Culte des Rameaux : dimanche 1 avril 2007
Transcription
Culte des Rameaux : dimanche 1 avril 2007
er (Culte à Villefranche N°15) Culte des Rameaux : dimanche 1 avril 2007 - Lectures Bibliques. .1. Marc 10, 35-45. .2. Marc 11, 1-11. - Prédication. « Le Seigneur en a besoin... » (Marc 11, 4) C’est la première leçon du récit de l’Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem selon Marc : le Seigneur a besoin de tout le monde, même et surtout des plus petits (même s’ils sont parfois un peu bruyant ou remuant), comme il a eu besoin du « petit de l’ânesse » pour entrer triomphalement dans la cité de David. Un vieux dicton dit « qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi », mais c’est en fait une idée pour conteurs de fables ; car dans la réalité quotidienne, les gens ont trop besoin d’hommes et d’animaux forts, vigoureux, productifs, toujours rentables. Les autres ils les laissent attachés à l’entrée des villages... Mais le Seigneur, lui, a besoin des petits, des fragiles, des discrets, pour se faire porter auprès de ceux qui ont faim d’Amour, soif de Justice, auprès des autres petits ânes, des autres petits hommes, qui ne servent à rien, sinon à te dire : « Merci, Seigneur, d’avoir pensé à moi, d’avoir eu besoin de moi ! » … Jésus va donc entrer à Jérusalem monté sur un petit âne qui n’avait jamais porté personne. Quelle surprise et quel contraste, que de voir ainsi le « Roi des rois », monté sur un ânon ! Lui, le Fils de Dieu, à qui le Père a confié tout pouvoir dans le ciel et sur la terre, lui en qui et par qui tout a été fait… comment a-t-il pu entrer ainsi dans la cité du roi David ? Un roi, cela entre plutôt à cheval, sur char d’apparat ou dans un carrosse tiré par des chevaux blancs, pas sur un frêle ânon ! Mais, outre le fait que la force et la puissance du Christ ne se présentent jamais dans l’apparence et les mirages de la toute-puissance, cette entrée sur le dos d’un ânon est surtout le choix que fait Jésus de suivre et d’incarner les prophéties messianiques, notamment celle de Zacharie, qui présentaient ainsi l’entrée du Messie à Jérusalem. Reste que pour Jésus, la réalité de la puissance n’est pas fruit de la force, de la richesse ou même du suffrage universel, mais de l’obéissance à la Volonté du Père. Tout pouvoir qui s’appuierait sur autre chose et notamment sur l’ambition personnelle, l’orgueil, la vanité, l’intérêt, le mépris des autres ou la soif d’un enrichissement personnel au détriment des autres, ne serait que mensonge et tyrannie. Le Royaume que le Seigneur est venu inaugurer repose lui sur autre chose, notamment sur la Justice et la Vérité. Le malentendu de cette journée est là. Paradoxe en effet que cette vision d’un Jésus aujourd’hui acclamé en Roi, comme Messie d’Israël, mais qui demain sera abandonné de tous, arrêté, torturé, condamné à mort par cette même foule qui criait hier « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur »... Car, l’aboutissement de ces journées ne sera pas pour lui un trône, celui de David, mais la Croix : la mort et non le pouvoir, la Gloire/Identité du Christ se révélant ici dans un abaissement (cf. Ph 2, 5-11)... Au bout du compte, tous ont été déçu, car Jésus n’était pas « le Libérateur » attendu, celui qui allait « bouter » le romain hors de la terre d’Israël, un « nouveau David », mais le « Serviteur souffrant » qu’avait annoncé le prophète Esaïe : « l’Agneau de Dieu » qui allait donner sa vie pour racheter l’humanité… Même ses disciples vont l’abandonner, soit en le trahissant soit en le reniant, en tout cas en fuyant sa fin lamentable sur une croix, comme un vulgaire condamné de droit commun. C’est qu’hier comme aujourd’hui (voyez tous ceux qui chez nous passent leur temps à manifester et tout bloquer pour défendre leurs « exquis acquis ») la majorité des hommes et des femmes a toujours du mal à accepter la réalité et la fuit, notamment quand c’est des années d’épreuves et d’efforts qui s’annoncent et pas des jours paisibles sous des cieux ensoleillés. Aussi, je ne me fait guère d’illusions sur les résultats des prochaines élections, car il faudrait beaucoup de courage à nos concitoyens pour oser le saut dans l’inconnu, en faisant