l`article de Michel Décaudin dans Que Vlo-ve - Philo
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l`article de Michel Décaudin dans Que Vlo-ve - Philo
Que Vlo-Ve? Série 3 No 3 juillet-septembre 1991 pages 72-78 Une controverse sur «Les Fenètres» DECAUDIN ©DRESAT UNE CONTROVERSE SUR «LES FENÊTRES» par Michel DÉCAUDIN Le 15 novembre 1920, Henry Bidou inaugurait sa chronique de la Revue de Paris «Parmi les livres», où il prenait la succession de Fernand Vandérem, par un panorama de la poésie contemporaine; il y distinguait, parmi une douzaine de groupes, celui «qu'il faut bien nommer des Cubistes, mot impropre» : Dans ce groupe prennent rang Max Jacob, André Salmon et leur frère disparu Guillaume Apollinaire, tous trois inséparables et formant, si l'on veut, le groupe de la rue Ravignan. Auprès d'eux. Jean Cocteau, mince berger des peintres, des musiciens, des poètes errants. [...] Puis, cherchant «des tendances communes, caractéristiques de notre temps», il croit les trouver dans le fait que l'oeuvre, Jusqu'alors entendue comme un «ouvrage arrêté», tend maintenant à reproduire la «vie élémentaire de l'esprit», et il prend en exemple «Les Fenêtres» : Tout ce qui glisse, brille et fuit, les fantômes, les illusions, les formes inachevées, les traits de lumière et le dessin flottant des vapeurs sont la matière légère que le poète façonne. Et ses ouvrages sont les frêles monuments du reflet sans support, et sa musique est un écho éveillant un écho. Des lecteurs silencieux, dans des chambres muettes, suivront sur le champ des ténèbres le défilé de ces fantômes; ils écouleront ce concert. Surtout ils feront taire leur raison. Ils arrêteront la machine de l'intelligence discursive, dont le bruit et le battement dissipent tous les charmes. Et l'esprit suspendu, ils goûteront les associations subtiles, les appels et les réponses des images, la nécessité mystérieuse d'un poème d Apollinaire. Cette vision élémentaire d'éléments mouvants s'appelle en peinture le Futurisme. I.a représentation sur la toile en est difficile parce qu'il fait fixer à la fois et pour toujours une fuite légère et incessante dans le temps. Le problème n'a été encore qu'imparfaitement résolu. Au contraire, en poésie, il se fait une sorte d'accord entre le poète et le lecteur. Si incohérente que soit la suite des images tracées par le poète, sensations, réminiscences, rêveries, interruptions par les voix du dehors, intrusions de banalités qui entrent comme de gros papillons de nuit, le lecteur, qui connai't sa propre incohérence, ne s'étonne point de celle-ci, s'en amuse comme d'un rêve, y découvre une suite certaine et subtile... [72] Du rouge au vert [...] dans sa cravate blanche Avec un peu d'industrie vous reconnaîtrez facilement dans ces vers le mouvement et l'engendrement des images, l'apparition de figures nouvelles, l'enchaînement quasi musical. J'entends bien qu'on dit dédaigneusement : c'est là le chaos originel d'où doit naître un poème, et non le poème lui-même. Il faut se garder de cette erreur. Les poèmes de cette sorte, s'ils étaient seulement la notation d'une rêverie quelconque, seraient de médiocre valeur. Loin d'être le début du travail, ils en sont l'aboutissement. Ils sont un art fait d'allusion, d'allitération colorée et de sensibilité télépathique, où les liens grammaticaux sont remplacés par d'invisibles antennes. Bien loin d'être un bavardage d'enfant, ce langage est celui de mandarins très subtils, qui s'entendent sans syntaxe. Les idéogrammes des langues d'Extrême-Orient, qui peignent sur une page non une suite de mots, mais une suite d'idées, forment des poèmes de cette sorte, que chacun interprète, et qui enchantent par la beauté des caractères cl par tout ce que leur voisinage suggère à