaine : ce sont eux qui nous apprennent le mieux ce qu’est un intervenant de paix. Lors d’une mission de terrain au Salvador, j’ai rencontré Lucio Carrillo. Avant ses cinq ans, les escadrons de la mort salvadoriens avaient déjà assassiné ses huit frères et sa mère. Son premier souvenir, c’est la fuite avec son père pour se cacher dans les taillis qui bordent le volcan San Vicente. Après deux semaines de fuite, le père de Lucio a marché sur une mine. Celui-ci se rappelle douloureusement ce qu’il a ressenti en perdant la seule personne au monde qui lui restait. Lucio a été ensuite fait prisonnier par les escadrons de la mort et présenté à des juristes et des membres du gouvernement pour être vendu illégalement à une famille nord-américaine qui ignorait dans quelles circonstances il était devenu orphelin. À un moment donné, le processus d’adoption a été interrompu et Lucio est allé d’orphelinat en orphelinat dans tout le pays. Aujourd’hui, il est couturier dans un quartier pauvre à San Salvador et fait partie d’une organisation qui cherche à réunir des enfants enlevés pendant la guerre civile avec leurs familles. Il a une femme, Angelica, et une jolie fille, Michelle. Malgré les malheurs qu’il a connus, Lucio continue à sourire. Son témoignage est porteur d’espoir. Il rêve d’une société de paix et de justice dans laquelle sa fille pourra s’épanouir. Faire la connaissance de Lucio a été un élément déterminant pour mon propre travail de paix. La formation à l’intervention non-violente de paix s’inscrit dans une dynamique où certes, les compétences professionnelles des intervenants de paix doivent correspondre aux besoins du terrain, mais ce n’est pas tout. En définitive, la formation à l’intervention non-violente de paix consiste à préparer les participants à étreindre l’humanité dans toutes ses déclinaisons, de la brutalité la plus extrême à la beauté qui se dégage de ceux qui résistent à la violence et se battent pour que leur société change pacifiquement. Ce dernier chapitre est destiné à illustrer l’avenir de la formation à la paix. En insistant sur un socle commun aux principes d’interdépendance, de professionnalisme et de vocation, il s’agit de proposer des perspectives d’avenir pour notre secteur qui soient à la fois critiques et holistiques. La synthèse de ces éléments permet de développer un certain art de la formation à la paix qui donne à entrevoir les éventuels développements à venir de la formation à la paix. Interdépendance « Ainsi, chaque être n’est rien d’autre qu’un soupçon, qu’une nuance d’un grand tout harmonieux. » - Johann Wolfgang von Goethe En travaillant au sein de conflits et en rencontrant des personnes comme Lucio, les intervenants pénètrent un monde de joie et de douleur à l’état brut. Ils sont plongés dans un univers où existe la plus large palette d’émotions (et d’actes), de l’amour à la haine. Les intervenants de paix peuvent y trouver plusieurs points d’interdépendance et des potentiels de grands développements et changements, internes et externes. Afin de mettre en œuvre des changements sociaux constructifs, les intervenants de paix doivent comprendre la réalité profonde de l’interdépendance qui existe non seulement entre les acteurs engagés dans le conflit, mais également dans toutes les sociétés du monde. L’interaction de chaque individu avec le monde est fondée sur la vision qu’il en a. Afin de concevoir des pistes qui correspondent mieux à la transformation des conflits, les intervenants de paix, qui ont l’habitude de penser en termes de concepts mécanistes, doivent changer de point de vue pour que leur action soit guidée par des visions du monde plus fidèles à l’essence de la vie. Les approches globales de la transformation des conflits montrent que l’approche mécaniste, qui a dominé les civilisations occidentales pendant des siècles, n’est pas la plus utile ni la plus viable quand il s’agit de conflits. Le mécanisme est non seulement une théorie dépassée, mais plusieurs disciplines scientifiques ont prouvé qu’elle repose sur une très mauvaise compréhension de l’essence de la vie et s’avère donc néfaste au développement humain sain.39 Les conflits et les cycles de vie ne sont jamais figés, mécaniques ou linéaires ; ils ne sont pas indépendants mais reliés à de nombreux éléments : les conflits et la vie évoluent selon un schéma d’intégration. C’est pourquoi la formation des intervenants de paix doit donner une vision du monde plus globaliste pour les rendre capables de comprendre les liens intrinsèques entre les différents éléments qui composent les conflits et ainsi les préparer plus efficacement à la réalité du terrain. 39 Ceci est exposé en détail par Capra (1996) et Wilber (2000). L’intégralisme est une théorie des systèmes vivants qui propose une vision beaucoup plus complète et globale que l’approche mécaniste et qui pourrait se révéler une source d’inspiration pour la construction de la paix (Wilber, 2000, XI). Cette théorie philosophique invite les intervenants de paix à se percevoir comme les membres d’un réseau dans lequel l’univers est composé de plusieurs touts qui se chevauchent et qui sont faites de différentes parties tout en faisant partie d’un tout plus vaste (Wilber, 2000, p. 40-79). Les atomes, les cellules, les molécules, les organes sont des touts qui forment le tout qu’est l’humain qui, à son tour, appartient au tout qu’est la famille, la communauté, la nation, la civilisation, etc. C’est pourquoi l’intégralisme décrit la vie comme un immense réseau d’interdépendances qui se compose à l’infini de touts et de parties en amont et en aval. Ce système vivant donne aux intervenants de paix les fondements nécessaires pour se percevoir comme faisant partie des réalités en évolution et en création constante. Par intégralisme, il faut entendre un processus lors duquel les intervenants de paix doivent apprendre à devenir plus réceptifs pour mieux déterminer la place qu’ils occupent dans le monde et leur rôle dans les conflits. Cette prise de conscience représente un passage de l’égocentrisme au cosmocentrisme grâce auquel les intervenants de paix augmentent leur connaissance de leur monde intérieur, de leurs liens avec le monde et des liens existants dans le monde. S’ils veulent mettre en place des interventions stratégiques, les intervenants de paix doivent être conscients de la manière dont les différents niveaux d’interdépendance affectent le conflit en évolution permanente qu’ils tentent de transformer. Les formations à la paix peuvent être très efficaces lorsqu’elles aident les participants à comprendre les rapports d’interdépendance dont ils ont fait l’expérience avec eux-mêmes, les autres participants et le monde. Ces types de sessions les préparent à mieux comprendre la réalité dans laquelle ils sont plongés et cet approfondissement les aide à souligner les ressemblances entre les acteurs du conflit, ressemblances qui montrent à leur tour que différents niveaux d’interdépendance sont concernés. Le premier chapitre a montré que l’une des compétences les plus importantes pour le travail de paix était la capacité à développer des réseaux dans des zones de conflit pour créer des liens entre les différents acteurs. En comprenant leur propre monde intérieur et leurs liens avec le monde extérieur, les intervenants de paix peuvent saisir de manière plus nette comment leurs actes jouent sur ces réseaux plus vastes, en particulier dans les situations de coopération dans les zones de conflits. Plus ils seront conscients des différents niveaux d’interdépendance, plus ils seront à même de saisir qui et où sont les piliers potentiels du réseau et plus les liens qu’ils tisseront par leur travail seront solides. Voici quelques questions qui peuvent aider les intervenants à clarifier les situations difficiles en matière d’interdépendance : Quels sont mes liens personnels et professionnels avec ce conflit ? Suis-je la personne appropriée pour faire ce travail ? Avec qui peut-on établit des liens dans ce conflit ? Quelles sont les capacités de paix potentielles au sein des différents groupes qui pourraient favoriser la transformation ? Comment les intervenants de paix peuvent-ils collaborer avec des tiers et les aider à comprendre les relations entre les besoins différents, quoiqu’interdépendants, des acteurs ? Qui peut faciliter les processus qui mettent en présence les groupes antagonistes pour que leur dialogue soit le ferment de relations durables ? La tentation, lorsque l’on forme des adultes à l’intervention non-violente de paix, est d’en venir directement aux compétences professionnelles et aux aptitudes nécessaires à l’instauration d’une transformation sociale constructive. Au contraire, comme ce guide le démontre, il est impératif que les intervenants de paix soient conscients de la manière dont ils se perçoivent eux-mêmes et dont ils perçoivent le monde parce cela constitue le fondement de tout ce qui suit. La partie suivante illustre les possibilités de développer une prise de conscience étendue pour que les transformations personnelles favorisent les transformations de la société. Réflexion La réflexion est un élément essentiel à une praxis saine du travail de paix.40 En fait, le concept de praxis suppose que réflexion et action soient entremêlées afin de transformer le monde (Freire 1970, p. 36). C’est pourquoi il est crucial de savoir comment former les adultes à être capables de réfléchir à la fois pour mieux se connaître et pour être plus efficaces dans leur travail de paix. Ce guide montre que certaines compétences sont indispensables pour au moins éviter d’avoir une incidence néfaste au cours d’une intervention non-violente dans une situation conflictuelle. Cependant, l’une des facultés les plus importantes est de savoir évacuer ses perceptions et son bagage cognitifs pour que les intuitions les plus profondes puissent remonter à la surface. Ceci ne signifie pas que les connaissances présentées plus haut soient inutiles. Toutefois, le travail de paix le plus efficace est parfois le résultat de l’intuition et de la capacité d’un intervenant à « sentir » la solution à un conflit (Lederach 2005, p.69). Lors des formations, il faut prévoir du temps pour apprendre les spécificités du travail de paix ainsi que la capacité à évacuer ce même savoir pour favoriser l’intuition. Comprendre la nécessité de ces deux pendants et se former à les utiliser revient à développer un savoir holistique. Compétences nécessaires au travail de paix « Les principales compétences que les intervenants doivent acquérir grâce à nos formations pour les mettre en œuvre une fois sur le terrain sont : (1) l’aptitude à réfléchir sur soi et sur son travail, c’est-à-dire examiner le contentieux, le processus utilisé par l’intervenant et la compréhension qu’il a de son propre rôle, de sa place et de son attitude ; (2) la capacité à vider son esprit pour être présent et à l’écoute de ceux qui souffrent ; (3) l’affranchissement des théories (Gandhi et Galtung sont des modèles mais ils ne sont pas tout - les théories créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent) ; et (4) la créativité. » - Hagen Bernt et Ruth Mischnick La capacité à évacuer son