Le mariage pour tous pour les enfants

Transcription

Le mariage pour tous pour les enfants
Le mariage pour tous pour les enfants
Sketch théâtral
Le texte qui suit est la transcription d’un sketch théâtral joué à Télécom ParisTech en Juin 2013. Il
s’agit d’une création collective transposant au théâtre l’étude de la controverse « Mariage ou Manif
pour tous », réalisée par 7 étudiants et 2 encadrants dans le cadre du cours de sociologie des
controverses à Telecom Paristech au printemps 2013.
Cette expérience s’inscrit dans le programme de recherche en pédagogie FORCCAST (financement
IDEFI/ANR, direction executive Nicolas Benvegnu, Science Po Paris).
Etudiants : Myriam Bakir, Yu Ling Cheng, Charly Fontaine, Sara Moujahid, Edouard Seignol,
Guillaume Soulé, Dominique Yang
Encadrants : Valérie Beaudouin, Olivier Fournout
Dessins : Yu Ling Cheng
Transcription à partir de la captation vidéo de la pièce, publiée en ligne sous licence Creative
Commons en co-création élèves-enseignants (
: Attribution + Pas d’Utilisation Commerciale
+ Partage dans les mêmes conditions), avec l’aide de Nam Phan Van Song (Master 2 de médiation
scientifique de l’Université Paris 7).
Le mariage pour tous pour les enfants
Personnages :
Les enfants
Myriam
Yu Ling
Sara
Dominique
Hector
Baptiste
Les adultes
Erwan, l’oncle
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Agnès, la tante
Le Prêtre
Le Maître
A la télévision
Ted
Barney
Passante
Client du bar 1
Client du bar 2
A l’Assemblée Nationale
Président de l’Assemblée Nationale
Christiane Taubira, Ministre de la justice et Garde des Sceaux
Henri Guaino, Député de l’opposition
Député de l’opposition 1
Député de l’opposition 2
Député de la majorité 1
Député de la majorité 2
A la Mairie du XIIIème arrondissement de Paris
Le Maire
Homme 1
Homme 2
2
Scène 1
A la sortie de l’école
Yu Ling : C’était nul aujourd’hui, Baptiste il était trop méchant avec moi !
Myriam : C’est vrai ?
Yu Ling : Mais oui !
Myriam : Pourquoi ?
Yu Ling : Il n’arrête pas de m’embêter…
Myriam : C’est normal, c’est un garçon !
Yu Ling : Mais oui… c’est nul, les garçons.
Myriam : Bah oui… Tu sais quoi ? Les filles, c’est mieux !
Yu Ling : Oui.
Myriam : Et toi, tu es la plus belle.
Yu Ling : C’est gentil !
Elles s’embrassent
Yu Ling, excitée : J’ai une idée !
Myriam, excitée : Dis-moi !
Yu Ling : On se marie toutes les deux ?
Myriam : Oui ! Et tu sais comment faire ?
Yu Ling : Ben non !
Myriam : Ben, ma maman elle m’a dit qu’il fallait aller à l’église.
Yu Ling : D’accord.
Myriam : Allez, on y va !
Scène 2
A l’église
Yu Ling et Myriam, ensemble : Monsieur le prêtre, Monsieur le prêtre, Monsieur le prêtre !
Le Prêtre : Oh là, on se calme, on se calme ! Vous vous croyez où là ? À Notre-Dame des Landes ?
Que me vaut le plaisir de vous voir ?
Myriam : Ben, on s’aime beaucoup alors on veut se marier !
Yu Ling : On veut se marier !
Le Prêtre : Ah ! Vous mariez… Ensemble ?
Myriam : Oui !
Yu Ling : Bah oui, toutes les deux !
Myriam : On s’aime beaucoup alors on veut se marier !
Le Prêtre : Mais vous vous rendez bien compte que quand on joue, on joue au papa et à la maman !
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(Il insiste bien sur la différence :) Papa / maman.
Myriam, vite : Ben oui ! Des fois c’est moi qui joue le papa, et après c’est elle, la maman !
