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ST. MICHAEL’S HOSPITAL Cardiologie UNIVERSITY OF TORONTO RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O Actualités scientifiques MC Les nouveaux bloqueurs de canaux calciques de type L et T en thérapie cardio-vasculaire P r é s e n t é i n i t i a l e m e n t p a r : B A R RY M . M A S S I E , M . D . 46e session scientifique annuelle de l’American College of Cardiology Du 16 au 20 mars 1997, Anaheim, Californie Rédigé et commenté par : JUAN CARLOS MONGE, M.D. Tous les bloqueurs de canaux calciques actuellement Il sera très intéressant de savoir, en relation avec l’effet sur le marché agissent principalement sur les canaux particulier du mibéfradil sur les canaux de type T, calciques membranaires de type L (lents, à haut seuil s’il aura a un effet bénéfique sur les patients présen- d’activation). Les canaux de type T (transitoires, à bas tant une insuffisance cardiaque. Cette possibilité est seuil d’activation) ont été découverts récemment et, pour ceux-ci, aucun antagoniste spécifique n’a encore été introduit en pratique clinique. Le mibéfradil est le premier d’une nouvelle classe de bloqueurs de canaux évoquée par le fait que les myocytes normaux n’expriment pas de canaux de type T, mais que ceux-ci sont réexprimés tout comme d’autres gènes, dans un calciques. Ses propriétés pharmacologiques exception- myocarde en surcharge ou défaillant. L’effet bénéfique nelles incluent un blocage sélectif des canaux calciques probable de cet agent est appuyé par un rapport récent de type T, quoiqu’accompagné d’une certaine inhibi- indiquant qu’il est aussi efficace que le cilazapril, un tion des canaux calciques de voltage dépendant de inhibiteur de l’ECA, pour augmenter la survie d’ani- type L. C’est le seul agent testé en clinique qui possède maux dans un modèle d’insuffisance cardiaque con- une telle action. En conséquence, le mibéfradil inhibe sécutive à un infarctus du myocarde. l’automaticité sinusale davantage que la conduction auriculo-ventriculaire ou que la contractilité myocardique, ce qui entraîne un abaissement du rythme cardiaque sans entraîner d’anomalies de conduction importantes ou d’effets inotropes négatifs. De plus, il L’essai MACH-1 (Mortality Assessment in Congestive Heart Failure) évalue présentement la survie de 2 590 patients prenant le mibéfradil et qui présentent une insuffisance cardiaque de classe 2 à 4 (NYHA) a un effet sélectif sur le muscle lisse vasculaire par ainsi qu’une fraction d’éjection inférieure à 35 %. Cet rapport à son effet sur la contractilité myocardique. essai se terminera fin 1998 et contribuera à élucider le Des essais cliniques récents confirment l’efficacité rôle probable de ce nouvel agent dans la prise en du mibéfradil dans l’hypertension et l’angor stable. charge des patients atteints d’insuffisance cardiaque. Division de cardiologie Luigi Casella, M.D. Robert J. Chisholm, M.D. Paul Dorian, M.D. Michael R. Freeman, M.D. Shaun Goodman, M.D. Robert J. Howard, M.D. Stuart Hutchison, M.D. Anatoly Langer, M.D. (rédacteur) Gordon W. Moe, M.D. Juan Carlos Monge, M.D. David Newman, M.D. Trevor I. Robinson, M.D. Duncan J. Stewart, M.D. (chef) Bradley H. Strauss, M.D. Kenneth R. Watson, M.D. St. Michael’s Hospital 30 Bond St., suite 701A Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5330 Les opinions exprimées sont exclusivement celles des membres de la division. Publié grâce à des subventions sans restrictions. Canaux calciques de type T : tableau 1 Études sur l’hypertension Le fait que les canaux de type L soient exprimés Le résultat de quatre essais contrôlés par placebo, de façon prédominante, sinon exclusivement, dans le dans lesquels les patients atteints d’hypertension faible à myocarde normal, et que les canaux de type T semblent modérée recevaient 25 à 150 mg de mibéfradil une fois par être réexprimés dans le myocarde malade, ouvre de nou- jour, a