savoir, notamment les différentes visions du monde et les biais que nous apprenons à considérer comme « normaux », est sans doute l’une des choses les plus difficiles à acquérir. Cependant, comme nos spécialistes le soulignent, la réflexion qui mène à un certain « vide » est indispensable au travail de paix. David Bohm décrit l’une des façons d’atteindre 40 John Paul Lederach explique ceci dans son dernier ouvrage, Reflective Peacebuilding: A Planning, Monitoring, and Learning Toolkit (2007) [Construction de la paix et réflexion : une boîte à outils pour la planification, la gestion et l’apprentissage]. ce vide comme la « proprioception », soit une perception de soi authentique. Ce concept désigne la capacité à examiner notre propre processus de réflexion et la manière dont, sans que nous nous en rendions compte, il se traduit en émotions qui déterminent ensuite nos actes. L’importance de la réflexion et de la prise de conscience de la formation de nos pensées n’est jamais assez soulignée car, comme le déclare David Bohm : « Nous pouvons dire que presque tous les problèmes des hommes sont dus au fait que nos pensées ne sont pas proprioceptives. De cette manière, elles créent des problèmes en permanence et en essaient ensuite de les résoudre. En effet, en tentant d’y remédier, elles ne font que les empirer parce que nous ne nous rendons pas compte que ce sont elles qui causent ces problèmes – et plus on y réfléchit, plus cela crée de problèmes, parce que nous ne sommes pas proprioceptifs de ce que nous faisons » (Bohm 1995, p. 29). La formation à la paix doit aider les intervenants à développer une plus grande conscience de soi. Une manière d’y parvenir est de proposer des exercices aux intervenants de paix pour les aider à évacuer toute pensée, ou simplement les garder à l’esprit sans juger ni agir selon elles. David Bohm justifie cela de deux manières : (1) en évacuant toute pensée de son esprit, il devient possible de briser le cercle destructeur de la cécité pour prendre conscience de l’influence des pensées sur les émotions et les actes ; et (2) en évacuant toute pensée, en particulier pour dialoguer avec l’autre, il est possible de s’ouvrir et d’avoir la même conscience que ceux qui sont autour, et donc montrer une interdépendance plus profonde (Bohm 1995, p. 38). D’autres modèles tel l’apprentissage par l’action sont des possibilités à prendre en compte. Apprentissage par l’action L’une des approches qui s’inspire de l’expérience de réflexion est l’apprentissage par l’action, fondé sur les concepts développés par Reg Revans dans les années 1960. Les programmes d’apprentissage par l’action se déroulent par groupes d’environ sept personnes. Ces groupes se rencontrent au moins une fois par mois pour développer des thèmes communs que les participants veulent connaître ou pour mettre en commun des cas pratiques qu’ils mènent. À chaque rencontre, chacun a la possibilité de partager ses informations sur l’évolution de sa pratique ou du sujet. Étape après étape, le groupe aide chaque membre à approfondir sa réflexion et son apprentissage en posant différentes questions. Ces questions sont le seul moyen d’interagir. Un membre à qui est posé une question peut y répondre, mais n’y est pas obligé. Il ne s’agit pas de donner des conseils ni de mener une discussion où les problèmes sont intellectualisés, mais de poser des questions pour aider chaque membre à analyser sa pratique en profondeur. Un tour de questions prend fin quand le membre à qui elles sont posées résume toutes les réflexions. Il ne s’agit que d’une méthode pour faciliter le processus de réflexion tout en renforçant les liens dans une communauté.41 John Paul Lederach explique qu’une boussole fonctionne en trouvant le Nord et que le Nord de la construction de la paix est « le mieux illustré par l’idée de trouver son chemin pour aboutir à des communautés d’hommes locales et globales existantes et en devenir qui se caractérisent par le respect, la dignité, la justice, la coopération et la résolution non-violente des conflits » (Lederach 2005, p. 24). En outre, si cette quête est le Nord de la construction de la paix, alors le Nord de la formation à la paix est le développement de l’aptitude des intervenants de paix à être proprioceptifs. Si les adultes peuvent être formés à être proprioceptifs, alors le savoir, les qualités 41 Ce thème est plus amplement développé par Weinstein (2001). humaines et les compétences professionnelles nécessaires à la transformation constructive des conflits pourront se développer. Professionnalisme Ainsi que démontré plus haut, avoir de bonnes intentions ne suffit pas à mettre en œuvre un travail de paix efficace. Bien que le travail de paix soit en quelque sorte unique en son genre, d’autres activités stratégiques qui cherchent à mettre fin à la violence et à promouvoir la paix ont besoin d’un certain niveau (souvent élevé) de professionnalisme. Nos spécialistes de terrain s’accordent à dire que le but du professionnalisme est de s’assurer, autant que possible, que les intervenants de paix sont préparés avec les techniques adéquates qui leur permettront de répondre aux besoins spécifiques sur le terrain. Pour être efficace, la formation à la paix doit prendre l’initiative d’établir des critères plus transparents pour le travail de terrain. Les formations dispensées par la plupart des cursus évaluent les candidats par rapport à un ensemble de principes communément admis qui permettent de savoir si quelqu’un est fait pour le travail en question. En revanche, il y a très peu de critères standardisés en matière de formation à la paix. Parce que l’évaluation doit tenir compte d’un tout complexe de savoir, de qualités humaines et de compétences professionnelles, ces critères sont difficiles à déterminer par consensus. La formation à la paix est une discipline relativement nouvelle dans le sens où elle cherche à développer tous les aspects (la tête, le cœur et les mains) de ce qui fait l’être humain et le professionnel. Ceci ne signifie pas pour autant que la formation à la paix ne doive pas établir de normes. Des méthodes d’évaluation habituelles sont nécessaires pour prendre en compte l’humanité des intervenants de paix ainsi que leurs aptitudes professionnelles. Aujourd’hui, la plupart des centres de formation ont leurs propres critères de formation et sont en général réticents à l’idée de rendre publique leur méthode de formation des intervenants de paix afin que ceux-ci remplissent ces critères. Si les acteurs sur le terrain n’arrivent pas à se mettre d’accord sur des critères qui incluent et transcendent la diversité de points de vue, l’établissement de critères communs pour la formation à la paix risque de rester un beau rêve. Toutefois, afin que la formation à la paix soit mieux reconnue (et financée) par les sociétés dominantes, il serait bon que les professionnels du secteur n’attendent pas que tous les acteurs ratifient un ensemble « parfait » de critères, mais qu’ils instaurent au contraire des mesures préliminaires pour la formation à la paix, évaluant les aptitudes nécessaires à autant de travaux de paix pertinents que possible et servant de base au débat. Bien que ce guide ne propose aucune recommandation concrète à propos des critères de formation à la paix, certaines pistes de discussion sont soulignées. D’abord, il faut s’intéresser aux critères de fond. Savoir, qualités humaines et compétences professionnelles sont le fondement de tout travail de paix. Quel que soit le type de travail de paix, il est impossible de ne pas considérer l’empathie et l’aptitude à analyser un conflit comme des critères importants. Ces critères de fond doivent être fondés sur des données scientifiques, des processus, des théories, des pratiques et des expériences du terrain. Une fois ces critères définis, l’évaluation générale des intervenants de paix sera meilleure et mettra en œuvre des exercices pratiques, comme le travail de groupe, les jeux de rôles et les simulations qui proposent des scénarii réels dans lesquels les participants doivent intervenir. Bien que certaines compétences professionnelles nécessaires pour remplir des critères généraux ne soient pas une garantie d’efficacité dans des situations spécifiques de conflit, elles donnent tout de même aux intervenants de paix une base qui peut ensuite être adaptée pour correspondre aux différents besoins du terrain. Dans ce cas, les critères pourraient ne pas se référer à des méthodes de formation standardisées mais aux aptitudes que les intervenants doivent acquérir. Cela laisse alors aux organismes de formation la possibilité de choisir des méthodes différentes d’évaluation, dans la mesure où des critères sont fixés quant à l’acquisition et aux niveaux de compétences. Ensuite, les spécialistes de la formation à la paix devront se résigner à ne pas être d’accord sur tous les critères spécifiques du travail de paix. Ces critères spécifiques sont nécessaires à tout travail de paix mais ils sont en général spécifiques à un contexte et à une mission. Il est essentiel qu’ils soient développés par ceux qui connaissent l’objet de l’intervention, l’environnement et la culture où elle aura lieu ainsi que les besoins locaux concrets. Un consensus sur tous les critères spécifiques nécessaires en matière de compétences et de méthodes pour les évaluer à tous les niveaux n’est pas réaliste. Le but n’est cependant pas de décourager le dialogue entre les formateurs et les organismes de formation à ce propos. En effet, il y a un besoin unique de dialogue, d’une plus grande compréhension mutuelle et d’apprentissage les uns des autres. Ce processus est susceptible de mettre en exergue certains points essentiels sur lesquels une bonne partie du travail de paix pourrait se fonder. En outre, les critères doivent être évolutifs. Puisque le conflit est un phénomène en perpétuelle évolution, instaurer des critères figés et spécifiques pour tous les niveaux de travail de paix lors de la formation des futurs intervenants de paix risque de ne pas être la réponse la plus appropriée à un environnement toujours nouveau. Ce n’est pas parce que certains critères fonctionnent à un moment donné qu’à l’avenir, ils seront toujours valables pour l’évaluation des intervenants de paix. C’est pourquoi, lors de la mise au point de ces critères, il ne faut pas en faire un cadre rigide. Enfin, l’expérience, la créativité, l’humilité, l’apprentissage sur le terrain et l’ouverture d’esprit doivent figurer dans ces critères. À l’instar de la réflexion, l’intuition doit faire partie des critères d’évaluation des intervenants de paix. Il faut être conscient que nombreux sont les critères sur lesquels on peut transiger. Comme expliqué plus haut, chaque être humain est un tout d’une complexité rare. Les personnes en charge de l’évaluation doivent être prudentes et ne pas se focaliser sur un critère ou un autre parce que les intervenants démontrent leur capacité à participer à la fin de la violence et à être les avocats d’une paix active à travers un ensemble de nombreuses qualités humaines, de compétences professionnelles et de savoir intrinsèquement liés. La formation à la paix et le travail de