L`impact syndical sur l`entreprise canadienne et sa main-d
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L`impact syndical sur l`entreprise canadienne et sa main-d
L’impact syndical sur l’entreprise canadienne et sa main-d’œuvre Revue internationale sur le travail et la société Renaud Paquet et Elmustapha Najem1 Année : Volume : Numéro : Pages : ISSN : Sujets : 2007 5 3 52-73 1705-6616 Syndicalisme, entreprise, main-d’œuvre, travail Résumé L’article offre une compréhension des différences des conditions d’exercice et de rétribution du travail au Canada entre les milieux de travail syndiqués et les milieux de travail non-syndiqués. Il existe une littérature abondante sur les effets de la syndicalisation sur le travail et sa gestion. Certains auteurs notent à juste titre les contradictions des effets attribués au syndicalisme. Selon la perspective économique et sociale adoptée, on en souligne les conséquences positives pour les travailleurs syndiqués et sur l’économie dans son ensemble ou on s’arrête aux impacts négatifs sur les performances des entreprises et sur les niveaux d’emploi qu’elles offrent. Au niveau de l’entreprise, les effets semblent plus clairs. La présence syndicale stabiliserait l’emploi et amènerait de meilleures conditions de travail. En contrepartie, les pratiques de GRH seraient formalisées et caractérisées par une plus grande rigidité. Ainsi, il deviendrait plus difficile pour l’entreprise de s’adapter à un environnement 1 Les auteurs sont professeurs au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais. Ils sont aussi membres du Centre de recherche sur l’emploi, le syndicalisme et le travail. Pour communiquer avec les auteurs, il faut s’adresser à : Renaud Paquet ou Elmustapha Najem, Université du Québec en Outaouais, CP 1250, Succ. Hull, Gatineau, Québec, Canada, J8X 3X7. Par courriel : [email protected] ou [email protected] 53 changeant et d’apporter les transformations ou innovations aux moments où elles sont souhaitées. À partir d’une analyse des données canadiennes, les auteurs offrent un éclairage nouveau sur les diverses facettes de l’impact syndical. Ils présentent tout d’abord les données au niveau du marché du travail, puis examinent les impacts dans un secteur d’activité économique auprès d’entreprises de taille comparable, éliminant ainsi l’effet des variables exogènes les plus importantes. La problématique de l’impact syndical sur l’entreprise intéresse tous les pays industrialisés mais prend une saveur particulière en Amérique du Nord à cause du cadre décentralisé de la régulation des conditions de travail (Bernatchez, 2006). Nous examinerons donc brièvement ce cadre, un tel examen étant nécessaire pour saisir l’importance de l’analyse de l’impact du syndicalisme en sol nord-américain. Dans le contexte actuel de concurrence nationale, continentale et internationale accrues, toute institution qui est perçue comme nuisible à la libre expression des lois du marché est remise en question. Sans rappeler ce contexte dont les effets sont bien connus, nous nous attarderons à une analyse de la littérature sur les effets du syndicalisme en faisant ressortir les propos des deux grandes thèses économiques qui s’opposent et qui prennent source respectivement dans l’économie classique ou néo-classique et dans l’économie institutionnaliste. Puis, pour départir ces grandes thèses, nous évaluerons, à partir des données empiriques canadiennes, la valeur de plusieurs des constats et hypothèses qu’elles formulent. 1. La problématique de l’impact syndical sur l’entreprise Au Canada comme aux États-Unis, la syndicalisation et la négociation des conditions de travail se produisent au niveau de l’entreprise à la différence des pays européens où les principales conditions de travail sont déterminées au niveau sectoriel. Certes, au Canada, les diverses juridictions (les provinces et le gouvernement canadien) imposent des conditions minimales de travail eu égard entre autre au salaire, aux congés, au congédiement ou aux délais de mises à pied. Mais, c’est au niveau de l’entreprise qu’on décide d’aller au-delà de ces normes minimales. C’est aussi là que les salariés décident à la majorité d’adhérer ou non à un syndicat. Si la majorité des salariés optent pour joindre un syndicat, ce dernier devient l’agent négociateur au nom de tous les salariés du groupe visé, peu importe s’ils avaient ou non choisi sur une base individuelle 53 54 de se syndiquer. À partir de là, une obligation juridique de négocier est imposée à l’entreprise qui doit s’entendre avec le syndicat sur les conditions de travail. Lorsqu’il n’y a pas de syndicat dans l’entreprise, la direction décide unilatéralement des conditions de travail, avec comme seule restriction de respecter les normes minimales et les lois en vigueur. Dans un tel contexte, certaines entreprises d’un même secteur doivent obligatoirement négocier les conditions de travail des employés avec le syndicat alors que d’autres ont la latitude de les déterminer de façon unilatérale. De même, les entreprises syndiquées doivent se soumettre aux impératifs de la convention collective en matière de gestion des ressources humaines alors que seuls les impératifs de productivité guident les