Le secteur de l`Industrie Pharmaceutique

Transcription

Le secteur de l`Industrie Pharmaceutique
18eme Journée Conseil de l’Ordre des Pharmaciens
fabricants et Répartiteurs (COPFR)
Samedi 22 Novembre 2014
Sofitel-Casablanca
----------------------------Le secteur de l’Industrie Pharmaceutique :
Une vocation à confirmer
-----------------------------Sommaire
Introduction
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Le secteur pharmaceutique marocain en chiffres
Le marché des produits pharmaceutiques
Les Atouts et le potentiel du secteur
Les contraintes du secteur
Faiblesses du secteur
Leviers de développement du secteur
Conclusion : Quels peuvent être les facteurs clés de succès du
secteur ?
------------------------------------------
Introduction
Il m’a été demandé de traiter du secteur pharmaceutique au Maroc, sa
description, son offre et sa demande ainsi que ses opportunités et ses
contraintes.
Au niveau du contexte, Le Maroc a l’instar des autres pays du Maghreb,
doit faire face à des défis très importants en matière de santé et d’accès
aux soins. Transitions sanitaire, épidémiologique, et les avancées
démocratique propulsent les problèmes de santé au rang des priorités
politiques du pays. Face à ces défis, les moyens, notamment financiers,
sont en décalage, puisque notre dépense nationale de santé est estimée
à environ 400 dollars par habitants et par an (contre 6 à 10 fois plus
dans les pays de l’OCDE) et la part du médicament est quant à elle
estimée à moins de 80 dollards/hab/an.
Le secteur pharmaceutique marocain traverse ces derniers temps une
situation difficile due à une conjoncture économique internationale et
nationale difficile, avec comme impact la restriction des dépenses de
santé (la croissance du secteur n’est que de 2% environ en 2012/2013).
La révision des prix engagée par le ministère de la santé, et la baisse du
chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique suite aux diminutions de
prix générales programmées vont être bien entendu des facteurs
aggravants. Cette situation va certainement impacter négativement les
investissements
(déjà
limités),
les
emplois
du
secteur
et
son
développement à l’international. Sans oublier le fait que nos systèmes de
prises en charge (AMO/RAMED) sont encore faibles.
L’industrie
pharmaceutique
marocaine,
secteur
stratégique
pour
l’économie nationale et pour l’approvisionnement régulier et sécurisé en
Médicaments, a connu au cours des 20 dernières années un
développement sans conteste satisfaisant. Elle occupe la deuxième
place à l’échelle du continent africain, après la République Sud-Africaine
et la deuxième activité au niveau des industries chimiques au Maroc
après celle des phosphates.
Portée en grande partie par le secteur privé, elle permet aujourd’hui
d’assurer la couverture de 65% des besoins du marché national (contre
49% en Tunisie et 30% en Algérie).
La qualité du médicament produit au Maroc est internationalement
reconnue et l’industrie pharmaceutique Marocaine est réputée être aux
normes internationales. L’OMS classe, d’ailleurs, le secteur dans la zone
Europe. De ce fait, les produits pharmaceutiques nationaux s’exportent
régulièrement vers un grand nombre de pays européens, notamment la
France, l’Allemagne mais aussi en Amérique du Nord, en Afrique, en
Asie et dans le monde Arabe.
Par ailleurs, le marché du médicament est fortement réglementé. Le
Maroc dispose de procédures en matière d’enregistrement, de
distribution et de contrôle, ainsi qu’un système d’achat de médicaments
centralisé qui est assuré par les pharmacies centrales.
Fortement encadré par l’Etat, le secteur est régi par la loi 17-04 portant
sur le code du médicament et de la pharmacie. Avec un secteur privé
domine totalement, la production, l’importation et la distribution en gros
ou au détail des médicaments. Ce secteur compte + de 40 unités
industrielles. La production locale des médicaments est assurée par 32
laboratoires qui sont devisés en trois catégories :
• Les filiales de multinationales,
• Les entreprises fabricant sous licence,
• Les entreprises fabricant leur propre palette de médicaments
génériques.
Les entreprises nationales sont représentées en grande partie par
l’association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP). La plupart
des multinationales, sont pour la plupart, membres de « Maroc
Innovation Santé » (MIS), certaines multinationales sont aussi membres
de l’AMIP. L’Association marocaine du médicament générique (AMMG)
est la 3eme association professionnelle du secteur. Elle regroupe
exclusivement des industriels génériques dont certains sont déjà
membres de l’AMIP.
Par ailleurs, les industriels du secteur de l’industrie pharmaceutique sont
géographiquement concentrés dans la région du Grand Casablanca
avec un total de 32 entreprises.