paix sont des domaines en évolution constante. Bien que certains critères communément admis aient un rôle prépondérant dans la promotion de la formation à la paix, notamment auprès de l’opinion publique, l’ouverture d’esprit est nécessaire pour envisager des changements de critères et s’adapter à la mutation des contextes des conflits et du travail de paix. En conclusion, le professionnalisme dans la formation à la paix ne se résume pas à une liste de critères : il s’agit bien plutôt de préparer des hommes et des femmes à rencontrer d’autres hommes et d’autres femmes qui sont immergés dans un conflit violent afin de transformer activement les antagonismes et trouver des moyens de transformation créatifs. Pour cela, Hagen Bernst propose que les intervenants de paix se posent tous les jours la question suivante : « Ai-je toujours présent à l’esprit ceux qui sont directement touchés par mon travail ? » En y répondant avec honnêteté, les intervenants sauront si leur travail est orienté vers ceux qu’ils sont supposés aider et cela leur permettra de juger si leurs actes soutiennent les acteurs internes au conflit ou leur nuisent. Le professionnalisme signifie que les acteurs externes sont responsables envers ceux qui sont pris dans le conflit. Par la simple collaboration, chaque ensemble d’acteurs peut trouver les clés pour améliorer le plus possible les aspects néfastes du conflit et accélérer la mise en place de réalités de paix créative encore en gestation. Vocation C’est une bonne chose que de développer les compétences nécessaires pour répondre aux besoins du terrain. Cependant, les formateurs doivent faire attention de ne pas en demander trop. Comme souligné plus haut, en ne s’occupant que d’acquérir des compétences spécifiques correspondant aux besoins du terrain, le professionnalisme développé risque de transformer le travail de paix en réponse mécaniste. Si les spécialistes du redressement économique d’aprèsguerre, des droits humains et de la réforme politique donnent des avis éclairés sur un conflit en ne prenant en compte que leur domaine, sans considérer l’entrelacs que forment tous les facteurs du conflit, le résultat est souvent désastreux par faute d’analyse complète.42 Lorsqu’on ne prend pas en compte l’ensemble du contexte, ce type d’intervention peut rapidement compliquer les situations et renforcer les divisions existantes, voire même ajouter de nouveaux problèmes. La plupart des spécialistes s’accordent à dire que le travail de paix ne peut pas reposer uniquement sur un éventail de plusieurs compétences. Lorsqu’il s’agit d’intervenir dans des environnements extrêmement intenses et traumatisants, les compétences ne sont pas tout. Au contraire, en les articulant avec une prise de conscience de soi et du groupe au cours de la formation et en s’appuyant sur des méthodes de réflexion et d’apprentissage sur le terrain, les formations pourront aider les intervenants à renforcer leur vocation pour le travail de paix. Au-delà des techniques… « La transformation des conflits n’est pas seulement une histoire de techniques ou de compétences, il s’agit d’un travail spirituel. Toute personne qui a été formée à intervenir dans un conflit accomplit un travail qui a une dimension spirituelle parce tout ce que nous faisons sur le terrain nous concerne aussi personnellement : gérer notre propre peur, résoudre nos propres conflits, utiliser notre sagesse et notre compassion. Un conflit violent est fait de souffrance. Si nous n’avons ni sagesse, ni compassion pour transformer notre propre souffrance, nous n’avons que peu de chance de changer le cours des choses sur le terrain. C’est pourquoi il est indispensable d’être conscient de l’interdépendance de nos conflits personnels avec ceux de l’intervention. » - Ouyporn Khuankaew, International Women's Partnership for Peace and Justice Les motivations personnelles qui amènent les intervenants à effectuer un travail de paix sont la source de leur vocation. Si les compétences sont la « forme » de l’engagement, la vocation en est « le fond ». Dans ce sens, la vocation n’a pas nécessairement une connotation spirituelle, il s’agit 42 Martina Fischer souligne comment cette analyse fragmentée a eu pour conséquence des interventions néfastes en Bosnie-Herzégovine dans son dernier ouvrage, Ten Years after Dayton: Peacebuilding and Civil Society in BosniaHerzegovina (2007) [Dix ans après Dayton : Construction de la paix et société civile en Bosnie-Herzégovine]. seulement de l’appel intérieur qui engage les intervenants de paix à faire ce travail. Elle est l’essence et le fondement de leur travail. Or, la question essentielle de la formation à la paix est de savoir comment permettre aux intervenants de paix d’entendre cette voix intérieure qui leur permettra de faire ce travail. La réponse est à la fois très simple et très complexe : en créant des espaces sûrs où les intervenants peuvent volontiers se concentrer et réfléchir sur eux-mêmes et partager ce qu’ils en retirent avec une communauté qui les soutienne. Ceci peut prendre plusieurs formes selon le contexte culturel : dialogue, danse, chant, peinture ou autres créations artistiques, mais ne doit jamais être morose. Le partage des expériences de travail de paix fait remonter à la surface douleur et joie intimes, qui sont des signes d’humanité. Même s’ils ont l’impression de traverser un cyclone, les intervenants et les formateurs doivent absolument faire ce chemin intérieur. Paul Lederach développe plus avant cet élément de la formation : « […] l’éducation et la formation sont inachevées dans tous les domaines liés aux transformations de sociétés tant qu’elles ne permettent pas d’explorer le sens des choses, de s’interroger sur l’avenir et sur comment il se bâtira, et ce le plus tôt possible et en permanence. Cette quête doit prendre au sérieux l’écoute de sa voix intérieure, une intériorisation spirituelle et profondément humaine qui ne doit pas être reléguée à une conversation entre amis ou, pire, à une psychothérapie entamée pour traiter une crise de la vie professionnelle. Ceci n’est autre que le cœur, l’essence même, de ce que nous sommes dans ce monde et ne peut pas être séparé de ce que nous y faisons. » (Lederach, 2005, p. 175-6). Cette introspection peut prendre deux formes différentes dans les formations à la paix : la première consiste à se poser les questions éternelles du travail de paix et de la vie même : « Qui sommesnous ? Que faisons-nous ? Où allons-nous ? Dans quel but ? » (Lederach, 2005, p.176). La seconde manière de développer cette vocation est de suivre les conseils des spécialistes de terrain et de laisser les participants nourrir la formation à la paix avec des exemples tirés de leur vécu et du monde qu’ils connaissent (Anderson et Olson, 2003, p. 79). Les formations qui prennent en compte les expériences personnelles des intervenants ont beaucoup plus de chances de favoriser un apprentissage et une prise de conscience plus en profondeur. Des résultats concrets et des attentes importantes de la part des intervenants et des formateurs peuvent mettre en place une certaine précipitation qui se traduit par une accumulation de contenu en trop peu de temps. Au contraire, il est recommandé que du temps soit consacré au dialogue sur le processus et orienté vers les intervenants, pour qu’ils puissent échanger leurs considérations.43 Parfois, les moments les plus forts des programmes de formation sont ceux qui ne sont pas préparés, lorsque les participants ont tout simplement le temps de partager les souffrances des uns et des autres et de trouver, par le dialogue, un nom à leur travail et au monde. « Nommer le monde – cet acte de création et de re-création n’est possible que s’il est empreint d’amour. L’amour est non seulement le fondement du dialogue mais est, par essence, dialogue. » – Paulo Freire (1970, p. 78-9) 43 David Bohm affirme que la nature même du dialogue est d’échanger des considérations (Bohm, 1995, p. 22). Les intervenants de paix font un travail ardu, dans des conditions épuisantes, et sont souvent mal compris par leur entourage. La création d’un forum permettant à chaque individu de suivre sa vocation et de la partager avec autrui grâce à une écoute attentive et à un dialogue approfondi peut rendre la guérison et la saisie des expériences vécues beaucoup plus faciles. Cette faculté à être à l’écoute de cette voix qui « vient de l’intérieur et veut être écoutée, veut être suivie » est au cœur de ce que signifie être intervenant de paix (Lederach, 2005, p. 175-176). Le savoir et les compétences nécessaires à ce travail sont cruciaux, mais ils ne sont que des outils. C’est la vocation qui, une fois stimulée, entraîne le reste. L’intégration, au cœur de la formation à la paix Ce chapitre a présenté différents principes, valeurs et techniques applicables à la formation à la paix. L’importance du professionnalisme et le besoin de réflexion sur l’interdépendance et la vocation ont été soulignés. Tous ces éléments, essentiels pour préparer des adultes au travail de paix et à l’intervention non-violente dans les conflits, sont comme les pièces d’un puzzle qui doivent se placer dans un tout. Lorsque toutes ces caractéristiques sont assemblées avec créativité, la formation à la paix n’est plus un simple domaine, elle devient un art à part entière. D’après nous, cet art de la formation à la paix existe lorsque le savoir pertinent, les qualités humaines et les compétences s’associent en approches holistiques qui permettent, d’une part, de mieux préparer les adultes à transformer des conflits complexes et indomptables et, d’autre part, de donner aux participants les moyens de mettre en œuvre un véritable changement de société. Dans ce sens, holistique signifie insister sur l’importance du tout et sur l’interdépendance des parties qui le composent. De même que pour le schéma du premier chapitre, lorsque toutes les différentes aptitudes au travail de paix sont mélangées en un seul tout, sept domaines d’intervention de la formation à la paix apparaissent. Schéma 8 : Le domaine d’expression des formations à la paix Savoir Domaine d’expression Qualités humaines Compétences professionnelle s Ces domaines sont : [S]avoir ; [Q]ualités humaines ; [C]ompétences professionnelles ; S et Q ; S et C ; Q et C ; et enfin, S, Q, et C. Il faut souligner que cette dernière combinaison entre savoir, qualités humaines et compétences professionnelles est le domaine d’expression de la formation à la paix. Trouver un mélange original entre les trois composantes permettra d’augmenter les chances pour le processus d’avoir un impact sur les participants et les rendra plus à même de transformer efficacement les conflits sur lesquels ils travaillent. Dès lors, lorsque les organisations mettent en place des formations à la paix, nous soulignons que les compétences ne sont pas tout et qu’il leur faut également prendre en compte les différentes manières d’associer les trois composantes : savoir, qualités humaines et compétences professionnelles. « Lorsqu’une personne ne travaille qu’en suivant son cœur, elle ne comprend pas la complexité d’une situation de conflit ; celle qui ne fait preuve que de courage