Note de synthèse - Ordre des Experts

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Note de synthèse - Ordre des Experts
SYNTHESE
Fiscal
Textes et références
Articles 1653 C, 1729 b,
1754 V du CGI
Articles L 80 A, L 80 B, L
80 CB, L 64 et L 64 B du
Livre des procédures
fiscales
Instructions
du
9
septembre : BOI : 13 L10-10, 13 L-11-10, 13 L9-10, 13 N-3-10 et 13 M2-10
Les dernières nouveautés
en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
1
Garanties contre les changements de doctrine ................................................... 5
1.1 Interprétations administratives publiées des textes fiscaux (article L 80 A,
2ème deuxième alinéa du LPF) .................................................................................. 6
1.1.1 Champ d’application .................................................................................. 6
1.1.2 Conditions d’application............................................................................ 6
1.1.3 Interprétations publiées par l’administration ......................................... 7
1.1.4 Documents portant interprétation d’un texte fiscal ............................... 7
1.1.5 Les documents ne portant pas interprétation d’un texte fiscal............. 7
1.1.6 Conditions d’opposabilité.......................................................................... 7
1.2 Rescrits et accords tacites .................................................................................. 8
1.2.1 Garantie apportée par une prise de position formelle sur
l’interprétation d’un texte fiscal (article L 80 A, 1er alinéa du LPF) ................ 8
1.2.2 Appréciation d’une situation de fait ...................................................... 10
1.2.3 Second examen des rescrits ..................................................................... 13
2 Commentaires administratifs de la réforme de la procédure de répression
des abus de droit ........................................................................................................... 14
2.1 Nouvelles règles ............................................................................................... 14
2.2 Majoration pour abus de droit et solidarité de paiement des pénalités ... 15
2.2.1 Majoration pour abus de droit ................................................................ 15
2.2.2 Solidarité de paiement.............................................................................. 17
2.3 Comité de l’abus de droit ................................................................................ 17
Synthèse d’experts – décembre 2010
3
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
Les contribuables bénéficient de garanties leur permettant d’invoquer, sous
certaines conditions, la doctrine de l’administration fiscale, notamment en cas de
changements d’interprétation par cette dernière sur un texte fiscal. Les
conditions d'opposabilité de la doctrine varient selon les cas. Il convient de
distinguer les interprétations administratives publiées des textes fiscaux d’une
part, et les procédures de rescrit fiscal et d’accords tacites (qui regroupent les
prises de position formelles de l’administration sur l’appréciation d’un point de
droit ou de situations de fait) d’autre part. De nombreuses modifications ayant
été apportées à ces garanties par la loi de modernisation de l’économie du 4 août
2008, la loi de finances rectificative pour 2008, et par la jurisprudence,
l’administration publie de nouveaux commentaires dans deux instructions du 9
septembre 2010 qui remplacent la documentation administrative précédente.
Par ailleurs, la procédure de répression des abus de droit a été modifiée par
l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008. La refonte de cette
procédure a pour effet de préciser la définition de l’abus de droit, d’harmoniser
les pénalités applicables pour abus de droit ou fraude à la loi, de modifier les
règles de paiement solidaire de ces pénalités et de modifier la composition du
comité consultatif pour la répression des abus de droit, son fonctionnement de
même que sa dénomination. Cette réforme est commentée par l’administration
fiscale dans trois instructions récentes également en date du 9 septembre 2010.
L’objet de cette étude est de présenter les nouveaux commentaires de
l’administration fiscale sur les garanties contre les changements de doctrine et la
réforme de la procédure de répression des abus de droit.
1 Garanties contre les changements de doctrine
Les articles L 80 A et L 80 B du Livre des procédures fiscales (LPF) offrent aux
contribuables une garantie leur permettant d’invoquer la doctrine de
l’administration fiscale. Ces dispositions résultent de la volonté du législateur de
donner aux contribuables une garantie particulière qui a pour effet, sous réserve
que les conditions soient réunies, de les sécuriser sur le plan juridique
notamment en cas de changements d’interprétation de l’administration fiscale
sur un texte fiscal.
L'article L 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) institue, au profit des
contribuables, une garantie contre les changements d'interprétation formelle des
textes fiscaux par l'administration. Les conditions d'opposabilité de la doctrine
doivent, toutefois, être distinguées selon que la garantie trouve son fondement
dans le premier ou le second alinéa de cet article.
Ces dispositions ont été commentées par l’administration fiscale dans la
documentation administrative 13 L-1323 du 1er juillet 2002. Toutefois de
nombreuses modifications ont été apportées depuis cette date par la loi de
modernisation de l’économie du 4 août 2008, la loi de finances rectificative pour
2008, et par la jurisprudence.
Dans ces conditions, l’Administration publie de nouveaux commentaires dans
deux instructions du 9 septembre 2010 qui remplacent la documentation
administrative précitée (13 L-1323).