Yu Ling, vite : Et après c’est moi le papa, et elle c’est la maman !
Myriam, vite : Et après c’est moi le papa, et après c’est elle la maman !
Le Prêtre : Non mais là, vous n’avez rien compris ! Je vous marie pas pour cinq minutes, je ne
vous marie pas pour le papa puis la maman puis la maman puis le papa. C’est n’importe quoi. Vous
savez très bien qu’à l’église, en fait, ce qu’on fait, c’est qu’on a besoin d’un papa, d’une maman, on
suit les lois établies depuis longtemps… On ne peut pas se permettre de déroger comme ça à la
règle !
Yu Ling : Mais on n’est pas méchantes ! En plus, ma maman, elle est bouddhiste. Et elle a dit
que…
Le Prêtre, navré : Elle est bouddhiste !
Yu Ling : …les homosexuels, c’étaient pas des méchants, et ils avaient le droit de s’aimer !
Le Prêtre : Mais on n’a jamais dit que les homosexuels étaient méchants. J’ai juste dit que je ne
peux pas marier une femme et une femme, ou un homme et un homme.
Yu Ling : Deux minutes, alors ?
Myriam : Une minute ?
Le Prêtre : On ne va pas marchander là-dessus. Vous commencez vraiment à me faciliter le …
Vraiment, allez voir autre part. Je ne peux pas me permettre de vous marier.
Myriam, insistante : Ben allez, après, nous, on veut avoir des bébés et tout…
Le Prêtre : Non, on ne va pas commencer à aborder la PMA et la GPA, non !
Myriam : Allez ! C’est quoi la GPA ?
Le Prêtre : Non, c’est trop compliqué. Je n’ai rien dit. Vous être trop petites ! Non, non, non ! Allez
voir autre part s’il vous plaît. Je suis désolé pour vous, vous reviendrez quand vous aurez… un
mari !
Myriam : Tu sais quoi, et bien ma maman elle m’a dit que la France c’était un pays laïque, alors on
n’a pas besoin de toi ! Pprrtt !
Le Prêtre : C’est pour ça que vous êtes venues me voir !
Les filles sortent de l’Eglise.
Myriam : On va voir Erwan, parce qu’il a toujours réponse à tout ?
Yu Ling : D’accord !
Scène 3
A la maison
Myriam et Yu Ling, ensemble : Erwan, Erwan, Erwan !
Erwan : Je suis là ! Salut les enfants, ça va ?
Myriam : Ça va.
Yu Ling : Enfin non, ça va pas ! On veut se marier et à l’église ils ont dit qu’on n’avait pas le droit !
4
Erwan : Ou là, c’est bien compliqué, çà ! Vous savez, à l’église, c’est normal, parce que les prêtres,
ils ne marient pas les couples hétérosexuels, euh… homosexuels ! J’en perds mon langage.
Yu Ling : Tous les prêtres, ils veulent pas ?
Myriam : Nous sommes tous méchants ?
Erwan : En fait, il s’est opposé au mariage religieux homosexuel puisqu’il est issu de la doctrine
religieuse chrétienne ! C’est normal ! Mais par contre, aujourd’hui, et depuis le passage du projet de
loi pour le mariage pour tous, les couples homosexuels ont le droit de se marier en France, grâce à
Tonton Hollande.
Yu Ling : C’est une bonne nouvelle !
Myriam : Oui, ça veut dire qu’on va pouvoir se marier toutes les deux !
Erwan : Oui, c’était une promesse de campagne de François Hollande, et après un long combat, on
a réussi à faire passer cette loi. C’est une grande victoire pour la gauche !
Yu Ling : Et pourquoi c’était compliqué ?
Erwan : Ben, il y avait beaucoup d’opposants, dans la population et aussi parmi les élus de droite.
Yu Ling : Eh, ça me rappelle quelque chose que j’ai vu à la télé !
Myriam : C’est vrai ?
Yu Ling : Oui, c’était… C’était aux États-Unis… Si tu veux, je te montre !
Myriam : Ouais !
Yu Ling : Viens !