va au-devant des ennuis et celle qui n’utilise que sa raison risque d’être gagnée par l’indifférence. Combiner les trois est essentiel. Cet équilibre devient évident lorsque l’on relie toutes les luttes et les structures de pouvoir du conflit en question, pour permettre aux participants aux formations à la paix de se placer par rapport à elles et de trouver leur place dans ce conflit. » – Gal Harmat, Université de Tel Aviv Il n’y a là rien de révolutionnaire : la plupart des professionnels de ce secteur s’accordent à dire qu’un certain degré de synthèse entre savoir, qualités humaines et compétences professionnelles est nécessaire. Cependant, différentes interprétations sont possibles pour atteindre ce domaine d’expression. Il n’y a pas de méthode modèle, mais, d’après les spécialistes de terrain, les recherches et les expériences, la méthode ci-dessous permet d’atteindre ce domaine d’apprentissage de la transformation : 1. cerner le savoir à la fois générique au travail de paix et spécifique à la mission et faciliter le processus d’apprentissage grâce à une pédagogie critique et créative afin que les expériences personnelles des participants enrichissent le processus ; 2. développer les qualités humaines à la fois génériques au travail de paix et spécifiques à la mission en se fondant sur la réflexion quant à la vocation des intervenants de paix et sur leurs sources d’inspiration ; 3. insister sur les compétences professionnelles à la fois génériques au travail de paix et spécifiques à la mission en évaluant les intervenants de paix selon des critères qui font l’unanimité ainsi qu’en s’appuyant sur l’apprentissage par l’expérience, c’est-à-dire laisser les participants apprendre par la pratique ; 4. développer autant de méthodes créatives et diverses que possible pour rassembler ces trois compétences et les partager avec d’autres intervenants de paix pour améliorer le cursus et les résultats de la formation à la paix dans le monde entier. Enfin, lorsqu’une formation à la paix est achevée, si les intervenants de paix désirent réellement incarner, comme l’a dit Ghandi, « le changement qu’ils veulent voir s’opérer dans le monde », toutes les compétences doivent être utilisées pour soutenir les capacités locales des acteurs internes immergés dans le conflit. Cet équilibre est un véritable art de la formation à la paix, qui ouvre de nombreuses possibilités pour mieux préparer les intervenants de paix, afin qu’ils puissent montrer, par leur présence, le monde qu’ils veulent mettre en place et qu’ils puissent s’engager efficacement dans les conflits pour les transformer sans violence. Considérations finales Le travail de paix et l’art ont pour but commun de connaître et faire connaître le Beau. Au mieux, le travail de paix prend l’apparence d’une expression artistique qui engendre concrètement une harmonie entre des populations aux modes de vie apparemment irréconciliables. Cette dialectique en évolution permanente entre l’art et la formation à la paix a fait l’objet de nombreuses études universitaires depuis des années (par exemple : Thich Naht Hahn, 1992 ; Dunn, 2003 ; Weil, 2003). Bien que les réflexions à propos de cette dialectique soient encourageantes, les nombreuses formes de violence qui continuent à déchirer le monde prouvent qu’il y a encore beaucoup de travail quant à la mise en œuvre artistique d’un travail de paix. En se concentrant sur leur propre vocation et en se servant de leurs qualités personnelles pour transformer les conflits, les intervenants de paix ont le potentiel pour devenir les précurseurs de situations concrètes d’interdépendance qui utilisent le conflit comme un moyen de mieux se comprendre et de mieux vivre ensemble. Si les zones de conflit sont le témoin de toutes les facettes de l’humanité, la formation à la paix a le rôle unique de préparer les intervenants de paix en leur permettant de concevoir un avenir plus pacifique dans des zones où coexistent des inégalités extrêmes et en leur donnant les moyens de faire de cet avenir une réalité. Dans ce chapitre, l’intégralisme a été souligné comme un concept sur lequel fonder la formation à la paix dans le but de mieux comprendre comment l’interdépendance et les changements de société constructifs sont liés. La formation à la paix développe chez les intervenants de paix les compétences pour mener à bien ces changements de société constructifs grâce au savoir, aux qualités humaines et aux compétences professionnelles nécessaires à tous les niveaux de la transformation de la violence en une paix durable. Faire la synthèse de ces différents éléments de la formation à la paix afin que les intervenants deviennent capables d’atteindre ces objectifs est une forme d’art. Les succès obtenus par les hommes et les femmes qui ont courageusement lutté tout au long de l’Histoire prouvent que la présence non-violente des intervenants de paix est l’une des forces les plus à même de transformer les sociétés qui sont déchirées par des conflits violents. Poser des objectifs de paix et irradier une joie et un amour profond, tout en donnant à ces émotions une expression concrète, peuvent aider ceux qui ont oublié le sens du mot paix. Ainsi que les habitants de Guinée Bissau le disaient lors de leur propre lutte pour l’indépendance : « aucun poing n’est assez gros pour boucher le ciel ». Retrouver ces souvenirs permet aux personnes prises dans un conflit de voir que la violence n’est qu’une option parmi tant d’autres et de contribuer à instaurer un avenir de paix. Ce travail est extrêmement difficile et c’est pour cela qu’il est absolument indispensable que les intervenants de paix soient correctement préparés pour se dresser contre des flots de haine et instaurer des solutions concrètes entièrement nouvelles. Ce document n’est qu’une contribution mineure à la réflexion en cours sur la formation à la paix. Il en faut encore beaucoup plus. Cependant, la formation à la paix évolue et s’améliore constamment. Bien que le mot fin ne soit pas encore écrit à ce propos, nous espérons que ce livre fera prendre conscience de l’importance de la formation à la paix et qu’il aidera les lecteurs à se rendre compte du besoin en intervenants de paix capables de proposer des solutions de paix qui n’ont pas encore été mises en œuvre dans leurs sociétés. Afin d’entrer de plain-pied dans la violence démente et de proposer quelque chose qui n’a jamais été fait, les intervenants ont besoin d’une préparation complète qui intègre le professionnalisme, mais également l’utilisation de compétences éprouvées et la capacité à être eux-mêmes pleinement cohérents avec leur vocation. Être attentif à sa vocation se traduit par l’introduction de pratiques et de systèmes innovants pour transformer le conflit d’une façon qui soit le fruit, et transcende à la fois, ce à quoi les personnes peuvent s’identifier et ce qu’elles peuvent intégrer dans leur vie. La formation à la paix est un moyen de développer ces voies pour donner sa chance à la transformation des conflits comme exemple et modèle de changement de société constructif. L’équilibre subtil entre savoir, qualités humaines et compétences professionnelles qui favorise l’instauration de la paix permettra aux intervenants de paix de découvrir différents moyens de briser les cycles de conflit violent pour tisser des liens et développer des sociétés fondés sur l’amour et le respect de la dignité de tous. Annexe I : Bibliographie (en anglais) AGDF - Aktionsgemeinschaft Dienst für den Frieden / Forum Ziviler Friedensdienst (2000). Training for Nonviolent Conflict Transformation: Curriculum “Training for Conflict Transformation/Civil Peace Service,” Bonn: AGDF and Forum Civil Peace Service. Ammonn Ann (2006). Qualification for Civilian Conflict Resolution / Civilian Peace Service Curriculum 2006 (Draft), Bonn: Academy for Conflict Transformation. Anderson, Mary B. (1999). Do No Harm: How Aid Can Support Peace - Or War, Boulder (CO): Lynne Rienner. Anderson, Mary B. (2004), The Do No Harm Handbook. 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UK Department of International Development (DFID) www.dfid.gov.uk. West Africa Network of Peacebuilding (WANEP): www.wanep.org. World Health Organisation: www.who.org Annexe II : Glossaire (en anglais) Compiled by Mariana Gavris Accompaniment: A technique of third party nonviolent intervention whereby peaceworkers agree with those who are threatened to remain physically beside them as nonviolent bodyguards (Lakey and Hunter 2004). Actors: Individuals, groups and institutions who: a. contribute to conflict; b. and/or are affected by conflict (in a positive or negative manner); c. and/or are engaged in dealing with conflict (FEWER / International Alert / Saferworld 2004). Aggression: This is the expression of vital energy manifested in human beings since their infancy: an essential for life which at first is neutral. It is expressed in struggle, in force, in creativity, in nonviolence, altruism, etc. Aggressiveness must be “educated”. Without education, this energy will be expressed by negative behaviour, destructive to others. Aggressiveness should be distinguished from violence (UNESCO). Assessment: Collecting and evaluating evidence to establish the level of an individual's performance against an agreed-upon and transparent set of criteria or standards. Capacities: Actors’ potential to affect the conflict context, positively or negatively. Potential can be defined in terms of resources, access, social networks and constituencies, other support and alliances, etc. (FEWER / International Alert / Saferworld 2004). Challenge: In the context of peace training, challenges are seen as obstacles that inhibit the genuine formation of peaceworkers to end violence and contribute to positive peace at any level in any given conflict situation. Civil Society A domain parallel to, but separate from, the state and the market, in which citizens freely group together according to their own interests. It can include for example non-governmental organisations (NGOs), community-based organisations, religious bodies, professional associations, trade unions, student groups, cultural societies, etc. (FEWER / International Alert / Saferworld 2004). The strength of civil society is generally considered critical in providing protection and institutional hedges for individuals and groups against potential authoritarianism or intrusive government (Miller 2004). Civilian Peace Service (CPS): This term originated in Germany in the early 1990s, and was meant to describe an alternative to military service that would be made available to young conscripts. Rather than being trained in the arts of war and being deployed in the army, those choosing the CPS would be trained in the arts of peacemaking and would be deployed as “peace experts” with NGOs or governmental bodies. The link between the CPS and conscription was dropped at an early stage in Germany, but remains in other countries such as Austria. Most European countries now use the term “civil” in preference to “civilian” to denote a scheme which is not only non-military but also non-state (i.e. involving “civil society”), although they may be