Approches sensorielle et instrumentale : cas du

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Approches sensorielle et instrumentale : cas du
Produits/Formulations
Par Anne marie FILLOUX,
responsable R&D filière blé,
ENILIA-ENSMIC Surgères
Approches sensorielles et
instrumentales : cas du feuilletage
Mots-clés : Beurre de tourage ; rhéologie ; croissant ; feuilletage ; dureté ;
collant ; plasticité ; matière grasse ; TAXT + ; analyses sensorielles.
Le cahier des charges « matière grasse pour feuilletage » recense des critères physico-chimiques, rhéologiques permettant d’évaluer leurs aptitudes technologiques. Ces critères reflètent-ils la réalité industrielle ?
Comment adapter ces matières aux contraintes industrielles ?
L’objectif de cette pré-étude a été de tester les aptitudes technologiques de trois beurres de tourage
lors du laminage. Le comportement rhéologique (dureté, plasticité) de ces trois beurres a été déterminé par utilisation du texturomètre TAXT+. Les 3 lots de croissants issus des 3 matières grasses ont été
évalués par un groupe de 10 sujets experts entraînés à la technique du profil descriptif.
Les mesures rhéologiques et sensorielles ont-elles été corrélées ?
Les mesures de collant, dureté et plasticité de la matière grasse nous informent sur le croustillant et le gras
en surface au toucher du produit fini. Les méthodes instrumentales et sensorielles semblent être corrélées.
Ces différentes approches complémentaires permettraient de prédire la qualité technologique des matières grasses et de pouvoir les adapter aux contraintes industrielles.
Bibliographie :
• R. GUINET, B. GODON. La Panification Française. Collection sciences et techniques agro-alimentaires. Lavoisier TEC
& DOC. 1994.
• P. ROUSSEL, H. CHIRON. Les Pains Français. Science et Technologie des Métiers de Bouche. Editeurs MAE ERTI.
2002.
• P FEILLET. Le Grain de Blé composition et utilisation. Editions INRA. 2000.
• D. LE GIGAN. Informations apportées par les analyses rhéologiques sur les pâtes de farines. Industrie des céréales.
Juin-Juillet 1997.
• C. RENARD-S.THERY. Détermination des méthodes physico-chimiques pour prédire la qualité biscuitière et boulangère
des blés français. IRTAC.
• M. DUBOIS. Caractérisation des farines et des pâtes. Industrie des céréales. Juin 1996.
• D. GHORBEL, B.LAUNAY. Propriétés d’adhésion des pâtes de farine de blé : description et mise en œuvre d’une méthode instrumentale améliorée. Sciences des aliments. 1999.
• A. M FILLOUX. Evaluation de la qualité de farine panifiable. IND. ALIM. AGR. Mai 1998.
• B. LAUNAY. Propriétés rhéologiques des pâtes de farine quelques progrès récents. Industries alimentaires et agricoles.
1979.
• N. BORNES. Etudes des propriétés rhéologiques des pâtes de farine de variétés pures de blé par compression uniaxiale.
• B. LAUNAY. Caractérisation du comportement viscoélastique des pâtes de farine en extension biaxiales. Département
science de l’aliment. ENSIA.
1. Matériel et méthodes :
Elaboration de la pâte feuilletée.
Le tableau 1 indique la composition de
la détrempe.
Afin d’obtenir une pâte machinable,
non collante, ayant une température de
20 °C, à l’issue du pétrissage ; la température de base est fixée à 44 °C.
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Tableau 1, composition de la pâte à croissant
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Des problèmes de collant, de plasticité et de consistance sont régulièrement constatés et palliés par le
savoir-faire des opérateurs sur ligne.
« Les mesures
rhéologiques
et sensorielles
ont-elles été
corrélées ? »
T°C de base = T°C de farine + T°C de
l’eau + T°C du fournil = 44 °C.
La température de la salle climatisée
est maintenue à 18 °C.
Le tableau 2 indique les différentes
étapes du protocole ainsi que les
contrôles.
d’élasticité de la farine (M DUBOIS –
caractérisation des farines et des pâtes
– industries des céréales – juin 1996).
