31 30 une onction d`huile sacerdo- tale, prophétique ou
Transcription
31 30 une onction d`huile sacerdo- tale, prophétique ou
une onction d’huile sacerdotale, prophétique ou royale. L’antique consécration de David se conjugue à l’espérance d’une intervention divine définitive : que vienne le règne de justice et de paix ! Dès la première prédication chrétienne, cependant, les harmoniques royales s’estompent devant un événement inattendu et inouï : la résurrection, tournant radical de l’histoire du monde. Dans le même élan, l’Apôtre Paul détache alors le nom « Seigneur », accolé jusqu’ici au Dieu Un, pour qu’il encadre, avec celui de « Christ », la personne de Jésus : « Pour nous, en tout cas, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons ; et il n’y a qu’un seul Seigneur Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous existons. » (1 Co 8, 6) Le nom « Seigneur » est celui qu’Israël reconnaît à son Dieu. Il contient le Salut : le chemin à travers les eaux, l’éducation au désert, le don de la Terre promise, l’exil, le pardon, l’avenir radieux. Tout cela est repris et métamorphosé dans le Christ. Or, quelle que soit sa forme, le Salut demeure geste prodigieux. De la traversée de la mer Rouge, au souvenir grandiose, à la traversée de la nuit de Pâques, mystérieuse, c’est toujours la mort qui est vaincue. Ne l’était-elle pas déjà quand on amenait à Jésus des malades et des infirmes et qu’il les guérissait tous ? L’aube de Pâques qui a vu la découverte du tombeau vide entre en résonance avec celle, inaugurale, de la création du monde. « Seigneur » et « Christ » consacrent l’aventure de celui qui, expirant sur la croix, a donné la vie. Ô merveille ! Le dénouement fait boucle avec l’origine. Avant qu’il ne s’inscrive dans l’histoire des hommes, le Seigneur de gloire était tout entier tourné vers Dieu. Il était « Fils ». Il le demeure. Non pas à l’image du peuple d’Israël ou bien du roi David (la relation demeure ici de l’ordre de l’adoption) mais dans une vérité sans pareille : William Holman Hunt (1827-1910), La Lumière du monde (1851-1853) huile sur toile, 125 x 60 cm, Oxford, Keble College Conservée dans la chapelle d’un collège d’Oxford, la toile nous présente Jésus qui se prépare à frapper à une porte envahie par la végétation et fermée depuis longtemps, illustrant la parole rapportée par le livre de l’Apocalypse : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe » (Ap 3, 20). La porte dans la peinture n’a aucune poignée et, par conséquent, ne peut être ouverte que de l’intérieur. Elle représente l’esprit obstinément fermé. Cette scène de nuit, est éclairée principalement par la lanterne, selon l’explication métaphorique des psaumes : « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route » (Ps 118, 105). Cette lanterne que porte Jésuslumière de la Vérité, lumière de la Parole divine (le Christ est « lumière, née de la lumière ») est la principale source de clarté et se reflète sur la porte et sur la végétation du premier plan. Les mauvaises herbes évoquent nos négligences et tous les obstacles accumulés. Le verger de l’arrière-plan nous fait penser aux fruits savoureux destinés au délicat festin de l’âme. La robe sacerdotale et la chape royale que porte ce Christ monumental, solide et vivant pour l’éternité, sont le signe de son règne sur le corps et l’âme de ceux qui l’accueillent. Il vient réveiller et bousculer. Est-ce le crépuscule ou l’aube que nous distinguons derrière les arbres ? Le mélange des lumières est traité avec une grande maîtrise et la figure de Jésus apparaît comme une étoile qui nous guide aux moments les plus sombres de notre existence. Le Sauveur est la promesse d’un jour nouveau et d’une vie nouvelle si nous l’accueillons au cœur de notre existence et que notre âme endormie s’ouvre à sa présence. 30 31 Joseph Haydn (1732-1809) Crucifixus etiam pro nobis Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit sa Passion et fut mis au tombeau. Missa in Angustiis ou Messe Nelson L’ombre de la croix Joseph Haydn nous a laissé quatorze messes : une première série de huit dans lesquelles le compositeur exprime une foi sereine et confiante ; puis les six dernières d’une maturité, d’une gravité, d’une solennité bien différentes. La messe dite Nelson est la seule de toutes celles qu’a composées Haydn qui soit écrite dans un ton mineur, c’est-à-dire une couleur plus grave, plus angoissée comme le révèle son titre : Messe dans les angoisses. Haydn confie à sa musique la crainte qu’il éprouve devant les menaces venues de Bonaparte. Le souvenir de 1797 et de la présence des troupes françaises devant Vienne est encore dans les esprits. Cette messe fut dédiée à l’amiral Nelson après coup, lorsque la nouvelle de sa victoire sur la flotte française à Aboukir fut connue. 