entreprises non syndiquées dans le cadre institutionnel minimaliste nord américain. Même s’il existe une littérature abondante traitant des effets du syndicalisme sur les milieux du travail, force est de constater que cette littérature est très divisée quant à ces effets (Addison et Hirsch, 1989; Aidt et Tzannatos, 2002; Becker et Olson, 1987; Belman, 1992; Booth, 1995; Doucouliagos et Laroche, 2003; Freeman, 1992; Hirsch, 1997; Kuhn ,1998; Metcalfe, 2003; Menezes-Filho et Van Reenen ,2003). Un premier courant de pensée considère que, sur le marché du travail, les syndicats nordaméricains représentent des monopoles dont le principal objectif est d’augmenter les salaires de leurs membres ce qui se traduit par un impact négatif sur la productivité, sur le niveau d’emploi et sur le fonctionnement de l’économie de façon générale (Simons, 1944; Milton, Rose et Friedman, 1962; Rees, 1977). Sans renier le côté « monopole » des syndicats, le deuxième courant leur reconnaît une autre facette à savoir celle de moyen d’expression collective des salariés et met en relief les effets positifs que les négociations collectives ont sur la productivité et la gestion de l’entreprise. Les tenants de ce courant soulignent en particulier l’impact positif des syndicats au niveau de la transmission de l’information, de l’accroissement des qualifications, de la rétention de la main- 54 55 d’œuvre qualifiée ainsi que la rationalisation des pratiques de gestion dans l’entreprise (Freeman 1976, 1978, 1980; Freeman et Medoff 1979, 1983, 1984). Depuis la publication de l’ouvrage original de Freeman et Medoff « What Do Unions Do ? » en 1984, l’approche dichotomique des deux facettes des syndicats est devenue le cadre conventionnel utilisé pour traiter des effets des syndicats sur le marché du travail. À ce sujet, Hirsch (2003: 7) soutient que : « Although not a formal model in the sense that economists typically use the term, the two-faces approach has provided a broad umbrella under which labor economists and industrial relations scholars either have organized their thoughts about what unions do or, less frequently, based their explicit theoretical models of union behaviour. The beauty of the framework is that the two faces – monopoly and voice – provide a sufficiently accurate description or shorthand union’s principal activities, while at the same time being sufficiently broad to permit inclusion of a wide range of union effects in workplace and economy ». Rappelons que le côté « monopole » des syndicats renvoi essentiellement à ce qui est généralement considéré comme étant des distorsions qui n’existeraient pas si le marché du travail était concurrentiel sous le scénario de la non-présence syndicale. Cette facette met l’accent sur le pouvoir de négociation des syndicats et plus particulièrement sur le fait que leur capacité d’extraire des gains monopolistiques pour leurs membres dépend du degré de compétition et des contraintes de substitution auxquels font face autant les employeurs que les syndicats (Hirsch, 2003). Ainsi, dans le modèle microéconomique conventionnel, les syndicats affectent les marchés du travail et du produit via des salaires qui dépassent les coûts d’opportunité. Cette prime salariale syndicale entraîne des distorsions au niveau de l’utilisation des facteurs de production et de leurs prix relatifs occasionnant ainsi une perte de bien-être au niveau macro social. En plus de ces distorsions, les tenants de cette facette soutiennent que les syndicats peuvent occasionner des pertes de production en raison des grèves et une baisse de la productivité dans 55 56 certains milieux de travail car les pratiques de gestion des ressources humaines sont formalisées et se caractérisent par une grande rigidité. Ainsi, il serait plus difficile pour l’entreprise de s’adapter à un environnement changeant et d’implanter les transformations ou les innovations au moment où elles sont requises (Simons, 1944; Milton et Friedman, 1962; Rees, 1977). Par ailleurs, l’autre facette des syndicats réfère à ce que Freeman et Medoff (1984) ont qualifié de « voix d’expression collective/réponse institutionnelle » et qui fait ressortir les impacts positifs des syndicats en mettant l’accent sur le rôle potentiel de la négociation collective au niveau de l’amélioration des marchés internes du travail. À titre d’exemple, des syndicats bénéficiant d’une protection légale peuvent effectivement permettre aux travailleurs d’exprimer leurs préférences et d’exercer une voix d’expression collective lors de l’élaboration ou des modifications des politiques internes régissant les relations du travail. Hirsch (2003) précise que la négociation collective peut être plus appropriée que la négociation ou la régulation individuelle pour traiter de certains aspects des milieux de travail qui présentent des caractéristiques de biens publics et le problèmes des cavaliers libres (free-rider) qui en résultent. Pour sa part, Weil (2003) soutient que les syndicats, en tant qu’agent (dans le sens de la théorie des contrats) des travailleurs, peuvent faciliter la liberté d’expression des employés, l’acquisition et le partage de l’information, l’ajustement du comportement de l’employeur et la