Hedi Slimane de Saint Laurent

Transcription

Hedi Slimane de Saint Laurent
Analyse à froid
d’Hedi
Slimane
Laurent
du départ
de
Saint
Nous vous l’avions promis il y a quelques semaines. Le départ
d’Hedi Slimane de la maison Saint Laurent ferait l’objet d’un
article à part entière par Manifesto XXI. Chose promise chose
due.
Un petit décryptage nous semble en effet opportun. Car
derrière le respect évident du groupe Kering à l’égard d’un
Slimane fraîchement débauché, il se dégage une légère odeur de
soufre de toute cette histoire. Vous ne trouvez pas ?
Le skinny look d’Hedi « Slim Man »
Pour vous situer un peu le truc : la fructueuse collaboration
d’Hedi Slimane avec la maison Yves Saint Laurent commence en
1997, lorsque le jeune couturier prend la direction des
collections homme d’Yves Saint Laurent. Jusqu’en 2000, Hedi
Slimane fait ses premiers pas en tant que designer dans une
maison fondée par le plus rock’n’roll des créateurs du XXe
siècle, sous l’œil bienveillant de Pierre Bergé, subjugué par
le talent du couturier. En 2001, il quitte Yves Saint Laurent
pour Dior, toujours pour les collections homme. C’est au
moment de son passage chez LVMH que Slimane va imposer
au monde son génie visionnaire. Car que vous soyez un homme ou
une femme, si à un moment au cours de ces dix dernières années
vous avez porté un slim et une grosse écharpe, c’est grâce à
Hedi Slimane. Le style skinny créé par Slimane poussera même
Karl Lagerfeld à faire un gros régime afin de rentrer dans la
nouvelle ligne des costumes Dior Homme. Son empreinte
indélébile laissée, le couturier quittera ses fonctions fin
2006.
L’illustration du look skinny dans la campagne Dior
Homme de l’Automne Hiver 2001
Saint Laurent Paris, le coup de maître
Après une période « je-me-consacre-à-ma-passion-première-laphotographie », Hedi Slimane fait son retour chez Yves Saint
Laurent en 2012 et se voit cette fois-ci confier la direction
artistique des collections homme et femme. Go Hedi, tu peux y
aller franco. Et c’est ce qu’il fait. Il poursuit
l’application de son style, testé chez Dior, sur le prêt-àporter d’Yves Saint Laurent. D’ailleurs non, il rebaptise la
griffe Saint Laurent Paris. Mais à Paris il n’y reste pas
longtemps puisqu’il fait bouger les bureaux créatifs à Los
Angeles.
Dès le départ, son style ne fait pas l’unanimité et fait même
hurler les adorateurs d’Yves Saint Laurent qui voient dans son
travail le saccage pur et simple de l’héritage du couturier,
jusqu’ici méticuleusement entretenu par Stefano Pilati. Hedi
Slimane choisit judicieusement de ne faire que de la pièce
rock’n’roll, ce qui lui permet de construire des lignes de
basiques qui se vendent invariablement saison après saison.
Blousons de cuir, vestes de motard, jupes en jean, robes baby
doll, chemisiers 70’s et plateforme shoes. Slimane crache sur
la couture et la maroquinerie et fait de son prêt-à-porter,
relativement abordable et éternellement rock, la vache à lait
de la marque Saint Laurent Paris. Grâce au succès de ses
collections, permanentes ou variables, Slimane va permettre à
la marque Saint Laurent de tripler son chiffre d’affaire en
quatre ans. Ainsi la bonne santé financière dans laquelle Hedi
Slimane replonge la maison Saint Laurent permet de tuer dans
l’œuf toute tentative de critique à son égard. Le couturier
reçoit tout au long de leur collaboration, les soutiens
inébranlables de François-Henri Pinault et Pierre Bergé.
Les princesses trash d’Hedi Slimane, maigres mais en robes
lamées (Printemps Été 2014 ; Printemps Été 2016 ; Automne
Hiver 2017)
Slimane, tout à sa joie d’avoir carte blanche et budget
illimité, poursuit son délire esthetico-nostalgique et place
