Banals ou mystiques, ils sont tous utilisables au quotidien

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Banals ou mystiques, ils sont tous utilisables au quotidien
A la
recherche du
verre parfait
TEXTE Gabriel Tinguely PHOTOS mises à disposition
Le récipient dans lequel on boit un vin joue un rôle primordial.
Il suffit de goûter le même cru dans différents verres pour s’en assurer.
Un groupe d’experts a goûté différents vins dans différents verres
La taille, la forme, le volume, la finition, l’épaisseur et l’inclinaison des parois du verre ont un impact sur les sensations
procurées par un vin, tout comme son bord et la manière dont
le liquide coule sur la langue. Les calices avec un bord épais,
tels ceux des verres Napoli des années 1980, sont aujourd’hui
proscrits. Par chance, pratiquement tous les exemplaires produits se sont cassés. Certains modèles de Chef & Sommeliers
sont eux aussi à déconseiller. Leur forme généreuse permet
certes aux arômes de s’épanouir et leur bord replié vers l’intérieur les concentre, si bien que le bouquet se transforme en
une orgie de fragrances. Mais, en raison de ce bord, le buveur
doit aspirer le liquide, qui termine sa course sur la partie de
la langue sensible à l’amertume. Dans l’idéal, le bord doit être
droit et fin, afin que le nectar se déverse directement sur le
bout de la langue.
Pour approfondir nos connaissances en la matière, nous
avons demandé à un groupe d’experts de tester différents
verres avec différents vins. Ce cénacle réunissait Sandra Roth,
directrice du marketing du groupe Markus Hans, Gabrielle
Aschwanden, propriétaire du Boutique-Hotel Schlüssel à
Beckenried (NW), Mathieu Zimmermann, sommelier et conseiller en œnologie chez Fischer Weine à Sursee (LU), Mathias
Bechtel, vigneron passionné domicilié à Zurzach (AG) et président de l’association Junge Schweiz – Neue Winzer (Jeune
Suisse – Nouveaux viticulteurs) ainsi que le journaliste spécialisé Gabriel Tinguely, votre serviteur. Notre tâche: trouver
le verre le plus adapté à chaque vin.
Banals ou mystiques,
ils sont tous utilisables au quotidien
Nous avons testé quatre gammes de verres qui, à première
vue, se ressemblent. Pourtant, elles sont assez différentes du
point de vue de leur contenance, de leur matériau et de l’épaisseur de leurs parois. Les verres DOC, Vino Grande et Pure sont
fabriqués à la machine, alors que les Zalto sont soufflés à la
bouche, les moules en bois leur conférant une belle brillance.
Grâce à la finesse de leurs parois et au principe de refroidissement lent, ils se distinguent par une tension et une élasticité
remarquables. Lorsque l’on casse un verre Zalto, il explose
ainsi en mille morceaux.
La ligne DOC de Luigi Bormioli s’inspire du verre de dégustation imaginé dans les années 1970 par l’Institut national de
l’origine et de la qualité (INAO). Considérés comme parfaits,
les verres DOC comptent au nombre des modèles les plus prisés des restaurateurs. Stables et pratiques, ils sont également
très répandus dans les caves de dégustation. Leur capacité est
comprise entre 12 et 41 cl, le plus grand d’entre eux mesurant
20 cm et coûtant 4.35 francs.
De forme classique, les verres en cristal Vino Grande de la
maison Spiegelau existent depuis un certain temps et sont très
proches de ceux de la gamme Vinum de Riedel. Il faut savoir
que, comme Nachtmann, Spiegelau appartient à Riedel depuis
2004. Les verres Vino Grande ont une contenance variant
entre 34 et 71 cl. Le verre à bordeaux mesure 22,6 cm et coûte
7.95 francs.
Résolument modernes, les verres Pure de Schott Zwiesel
sont en Tritan®, un matériau issu d’un tout nouveau procédé
de fabrication qui leur confère une solidité et une stabilité
rares, ce qui explique qu’ils soient très appréciés des restaurateurs. Leur capacité est comprise entre 40,8 et 69,2 cl, le verre
à vin rouge mesurant 26,7 cm et coûtant 6.95 francs.
