La limitation de la responsabilité

Transcription

La limitation de la responsabilité
Groupe ENCON inc.
Téléphone 613-786-2000
Télécopieur 613-786-2001
Sans frais 800-267-6684
www.encon.ca
Bulletin
Bulletin no 98
Juin 1997
Information Prévention
Architectes et ingénieurs
Assurance responsabilité professionnelle
La limitation de la responsabilité
par Derek Holloway
Vice-président principal
Groupe ENCON inc.
Pour bon nombre d’architectes et d’ingénieurs, la
limitation de la responsabilité est synonyme de
clauses ambiguës et d’échappatoire face à ses
responsabilités. Le monde de la « responsabilité »
est en pleine effervescence et bon nombre de clients
du secteur public et du secteur privé désirent voir
leurs risques transférés à un tiers; les architectes et
ingénieurs qui ne prennent pas de mesures pour
réduire leurs risques en matière de responsabilité
s’exposent à des réclamations onéreuses et
déraisonnables.
La présente publication est destinée
à un usage informatif seulement.
Elle ne doit pas être utilisée comme
s’il s’agissait d’un conseil ou d’une
opinion juridique sur des
circonstances ou des faits en
particulier.
Programme parrainé par
On peut limiter sa responsabilité de différentes
façons, sans nécessairement avoir recours à des
clauses contractuelles. De fait, en précisant
simplement au client les services auxquels il a
droit et ceux auxquels il n’a pas droit dans le cadre
d’un projet donné et en établissant un système
de communication efficace ainsi qu’une
documentation écrite sur les changements
apportés, il est plus facile d’effectuer des
modifications de conception et de prendre des
décisions dans le cadre d’un projet que d’avoir
recours à des clauses de limitation de la
responsabilité.
Depuis plus de 30 ans, ENCON a vu un important
pourcentage de réclamations contre les architectes
et ingénieurs résultant de dommages qui n’étaient
pas imputables à des erreurs de conception mais
bien à des risques que l’architecte ou l’ingénieur
n’avait pas prévus ou qu’il n’avait pas assumés de
son plein gré. Les architectes et ingénieurs devraient
donc se protéger contre ce genre de risque
de responsabilité onéreux, à moins qu’ils en
comprennent parfaitement les conséquences et
qu’ils décident de les assumer de leur plein gré.
Ainsi, la Cour d’Appel de l’Ontario statuait
récemment qu’un consultant en environnement
qui avait prévu une clause d’exonération de
responsabilité pour la réutilisation d’un rapport ne
pouvait être tenu responsable envers un tiers ayant
fait l’acquisition d’une parcelle de terrain qui avait
fait l’objet d’une étude par ce consultant. Dans ce
cas, le consultant en environnement n’avait reçu
qu’un mandat limité de la part de son client afin
que ce dernier se conforme aux règlements
environnementaux. Le consultant désirait se
protéger contre un mauvais usage ou des
interprétations éventuels de ces renseignements
par des tiers. Le consultant avait donc jugé prudent
d’annexer une clause d’exonération de responsabilité
à son rapport environnemental.
Plusieurs lecteurs se rappelleront la célèbre cause
Edgeworth c. N.D. Lea où la Cour Suprême du
Canada avait statué que les architectes et ingénieurs
ont une responsabilité envers les tiers qui sont
susceptibles de se servir de leurs travaux.
L’Honorable juge La Forest de la Cour Suprême avait
toutefois précisé que le consultant aurait pu annexer
à ses documents contractuels une clause
d’exonération de responsabilité envers les tiers. Il est
important de noter que ce litige résultait du fait que
l’entrepreneur avait été empêché de poursuivre le
propriétaire à cause de la présence d’une clause
d’exonération de responsabilité dans les documents
contractuels. À la suite de cette décision, bon
nombre de clients ont tenté d’annexer dans leurs
contrats de telles clauses d’exonération de
© 2005 Groupe ENCON inc.
