Juillet - août 2009 - Supremo Tribunal de Justiça

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Juillet - août 2009 - Supremo Tribunal de Justiça
Cour de cassation
Service de Documentation et d’Etudes
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VEILLE BIMESTRIELLE
DE
DROIT EUROPÉEN
Juillet - Août 2009
n/ 26
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Observatoire du droit européen
SOMMAIRE
ACTUALITÉ
Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Textes législatifs et réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Ratifications et signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Travaux du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Activités du Commissaire des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Cour européenne des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Actualité législative et juridique nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
JURISPRUDENCE
Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liste des arrêts et décisions commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
22
24
64
Arrêts de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des
communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liste des arrêts et conclusions des Avocats généraux . . . . . . . . . . . . . . . .
Espace de liberté, de sécurité et de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
68
69
70
73
Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . . .
Libre circulation des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Principes du droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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85
87
90
Décisions d’autres hautes instances juridictionnelles françaises
et étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bundesverfassungsgericht,Cour constitutionnelle - Allemagne . . . . . . . . .
Cour du travail de Liège - Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Trybunal Konstytucyjny, Cour constitutionnelle - Pologne . . . . . . . . . . . . .
Ustavni Soud, Cour constitutionnelle - République Tchèque . . . . . . . . . . .
House of Lords - Royaume- Uni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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94
95
96
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DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Commentaires d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . 100
Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . 108
Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
DOSSIER : L’affaire Medvedyev c. France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Cette veille est désormais disponible en ligne sur le site intranet de la Cour de
cassation
http://srv-cassation/Rpvjcc/AccueilRpvjcc_800.asp
sous la rubrique “Documentation” (en suivant la flèche en bas d’écran).
Coordonnées de l’équipe de l’Observatoire :
par mail : [email protected]
Françoise CALVEZ, auditeur
Anne-Claire DUBOS, greffier en chef
Aurélie DRESSAYRE, assistante de justice
Héloïse PLAQUIN, assistante de justice
Elodie SALLES, assistante de justice
Nous remercions également très chaleureusement Yamina Doolaur, vacataire et Edouard Descotis, stagiaire,
pour leur contribution à la réalisation de ce document.
ACTUALITÉ
-1-
ACTUALITÉ
DE
L’UNION EUROPÉENNE
-2-
TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 1
T Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant
des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive
2003/54/CE.
Sources : publication au JOUE du 14 août 2009
T Recommandation du Conseil du 25 juin 2009 concernant la mise à jour 2009 des grandes
orientations des politiques économiques des Etats membres et de la Communauté et la mise
en œuvre des politiques de l’emploi des Etats membres.
Sources : Publication au JOUE du 15 juillet 2009 ( L 183 ).
T Décision 2009/536/CE du Conseil du 7 juillet 2009 relative aux lignes directrices pour les
politiques de l’emploi des Etats membres.
Sources : Publication au JOUE du 11 juillet 2009 ( L 180 ).
T Recommandation 2009/C 151/01 du Conseil du 9 juin 2009 relative à la sécurité des
patients, y compris la prévention des infections associées aux soins et la lutte contre celles-ci.
Sources : Publication au JOUE du 3 juillet 2009 ( L 151 ).
1 Pour plus d’informations : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm
-3-
COMMUNIQUÉS
Conseil de l’Union européenne 2
T Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n/ 539/2001 fixant la
liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour
franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les
ressortissants sont exemptés de cette obligation.