Scène 4
Chambre / A la télé
Myriam et Yu Ling sont assises devant leur télé
Myriam : C’est sur quelle chaîne ?
Yu Ling : La 2 !
A la télé
Ted: And kids, this is how I met your father !
Dans la chambre
Myriam : Pause ! Non mais je comprends rien, on met en français !
Yu Ling : D’accord !
A la télé
Ted, narrant son histoire aux spectateurs : Nous venons de nous marier avec mon
mari Barney et nous voulions aller voir à Paris ce qui se passait car nous étions en
automne 2013 et apparemment, le mariage pour tous venait de passer. Nous avons été
très surpris. Nous avons rencontré des gens très bizarres et entendus les discours très
particuliers.
Dans la chambre, les filles chantent le générique de « How I met your mother »
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A la télé
Ted : Ah ce bistrot était magique, petite baguette !
Barney : Excellente !
Passante : Encore vous ! C’est pas vrai ! On vous voit partout, là ! Est-ce que vous
savez ce que vous m’avez fait ?
Ted : Non, de quoi parlez-vous ?
Passante : Vous nous imposez ce que votre minorité veut au nom de l’égalité ! Et la
majorité, alors ?
Barney : Mais…
Passante : Vous savez ce que vous m’avez fait ?
Barney :…Mais…
Passante : Non non non non ! À cause de vous, j’ai perdu mon statut de maman !
Mon enfant ne peut plus m’appeler maman ! Comment il va m’appeler maintenant ?
Parent A / Parent B !
Dans la chambre
Myriam : Pause ! Pourquoi elle est méchante ?
Yu Ling : Je ne sais pas, elle a dit qu’on ne pouvait plus jouer au papa et à la maman !
Myriam : Tu sais quoi, moi, ça m’énerve, j’ai faim !
Yu Ling : Je vais te chercher à manger !
Myriam : Ouais !
Myriam utilise la télécommande.
A l’écran les personnages reculent, puis avancent.
Myriam : Recule, recule, recule… avance, avance, avance.
A la télé
Ted : C’est incroyable !
Barney : Quelle brutalité!
Ted : Viens, on va boire un verre de vin !
Barney : C’est une très bonne idée !
Au bar, deux hommes arrivent en dansant ensemble, échangent des salutations.
Client du bar 1 : Hey, salut, vous venez d’où ?
Ted : De New York !
Client du bar 2, prend la main de Ted à la recherche d’une alliance : Par contre,
c’est quoi, ça ?
Client du bar 1 : Vous êtes mariés ?
Ted : Ah, mais c’est l’anneau magique ! Vous n’avez pas sauté le pas ? Là, ça y est,
vous pouvez !
Client du bar 2 : Ah, bah vous l’avez franchi !
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Ted : On était au bord du gouffre !
Client du bar 2 : Ah ben nous, on est en plein dedans. Vous ne vous rendez pas
compte !
Barney : On ne comprend pas, là !
Client du bar 1, vite, de plus en plus hystérique : Mais de toute façon, ça change
quoi d’avoir une bague au doigt ou pas ? Hein ? Moi je vais vous le dire, ce que ça
change, à cause de vous, on ne peut même plus se balader tranquillement sans se
faire cracher dessus !
Ted : Ça a toujours été comme ça, on a toujours été un peu stéréotypés, stigmatisés !
Client du bar 2, très ému : Non, c’est pas vrai ! Avant les gens, les gens gardaient ça
pour eux, mais maintenant, on ne peut plus sortir dans la rue sans se faire insulter
directement !
Client du bar 1 : Vous voyez dans quel état vous le mettez !
Client du bar 2 : Vous êtes égoïstes ! Je n’ose même plus sortir c’est insupportable !
Ted : C’est n’importe quoi, on est venu en Europe, on s’est dit que c’était un pays
libre !
Client du bar 1 : Aller dans d’autres pays, allez voir en Belgique et restez pas en
France nous ennuyer, vous ne vous rendez pas compte !
Dans la chambre
Myriam : Stop ! C’est trop compliqué, y en a qui aiment bien, y en a qui aiment pas !