46 La dramaturgie du Crucifixus ne pouvait que trouver de profonds échos dans l’esprit de Haydn. Dès l’Et incarnatus le ton est donné : au lieu de la pastorale habituelle, c’est sur une musique grave qu’est évoquée la nativité du Seigneur. Un discret motif d’accompagnement annonce le Crucifixus, la crèche annonce la croix. La musique s’efface en un unisson saisissant, le motif d’accompagnement est repris par les violons en mineur alors que le chœur psalmodie sur une seule note Sub Pontio Pilato. À l’image d’une descente de croix, la mélodie descend par degrés chromatiques jusqu’à Et sepultus est : le silence du tombeau envahit peu à peu l’espace. Mais la couleur de l’accord final laisse entrevoir discrètement une espérance. La Parole en silence se consume pour nous. L’espoir du monde a parcouru sa route. Voici l’heure où la vie retourne à la source : dernier labeur de la chair mise en croix. 47 Page de droite précédente : Maître de Cabestany (v.1130-1180), Apparition du Christ à deux disciples (v. 1175), marbre, 81 x 62 x 18 cm Comme elle était malmenée, la barque de Pierre, dans le passage de l’Évangile de Marc (6, 47-51) ! Comme celle de l’Église l’est encore ! Mais si je crois en elle, alors le Sauveur viendra comme il le fait ici pour les deux disciples qui rament – dans tous les sens du terme… Avec un certain schématisme propre au style de l’époque et des détails touchants, ce bas-relief évoque la rudesse des conditions de navigation. Personne ne s’occupe de l’eau poissonneuse, mais il faut éviter le naufrage dans cette mer déchaînée. Le poids du corps de Pierre, tendu et tout à l’effort de la manœuvre, repose sur son pied qu’il a calé à la proue de la barque. À sa main levée, signe de sa surprise ou de son appel à l’aide, répond le geste impérieux du Christ, lui seul capable d’apaiser la tempête. Il apporte la paix, comme le précise l’inscription latine Pax vobis sur la couverture du livre de Vie qu’il tient de sa main gauche. « N ous, Paul, Silvain et Timothée, nous nous adressons à vous, l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur. Que la grâce et la paix soient avec vous. À tout instant, nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous, en faisant mention de vous dans nos prières.Sans cesse, nous nous souvenons de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, de votre persévérante espérance, qui nous viennent de notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile chez vous n’a pas été simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint et merveilleux accomplissement. » (1 Th 1, 1-5) Ainsi commence ce qui est sans doute le plus ancien écrit chrétien. C’est une lettre qui pourrait remonter au début de l’an 50, soit une vingtaine d’années École grecque, Les Apôtres Pierre et Paul (xvie siècle) tempera sur bois, 55 x 43 cm Jésus, Pierre et Paul. Les bases même de l’Église me sont présentées à travers cette « conversation sacrée », à la fois intemporelle – éternelle, même, puisque le fond d’or byzantin me le redit – et actuelle. Car en portant à bout de bras ce modèle réduit d’une église à plan centré enchâssant l’autel du sacrifice eucharistique, c’est la présence du Ressuscité qui est ainsi manifestée. Deux grandes figures, dont les vêtements à l’antique sont magnifiés par des reflets veloutés, présentent au Seigneur ce lieu de culte – qui pourrait être celui dans lequel je me rends. Et en me regardant, Pierre à qui ont été confiées les clefs du Royaume et Paul qui dans ses épîtres s’adresse aux fidèles en les exhortant à entrer dans la relation nouvelle avec Dieu, par la foi en Jésus Christ, semblent m’inviter à me joindre à eux dans cette « présentation ». Mon attachement à l’Église est en quelque sorte encouragé par Jésus lui-même. Jaillissant de la nuée, placé au centre supérieur de la composition et à la verticale de ce sanctuaire, il bénit les deux Apôtres et me convie à reconnaître le lien prodigieux qui existe avec celui qui est à l’origine de la sainteté de l’Église. 96 97