permis de mettre en évidence une diminution, velles possibilités d’application pour le mibefradil. Il est dépendant de la dose, de la pression diastolique et de la particulièrement intéressant de noter que les canaux de pression systolique. Les effets antihypertenseurs, 24 heures type T sont également présents sur de nombreuses cellules après la prise des doses recommandées (50 et 100 mg), neuro-endocrines et qu’ils sont importants pour la régula- valaient 75 à 100 % de l’effet maximal, ce qui concordait tion des sécrétions hormonales essentielles au fonction- avec la longue durée d’action du médicament. Le mibéfradil a été comparé avec d’autres bloqueurs nement de l’appareil cardio-vasculaire, telles que la rénine ou l’aldostérone. Bien que de nombreux travaux expérimentaux indiquent que le mibéfradil a des propriétés pharmacologiques exceptionnelles, le problème essentiel est de savoir si ces propriétés se reflètent dans des particularités cliniques et physiologiques intéressantes, comparativement aux autres bloqueurs de canaux calciques. Les résultats d’un certain nombre d’études cliniques et expérimentales semblent confirmer cette possibilité. Le de canaux calciques au moins au cours de trois études. Les résultats mettent en évidence l’importance potentielle des propriétés pharmacologiques du médicament. Au cours d’un essai de 12 semaines, avec répartition aléatoire et augmentation systématique des doses, mené à double insu auprès de 198 patients hypertendus, le mibéfradil a été comparé au diltiazem CD. Après une période préliminaire sous placebo, les patients ont été répartis au hasard dans des groupes recevant soit 50 mg de mibéfradil une fois par mibéfradil entraîne une diminution notable du rythme jour, soit 180 mg de dialtiazem CD une fois par jour. Au cardiaque, au moins comparable à celle induite par le véra- bout de quatre semaines, les doses de mibéfradil sont pamil, et qui est supérieure à celle provoquée par les autres passées à 100 mg et celles du dialtiazem CD à 360 mg. bloqueurs de canaux calciques. Dans des préparations Sous l’effet du mibéfradil, la pression sanguine diastolique expérimentales tout autant que chez les humains, ses effets en position assise a été abaissée à 13,0 + 8 mm Hg, sur l’automaticité sinusale sont supérieurs à ceux sur la comparativement à 9,5 + 8 mm Hg chez les patients conduction atrioventriculaire. Enfin, il est le seul, parmi prenant le dialtiazem (p < 0,001). La pression sanguine les bloqueurs de canaux calciques étudiés à ce jour, à pro- diastolique en position assise a atteint une valeur inférieure longer la survie du rat dans un modèle d’infarctus du à 90 mm de mercure ou a subi une diminution d’au moins myocarde. 10 mm Hg plus fréquemment chez les patients prenant du Tableau 1 : Propriétés physiologiques et cliniques attendues des antagonistes spécifiques des canaux calciques de type T et des canaux voltage dépendant de type L Effets physiologiques ↓ – ↓ ↓ Réponses cliniques ↓ fréquence cardiaque – détérioration hémodynamique chez les patients avec une dysfonction systolique (insuffisance cardiaque ou insuffisance ventriculaire gauche) + effets antihypertenseurs + effets anti-angineux ↓ hypertrophie et remodelage tissulaires pathologiques automaticité sinusale effet inotrope négatif tonicité vasculaire lisse réponse aux voies modulant les stimuli trophiques ↓ = réduction; – = absence; + = augmentation Cardiologie Actualités scientifiques mibéfradil que chez ceux prenant le dialtiazem (78 % stable à celui d’autres bloqueurs de canaux calciques. Au contre 62 %, p < 0,02). La fréquence cardiaque a diminué cours de ces études, on a observé que des doses de en moyenne de six battements par minute (bpm) avec le mibéfradil variant de 50 à 150 mg une fois par jour indui- midéfradil et seulement de 2 bpm avec le diltiazem. Au saient une augmentation notable de la durée de l’épreuve total, la pression