Yu Ling : Oui, y en a qui veulent se marier et il y en a qui veulent pas se marier !
Myriam : Moi, je ne comprends toujours pas. On va voir Tonton ?
Yu Ling : Oui !
Scène 5
A la maison
Yu Ling : Tonton ?
Erwan : Ah, c’était bien la télé, les enfants ?
Yu Ling : Ben c’est compliqué, il y a des gens qui veulent, il y a des gens qui veulent pas ! Et puis
après ils se disputent !
Erwan : Ben, il y avait une grosse opposition pour ce projet de loi, vous savez ! Parmi la population
et aussi parmi les élus !
Yu Ling : Et, regarde, il y a tata !
Myriam : Tata !
Erwan : Bonjour Agnès, comment ça va ? Tu sais, on parle du projet de loi pour le mariage pour
tous, tu te rappelles de ces longs combats, de ces longues journées et nuits passées à l’Assemblée
nationale à débattre ? Ce fut un combat épique !
Myriam : Tu nous racontes ?
Yu Ling : Tu nous racontes ! Tu nous racontes ! Tu nous racontes !
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Agnès : Bien sûr !
Scène 6
A l’Assemblée Nationale
Président de l’Assemblée nationale : La parole est à la Garde des Sceaux, Madame Taubira.
Député de l’opposition 1 : On s’en fout !
Entrée Christiane Taubira sous les applaudissements et les huées
Président de l’Assemblée nationale, en tapant de son marteau : S’il vous plaît !
Christiane Taubira : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés…
Député de l’opposition 1 : Oui, c’est nous ! Ouais
Christiane Taubira : Nous avons l’honneur et le privilège de vous présenter, au nom du
gouvernement, un projet de loi…
Huées dans l’assemblée
Christiane Taubira : Un projet de loi traduisant l’engagement du président de la République
d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
Huées et applaudissements
Christiane Taubira : Ce seront principalement des dispositions du Code civil…
Henri Guaino : C’est ça, ouais !
Christiane Taubira : … Relatives au mariage, à l’adoption et à l’attribution du nom de famille qui
seront adaptées.
Henri Guaino : Et puis brûlez tout le Code civil pendant que vous y êtes, non !
Cris dans l’hémicycle. Le président use de son marteau
Christiane Taubira : Pour cela, nous avons accueilli avec le plus grand respect toutes les personnes
qui ont accepté d’être auditionnées pour ainsi améliorer le texte.
Député de l’opposition 2 : Toutes les personnes ? Mais c’est une blague ! Mais faites un
référendum, qu’on n’en parle plus!
Député de la majorité 1 : C’est stupide !
Christiane Taubira : Ce projet de loi permettra aux couples de même sexe d’entrer dans
l’institution du mariage et de composer une famille, tout comme les couples hétérosexuels, soit par
un contrat, le PACS, soit par le mariage. Ce projet de loi est avant tout un acte d’égalité.
Henri Guaino : Mensonge !
Député de l’opposition 1 : On n’en veut pas !
Député de la majorité 1 : Égalité !
Brouhaha dans l’hémicycle. Le président tape de nouveau de son marteau
Christiane Taubira : Il est inconcevable de penser qu’encore aujourd’hui…
Député de l’opposition 1 : Ben si !
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Brouhaha
Christiane Taubira : …deux personnes qui s’aiment et qui voudraient vieillir ensemble doivent
faire face à cette injustice…
Henri Guaino : C’est une honte !
Député de l’opposition 2 : Ça, c’est une honte !
Brouhaha
Christiane Taubira : …parce que la loi ne leur reconnaît pas les mêmes droits qu’à un autre couple
hétérosexuel aussi stable. Nous avons tous ceux et mêmes obligations et les mêmes devoirs.
Pourquoi n’aurions-nous pas les mêmes droits ?
Henri Guaino : Nous n’accepterons pas que la majorité actuelle décide toute seule !
Christiane Taubira : On ne vous impose rien, Monsieur Guaino ! Vous avez le droit de donner
votre avis au moment du vote !
Henri Guaino : On le fera, merci !