AE-LCB-98-F Juin 1997
Architectes et ingénieurs
La limitation de la responsabilité
responsabilité, qui transfèrent du fait même
d’énormes risques aux architectes et ingénieurs,
sauf s’ils se prémunissent eux-mêmes contre ces
risques. Ces mesures prises par les clients dans le
secteur public sont contestées par les associations
professionnelles des architectes et ingénieurs. Dans
un autre jugement, la Cour Suprême du Canada
accorde le droit à des acheteurs de terrains
subséquents de poursuivre les architectes et
ingénieurs pour pertes financières causées par des
vices de construction et de conception qui
constituent un « risque substantiel de dommage
corporel ou de dommage matériel ». Ces faits
nouveaux démontrent clairement que les architectes
et ingénieurs doivent prévoir des clauses
raisonnables de limitation de leur responsabilité en
cas d’utilisation par un tiers de leurs rapports,
travaux de conception et documents. Voici un
exemple de clause efficace de limitation de la
responsabilité préparée par le consultant en
environnement dont la cause a été présentée en
Ontario :
« Le présent rapport a été préparé par
____________ pour le compte de _________.
Son contenu reflète le meilleur jugement de
_____________ à la lumière des informations
disponibles au moment de la préparation du
rapport. Toute utilisation que pourrait en faire
une tierce partie ou toute référence ou toutes
décisions en découlant sont l’entière
responsabilité de ladite tierce partie.
___________ n’accepte aucune responsabilité
quant aux dommages, s’il en était, que pourrait
subir une tierce partie à la suite d’une décision
ou d’un geste basé sur le présent rapport. »
ENCON ne préconise pas que les architectes et
ingénieurs doivent tenter d’éluder leurs
responsabilités à la suite d’une erreur, d’une
omission ou d’une négligence. On recommande
plutôt aux architectes et ingénieurs de bien
connaître les risques inhérents à leurs projets et les
mesures qui sont prises par les autres parties pour
gérer ou réduire ces risques. Les architectes et les
ingénieurs devraient prendre les mesures
nécessaires pour éviter d’assumer des risques
disproportionnés. On a trop souvent vu des
architectes et ingénieurs être tenus partiellement
responsables de certains problèmes et dommages et
d’avoir à payer la totalité de la perte, l’autre partie
s’étant protégée des risques éventuels par des
clauses contractuelles. Les architectes et ingénieurs
devraient assumer un certain niveau de risque
acceptable : le fait d’assumer un risque illimité ne
sert ni l’architecte, ou l’ingénieur. Cette situation ne
sert pas le client étant donné que ses pertes seront
presque toujours irrécupérables s’il exige des
dommages-intérêts qui excèdent le produit
d’assurance disponible.
Il y a plusieurs années, ENCON publiait un Bulletin
Information Prévention qui recommandait les
mesures de limitation de responsabilité suivantes :
On y suggère que les consultants limitent leur
responsabilité en fonction de l’un ou l’autre des
critères suivants :
1.
2.
3.
4.
5.
Limiter la responsabilité selon le montant
des honoraires exigés par le consultant
pour les services qu’il doit rendre.
Limiter la responsabilité selon un
pourcentage des honoraires exigés par le
consultant pour les services qu’il doit
rendre.
Limiter la responsabilité selon un
pourcentage de la valeur du projet.
Limiter la responsabilité selon le montant
de garantie disponible en vertu de la
police d’assurance de responsabilité
professionnelle en vigueur au moment de
la signature du contrat.
Limiter les dommages aux dommages
directs, ce qui exclut les dommages
indirects.
Voici un exemple de clause de limitation de la
responsabilité :
« Le Consultant convient avec le Client qu’en
vertu du présent contrat il doit faire preuve
du même souci de diligence et de compétence
dont celui-ci fait preuve lors de l’exécution de
services semblables à ceux qui font l’objet
du présent contrat. Le Consultant accepte
de souscrire à ses frais une assurance de
responsabilité professionnelle dont l’étendue
de la garantie est laissée à sa discrétion. La
responsabilité du Consultant envers le Client
en vertu du présent contrat pour toute
réclamation en responsabilité civile
contractuelle ou extra-contractuelle relative aux
services exécutés en vertu du présent Contrat
est limitée (inscrire une des suggestions
suivantes) :
Options
1. à X pour cent des honoraires exigés par le
Consultant pour ses services énoncés au
présent contrat;
2. au montant des honoraires du Consultant,
cette responsabilité ne dépassant
cependant pas les honoraires totaux, exigés
en vertu du Contrat;
3. à X pour cent du coût global de
construction, à condition que ce
pourcentage ne dépasse pas Y $; ou
4. au montant de garantie disponible
à l’assurance de responsabilité
professionnelle souscrite de temps à
autre, incluant la franchise, et destinée
à dédommager le Consultant;
et dans le cas où la responsabilité du
Consultant en vertu du présent Contrat est
limitée aux pertes ou aux dommages
directement imputables à sa négligence, à la
négligence de ses dirigeants, de ses employés
ou de ses agents, ou à son incapacité de faire
preuve de la diligence et de la compétence
susmentionnées. Le Consultant ne doit en
aucun cas être tenu responsable des pertes ou
des dommages imputables aux retards qui sont
indépendants de sa volonté ou de toute autre
perte financière ou de tout autre dommage
indirect.