formalisation de la structure de gouvernance du milieu de travail. En ce sens, Freeman (1976, 1978, 1980) ainsi que Freeman et Medoff (1979, 1983, 1984) prétendent que la syndicalisation facilite la rationalisation dans les pratiques de gestion car les structures de représentation collective offrent une occasion à la direction d’obtenir le point de vue des employés sur les changements souhaités. À l’occasion, ces structures peuvent aussi être génératrices de changements. Ce dernier courant avance aussi que le syndicalisme amène l’institutionnalisation du changement par sa consignation à l’écrit, ce qui lui assure une plus grande durabilité. Dans cette perspective, l’exercice de la voix d’expression collective devrait être associé avec une plus grande productivité des milieux de travail. Freeman et Medoff précisent que cet aboutissement ne dépend pas uniquement de l’action syndicale mais aussi d’une « réponse institutionnelle » constructive et d’un environnement de relations du travail caractérisé par la coopération et le dialogue. Ainsi, l’appui de la direction de l’entreprise à l’exercice de la voix d’expression 56 57 collective devient une condition nécessaire pour que les syndicats affectent positivement les milieux de travail. De façon concrète, ces deux thèses produiront des effets bien différents dans les milieux de travail eu égard aux enjeux spécifiques sur lesquels porte cette recherche. Ainsi, selon la thèse monopolistique, nous devrions retrouver une plus faible incidence de la rémunération variable ainsi qu’une plus grande rigidité dans les pratiques de dotation du personnel. Aussi, les ajustements des niveaux d’effectifs devraient être plus difficiles dans les milieux syndiqués. La thèse de l’expression collective nous permet, quant à elle, de supposer des milieux syndiqués plus démocratiques et participatifs. On devrait y retrouver une plus grande incidence des mécanismes de gestion des conflits, forme évidente d’expression des besoins des salariés. De plus, la maind’oeuvre devrait y être mieux formée et plus stable. En somme, comme le résume Freeman et Medoff (1984), la littérature suggère que la syndicalisation dans une entreprise amène : − Des pratiques de gestion des ressources humaines plus professionnelles − Des salaires supérieurs, l’écart étant plus important dans les petites entreprises − Des programmes de prestations sociales plus détaillés et plus coûteux − Des rapports sociaux plus démocratiques − Une plus grande productivité par heure travaillée due à l’accroissement des qualifications et au plus faible taux de roulement − Une réduction des coûts liés au recrutement et à la formation de la main-d’œuvre − Des moyens efficaces d’ajustement face aux variations cycliques de l’économie − Une plus grande utilisation de l’ancienneté lors des mouvements de main-d’œuvre − Une plus grande rigidité dans les processus de gestion des ressources humaines Il semblerait donc que la main-d’œuvre syndiquée coûte plus cher mais produit plus sous des processus professionnels de gestion plus rigides. 57 58 2. La méthodologie Comme mentionné précédemment, la présente recherche vise à évaluer les impacts du syndicalisme. Pour ce faire, nous utilisons l’analyse stratifiée des dernières données disponibles de l’Enquête sur le milieu de travail et les employés (EMTE) de Statistique Canada. Selon Statistique Canada (2004) :« l’Enquête (EMTE) est conçue pour explorer un large éventail de questions reliées aux employeurs et à leurs employés ». Du côté de l’employeur, l’enquête vise à mettre en lumière les relations entre la compétitivité, les innovations, l’utilisation de la technologie et la gestion des ressources humaines et, du côté de l’employé, l’utilisation de la technologie, la formation, la stabilité d’emploi et les revenus. L’enquête est unique en ce sens que les employeurs et les employés sont couplés au niveau des micro-données. On dispose dès lors d’informations provenant tant du côté de l’offre que celui de la demande du marché du travail ce qui permet d’enrichir les études sur l’une ou l’autre. Les données, une fois pondérées, présentent un portrait relativement exact du marché du travail canadien à l’exception des fonctions publiques fédérale, provinciales et municipales qui sont exclues de l’échantillon. Les échantillons de l’EMTE comptent plus de 20 000 employés oeuvrant dans quelques 6000 entreprises, les nombres variant selon la version de l’enquête qui est menée chaque année depuis 1999. À partir des questions de l’EMTE, nous avons été en mesure de reconstituer une bonne partie des construits sur lesquels la littérature se penche eu égard aux effets du syndicalisme. Puis, nous avons analysé les résultats obtenus en comparant les travailleurs et milieux de travail syndiqués à ceux qui ne le sont pas. La section trois de cet article présente les résultats de ces analyses. Même si cette première série d’analyse comprend des informations très utiles sur l’impact du syndicalisme, nous avons voulu pousser plus loin en segmentant l’échantillon de façon à éliminer les effets de secteur et de taille. Nul besoin d’études très poussées pour savoir que les conditions de travail varient grandement selon les secteurs d’activité économique