Sources : Communiqué ( 2009 ) 366, Bruxelles le 15 juillet 2009
T Déclaration de la présidence au nom de l’Union européenne concernant la position
commune 2009/468/PESC du Conseil du 15 juin 2009 portant mise à jour de la position
commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter
contre le terrorisme et abrogeant la position commune 2009/67/PESC
« La Turquie, la Croatie* et l’ancienne République yougoslave de Macédoine*, pays candidats,
l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie, pays du processus de stabilisation
et d’association et candidats potentiels, le Liechtenstein, pays de l’AELE membre de l’Espace
économique européen, ainsi que l’Ukraine, la République de Moldavie, l’Arménie et la Géorgie
déclarent souscrire aux objectifs de la position commune 2009/468/PESC du Conseil du 15 juin
2009 portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de
mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et abrogeant la position commune
2009/67/PESC, publiée le 16 juin 2009 au Journal officiel de l’Union européenne (JO L 151 du
16.6.2009, p. 45).
Ces pays veilleront à ce que leurs politiques nationales soient conformes à cette position
commune.
L’Union européenne prend acte de cet engagement et s’en félicite.
* La Croatie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine continuent à participer au
processus de stabilisation et d’association.»
Sources : Communiqué 12014/09 ( Presse 216 ), Bruxelles le 14 juillet 2009
T Espace de liberté, de sécurité et de justice : le Contrôleur Européen de la Protection
des Données (« CEPD ») demande que l’accent soit mis sur les droits fondamentaux
dans le futur programme de Stockholm
« Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a adopté un avis sur la
communication de la Commission européenne du 10 juin 2009 intitulée “Un espace de liberté, de
sécurité et de justice au service des citoyens”. La communication est la contribution de la
Commission aux discussions sur le nouveau programme de l’UE couvrant les cinq prochaines
années dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, dénommé programme de
Stockholm, qui doit être adopté par le Conseil européen en décembre 2009.
Le CEPD relève l’attention qui a été portée à la protection des droits fondamentaux dans la
communication, et notamment à la protection des données personnelles, comme l’un des points
clés du futur cadre européen sur les questions de citoyenneté, de justice, de sécurité, d’asile et
2 Pour plus d’informations : http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=339&lang=fr
-4-
d’immigration. Il souscrit pleinement au point de vue de la Commission selon lequel davantage
d’importance devrait être accordée à la protection des données dans les secteurs concernés, et
appelle le Conseil européen à suivre la même approche lors de l’adoption du programme de
Stockholm. »
Sources : Communiqué EDPS/09/8, Bruxelles, le 13 juillet 2009
T Proposition de décision-cadre du Conseil relative au droit à l’interprétation et à la
traduction dans le cadre des procédures pénales - COM/2009/0338 final « La proposition de décision-cadre du Conseil adoptée aujourd’hui vise à définir des normes
minimales communes concernant le droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des
procédures pénales dans l’ensemble de l’Union européenne. Son objectif est de faire en sorte
que les suspects qui ne comprennent pas la langue utilisée ou qui ne la parlent pas puissent
bénéficier d’une interprétation dès le moment où ils sont informés des soupçons qui pèsent sur
eux et jusqu’à la fin de la procédure, y compris les éventuels recours. Les suspects pourraient
également obtenir la traduction de tous les documents procéduraux essentiels, ce qui leur
permettrait de comprendre pleinement les charges retenues contre eux. »
Sources : Communiqué IP/09/1101, Bruxelles le 8 juillet 2009
-5-
Commission 3
T Lutte contre la fraude fiscale : la Commission propose des mesures pour accroître
l’efficacité de la coopération entre les autorités fiscales
« Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales (IP/06/697), la
Commission européenne a adopté ce jour une proposition de refonte du règlement concernant
la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, qui étend et
consolide le cadre juridique existant pour l’échange d’informations et la coopération entre les
autorités fiscales. L’un des éléments clés de la proposition est la création d’une base juridique
permettant la mise en place d’Eurofisc, une structure opérationnelle commune grâce à laquelle
les États membres pourront agir rapidement dans leur lutte contre la fraude transfrontalière à la
