La problématique de la traduction en langue étrangère Mémoire

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La problématique de la traduction en langue étrangère Mémoire
La problématique de la traduction en langue étrangère
La problématique de la traduction en langue étrangère
Mémoire présenté par LIN Ting
pour l’obtention du mastère ès lettres
sous la direction de Madame le professeur
FAN Xiaolei
Département de Français
Université des Etudes Internationales de Shanghai
Mai 2009
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La problématique de la traduction en langue étrangère
声明
本学位论文是我在导师的指导下取得的研究成果.在本学位论文中,除了加以标
注和致谢的部分外,不包含其他人已经发表或公布过的研究成果,也不包含我为获得
任何教育机构的学位或学历而使用的材料。与我一同工作的同事对本学位论文做出的
贡献均已在论文中作了明确的明说。
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学位论文使用授权申明
上海外国语大学有权保存学位论文的电子和纸质文档,可以借阅或上网公开学位
论文的全部或部分内容,可以向有关部门或机构送交并授权其保存、借阅或上网公布
本学位论文的全部或部分内容。对于保密论文,按保密的有关规定和程序处理。
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La problématique de la traduction en langue étrangère
中文摘要
现如今,翻译理论的发展日渐趋于成熟,翻译理论与翻译实践之间的结合也越来
越紧密了。然而,有一些领域尚未得到人们的重视。譬如大部分的翻译理论涉及到翻
译语言的时候,考虑到的主要是译入语与译出语之间的关系,也就是说只关注了文本
语言,而忽略了另一个重要的角色——译者。译者的母语是译入语还是译出语,直接
关系到翻译的质量。
人们对于翻译的传统观念,就是要将外语翻译成自己的母语,因为用母语来表达,
译者会觉得更自然、更畅快淋漓。如果要将母语翻译成外语,那么译者对那门外语的
掌握就必须达到一个较高的水平,这对于任何一名译者都不是件容易的事。然而,时
代的发展,社会的变迁使得目的语为外语的翻译成为一种需要。
颠覆了传统的翻译方向,译者用非母语的外语进行表达,结果会令人满意吗?翻
译的过程中会碰到什么样的困难呢?本文从译者的角度出发,讨论译者将母语翻译成
外语,也就是目的语为外语的翻译的一系列问题。分析了目的语为外语的翻译的局限
性、必要性及评判目的语为外语的翻译的标准、提出了一些在实践中被证明行之有效
的具体方法。
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La problématique de la traduction en langue étrangère
Remerciement
Je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements les plus sincères à Madame le
professeur Fan Xiaolei qui a dirigé mon travail. Dès que j’ai commencé mes études à SISU,
Madame Fan m’a donné des conseils pour que je puisse mieux adapter à la vie des
étudiants chercheurs et bien démarrer mes recherches sur la théorie traductologique. Lors
d’élaboration de ce mémoire, elle m’a accordé également beaucoup de conseils précieux.
Je tiens à lui exprimer ma vive gratitude pour son aide, ses conseils et sa patience tout au
long de mon travail.
Je voudrais également exprimer mes remerciements à Monsieur le professeur Chen
Wei, qui m’a donné des conseils méthodologiques pour que la construction de mon
mémoire soit plus structurée et les arguments plus persuasifs.
J’aimerais encore exprimer ma gratitude à tous les professeurs de SISU qui ont voulu
me transmettre leurs connaissances et acquis de recherche durant mes études à cette
université.
Finalement, mes remerciements sincères vont à mes chers parents, qui m’apportent
toujours du soutien spirituel et financier, à mes amis chinois les plus proches qui
m’accompagnent pendant ces deux années, et à mes amis français qui m’ont donné leurs
conseils précieux et m’ont aidée à faire les analyses. Sans eux, je n’aurais jamais pu mener
cette recherche jusqu’au bout.