Les entreprises du secteur emploient directement 7500 personnes et
indirectement 35 000. Les technologies utilisées nécessitent une main
d’œuvre hautement qualifiée, ce qui explique le niveau du taux
d’encadrement supérieur à 20%. La distribution, de répartition et de
dispensation des médicaments et des produits pharmaceutiques non
médicamenteux
sont
assurées
par
50
grossistes
répartiteurs
pharmaceutiques et près de 11 000 officines qui couvrent l’ensemble du
territoire marocain.
1. Le secteur pharmaceutique marocain en chiffres
De prime abord, notons que l’environnement immédiat de l’industrie
pharmaceutique marocaine se caractérise par :
- Une dépense globale de santé, ou le Maroc se situe à un niveau
honorable : 47,8 milliards de dirhams soit 6,3% du PIB [Afrique du
Sud (8,7%), la Jordanie (8,3%) ou la Turquie (6,7%)],
- Une dépense annuelle liée à l’achat des médicaments de l’ordre de
13,9 milliards de dirhams, 53% des dépenses de santé est supportées par
les ménages
- Des dépenses annuelles per capita, consacrées à l’achat des
médicaments dans les pharmacies estimées
à 414 Dhs. En
volume, la consommation per capita est de l’ordre de 9,1 boîtes
par personne par an.
L’industrie pharmaceutique nationale est caractérisée par un faible
volume de production et des difficultés à réaliser des économies
d’échelle, du fait de l’étroitesse du marché local. Celle-ci trouve son
origine, d’une part, dans la faiblesse du pouvoir d’achat au Maroc et,
d’autre part, dans les limites du système de prévoyance sociale et
notamment l’insuffisance de la couverture par assurance maladie. (Le
marché national du médicament est de 12 milliards de DH, dont environ
15% pour le secteur public).
Le secteur pharmaceutique produit 65% la demande locale :
Production en 2011 : 293 millions d’unités.
Chiffre d’affaires en 2011 : 8,3 milliards de DH.
Production en 2012 : 302 millions d’unités environ.
Chiffre d’affaires en 2012 : 8,8 milliards de DH.
Production en 2013 : 307.4 millions d’unités environ.
Chiffre d’affaires en 2013 : 8.9 milliards de DH.
La part des médicaments princeps représente près de 70% des ventes
sur le marché privé, contre 30% pour les génériques.
• Importation
- 2012 : 4 794 823 000 Dh
- 2013 : 5 050 472 000 Dh
• Exportation
- 2012 : 733 127 000 Dh
- 2013 : 856 291 000 Dh
Le secteur exporte près de 10% de sa production globale de
médicaments dont une bonne partie vers l’Europe et l’Afrique.
Durant la même année, les importations ont représenté une part
importante de la demande, essentiellement des pays de l’UE dont 40%
environ de France.
2. Analyse du marché des produits pharmaceutiques
Le secteur connait une concentration de ses activités ce qui engendre
des pratiques anticoncurrentielles, comme l’a indiquée l’étude sur la
concurrenciabilité du secteur faite par le Conseil de la concurrence en
2011.
Ainsi, l’analyse du niveau de concentration dans le secteur de l’industrie
pharmaceutique a montré que, sur 40 opérateurs du secteur
pharmaceutique industriel, 4 premiers détiennent environ 40 % des parts
de marché, les 8 premiers 64 % et les 20 premiers, 95%. Ces
entreprises sont Bottu SA (11%), Cooper Maroc (10,3 %), MAPHAR
(8,70%) et Sothema (8%).
Une place importante dans le marché est détenue par les filiales
marocaines des grands laboratoires internationaux (GSK, Sanofi,
Pfizer…). Une forte concentration des revenus globaux est observée
puisque les dix premiers opérateurs du secteur contrôlent près de 50%
du marché.
L’étude a démontré surtout que le marché pharmaceutique présente des
indices de concentration est très élevée dans certains segments
thérapeutiques tels que les traitements anticancéreux, de l’hépatite B,
diabète,… où certains industriels détiennent un savoir-faire, de
l’expérience, et des portefeuilles de médicaments très demandés.
Le secteur national de l’industrie pharmaceutique est ainsi qualifié
d’oligopole ouvert : composé d’un noyau qui comprend un nombre réduit
d'opérateurs qui dominent fortement le marché et qui coexiste avec une
périphérie comportant un nombre important d'opérateurs ne disposant
que d'un faible poids sur ce même marché.