TVA. Dans la foulée, la Commission a également adopté un rapport sur le fonctionnement de la
coopération administrative. »
Sources : Communiqué IP/09/1239, Bruxelles le 18 août 2009
T Un nouveau rapport montre que la législation européenne relative à l’égalité entre
hommes et femmes aide à lutter contre la discrimination sur le lieu de travail
« Protection plus large contre la discrimination fondée sur le sexe et définitions plus claires des
discriminations : d’après un rapport de la Commission européenne adopté aujourd’hui, la
législation communautaire est bénéfique aux travailleurs. L’application de la directive 2002/73/CE
- qui a pour objectif de promouvoir l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes sur le
plan des conditions de travail comme dans l’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à
la promotion - est satisfaisante dans l’ensemble, même si certains pays n’ont pas encore aligné
leur réglementation sur les exigences communautaires. Le rapport de la Commission cerne les
principaux problèmes et les bonnes pratiques recensés à cet égard. »
Sources : Communiqué IP/09/1202, Bruxelles le 29 juillet 2009
T La Commission met à jour la liste des compagnies aériennes interdites d’accès à
l’espace aérien européen
« La Commission européenne a adopté hier soir la onzième mise à jour de la liste communautaire
des compagnies aériennes interdites dans l’Union européenne : elle comprend deux pays
supplémentaires, tandis que cinq compagnies aériennes voient leur interdiction d’exploitation
levée du fait d’améliorations satisfaisantes en matière de sécurité. »
Sources : Communiqué IP/09/1136, Bruxelles, le14 juillet 2009
T Droits des citoyens de l’UE et de leurs familles de circuler et de séjourner librement :
la Commission publie des lignes directrices destinées à améliorer la transposition et
l’application de la directive 2004/38/CE à l’intention des États membres et des citoyens
de l’Union
« La Commission a adopté aujourd’hui des lignes directrices destinées à améliorer la
transposition et l’application de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union
et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
3 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué.
-6-
membres. Ces lignes directrices clarifient les droits des citoyens et des membres de leur famille
et éclairent les États membres sur les mesures qu’ils peuvent prendre pour lutter contre la
criminalité, les abus de droit et les mariages de complaisance. »
Sources : Communiqué IP/09/1077, Bruxelles, le 2 juillet 2009
-7-
Comité économique et social européen
T Le Comité Economique et Social Européen (CESE) s’apprête à adopter une position
résolue en matière de protection des enfants contre les délinquants sexuels itinérants
« Le 15 juillet 2009, deux mois après la tenue d’une vaste audition publique sur le sujet, le Comité
économique et social européen (CESE) votera pour l’adoption d’un avis qui plaide pour une
stratégie européenne contraignante en faveur de la protection des enfants contre les délinquants
sexuels itinérants.
L’avis d’initiative du Comité, élaboré par la rapporteuse Mme Madi Sharma (Groupe I –
Employeurs – Royaume-Uni) , comporte une série de propositions visant à inciter les institutions
de l’UE à adopter une stratégie européenne globale de protection des enfants contre les
délinquants sexuels itinérants. Selon le projet d’avis, il est impératif que les délinquants sexuels
ne relèvent plus de la compétence des juridictions étrangères. Pour éviter d’être repérés, les
récidivistes restent souvent dans le même pays ou gagnent d’autres États. Il en résulte que les
autorités européennes ne se rendent pas compte de l’entrée d’un abuseur en Europe, une
situation qui expose les enfants européens à un risque accru.
Soulignant le fait que l’exploitation sexuelle des enfants dans le cadre du tourisme fait partie d’une
industrie du sexe lucrative et solidement établie à l’échelle mondiale, le CESE présentera un
ensemble de mesures débouchant sur une approche renforcée et centrée sur l’enfant. Ces
dernières englobent l’instauration de partenariats internationaux en matière de coopération
policière, l’expulsion des délinquants, l’interdiction à l’encontre des délinquants sexuels d’exercer
une activité professionnelle à l’étranger, ainsi que l’établissement de mécanismes d’éducation
destinés au grand public et de mécanismes de conseil à l’intention des victimes. »
Sources : Communiqué CES/09/95, le 14 juillet 2009
-8-
ACTUALITÉ
DU CONSEIL DE L’EUROPE
-9-
RATIFICATIONS ET SIGNATURES
T Le 1er juillet 2009
Monaco a signé et ratifié le Protocole n/ 14bis à la Convention de Sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales.