Brouhaha, cris et vociférations permanentes des bancs des députés
Député de l’opposition 1 : On va donner notre avis !
Christiane Taubira : Les mots de notre république sont : « liberté, égalité, fraternité ». Ce projet de
loi représente les mêmes mots. Nous donnons aux couples homosexuels la liberté de choisir de se
marier, d’avoir des enfants et de vivre en égalité…
Henri Guaino : Quel rapport ?
Coups de marteau du président
Christiane Taubira : … avec les autres couples et les autres familles. Cette loi permettra également
d’ouvrir l’adoption à ces mêmes couples…
Député de la majorité 1 : Mariage pour tous !
Député de la majorité 2 : Des enfants pour tous !
Christiane Taubira : …et sera ouverte dans les mêmes conditions que pour les couples
hétérosexuels. Refuser cette loi équivaudrait à refuser des droits à des enfants que vous choisissez
de ne pas voir…
Henri Guaino : Bah oui ! On les refuse !
Christiane Taubira : …et que vous condamnez aux aléas de la vie…
Henri Guaino : Oui !
Christiane Taubira : …et auxquels vous refusez l’amour de l’un de ses parents.
Henri Guaino : Mais quel parent ? Parents A, parents B, parent K ?
Député de l’opposition 1 : Ça part en couilles !
Le président sort de son pupitre un marteau de terrassier avec lequel il réclame le silence
Christiane Taubira : Vous avez choisi de protester contre la reconnaissance des droits de ces
couples.
Henri Guaino : Oui !
Christiane Taubira : c’est votre affaire. Nous, nous sommes fiers de ce que nous faisons.
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Henri Guaino : C’est honteux !
Député de l’opposition 1 : Et vous devriez mieux pas !
Nouveaux coups de marteau
Député de la majorité 1 : Évoluez, grandissez !
Christiane Taubira : Maintenant, ouvrons le vote pour ce projet de loi.
Président de l’Assemblée nationale : Le vote est ouvert !
Coup de marteau
Président de l’Assemblée nationale : Le vote est fermé !
Coup de marteau
Henri Guaino : Je me suis trompé !
Député de la majorité 1 : Henri, va au poteau !
Député de la majorité 2 : L’autre, il s’est gouré !
Scène 7
A la maison
Myriam : Bouh, c’est compliqué tout ça !
Yu Ling : Oui, mais moi je comprends un petit peu mieux, quand même !
Myriam : Oui ?
Yu Ling : Un petit peu mieux.
Erwan : Eh bien c’est pas mal, ça !
Yu Ling : Oui, mais il y a quelque chose que j’ai toujours pas compris, c’est, tout à l’heure, le
prêtre il nous a parlé de GPA.
Myriam: C’est quoi la GPA ?
Yu Ling : C’est quoi la PMA ?
Myriam: C’est quoi la PMA ?
Erwan : Ou là, cela devient compliqué, ça ! Bon, je vais essayer de vous expliquer, quand même.
En gros, la PMA, c’est la procréation médicalement assistée. Ça permet aux couples qui ont un
problème de fertilité d’avoir des enfants grâce à la science.
Yu Ling : Donc nous, c’est bon, on peut ?
Erwan : Bah… Vous êtes un peu jeunes, déjà !
Myriam : Et les deux garçons, à la télé, ils peuvent ?
Erwan : Bon, alors là, il va falloir parler de GPA !
Myriam : C’est quoi la GPA ?
Erwan : En fait, la GPA, bon, on va prendre un exemple, ça va être plus simple. En fait, imaginez
que vos parents aient donné les ingrédients pour faire un gâteau à la voisine et la voisine, elle le fait
pour vos parents, et après, elle leur donne le gâteau. C’est pareil avec l’enfant pour la GPA.
Yu Ling : Elle fait ça gratuitement ?
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Erwan : Là, c’est plus compliqué. Ça devient très compliqué, allez jouer dans votre chambre !
Yu Ling : Viens, on va jouer !
Les filles partent dans leur chambre
Erwan : Ah, ces enfants, ils veulent tout savoir !