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La problématique de la traduction en langue étrangère
Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................... 6
ChapitreⅠ Le sens de la traduction en langue étrangère et ses contraintes .............................................. 9
1.1 La généralité ................................................................................................................................ 9
1.1.1 La définition de la langue maternelle et la langue étrangère ............................................ 9
1.1.2 De la langue étrangère à la langue maternelle ................................................................ 10
1.1.3 De la langue maternelle à la langue étrangère ................................................................ 10
1.1.4 Quel est le sens naturel de la traduction?........................................................................ 11
1.2 Les contraintes de la traduction en langue étrangère ................................................................. 13
1.2.1 Le facteur langagier : l’application des expressions de la langue étrangère ................... 13
1.2.2 Le facteur culturel : l’application de la culture de la langue étrangère........................... 15
1.2.3 L’écart entre le traducteur en langue étrangère et le lecteur du texte traduit .................. 16
Chapitre II La nécessité et l’importance de la traduction en langue étrangère ........................................ 20
2.1 La préservation de la diversité des langues ............................................................................... 20
2.1.1 La situation générale des langues dans le monde ........................................................... 20
2.1.2 La protection des langues de faible diffusion et leur culture .......................................... 21
2.2 Le besoin de la communication ................................................................................................. 22
Chapitre Ⅲ L’acceptabilité : critère de la traduction en langue étrangère............................................... 24
3.1 La notion d’acceptabilité ........................................................................................................... 24
3.2 Le texte traduit et le lecteur visé................................................................................................ 25
3.2.1 Le texte informatif .......................................................................................................... 26
3.2.2 Le texte technique........................................................................................................ 27
3.2.3 Le texte littéraire.......................................................................................................... 28
Chapitre IV Comment surmonter les difficultés pour atteindre un bon niveau de traduction ................. 30
4.1 Exigences générales................................................................................................................... 30
4.1.1 La compréhension et l’analyse du texte original ............................................................ 30
4.1.2 Du point de vue linguistique........................................................................................... 33
4.1.3 Du point de vue culturel ................................................................................................. 36
4.2 Méthodes spécifiques ................................................................................................................ 37
4.2.1 Traduire en coopérant avec l’autochtone ........................................................................ 37
4.2.2 Ajouter des explications nécessaires............................................................................... 43
Conclusion............................................................................................................................................... 47
Annexe 1.................................................................................................................................................. 49
Bibliographie ........................................................................................................................................... 50
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La problématique de la traduction en langue étrangère
Introduction
C’est un truisme de dire que la traduction est omniprésente de nos jours. La recherche
dans le domaine théorique prospérait grâce à la réflexion des traductologues ou des
théoriciens contemporains qui ont déjà consacré beaucoup d’efforts à étudier, par exemple,
la linguistique et la traduction, la fidélité de la traduction, le processus de la traduction, la
traduction automatique, etc. Grâce aux premiers ordinateurs qui marquent l’arrivée d’une
nouvelle époque informatique, à partir de la Deuxième Guerre mondiale, la traduction
automatique commençait à se développer ; elle exerce une influence de plus en plus
considérable à notre époque, mais la traduction humaine va, pendant une longue période,
jouer un rôle dominant.
Quand j’étais petite, j’ai commencé à lire des chefs-d’œuvre littéraires : Jane Eyre de
Charlotte Bronte, Pride and Prejudice de Jane Austen, La dame aux Camélias d’Alexandre
Dumas, Nana d’Emile Zola, etc. mais en version chinoise, évidemment. Sur la couverture,
il est marqué le nom de l’auteur et celui du traducteur. Les traducteurs de ces oeuvres-là
sont sans exception des traducteurs chinois. Cela me donne l’impression que la traduction
d’une oeuvre étrangère en langue chinoise s’effectue généralement par un traducteur
chinois ou une traductrice chinoise. Il en va de même pour les autres pays ou les autres
langues.
Au niveau théorique, il paraît logique que l’on traduit d’une langue étrangère à sa
langue maternelle. Dans la traduction, notamment dans la traduction littéraire, on voit peu
de cas contraires. Il est rarissime de remarquer, sur la couverture d’une traduction chinoise,
le nom d’un traducteur étranger. Ces faits ne constituent pas une excuse pour éliminer la
traduction en langue étrangère. Elle est sinon un terrain vierge, du moins un terrain qui
n’est pas encore bien exploité par les traductologues.