T Le 7 juillet 2009
L’Islande a signé le Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l’Homme et la
biomédecine relatif aux tests génétiques et a signé sans réserve de ratification, le Protocole
n/ 14bis à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
Le Luxembourg a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels.
L’Autriche a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme
et des Libertés fondamentales.
La Slovénie a ratifié le Protocole n/ 14bis à la Convention de Sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales.
T Le 24 août 2009
L’Autriche a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie
en relation avec la succession d’Etat.
N Au 31 août 2009, 12 Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé le Protocole additionnel
n/ 14bis et 6 Etats l’ont ratifié.
-10-
COMMUNIQUÉS
T Dick Marty : il est temps que l’Europe fasse la lumière sur les détentions secrètes
« Dick Marty (Suisse, ADLE), rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
(APCE) sur les détentions secrètes, a fait aujourd’hui la déclaration suivante :
“Avec la publication hier d’un rapport, selon lequel il y aurait eu également en Lituanie un lieu de
détention secret de la CIA, ainsi que d’autres récentes révélations concernant les « sites noirs »
en Pologne et en Roumanie, le temps est venu pour l’Europe d’assumer toutes ses
responsabilités dans cet épisode honteux.
J’ai toujours cru que la « dynamique de la vérité » prévaudrait face au secret d’Etat. Mais ces
révélations récurrentes de semi-vérités à quelques semaines ou quelques mois d’intervalle sapent
la crédibilité de l’Europe. Nous devons, une bonne fois pour toutes, tirer un trait et faire toute la
lumière sur les détentions secrètes.
Mes propres sources semblent confirmer les informations dont la presse s’est faite l’écho hier
selon lesquelles « des détenus de grande importance » ont été détenus en Lituanie. Il faut
maintenant que les autorités mènent une enquête exhaustive, indépendante et crédible. Le
« secret d’Etat » ne saurait être un prétexte pour empêcher que toute la lumière soit faite sur les
événements qui se sont produits dans la banlieue de Vilnius.
L’heure n’est plus au déni et aux faux-fuyants : les pays européens doivent faire toute la lumière
sur les détentions secrètes”.
La Chronologie des investigations du Conseil de l’Europe concernant les détentions secrètes est
disponible sur internet : http://www.coe.int/t/dc/av/allreleases_fr.asp »
Sources : Communiqué de presse - 625 (2009) - le 21 août 2009
T Réaction du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Terry Davis, après le meurtre
de Natalia Estemirova
« Tout le monde en Europe va être atterré par la nouvelle de l’assassinat d’une nouvelle militante
des droits de l’homme en Russie. Combien de Natalia Estemirova et d’Anna Politkovskaïa
devront encore payer de leur vie avant que les autorités russes se décident à protéger ceux qui
se battent pour les droits fondamentaux des citoyens russes ? »
Sources : Communique de presse - 569 (2009) - le 15 juillet 2009
T Grâce à un partenariat avec Google, plus de 3 300 ouvrages du Conseil de l’Europe
sont accessibles en ligne
« Grâce à un partenariat entre les Editions du Conseil de l’Europe et la base de données Google
Book Search, 3 300 ouvrages sont accessibles en ligne depuis cette année.