Agnès : C’est un peu tôt pour leur âge.
Erwan : Ça me rappelle l’opposition, pendant les débats !
Agnès : Tu te souviens de la Manif pour tous ?
Erwan : Oui, ça avait été un foutu bordel, ça ! Il n’y avait pas eu que ces problèmes-là !
Agnès : Tu te souviens du maire du XIIIème qui avait refusé de les marier ?
Erwan : Ah oui, ça avait été galère, cette histoire !
Agnès : Il refuse subtilement de marier en prétextant exerce sa liberté de conscience…
Erwan : Ah oui, je me souviens…
Scène 8
A la mairie du XIIIème arrondissement de Paris
Homme 1 : Bonjour Monsieur le maire !
Homme 2 : Bonjour !
Le Maire : Bonjour… Messieurs.
Homme 2 : On est là pour se marier !
Le Maire : Ensemble ?
Homme 2 : Oui, tous les deux, ça y est, on a le droit, alors on…
Le Maire : Très bien, très bien. Laissez-moi regarder dans le registre...
Compulse le registre posé sur le bureau. Les hommes pointent successivement des blancs dans le
registre.
Homme 2 : Là ! Mardi !
Le Maire : Non, j’attribue des…
Homme 2 : Mercredi ?
Le Maire : Ah non, non, Bernadette va me trucider…
Homme 1 : Regardez, jeudi ou vendredi, n’importe !
Le Maire : Vous voyez, monsieur, c’est plein, regardez ! Non, moi je vous dis, ce ne sera pas
avant… au bas mot… 2020 !
Homme 2 : Vous faites exprès !
Homme 1, tourne autour du bureau, prend le registre : Regardez, là vous avez de la place !
Le Maire, repoussant l’homme : Restez de l’autre côté du bureau. Calmez-vous.
Homme 2 : Il ne veut pas nous marier au quoi ?
Homme 1 : Je crois que c’est un dialogue de sourds !
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Le Maire : Non, c’est vrai que je ne veux pas vous marier.
Homme 2 : Attendez, nous, on veut des enfants ! On va se marier, quoi !
Homme 1 : Vous êtes obligé de nous marier !
Le Maire : Non, je ne suis pas obligé, voyez-vous. La constitution m’autorise à exercer ce qui
s’appelle ma liberté de conscience.
Homme 1, indigné: C’est n’importe quoi ! Vous êtes maire, vous devez nous marier, les gens qui
viennent, vous proposez une date…pas en 2020 !
Le Maire : Non, mais c’est comme ça depuis la nuit des temps, un homme, une femme, un mariage
et des enfants.
Homme 1 : Là, c’est un homme et un homme.
Le Maire : Moi, ce que je peux vous proposer à l’heure actuelle, c’est que vous alliez à la
préfecture pour le PACS.
Homme 1 : On avait déjà ça avant, on n’est pas venu ici pour… beurrer des biscottes !
Le Maire : Moi de toute façon, je peux vous assurer que d’ici un an ou deux, avec les délais de la
technologie actuelle, vous pourrez vous débrouiller pour avoir un enfant tous seuls…
Homme 2 : N’importe quoi !
Les hommes s’éloignent.
Homme 1 : On est tombé sur un obtus conservateur !
Homme 2 : On va dans le 14e, ils sont vraiment plus cools !
Le Maire : Passez-leur le bonjour de ma part.
Homme 2 : C’est ça !
Scène 9
Dans la chambre, les filles sont endormies
Yu Ling, se réveille : Mais, c’est l’heure de l’école ! Viens, on n’y va, on va être en retard !
Myriam, se réveille : J’ai pas envie…
Yu Ling : Mais si, le maître, il est gentil, en plus !
Myriam: C’est vrai, en plus, il est beau !
Yu Ling : Oui !
Scène 10
A l’école, les élèves s’installent dans la salle de classe
Le Maître : Coucou les enfants.
Les enfants, à l’unisson : Bonjour Monsieur le maître !