Synthèse d’experts – décembre 2010
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Ces deux nouvelles instructions commentent séparément :
– les dispositions prévues à l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF qui visent les
interprétations administratives publiées des textes fiscaux (BOI 13 L-10-10) ;
– et les procédures de rescrit fiscal et d’accords tacites (BOI 13 L-11-10) qui
regroupent les prises de position formelles de l’administration sur l’appréciation
d’un point de droit (article L 80 A, 1er alinéa du LPF) ou de situations de fait
(dispositions codifiées aux articles L 18, L 64 B, L 80 B et L 80 C du LPF).
1.1
Interprétations administratives publiées des textes fiscaux (article L 80
A, 2ème deuxième alinéa du LPF)
L'article L 80 A du LPF ne peut être invoqué que par un contribuable qui conteste
son imposition. Il est, par exemple, sans portée dans le contentieux de l’excès de
pouvoir.
La garantie du l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF ne s’applique en pratique que
si la prise de position dont entend se prévaloir un contribuable :
- entre dans le champ d’application de l’article L 80 A du LPF ;
- caractérise une réelle interprétation d’un texte fiscal par l’administration
fiscale ;
- et satisfait la condition d’antériorité.
1.1.1 Champ d’application
Les dispositions de l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF s’appliquent à tous les
impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu du Code général des impôts
ainsi qu’aux taxes dont tout ou partie des règles d’assiette et de recouvrement
sont précisées par référence à des règles définies par le Code précité. Elles ne
s'appliquent pas aux taxes affectées qui ne figurent pas dans le Code général des
impôts, auparavant dénommées taxes parafiscales (il s’agit de prélèvements
obligatoires qui reçoivent une affectation déterminée et qui échappent en totalité
ou en partie aux règles de la législation budgétaire ou fiscale).
Les textes fiscaux sont ceux, de tout rang (législatifs, réglementaires, conventions
internationales), qui se rapportent à l’assiette, au taux, à la liquidation de l’impôt
ou aux règles de prescription.
Rappelons qu’à compter du 1er janvier 2009, la loi de finances rectificative pour
2008 étend la garantie au recouvrement de l’impôt et aux pénalités fiscales. Ces
dispositions sont applicables aux instances en cours : des doctrines antérieures à
la date de publication de la loi de finances rectificative pour 2008 sont donc
opposables.
1.1.2 Conditions d’application
L’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF s’applique à toutes les impositions, qu’elles
soient primitives ou supplémentaires, y compris dans le cas où l'initiative de
l'imposition appartenant entièrement à l'administration, le contribuable n'a pas à
souscrire de déclaration, ni donc à appliquer un texte fiscal.
6
Synthèse d’experts – décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
Mais, le contribuable ne peut se prévaloir que des seules interprétations
formelles qui ont été publiées par l’administration. Cela étant, les commentaires
de portée générale et les prises de position doctrinales de l’administration fiscale
ne sont opposables que s’ils caractérisent une réelle interprétation des textes
fiscaux et sont publiés.
1.1.3 Interprétations publiées par l’administration
Sont considérées comme des interprétations formelles les documents publiés :
- au Bulletin Officiel des Impôts (BOI) ;
- au Journal Officiel ;
- à compter du 1er mai 2009, sur le site Internet relevant du Premier ministre «
www.circulaires.gouv.fr » (confère BOI 13 A-4-09) ;
- ou sur le site Internet www.impots.gouv.fr dans la rubrique Rescrits.
1.1.4 Documents portant interprétation d’un texte fiscal
Les documents portant interprétation d’un texte fiscal peuvent être regroupés en
deux catégories :
- les documents qui font état de dispositions générales : instructions et circulaires
administratives (seules les instructions ou circulaires administratives qui
apportent des précisions sur le sens d’un texte fiscal de nature à caractériser une
réelle interprétation dudit texte et qui règlent, d'une manière générale, une
situation donnée, peuvent être considérées comme interprétant un texte fiscal),
les réponses ministérielles, la documentation administrative de base et les
précisions de doctrine administrative publiées sur le site www.impots.gouv.fr et
sur le site www.circulaires.gouv.fr ;
- les réponses aux demandes individuelles des contribuables qui peuvent
constituer des documents interprétant un texte fiscal mais qui ne peuvent pas
être invoquées au titre de l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF (confère ci-dessous
1.2.1).
1.1.5 Les documents ne portant pas interprétation d’un texte fiscal
Les documents suivants (liste non exhaustive) ne sont, en revanche, pas
considérés comme interprétant un texte fiscal et ne peuvent donc pas ouvrir droit
à la garantie prévue par l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF :
- le précis administratif de fiscalité
- la charte du Contribuable ;
- les déclarations ministérielles ;
- les cours professés à l’Ecole nationale des impôts ;
- les revues spécialisées.