Les ouvrages du Conseil de l’Europe accessibles dans la base de données ont reçu 230 000
visites en six mois, avec près de 2,1 millions de pages qui ont été visionnées. Les ouvrages le
plus fréquemment consultés sont les dictionnaires juridiques, les extraits principaux de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et les titres de la collection “Regard
éthique”. »
Sources : Communiqué de presse - 561 (2009) - le 10 juillet 2009
-11-
T Le Conseil de l’Europe adopte une Recommandation sur le handicap et le
vieillissement
« Le Comité des Ministres vient d’adopter une recommandation, adressée aux 47 Etats membres
“sur le vieillissement et le handicap au 21e siècle : cadres durables permettant une meilleure
qualité de vie dans une société inclusive”.
Les personnes handicapées vieillissantes et les personnes âgées handicapées souhaitent vivre
leur vie avec le plus grand degré de liberté et d’autonomie possible, dans un environnement
humain et physique ou elles pourront bénéficier de services de soutien qui facilitent ce mode de
vie au lieu de l’entraver.
Le Conseil de l’Europe a analysé les pratiques courantes dans différents pays en Europe et a
produit un rapport et des recommandations.
Le rapport intitulé “Renforcement des droits et inclusion des personnes handicapées vieillissantes
et des personnes âgées handicapées : une perspective européenne” examine les divers
contextes de la prestation des services et influant, par conséquent, sur la qualité de vie : le cadre
législatif, financier, participatif, opérationnel et individuel.
La recommandation, prenant acte de meilleures pratiques en Europe, invite les Etats membres
à prendre des mesures spécifiques pour promouvoir l’autonomie et une vie indépendante et
active, améliorer l’égalité d’accès aux services, y compris les services sociaux, ainsi que leurs
qualité, et la protection juridique.
La recommandation demande aux gouvernements de fournir des services qui soient suffisants
en qualité et en quantité. Lorsque plusieurs services de soutien différents sont nécessaires
(assistance médicale et sociale, par exemple) ils devraient être soigneusement coordonnés ou
intégrés afin de répondre efficacement aux besoins de la personne. Dans ce domaine, il serait
pertinent d’adopter des systèmes et des méthodes de gestion et d’assurance qualité qui tiennent
compte des questions éthiques et des normes professionnelles. »
Sources : Communiqué de presse - 563 (2009) - le 10 juillet 2009
T « Dites non à la discrimination » : le Conseil de l’Europe lance sa campagne à Lisbonne
« Le 9 juillet 2009, le Conseil de l’Europe et le Haut Commissariat du Portugal pour l’immigration
et le dialogue interculturel organisent une campagne avec pour thème “Dites non à la
discrimination” qui vise à sensibiliser l’opinion publique et s’attache à condamner différents
aspects des discriminations liées à des attitudes et préjugés racistes, notamment à connotation
islamophobe, antisémite et anti-Roms.
La campagne s’efforce de préparer les journalistes à travailler dans une Europe multiculturelle
et de favoriser de bonnes pratiques dans la présentation des informations concernant des
questions interculturelles ou relatives à des discriminations.
Elle vise aussi à rendre plus visible la diversité des sociétés européennes en soutenant fortement
l’accès des minorités aux professions du secteur des médias. »
Sources : Annonce aux médias - 084 (2009) - le 8 juillet 2009
-12-
TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE
N Le Conseil de l’Europe met à disposition sept fiches d’information offrant une synthèse de
différents thèmes relatifs aux droits de l’homme.
L’intégralité de ces documents est disponible sur le site du Conseil de l’Europe sous la
rubrique : « Communiqués de presse » : http://www.coe.int/t/dc/av/default_FR.asp
T Fiche d’information n/ 1 du 29 juillet 2009 : Liberté d’expression et d’information.
T Fiche d’information n/ 3 du 31 juillet 2009 : Les budgets publics au service de l’égalité des
sexes.
T Fiche d’information n/ 4 du 31juillet 2009 : Discours de haine.
T Fiche d’information n/ 5 du 31 juillet 2009 : La lutte contre la traite des êtres humains.
T Fiche d’information n/ 6 du 31 juillet 2009 : Port de symboles religieux en public.