et selon la taille des entreprises. Celles de plus grande taille et certains secteurs offrent des conditions de travail nettement plus avantageuses que la moyenne du marché. Il est aussi bien connu que les syndicats sont beaucoup plus présents dans les grandes entreprises et qu’ils sont presque absents du secteur des services privés. Il est donc important de procéder à cette analyse segmentée pour éviter 58 59 d’imputer à la présence syndicale des différences de conditions de travail qui seraient plutôt attribuables aux pratiques de gestion des grandes entreprises ou à une « culture » sectorielle. La deuxième étape de l’analyse tient donc compte de ces effets en créant quatre catégories de taille (1-49, 50-99, 100-499, 500 et +) et huit secteurs, nommément : mines et pétrole, fabrication, construction, transport, commerce de gros, commerce de détail, finance et assurances, hôtels et restaurants. Ces secteurs, construits à partir des grandes familles du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) sont choisis parce qu’ils sont presque exclusivement composés d’entreprises du secteur privé et parce que, à priori, ils devraient présenter des pratiques de gestion assez diversifiées. Tel qu’illustré au tableau 1, un nombre total de 32 analyses comparatives devront ainsi être produites. Le présent article ne fait état que des analyses faites dans le secteur de la fabrication auprès des petites entreprises de moins de 50 employés. Une fois les données pondérées, ces entreprises regroupent plus de 700 000 salariés sur les 12 millions visés par l’EMTE, soit près de 6% du total. Les résultats obtenus lors de ces analyses sont présentés à la section quatre. Figure 1 Stratégie de l’analyse descriptive Mines et pétrole Fabrication Construction Transport Commerce de gros Commerce de détail Finance et assurances Hôtels et restaurants - Moins de 50 employés : synd. vs non-synd. - 50-99 employés : synd. vs non-synd. - 100-499 employés : synd. vs non-synd. - 500 employés et plus : synd. vs non-synd. 59 60 3. Les résultats agrégés au niveau du marché du travail Comme mentionné précédemment, nous présentons dans les tableaux 1 à 5 les comparaisons entre les milieux de travail syndiqués et les milieux de travail non syndiqués sur diverses facettes des conditions de travail ou des pratiques de gestion. Notons au départ, même si ce n’est pas là l’objet de l’article, que le taux moyen de syndicalisation est de 25,7%. Ce pourcentage est plus faible que le taux réel de syndicalisation au Canada qui se situe aux environs de 32%. L’écart peut facilement être expliqué par le fait que l’échantillon de l’EMTE ne couvre pas les fonctions publiques qui sont très fortement syndiquées. Notons aussi qu’il y a des écarts importants entre les petites entreprises où le taux de syndicalisation est de 8,8% et les grandes où il atteint 55,5%. Enfin, les femmes (25,5%) sont syndiquées dans une proportion à peu près égale à celle des hommes (25,9%). Le tableau 1 nous apprend tout d’abord que les syndiqués sont un peu plus âgés et qu’ils comptent beaucoup plus d’ancienneté que les non syndiqués. On constate également un ratio de démission nettement plus faible dans les milieux syndiqués. Ces résultats vont dans le sens de la thèse qui veut que la syndicalisation favorise une plus grande stabilité de la main-d’œuvre. En ce qui a trait aux conditions de travail, on remarque que les syndiqués reçoivent un salaire horaire nettement supérieur aux non syndiqués (21,60$ vs 18,50$), travaillent un peu moins d’heures chaque semaine et bénéficient d’avantages sociaux presque deux fois beaucoup plus coûteux. En effet, pour les syndiqués, le coût des avantages sociaux, excluant les régimes étatiques, représente 11,1% par rapport aux salaires, alors que ce pourcentage tombe à 5,8% en milieu non syndiqué. Les coûts de main-d’œuvre sont donc à tout point de vue plus élevés en milieu syndiqué, ce qui confirme la thèse du monopole syndical qui prédit un tel effet. 60 61 Tableau 1 Comparaison de l’ancienneté, des heures de travail, des salaires et des avantages sociaux Tous les secteurs couverts par l’enquête Variables Syndiqué Non-syndiqué Âge 43,0 39,3 Ancienneté 12,2 7,1 Heures de travail 36,2 37,0 Taux horaire 21,6 18,5 Ratio des avantages sociaux 11,1 5,8 Ratio de démissions 12,3 18,2 Les données du tableau 2 font ressortir des différences importantes dans les pratiques d’embauche et de promotion des entreprises syndiquées lorsque comparées aux entreprises non syndiquées. Tout d’abord, les entreprises syndiquées recrutent presque deux fois plus souvent à l’interne que les autres entreprises. Cette différence est sans doute le reflet des contraintes qu’imposent les conventions collectives en faveur des salariés déjà en poste. Il ressort aussi clairement de l’analyse comparative que les milieux de travail syndiqués utilisent davantage des outils de sélection rigoureux et formels lors de l’embauche. Ainsi dans une proportion dépassant parfois le double, on y utilise toute une batterie d’examens. Les écarts pourraient être attribuables au fait que si on paye plus et qu’on a plus de difficultés à se départir d’un employé une fois embauché à cause des contraintes de la convention