la jeunesse, l’androgynie, le noir et la maigreur en vertus
cardinales. Ne dites pas le contraire. Les mannequins podiums
Saint Laurent, homme comme femme, font partie des plus maigres
des défilés parisiens. Une publicité présentant un mannequin
pas tout à fait en pleine forme a même été censurée en
Angleterre. Il est à mon sens très dommageable, en effet,
qu’il ne soit plus possible aujourd’hui de porter du Saint
Laurent si on dépasse la taille 38. Yves Saint Laurent
souhaitait donner le pouvoir aux femmes. Hedi Slimane quant à
lui semble souhaiter que toutes les femmes aient l’air
d’adolescentes anglaises qui aiment la drogue, sortir dans les
clubs et arrêter de manger. J’exagère à peine.
La campagne du délit
Toujours est-il que l’esthétique d’Hedi Slimane, qu’on l’aime
ou qu’on la déteste, faisait chez le couturier partie d’une
stratégie globale pour la marque Saint Laurent Paris. On
vendra toujours des blousons de cuir et des chemisiers
psychés.
Les causes du divorce avec Kering
Alors comment Pinault a-t-il bien pu lâcher sa poule aux œufs
d’or ? Sans compter que quatre ans passés dans une maison,
c’est bien peu au regard de certaines carrières. Il aurait pu
continuer de sublimer Saint Laurent encore longtemps, alors
pourquoi ? Eh bien parce que derrière le vernis du talent et
de la réussite, se cache une bonne sous-couche de saloperie.
Monsieur Slimane s’est révélé être un épouvantable
collaborateur : colérique, méchant et totalement contrôle
freak. C’est en tout cas ce qu’affirment les professionnels
qui ont eu un jour l’occasion de travailler avec lui.
Travailler avec lui étant un euphémisme, car en dehors de
certains interlocuteurs privilégiés, tout le monde n’avait pas
le droit de s’adresser directement à Hedi Slimane.
“Je t’avais dit qu’elle était pourrie cette campagne.”
Mais ce n’est pas tant son caractère qui aurait causé sa perte
au sein du groupe. D’abord il y eut l’impossibilité
d’appliquer son esthétique à l’ensemble des activités qui
utilisent le nom d’Yves Saint Laurent et notamment, les
cosmétiques et parfums. Puis, on parle d’une certaine rivalité
avec Alessandro Michele, le deuxième DA le plus important du
groupe Kering puisque ce dernier est à la tête de la maison
Gucci depuis janvier 2015. Cet autre talent discret a
immédiatement séduit médias et professionnels en insufflant
une allure rock, limite grunge, et androgyne sur les podiums
Gucci…
Hedi a donc claqué la porte de Saint Laurent, non sans un
dernier défilé brillant, au sens premier du terme. Et comme
les histoires d’amour finissent mal en général, le groupe
Kering a été condamné le 29 juin dernier à verser 13 millions
d’euros au couturier qui avait porté plainte contre le groupe
quand ce dernier avait essayer de lever la clause de nonconcurrence existante dans le contrat qui liait Slimane à
Saint Laurent. Au contraire Hedi Slimane espérait que cette
clause soit maintenue dans le contrat ce qui aurait obligé
Kering à lui verser une indemnité.
Une collaboration qui se termine mal ça fait toujours
désordre. Remarquez ça ne pourra jamais être pire que la
rupture d’Yves Saint Laurent avec Tom Ford.
Alors que va faire Hedi Slimane ? Lancer sa propre marque,
malgré qu’il s’en défende ? Retourner en Cali, se consacrer à
son magazine photo, The Hedi Slimane Diary ? Boire du
champagne avec un immense chapeau noir sur un transat du
château Marmont avec des très jeunes hommes tout maigres ? Je
choisis la dernière option parce que c’est la plus rigolote à
imaginer et curieusement la plus plausible.
La géniale illustration de Meghann Stephenson donne un autre
avenir à Slimane

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