3. Les Atouts et le potentiel du secteur
L’industrie
pharmaceutique
marocaine
possède
des
atouts
considérables :
• Un âge mur, puisqu’elle a 50 ans d’existence,
• Des Entreprises certifiées, produisant aux normes de qualité
européennes et/ ou américaines,
• Une Capacité de production disponible qui répond aux normes
internationales, elle serait de 730 millions d’unités,
• Bénéficie de la tendance à l’externalisation de la R&D et de la
production,
• Des avantages concurrentiels importants liés à la productivité, aux
coûts de main d’œuvre, à l’accès aux marchés de consommation
notamment en Afrique et dans la zone MENA,
•
Une politique volontariste de l’Etat.
Depuis 2013, l'industrie pharmaceutique marocaine dispose d’un
contrat-programme signé avec l’Etat, ce qui est de nature à assurer
son développement futur.
En dépit de ses atouts, l’industrie pharmaceutique connait un
rythme de développement relativement lent.
Dans une étude réalisée en 2009, le Boston Consulting Group (BCG) a
mis en évidence le grand potentiel du secteur et la politique qu’il faut
suivre pour le concrétiser. Les grandes lignes de cette étude ont été
reprises en 2013 sous le nom «Pharma 2020». Elle a établi les
premières estimations comme suit :
• Le potentiel d’export pour le Maroc à l’horizon 2020 se situerait
entre 1 et 2 milliards de dollars.
• La stratégie R&D, entre 400 à 550 millions de dollars (dont 100 à
150 millions pour les essais cliniques et 300 à 400 pour
l’outsourcing de R&D).
• Le potentiel pour l’offshoring de formulation et packaging, entre
100 et 250 millions de dollars, et
•
Pour les entreprises marocaines entre 650 millions et 1,25 milliard
d’exports (dont 100 à 150 millions pour le façonnage, 150 à 400
millions pour l’export vers l’Afrique et 400 à 700 millions pour
l’export de génériques vers l’Europe).
A ce jour le secteur est encore loin de ces chiffres !
4. Contraintes du secteur
L’industrie pharmaceutique même si elle couvre plus de 65% des
besoins nationaux, reste confrontée à un certain nombre de contraintes
qui entravent son développement.
• L’étroitesse du marché constitue une entrave aux économies
d’échelle et entraine une sous-utilisation de l’outil industriel. Les
coûts de revient des médicaments au Maroc, pour ces raisons,
sont élevés.
•
Un marché fragmenté de nombreux industriels, la fabrication
provient d’un nombre important d’opérateurs (+ 40 laboratoires
pharmaceutiques).
• Un marché dispersé sur un nombre élevé de produits autorisés sur
certaines molécules (le nombre important d’AMM par molécule
peut atteindre 30 parfois) et sur plus de 5000 médicaments.
• Les volumes de médicaments fabriqués restent globalement
modestes (une moyenne de 9 boîtes par habitant et par an). et
pour un nombre important de médicaments. Seulement 0,6% des
médicaments commercialisés dépassent en volume le 1 million de
boites par an.
• la certification par les autorités de pays tiers est assez faible
• Une R&D très limitée.
• La pénalisation de la fabrication locale par les flux d’importation et
les difficultés de développement à l’export constituent également
des freins à l’expansion de ce secteur.
Cette situation explique pourquoi certains opérateurs ont opté, en plus,
pour l’export et d’autres ont diversifié leurs gammes pour détenir des
parts de marché variées d’une sous-classe à une autre. Ceci a
également poussé certaines multinationales à se désengager du secteur
industriel et de se contenter d’importer des médicaments à partir de leurs
maisons mères ou ont choisi de faire fabriquer leurs produits par d’autres
opérateurs, y compris nationaux.
5. Faiblesses du secteur
• La capacité d’investissement des acteurs marocains dans le
secteur pharmaceutique reste limitée.
• L’appareil de production demeure sous-exploité avec à peine 60%
de la capacité utilisée.
• A qualité égale, les produits pharmaceutiques au Maroc sont plus
chers que ceux d’autres pays, raisons : écart sur les normes
environnementales et de sécurité et de quelques incitations
(fiscalité, subventions …).
• La faible taille des séries produites cause un désavantage
concurrentiel du Maroc en matière de coûts, ce qui entrave le
potentiel export du secteur. « Sur cette base, on peut calculer
qu’avec un doublement de la taille de série, on peut baisser le coût
de revient de 26% et qu’avec un décuplement on peut atteindre
une division des coûts par plus de deux », souligne le rapport de
BCG.
• Absence d'un système d'informations pharmaceutiques au niveau
national,
• Faiblesse du volume de ses investissements, en 2012 et 2013 : 300
millions de Dh/an, environ.
