SAINT JEAN ET LES PARACHUTISTES.
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SAINT JEAN ET LES PARACHUTISTES.
SAINT JEAN ET LES PARACHUTISTES. A la lecture de ce titre, vous vous demanderez certainement ce que notre village peut bien avoir à faire avec cette arme prestigieuse! Mais avant de vous donner la réponse, nous allons faire un retour dans l’Histoire : A la fin de la révolution Bolchévique, l’armée russe avait quasiment perdu son corps d’officiers : ceux qui n’avaient pas été tués pendant les combats de 14-18 ou pendant ceux de la révolution avaient en majorité émigré vers l’ouest. Il ne restait plus que de jeunes officiers majoritairement sortis du rang ou du corps des officiers subalternes. C’est à eux qu’échut la tâche de reconstruire une armée digne de ce nom. Contrairement à l’Etat Major Français, constitué de vieilles badernes scrogneugneu, le doigt sur la couture du pantalon, l’œil rivé sur le tableau d’avancement et occupées principalement à préparer la guerre précédente, l’Etat Major russe, constitué d’hommes jeunes qui avaient connu les horreurs de la guerre et ne désiraient pas recommencer, n’était pas bridé par des conceptions périmées. Il s’ensuivit un fourmillement d’idées nouvelles et une remise à plat de tout l’art militaire de l’époque. Et alors que l’Armée Française construisait à grands frais la Ligne Maginot (ultime développement des tranchées de 14-18) couverte par des vieux avions biplans à train fixe et dispersait ses chars dans les régiments d’infanterie, l’armée russe montrait, aux manœuvres de Kiev de l’été 1935, sous les yeux incrédules et stupéfaits des attachés militaires occidentaux, non seulement des charges de cavalerie effectuées par des tanks survolés par des avions monoplans à trains rentrants, mais surtout , et pour la première fois au monde, la mise à terre par parachute de 1050 hommes et le poser d'assaut de 1700 autres avec canons et véhicules, désorganisant les arrières du parti bleu (les vilains-pas beaux en Russie) et assurant ainsi la victoire du parti rouge (bien évidemment les gentils-gentils en URSS, au contraire de chez nous). La démonstration était si magistrale que Staline se dépêcha, à la satisfaction sournoise des allemands, d’envoyer tous les responsables, à commencer par le principal, le maréchal Toukhatchevski, devant le peloton d’exécution, décapitant ainsi une armée qui montrait trop de puissance à son goût. Il s’en mordra les doigts jusqu’au sang en 1941. L’armée Française se devait de réagir à cette démonstration et envoya en U.R.S.S. une mission d'étude. Le 12 septembre 1935, un arrêté signé par le général Denain, ministre de l'air, créa un centre d'instruction parachutiste. Implanté à Avignon-Pujaut, il était commandé par le capitaine Geille qui, en compagnie du capitaine Durieux, venait d'effectuer un stage en U.R.S.S. et d'être breveté moniteur parachutiste à Tuchino. Le 2 octobre 1936 furent organisés deux Groupes d'Infanterie de l'Air (G.I.A.), constitués le 1er octobre 1937 à Reims pour le 601° G.I.A. et à Baraki (Algérie) pour le 602° (voir photo ci dessous avec un vieux coucou pour faire illusion), destinés à transporter ou à parachuter en territoire ennemi des détachements d’infanterie Celui-ci, recouvert de grilles métalliques en V et installé le long de la marne sur la grande et la petite vallée ne servit d’ailleurs à rien d’autre qu’à stocker les trois Morane 406, dont deux en panne, du G.Q.G. et à fournir aux habitants les moyens de se fabriquer des grilles de clôture à bon compte. voir les grilles sous les roues de l’avion Ils furent cantonnés dans les maisons du village qui avait été entièrement évacué à l’exception notable de M. Regnault, 85 ans et dans un premier temps, des commerces. Les officiers étaient installés, eux, dans les châteaux des alentours. Ces jeunes gens turbulents qui s’ennuyaient ferme ne trouvèrent rien de mieux que de saccager les maisons dans lesquelles ils étaient installés au grand dam des habitants quand ceux-ci revinrent. Les Allemands qui, pour une fois, n’y étaient pour rien, mais avaient le dos large, en endossèrent la responsabilité à leur corps défendant. Comble de l’ineptie et preuve évidente que notre EtatMajor avait tout compris, ils étaient appuyés, depuis le 16 mai 40, dans leur mission, par les Dewoitine 520 basés à Esbly, des groupes de chasse 1/3 (Cdt Thibaudet) et 2/3 (Cdt Morlat) qui couvraient la Zone Z (Le GQG de l’air), alors qu’ils auraient été bien plus utiles ailleurs. C’est le groupe 1/3 qui accompagnera, sous les ordres des Capitaines Pape et Schneider, le 23 mai, le Bloch 174 n ° 24 piloté par le Capitaine Antoine de Saint-Exupéry dans la fameuse mission sur Arras, qui donnera naissance au livre "Flight to Arras" publié aux Etats-Unis et interdit en France pendant la guerre, et dont la version française sous le titre de "Pilote de Guerre" ne sera lue des Français qu'après 1945. Le SousLieutenant M. Madon abattra un Messerschmitt 109 au sud-est de la Ferté-Milon (serait-ce celui qui s’est écrasé vers Sammeron ?) le 9 juin 1940 en protégeant l’évacuation (ou la fuite ?) du G.Q.G. et le Groupe de Chasse 1/3 revendiquera 14 victoires sans perte ce jour-là. ci-dessus le D520 du s/s lt M. Madon du GC1/3,7 victoires en 1940 Son devoir accompli, l’armée s’empressa de les oublier, et elle les oublia si bien que, un comble pour des parachutistes, elle oublia aussi de commander les avions destinés à les parachuter. Vint la désastreuse campagne de 1940. Que faire de ces deux unités ? Je vous le donne en mille: loin de les parachuter pour désorganiser les arrières des Allemands, à Sedan, par exemple, ce qui était leur raison d’être, on les envoya d’abord faire un peu de déminage dans la Sarre, puis à Saint Jean lès deux Jumeaux garder le GQG de l’air - dont les services administratifs étaient installés dans le séminaire- et le terrain d’aviation. Mais là, au moins, il était, enfin, mais un peu tard, en première ligne (Esbly sera évacué le 10 juin, le pont de Changis sautera le 11 et les panzer entreront à Paris le 14). La leçon avait donc été retenue par d’autres qui nous l’appliquèrent, avec succès, en mai-juin 40, mais ceci est une autre histoire. Que nous reste-t‘il de visible de cette aventure ? l’exséminaire et ex-G.Q.G. (l’hôpital inter-communal) bien sûr, quelques clôtures, ça et là, constituées à l’aide des grilles du terrain, les 4 casemates d’artillerie de la ligne Chauvineau situées à l’entrée est du village et la salle des fêtes (ex foyer du soldat). Jean-Claude CHAUFFOURIER