Répartition pharmaceutique€: Les grossistes
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Répartition pharmaceutique€: Les grossistes
Industrie Répartition Répartition pharmaceutique Les grossistes font de la résistance Face à la baisse des marges et des volumes, les répartiteurs veulent récupérer le terrain perdu et développer une offre différente. Ils attendent une politique plus lisible de la part de l’Etat. 2 007 n’aura pas été un bon cru D’autant que la position des pouvoirs pour les acteurs de la répar- publics est aussi paradoxale. Encouratition pharmaceutique. « La geant un déplafonnement des marges, croissance de leur chiffre d’af- l’arrêté du mois de mars autorise les lafaires atteint difficilement 3 % tandis boratoires à transférer tout ou partie de que leur marge – ou ressources disponi- la marge grossiste vers les pharmaciens. bles pour assurer leurs services – tombe « Une mesure inutile et qui nous apen négatif à moins 0,7 %, une fois neu- pauvrit lourdement, martèle Emmanuel tralisée l’impact de la contribution Dechin. On incrimine les laboratoiACOSS », souligne Emmares et les pharmaciens, mais nuel Dechin, secrétaire c’est en fait aux pouvoirs général de la Chambre publics de prendre leurs syndicale de répartiresponsabilités. Il est tion pharmaceutique clair qu’en encoura2007 : (CSRP), qui présente geant la progression un bilan d’activité des ventes de prinun mauvais cru en demi-teinte de la ceps en direct, c’est profession. Outre la tout le système écoponction pénalisante de nomique de la répartil’Etat, la Chambre note le tion qui est fragilisé ! ». développement des ventes directes qui ont progressé de 6,65 % Variable d’ajustement en 2007. Elles atteignent aujourd’hui Suite aux réformes adoptées ces derniè15 % du marché en valeur des médi- res années, le système de rémunération caments vignettés et 30 % en nombre des grossistes est pris en étau. La strucd’unités. Une tendance à la hausse qui ture traditionnelle de marge est attaquée se confirme et qui désormais touche les d’un côté par la baisse des volumes liée médicaments princeps concurrencés par à la progression du direct et, de l’autre, les génériques. Ce nouvel engouement par l’arrivée de produits chers, mais à failaisse perplexe nombre de grossistes. ble marge. « Au final, nous devons nous adapter et notre métier est de plus en plus un métier d’ingénierie financière, constate Jean Genge, directeur général de la CERP Rhin-Rhône-Méditerranée. Il est regrettable que le médicament n’apparaisse souvent que comme la seule variable d’ajustement. » Pour retrouver des ressources viables, les industriels plaident pour une plus grande lisibilité des facturations. La profession s’intéresse de près au modèle mixte allemand qui associe une rémunération à la ligne ou à l’unité délivrée et un pourcentage en fonction de la valeur du produit. « Le système est plus adapté aux prestations de services et n’est pas basé sur la valeur des produits », note Jean-Louis Méry, président d’Alliance Healthcare France. La réflexion suit son chemin, faisant déjà l’objet de discussions avancées en Belgique. Reste à associer les pouvoirs publics dans la boucle pour éviter de nouvelles restructurations. D’autant que des changements structurels sont à l’œuvre en Europe, appelant à une mutation du métier de répartiteur pharmaceutique. Nouvelle approche du métier L’apparition d’un nouveau circuit de distribution le Direct To Pharmacist (DTP) >>> 100 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2008 Industrie Répartition choisi par Pfizer aux Royaume-Uni, puis en Espagne, démontre que les laboratoires veulent changer de modèle et se rapprocher de la pharmacie et du patient. L’impératif de réactivité devenant plus fort, le grossiste répartiteur n’est plus l’acteur central de la distribution. Résultat : on assiste à une remise en cause du monopole de la répartition pharmaceutique et à un éclatement des modes de distribution entre les laboratoires pour le direct, les dépositaires, les plateformes de regroupement, les centres d’appel ou encore les « short liners », des structures qui proposent une approche ultra-simplifiée et purement logistique du métier. Proposer Leur existence fait par ailleurs débat. une offre « En