un esprit 1 Que Vlo-Ve? Série 3 No 3 juillet-septembre 1991 pages 72-78 Une controverse sur «Les Fenètres» DECAUDIN ©DRESAT délié. Le silence parfumé de l'opium, une science exercée et la délicatesse des vices de l'Asie, sans être indispensables, sont très favorables à cette sorte de plaisir. L'intelligence discursive en est bannie. Essayer de comprendre un poème cubiste est un non-sens. Il n'y a rien à comprendre. Or c'est une vérité élémentaire de l'histoire de l'esprit qu'on n'y trouve jamais une force qui ne soit contre- balancée par une force antagoniste. Il est impossible d'imaginer qu'il y ait des romantiques sans qu'il y ait en même temps des classiques pour les maudire. Il faut donc de toute nécessité qu'il existe dans les lettres un parti de l'Intelligence. C'est l'étemel défi de Pan et d'Apollon. On ne sera pas surpris davantage que le parti de l'Intelligence ait ses temples sur la terre !atine, là où ta province romaine forme, au bord d'un mer sans marée, devant des paysages nets, des esprits qui aiment les lignes définies. Je vois moins bien pourquoi le parti de l'Intelligence est lié politiquement au parti conservateur : c'est peut-être parce que ses doctrines, claires comme le regard d'Athéna, semblent mieux ordonnées. Mais il y a des raisons plus profondes au culte que rendent à la fille de Zcus. des adorateurs passionnés. Jusque dans le camp opposé sa puissance se fait sentir. Il n'y a rien de plus logique, de plus équilibré, de plus raisonnable en un mot, qu'une composition cubiste. Le même mois, André Billy commence dans Les Écrits nouveaux la publication de son Apollinaire vivant et, voulant illustrer de quelques exemples ce qu'il estimait être la «méthode de travail» de son ami, il en vient aux «Fenêtres», après «Un fantôme de nuées» et avant «Lundi rue Christine». Le passage est connu, mais mérite d'être cité à nouveau : Je voudrais citer un autre exemple de sa méthode de travail. Lui, Dupuy et moi sommes assis chez Crucifix, rue Daunou, devant trois verres de vermouth. Soudain Guillaume éclate de rire : il a complètement oublié d'écrire pour le catalogue de Robert Delaunay la préface qu'il s'est engagé à mettre à la poste, dernier délai, aujourd'hui même. Vite. garçon, du papier, un porteplume et de l'encre! À trois, nous en viendrons» vite à bout. La plume de Guillaume court déjà : [73] Du rouge au vert tout le jaune se meurt Puis elle s'arrête. Mais Dupuy dicte : Quand chantent les aras dans les forêts natales La plume repart, transcrivant la phrase fidèlement. Elle ajoute : Abatis de pihis Puis de nouveau s'arrête. Et c'est mon tour de dicter : Il y a un poème à faire sur l'oiseau qui n'a qu'une aile Réminiscence d'Alcools que la plume retrace ans hésiter. - Ce qui serait bien, dis-je alors, ce serait, puisqu'il y a urgence, d'envoyer votre préface en message téléphonique. Et c'est pourquoi le vers suivant est celui-ci : Nous l'enverrons en message téléphonique 2 Que Vlo-Ve? Série 3 No 3 juillet-septembre 1991 pages 72-78 Une controverse sur «Les Fenètres» DECAUDIN ©DRESAT Je ne me souviens plus assez exactement de tous les délais de cette étrange collaboration, mais je puis affirmer que la préface du catalogue de Robert Delaunay (Calligrammes, p. 17) en est sortie totalement. Guillaume appelait les poèmes de ce genre des poèmes-conversations. Leur publication quasi simultanée, leurs différences d'objet et d'orientation excluent toute possibilité d'intention polémique entre ces deux articles. Il fallut d'ailleurs plusieurs mois pour que soient remarqués et opposés les passages qui concernaient «Les Fenêtres». Dans Le Verbe d'avril-mai 1921. un certain G. Hamonic accroche le grelot avec son article «Cubisme et grands critiques». Après avoir cité Bidou, il enchaîne : Nous nous sommes frotté les yeux et nous avons relu le poème du tendre Apollinaire. Allitération? Peut-être. Enchaînement d'images? Hum! Nous n'osions pas nous affirmer que notre vision n'était pas d'une netteté parfaite, puisque Monsieur Henry Bidou nous assurait qu'il y avait dans ce poème le raffinement de l'art le plus subtil. N'étions-nous donc qu'un esprit dépourvu des antennes qui colligent ces semences de la pensée dont la ténuité échappe aux organes du vulgaire! Noire perplexité était grande. Nous n'avions décidément qu'à faire acte d'humilité et c'est à quoi nous étions résolus, lorsque, ouvrant les Écrits Nouveaux de novembre dernier, nous eûmes la bonne fortune de constater que Monsieur André Billy y venait opportunément à notre secours, dans le même temps que Monsieur Henry Bidou nous remontrait, en termes excellents, l'ordonnance supérieurement logique du cubisme. Il faut vous dire que Monsieur André Billy fut un familier de Guillaume Apollinaire. A ce titre, il peut nous révéler aujourd'hui de quelle manière, parfois très fantaisiste, le poète de Calligrammes «fabriquait» les petites pièces effarantes qu'il nous arrive de rencontrer dans son oeuvre. Par un fâcheux effet du hasard, le poème cité par Monsieur Henry Bidou procède de cette fantaisie «hénaurme». Écoutons Monsieur André Billy — dont l'émotion n'aveugle pas la fine perspicacité, — nous narrer ses souvenirs sur Guillaume Apollinaire : «Je voudrais citer un autre exemple de sa méthode de travail. [...] en est sortie totalement». Allitération, logique, raison, antennes, télépathie, raffinement, patatras! Ce diable d'Appolinaire [sic] a fait «marcher» Monsieur Henry Bidou. Voilà où conduisent le démon du modernisme et la crainte de paraître «n'être pas à la page!» Cette petite mésaventure n'atteint pas le prestige de l'éminent critique qui est, n'est-ce pas, un fin lettré? On nous concédera seulement qu'elle diminue un peu la valeur de son appréciation sur le cubisme, et qu'elle nous autorise à garder notre attitude sceptique devant les funambulesques fantaisies de certains hurluberlus que l'on voudrait nous faire prendre pour des Messies. Que l'on veuille bien ne pas se méprendre sur nos intentions : en confrontant l'opinion de Monsieur Henry Bidou aux souvenirs de M. André Billy, nous n'avons pas eu le dessein de condamner une école, pour la raison que nous n'attachons aux étiquettes aucune importance. Quoique cubiste, Guillaume Appolinaire [sic] nous charme et nous touche quand il consent à n'être que le délicieux poète d'Alcools. Nous nous plaisons au défilé des images pittoresques d'un Paul Morand dont la singularité demeure intelligible, et le style chatoyant, plein d'originalité et d'imprévu d'un Jean Giraudoux nous séduit, après l'éblouissement du premier contact. Aussi bien, n'avons-nous pas la sotte prétention de contester à qui que ce soit le droit de rechercher des formes d'expression nouvelles, ni de trouver mauvais que les maîtres de la critique encouragent les juvéniles audaces — à la condition qu'elles ne soient pas de simples fumisteries. Mais pour louable qu'il soit de glorifier l'originalité, il n'est pas nécessaire de condamner 3 Que Vlo-Ve? Série 3 No 3 juillet-septembre 1991 pages 72-78 Une controverse sur «Les Fenètres» DECAUDIN ©DRESAT sans appel les poètes qui prétendent continuer de s exprimer selon les règles de la métrique ancienne, encore que Monsieur André Fontainas les qualifie de «règles périmées, caduques et artificielles». (Mercure de France, 1er janvier 1920.) Prétendre que le genre de poésie respectant le mètre et la rime tombe en défaveur, c'est là une assertion dont nous contestons la valeur. Que Monsieur Fernand Vandérem récite aux lecteurs de la Revue de Paris un poème