wholly, or at least partially, state-funded. There are many differences amongst the CPS schemes currently operating in Europe, but in general, they describe "a (national) scheme for recruiting, training and deploying civilians for a range of peace- related tasks in conflict situations (Wallis / Junge 2001). Civilian Personnel: Civilian personnel are, generally speaking, any personnel who are not military. Use of the term implies a mixed environment in which both military and civilians are, or could be, working, such as on a UN or other international mission… (Wallis / Junge 2002). Code of Conduct: A set of rules outlined by any given organisation to guide the behaviour and decisions of their members or personnel deployed to work in conflict areas (IISD 1999). http://www.iisd.org/didigest/glossary.html Conflict: Conflict can be very simply defined as "the pursuit of incompatible goals by different groups" (Miall et al 1999). Conflict between groups is normally called “social conflict”, and when related to political issues, it is called “political conflict”. Conflict may or may not be violent. It is “violent conflict” that poses a threat to society. Conflict itself may be quite healthy when waged nonviolently through political processes, as there can be no social change without conflict of some kind (Wallis / Junge 2001). Conciliation: Conciliation involves efforts by a third party to improve the relationship between two or more disputants. It may be done as a part of mediation, or independently. Generally, the third party will work with the disputants to correct misunderstandings, reduce fear and distrust and generally improve communication between the parties in conflict. Sometimes this alone will result in dispute settlement; at other times, it paves the way for a later mediation process (Conflict Research Consortium 1998). Conflict Management: This term refers to the long-term management of intractable conflicts and the people involved in them so that they do not escalate out of control and become violent (Conflict Research Consortium 1998). Conflict Prevention: The more accurate term is “prevention of violent conflict”, since it is generally agreed that it is the violence rather than conflict as such that one is seeking to prevent. Most prevention work is needed at an early “pre-crisis” stage, when it is easiest to deal constructively with a conflict situation. But prevention is also relevant throughout a conflict, as a means of averting further escalation. Even in the “post- crisis” phase of a conflict, prevention work is needed to avoid a recurrence of the violence. Unfortunately, the EU emphasis is on "short-term activities to reduce manifest tensions and/or to prevent the outbreak or recurrence of violent conflict" (Conflict Prevention Network, 1999), while the UN emphasis is on "long-term activities aimed at addressing the structural sources of conflict in order to build a solid foundation for peace" (Brahimi, 2000) (Wallis / Junge 2002). Conflict Resolution: The EU uses this term to describe “activities undertaken over the short term to end violent conflict” (CPN, 1999). Academics tend to use the term in the more narrow sense of ending conflict in a manner satisfactory to all the parties concerned, as opposed to ending the conflict through some sort of stalemate or imposed solution from outside (Miall et al, 1999). “Conflict resolution” can also refer to the results of this process, as in the “resolution” of the conflict. However, it is more usefully used to describe the process of working towards this result, without implying that such a result will be achieved or is even possible (see “conflict transformation”). Conflict resolution is also used increasingly as a generic term to cover all sorts of conflict-handling activities, but it would be much more helpful if each term in this field is reserved for one clearly defined “strand” of activity rather than being used as yet another vague term for the whole field (Wallis / Junge 2002). Conflict Sensitivity: the capacity of an organisation to: (1) Understand the (conflict) context in which it operates; (2) Understand the interaction between its operations and the (conflict) context; and (3) Act upon the understanding of this interaction in order to avoid negative impacts and maximise positive impacts on the (conflict) context (The Resource Pack 2004). Conflict Transformation: Positive changes in all, any, or some combination of the following matters regarding a conflict: the general context of the situation; the behaviour and attitudes of contending parties, the issues/positions/or needs at stake; the processes governing the situation, or the violent cultural attributes and structures affecting any of the aforementioned. Attempts at transformation aim to generate opportunities for conflict transformation and ultimately more equitable environments, particularly where a given conflict is considered intractable or where it has encountered a seemingly insurmountable impasse. Conflict transformation requires that the parties involved alter their previous strategies of handling the conflict in order to foster new approaches aimed at ameliorating the situation. Used by some authors in preference to “conflict resolution” in order to emphasise the fact that conflicts are rarely “resolved” as such, but merely “transformed” from being waged through violence to being waged through peaceful political processes (Miall et al, 1999). Others use the term to describe a particular approach to conflict work that takes a more long-term view and focuses on processes and relationships rather than on halting the violence or reaching agreements as such (International Alert 1998) (Wallis / Junge 2002). Context: The operating environment, which ranges from the micro to the macro level (e.g. community, district / province, region(s), country, neighbouring countries)….(C)ontext means a geographic or social environment where conflict exists and is comprised of actors, causes, profile and dynamics (Resource Pack 2004). Crisis Management: Crisis management is used in a variety of senses, but generally refers to those peace-related activities which take place during a “crisis” period…”(C)risis” more usually refers to a particularly volatile and unstable phase of a conflict when immediate and decisive action is required if further escalation is to be avoided. Activities taking place during this period are distinguished from “conflict prevention” activities, which in general take place prior to a situation of “crisis”, and from “post-conflict reconstruction” activities, which take place after the crisis has subsided (Wallis / Junge 2002). Culture of Peace: a culture based “in the universal values of respect for life, liberty, justice, solidarity, tolerance, human rights and equality between women and men”. The term “culture of peace” was inspired by the initiative Cultura de Paz which was launched in Peru in 1986 and by the Seville Declaration on Violence, of the same year (A/RES/52/13) (UNESCO). De-escalation: An identifiable lessening (in quantity or severity) of violent exchanges among parties. De-escalation often follows intense exchanges among military or paramilitary forces and is initiated through the facilitation of a third party. Conflicts can simultaneously de-escalate in one sense and escalate in another. The ultimate intent of de-escalation is to limit extremely destructive exchanges and create space for more intensive efforts to resolve or manage the conflict. In some cases, however, de-escalation may be pursued merely to buy time to regroup one’s forces in order to launch more extensive efforts (Miller 2004). Dialogue: Dialogue is a process for sharing and learning about another group's beliefs, feelings, interests, and/or needs in a non-adversarial, open way, usually with the help of a third party facilitator. Unlike mediation, in which the goal is usually reaching a resolution or settlement of a dispute, the goal of dialogue is usually simply improving interpersonal understanding and trust (Conflict Research Consortium). Empowerment: the process by which people take control and act in order to overcome obstacles. It is an important element of development. In particular, empowerment refers to the collective action by the oppressed and deprived to overcome the obstacles of structural inequality, which have previously put them in a disadvantaged position (UNICEF). Escalation: An increase in quantity, intensity, or scope of violent exchanges among parties. Commonly referred to as a “downward spiral”, escalation typically occurs in cycles of attack or counter-attack. A strategy of escalation is typically adopted based on one of two conditions: First, while losses are expected for all the parties engaged in a conflict, the party pursuing escalation projects that their losses will be tolerably less than the losses of others. Second, a party commits to previously stated intentions, regardless of any risks associated with escalation. While the latter can suggest inflexibility, commitment in such cases is considered important in generating credibility. The expectation is that eventually an opponent will be coerced through fear of continued escalation. In either case, such a strategy can become double-edged, especially if pursued by multiple parties (Miller 2004). Facilitation: Facilitation is done by a third party who assists in running consensus-building meetings. The facilitator typically helps the parties set ground rules and agendas, enforces both, and helps the participants keep on track and working toward their mutual goals. While similar to a mediator, a facilitator usually plays a less active role in the deliberations, and often does not see “resolution” as a goal of his or her work, as mediators usually do (Conflict Research Consortium). Handling Conflict: This term is used…as the overall generic term to describe the whole field of working on conflict, as opposed to merely working in conflict. This is distinguished from the field of “humanitarian relief”, which does not involve dealing with the conflict as such but only with meeting the human needs of those caught up in the conflict. It is nonetheless an exceedingly broad field, covering many areas of work taking place at different stages of a conflict as well as at different levels of society and on different aspects of the conflict (Wallis / Junge 2002). Basic Human Needs: Human needs are things that all humans need for normal growth and development. First identified by psychologist Abraham Maslow, human needs go beyond the obvious physical needs of food and shelter to include psychological needs such as security, love, a sense of identity, self-esteem and the ability to achieve one´s goals. Some conflict theorists— referred to as “human needs theorists” argue that the most difficult and intense conflicts, such as racial and ethnic conflicts, are caused by the denial of one or both groups’ fundamental human needs: the need for identity, security and/or recognition. In order to resolve such conflicts, ways must be found to provide these needs for all individuals and groups without