table rase des beaucoup de nos petites habitudes bien sécurisantes, pour oser une réforme radicale de nos mœurs, de notre mode de vie, de consommation et surtout nous mettre au travail non plus pour asseoir notre bien être personnel et préparer une juste retraite au soleil, mais pour construire un monde meilleur pour nos enfants et les enfants de nos enfants. Car comme les disciples de Jésus ou cette foule qui l’acclame, nous sommes des enfants gâtés, des enfants rois, qui ne rêvent que de trônes et de gloire facilement conquis, sans trop d’efforts bien sûr, ou une rapide retraite dorée après une paisible existence de fonctionnaire, en laissant à d’autres le soin de régler l’ardoise. Aussi, il n’est pas étonnant que Jacques et Jean se disputent les premières places derrière un Christ qu’ils espèrent, comme tous, bientôt Roi. Jésus leur demande alors : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire et recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? » (Marc 10, 38) Le « baptême » et la « coupe », ce sont ici des mots qui annoncent la Croix : le baptême ce sera pour Jésus d’être plongé, noyé dans la mort pour revenir enfin à la Vie, et la coupe, ingurgiter la mort pour en vivre. Mais la pointe du texte est dans cet invitation que Jésus fait ses disciples à devenir des serviteurs sans pouvoir au lieu de chercher à se servir du pouvoir. « Que celui qui veut être le premier, soit le serviteur de tous ! » (v.43) Cette parole du Christ à ses douze disciples devrait sans cesse être rappelée à nos douze candidats à la présidentielle, surtout aux deux ayant les plus grosses ambitions personnelles. Car, nous le savons bien, beaucoup de petits ou grands chefs, y compris dans l’Eglise, abusent de leur autorité sous prétexte qu’ils rendent service, à la Nation, à l’Eglise ou à l’Humanité. En effet, combien de « bonnes âmes charitables » imposent aux autres leur façon de faire, de voir, de penser, en se réfugiant derrière des formule comme : « Ils ne peuvent pas comprendre, mais c’est pour leur bien… » ? C’est pourquoi Jésus précise qu’il n’y 2 a de service que dans le don total, le don de sa vie, comme lui-même s’apprête à le faire. Mais nous ne sommes pas pour autant invités à mourir pour la bonne cause, comme les fanatiques qui se font exploser pour servir leur Dieu ou leur idéaux : nous devons simplement avoir la lucidité de nous dire que servir c’est sans doute parfois une certaine manière de prendre un pouvoir, mais ce n’est le prendre que pour immédiatement le perdre. Au bout du compte, ces textes qui nous présentent une autre manière de servir, de nous faire serviteur, nous donne une autre image de Dieu, qui est ici un Dieu dépossédé, crucifié, mis à mort et au tombeau. … En effet, durant ces jours qui précédèrent la fête de Pâque, Jésus va briser tous les rêves de ses disciples, tous nos rêves, pour les faire passer de l’enfance à la maturité, de la toute-puissance du Désir à l’impuissance d’un Dieu cloué sur une croix. Nous connaissons tous l’issue de cette semaine à Jérusalem : Jésus va être arrêté, emmené devant le souverain sacrificateur puis le gouverneur romain. Justement, c’est au procurateur Pilate, qu’il rappellera que « son Royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36). Cette réponse de Jésus laissera le Gouverneur romain face à ses propres choix. Mais, face à une foule manipulée qui gronde, comme beaucoup de gouvernants peu courageux, Pilate ne veut pas ou ne peut pas choisir. De plus, il ne comprend pas ce qui se joue ici, de qu’elle royauté il est question, et qu’elle est cette Vérité que Jésus est venu apporter au monde. Il nous laisse cette question, qui depuis raisonne toujours dans le cœur des hommes : « Qu’est-ce que la Vérité ? » (Jn 18, 38) Après cette ultime question, en guise de réponse, il n’y a plus que le silence… Terrible silence qui en dit plus que bien des mots. Le silence de Dieu, le silence de la Croix, le silence d’un Dieu pendu au bois de la croix au Golgotha, à Auschwitz… partout où l’homme n’existe déjà plus comme homme… Le silence… jusqu’à l’aube du huitième jour, l’Aube d’une ère nouvelle qui malgré tout, ne cesse et ne cessera jamais de croître. Amen. 3