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LES FINANCEMENTS DE LA SANTE PUBLIQUE DANS LES REGIONS FRANCAISES, A L’EPREUVE DES NOUVELLES LOIS DE 2004
Dr François Baudier
URCAM de Franche­Comté
Mons, le 4 avril 2006
AVERTISSEMENT : billet d’humeur !
Ma présentation est partisane dans le sens où elle prend parti…
… mais mes propos ne remettent pas en cause la qualité des personnes qui sont en responsabilité tant à la DGS qu’à la CNAMTS et avec qui j’ai des liens professionnels et souvent amicaux.
Par ailleurs, dans ma région, en Franche­Comté, la situation est plutôt favorable et le travail très constructif entre État, Assurance maladie et principales associations du champ de la santé publique. Contexte
La période actuelle est propice à une réflexion, sur :
­ la place de la santé publique dans l’organisation du système de santé français,
­ son financement en région. En effet, la loi de santé publique de 2004, met en place de nouveaux modes d’organisation, en particulier dans les régions, avec :
­ le Plan régional de santé publique (PRSP)
­ le Groupement régional de santé publique (GRSP) ­ la Conférence régionale de santé (CRS)
Premier constat préalable :
la place de la prévention primaire
La prévention primaire non médicalisée est aujourd’hui en voie de disparition. Elle n’intéresse plus personne sauf dans les déclarations de (bonnes) intentions. Le désir de tous, la priorité de personne disait­on déjà dans les années 80 !
Elle subit de plein fouet les contraintes de rentabilité économique (efficience) qui pèsent sur tout notre système de santé. Dans ce cadre, l’éducation pour la santé est particulièrement fragilisée. Et l’éducation pour la santé dans tout cela ?!
Type de prévention
Niveau de médicalisation
Place de l’éducation pour la santé
Rentabilité médico­
économique
Prévention primaire : éviter l’apparition de la maladie.
+
+++
Long terme Prévention secondaire : éviter le développement de la maladie.
++
++
Moyen terme Prévention tertiaire : éviter les comportements ou les récidives de la maladie.
+++
+
Court terme
Deuxième constat préalable :
des dépenses cachées peu efficientes
­ Programmes spécifiques type médecine préventive et dépistage
­ Grands programmes de santé publique (alcool, tabac, accidents…) ­ Divers (risques professionnels ou veille sanitaire)
Dépenses visibles (1/3)
7 % des dépenses de santé D‘après le rapport du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie 2004 :
10 milliards d’euros
Dépenses cachées
(2/3)
Activités réalisées en consultation, principalement par les généralistes : vaccinations, dépistage, conseils hygiéno­diététiques… Prévention spontanée/prévention organisée :
les effets d’une politique de santé publique ?
Dépistage du cancer du sein, efficience et équité
Progression de la prévalence des femmes ciblées par le dépistage (« avoir une mammographie dans les 2 dernières années ») : ­ 43.8% en 1995 ­ 52.2% en 2000 ­ 65.4% en 2005 Entre 2000 et 2005 :
­ le gain de prévalence (+16.4) est maximum parmi les femmes à revenus modestes (moins de 900 euros)
­ l’écart de prévalence entre les plus modestes et les plus aisées a régressé (17.8% vs 9.4%) durant la même période.
Baromètre Santé INPES 2005
F. Baudier, C Michaud (en cours de publication)
Un GRSP aux capacités financières très réduites La principale mission du GRSP est de mettre en œuvre le PRSP. En Franche­Comté :
­ le budget annuel de la santé est d’environ 2 Milliards d’Euros
­ celui de l’appel à projets du GRSP de moins de 3 Millions d’Euros, pour plus de 250 demandes déposées,
Donc, ­ l’enjeu est immense pour la santé publique d’une région, ­ les demandes au GRSP nombreuses et de nature très différente, … mais le budget reste « remarquablement » faible.
Comment mobiliser les acteurs d’une région autour d’un PRSP dont la mise en œuvre repose sur un levier financier aussi mineur ?
La priorisation des financements régionaux et ses limites L’élaboration du PRSP a conduit à mettre en pratique la méthode de « priorisation », bien connue des spécialistes de santé publique. En pratique, l’exercice s’est révélé périlleux car le PRSP a du intégrer deux contraintes :
­ l’obligation de la déclinaison des plans nationaux de santé publique,
­ prendre en compte les spécificités régionales en terme épidémiologique mais surtout « d’historique des financements ». Le PRSP est donc devenu souvent un texte de compromis :
­ s’écartant de « l’orthodoxie » de la priorisation en santé publique, ­ se présentant comme un catalogue d’actions souhaitables dans lequel se mêlent sur un pied d’égalité des orientations très diverses.
Un GRSP aux missions principalement organisées autour de l’appel à projets Trois catégories de demandes :
1. Les opérateurs installés à l’origine par l’Etat pour remplir une mission d’intérêt publique ; exemples : ­ Les Comités d’éducation pour la santé
­ Les Observatoires régionaux de la santé (ORS)
2. Les opérateurs intervenant depuis des décennies sur des thèmes jugés comme pérennes ; exemples :
­ Les associations en addictologie ­ Les associations qui interviennent auprès des publics précarisés : 3. Les opérateurs engagés de façon plus ponctuelle pour :
­ Des actions spécifiques, limitées dans le temps
­ Des programmes ou actions qui relèvent du champ de l’expérimentation
Donner des moyens et une stabilité pour mettre en œuvre sur la durée une vraie politique de santé
Peut­on sérieusement continuer à financer, comme on le fait depuis trente ans, les intervenants et les opérateurs d’une partie de la santé publique à travers des appels à projets annuels abondés par des budgets minimes de l’Etat ou de l’Assurance maladie ?
Les milliers d’associations du champ sanitaire et social soutenues sur appels à projets annuels ont en leur sein des professionnels de grandes compétences dont l’emploi est remis en cause chaque année. Il y a donc là un vrai problème : ­ de reconnaissance des acteurs de ce champ, ­ de cohérence avec ce que l’on sait de l’action préventive et notamment éducative qui demandent persévérance et permanence. Fait­on de même avec les soins curatifs ?
CONCLUSION : pour une vraie politique de rupture !
Au total, en finançant de manière non spécifique tous ces (ses) opérateurs, le GRSP participe à la précarisation de la santé publique et de ses acteurs. En ce sens, il s’inscrit dans une politique de continuité (avec les pratiques passées) insatisfaisante et non de rupture comme espéré. Si les politiques (d’hier, d’aujourd’hui ou de demain) décidaient de transformer leurs discours incantatoires en faveur de la prévention, en véritables engagements sur la durée, vis­à­vis des femmes et des hommes qui travaillent pour la santé publique, alors nous aurions franchi un pas décisif pour une santé publique qui n’est pas uniquement de circonstance.