• Faiblesse
des
activités
de
recherche
et
d’innovations
technologiques, malgré la mise en œuvre des mesures juridiques
et financières pour promouvoir la recherche et le développement.
• Le caractère familial de nombreuses entreprises ne favorise pas
les synergies entre elles et limite souvent leurs ambitions.
• Manque de leadership du secteur, éclaté et qui n’a pas de vision
commune.
Compte tenu de ces faiblesses, la question qui se pose est de
savoir si le contrat-programme a toutes les garanties pour
réussir ses objectifs d’ici 2023 ?
6. Leviers de développement du secteur
Le plan stratégique établi par BCG a constitué une base pour la mise en
place du contrat-programme du secteur signé en avril 2013 entre l’Etat et
les opérateurs privés et qui s’étale sur la période de 2013 à 2023. Ce
plan a mis en exergue plusieurs leviers pour le développement du
secteur, dont, notamment, la formation et la mise à niveau législative,
pour promouvoir ce secteur d’activité pour occuper la place qui lui
revient au niveau international et d’identifier les niches pertinentes
permettant de moderniser et de positionner l’industrie pharmaceutique
parmi les piliers moteurs de croissance de l’économie nationale.
Les grandes lignes de ce contrat-programme du secteur s’articulent
surtout autour du développement de l’activité exportation du médicament
qui constitue une opportunité pour le Maroc en tant que plateforme vers
l’Afrique.
Les capacités de fabrication de l’industrie pharmaceutique restent sous
utilisées et peuvent assurer un doublement de la production si le marché
porte une évolution significative (Assurance maladie généralisée,
RAMED, et surtout Export…)
Cette feuille de route préconise, également, de mettre en place une
plateforme industrielle intégrée dédiée à la pharmaceutique (PII
pharma). Le but final est de procurer à l’industrie nationale la
compétitivité nécessaire qui va engendrer une baisse des prix du
médicament
et
améliorer
l’attractivité
du
secteur
auprès
des
investisseurs internationaux et nationaux.
Les bénéfices attendus du contrat-programme à l’horizon 2020 sont :
• Un potentiel à l’export de 1 150 millions de dollar,
• Atteindre une consommation du marché intérieur de 2 000 millions de
dollars,
• Création de 25 000 emplois (directs et indirects)Les opérateurs, au
lieu de douter de sa faisabilité, doivent s’approprier cette
ambitieuse stratégie.
Conclusion : De quelques facteurs clés de succès du secteur
Le marché du médicament est fortement réglementé par l’État au Maroc
notamment au niveau des prix de vente qui sont administrés et fixés par
les pouvoirs publics.
Pour se développer, le secteur pharmaceutique devra œuvrer dans le
domaine :
•
de la réglementation, faire aboutir les revendications, maintes fois
réitérées, pour élaborer les textes d’application du code de la
pharmacie depuis sa promulgation.
• de la formation, pour renforcer les compétences
• du soutien aux exportateurs en créant une offre Maroc sur le plan
marketing.
• De la Veille stratégique en commençant par la création d’un
observatoire du secteur et en mettant ensuite des structures
permanentes de veille.
Mais le plus important et qui détermine la réalisation de toutes les
actions sont les alliances des acteurs autour de projets communs.
Le Secteur pharmaceutique est sous le feu des critiques :
• Rapport de la commission parlementaire en 2009 sur la cherté des
prix du médicament au Maroc.
• Rapports
et
études
qui
ont
mis
en
évidence
plusieurs
dysfonctionnements dans le secteur et diagnostiqué un problème
de concurrence.
• La guerre des marges est également source de conflit entre les
industriels et les officines, particulièrement depuis la sortie de la
liste des 3.000 médicaments assujettis à la baisse des prix qui ne
s’applique d’ailleurs que très lentement.
• les distorsions en interne de la communauté pharmaceutique
empêchent de réunir tout le monde autour d’une même table.
Secteur pharmaceutique qui traverse une période difficile. Les
industriels redoutent les retombées négatives de la baisse des prix
du médicament sur les projets d'investissements, d'emplois et de
développement
à
l'international.
Il
a
besoin
de
d'accompagnement pour s'adapter au nouveau contexte.
mesures
Secteur qui a besoin d’une politique de santé et d’une politique
industrielle coordonnées et d’un environnement qui encourage les
partenariats entre les différentes parties prenantes.
L’Etat doit renforcer ce secteur important de l’économie nationale
et les opérateurs doivent s’unir.
Alors, acteurs du secteur pharmaceutique, unissez-vous !
22 Novembre 2014