du père Hugo et une «machine» de M. Picabia et il verra bien auquel des deux iront les suffrages. [...] La Renaissance du 14 mai enfonce le clou en résumant Hamonic. «Les trente-six califes» qui signent «Les Echos en marche» de La Revue de l'époque prennent ie relais en juin: «La Dernière mystification de Guillaume Apollinaire» — c'est leur titre — rappelle ironiquement les faits : [75] […] M. Bidou, lui aussi, découvrit, ilya un an, Guillaume Apollinaire. Certes, Apollinaire est mort. Et M. Bidou s'y prenait un peu tard. Aussi le mystificateur né qu'était Apollinaire trouva le moyen, même mort, de jouer un bon tour à M. Bidou. Certains diront que l'éminent critique y mit de la complaisance. Nous n'en croyons rien. M. Bidou est trop sérieux et nous savons assez ce dont Apollinaire était capable pour ne pas douter un instant que lui seul fut, de cette aventure, le dens ex machina. Viennent ensuite en quelques lignes les explications de Bidou et de Billy, enfin cette conclusion : Ainsi, même de l'au-delà, Apollinaire continue à mystifier son monde. Il choisit bien ses têtes, car. en somme, il ne pouvait, après que la N.R.F. eut, sa vie durant, refusé ses vers pour s'empresser de ics éditer depuis qu'il est célèbre, — envoyer son «message téléphonique» à M. André Gide. D'ailleurs, leurs religions étaient différentes. Mais si le ridicule tuait encore, il y a gros à paner que M. Henri Bidou serait déjà luimême en train de se faire expliquer par Apollinaire les raisons subtiles de la galéjade que nous rapporte M. André Billy. À son tour, le chroniqueur anonyme de la «Revue des revues» dans La Vie des lettres de juillet évoque «Henry Bidou mystifie» en se référant à La Revue de l'époque. L'image d'Apollinaire mystificateur, si différent du charmant poète d'Alcools que, lui, on peut aimer, authentifiée par André Billy, témoin et ami, reste décidément bien vivace en 1921. * * * Le débat devait rebondir d'une façon inattendue. Un article de Marcello-Fabri dans La Revue de l'époque. «Inventaire des situations de fait de la peinture et de la poésie», qui préconisait un «nouveau système perspectif» qui accorde l'art et la vie moderne, suscita de nombreuses réponses. Parmi lesquelles, une longue lettre de Delaunay qui, incidemment, aborde la question de la composition des «Fenêtres» et permet au rédacteur de la revue de tirer une conclusion : [...] La lettre que M. R. Delaunay nous écrit de Madrid est trop longue pour pouvoir être reproduite en entier. Voici les points susceptibles d'intéresser nos lecteurs. (M. R. Delaunay est précisément ce peintre pour qui G. Apollinaire écrivit cette fameuse préface à un catalogue pictural «Les Fenêtres» — où M. Henry Bidou discernait — dans La Revue de Paris tant de choses admirables, 4 Que Vlo-Ve? Série 3 No 3 juillet-septembre 1991 pages 72-78 Une controverse sur «Les Fenètres» DECAUDIN ©DRESAT — reportez-vous doncà notre avant-dernier numéro — tandis que M.André Billy, dans les Ecrits Novueaux nous contait l'histoire hénaurme de sa rédaction-à-troisdans un café chacun dictant une ligne). Certains passages de la lettre de M. Delaunay éclairent cette dispute d'un jour assez singulier, comme on va le voir : [...] J'étais ami d'Apollinaire, très intime ami. ……………………………. Vous l'appelez le madré Guillaume. Moi je l'aimais beaucoup, bien que nous ayons eu de fortes discussions au point de we de ce que l'on appelle l'art, justement au moment où il signait ce manifeste futuriste auquel vous faites allusion, et aussi travailait à ses méditations esthétiques qui furent par la suite converties en Ire anthologie du cubisme. Son fameux cubisme écartelé, etc. Chez moi c'était déjà l'époque constructive des «fenêtres», «équipe de Cardiff», «soleil», etc. Chez Guillaume, c 