sanguine a été maîtrisée chez 72 % des d’effort, du temps de survenue de la crise d’angor et du patients prenant le mibéfradil contre 51 % des patients temps nécessaire à l’établissement d’une sous-décallage de prenant le diltiazem (p = 0,002), bien que les pressions 1 mm du segment ST au cours de l’épreuve d’effort. Au sanguines initiales aient été identiques. cours de deux autres études, le mibéfradil a été comparé à On peut prétendre que le diltiazem est l’un des blo- d’autres bloqueurs de canaux calciques. Dans la première queurs de canaux calciques présentement offerts à avoir un étude, on a observé que les patients prenant 100 mg de excellent profil d’effets indésirables. Cependant, dans cet mibéfradil, comparativement à ceux prenant 10 mg d’am- essai, on n’a pas observé de différences significatives du lodipine, une augmentation de la durée de l’épreuve, du profil global, quoique les céphalées et, plus notablement, temps de survenue de la crise d’angor et du temps néces- les œdèmes aient été moins fréquents chez les patients saire à l’établissement d’une sous-décallage de 1 mm du prenant le mibéfradil. segment ST au cours de l’épreuve d’effort. Au cours d’une étude menée par le D R. Y. Lacour- Une grande étude menée conjointement par des cher- cière de l’Université Laval à Québec auprès de patients cheurs en Israël et par le Groupe d’investigateurs euro- atteints d’hypertension assez sévère, le mibéfradil a été péens (European Investigators Group) a permis de tester comparé à la nifédipine GITS. À leur entrée dans l’étude, trois doses de mibéfradil (50, 100 et 150 mg) contre un ces patients présentaient des pressions diastoliques de placebo ou contre de l’amlodipine (5 et 10 mg). Chaque 110 à 125 mm Hg. Les doses de médicaments, admin- groupe comportait 60 patients qui étaient traités pendant istrées une fois par jour, ont été systématiquement aug- trois semaines, puis subissaient une épreuve d’effort. Le mentées sur une période de 6 semaines, jusqu’à 150 mg paramètre principal de l’étude était la durée de l’épreuve. pour le mibéfradil ou jusqu’à 90 mg pour la nifédipine L’effet optimal, qui est significativement meilleur que celui GITS. Au bout de cette période, 20 mg de lisinopril ont été obtenu avec le placebo et l’amlodipine, a été observé avec ajoutés dans les cas où il était nécessaire de maîtriser la 100 mg de mibéfradil. Dans cette étude, l’amlodipine pression sanguine. Soixante-quatorze patients au total ont n’était pas meilleur que le placebo. De plus, le mibéfradil participé à l’étude, 71 % d’entre eux ayant été randomisés, était significativement meilleur que l’amlodipine et le à raison d’environ 50 % dans chaque groupe. Comme on placebo pour ce qui est du temps nécessaire à l’établisse- pouvait s’y attendre pour des cas d’hypertension sévère, ment d’une sous-décallage de 1 mm du segment ST. Par seule une minorité des patients ont vu leur pression ailleurs, il n’est pas certain que le débit coronaire soit dif- maîtrisée à l’aide d’un seul médicament dans les deux férent chez les patients traités avec le mibéfradil, compara- groupes. Au cours de l’étude, le monitorage de la pression tivement à ceux qui étaient traités avec d’autres bloqueurs sanguine s’effectuait au cabinet du médecin et en ambula- de canaux calciques; néanmoins les meilleurs résultats toire. Dans les deux cas, le mibéfradil abaissait la pression obtenus avec le mibéfradil pourraient être expliqués à plus significativement que la nifédipine, cet effet se main- l’aide d’autres paramètres plus courants tels que la diminu- tenant au cours des 24 heures. tion du double produit fréquence cardiaque x pression r sanguine. Dans cette étude, en effet, il n’y avait pas de difÉtudes sur l’ischémie férence de pression sanguine au maximum de l’épreuve, Cinq essais contrôlés par placebo ont été également mais la fréquence cardiaque était abaissée de façon notable menés pour comparer