tant que présidifférente dent de la section C de l’Ordre des Pharmaciens, je considère qu’il n’est pas nécessaire de multiplier le nombre des répartiteurs, alerte Jean-Luc Delmas lors d’un entretien accordé à Médian Conseil en septembre 20071. L’activité des « short liners » utilise habilement la loi en contournant les règles. Nous avons donc l’intention de faire évoluer les textes, le risque de contrefaçon ne pouvant qu’y inciter. » C’est donc dans un contexte fortement chamboulé que les grossistes font de la résistance et cherchent d’autres voies de salut. La consolidation aidant, les plus gros ont cherché à se positionner sur l’ensemble des flux et proposer une offre différente. C’est la démarche adoptée par Alliance Healthcare et OCP (Celesio). Outre la création de marques propres comme Almus pour les génériques chez Alliance Healthcare, les grossistes mettent l’accent sur leur activité de « short service » au travers de leurs filiales respectives Etradi (OCP) et ORP (Alliance Healthcare). En aval, leur engagement auprès des pharmaciens et des laboratoires prend la forme de services tels qu’OCP Connect, un « plan d’action individualisé » utilisant le fichier, la force commerciale et le call center de l’OCP pour dynamiser les ventes. A cela s’ajoutent des structures dépositaires Movianto (OCP) et Alloga (Alliance Healthcare) pour répondre au développement d’offres européennes. « Une solution qui s’impose d’elle–même depuis plusieurs années et qui touche aujourd’hui l’ensemble des segments, y compris les niches high-tech et les médicaments sortis de la réserve hospitalière » indique JeanLouis Méry. Quid de l’officine ? Avec le passage, en juillet dernier, de l’OTC devant le comptoir, la pharmacie s’approche d’un point de vente comme un autre et de vrais réseaux vont Phoenix Pharma rachète des parts de marché en France En reprenant l’activité répartition de CERP Lorraine, l’allemand Phoenix Pharma se place en 3ème position en Europe, derrière Alliance Boots et Celesio. Son chiffre d’affaires global atteint plus de 21 milliards d’euros, avec, en France, une couverture de 80 % du territoire et désormais près de 10 % de parts de marché. Pour Marc Fullana, directeur général de CERP Lorraine, le rapprochement avec Phoenix Pharma était inévitable. «Face aux stratégies Direct To Pharmacist (DTP) et à l’instauration de quotas, notre marché de distribution s’est considérablement restreint, constate-t-il. Il nous fallait choisir entre diminuer les services aux pharmaciens – dans un contexte déjà de baisse des marges – ou réfléchir aux meilleures options pour pérenniser l’activité répartition. » Le rapprochement avec Phoenix Pharma est donc arrivé à point nommé pour éviter une restructuration. Les autres CERP – dont celle de Rouen qui s’est dite prête à racheter sa consoeur de Lorraine – sauront-elles échapper à la politique de régionalisation de géants tels que Phoenix Pharma ? Un vrai challenge à relever pour l’avenir. 102 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2008 DR >>> EMMANUEL DECHIN, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CSRP, REGRETTE QUE L’ETAT AIT FAVORISÉ LES VENTES DIRECTES DES LABORATOIRES. se constituer. Alliance Healthcare a déjà pris les devants en créant son réseau européen de pharmaciens indépendants avec Alphega Pharmacie. En juin dernier, ce dernier a lancé sa première campagne de prévention européenne sur l’asthme auprès de ses 1000 adhérents en France, Italie, Espagne, Royaume-Uni et République Tchèque. Sur le terrain tricolore, les dépositaires ont emboité le pas pour ne pas se faire distancer. Depolabo communique ouvertement sur son service de revente ou « sell out » de produits OTC mis en place fin 2007. Faut-il y voir un pas de plus vers l’intégration des officines ? Avec la libéralisation à venir du marché, les officines seront confrontées à une concurrence accrue, notamment de la grande distribution. Elles auront besoin de reconnaissance et de poids pour les négociations futures. La décision de Bruxelles sur l’ouverture de leur capital courant 2009 devrait leur apporter un peu plus de visibilité. n Marion Baschet Vernet (1) « Vente directe en pharmacie : la nouvelle donne – Entretiens », Median Conseil, Edition 2008.