1.1.6 Conditions d’opposabilité
La garantie prévue par l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF est opposable par un
contribuable dans les conditions suivantes :
- l’interprétation dont il entend se prévaloir ne peut pas être étendue à d’autres
situations que celles qu’elle vise ;
- sa situation doit être conforme aux prévisions de l’interprétation qu’il invoque
(la garantie ne peut être utilement invoquée que si le contribuable satisfait
l’ensemble des conditions d’application de l’interprétation admise par
Synthèse d’experts – décembre 2010
7
l’administration appliquée dans sa rédaction littérale et dans tous ses termes
portant sur un même objet).
Dans l’hypothèse où un contribuable fait une application littérale d’une
instruction administrative publiée ou d’une prise de position de portée générale
comportant une interprétation qui ajoute à la norme, la procédure de l’abus de
droit fiscal est susceptible de s’appliquer si cette application va à l’encontre des
objectifs poursuivis par son auteur.
La garantie instituée par L 80 A, 2ème alinéa du LPF demeure subordonnée à la
condition que la publication de l'interprétation administrative soit intervenue
antérieurement à la date à laquelle le contribuable a fait application de cette
doctrine ou aurait pu en faire application.
1.2
Rescrits et accords tacites
D’une manière générale, il existe deux types de mécanismes, désignés sous le
vocable de « rescrit » (qui sont des mesures ayant pour finalité commune de
garantir une meilleure sécurité juridique et d’apporter une limite au droit de
reprise de l’administration en lui interdisant de procéder à des rehaussements
contraires à ses propres prises de position formelle) :
- la consultation informelle de la direction générale des finances publiques
(DGFiP), au niveau local ou central, ou du ministre saisi de questions écrites par
les parlementaires, pour obtenir une position sur un point de droit (article L 80
A, 1er alinéa du LPF) ou de fait (article L 80 B 1° du LPF) ;
- les demandes formelles avec réponse obligatoire de l’administration dans un
délai encadré (le plus souvent de trois mois, l’absence de réponse valant
généralement approbation implicite. Cela concerne l’abus de droit (article L 64 B
du LPF) et un nombre limité de procédures spécifiques.
Les dispositions de l’article L 80 A, 1er alinéa et des articles L 18, L 64 B, L 80 B et
L 80 C du LPF sont commentées par l’instruction administrative du 9 septembre
2010 (BOI 13 L-11-10). Une distinction est opérée entre la garantie apportée par
une prise de position formelle sur l’interprétation d’un texte fiscal (article L 80 A,
1er alinéa du LPF) et celle apportée par une prise de position formelle sur une
situation de fait (article L 80 B du LPF). Chaque mesure particulière est ensuite
détaillée (champ d’application, conditions de mise en œuvre et étendue de la
garantie). Un recueil de fiches pratiques par nature de rescrit est par ailleurs
fourni au contribuable. La procédure de second examen contre les prises de
position formelle instituée par la loi de finances rectificative pour 2008 et codifiée
à l’article L 80 CB du LPF fait également l’objet de commentaires.
1.2.1 Garantie apportée par une prise de position formelle sur
l’interprétation d’un texte fiscal (article L 80 A, 1er alinéa du LPF)
De la même manière que pour l’article L 80 A, 2ème alinéa du LPF, la garantie
instituée par l'article L 80 A, 1er alinéa du LPF :
- se limite au cas où l’administration procède à l’interprétation d’un texte fiscal
permettant d’obtenir une position formelle sur un point de droit ;
- s'applique à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu du Code
général des impôts.
8
Synthèse d’experts – décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
Toutefois, il existe des différences puisque les dispositions de l'article L 80 A, 1er
alinéa du LPF :
- ne peuvent, en principe, être invoquées que dans le cas où l’administration
fiscale procède au rehaussement d’une imposition antérieure (il en est de même à
ce titre des dispositions de l’article L 80 B du LPF) et non lorsque l’imposition
contestée constitue une imposition primitive pour laquelle un contribuable ne
peut se prévaloir que des instructions et circulaires publiées ;
- est accordée par une interprétation pouvant provenir de sources autres que les
instructions publiées, c'est-à-dire, par exemple, de prises de position
individuelles et, notamment, de réponses à des demandes particulières des
contribuables sur un point de droit.
A la différence de l’article L 80 B du LPF qui porte sur l’appréciation d’une
situation de fait, l’objet intrinsèque de l’article L 80 A du LPF est limité à
l’interprétation d’un texte fiscal. Les demandes individuelles formulées par un
contribuable à l’administration à ce titre doivent donc porter sur un point de
droit fiscal, de portée générale afin, que cette dernière lui fasse connaître le sens
et la portée du ou des textes fiscaux en cause.
