HUMEUR : Quand syndiqué s`écrit avec un cul

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HUMEUR : Quand syndiqué s`écrit avec un cul
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syndiqué s’écrit avec un cul
HUMEUR : Quand syndiqué s’écrit avec un cul
jeudi 6 octobre 2016, par Pierre Titeux, chroniqueur
Camarades syndiqués, j’voudrais bien mais j’peux point me et vous dispenser des lignes qui suivent.
J’voudrais bien mais j’peux point car mon cœur et mon estomac exigent de se soulager du dégoût et de
l’amertume qui les tenaillent depuis une semaine. Je m’en vais donc les exaucer au risque d’énerver
certains d’entre vous mais, comme le notait Lio avec sagesse et pertinence, « fallait pas commencer. Tu
regrettes cette histoire, mais maintenant c’est trop tard, mon vieux t’es un connard, avec un grand C,
fallait pas commencer… » [1]
Le hasard qui s’applique à bien faire les choses (ce qui, on va le constater, n’est pas le cas des règles de
concordance des temps), voulut que je me trouvasse le jeudi 29 septembre au matin dans les environs de
la gare du Nord, plus précisément que j’empruntasse alors la rue d’Aerschot.
Pour les non Bruxellois et ceusses qui vivent ignorants des turpitudes du monde, cette artère de la
capitale est réputée pour ses commerces de proximité spécialisés en location de corps féminins à prix
plancher.
Habituellement, à cette heure, le quartier est en léthargie, s’octroyant une pause entre l’agitation
nocturne et le coup-de-feu de la pause-déjeuner. Mais en ce jour de « manifestation nationale en front
commun syndical à l’occasion des deux ans du gouvernement Michel », une foule verte et rouge panachée
de bleu déborde des trottoirs. Alors que les troupes appelées à défiler se rassemblent de l’autre côté des
voies, certaines unités ont déserté pour répondre à l’appel de la testostérone et au frétillement de leurs
zigounettes. Ils sont ainsi des dizaines, des centaines, mâles goguenards commentant bruyamment les
plastiques dénudées exposées en vitrines. Ça se vanne ; ça rigole gras ; ça s’envoie des bourrades et des
tapes dans le dos ; ça interpelle les filles avant que l’un ou l’autre ne se décide à solliciter leurs services.
Le comportement de ces mecs-là, dans ce contexte-là, m’a donné la nausée. En les regardant manœuvrer
sous leur casaque syndicale, je m’interrogeais : quelle valeur peut bien avoir leur « engagement » dès lors
qu’ils bafouent sans vergogne ce qui devrait être au cœur de celui-ci, non pas la défense de leur(s)
intérêt(s) particulier(s) mais le combat pour les droits et la dignité de tous ? Au-delà du recours ou non à
une prestation sexuelle, le simple fait de s’accommoder, s’amuser et se rassasier du spectacle de ces
chairs livrées en pâture à la concupiscence et au mépris constitue une faute aussi grave qu’inexcusable.
Mais qu’est-ce qu’ils croient, nos syndiqués en goguette ?
Que les mademoizelles nimbées de néons fluo sont là par plaisir parce que, c’est bien connu, hein, « les
filles de l’est sont des chaudasses qui aiment la b… » ?
Que ces filles se régalent des 12 heures d’affilée passées en vitrine ou dans la promiscuité d’une alcôve à
assouvir les besoins des beaux et des moches, des malingres et des obèses, des propres sur eux et des
dégueulasses, des gentils et des brutaux, des respectueux et des orduriers, des en manque d’affection et
des en quête de cul, de ceux qu’elles supportent et de ceux qui les dégoûtent ?
Pensent-ils vraiment que les 50 euros qu’ils déboursent pour une passe constitue un « juste salaire » les
autorisant à jouir sans état d’âme ?
Comment peuvent-ils prétendre dénoncer le sort que patronat et gouvernement leur réservent tout en
contribuant activement à l’exploitation honteuse de travailleuses forcées par la misère, un mac ou, le plus
souvent, la conjonction des deux !?!
Il n’est pas question ici de morale mais d’éthique.
Je me fous que le gars louant une bouche ou un sexe pour y soulager sa libido soit en couple ou célibataire,
qu’il trompe une compagne ou simplement sa misère affective. L’affaire ne concerne que lui, sa
conscience et, éventuellement, sa moitié. Il m’est par contre intolérable que ce gars puisse recourir à ces
« services » alors qu’il s’affiche investi d’un combat social et politique car, ce faisant, ce sont aussi les
valeurs et l’honneur de ce combat qu’il méprise, salit, foule aux pieds.
Bien sûr, « les agissements d’une minorité ne sauraient conduire à la stigmatisation de leur communauté
» et il ne faut pas tout mélanger mais n’empêche : après ce spectacle pitoyable, me mêler aux flots verts
et rouges panachés de bleu de la manifestation m’est devenu impossible…
Notes
[1] Chanson, « Fallait pas commencer », sur l’album « Pop Model », Polydor, 1986 (Putain, 30 ans… !)

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