OUVERTURE DU COLLOQUE « DROIT DE PRET » HOTEL

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OUVERTURE DU COLLOQUE « DROIT DE PRET » HOTEL
OUVERTURE DU COLLOQUE « DROIT DE PRET »
HOTEL DE MASSA
Lu par Marie-Françoise AUDOUARD
Vendredi 7 septembre 2007
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Je voudrais tout d’abord vous faire part des regrets sincères de la ministre de la
Culture et de la Communication, Madame Christine Albanel, de ne pouvoir être
présente parmi nous aujourd’hui. Je sais qu’elle portera une attention toute
particulière à vos travaux. Ils seront suivis et transmis fidèlement par des
représentants de la direction du Livre et de la Lecture, dont je salue la présence.
Je suis très heureuse d’ouvrir cet échange, au sein de ce bel hôtel de Massa qui
abrite historiquement la Société des gens de lettres de France, et où siège depuis sa
création Sofia, la société de gestion collective en charge du droit de prêt en France.
Le droit de prêt est au cœur de plusieurs problématiques, toutes d’une grande
actualité : la lecture publique, bien sûr, mais aussi le droit d’auteur, et plus
généralement le statut, la condition qu’un État entend aujourd’hui offrir à ceux qui
font vivre sa culture et ses arts. Je me réjouis que ce colloque nous offre la
possibilité d’échanger, de partager nos expériences, et de mieux connaître les
systèmes que nos pays ont mis en place, les réponses qu’ils ont apportées à ces
questions essentielles.
La France a toujours placé le créateur au centre du dispositif, depuis les premiers
décrets révolutionnaires consacrant les droits de propriété littéraire et artistique.
Aujourd’hui, à l’heure où les nouvelles technologies de la communication modifient
en profondeur notre rapport aux œuvres, notre pays réaffirme fortement ce droit,
et la place qu’elle entend réserver à ses auteurs. Le gouvernement est très attaché à
leur garantir une juste rémunération pour leur travail et pour leur talent. Parce que
sans eux, c’est toute l’économie de la création qui s’effondre, ce sont toutes nos
industries culturelles qui deviennent des coquilles vides. C’est tout l’enjeu de la
bataille que nous menons aujourd’hui contre le piratage des œuvres sur Internet.
C’était également un enjeu essentiel, lorsque la France a organisé et soutenu le droit
de prêt. Si notre pays a mis en œuvre tardivement la directive de 1992 relative au
droit de prêt et de location, c’est qu’elle a d’abord cru que son droit national
permettait déjà aux auteurs de donner ou non leur autorisation au prêt en
bibliothèque au titre de leurs droits exclusifs sur leurs œuvres et notamment du
droit de destination. C’est aussi parce que l’instauration d’une rémunération au titre
du prêt en bibliothèque a suscité de très vifs débats. Je pense ne pas exagérer le rôle
de l’État en rappelant que c’est son engagement fort dans ce débat qui a permis
d’élaborer un dispositif qui profite aujourd’hui pleinement aux auteurs et à la
création éditoriale.
Et parce que « le droit de l’auteur, c’est avant tout celui d’être lu », comme le dit
Jean-Marie Laclavetine, le système français fait reposer la charge du droit de prêt
sur les bibliothèques de prêt plutôt que sur l’usager. Une partie de la rémunération,
prise en charge par l’État, est ainsi assise sur le nombre d’inscrits en bibliothèques.
Un second financement provient d’un prélèvement sur les achats de livres par les
bibliothèques de prêt public, prélèvement opéré à la source auprès des fournisseurs
pour le compte des bibliothèques clientes. Ces choix ont deux avantages : ils ne
nuisent pas à la liberté de la lecture publique, d’une part, et d’autre part, ils
encouragent la création éditoriale.
En prévoyant le reversement par moitié, aux auteurs et aux éditeurs, d’un droit
forfaitaire par exemplaire acheté, le système de prêt encourage la création, puisque
les politiques d’acquisition des bibliothèques concernent chaque année plusieurs
centaines de milliers de titres. C’est donc tout le secteur qui bénéficie de ces règles.
L’État a souhaité compléter ce dispositif en instituant un premier régime de retraite
complémentaire pour les auteurs et les traducteurs. Un prélèvement est ainsi
effectué sur l’ensemble des sommes collectées, pour apporter aux cotisants un
complément équivalent à leurs propres cotisations.
La France a donc non seulement manifesté son attachement indéfectible au droit
d’auteur, mais elle a également assuré un statut social aux écrivains et aux
traducteurs.
Le législateur a, en outre, profité de ce texte pour étendre le principe du prix unique
du livre aux achats des bibliothèques, en limitant le rabais à un maximum de 9 %
auquel doit s'ajouter, pour les fournisseurs des bibliothèques, une contribution au
titre du droit de prêt équivalent à 6 % du prix public, soit, pour ces derniers, un
rabais effectif de 15 %".
Et ce, afin d’offrir aux librairies indépendantes un meilleur accès aux marchés
publics. Quoique nous n’ayons pas encore de statistiques complètes, les indications
collectées jusqu’à présent prouvent que ces dispositions ont eu un effet bénéfique
sur les activités de la librairie.
Mais ces principes louables seraient inopérants si les montants concernés étaient
demeurés faibles. Or l’État verse en moyenne chaque année 11 millions d’euros à la
société de gestion collective qu’il a agréée, Sofia, qui nous accueille aujourd’hui.
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Sofia a pour objectif de collecter cette même somme, en année pleine, auprès des
libraires, à raison de 6 % du prix public des ouvrages achetés par les bibliothèques.
C’est donc un engagement fort, et un système harmonieux qui atteint plusieurs
objectifs à la fois : rémunérer les ayants droit, encourager la diversité de la création
éditoriale, améliorer la protection des auteurs et soutenir le réseau de la diffusion du
livre.
Une particularité ne vous aura sans doute pas échappée : en France, la
rémunération est versée à parts égales aux auteurs et aux éditeurs. Le pourcentage
aurait pu être différent, mais les auteurs et les éditeurs ont souhaité un bénéfice
égalitaire. C’est ensemble qu’ils défendent leurs intérêts au sein de la Sofia, et cette
solidarité me semble particulièrement riche en promesses face aux défis que le livre
va devoir relever à l’heure du numérique. Je sais que ce sujet va être un point
majeur de vos débats, et je voudrais vous dire que le ministère de la Culture et de la
Communication a pris toute la mesure de ce nouvel enjeu.
Je vous souhaite donc, de nouveau, des travaux fructueux et je vous redis, au nom
de la ministre de la Culture, Mme Albanel, au nom des services comme en mon
nom propre, combien nous sommes heureux de vous accueillir à Paris, en cette
rentrée qui marque aussi, pour le monde du livre, une période d’effervescence
particulière ! Je vous remercie de votre aimable attention.
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