La traduction est en évolution incessante. Dans la traduction en langue étrangère,
outre la traduction littéraire, il existe la traduction fonctionnelle : modes d’emploi,
conventions, rapports, informations de la presse, etc. lesquels sont de plus en plus
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La problématique de la traduction en langue étrangère
fréquents de nos jours. Ainsi les aspects particuliers dans la traduction en langue étrangère
sont non négligeables et restent à découvrir.
C’est Marianne Lederer, professeur à l'Université de Paris VII, qui a consacré un
chapitre, dans son livre intitulé La traduction aujourd’hui, à la traduction en langue
étrangère. Le contenu et les points de vue de Marianne Lederer m’ont beaucoup inspiré.
C’est un livre auquel je fais un bon nombre de références au cours de la rédaction de ce
mémoire.
Vu que la traduction et l’interprétation (ou la traduction orale) ont des aspects
différents, au lieu de les traiter en même temps, mon travail se limite à étudier la traduction
écrite. Ce mémoire se situe au niveau de la traduction professionnelle plutôt que la
traduction didactique : dans l’enseignement, la traduction en langue étrangère dite le thème,
il ne porte pas sur un texte véritable mais sur un macro-signe artificiellement créé par
l’enseignant ou l’auteur du manuel. A cet égard, cet exercice ne peut donc pas être assimilé
à la traduction de textes authentiques.
Allant à l’encontre du sens naturel de la traduction, le traducteur se voit obligé
d’exprimer dans une langue étrangère, le résultat pourrait-il être satisfaisant ? Quelles
sortes de difficultés le traducteur affrontera-t-il ? Comment résoudre ces problèmes ?
Le présent mémoire comporte quatre parties. Le premier chapitre parle du sens de la
traduction qui est souvent négligé dans la recherche théorique. Normalement, on traduit de
la langue étrangère à la langue maternelle, parce qu’on est toujours plus à l’aise d’exprimer
dans sa propre langue maternelle. Si l’on va à l’encontre de ce « sens naturel », des
contraintes sont inévitables.
Dans le deuxième chapitre, la présentation de la conjoncture actuelle des langues,
notamment les langues de faible diffusion, nous démontre que pour protéger la diversité
des langues et des cultures issues de différentes nations, la traduction en langue étrangère
est nécessaire. De surcroît, la traduction en langue étrangère répond davantage au
développement des échanges internationaux : sites Internet, colloques scientifiques, etc.
En raison des particularités de la traduction en langue étrangère, le critère traditionnel
pour critiquer la traduction n’est plus convenable. Le troisième chapitre porte sur la notion
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La problématique de la traduction en langue étrangère
d’acceptabilité, un critère plus rationnel qui tient compte des facteurs extérieurs comme le
genre du texte et le niveau d’instruction du lecteur en langue étrangère.
Quelles que soient les langues et quels que soient les types de texte, le processus de la
traduction respecte ses principes fondamentaux. Le dernier chapitre se consacre en premier
lieu à des exigences générales concernant l’analyse du texte original, la langue étrangère et
la culture, et puis nous tenons à proposer deux méthodes spécifiques qui répondent au
besoin de franchir les obstacles fréquemment rencontrés au cours de la traduction : traduire
en langue étrangère en coopérant avec l’autochtone et ajouter des explications nécessaires.
Dans la conclusion, nous voyons la perspective brillante de la traduction en langue
étrangère grâce aux efforts provenant de différentes parties, les traducteurs professionnels,
les universités, les départements concernés.