La notion de prise de position formelle
L'article L 80 A, 1er alinéa du LPF ne peut être invoqué par les contribuables
qu'en cas de rehaussement fondé sur une interprétation d’un texte fiscal
différente de celle que l'administration avait précédemment formellement
admise. Ainsi, le support doctrinal invocable peut être constitué par des prises de
position formelle qui peuvent ne pas avoir fait l’objet d'une publication, qui sont
à caractère général (instruction, circulaire, documentation de base, réponse
ministérielle, …) ou à caractère individuel (réponse particulière).
Une prise de position peut être considérée comme formelle dès lors qu’elle est
suffisamment explicite et non équivoque. La question n'est donc pas uniquement
de savoir si la prise de position est motivée (la loi ne pose d’ailleurs l’obligation
pour l’administration fiscale de motiver ses prises de position que pour des
demandes formulées au titre des 3°, 3° bis, 4° et 5° de l’article L 80 B du LPF).
Saisie de situations diverses, la jurisprudence1 a notamment précisé qu’une
décision de dégrèvement, non motivée, ne constitue pas une prise de position
formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal.
Documents opposables ou non
L’administration fournit une liste non exhaustive des documents pouvant ou non
être considérés comme opposables par le contribuable2.
Parmi les documents opposables, on citera notamment :
- les prises de position individuelles telles que les réponses de l’administration
aux demandes individuelles portant sur un point de droit (renseignements des
contribuables). Y sont à assimilés tous les documents par lesquels
l'administration prend formellement position sur une question fiscale (par
CE 8 mars 2002 n° 221667, SA Silmeca et conclusions du commissaire du
Gouvernement ; CE 18 mai 2005 n° 264718, Sté Hôpital Privé Nord Parisien ;
CE 25 mai 2005 n° 253199, 10e et 9e s.-s., EURL Pressing Plus)
2 BOI 13 L-11-10, n°23
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Synthèse d’experts – décembre 2010
9
exemple la proposition de rectification consécutive à un contrôle, l'abandon
formel de rehaussement, une prise de position consécutive à un contrôle sur
demande, la décision contentieuse prise sur la réclamation d'un contribuable,
etc...) ;
- les prises de position particulières adressées à des organisations
professionnelles ayant sollicité l'interprétation formelle de l'administration.
Parmi les documents non opposables figurent notamment les décisions de
dégrèvement d'office non motivées, la charte du contribuable, les déclarations
ministérielles au cours des débats parlementaires ou encore les notices
administratives.
L’administration apporte par ailleurs des précisions intéressantes sur les
courriers électroniques3 en indiquant qu’ils ne peuvent pas, en principe, être
invoqués par le contribuable. Toutefois, l’opposabilité peut être admise si les
conditions cumulatives suivantes sont réunies :
- le contribuable établit la preuve de l’existence de la position formelle prise par
courrier électronique ;
- le document produit est complet (avec notamment mention du nom, des
fonctions et coordonnées de l’agent) et permet d’établir avec certitude le point de
départ (date de la saisine) et l’expiration du délai de réponse ;
- la réponse ainsi faite satisfait l’ensemble des conditions permettant de
caractériser sans équivoque une prise de position formelle (avec notamment le
rappel des faits et du droit applicable et une prise de position explicite, précise et
sans ambiguïté) ;
- la réalité et le contenu de celle-ci ne sont pas contestés par l’administration.
Par ailleurs, dans le cadre d’un contrôle fiscal, les propositions de rectification ou
les réponses aux observations du contribuable peuvent constituer des supports
d’une prise de position formelle. Ainsi, les rehaussements proposés par le
vérificateur, ceux qu’il maintient et ceux qu’il abandonne à la suite de
l’acceptation expresse des arguments du contribuable, formalisent des prises de
position qui engagent l’administration.
1.2.2 Appréciation d’une situation de fait
Les dispositions de l'article L 80 B 1° du LPF (procédure de rescrit général)
permettent aux contribuables de demander à l'administration de prendre
position sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Toutefois, seule une
réponse expresse peut engager l'administration. D’autres dispositifs (rescrits
spécifiques ou accords implicites) prévoient en revanche une réponse obligatoire
de l’administration dans un délai encadré à des demandes de prises de position
formelle, l’absence de réponse valant accord implicite.
Procédure de rescrit général
Les dispositions de l’article L 80 B 1° du LPF, dénommées « procédure de rescrit
général », constituent une extension de la garantie prévue par l’article L 80 A, 1er
alinéa du LPF. Elles ouvrent au contribuable la possibilité d’opposer à
l’administration ses prises de position formelle sur l’appréciation de situations de
fait au regard d’un texte fiscal.
3
10
BOI 13 L-11-10, n° 41 et 43
Synthèse d’experts – décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
Il ne peut être procédé à aucun rehaussement d'impositions si la cause du
rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'appréciation
d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal par un contribuable de bonne
foi et s'il est démontré que l'appréciation faite par le contribuable a été
antérieurement formellement admise par l'administration. Rappelons que cette
garantie ne peut pas être invoquée lorsque l’imposition contestée constitue une
imposition primitive.