collective, on aura tendance à apporter un plus grand soin à la sélection initiale lors de l’embauche. Les résultats du tableau 2 eu égard aux promotions ne surprennent pas non plus et confirment ce que tout observateur des relations de travail nord américain sait. Les milieux de travail syndiqués accordent une plus grande importance à l’ancienneté dans l’entreprise lorsqu’il est temps de décider des promotions alors que les entreprises non syndiqués s’arrêtent un peu plus au rendement. Il s’agit encore une fois d’un reflet de ce qu’on retrouve dans plusieurs conventions 61 62 collectives. Ce qui surprend plus, c’est la faiblesse des écarts car on se serait attendu à des différences beaucoup plus importantes. En effet, on note que 22,3% des milieux de travail non syndiqués accordent une importance à l’ancienneté dans les promotions comparativement à 37,5% dans les milieux syndiqués. Il est fort possible que les pratiques des milieux syndiqués aient « débordées » sur les autres milieux de travail. On devrait également constater des résultats différents selon les secteurs et les occupations. Tableau 2 Comparaison des pratiques de gestion à l’embauche et à la promotion Tous les secteurs couverts par l’enquête Pratiques à l’embauche Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Tests compétences particulières Tests aptitudes ou personnalité Vérification de sécurité Examen médical Dépistage de drogues Test agence de recrutement Entrevue de sélection Connaissances liées à emploi Connaissances générales 14,3 10,5 18,1 27,6 3,5 1,2 81,9 11,1 8,2 9,5 8,0 10,8 8,8 2,0 1,8 77,6 7,3 4,7 Ratio de recrutement interne 41,3 23,2 Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Ancienneté seulement Aucune ancienneté Régime mixte 21,6 62,5 15,9 10,1 78,7 11,2 Rendement seulement Aucun rendement Régime mixte 17,8 53,4 28,8 27,0 41,8 31,2 Promotions Le tableau 3 présente les résultats des analyses comparatives eu égard à diverses pratiques de gestion des ressources humaines. On constate tout d’abord des résultats assez similaires sur la présence d’une évaluation formelle du rendement, une telle pratique étant présente dans environ 60% des entreprises, peu importe si elles sont syndiquées ou pas. Par contre, en milieu syndiqué, 62 63 on utilise rarement (20%) les résultats de l’évaluation comme un des déterminants de la rémunération alors qu’on le fait dans près des deux tiers des cas en milieu non syndiqué. Il s’agit ici aussi d’une conséquence des conventions collectives canadiennes qui permettent rarement de lier la rémunération à la performance du salarié, non pas qu’on décourage la forte productivité, mais plutôt à cause de la faiblesse et de la subjectivité des mesures du rendement. Tableau 3 Comparaison de certaines pratiques de gestion et d’encadrement Tous les secteurs couverts par l’enquête Évaluation du rendement Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Évaluation formelle Influence sur la rémunération 58,9 20,1 60,1 64,0 Gestion des conflits Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) 87,2 11,6 35,9 10,0 Syndiqué Non-syndiqué 4,5 / 8,0 4,6 / 8,0 Procédure de plaintes Plaintes ou conflits Démocratie au travail Indice de démocratie Les résultats relatifs à l’existence de procédures formelles de griefs ou de plaintes font ressortir clairement les différences entre les syndiqués et les non-syndiqués. Ils viennent confirmer le rôle que les syndicats jouent au niveau de la structure de gouvernance de l’entreprise ainsi qu’au niveau de l’amélioration de la transmission de l’information entre les travailleurs et la direction de l’entreprise. Par ailleurs, les résultats du tableau 3 nous permettent de constater que l’incidence des plaintes ou des conflits est un peu plus élevée chez les syndiqués que chez les non-syndiqués. En contre partie, le faible taux de présence des processus de gestion des plaintes en milieu non syndiqué (35,9%) laisse entrevoir des difficultés pour les salariés d’exprimer leur mécontentement alors que la procédure de griefs en milieu syndiqué permet cette expression et sert de véhicule de démocratisation du milieu de travail. 63 64 Enfin, sur ce dernier point, nous avons compilé un indice de démocratie au travail basé sur huit indicateurs de participation des salariés aux décisions dans l’entreprise. Les résultats sont à peu près les mêmes, ce qui implique, contrairement à ce que peut en dire une partie de la littérature, que la participation directe des salariés n’est pas éliminée du fait de la présence syndicale. Ces résultats confirment la thèse de la démocratisation des milieux de travail qu’amène la présence syndicale, d’autant plus que la seule présence de la négociation collective contribue déjà au caractère plus démocratique des milieux de travail syndiqués en assurant la codétermination des conditions de travail. Le dernier tableau compare divers indicateurs relatifs à la capacité d’innover et de concurrencer sur les marchés que l’on sait de plus en plus compétitifs. On y compare l’incidence de la mise en œuvre d’innovations dans les produits et services ou dans les procédés, de la présence de la concurrence dans le marché de l’entreprise et au niveau des prix vis-à-vis les concurrents. Tableau 