D’un seul tenant, les verres Denk’Art de Zalto sont soufflés à
la bouche. Fins et élastiques, ils n’en sont pas moins étonnamment solides. Lors de leur conception, les designers ont tenu
compte des connaissances d’un expert en vins, le pasteur Hans
Denk, et se sont inspirés d’un phénomène cosmique: les angles
utilisés de 24, 48 et 72 degrés correspondent à ceux de l’inclinaison de la terre. Si l’on en croit les textes anciens, les Romains
avaient remarqué que les récipients servant au stockage de la
nourriture fabriqués en respectant ces angles avaient des vertus particulières, les aliments y conservant plus longtemps leur
fraîcheur et leur saveur. Les verres Zalto ont une contenance
variant entre 40 et 90 cl et mesurent entre 23 et 24 cm. Le
verre à bordeaux mesure 24 cm et coûte 28.50 francs.
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Mêmes conditions – résultats différents
Afin que les quatre gammes aient les mêmes chances, nous
avons versé le vin dégusté dans un verre de chaque ligne. Si
nous l’avions transvasé d’un verre à l’autre, il se serait aéré et
le dernier verre en aurait bénéficié. Pourtant, malgré ce protocole, les résultats nous ont étonnés. Les verres DOC de
Luigi Bormioli nous ont déçus de bout en bout. Le plus petit
d’entre eux ne contenant que 12 cl, nous l’avons immédiatement écarté car il est trop petit pour boire du vin. Mais même
ses grands frères ne mettent pas en valeur les vins et leur
donnent un goût d’alcool prononcé ou une saveur âpre. Dès
le deuxième cru, ces verres ont été distancés par leurs concurrents. Conclusion: ils ne conviennent pas à la dégustation de
vin. Du reste, dans les cercles avertis, il se murmure que le
verre de l’INAO est désormais dépassé et qu’il ne satisfait pas
aux exigences des dégustateurs professionnels.
Nous avons également été surpris par les mauvais résultats
obtenus par les verres Vino Grande de Spiegelau. Leur calice
classique ne retient pas le bouquet, qui s’évapore rapidement.
Les arômes sont certes présents, mais le vin n’en demeure pas
moins assez plat. «Lorsqu’on lit les notes des dégustateurs, on
a peine à croire que les différents verres contenaient le même
vin», remarque Mathieu Zimmermann.
La gamme Pure de Schott Zwiesel et les verres Zalto nous
ont par contre séduits. «Les meilleurs verres mettent en valeur les qualités du vin», dit Sandra Roth qui, en tant que
directrice du marketing du groupe Markus Hans, distribue
les quatre lignes. Mais elle ajoute: «Et ils révèlent leurs défauts.» Ces deux gammes nous ont également donné envie
d’essayer des modèles de différentes tailles. Gabrielle
Aschwanden aime mieux les calices volumineux: «Je préfère
servir le vin dans de grands verres plutôt que de le faire décanter. Cela permet au client de suivre l’épanouissement du
bouquet et des arômes.»
Généralement, Gabrielle Aschwanden sert le vin qu’elle propose aux hôtes de l’hôtel-restaurant Schlüssel à Beckenried dans des verres Viña de Schott Zwiesel, dont le calice est en forme
de tulipe. Elle explique: «Mais, depuis un an et demi, nous proposons aux amateurs de déguster la même bouteille parallèlement dans des verres Zalto. Cela nous donne évidemment plus
de travail, mais le jeu en vaut la chandelle.» Au terme de notre dégustation, Mathias Bechtel
conclut: «Nous faisons de gros efforts dans nos vignes, dans nos caves et lors du choix de nos
fûts. Mais nous devrions aussi nous intéresser aux verres. Car les verres adéquats mettent en
valeur notre travail alors que les modèles ina-daptés le détruisent.»
Quelques conseils d’entretien
Toutes les marques proposent des verres de qualité. Il est toutefois indiqué de choisir des
modèles dont la base est aussi plate que possible et n’a pas de rebord, afin d’éviter les traces
d’eau après le passage au lave-vaisselle.
Cependant, certains verres sont parfois trop grands. Dans
le verre à bourgogne de la ligne Pure, le Chardonnay Barrique
de Mathias Bechtel est certes fleuri et parfumé, mais il perd
rapidement sa personnalité en raison d’un calice trop ouvert.
Le verre à bourgogne de Zalto n’est pas beaucoup plus adapté.
Même si le boisé disparaît à l’arrière-plan, le bouquet de ce délicieux cru reste poussiéreux. Le vigneron lui-même préfère de
loin le verre Universel de Zalto, qui lui permet de retrouver
toutes les qualités de son vin. Alors que, dans le grand verre, le
Blauburgunder d’Urs Pircher a quelque chose de monumental,
il évoque les goûters en montagne dans le verre à vin blanc.