Les cas suivants peuvent conduire l’administration à prendre une position
formelle sur des situations de fait :
- au titre du rescrit général : par une réponse particulière individuelle ;
- dans le cadre du contrôle fiscal, les propositions de rectification ou les réponses
aux observations du contribuable peuvent constituer des supports d’une prise de
position formelle. Des exemples sont fournis par l’administration4. Ainsi les
rehaussements proposés par le vérificateur, ceux qu’il maintient et ceux qu’il
abandonne à la suite de l’acceptation expresse des arguments du contribuable,
formalisent des prises de position formelles qui engagent l’administration. Sous
certaines conditions, l’administration peut par ailleurs prendre formellement
position sur des points examinés en cours d’une vérification de comptabilité et
qui n’ont pas donné lieu à des rectifications ;
- dans les cas de taxation d’office d’une imposition mise en recouvrement (même
si suivie d’un dégrèvement) ;
- lors de procédures contentieuses.
En revanche, il n’y a pas de prise de position formelle de l’administration lorsque
le service agit sur le plan gracieux (par exemple décision de dégrèvement
gracieux ou d'une proposition de transaction ou d’un abandon non motivé des
redressements envisagés à l’encontre d’autres entreprises ayant participé à la
même transaction que le contribuable). Par ailleurs, une réponse apportée par
l’administration fiscale ne peut être considérée comme formelle dès lors qu’elle
n’est pas suffisamment précise, explicite, ferme et non équivoque (simples
recommandations internes faites au service, ou visas de l’administration fiscale
quand il s’agit d’un document purement déclaratif).
L'article L 80 B 1° du LPF n'a pas pour objet d'empêcher l'administration de
modifier son analyse d'une situation de fait. L'administration peut toujours
rapporter une prise de position, mais elle ne peut le faire que pour l'avenir, sans
pouvoir revenir rétroactivement sur une appréciation de la situation d’un
contribuable conforme à la position qu'elle avait prise antérieurement.
Rappelons également
l'administration.
que
seule
une
réponse
expresse
peut
engager
Accords implicites
Les dispositifs qui prévoient une réponse obligatoire de l’administration dans un
délai encadré à des demandes de prises de position formelle (l’absence de
réponse valant accord implicite) sont regroupées sous l’appellation « rescrits
spécifiques », et se rapportent aux :
- demandes relatives à certains régimes d’amortissements exceptionnels ou au
régime d’allègement d’impôt sur les bénéfices en faveur des entreprises
nouvelles prévus par l’article 44 sexies du Code général des impôts et en faveur
4
BOI 13 L-11-10, n° 71
Synthèse d’experts – décembre 2010
11
des entreprises s’implantant en Zone Franche Urbaine (ZFU) prévu par l’article
44 octies A du code général des impôts (article L 80 B 2° du LPF) ;
- demandes de contribuables souhaitant savoir si leur projet de dépenses de
recherche est éligible aux dispositions de l’article 244 quater B du Code général
des impôts (article L 80 B, 3° et 3°bis du LPF) ;
- demandes relatives au régime des jeunes entreprises innovantes et des jeunes
entreprises universitaires au sens de l’article 44 sexies-0 A du Code général des
impôts (article L 80 B 4° du LPF) ;
- demandes relatives aux pôles de compétitivité au sens de l’article 44 undecies
du Code général des impôts (article L 80 B 5° du LPF) ;
- demandes des sociétés qui souhaitent obtenir l’assurance qu’elles ne disposent
pas d’un établissement stable en France (article L 80 B 6° du LPF) ;
- procédures permettant de qualifier une activité professionnelle au regard de
certaines catégories de revenus professionnels (bénéfices industriels et
commerciaux et bénéfices non commerciaux) ou d'impôt (impôt sur le revenu ou
impôt sur les sociétés s'agissant de sociétés civiles) en vue de déterminer les
obligations comptables et fiscales auxquelles sont soumis les contribuables
concernés (article L 80 B 8° du LPF).
L’administration5 apporte des précisions et compléments sur les différentes
modalités d’application des « rescrits spécifiques ». On signalera notamment6 en
ce qui concerne le crédit d’impôt recherche (CIR) et les jeunes entreprises
innovantes (JEI) que l’avis favorable sur le statut de JEI accordé à une entreprise
(qui doit consacrer 15% de ses charges fiscalement déductibles à des dépenses
éligibles au CIR ) valide également l’éligibilité de son projet de recherche au
dispositif de CIR. Ainsi, une réponse favorable de l’administration fiscale évite
ainsi à une JEI d’avoir à déposer une nouvelle demande de rescrit spécifique au
crédit d’impôt recherche.