4 Comparaison de la position concurrentielle de l’entreprise Tous les secteurs couverts par l’enquête Innovation / Concurrence Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Innovation produits/services Innovation dans les procédés 48,3 43,5 49,0 40,7 Concurrence internationale Concurrence américaine Concurrence canadienne Pas exposé à la concurrence 18,5 10,1 21,9 49,5 20,8 17,7 44,8 16,8 Prix face aux concurrents (+) Prix face aux concurrents (=) Prix face aux concurrents (-) Non exposé 7,4 38,9 2,8 50,9 10,5 62,8 6,7 20,0 64 65 En ce qui a trait à l’innovation, on ne note pas de différences importantes entre la fréquence des innovations des entreprises non syndiquées et des entreprises syndiquées. D’une part, les entreprises syndiquées innovent un peu plus dans les procédés mais, d’autre part, les entreprises non syndiquées innovent un peu plus dans les produits et services. Quoiqu’il en soit, on ne peut cependant prétendre que la présence syndicale empêche ou retarde l’innovation qui permet à l’entreprise de s’adapter à des contextes changeants. Par contre, l’analyse comparative révèle que les entreprises syndiquées sont beaucoup moins exposées à la concurrence que les entreprises non syndiquées. En effet, dans le premier cas, près de 50% des entreprises ne sont pas exposées à la concurrence alors que ce pourcentage chute à 16,8%, soit trois fois moins pour les entreprises non syndiquées. Quant à la capacité d’ajuster les prix face aux concurrents, les milieux non syndiqués semblent s’en tirer un peu mieux. Les comparaisons sont cependant quelque peu boiteuses compte tenu des écarts dans le taux d’exposition à la concurrence. L’analyse par secteur devrait nous aider à mieux apprécier les résultats. 4. Les résultats des petites entreprises du secteur manufacturier L’analyse présentée dans la section précédente porte sur toute la population visée par l’EMTE, soit le marché du travail canadien à l’exception des diverses fonctions publiques. De façon générale, elle offre un premier portrait de la comparaison des milieux de travail syndiqués à ceux qui ne le sont pas en plus de permettre de confirmer dans l’ensemble plusieurs des propositions théoriques issues des deux grandes thèses sur les effets du syndicalisme. Nous y reviendrons plus tard. Mais, comme nous en faisions mention, cette analyse initiale, quoique essentielle, comporte d’importantes limites attribuables à l’influence de variables exogènes comme la taille de l’entreprise et le secteur d’activité économique. Ces variables exercent une influence importante sur les salaires, les avantages sociaux et les pratiques de gestion. Compte tenu que l’adhésion syndicale ne se répartit pas de façon égale sur le marché du travail et qu’elle est beaucoup plus forte dans les grandes entreprises et dans certains secteurs d’activité, il se pourrait que les différences notées dans la première partie de l’analyse ne soient pas attribuables à la présence syndicale mais plutôt à ces variables exogènes. 65 66 Afin de pallier à cette lacune, nous proposons une analyse sectorielle à l’intérieur de laquelle les salariés sont regroupés selon la taille de l’entreprise. Dans la présente section, nous discutons des résultats des analyses comparatives pour le secteur manufacturier en utilisant les mêmes indicateurs que dans la section précédente et en ne retenant que les petites entreprises de moins de 50 salariés. Les résultats sont présentés aux tableaux 5 à 8. Notons, à titre comparatif à l’ensemble de l’échantillon de l’EMTE, que le taux de syndicalisation dans le groupe ici visé est de moins de 6%, ce pourcentage étant de 7.2% pour les hommes et de 2,8% pour les femmes. Il s’agit là de taux inférieurs au reste du marché et aux entreprises de plus grande taille (voir p. 8). Comme c’était le cas dans l’ensemble de l’échantillon au tableau 1, les données du tableau 5 nous apprennent que les syndiqués sont un peu plus âgés et qu’ils comptent beaucoup plus d’ancienneté que les non syndiqués. Le ratio de démission est également beaucoup plus faible dans les milieux syndiqués. Encore une fois, ces données appuient la thèse de la stabilisation de la main-d’œuvre comme conséquence de la présence syndicale. On constate aussi que les écarts dans les salaires demeurent et que ceux sur les avantages sociaux s’élargissent. Par contre, les différences au niveau des heures de travail disparaissent. Cela nous laisse croire qu’elles sont sans doute attribuables au secteur d’activité plutôt qu’à la présence syndicale. Ces données reflètent aussi les pratiques sectorielles au Canada où la semaine de travail des cols bleus tend vers les 40 heures et celle des cols blancs autour de 35 heures. Tableau 5 Comparaison de l’ancienneté, des heures de travail, des salaires et des avantages sociaux Petites entreprises du secteur manufacturier Variables Syndiqué Non-syndiqué Âge 42,7 40,7 Ancienneté 13,6 7,6 Heures de travail 39,4 39,5 Taux horaire 20,2 17,7 Ratio des avantages sociaux 8,1 3,7 Ratio de démissions 8,0 14,1 66 67 Un examen des données du tableau 6 confirme les différences constatées au tableau 2 eu égard aux pratiques d’embauche et de promotion. Les entreprises syndiquées recrutent plus souvent à