L`insatisfaction corporelle
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L`insatisfaction corporelle
Dossier NUTRITION L’insatisfaction corporelle Un obstacle à la pratique d’activité physique chez les jeunes par Jasmine Trudel, travailleuse sociale et kinésiologue Maryse Lefebvre, nutritionniste Ce matin dans le cours d’éducation physique, Ariane ne veut pas participer à l’activité et prétexte avoir oublié son « linge d’éduc ». Ce que vous ne savez pas, c’est que son amie vient de lui faire une remarque sur son poids dans le vestiaire. Elle a peur que d’autres personnes s’aperçoivent qu’elle a engraissé en la voyant en culottes courtes et prévoit déjà sauter le repas du midi... Au Québec, bien que 79 % des jeunes du secondaire présentent un poids normal ou inférieur à la normale, on estime qu’environ 50 % d’entre eux sont insatisfaits de leur apparence1. C’est dire que plusieurs élèves de votre cours d’éducation physique n’aiment probablement pas leur silhouette, leur poids ou la forme de leur corps. L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 précise que 41 % des jeunes filles désirent être plus minces tandis que 24 % des garçons convoient une silhouette plus forte. Ce n’est pas étonnant, pensez-vous, considérant que le discours médical et les préjugés envers les personnes rondes sont des facteurs qui façonnent la norme sociale et alimentent la peur des jeunes de prendre du poids. De plus, les médias et les publicités les exposent constamment à des beautés filiformes, des silhouettes parfaites et des corps hypermusclés. Malheureusement, les enfants et les adolescents en viennent à penser que ces modèles sont normaux et souhaitent atteindre cet idéal, alors qu’ils ne correspondent ni à la norme, ni à la réalité de la diversité corporelle au sein de la population! 22 | Journal Propulsion La problématique d’insatisfaction corporelle chez les jeunes n’est pas sans conséquence. Elle peut, entre autres, devenir un obstacle à la pratique d’activité physique, mener à des comportements alimentaires malsains (ex : sauter des repas, suivre des « régimes »), conduire à de l’anxiété, à la dépression et à une faible estime de soi, et même expliquer pourquoi certains jeunes adoptent de mauvaises habitudes de vie (ex : tabagisme)2-6. En tant qu’éducateur physique, la problématique de l’insatisfaction corporelle mérite toute votre attention, puisqu’elle peut faire écho jusque dans le cours d’éducation physique... L’impact de l’insatisfaction corporelle chez les jeunes sur leur pratique d’activité physique et sportive Julien rêve depuis longtemps de jouer dans l’équipe de football de son école secondaire. Il a malheureusement abandonné l’idée depuis qu’il a entendu l’entraîneur dire à son ami, qui est le plus costaud de la classe, que ce dernier avait la taille et la carrure idéales pour pratiquer ce sport. Julien se considère trop petit et croit à tort qu’il n’a plus aucune chance de faire partie de l’équipe. L’objectif du commentaire de l’entraîneur se voulait positif et encourageant, mais il a été interprété négativement par un jeune qui doute de ses capacités physiques. Pour certains étudiants, la volonté de modeler leur corps intensifiera leur niveau d’activité et ils utiliseront des produits néfastes pour leur santé. En effet, plusieurs d’entre eux, particulièrement des garçons qui s’entraînent dans le but de tendre vers leur idéal musclé, n’hésiteront pas à consommer des suppléments alimentaires pour augmenter leur masse musculaire : 31 % des garçons de 13 ans et 26 % des adolescents de 16 ans l’ont déjà fait7! Océane, elle, a toujours rêvé d’être populaire. Pour y arriver, elle se met en tête d’avoir la Dossier NUTRITION silhouette de son idole, une chanteuse populaire autant auprès des filles que des garçons. Elle se planifie donc un entraînement quotidien de type Boot camp. des conséquences fréquentes de l’insatisfaction corporelle chez les jeunes. Malheureusement, pour tous ces jeunes, bouger n’est plus synonyme de plaisir et devient quelque Au Québec, près de 21 % des adolescents disent chose de contraignant et de désagréable qu’ils s’entraîner de façon intensive dans le but de 1 doivent faire pour « modeler » leur corps ou pour maigrir ou de contrôler leur poids ! Or, s’entraîner diminuer le chiffre sur la balance. à outrance en espérant « Malheureusement, pour Pourtant, pratiquer un sport ou changer sa silhouette peut tous ces jeunes, bouger une activité physique qu’ils aiment augmenter les risques de représente une occasion extraordinaire blessures chez les jeunes. De n’est plus synonyme de d’influencer positivement leur plus, comme les objectifs de plaisir et devient quelque sentiment de compétence et leur perte de poids sont souvent chose de contraignant et de satisfaction corporelle. C’est pourquoi, irréalistes, un sentiment désagréable qu’ils doivent en tant qu’éducateur physique, vous d’échec peut être ressenti pouvez les encourager à bouger pour les et l’activité physique est faire pour ‘‘modeler’’ leur bonnes raisons : avoir du plaisir, relever abandonnée lorsque le poids corps ou pour diminuer le des défis, apprendre à se connaître, souhaité n’est pas atteint. chiffre sur la balance.» améliorer sa condition physique, et plus encore! Pour d’autres, comme Sophie, l’insatisfaction corporelle freinera la motivation à bouger. Sophie n’aime pas participer à la course de l’école : elle a entendu un garçon dire à ses amis qu’il était convaincu qu’elle terminerait la course en dernier puisqu’elle est la « plus grosse du groupe ». Une étude révèle que les commentaires sur le poids reçus dans le cadre de la pratique d’une activité physique peuvent mener à une diminution du plaisir à faire du sport ainsi qu’à une baisse du niveau d’activité physique en général8. Refuser de participer aux activités du cours d’éducation physique est