Rescrit Abus de droit (article L 64 B du LPF)
Aux termes de l'article L 64 B du LPF, la procédure de l’abus de droit n'est pas
applicable lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d’un ou
plusieurs actes, a consulté par écrit l'administration en lui fournissant tous les
éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que
l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la
demande.
L’administration rappelle7 notamment qu’elle est en droit d’écarter, comme ne
lui étant pas opposable, les actes constitutifs d’un abus de droit :
- soit que ces actes ont un caractère fictif ;
- soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de
décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être
inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges
fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait
normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
Cette définition couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi. En
pratique, la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant
entre l’apparence juridique créée par l’acte en cause et la réalité, en particulier
BOI 13 L-11-10, n°106 et suivants
BOI 13 L-11-10, n° 222 et 223
7 BOI 13 L-11-10, n° 329
5
6
12
Synthèse d’experts – décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
économique, sous-jacente à cet acte. Selon la jurisprudence, la fraude à la loi en
matière fiscale, souvent résumée par la recherche d’un but exclusivement fiscal,
est constituée toutes les fois que sont réunies cette recherche d’un but
exclusivement fiscal et, d’autre part, l’obtention d’un avantage fiscal par une
application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs
poursuivis par leurs auteurs8, par exemple par le recours à un montage juridique
et économique artificiel9.
La demande présentée par le contribuable doit porter sur les conséquences
fiscales d'un ou plusieurs actes et viser expressément l'article L 64 B du LPF. Le
contribuable doit exposer sa propre analyse fiscale des opérations projetées,
indiquer leurs conséquences fiscales et préciser les conséquences fiscales que
pourraient engendrer l'application de la procédure d'abus de droit fiscal qu'il
entend écarter.
Le ou les actes que le contribuable entend soumettre à l’appréciation de
l’administration s’entendent d’actes écrits ou non qu’ils soient bilatéraux,
multilatéraux voire unilatéraux, c’est-à-dire tout document ou événement qui,
sans être constaté nécessairement par écrit, produit des effets de droit et
manifeste l’intention de son auteur. S’agissant des actes non écrits mais
emportant néanmoins des effets de droit, comme la mise à disposition d’un bien
non formalisée par un écrit par exemple, le contribuable, faute de pouvoir
produire un acte écrit à l’administration procède par description de la situation
de fait concernée.
1.2.3 Second examen des rescrits
Afin de renforcer la garantie de qualité des réponses apportées et, partant, la
sécurité juridique qu’elles confèrent aux demandeurs, un second examen des
prises de position formelle a été institué par la loi de finances rectificative pour
2008 (article L 80 CB du LPF).
Ouvert à l’ensemble des rescrits (général et spécifiques, dans le cadre de
l’appréciation d’une situation de fait à l’exception du rescrit « abus de droit »), il
offre la garantie d’une seconde prise de position formelle de l’administration, si
le contribuable estime qu’elle n’a pas initialement correctement apprécié sa
situation de fait au regard de l’application d’un texte fiscal. Cette seconde prise
de position bénéficie des mêmes garanties et obéit aux même règles et délais que
ceux applicables à la demande initiale, apportant au contribuable une position
définitive de l’administration dans un délai très court. Dans le délai de deux
mois décompté à partir de la date de réception de la réponse de l’administration
à sa demande initiale, un contribuable de bonne foi a la possibilité de solliciter,
auprès du service qui lui a répondu, un second examen de sa demande, présenté
dans les mêmes termes, sans invoquer d’éléments nouveaux.
Ce second examen apporte ainsi plusieurs garanties :
- un champ d'application étendu ;
- un examen collégial ;
CE, 29 décembre 2006, n°283314, Bank of Scotland
CE, 18 mai 2005, n° 267087, Sagal, CE, 18 février 2004, n° 247729, Pléiade et
CE, 27 juillet 2009, n° 295358, Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel
8
9
Synthèse d’experts – décembre 2010
13
- la possibilité pour le contribuable ou son représentant d’être entendu par le
collège ;
- des délais de réponse encadrés ;
- une nouvelle prise de position formelle notifiée au contribuable.
L’administration doit faire connaître la position du collège dans les trois mois à
compter de cette date. A défaut, la société pourra se prévaloir d’une prise de
position favorable implicite10.
2 Commentaires administratifs de la réforme de la procédure de
répression des abus de droit
L’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 a modifié la procédure de
répression des abus de droit prévue aux articles L 64 et L 64 A du LPF. La refonte
de cette procédure a pour effet de préciser la définition de l’abus de droit,
d’harmoniser les pénalités applicables pour abus de droit ou fraude à la loi
(article 1729 du Code général des impôts), de modifier les règles de paiement
solidaire de ces pénalités (article 1754 V 1 du Code général des impôts) et de
modifier la composition du comité consultatif pour la répression des abus de
droit, son fonctionnement de même que sa dénomination (articles 1653 C, 1653 D
et 1653 E du Code général des impôts).