l’interne, font davantage appel à des outils de sélection formels et accordent une plus grande importance à l’ancienneté mais une moins grande au rendement. Les processus de sélections y sont donc plus rigides mais aussi de nature moins « arbitraire », confirmant ainsi les thèses exposées plus tôt. Tableau 6 Comparaison des pratiques de gestion à l’embauche et à la promotion Petites entreprises du secteur manufacturier Pratiques à l’embauche Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Tests compétences particulières Tests aptitudes ou personnalité Vérification de sécurité Examen médical Dépistage de drogues Test agence de recrutement Entrevue de sélection Connaissances liées à emploi Connaissances générales 19,9 13,8 13,1 11,5 0,2 0,6 71,2 16,7 3,8 5,6 3,6 3,4 2,3 0,7 1,3 67,8 4,9 2,4 Ratio de recrutement interne 22,2 12,2 Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Ancienneté seulement Aucune ancienneté Régime mixte 43,6 42,4 14,0 8,7 78,0 13,3 Rendement seulement Aucun rendement Régime mixte 24,4 58,4 17,2 23,5 50,0 26,5 Promotions Comme c’est le cas dans les entreprises de l’ensemble de l’échantillon, les données du tableau 7 confirment que les entreprises syndiquées utilisent moins la performance pour déterminer la rémunération et possèdent dans 83% des cas des procédures pour traiter les plaintes, pratiques plutôt rares dans les entreprises non syndiquées. Paradoxalement, on note ici une plus grande 67 68 incidence des plaintes ou des conflits dans les milieux non syndiqués. En contrepartie, l’indice de démocratie est quelque peu plus élevé en milieu non syndiqué. Néanmoins, ces résultats confirment dans l’ensemble la thèse de la démocratisation des milieux de travail qu’amène la présence syndicale. Tableau 7 Comparaison de certaines pratiques de gestion et d’encadrement Petites entreprises du secteur manufacturier Évaluation du rendement Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Évaluation formelle Influence sur la rémunération 38,4 32,4 45,4 63,0 Gestion des conflits Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) 82,9 12,5 22,3 15,1 Syndiqué Non-syndiqué 3,6 / 8,0 4,2 / 8,0 Procédure de plaintes Plaintes ou conflits Démocratie au travail Indice de démocratie Les données du tableau 8, lorsque comparées à celles du tableau 4, font ressortir certaines différences eu égard à la position concurrentielle des entreprises. Alors que pour l’ensemble de l’échantillon on ne notait pas de différences sur la capacité d’innover, on constate que les petites entreprises syndiquées du secteur manufacturier innovent moins que les entreprises non syndiquées. Par contre, les entreprises des deux groupes sont exposées à un degré comparable à la concurrence, ce qui n’était pas le cas dans l’ensemble de l’échantillon. Enfin, 28,4% des entreprises syndiquées ont des prix plus élevés que les concurrents alors que ce taux est de 11,5% chez les entreprises non syndiquées. Compte tenu de la forte exposition à la concurrence des entreprises du secteur manufacturier, les prix plus élevés, les salaires plus avantageux et la rigidité dans les pratiques de gestion pourraient avoir comme effet de confirmer la thèse de la réduction du nombre d’emplois associée à la présence syndicale. 68 69 Tableau 8 Comparaison de la position concurrentielle de l’entreprise Petites entreprises du secteur manufacturier Innovation / Concurrence Syndiqué (%) Non-syndiqué (%) Innovation produits/services Innovation dans les procédés 43,4 31,6 49,0 40,7 Concurrence internationale Concurrence américaine Concurrence canadienne Non exposé à la concurrence 35,6 28,5 32,6 3,2 24,9 28,8 38,2 8,1 Prix face aux concurrents (+) Prix face aux concurrents (=) Prix face aux concurrents (-) Non exposé à la concurrence 28,4 65.0 3,3 3,2 11,5 71,7 5,8 11,1 5. Discussion L’objectif de cet article était d’examiner les deux grandes thèses relatives aux effets du syndicalisme sur l’entreprise et sa main-d’œuvre. Après avoir présenté l’essence de ces thèses, nous avons utilisé les données canadiennes provenant de l’Enquête sur le milieu de travail et les employés (EMTE) pour vérifier empiriquement les propositions principales qu’elles impliquent. À cet effet, au départ sur l’ensemble de l’échantillon, puis sur les petites entreprises du secteur manufacturier, nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux propositions suivantes : − La présence syndicale amène une augmentation des coûts de main-d’œuvre − La présence syndicale amène plus de rigidité dans les processus de gestion − La présence syndicale affecte négativement la capacité concurrentielle de l’entreprise − La présence syndicale favorise une plus grande stabilité de la main d’œuvre − La présence syndicale force la direction à une meilleure gestion des ressources humaines − La présence syndicale contribue à la démocratisation des milieux de travail 69 70 Les résultats confirment l’hypothèse de la hausse des coûts de main-d’œuvre pour les milieux de travail syndiqués. Au niveau des salaires, l’écart est de 16,7% pour l’ensemble de l’échantillon et de 14,1% dans les petites entreprises du secteur manufacturier. Qui plus est, il s’élargit si on y inclut le coût des avantages sociaux qui doublent (11,% vs 