Le Maître : Alors, aujourd’hui, c’est un jour un peu spécial, on va dessiner ses parents. Il n’y a pas
de feuilles pour tout le monde, vous faites passer.
Les enfants, à l’unisson : Ouais.
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Benoît : Moi, je m’en fous, j’écris sur la table !
Le Maître : Non, on n’écrit pas sur la table, Benoît ! Et on ne mange pas son stylo Myriam ! On
n’écrit pas sur ses copains ! Allez, les enfants !
Projection des dessins au fur et à mesure des évocations
Le Maître : Qu’est-ce que tu nous as dessiné, là Dominique ?
Yu Ling : Oh, pourquoi il y a deux garçons ?
Les enfants, moqueurs : Ah, il a deux papas !
Hector : Eh, mais, c’est bizarre ça !
Le Maître : Qu’est-ce que tu as dessiné, Hector ?
Hector : Un papa et une maman, comme tout le monde !
Le Maître : Bien joué !
Yu Ling : Moi aussi, j’ai un papa et une maman, mais ils se disputent tout le temps ! Et puis
d’abord, lui (désignant Dominique), il est pas bizarre, il est jaune, comme moi !
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Moqueries de la part des enfants
Le Maître : Allez les enfants, on se calme !
Dominique : De toute façon, Papa et Papa, c’est des supers papas ! Ils m’ont tout dit. Ils m’ont dit
que c’est un monsieur et une madame qui m’ont fait mais ils ne voulaient pas me garder alors c’est
eux qui m’ont pris. Et de toute façon, même j’en ai parlé au spychologue.
Moqueries
Le Maître : S’il vous plaît, s’il vous plaît ! On se détend.
Yu Ling : Et il a dit quoi le spychologue ?
Dominique : Il m’a dit que j’étais bien.
Hector : Bien il s’est trompé !
Yu Ling : Mais toi (en s’adressant à Baptiste) regarde, ton dessin il est bizarre!
Baptiste : Moi j’ai une machine. Je suis un super bébé, moi ! Papa et maman, ils m’ont dit : il y a
papa, maman, et un robot ! Parce qu’ils ne savaient pas faire tout seul. Je suis juste un super bébé !
Brouhaha
Le Maître : Calmez-vous, calmez-vous !
Bon, Myriam, c’est quoi ce que t’as fait ? Pourquoi il y a un animal ?
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Myriam : Ben, c’est parce que mon papa et ma maman, ils pouvaient pas m’avoir, alors ils ont
demandé à une madame de me mettre dans son ventre, et mon papa il m’a dit que c’était une vache
à lait !
Hector : Une vache à lait ?
Yu Ling : Moi, c’est mon papa qui m’a dit que ma maman c’était la grosse vache.
Rires des enfants
Le Maître, de plus en plus dépité : Ah, les enfants, arrêtez s’il vous plaît ! Mais, Sara, tu n’as pas
fini, pourquoi il n’y a qu’une personne sur ton dessin ?
Sara : Ben, j’ai que mon papa et pas ma maman.
Myriam : Mais c’est qui qui t’a fait ton maquillage ?
Sara : Ben personne. Mon papa il dit que j’ai pas besoin de ça. Mon papa il est le plus gentil des
papas. Il est comme ça (écartant les bras) !
Le Maître : Les enfants, c’est la récré, allez-y ! Allez-vous-en ! (Complètement dépassé, se prend
la tête entre les mains) Qu’est-ce qui se passe ?!?
Scène 11
Dans la cour de récré
Baptiste : Viens, on joue au papa et à la maman !
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Myriam : Eh ben nous, on va jouer aux parent A parent B !
Les enfants : Oui, nous aussi !
Brouhaha
Myriam : Mais c’est moi le parent A !
Les enfants : Non, c’est moi !
Baptiste : Qui fait le parent A ?
Les enfants : Moi !
Baptiste : Qui fait le parent B ?
Les élèves restent silencieux
Yu Ling : Moi, je m’en fiche, toute façon, je veux être parent K !
Myriam : Oui, je moi je vais être parent A et toi parent K ! Oui !
Le rideau se baisse
FIN
16

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