malheureusement l’une Quelques stratégies gagnantes auprès des jeunes L’enfance et l’adolescence sont des moments privilégiés pour ancrer les bases d’une satisfaction corporelle à plus long terme. Voici quelques pistes à considérer pour les aider à développer une image corporelle positive tout en adoptant un mode de vie actif : • Ne tolérez pas les commentaires portant sur le poids ou l’apparence échangés entre les jeunes durant le cours; Les effets néfastes du contrôle du poids sur les habitudes de vie, l’estime de soi et la santé chez les jeunes Journal Propulsion | 23 Dossier NUTRITION • Évitez les activités et les conseils qui visent le poids, cibler plutôt ceux portant sur le développement des compétences et des habiletés; • Félicitez les jeunes sur l’amélioration de leurs habiletés sportives et leur participation sans insister uniquement sur la performance; • Soulignez leur implication dans une multitude d’activités qui leur apportent du plaisir et qui leur permettent de découvrir leur propre talent; • Discutez avec les jeunes des raisons qui les amènent à éviter de participer à certaines activités sportives et trouvez avec eux des solutions à ces obstacles; • Sensibilisez les adolescents aux bienfaits que l’activité physique peut avoir sur leur niveau de stress et d’anxiété; • Discutez des effets négatifs des régimes et de la prise de suppléments avec les jeunes; • N’oubliez pas que nous sommes tous des modèles pour les jeunes et que nous devons être conscients de l’image et des messages que nous véhiculons! Ressources pour les éducateurs physiques Le programme Bien dans sa tête, bien dans sa peau Bien dans sa tête, bien dans peau est un programme de promotion d’une image corporelle saine et de prévention des problèmes reliés au poids conçu pour être implanté à l’école secondaire ou dans le milieu communautaire. Ce programme peut être une source d’inspiration pour réaliser des activités d’éducation et de promotion qui favorisent le développement de saines habitudes de vie. À l’heure actuelle, plus de 300 établissements scolaires, communautaires et de la santé profitent du programme. Pour plus d’information : biendanssapeau.ca La formation Intervenir sur le poids et l’image corporelle à l’adolescence Cette formation d’une journée s’adresse aux intervenants et intervenantes du réseau scolaire, de la santé et du communautaire œuvrant auprès des jeunes de 12 à 17 ans. Elle a pour objectif d’optimiser les interventions auprès des jeunes en prévention des problèmes reliés au poids et en promotion d’une image corporelle saine et diversifiée. Pour plus d’information : [email protected]. La campagne Derrière le miroir Cette campagne invite les jeunes à remettre en question le modèle unique de beauté et à participer activement au changement des normes sociales en ce qui a trait au culte du corps et aux préjugés entourant l’obésité. Invitez les jeunes à visiter le site web www.derrierelemiroir.ca où ces derniers pourront jouer, lire et écrire des billets de blogues, participer à des projets d’engagement, donner leur opinion et plus encore. Si vous voulez participer activement à la campagne ou encore aborder le sujet du poids et de l’image corporelle avec vos jeunes, ÉquiLibre vous propose différents outils dans la section Intervenants du site web. Un atelier développé spécialement pour les éducateurs physiques et les intervenants du sport et du loisir L’insatisfaction corporelle chez les Soyez attentifs, ÉquiLibre développe en ce moment un atelier en collaboration jeunes a des conséquences bien réelles avec Égale Action qui abordera l’importance de l’image corporelle et de l’estime sur leur développement global, leur de soi sur la pratique d’activité physique et sportive. Pour en connaître plus sur santé et leur estime de soi. Pour changer les initiatives d’ÉquiLibre, visitez notre site web au www.equilibre.ca et abonnezles choses, il importe que parents, vous à l’infolettre pour demeurer informé! professionnels de l’éducation et de la santé se mobilisent autour de cette problématique. Laissons de côté le modèle irréaliste du corps parfait; apprenons plutôt aux jeunes à ouvrir les yeux sur les charmes de la diversité, à découvrir les plaisirs de bouger et à être bien dans sa peau! Bibliographie 1. L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011. Le visage des jeunes d’aujourd’hui : leur santé physique et leurs habitudes de vie, Tome 1, Québec, Institut de la statistique du Québec, 258 p. 2012. 2. C.D. Jensen et autres, «Body dissatisfaction, weight criticism, and self-reported physical activity in preadolescent children», Journal of Pediatric Psychology, vol. 34, p.822-826. 2009 3. F. Johnson, J. Wardle, «Dietary restraint, body dissatisfaction, and psychological distress : A prospective analysis», Journal of abnormal psychology, vol. 114, no 1, p.119-125. 2005 4. P. Van Den Berg et autres, The Association between Body Image and Self-esteem: Variations across Gender, Age, Race/Ethnicity, and Weight Status, Eating Disorders, Research Society 13th Annual Meeting, 2007, Pittsburgh. 5. S.J. Paxton et autres, «Body dissatisfaction prospectively predicts depressive mood and low self-esteem in adolescent girls and boys», Journal of Clinical Child & Adolescent Psychology, vol. 35, no 4, 2006, p.536-549. 6. J. Pesa, «Psychological factors associated with dieting behaviors among female adolescents», Journal of School Health, vol.69, no 5, mai 1999, p.196-201. 7. Ledoux M, Mongeau L, Rivard M (2002). Poids et image corporelle dans Enquête sociale et de santé auprès des enfants et des adolescents québécois 1999, chapitre 14, Institut de la statistique du Québec, Gouvernement du Québec. 8. M.S. Faith et autres, «Weight criticism during physical activity, coping skills, and reported physical activity in children», Pediatrics, vol.110, e23, 2002. 24 | Journal Propulsion