5,8% au tableau 1, 8,1% vs 3,7% au tableau 5). La vision du syndicat-monopole qui utilise sa position pour faire augmenter les salaires des syndiqués semble donc exacte. Les données ne nous permettent cependant pas d’apprécier l’effet global, à la fois positif et négatif, de cette hausse des salaires et des standards de vie sur l’ensemble de l’économie. La présence syndicale semble aussi produire une plus grande rigidité dans les processus de gestion à la fois pour l’ensemble de l’échantillon et dans les entreprises du secteur manufacturier. Il n’y a là rien de surprenant car la convention collective a comme premier rôle d’encadrer l’exercice des droits de direction afin de protéger les salariés contre les décisions arbitraires. À cet égard, l’analyse des résultats laisse entrevoir les contraintes imposées à l’entreprise syndiquée eu égard à l’utilisation de l’ancienneté pour les promotions, au recrutement interne qui passe avant l’externe, aux difficultés à lier le salaire à la performance. Par contre, il semble que les entreprises non syndiquées, dans une proportion assez importante, « s’imposeraient » volontairement des contraintes comparables à celles qui existent dans les milieux syndiqués. Sur la question de la capacité concurrentielle, les résultats sont mitigés. Tout d’abord, dans l’ensemble de l’échantillon, on constate que, peu importe la présence syndicale, on innove dans des pourcentages comparables, même si les petites entreprises du secteur manufacturier semblent tirer quelque peu de l’arrière. Par contre, les entreprises syndiquées sont dans l’ensemble beaucoup moins exposées à la concurrence et, quand elles le sont, semblent éprouver plus de difficultés à contenir les prix au niveau des concurrents. Il est donc fort possible, même si des analyses poussées seraient nécessaires pour le confirmer avec certitude, que la présence syndicale nuise à la capacité concurrentielle de l’entreprise, confirmant ainsi les hypothèses à cet effet. L’analyse des résultats tend aussi à confirmer l’hypothèse d’une gestion plus « réfléchie », voire moins « arbitraire » de la gestion des ressources humaines en milieu syndiqué, à tout le moins dans les pratiques de dotation. Ainsi, la présence syndicale amènerait une plus grande stabilité de la main-d’œuvre et un taux de démission beaucoup plus faible. Nos résultats démontrent, autant 70 71 dans l’ensemble de l’échantillon que dans les petites entreprises du secteur manufacturier, que les salariés syndiqués évoluent dans des milieux de travail caractérisés par un ratio de recrutement interne plus élevé, par un plus grand recours à des outils de sélection rigoureux lors de l’embauche et par une plus grande utilisation de l’ancienneté. Ces différents éléments constituent les principales composantes d’un marché du travail interne structuré dans lequel la présence syndicale peut constituer un facteur d’efficacité accrue pour l’entreprise dans la mesure où elle incite la direction à soumettre les comportements individuels des salariés à des règles bien définies plutôt qu’à des politiques d’encadrement vagues. Nos analyses tendent aussi à appuyer l’hypothèse de la plus grande démocratie des milieux de travail syndiqués. Juridiquement, la seule présence syndicale constitue une élément de démocratie industrielle en ce sens que l’employeur est obligé à un processus de co-détermination des conditions de travail, donnant ainsi voix aux salariés. Puis, dans la gestion au quotidien, la présence syndicale constitue une forme indirecte de participation ou de démocratie en permettant l’expression des préoccupations des salariés. Enfin, comme le démontrent nos résultats, la participation directe des salariés n’est pas pour autant éliminée. Qui plus est, les salariés syndiqués ont accès en très grande majorité à des processus de gestion de leurs plaintes, ce qui est plutôt rare en milieu non syndiqué. En somme, on constate que ni l’une, ni l’autre des thèses sur l’effet syndical n’est complète et qu’il faut plutôt retenir l’ensemble des propositions qu’elles contiennent. Ces dernières sont souvent présentées comme contradictoires mais, après analyse, elles nous semblent plutôt complémentaires. Il faudra évidemment poursuivre la recherche et examiner ces mêmes propositions dans les autres secteurs d’activité économique et dans des entreprises de tailles diverses. 71 72 Références Addison, John T., and Barry T. Hirsch.1989. « Union Effects on Productivity, Profits and Growth : Has the Long Run Arrived ? ». Journal of Labor Economics 7 (January 1989), pp. 72-105. Addison, John T., and Belfield, Clive R. 2004. « Union Voice » Journal of Labor Research, 25, (4), pp. 563-597. Aidt, Toke and Zafiris Tzannatos. 2002. « Unions and Collective Bargaining : Economic Effects in a Global Environment ». Washinton, D.C.: World Bank. Becker, Brian E. and Craig A.Olson. 1987. « Labor Relations and Firm Performance ». In M. Kleiner, R. Block, M. Roomkin, and S. Salsburg, eds. Human Resources and the Performance of the Firm. Madison, Wisc. : Industrial Relations Research Association, pp. 43-86. Belman, Dale. 1992. « Unions, The Quality of Labor Relations and firm Performance ». 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