compromise—as human needs “are not for trading.” (Conflict Research Consortium) Human Rights The universal, equitable, and indispensable claims of civil and political liberties which are legally recognised internationally for individuals and collectivities as enshrined by the United Nations General Assembly in the Universal Declaration of Human Rights (UDHR) on 10 December 1948. The rights of individuals can be divided into those in defense from nation-states and claims on nation-states. Those in defense from nation-states are those generally associated with traditional Western conceptions of rights in the Greco-Roman tradition and include freedom of movement, thought, religion, opinion, and expression; freedom of peaceful assembly and association; equal access before the law to legal institutions, public services, and cultural life; freedom from slavery, torture, inhumane treatment, political persecution, and arbitrary interference in personal life. Claims on the nation-state include social and economic rights, including choice of employment, quality work conditions, unemployment safety nets, equal pay for equal work, adequate standard of living, social security, free education through designated stages, protection of private and intellectual production and one’s good name. The United Nations has since 1948 passed additional resolutions on collective rights for self-determination and development. Several state systems have incorporated aspects of the UDHR into their constitutions, providing legal provisions in their respective justice systems (Miller 2004). Human Security: A concept that challenges the precepts of military security. Instead, democracy, human rights, sustainable development, social equity and the elimination of poverty are seen as essential elements of security (Conflict Research Consortium). Identity: Identity refers to the way people see themselves—the groups they feel a part of and the significant aspects of themselves that they use to describe themselves to others. Some theorists distinguish between collective identity, social identity and personal identity. However, all relate in one way or another to a description of who one is and how one fits into her social groups and society over all (Conflict Research Consortium). Internal Actors: refers to the people of all society levels and sectors who are from and/or live in an area affected by violent conflict. Interpositioning: the physical placement of peacekeepers between groups engaged in violent conflict to reduce the violence (Lakey and Hunter 2004). Intervention: the collaborative involvement of external actors using nonviolent means that give internal actors more capacity to transform their own conflicts in constructive ways. Mediation: a formalised process in which an outside party works with disputants to assist them in reaching a satisfactory negotiated agreement (Schmid, 2000). There are different types of, and approaches to, mediation. But there are basic principles to which they would all adhere for it to be defined as “mediation.” Mediation is normally distinguished from “arbitration”, which involves a third party imposing a binding settlement on the parties rather than assisting them to reach their own agreement. However, some cultural approaches rather blur this distinction, and the EU, confusingly, refers to arbitration as one of the “mechanisms” of mediation (CPN 1999; Wallis / Junge 2002). Monitoring (conflict sensitive): Conflict-sensitive monitoring incorporates an understanding of conflict actors, profile, causes and dynamics into traditional monitoring processes and activities, with the intention of better understanding the context and the intervention, as well as the interaction between the two. Conflict-sensitive monitoring is used to inform adjustments and changes to project or programmed activities so that the intervention has the optimum impact on conflict dynamics (FEWER / International Alert / Saferworld 2004). Multi-partiality: The term impartiality has been used in the past to be equivalent of neutrality and nonpartial, but multi-partial brings a constructive positive approach of reaching out to all people in a conflict. Impartiality says what you are not. Multipartiality says what you are. Multi-partiality is not just about preferring one party, but being open to all parties in a conflict with the goal bringing constructive and peaceful transformation of a conflict. Negative peace: a state requiring a set of social structures that provide security and protection from acts of direct physical violence committed by individuals, groups or nations. The emphasis is...on control of violence. The main strategy is dissociation, whereby conflicting parties are separated…In general, policies based on the idea of negative peace do not deal with the causes of violence, only its manifestations. Therefore, these policies are thought to be insufficient to assure lasting conditions of peace. Indeed, by suppressing the release of tensions resulting from social conflict, negative peace efforts may actually lead to future violence of greater magnitude (Woolman, 1985, p.8). Negotiation: Communication, usually governed by pre-established procedures, between representatives of parties involved in a conflict or dispute. A technique in both the management and resolution of conflict, negotiation is conducted on various grounds: to identify common interests and develop unilateral or multilateral initiatives in pursuit of objectives; to de-escalate a conflict situation; or to formulate mutually satisfactory solutions towards resolution of a given conflict(s) (Miller 2004). Non-governmental Organisations (NGO’s): The term “non-governmental organisations” (NGOs) refers to international, national and local organisations that are not associated with any government (Conflict Research Consortium). Nonviolence: A holistic belief in and practice of abstaining from violent thoughts, acts and words. It may be a creed or spirituality, or simply a system of morality and ethics. Whatever the inspiration behind it, the goal of nonviolence is to bring an end to violence and injustice and constructively create more peaceful ways of being. This may include degrees of the rejection of mental and psychological harm and/or physical damage to the environment, one’s self, and others. In many instances, nonviolence focuses on deconstructing the notion of enemy images and emphasises the peaceful transformation of those one shares a conflict with. Nonviolent action: Nonviolent action constitutes a vast array of political, economic, social and psychological methods that can be categorised into three main classes: protest and persuasion; non-cooperation and intervention. Nonviolent action involves two fundamental forms of activities: omission and commission. It operates on the precept that all political symbiotic relationships require varying degrees of obedience, co-operation or acquiescence, which are manifested through identifiable sources. The supply of these sources is not guaranteed, and it can be purposefully withdrawn. As a result, shifts can occur in the power relations among the parties involved in the conflict. Nonviolent action is also termed nonviolent struggle, nonviolent resistance, direct action, civil resistance and political defiance. In the past, scholars sometimes differentiated between “principled” and “practical” non-violence. This is a false dichotomy no longer in use, as ample historical evidence shows that nonviolent direct action is principled as well as practical (Miller 2004). Nonviolent Intervention: Intervention from outside actors—in this case peace workers—that is partial to all actors in a conflict and that strives to positively influence the conflict by any given set of actions such as: accompanying and supporting local actors in their own work to transform their own conflict; working with different actors to create favourable conditions for achieving the peacerelated goals of those actors; actions taken to uphold internationally accepted values and laws that protect the basic needs of all internal actors to a conflict; and efforts to engender peace processes or support dynamics or outcomes of peace processes already under way (FEWER / International Alert / Saferworld 2004). The success of such intervention can be aided by effective training of peace workers in their capacity for peace building, peace making, peace keeping and conflict transformation. Outside Party (External Actor): An outside party is someone who intervenes in a conflict situation in which they are not directly involved. More usually called “third party”, the term “outside” party is used in preference since many conflicts already involve more than two parties. An outside party may intervene directly in support of one or more of the parties. But in most conflict situations, outside parties can only play a useful role to the extent that they are neutral in relation to the outcome of the conflict, impartial in their treatment of the parties involved and nonpartisan in terms of their involvement in the conflict. (Wallis / Junge 2002) Peacebuilding: In Johan Galtung's original conception, “peace- building” was the third pillar of peace activities aimed at addressing the causes of conflict (Galtung 1969). Boutros Boutros-Ghali linked peacebuilding to the “post-conflict reconstruction” phase by defining it as “those activities undertaken on the far side of conflict to reassemble the foundations of peace and provide the tools for building on those foundations something that is more than just the absence of war” (Brahimi 2000). Those activities can, and do, take place at any stage of a conflict, however, and not only in a “post- conflict” phase. The EU's use of this term is therefore closer to Galtung's, when it defines peace building as “those activities undertaken over the medium and longer-term to address 'root causes of violent conflict' in a targeted manner” (i.e. regardless of when these activities take place) (CPN 1999; Wallis / Junge 2002). Peacekeeping: Though peacekeeping entails multi-functional actors such as UN, regional military units and police forces, we narrow the definition of peacekeeping to the maintenance of public security, civil services and cease-fire agreements in war and conflict zones by civilian forces. Peacekeeping involves coordinated efforts to ensure stability and relative normalcy in the aftermath of extremely volatile and chaotic situations. The extended goal of peacekeeping is to create conditions conducive to establishing lasting political settlements, relationships between conflicting actors and infrastructures focused on more sustainable level of peace. Peacework: any conscious (strategic) activity that aims at reducing or ending direct violence, structural violence or cultural violence and that promotes positive peace on any of these planes and between conflicting actors at any social level. Peace education: is currently considered to be both a philosophy and a process involving skills, including listening, reflection, problem-solving, cooperation and conflict resolution. The process involves empowering