En principe, tous les verres peuvent être lavés en machine, même ceux qui sont soufflés à
la bouche. Mais les paniers doivent être adaptés à la forme des différents modèles. Par ailleurs,
il faut veiller à ne pas laver les verres à trop haute température et avec trop de produit vaisselle car cela peut provoquer une opacification définitive. La meilleure solution consiste donc
à disposer d’une machine réservée aux verres et réglée à 60° C. Pour des raisons bactériologiques, les lave-vaisselles professionnels travaillent en effet à une température de 90° C, ce qui
est beaucoup trop pour les verres. Il est en outre conseillé d’équiper le lave-vaisselle destiné
aux verres d’un osmoseur. Dès lors, les verres n’ont plus besoin d’être essuyés manuellement.
Cela présente deux avantages: on gagne du temps et il y a moins de casse, si bien que l’investissement peut s’avérer rentable, même pour les établissements de taille moyenne. Si vous
rincez et essuyez vos verres à la main, n’oubliez pas que les ampoules actuelles éclairent beaucoup mieux que les anciennes. Ce qui veut dire que si vos verres ne sont pas parfaitement
propres, vos clients le verront immédiatement.
Bormioli
Vino Grande
Pure, Schott Zwiesel
Zalto
Verre à vin C99
Ballon à vin rouge 451 00 00
Cabernet Pure 1
Bordeaux
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Les dégustateurs:
DOC, Luigi Bormioli
Vino Grande, Spiegelau
Pure, Schott Zwiesel
Zalto
* Chaque vin a été goûté dans le verre
de chaque marque conseillé par
celle-ci.
optimal
idéal
passable
ne convient pas
Sandra Roth (SR)
Gabrielle Aschwanden (GA)
Mathias Bechtel (MB)
Mathieu Zimmermann (MZ)
Gabriel Tinguely (GT)
1
Chasselas 2012
Château de Châtagneréaz
1er Grand Cru
CHF 13.80
www.schenk-wine.ch
Riesling 2011
Kamptal DAC
Reserve Zöbinger Heiligenstein
Jurtschitsch
CHF 23.80
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* VERRE 1: La note classique de pierre
* VERRE 4: Au nez, un bouquet
* VERRE 8: Les fruits (poire, abri-
* VERRE 12: Ce verre divise.
à fusil et les arômes filigranes du chasselas
ne sont pas mis en valeur (MZ).
Le vin devient dur, herbacé, il a un fort
goût d’alcool (MB), il est très âpre.
fleuri, des fruits jaunes et du miel.
Les arômes s’évaporent rapidement et
le vin devient plat et insipide (SR).
Au palais, l’acidité domine.
cot, pêche) sont mis en valeur de façon
optimale (GA). Le vin est frais, fin et
propre (MB). Il glisse sur le bout de
la langue, ce qui lui confère une note
douce (MZ).
Les sensations évoquées vont de «banal
et âpre» (GA) à «complexe et exotique»
(MB) en passant par «précis et dynamique» (MZ).
* VERRE 2: Le vin évoque les agrumes
et le pétrole, il est dur, il manque de relief,
il devient plat, amer et piquant (GT).
Il semble plus âgé qu’il ne l’est en réalité
(MB).
* VERRE 5: Le vin a un peu plus
d’espace que dans le verre 3. Le bouquet
de fleurs d’agrumes et de fruits est plus
intense, mais il disparaît rapidement.
Au palais, l’acidité domine (GA).
* VERRE 9: Ouvert et puissant,
* VERRE 13: Laisse s’épanouir ce beau
riesling comme le voulait le vigneron:
frais et racé (GT), équilibré et juste à point
(MZ), constant au palais (MB), «mon
préféré» (GA).
Les verres 8 et 12, plus petits, empêchent
le vin de se perdre et focalisent mieux les
arômes.
* VERRE 2: La robe du vin est terne,
aqueuse. Au nez, il développe des notes
grillées et boisées intenses. Au palais,
il est boisé, banal et amer (GT).
* VERRE 5: Or clair, fumée, toast et
beurre au nez. Acidité et minéralité au
palais.