Le tableau 3 permet d’associer les caractéristiques des pâtes boulangères à
leurs qualités viscoélastiques.
(cf. tableau 3, page 14)
Or des jugements subjectifs pourraient-ils être remplacés par des mesures instrumentales ; pouvant prédire le comportement sur ligne de la
farine ?
Mesure de l’adhésion des pâtes : la
cellule de CHEN
Les opérations de mise en forme et
de transfert des pâtes peuvent être
ralenties, voire parfois empêchées,
Lors de ces fabrications, nous avons
pu évaluer les caractéristiques rhéologiques de la pâte sortie pétrin,
ainsi que celles des beurres sortie
extrudeuse à l’aide du texturomètre
TAXT+.
Caractéristiques rhéologiques de la
pâte et des trois beurres à l’aide du
TAXT+ :
La qualité d’une pâte et notamment sa
machinabilité, ainsi que son développement dépend en très grande partie
de l’équilibre entre ténacité – extensibilité et élasticité. La ténacité (résistance que la pâte oppose à une force
d’extension) est en rapport avec sa
consistance qui elle même varie avec
l’hydratation de la farine. L’extensibilité (aptitude à se déformer sans se
rompre) est à mettre en relation avec
la viscosité. L’élasticité (aptitude à reprendre sa forme initiale après une sollicitation) peut être associée à l’indice
Tableau 2, étapes du protocole et contrôles
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à un texturomètre TAXT+. Le piston
vient appliquer une force à la pâte
extrudée. Après application de cette
force, l’adhésion de la pâte au piston, lors de sa remontée est mesurée.
Tableau 3, caractéristiques des pâtes – qualités viscoélastiques
par un excès d’adhésion des pâtes
aux matériels en contact avec elles.
Le test nommé « adhésive test » est
basé sur l’extrusion de la pâte au travers d’une grille en acier inoxydable
et la mesure de l’adhésion par l’arrachement d’un piston plexiglas relié
Les données retirées des courbes obtenues sont les suivantes :
• force maximale moyenne et son écart
type : force d’adhésion de la pâte ;
• aire sous la courbe et son écart type :
travail lié à l’adhésion.
(cf graphique 1, ci-dessous)
L’adhésion des pâtes n’est pas le seul
critère pouvant être évalué par le TAXT,
la consistance et plasticité le sont également. Ces caractères sont primordiaux, dans les procédés industriels.
Mesure de la consistance
et plasticité des pâtes :
Lors des opérations de mise en forme,
de fermentation, de cuisson, la pâte ne
doit pas s’étaler, se déchirer. La mesure de sa consistance et de sa plasticité peuvent être déterminée par pénétromètrie, avec un piston cylindrique.
Les données retirées des courbes obtenues sont les suivantes :
• F max. force maximale moyenne et
son écart type : consistance de la pâte ;
• aire1-2 sous la courbe et son écart
type : plasticité de la pâte ;
• F min. Moyenne et son écart type :
indique d’une certaine manière la
force d’adhésion du produit lors de la
remontée du piston (dans les cas de
moulage, injection de produits sucrés
dans la pâte …) ;
• aire 4-5 moyenne et son écart type :
travail lors de la remontée du piston
(donne une indication sur le collant de
la pâte).
(cf. graphique 2, ci-contre)
Graphique 1, courbes de résultat au TAXT (source DI Enilia / Ensmic)
Mesure de la dureté et plasticité
des beurres :
Graphique 2, courbes de comportement de 3 beurres au TAXT (source DI Enilia / Ensmic)
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Les résultats ont été obtenus à l’aide du
texturomètre TAXT+ (enfoncement du
piston de 6 mm). Chaque moyenne est
le résultat de la mesure de 5 capsules.
Les méthodes utilisées ont été jugé
fiables lors de précédentes études.
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Approche sensorielle des produits
finis :
Les 3 lots de croissants issus des 3
matières grasses ont été évalués par
un groupe de 10 sujets experts entraînés à la technique du profil descriptif. Ils étaient réunis dans la salle
de dégustation de l’ENILIA (conforme
à la norme V09-105), la dégustation
s’est déroulée sous lumière blanche.