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La problématique de la traduction en langue étrangère
Chapitre Ⅰ
Le sens de la traduction en langue étrangère et ses contraintes
1.1 La généralité
Nous ne nous étonnons pas de lire un texte traduit par un traducteur chinois de la
langue française en langue chinoise dont l’expression est stricte et naturelle, mais si le
texte est traduit convenablement par un traducteur français, nous nous étonnerons du bon
niveau de traduction de ce traducteur français. Pourquoi cette réaction différente ? La
distinction de la langue source et la langue cible ne permet pas aux lecteurs de savoir
quelle est la langue maternelle du traducteur. Dire de façon plus précise, les compétences
linguistiques du traducteur peuvent-elles être jugées d’une manière objective et
scientifique ? Pour le traducteur, il n’existe que deux sens de la traduction : de la langue
étrangère à la langue maternelle ou bien de la langue maternelle à la langue étrangère. Le
sens de la traduction choisi par le traducteur aura-t-il une influence directe sur la qualité du
texte traduit ?
1.1.1 La définition de la langue maternelle et la langue étrangère
La langue maternelle, c’est la langue de la mère, la première langue qu’un enfant
apprend. Il arrive que certains enfants connaissent les deux langues de leurs parents car
ceux-ci ne sont pas de la même origine : ces enfants sont souvent bilingues. Aucune des
deux langues n’est alors étrangère pour l’enfant, même si l’une des deux est étrangère dans
le pays de résidence. Au contraire, la langue étrangère est une langue que l’on a apprise
plus tard, à l’école ou dans des circonstances plus particulières, si bien qu’on doit faire
effort pour la maîtriser. L’apprentissage peut se faire de différentes manières : par la voie
scolaire, par des cours, des stages ou des formations à l’âge adulte, par des manuels ou des
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La problématique de la traduction en langue étrangère
méthodes multimédias, par le bain linguistique, etc. 1
Il est probable qu’un traducteur chinois dont le père est Français et la mère Chinoise
maîtrise remarquablement deux langues : le chinois et le français. Dans ce cas-là, c’est un
véritable bilingue. Cette situation exceptionnelle est exclue dans le présent mémoire et on
suppose que le traducteur n’a qu’une seule langue maternelle.
1.1.2 De la langue étrangère à la langue maternelle
Le traducteur traduit de la langue étrangère vers sa langue maternelle. Par exemple,
un traducteur chinois traduit d’anglais ou de français en chinois. Traditionnellement, la
traduction s’effectue dans la langue maternelle du traducteur. Par commodité, les
professionnels appellent ce sens « sens de B (langue étrangère) en A (langue maternelle) ».
La distinction de la langue de départ et la langue d’arrivée n’indique que la langue des
textes, elle ne laisse pas voir les compétences linguistiques du traducteur. Mais la
distinction de langue B en langue A peut compléter la déficience. Dans ce sens de B en A,
la langue étrangère est la langue de départ tandis que la langue maternelle est la langue
d’arrivée. Le traducteur est plus à l’aise dans ce sens. La plupart d’opérations traduisantes
s’effectuent dans ce sens, surtout pour la traduction des œuvres littératures.
1.1.3 De la langue maternelle à la langue étrangère
Le traducteur traduit de sa langue maternelle vers une langue étrangère. Cette langue
étrangère est une langue acquise pour lui. On appelle ce sens « sens de A en B ». Par
exemple, un traducteur chinois traduit du chinois en français ou en anglais. Dans ce sens, la
langue maternelle est la langue de départ tandis que la langue étrangère est la langue
d’arrivée. Par rapport à la traduction de la langue étrangère à la langue maternelle, ce sens
de traduction est beaucoup moins appliqué dans la pratique. Les raisons sont multiples,
mais en général, cette opération exige des traducteurs un très bon niveau de la langue
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www.wikipedia.fr
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La problématique de la traduction en langue étrangère
étrangère, surtout en expression, ce qui pose d’énormes problèmes aux traducteurs.
1.1.4 Quel est le sens naturel de la traduction?
La traduction de la langue étrangère à la langue maternelle est un test de
compréhension de la langue étrangère et un test d’expression en langue maternelle, tandis
que la traduction de la langue maternelle à la langue étrangère est plutôt un test des
connaissances grammaticales et culturelles de la langue étrangère.