'étaient vies Fenêtres» — poème dont j'ai le Manuscrit dédicacé fait dans mon atelier où il couchait, une paire de chaussures jaunes devant la fenêtre. Cest nous qui soulignons, car n'cst-i! pas curieux que de ce poème-préface, que nous reproduisions en partie en juin (et où, seul, Guillaume Apollinaire. discernait sans doute quelque chose) trois manières de rédactions puissent être envisagées : (a) M. Henri Bidou, voit très bien Apollinaire à sa table de travail, et trouvant grâce à de subtiles recherches à la Branly «les mystérieuses antennes» qui serviront au poète à communiquer avec «l'intelligence et l'esprit de logique» du grand critique, — sinon avec les nôtres. (b) M. André Bilty, ami d'Apollinaire, retrace ainsi la mise au jour du même poème : Apollinaire, Dupuy et M. André Bilty sont au café, lorsque notre poète, se remémorant une promesse, entreprend de rédiger un poème-préface pour un catalogue pictural. «À trois, nous en viendrons vite à bout...» Et. en effet, chacun dictant sa phrase, il en sortit... le poème de M. Henry Bidou. (c) Mais M. Delaunay, avec force détails que nous reproduirons au besoin, nous apprend comment Apollinaire écrivit chez lui ce poème. Et nous qui accusions M. Bidou de s'être laissé mystifier! Voilà-t-il pas que M. Billy semble posséder une mauvaise mémoire, — ou confondre «Les Fenêtres» avec une autre galéjade de ce bon Guillaume. Car la version de M. Delaunay est précise, - et nous y voyons fort bien, contée de truculente façon, les manières de faire de deux camarades d'atelier. [...] Delaunay écrira plus tard, faisant allusion au récit de Billy: J'ai le manuscrit de ce poème admirable, et je défie les journalistes qui soi-disant y collaborèrent de me dire de quelle couleur est écrit véritablement ce poème, qui marque une des périodes les meilleures du poète, la plus aiguë dans sa nouveauté. (Du cubisme à l'art abstrait, p. 172.) Ce manuscrit, nous le connaissons. Il est entré à la Bibliothèque nationale dans le fonds Delaunay et a été reproduit notamment dans le catalogue de l'exposition Robert-Sonia Delaunay qui s'est tenue au musée d'Art moderne de la ville de Pans du 14 mai au 8 septembre 1985. Le malheur est qu'il ne résout rien. Quiconque a tant soit peu l'expérience des manuscrits d'Apollinaire verra d'emblée qu'il s'agit d'une mise au net soignée, sans ratures, signée, prête en somme pour l'impression et donnant le texte de l'épreuve avant correction. Il n'en tirera donc aucun renseignement sur la genèse du poème. 5 Que Vlo-Ve? Série 3 No 3 juillet-septembre 1991 pages 72-78 Une controverse sur «Les Fenètres» DECAUDIN ©DRESAT Faisons à notre tour le point. Billy n'a rien compris à l'esprit nouveau ni aux recherches d'Apollinaire; le portrait qu'il trace de son ami s'en ressent. Mais il ne fabule pas et ses anecdotes ont toutes un fondement de vérité. Il est probable que les premiers vers des «Fenêtres» ont été conçus comme il le narre. Son erreur est d'avoir cru que le texte entier se réduisait à cette amorce et de n'avoir pas décelé sous l'apparence ludique le sérieux de l'entreprise. Delaunay, de son côté, ne dit pas qu'il a vu Apollinaire travailler à son poème; il note seulement que certains détails se réfèrent à son atelier. Ces deux témoignages ne se complètent-ils pas, plus qu'ils ne se contredisent? L'ne analyse minutieuse montrerait comment aux dissociations du poème-conversation des premiers vers font suite des associations de mots et d'images organisées autour de la peinture et de l'atelier de Delaunay, pour déboucher sur l'élargissement final et ses simultanéités. Toutes les formes de l'écriture poétique qu'invente alors Apollinaire auraient ainsi été convoquées à l'élaboration des «Fenêtres», parangon de la poésie nouvelle. 6