Les dispositions relatives à la procédure de l’abus de droit fiscal s’appliquent aux
propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009. Les
dispositions concernant le comité entrent en vigueur le 1er janvier 2009 et le 1er
avril 2009 concernant sa composition.
L’administration fiscale commente cette réforme dans trois instructions récentes
en date du 9 septembre 2010. Une première instruction (BOI 13 L-9-10) rappelle
les principes généraux de cette procédure en commentant les nouveaux principes
applicables résultant de la réforme. Des précisions générales sont apportées sur
la définition de l’abus de droit, les majorations applicables, la solidarité de
paiement des pénalités ainsi que sur le comité consultatif pour la répression des
abus de droit (composition, règles de fonctionnement…). Les commentaires sur
les modifications apportées aux dispositions concernant la majoration pour abus
de droit et la solidarité de paiement des pénalités en cas d’abus de droit figurent
dans le BOI 13 N-3-10. Par ailleurs, les commentaires sur la composition, le
fonctionnement, la dénomination et la procédure suivie devant le comité de
répression des abus de droit se trouvent désormais dans le BOI 13 M-2-10.
2.1
Nouvelles règles
Désormais, la procédure de l’abus de droit fiscal concerne tous les impôts et peut
être mise en œuvre indifféremment lorsque la situation constitutive de l’abus
porte sur l’assiette, la liquidation de l’impôt ou son paiement.
La nouvelle définition de l’abus de droit (précédemment rappelée - confère supra
1.2.2) couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi. En pratique,
10
14
BOI 13 L-11-10, n° 379
Synthèse d’experts – décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant entre
l’apparence juridique créée par l’acte en cause et la réalité, en particulier
économique, sous-jacente à cet acte. Tout comme avant la réforme de l’abus de
droit, les actes que l’administration peut écarter en démontrant un abus de droit
sont des actes écrits ou non écrits (bail verbal, …) qu’ils soient unilatéraux,
bilatéraux ou multilatéraux : il s’agit en pratique de tout document ou fait (fait
juridique matérialisant une volonté) qui manifeste l’intention de son auteur et
produit des effets de droit.
L’administration11 indique par ailleurs que les décisions susceptibles d’être prises
en compte pour établir une fraude à la loi s’entendent de celles qui vont au-delà
du simple commentaire de la norme et qui de ce fait créent du droit. Il en résulte
que les instructions administratives publiées au BOI ne sont pas constitutives de
décisions au sens de l’article L. 64 du LPF, dans la mesure où elles ont en
principe pour seul objet de commenter la norme (loi, décret ou arrêté) et donc
qu’elles ne créent pas du droit. Toutefois, il peut en être différemment des
instructions dont les dispositions outrepassent le commentaire et comportent
ainsi une interprétation qui ajoute à la norme : dans l’hypothèse où un
contribuable fait une application littérale d’une telle instruction à l’encontre des
objectifs poursuivis par son auteur, la procédure de l’abus de droit fiscal est
susceptible de s’appliquer. En conséquence, la doctrine administrative antérieure
est rapportée (DB 13 L 1531 n° 29 du 1er juillet 2002).
Les décisions administratives entrent dans le champ de l’abus de droit
lorsqu’elles sont de portée générale et comportent une interprétation favorable
de la loi, telles les réponses ministérielles à des questions écrites des
parlementaires ou les réponses à des représentants d’organisations
professionnelles. Les précisions doctrinales apportées par l’administration fiscale
dans les rescrits entrent également dans le champ de l’article L 64 du LPF.
En revanche, les décisions individuelles ne peuvent en aucun cas servir de
fondement à l’application de la procédure d’abus de droit fiscal.
La procédure de l’abus de droit n'est pas applicable lorsqu'un contribuable,
préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs actes, a consulté par écrit
l'administration centrale dans le cadre de la procédure de rescrit « abus de
droit », et que celle-ci n'a pas répondu dans un délai de six mois ou a confirmé
que l’opération présentée ne constituait pas un abus de droit.
2.2
Majoration pour abus de droit et solidarité de paiement des pénalités
2.2.1 Majoration pour abus de droit
L’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 introduit une gradation
de la majoration applicable dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal
en fonction du rôle tenu par le contribuable contrôlé dans les opérations
constitutives de l’abus de droit.
11
BOI 13 L-9-10 n°15 et 16
Synthèse d’experts – décembre 2010
15
Par ailleurs, en cas d’abus de droit, le contribuable contrôlé est le redevable de
l’intérêt de retard et de la majoration pour abus de droit, les parties à l’acte ou
aux actes abusifs étant solidairement responsables de leur paiement avec ce
contribuable.