people with the skills, attitudes and knowledge to create a safe world and build a sustainable environment. The philosophy teaches nonviolence, love, compassion and reverence for all life. Peace education confronts indirectly the forms of violence that dominate society by teaching about its causes and providing knowledge of alternatives. Peace education also seeks to transform the present human condition by, as noted educator Betty Reardon states, “changing social structures and patterns of thought that have created it.” Peace education is taught in many different settings, from nursery school to college and beyond. Community groups teach peace education to adults and to children (Harris 2003). Peace Making: Peacemaking is a term with a wide variety of meanings. Galtung tried to define it in terms of those activities attempting to address conflict attitudes (Galtung 1969). In UN parlance, the term is most often associated with the activities described in Article 33 of the UN Charter (negotiation, enquiry, mediation, conciliation, arbitration, judicial settlement, resort to regional agencies or other peaceful means. (ICG 2001). More recently, it has begun to be used as a synonym for “peace enforcement”, to describe military operations designed to force the parties to accept a cease fire (Schmid 2000; Wallis / Junge 2002). Peacemaking is the term often used to refer to negotiating the resolution of a conflict between people, groups, or nations. It goes beyond peacekeeping to actually deal with the issues in dispute, but falls short of peacebuilding, which aims toward reconciliation and healing between ordinary people, not just the formal resolution which is written on paper. Peace Training: the preparation of individuals for peacework who can professionally and practically intervene in conflicts in order to promote their constructive transformation. Peace Training operates on many levels, namely: the individual level, regarding the personal development and mindfulness of peaceworkers—i.e. knowledge, attitudes and behavioural competencies conducive to transforming conflicts; the social level, regarding the skills and strategies needed to build structures for sustainable peace and to concretely influence societies towards more peaceful co-existence among conflicting actors; and the professional level, concerning the development of working methods based in awareness of conflict contexts, lessons learned from past experiences and tools necessary for transforming complex and unpredictable conflict realities. Positive Peace: “a pattern of cooperation and integration between major human groups....[It] is about people interacting in cooperative ways; it is about social organisations of diverse peoples who willingly choose to cooperate for the benefit of all humankind; it calls for a system in which there are no winners and losers—all are winners; it is a state so highly valued that institutions are built around it to protect and promote it” (O’Kane, 1991-92). It also “involves the search for positive conditions which can resolve the underlying causes of conflict that produce violence” (Woolman, 1985, p.8). Post-Conflict Reconstruction: This is “an umbrella term covering the range of activities that need to be undertaken in the aftermath of a conflict” (Schmid 2000). As with the term “conflict prevention”, “post-conflict” is a misnomer because the conflict is not “over” when a peace agreement or settlement of some kind has been reached. It is merely in a new phase, more accurately described as a “post-crisis” phase, in which the danger of a recurrence is very real and the implementation of peace agreements may represent a considerable challenge (Wallis / Jung 2002). Presence: a technique of third party nonviolent intervention whereby peaceworkers enter a situation of open conflict and—through public actions and visible, risky acts of service—influence the dynamics of the conflict itself. Presence is about directly influencing the field of the conflict by offering a different behavior (Lakey and Hunter 2004). Reconciliation: The EU defines reconciliation as "an associative peace strategy that brings together former conflict parties into a forgiving dialogue and may serve as the basis for a new phase of mutual tolerance or cooperation" (CPN 1999). As such, it is used here to describe one “strand” of dialogue enabling work that includes “community relation’s” work and a range of other activities that help people deal with the past, heal wounds, forgive, accept and move on. Root Causes of Conflict: Boutros-Ghali described these as “economic despair, social injustice and political oppression” (Brahimi 2000). The EU defines them as “imbalance of political, socioeconomic or cultural opportunities among different identity groups, lack of democratic legitimacy and effectiveness of governance, absence of effective mechanisms for the peaceful conciliation of group interests and the lack of a vibrant civil society” (European Council conclusions 1998). The Development Assistance Committee of the OECD defined them in terms of three factors: Structural sources include problems in managing transition and rapid change, widening socio-economic disparities, competition over natural resources and political exploitation of cultural and other differences. Capacity to deal with conflict constructively includes issues of legitimate government and good governance, pluralism and participation, formal and informal channels for conflict management and both positive and negative international engagement. Security risks include the legacy of violence, arms proliferation and irregular fighters and uncontrolled police and military forces (DAC 1997; Wallis / Junge 2002). Structural violence: Embedded social and political hierarchies—enacted most often by nationstates and their institutions—that impose conditions which place people at high risk for negative consequences, such as unemployment, malnutrition, mental illness, suicide, crime, disease and ill health. The sources of structural violence may be difficult to identity, but its results are normally visible. During the twelve years that Mohandas K. Gandhi spent in South Africa after 1902, he came to see the impact that structural forms of violence could have on society: hunger, poverty, the oppression of women, the privilege of the few and the powerlessness of the many. Observing a pathological violence ingrained in societal structures—a structural exploitation more than intentional harm inflicted upon innocent victims by evil people—would fuel Gandhi’s campaigns and underlie his insistence on the technique of non-violent resistance. For Gandhi, what he saw in South Africa highlighted the depths of institutionalised violence and convinced him of the need for a procedure that could undermine such violence from within. The concept of structural violence also hints at transactional relationships with other types of violence, such as domestic violence, sexual exploitation of children and drug trafficking. Such silent types of violence have a mutual effect on one another and often a disproportionate impact on marginalized populations ( Miller, 2004). Stakeholders: Stakeholders are people who will be affected by a conflict or the resolution of that conflict. It includes current disputants, and also people who are not currently involved in the conflict but might become involved because they are likely to be affected by the conflict or its outcome sometime in the future (Conflict Research Consortium 1998). Third Party Intervention: The term “third party” usually refers to a person who gets involved in a dispute in an effort to help the disputing parties resolve the problem. This third party can be an outside actor, or he or she may be a person already involved in the conflict (an insider) who takes on the role of a mediator to help work out a mutually-acceptable resolution (Conflict Research Consortium 1998). Violence: the intentional use of physical force or power, threatened or actual, against oneself, another person, or against a group or community, that either results in or has a high likelihood of resulting in injury, death, psychological harm, maldevelopment or deprivation (World Health Organisation 2003). Violent Conflict: The EU defines violent conflict as "a situation where parties go beyond seeking to attain their goals peacefully and try to dominate or destroy the opposing groups ability to pursue its own interests" (CPN 1999). There are various ways of categorising violent conflict, from smallscale feuds and gang warfare up to inter-state and world wars (PIOOM 2001). Once the level of violence in any conflict reaches a certain undefinable threshold, it fuels further violence creating a “vicious circle” which more or less describes what is defined here as a crisis. Violent conflict is much easier to prevent before this threshold has been reached than to contain once this threshold has been crossed (Wallis / Junge 2002). Annexe III : Organisations partenaires d’ARCA (en anglais) Associations and Resources for Conflict Management Skills (ARCA) was established to directly contribute to improving the quality, content and methodology of peace education and training in conflict transformation across Europe through the gathering of best practices, exchange of methods, development of resource and the establishment of a European-wide network of peace educators and data-base of peace education resources. Involving 13 partner organisations from 11 countries—including many of Europe’s leading training and education centres in peace education and conflict transformation—the project strives to improve sharing of experiences, tools and methodologies and to positively influence institutions, centres of adult learning, formal and non-formal educational bodies, project partners, teachers and professors, ministries of education, national parliaments, EU parliament and organisations/institutions working with formal and non-formal peace education. Core concepts which are promoted include: conflict transformation by peaceful means; peace education; skills, tools and knowledge for handling conflicts with creativity, nonviolence and empathy; promoting and developing proven methods and approaches for conflict transformation from the inter- and intrapersonal to the inter- and intra-community, culture and state levels; overcoming enemy images, dehumanisation and stereotyping; empowering individuals and communities to deal with conflicts constructively; nonviolent communication and engagement and management of conflicts; and civil peace interventions. Following is a description of and contact information for all 13 ARCA partners: Peace Action Training and Research Institute of Romania (PATRIR) The Peace Action, Training and Research Institute of Romania (PATRIR) is an independent, non-governmental and non-profit organization, active in Romania and internationally since March 2001. The main purpose of PATRIR is to promote peacebuilding, and constructive conflict transformation, and at the same time the prevention of all forms of violence -direct, structural, and cultural- in Romania, and