On est persuadé que le résultat de la traduction de B en A est toujours beaucoup
meilleur que celui de A en B, en d’autres termes, le traducteur réussit plus facilement dans
la traduction de B en A que dans la traduction en langue étrangère. De plus, la traduction
de A en B subit des contraintes que la traduction de B en A ne connaît pas.
Primo, la compréhension est toujours plus facile que l’expression. Chaque langue est
une façon de réfléchir et de penser spécifique. De ce fait, la langue maternelle enferme
l'homme dans une mentalité spécifique, d'où un écart de compréhension entre les peuples.
Et dans sa langue maternelle, le traducteur possède une connaissance linguistique et
culturelle plus profonde que celle de la langue étrangère. La langue maternelle est une
langue que le traducteur acquiert dans un environnement où cette langue est pratiquée. La
façon d’apprendre cette langue est tout à fait naturelle tandis que l’apprentissage d’une
langue étrangère est souvent déterminé par le manuel, coupé d’un environnement naturel.
Dans le sens de B en A, le traducteur travaille avec beaucoup de facilité et maîtrise à son
aise les éléments linguistiques et culturels de la langue de sa mère. Il jouit d’une perception
instinctive dans l’expression. Ce qui est beaucoup plus difficile dans la traduction de A en
B.
« Dans sa langue maternelle, le bon traducteur jouit d’une parfaite aisance
d’expression ; en revanche sa connaissance de la langue B et de ce qu’il est convenu
d’appeler la « culture » étrangère est, par définition, inférieure à celle de sa langue
maternelle et de sa propre culture, et inférieure à celle d’un autochtone parlant cette
langue et appartenant à cette culture. Travaillant en langue A, le traducteur n’est pas
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La problématique de la traduction en langue étrangère
aussi familiarisé que l’autochtone avec la civilisation, l’histoire, les mœurs, la
littérature, les habitudes culinaires et autres du peuple dont il traduit les textes » 2
Pourtant, certains pensent que la compréhension du texte original demande des
connaissances linguistiques parfaites de cette langue ainsi que des connaissances au-delà
de la langue. Les connaissances linguistiques comme système grammatical, morphologie,
connotation des mots, etc. Les connaissances non linguistiques comme événements, faits
historiques, gastronomie, comportements collectifs, oeuvres littéraires, préjugé, bref tout le
non-linguistique qui se cache derrière les mots. Si les informations ne pouvaient pas être
assurées par le traducteur de B en A, c’est-à-dire le traducteur non natif, la traduction serait
incomplète et insatisfaisante. Mais si la traduction était faite de A en B, le traducteur serait
en mesure d’éviter la confusion et l’ambiguïté. Nonobstant, ces connaissances culturelles
passives ainsi que celles de la langue peuvent être acquises à tout âge ; de plus, les
dictionnaires, les sites Internet, la documentation peuvent tous servir d’un outil pour
faciliter la compréhension d’une langue étrangère. S’agissant des structures syntaxiques de
la langue étrangère et de ses tournures idiomatiques, elles sont aussi comprises plus
aisément qu’elles ne seraient utilisées activement. 3
Secundo, passé l’adolescence, on ne peut plus parvenir à manier une langue comme si
elle était maternelle. L’aisance d’expression dans la langue maternelle, les effets
stylistiques que permet le maniement intuitif de la langue sont inaccessibles à l’expression
en B. De la traduction de l’information à la transmission de l’émotion, la langue
d’expression exige une intuition de plus en plus sûre. On peut prétendre arriver dans une
langue B à une grande correction lexicale et grammaticale mais, dans une langue A, le
traducteur y ajoute du naturel, de la pertinence, parfois de l’élégance et toujours un sens
très sûr de la langue. On peut parvenir à comprendre la langue et la culture étrangère aussi
bien que l’on comprend sa propre langue et sa propre culture. Pour s’exprimer en
traduction, cependant, on sera toujours plus à l’aise dans sa langue maternelle.