Alors que sous l’empire des anciennes dispositions, les rectifications opérées en
application de la procédure de répression des abus droit donnaient lieu
automatiquement à l’application d’une majoration de 80 %, cette majoration est
désormais ramenée à 40 % si le service n’établit pas que le contribuable a eu
l’initiative principale de l’opération litigieuse ou en a été le bénéficiaire principal.
Désormais, deux taux sont susceptibles de s’appliquer :
- 40 % dès lors qu’il y a abus de droit ;
- 80 % si le service établit que le contribuable est l’instigateur principal ou le
bénéficiaire principal de l’abus de droit.
L’application de la majoration de 80 % nécessite donc une démonstration et une
motivation étayées dans la proposition de rectification. Cette démonstration
pourra être étayée par tous moyens, notamment par référence à des pièces saisies
suite à une opération de visite et de saisie ou par référence aux fonctions et au
rôle du ou des intéressés dans l’opération en cause. A défaut de cette
démonstration, seule la majoration de 40% est applicable.
Notion de bénéficiaire principal
L’administration a apporté des précisions12 sur la notion de bénéficiaire
principal. Dans tous les cas où le contribuable contrôlé est l’unique bénéficiaire
de l’acte ou des actes écartés, le rehaussement de la majoration pour abus de
droit de 40 à 80 % ne pose pas de difficulté. En cas de pluralité de bénéficiaires, la
notion de bénéficiaire « principal » ou d’instigateur « principal » repose sur une
appréciation qualitative des faits et a vocation à s’appliquer à tous les
contribuables qui ont pris une part active dans le montage considéré comme
abusif par l’administration. Le taux de pénalité de 40 % s’applique lorsque le
contribuable s’est montré « passif » c’est-à-dire n’a pas initié le montage critiqué
ou en a retiré un avantage de moindre importance que celui perçu par les autres
personnes impliquées.
Dans les situations où plusieurs personnes bénéficient des opérations abusives,
l’appréciation du caractère principal du bénéficiaire d’un acte ne se limite pas au
seul critère mathématique. Ainsi, face à deux associés, l’un détenant 50 % plus un
des titres d’une société et son co-associé le solde, l’application de la majoration
au premier des deux associés conduirait à une situation tout à fait inéquitable
que n’a pu souhaiter le législateur. Ont ainsi été considérés comme les principaux
bénéficiaires et les principaux instigateurs tous les participants à une opération
abusive au sens de l’article L 64 du LPF bien que chacun soit actionnaire
minoritaire dès lors que la mise en place de la filiale litigieuse ne trouve sa raison
d’être que dans la participation de plusieurs associés minoritaires13. Le dispositif
permet d’appliquer la sanction au taux de 40 % dès lors que certains bénéficiaires
de l’opération critiquée n’en retirent qu’un avantage fiscal minime attestant ainsi
de l’absence d’intentionnalité dans la manœuvre constatée. Bien entendu, si le ou
les bénéficiaire(s) « secondaire(s) » de l’opération litigieuse sont à l’initiative du
12
13
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BOI 13 N-3-10, n°5
CE n° 295358 du 27 juillet 2009 Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel
Synthèse d’experts – décembre 2010
Les dernières nouveautés en matière de garantie des contribuables
et d’abus de droit
Fiscal
Vos notes et remarques :
montage critiqué et sous réserve que l’administration en fasse la démonstration
dans la proposition de rectification qui leur est adressée, les droits sont assortis
de la majoration de 80%.
2.2.2 Solidarité de paiement
La modification de l’article 1754 V 1 du Code général des impôts a pour effet de
rétablir le contribuable dans sa qualité de redevable des pénalités, dont la
majoration pour abus de droit, les parties à l’acte ou aux actes constitutifs de
l’abus de droit étant solidairement responsables de leur paiement avec ce
contribuable. Peu importe que le contribuable contrôlé soit ou non partie aux
actes que l’administration écarte dans le cadre de la démonstration d’un abus de
droit.
2.3
Comité de l’abus de droit
L’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 a modifié l’article 1653 C
du code général des impôts pour ouvrir la composition du comité consultatif
pour la répression des abus de droit à des professionnels du chiffre et du droit
(un avocat, un notaire et un expert-comptable). Des règles d’incompatibilité pour
la désignation des membres de ce comité sont prévues à l’article 1653 D du Code
général des impôts. La procédure suivie devant le comité est complétée de la
possibilité d’un débat oral et contradictoire prévu à l’article 1653 E du Code
général des impôts. Le comité consultatif pour la répression des abus de droit
devient le « comité de l’abus de droit fiscal ».
L’administration indique14 que lorsque le Comité est saisi, le contribuable et
l’administration sont invités par le président à présenter leurs observations dans
le cadre d’un débat oral et contradictoire. Le contribuable conserve la possibilité
de ne pas se présenter ou de se faire représenter.
14
Notamment BOI 13 L-9-10, n°28
Synthèse d’experts – décembre 2010
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