Le Client peut, sur demande, examiner les
polices d’assurance de responsabilité
professionnelles. Si, à la suite de circonstances
particulières ou pour une autre raison, le Client
désire souscrire à une autre assurance pour se
protéger contre les risques autres que ceux qui
sont couverts par ces polices, le Consultant doit
collaborer avec le Client pour souscrire à une
telle assurance, payée par le Client. En
contrepartie des services rendus par le
Consultant en vertu du présent Contrat, le
Client accepte les limitations de la
responsabilité du Consultant susmentionnées. »
Depuis la publication du bulletin précédent,
d’importants progrès ont été réalisés en
jurisprudence et en matière de langage
contractuel. Les exemples précédents illustrent
bien les principaux éléments d’une clause de
limitation de la responsabilité. Nous incitons les
architectes et ingénieurs à utiliser les contratstypes préparés par leurs associations,
notamment les contrats-types CCAC 6 et
AICC 31, étant donné que ces documents
renferment des clauses de limitation de la
responsabilité qui ont été revues au fil des
dernières années et qui répondent mieux aux
besoins des architectes et ingénieurs.
L’acceptation d’une clause de limitation de la
responsabilité par le client dépend de deux
facteurs. Premièrement, le consultant doit en
discuter avec le client et le convaincre qu’il ne
devrait pas et qu’il ne peut pas assumer une
responsabilité illimitée en cas de réclamation à la
suite de la reddition de ses services, et que les
firmes qui acceptent d’assumer un tel risque ne
sont pas en mesure de dédommager
adéquatement le client en cas de lourde perte.
Deuxièmement, les architectes et ingénieurs
doivent faire preuve d’une grande ténacité pour
ne pas reculer lorsque le client invoque
l’argument souvent utilisé selon lequel les autres
firmes ne limitent pas leur responsabilité et
qu’ils assument un risque entier et une
responsabilité illimitée. Une firme de génieconseil nous indiquait récemment qu’elle avait
consacrée deux semaines à négocier une clause
qui limitait sa responsabilité au coût de ses
services de génie-conseil. Finalement, elle a été
félicitée par son client pour avoir négociée une
entente équitable. C’est donc possible!
Nous vous suggérons de discuter des suggestions
contenues dans ce bulletin avec votre conseiller
juridique lors de l’ébauche d’un contrat de
services avec vos clients.
N. B. Au Québec, il faut garder à l’esprit que le
régime de responsabilité professionnelle des
architectes et des ingénieurs diffère du régime
que l’on retrouve dans les autres juridictions.
La présomption de responsabilité quinquennale
prévue à l’article 2118 du Code Civil du Québec a
pour effet de rendre les clauses de limitation de
responsabilité difficilement applicables. On ne
peut déroger au principe contenu à l’article 2118,
en raison de son caractère d’ordre public.
Néanmoins, ces clauses vous seront utiles lors de
la conclusion de contrats dans les juridictions où
celles-ci ont un effet légal. Dans tous les cas,
nous vous rappelons qu’il est primordial de bien
circonscrire votre mandat pour éviter toute
ambiguïté dans la définition de votre rôle et les
responsabilités légales et contractuelles qui en
découlent.
Groupe ENCON inc.
Téléphone 613-786-2000
Télécopieur 613-786-2001
Sans frais 800-267-6684
www.encon.ca