Théoriquement, il est préférable de suivre le sens naturel de la traduction, soit de B en
A. Néanmoins, en raison de divers besoins (voir chapitre Ⅱ), la traduction en langue
2
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La traduction aujourd’hui, Marianne Lederer, P147
La traduction aujourd’hui, Marianne Lederer, P149
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La problématique de la traduction en langue étrangère
étrangère est sinon nécessaire, du moins inévitable. Dans la pratique, elle ne manque
jamais.
1.2 Les contraintes de la traduction en langue étrangère
Le sens naturel de la traduction est de B en A vient d’être justifié ; si la traduction se
fait de A en B, des difficultés seraient inévitables au cours de l’opération. Les contraintes
venant d’une part de l’imperfection du traducteur même, d’autre part des facteurs
extérieurs.
1.2.1 Le facteur langagier : l’application des expressions de la langue
étrangère
Par rapport à la compréhension en langue A, il est plus difficile de reformuler en
langue B pour le traducteur de A en B. Dans le sous chapitre 1.1.2, il a été justifié que le
traducteur pouvait profiter d’une parfaite aisance d’expression dans sa langue maternelle,
par contre, il se sentirait moins à l’aise s’il traduit de A en B. En d’autres termes, exprimer
en langue étrangère n’est pas toujours facile.
Chaque langue a son histoire propre qui dure déjà longtemps, le système langagier est
énorme et complexe. Pour le traducteur qui doit exprimer en langue étrangère, il lui est
presque impossible de maîtriser une langue comme sa propre langue maternelle. Dans
l’expression, il s’agit de choisir des mots adéquats, de formuler des phrases adaptant à la
situation. Faute d’intuition, le traducteur rencontrera des problèmes linguistiques comme la
définition d’un mot, la mise en oeuvre d’une rhétorique, l’application de la grammaire.
Même s’il traduit, il ne peut non plus garantir l’exactitude de son travail.
Voyons la traduction en français de deux expressions chinoises.
Ex 1 :
« 物质文明和精神文明建设 »
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La problématique de la traduction en langue étrangère
« L’édification de la civilisation matérielle et de la civilisation spirituelle »
Ex 2 :
« 计划生育»
« Le contrôle des naissances »
Nous ne découvrons point de problème en lisant la traduction dans laquelle chaque
unité de sens dans l’expression originale trouve sa place. En fait, dans l’exemple 1, au mot
« édification », il est préférable de substituer « réalisation ». On peut traduire
« édification » par « 建设 » en chinois si l’on traduit mot à mot. Mais est-ce que le mot
« édification » correspond parfaitement au sens du mot « 建设 » dans l’expression « 物质
文明和精神文明建设 » ? Le dictionnaire nous donne la réponse. Voilà comment le
dictionnaire Trésor définit ces deux mots « édification » et « réalisation ».
Edification : 1. Action de construire un ouvrage d’art ;
2. Action de mettre sur pied un vaste ensemble, d’élaborer une oeuvre
importante (au sens figuré). 4
Réalisation : action d’accomplir ou fait de voir s’accomplir des aspirations, des
désirs. 5
Nous savons que la civilisation matérielle et la civilisation spirituelle (物质文明与精
神文明 ) sont une des aspirations du peuple chinois, donc d’après la définition, par rapport
à « édification », « réalisation » peux mieux interpréter le sens original du mot « 建设 »
dans l’expression « 物质文明和精神文明建设 ». On ne peut pas juger que « édification »
est une traduction fausse, on ne peut non plus nier que l’utilisation de « édification » dans
cette phrase manque d’exactitude, ce qui est une demande essentielle pour la bonne
traduction.
Et dans l’exemple 2, l’expression « contrôle des naissances » vient de l’anglais :
birth-control. Comme la Chine a une population trop nombreuse, le gouvernement a pris
des mesures pour limiter le nombre des naissances. Le mot «计划» a un sens de limiter.