Tableau 4, liste des descripteurs
Chaque dégustateur a reçu successivement les 3 croissants anonymés
dans un ordre différent d’un sujet à
l’autre. Le tableau 4 présente, pour
chaque croissant les descripteurs retenus.
2. Résultats et discussion :
Tableau 5, caractéristiques rhéologiques de la détrempe
2.1. Aptitudes technologiques de la
détrempe et des trois beurres :
Collant, consistance et plasticité
de la détrempe :
Le tableau 5 recense les résultats
obtenus sur la détrempe, à l’aide du
TAXT+.
La pâte n’est pas collante, ne se déforme pas et ne se déchire pas lors
du laminage.
Dureté et plasticité des matières
grasses :
L’histogramme 1 recense les résultats obtenus sur les matières grasses.
Les mesures rhéologiques montrent
que le beurre A (référence Société X)
présentent des duretés et des plasticités supérieures aux beurres B et
C de la Société Y. A priori sans avoir
réalisé l’interprétation statistique,
le beurre C présente des duretés et
plasticités significativement supérieures au beurre B.
Dans les trois cas, les pâtes ne se déchirent pas au laminage, les beurres
se répartissent de manière homogène entre les couches de pâte. Ce
comportement souligne une plasticité satisfaisante des trois produits.
Histogramme 1, résultats des mesures rhéologiques
2.2. Résultats de l’analyse
sensorielle :
Le tableau 6 présente, pour chaque
croissant et descripteur, la moyenne
des notes de tous les sujets (échelles
d’intensité : 0 (intensité la plus faible) à
10 (intensité la plus forte).
Une analyse de variance a été réalisée
par descripteur pour effectuer la comparaison des croissants. La significativité du F (facteur produit) est mentionnée ainsi que les éventuels groupes
(lettre entre parenthèse) issus du test
de la Plus Petite Différence Significative
(PPDS). (cf. tableau 6, page 16)
Les évaluations montrent que ces 3 lots
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de croissants présentent des niveaux
d’intensité similaires pour le feuilletage,
le gras en surface, le cassant, et la texture en bouche. Par contre, des différences significatives apparaissent pour
le moelleux au toucher.
Les lots de croissants B et C sont plus
moelleux que ceux du lot A.
Est-il possible de corréler ces résultats
à ceux obtenus avec le TAXT+ ?
2.3. Corrélations entre les méthodes
rhéologiques et sensorielles :
Nous avons réalisé une matrice de corrélation entre les différentes données
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rhéologiques obtenues sur les matières
grasses et les résultats de l’analyse
sensorielle (cf. tableau 7,ci-dessous).
Ainsi, nous pouvons constater que :
• le collant F (force) est corrélé au
croustillant, au gras en surface au toucher ;
• la dureté est corrélée au croustillant
et au gras en surface au toucher ;
• la plasticité est corrélée au croustillant et au gras en surface.
Les mesures de collant, dureté et plasticité de la matière grasse nous informent sur le croustillant et le gras en
surface au toucher du produit fini. Les
méthodes instrumentales et sensorielles semblent être corrélées.
Afin de pousser plus loin les investigations, il serait nécessaire d’étudier la
fiabilité du test technologique.
« Les mesures
de collant,
dureté et
plasticité de la
matière grasse
nous informent
sur le croustillant et le gras
en surface
au toucher
du produit fini. »
CONCLUSION :
Les approches technologiques, rhéologiques et sensorielles pourraient être
complétées par des observations au
microscope de la matière grasse, actuellement réalisées par l’équipe du développement industriel. Ces différentes approches complémentaires permettraient
de prédire la qualité technologique des
matières grasses et de pouvoir les adapter aux contraintes industrielles.
Ont participé à ces travaux :
• Franck SOBOLEWSKI (responsable
développement industriel) ;
• Sophie BREAU et Philippe SAGUEZ
(chargés de mission) ;
• Frédéric CHALLAT (technicien atelier technologique) ;
• Chantal DUCHESNE (responsable
du laboratoire d’analyses sensorielle).
Tableau 6, résultats de la séance d’analyse sensorielle
Tableau 7, coefficient de corrélation - en gras valeurs significatives (hors diagonale) au seuil alpha = 0.05 (test bilatéral)
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