l’effet du mibéfradil sur l’angor avec le mibéfradil, alors qu’il n’y avait aucun changement Cardiologie Actualités scientifiques avec l’amlodipine, ce qui a résulté en une différence très significative du produit double entre les deux médicaments. De plus, une étude de 12 semaines comparant le mibéfradil (100 mg une fois par jour) au diltiazem SR (120 mg deux fois par jour) a permis de mettre en évidence, chez les patients prenant le mibéfradil, une augmentation du temps nécessaire à l’établissement d’une sous-décallage de 1 mm du segment ST (93 + 88 contre 65 + 96 sec.; p = 0,059). Ainsi, le mibéfradil peut avoir des effets anti-angineux accrus, car le blocage cumulé des canaux de type L et des canaux de type T peut avoir des effets additifs. Ultérieurement, les effets anti-ischémiques du mibéfradil et du cardizem CD seront étudiés chez des patients présentant une angine de poitrine stable dans un essai qui sera coordonné par l’Unité des essais cliniques de l’hôpital Référence 1. Mulder P, Richard V, Compagnon P, Henry JP, Lallemand F, Clozel JP, Koen R, Mace B, Thuillez C. Increased survival after long-term treatment with mibefradil, a selective T-channel antagonist, in heart failure. J Am Coll Cardiol 1997;29(2):416-21. Lectures complémentaires Bakx AL, van der Wall EE, Braun S, Emanuelsson H, Bruschke AV, Kobrin I. Effects of the new calcium antagonist mibefradil (Ro 40-5967) on exercise duration in patients with chronic stable angina pectoris: a multicenter placebo-controlled study. Ro 40-5967 International Study Group. Am Heart J 1995;130(4):748-57. Bernink PJ, Prager G, Schelling A, Kobrin I. Antihypertensive properties of the novel calcium antagonist mibefradil (Ro 40-5967). A new generation of calcium antagonists? Mibefradil International Study Group. Hypertension 1996;27(Pt.1):426-32. Braun S, van der Wall EE, Emanuelsson H, Kobrin I. Effects of a new calcium antagonist, mibefradil (Ro 40-5967), on silent ischemia in patients with stable chronic angina pectoris: a multicenter placebocontrolled study. The Mibefradil International Study Group. J Am Coll Cardiol 1996;27(2)317-22. Triggle DJ. Pharmacologic and therapeutic differences among calcium channel antagonists: profile of mibefradil, a new calcium antagonist. Am J Cardiol 1996;78(9A):7-12. Saint-Michel de Toronto. Études dans l’insuffisance cardiaque congestive Le problème le plus intéressant et le plus fascinant qui soit relié à l’action exceptionnelle du mibéfradil sur les canaux calciques de type T est de savoir s’il aura un effet bénéfique sur l’hypertrophie et le remodelage pathologique du myocarde chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque. Il faut attendre, pour avoir la réponse, la fin de l’essai MACH-1 (Mortality Assessment in Congestive Heart Failure) prévue pour fin 1998. Dans cet essai, on évalue actuellement la survie de 2 590 patients présentant une insuffisance de classe 2 à 4 (NYHA) et une fraction d’éjection inférieure à 35 %. Par ailleurs, l’essai comparant les effets du mibéfradil avec ceux des inhibiteurs de l’ACE et des bêta-bloqueurs dans l’insuffisance cardiaque est particulièrement prometteur, car il démontre une association accrue entre le pronostic et des facteurs tels que l’activation neuro-endocrine et son inhibition, les modifications de l’expression des gènes ou les changements de la forme et de la composition du myocarde, plutôt qu’avec les effets hémodynamiques des médicaments. La version française a été revisée par le Dr George Honos, Montréal. ©1997 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Édition : Snell Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Tout recours à un traitement thérapeutique, décrit ou mentionné dans Actualités scientifiques – Cardiologie, doit être conforme aux renseignements d’ordonnance au Canada. Snell Communication Médicale Inc. se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur. 120-62F