4
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http://www.cnrtl.fr/definition/édification
http://www.cnrtl.fr/definition/réalisation
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La problématique de la traduction en langue étrangère
Mais en français, « contrôle des naissances » désigne le libre choix par les époux d’avoir
ou non des enfants en temps voulu grâce aux méthodes contraceptives, ce qui ne parle pas
la même situation que la réalité en Chine. Donc il faudrait mieux traduire par « limitation
des naissances ».
L’essentiel d’une langue est son pouvoir de signification. Le choix de mots est
important dans l’expression et dans la communication. Les deux exemples nous montrent
que distinguer de façon précise des nuances des mots et appliquer des expressions de façon
pertinente restent des compétences à désir sans cesse par le traducteur.
En règle générale, la traduction entre les langues proches est beaucoup plus facile
grâce à leur ressemblance, alors que la traduction entre les langues éloignées semble plus
délicate. On constate que plus l’histoire et les mentalités des peuples sont rapprochées, plus
la traduction serait simple. Par exemple, l’anglais et le français ont des points communs
dans le vocabulaire et la grammaire. Pourtant il faut éviter de tomber dans le piège des
faux-amis.
1.2.2 Le facteur culturel : l’application de la culture de la langue
étrangère
Comprendre une langue étrangère demande des connaissances extralinguistiques ;
exprimer en langue étrangère demande davantage d’expériences extralinguistiques.
Néanmoins, pour le traducteur de A en B, les connaissances encyclopédiques en langue B
sont toujours insuffisantes. De plus, il est possible que certaines notions culturelles ou
phénomènes existant en langue A n’aient pas leurs équivalences ou correspondances en
langue B, et vice versa. Dans ce cas-là, le traducteur se trouve dans le dilemme.
Le problème culturel apparaît souvent dans la traduction des proverbes. Si le
traducteur chinois veut traduire 说曹操,曹操到(shūo-cáo-cāo, cáo-cāo-dào) en français,
comment traiter 曹操(Cáo-cāo), un homme de l’époque des Trois Royaumes (220–265) ?
Traduire littéralement ? Bien sûr que non. En fait, dans le français, il existe une expression
qui signifie le même sens : Quand on parle du loup, on en voit la queue. Si le traducteur ne
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La problématique de la traduction en langue étrangère
connaît pas cette expression, peut-être va-t-il trouver une traduction pour transmettre le
sens, mais l’effet est moins évidant.
En plus, l’absence de la connaissance à l’égard de la culture de langue B conduirait
quelquefois à une absurdité. Ci-dessous est une traduction faite par une étudiante chinoise.
Ex : « La pluie nous a surpris à mi-chemin et nous sommes devenus des poules
mouillées tombées dans la soupe »
Nous notons au premier moment que c’est une traduction mot à mot. En réalité,
l’expression « poule mouillée » en français renvoie à une autre image que celle en chinois,
et signifie une personne poltronne. Cette ignorance provoque une faute ridicule. Il vaudrait
mieux dire : « Surpris à mi-chemin par une averse, nous sommes devenus tout trempés
sous la pluie »
Comme le dit J.-P. Vinay : « Vouloir traduire un message qui appelle une équivalence
par traduction directe aboutirait à une absurdité non pas linguistique cette fois, mais
culturelle. » 6
En raison de la diversité, les éléments culturels demeurent des difficultés tuantes pour
le traducteur.
1.2.3 L’écart entre le traducteur en langue étrangère et le lecteur du texte
traduit
Beaucoup d’écrivains, lorsqu’ils écrivent un roman, ils ne pensent pas que leur
ouvrage serait traduit un jour dans une langue étrangère. Autrement dit, les lecteurs
étrangers ne sont pas pris en considération au cours de la rédaction ni leurs réactions en
face de l’événement raconté dans le livre.
Le traducteur travaillant de A en B, en tant qu’intermédiaire ou passeur de culture, ne
fait pas partie du même monde linguistique et culturel que les lecteurs du texte traduit. De
ce fait, le traducteur est inconscient des réactions probables des lecteurs de son texte traduit.
6
La traduction humaine, dans A. Martinet : Le langage, Edition Gallimard, 1958, P747
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