* VERRE 9: Jaune paille, beaucoup
* VERRE 13: Jaune paille, beaucoup
de fruit avec des notes de beurre et de
brioche, les notes boisées disparaissant à
l’arrière-plan. «Dans ce verre, je reconnais
mon vin», dit Mathias Bechtel.
Tout le monde s’accorde à dire que le chardonnay doit être dégusté dans le verre 15. Il
est très équilibré (MZ), il se distingue par un
fruité bourguignon et une discrète note boisée (MB), il est très agréable en bouche (GT).
* VERRE 3: Un bouquet intense de
* VERRE 7: Le pinot noir se perd
dans le verre, il paraît plat et manque
de fraîcheur. Au palais, la sensation est
semblable.
* VERRE 11: Bouquet de fruits
rouges intense, auquel viennent s’ajouter
de la griotte, du massepain et du café.
Les commentaires vont de «mauvais»
(GA) à «rond» (MZ).
* VERRE 15: La base généreuse et
Le verre 14 est lui aussi idéal. Le vin est
très vif, il gagne en structure et en fraîcheur
(MZ). Dans le petit verre 12, il évoque les
randonnées en montagne (GA).
* VERRE 3: Le vin est peu fruité,
avec des notes épicées, animales.
Au nez, l’alcool est très présent. Au palais,
il est rustique et peu harmonieux.
* VERRE 6: Rouge cerise tendant
* VERRE 10: Arômes précis et
intenses de cassis, de mûres et de café
(GT). Devient encore plus structuré
dans le verre 10 de plus petite taille
(MZ) et son nez évoque les champignons dans le verre 14 (SR).
* VERRE 14: Rouge cerise brillant aux
reflets violets. Un bouquet riche en mûres,
filigrane, vif et élégant. Le vin semble
avoir au moins 5 ans de plus que son âge
(GA/MB).
Le verre 14 est très apprécié de tous
nos dégustateurs. Dans les verres Schott
Zwiesel, le vin est pourtant plus sincère
(MZ).
* VERRE 3: Au nez, l’alcool et les fruits
doux se mélangent à des notes fumées et
épicées. Au palais, le vin est peu harmonieux, hésitant entre la douceur et l’amertume (GT).
* VERRE 6: Au nez, un concentré
* VERRE 10: Comme c’était déjà
le cas pour le bordeaux, le bouquet
(baies noires, pruneaux) est intense et
frais (MB/MZ). Opulent, crémeux et
élégant au palais (GT).
* VERRE 14: On sent le titre alcoolé-
Ce vin obtient les meilleures notes
quand il est dégusté dans le verre 13.
Le verre 15 lui confère plus de structure
au palais et, à volume équivalent, il est
beaucoup plus frais et fruité dans les
verres 9 et 12 que dans le verre 3.
les fruits et la minéralité sont bien mis
en valeur (GT). Frais et aromatique
(MZ).
Le verre 13 est intéressant lui aussi.
Contrairement à ce qui se passe avec un
puissant dézaley ou un yvorne, les la côte,
plus fins, se perdent dans les verres 11, 14
et 15.
www.fischer-weine.ch
Chardonnay Barrique 2011
Mathias Bechtel
CHF 21.00
www.bechtel-weine.ch
Blauburgunder 2012
Urs Pircher
CHF 16.00
www.weingut-pircher.ch
Château Fonroque 2008
Saint-Emilion, Grand Cru Classé
85% Merlot, 15% C. Franc
CHF 32.00
fruits rouges est immédiatement perceptible. Au palais, les notes de poivre, de
peaux de baies et d’amertume confèrent
au vin un caractère rustique (GT).
www.delinat.ch
Coster de Segre 2009
Do Clos Pons Roc Nu
Tempranillo, Garnacha,
Cabernet Sauvignon,
CHF 36.00
vers le brun. Au nez, il évoque les baies
cuites et les feuilles mortes (GT).
Le verre renforce les arômes et notes
de renfermé (MZ).
de baies noires, d’épices et d’un zeste
de fumée. Doux, ample et puissant au
palais.
de fruits exotiques et d’ananas (GA),
mais aussi de notes grillées. Equilibré
au palais.
la forme de ce verre concentrent les notes
de baies et l’arôme épicé. Evoque une
merveilleuse «narcose au pinot» (GA).
mique de 14,5 pour cent et le bouquet de
baies noires. Tout le monde est d’accord:
dans ce verre, le vin procure beaucoup de
plaisir et devient à la fois fin et équilibré.
www.fischer-weine.ch
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