internationally. As the first peace institute in the history of Romania, it has been involved in the development of resources for conflict transformation by peaceful means in Romania and, by invitation, through the peacebuilding processes in which it has taken part in Europe, Latin America, Africa and Asia. Since 2001, PATRIR has become one of the leading international centers for adult training in the field of peacebuilding and conflict transformation, postwar rebuilding, reconciliation and resolution. www.patrir.ro Norwegian Peace Association (NPA) The Norwegian Peace Association is Norway 's oldest peace organization. It was founded in 1885 by MP Wollert Konow. Among its first members were renowned authors Bjørnstjerne Bjørnson and Arne Garborg. The organisation played a major role in the peaceful devolvement of the Union with Sweden in 1905, along with its Swedish sister organisation. Today it is an Independent NGO with a roster of about 350 volunteers and no permanent staff. The NPA works for lasting world peace based on economic and social justice, freedom and personal responsibility, and for the development of a culture of peace where conflicts within and between countries are managed constructively and nonviolently. The NPA takes an active role in influencing Norwegian opinion and policy-makers by lobbying with partners for peace-friendly policies on the national and international arena. Some of the focal points in this activity are the cause and prevention of violent conflict, alternative solutions to war and, global disarmament. The organization consists of individuals with both academic expertise and international experience working with conflict transformation, peace education and training. The focus is mainly on non-formal education to create a higher awareness and better understanding of peace and security issues, and on emphasizing the root causes of violent conflicts and war. The NPA is a member organisation of the Nonviolent Peaceforce and a partner in the ARCA and ALPICOM projects. For more information see: www.fredslaget.no Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN) The "Mouvement pour une Alternative Non-violente" (MAN) was founded in 1974 and has as aims the promotion of theoretical reflection on nonviolence as well concrete nonviolent action from the local to the international level. MAN brings together nonviolent activists in France in 19 local groups. The MAN groups work on a variety of topics, such as Civil Peace Intervention (“ICP” in French), social conflicts in France, peace education, nuclear weapons, the armament economy, etc. The groups' initiatives and actions are coordinated by the national office, based in Paris. Besides the support to local groups, the MAN national office also coordinates the French “Comité ICP” for the promotion of Nonviolent Third Party Intervention both to a wider public and to political institutions. The "Comité ICP" includes among its members organisations that send volunteers on international civilian peacekeeping and peacebuilding missions. MAN/Comité ICP is the French member organisation Nonviolent Peaceforce (NP) and actively participating in the European Network for Civil Peace Services (EN.CPS). http://nonviolence.fr/ Austrian Study Center for Peace and Conflict Resolution (ASPR) The ASPR was founded in September 1982 as an independent, non-profit and non-partisan organisation. It aims to contribute to the promotion of peace and peaceful conflict transformation and to the dissemination of practical ideas for peace. In this sense, the ASPR was the founder of the European University Centre for Peace Studies (EPU) and established a European Peace Museum in Schlaining Castle in the year 2001. In order to facilitate its activities, the ASPR set up a unique infrastructure including the Peace Library in a former synagogue, a Conference Centre in Schlaining Castle, the Hotel Burg Schlaining, and Haus International, which is a student hostel. For these and other efforts the ASPR was awarded UN “Peace Messenger” status in 1987, and in 1995 the ASPR and the EPU were awarded the UNESCO “Prize for Peace Education”, and in 2002 the UNESCO UniTwin Award. http://www.aspr.ac.at/aspr.htm Nonviolent Peaceforce (NP) Nonviolent Peaceforce is an unarmed peacekeeping force composed of paid trained civilians from all around the world. In partnership with local groups, NP members apply non-violent strategies to protect human rights, deter violence and help local peacemakers in their work. NP vision is to create a large-scale nonviolent peaceforce through the development of projects and additional models for deployment, public education, training and advocacy. Launched in 1999 at the Hague Appeal for Peace and born at the convening event in Surajkund, India in 2002, NP is a federation of 90 Member Organisations from around the world. www.nonviolentpeaceforce.org BOCS Foundation BOCS Foundation has been working on the Hungarian speaking areas (Hungary, and minorities in Romania, Serbia, Ukraine, Slovakia) since 1975 (registered in 1994). Its work is aimed at global education (first of all peace and environmental education), international development cooperation (help schooling of poor village girls in India since 1977), rights of future generations and conscientious objectors (some of us were in prison in the communist period of Hungary), sexual and reproductive health and rights, freedom of religions. http://bocs.hu/index.php?lg=en Centro Studi Difesa Civile (CSDC) CDSC (Civilian Defence Research Centre) is an Italian think-tank funded in 1988 to promote nonviolent and constructive conflict resolution in our societies. It has since contributed to the development of social research on peace and security issues in Italy in different forms. CSDC’s mission is the promotion of constructive conflict management to overcome intra and inter-state tensions. CSDC’s working method is inspired by Gandhi’s principle that a seed is equivalent to a tree. Principal aims of CSDC are: to promote unarmed civilian defence (or nonviolent popular defence); to analyse the transition from armed to unarmed defence; to promote research on nonviolent conflict management; to develop historical research on examples of unarmed resistance; and to strengthen co-operation at the national and international level amongst civil society organisations and NGOs. www.pacedifesa.org Federation for Social Defence (Bund für Soziale Verteidigung - BSV) BSV is an independent non-governmental organisation based in Germany. It was founded in 1989 to develop concepts and projects of non-violence defense and peacebuilding. The federation unites people and organisations of different ideological, religious and political convictions and affiliations who consider non-violence the only answer to the threats and dangers human kind faces. BSV works in three areas: nonviolent intervention; protest and lobby work to replace armed forces by nonviolent means; and training and education for a culture of nonviolence in Germany and Europe. www.soziale-verteidigung.de Partners for Democratic Change Slovakia (PDCS) PDCS stands for Partners for Democratic Change Slovakia. PDCS is independent non-governmental non-profit organization. PDCS provides professional education and consultation-advisory services and issues publications. PDCS is part of a network of similar institutions in 13 countries Partners for Democratic Change International. The mission of PDCS is to help develop and promote culture of democracy, expand democratic approaches and mechanisms for dialogue and conflict prevention. We fulfil PDCS mission by working with non-profit organizations, public administration institutions and cross-sector partnerships in development programs and by arranging cultured dialogue among various interest groups. http://www.pdcs.sk/en/index.php Institute for Applied Cultural Research (IFAK) The Institute for Applied Cultural Research (IFAK) is a cultural association active since 1988. It was created by cultural and social scientists with the aim to connect science and cultural praxis, to develop political ideas in projects with groups from different fields of the society and to support the development of intercultural competencies. www.ifak-goettingen.de Peaceworkers UK (PWUK) PeaceworkersUK (PWUK) is part of the Peacebuilding Issues Programme of International Alert (IA). Previously an independent NGO, PWUK become part of IA in 2006. PWUK focuses on raising standards in the field of conflict prevention, crisis management and peacebuilding through an integrated programme of research, training, assessment and recruitment. Peaceworkers UK works with voluntary organisations, government departments, inter-governmental organisations (IGOs) and other bodies to promote the appropriate use civilians in the prevention, management and resolution of violent conflict and the alleviation of suffering caused by violent conflict. They provide education and training programmes to enhance the skills of civilians working in regions affected by conflict. Finally, PWUK conducts research into the use of civilian personnel for the prevention, management, and resolution of conflict. The results of this research are disseminated to an array of parliamentarians, NGOs, government departments, academics and other relevant bodies. [email protected] Nova - Center for Social Innovation (NOVA) Nova - Center for Social Innovation, promotes social innovation with popular participation and intercultural dialogue to help to generate alternative socioeconomic models to globalization, a culture of peace based on civil alternatives of defense and a more sustainable and participatory society. It collaborates with organizations and institutions interested in starting projects that promote social innovation and provide participative tools and services that allow citizens to become actively involved in these processes, including dialogue between cultures wherever possible. www.nova.cat University of Florence - Dipartimento di studi sociali (UNIFI) It has been established in 1988 as an autonomous research body within the University of Florence, Faculty of Educational Sciences. The Department works in an interdisciplinary way, since it is made by sociologists, anthropologists, psychologists, historians. Main areas of activity: Since the academic year 2001-2002 the Department organises (together with the DISPO – Department of Political Sciences) the BA course "Operazioni di pace, gestione e mediazione dei conflitti" (Peace operations, conflict resolution and mediation). This is one of the two BA Courses established in Italy in the field of Peace and Conflict Transformation studies. Thus, the Department offers unique expertise in Italy in the fields of conflict resolution and transformation as well as mediation. A particular attention is devoted to the topic of Peace Education and training in Conflict Transformation, both at school level and at the level of vocational training / adult education. In the year 2006, the Department started a 1-year Master Programme on Mediation in societal and intercultural conflicts. http://wwwnt.unifi.it/studi-soc/