T Fiche d’information n/ 8 du 7 août 2009 : Lutter contre l’exploitation et les abus sexuels
dont sont victimes les enfants de l’Europe.
T Fiche d’information n/ 10 du 10 août 2009 : Vers une procédure d’adoption européenne.
-13-
ACTIVITÉS DU COMMISSAIRE DES DROITS DE L’HOMME
T “L’application imparfaite des décisions judiciaires ébranle la confiance dans la justice
des Etats” déclare le Commissaire Hammarberg
« “Les décisions de justice ne sont pas pleinement respectées dans plusieurs pays européens,
ce qui constitue un rejet de l’Etat de droit et un problème grave pour les droits de l’homme” a
déclaré aujourd’hui Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe, à l’occasion de la publication de son dernier point de vue.
“Dans ces pays, les décisions de justice ne sont souvent exécutées que partiellement ou avec
un retard important, voire pas du tout. C’est un problème structurel qui devrait figurer parmi les
priorités des Etats concernés.”
La non-application de décisions de justice internes est à l’origine de nombreuses requêtes
introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg – requêtes qui
proviennent principalement d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de la Fédération de Russie, de
Moldova, de Serbie et d’Ukraine.
Après avoir mis l’accent sur les mesures concrètes définies par le Conseil de l’Europe pour
remédier aux problèmes d’application insatisfaisante ou tardive des décisions de justice internes,
le Commissaire appelle les principaux acteurs à se mobiliser dans chaque pays, en particulier les
parlementaires et les institutions nationales indépendantes.
“La crédibilité du système judiciaire est en jeu. Il ne suffit pas de réformer la législation,
d’augmenter les ressources des tribunaux, ni même d’encourager le public à régler ses différends
en justice. Il faut que les personnes qui ont placé leur confiance dans le système judiciaire
obtiennent satisfaction non seulement sur le papier mais aussi dans la réalité.” »
Sources : Communiqué de presse - 631 (2009) - le 31 août 2009
T “Une mise en œuvre sérieuse des droits de l’homme exige des indicateurs précis”
déclare le Commissaire Hammarberg
« “Combler le fossé entre les droits consacrés par les traités des droits de l’homme et la réalité
dans les Etats membres exige une approche systématique et des indicateurs adaptés” a indiqué
Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans son
dernier point de vue publié aujourd’hui.
Mettant en valeur des modèles et des catégories d’indicateurs adoptés par des organismes
internationaux tels que le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les Nations Unies, le
Commissaire souligne que “les indicateurs rendent les processus de planification et de mise en
œuvre des droits de l’homme plus efficaces et plus transparents. Grâce à eux, les gouvernements
peuvent plus facilement rendre compte des avancées réalisées en matière de droits de l’homme
et mettre en évidence leurs progrès au moyen de critères précis.
Il est indispensable de disposer de données ventilées par sexe, appartenance ethnique,
orientation sexuelle, handicap et âge. Cependant, leur collecte peut-être complexe, et la
communication de certaines informations doit donc être un acte volontaire accompli dans un
cadre garantissant la confidentialité des données.”
En conclusion, le Commissaire souligne que “l’utilisation d’indicateurs des droits de l’homme au
niveau local a un grand potentiel. Les informations relatives aux violations des droits
fondamentaux ou aux progrès réalisés dans les communes et les régions sont extrêmement utiles
pour prendre des décisions aux niveaux local et national.” ».
Sources : Communiqué de presse - 620 (2009) - le 17 août 2009
-14-
T “Les droits fondamentaux des personnes transgenres doivent être pleinement
respectés” plaide le Commissaire Hammarberg
« “Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient s’attaquer plus vigoureusement à la
transphobie et à la discrimination envers les personnes transgenres dont la situation a longtemps
été ignorée et négligée. Pourtant, ces personnes font face à des problèmes caractéristiques,
extrêmement concrets. Elles sont particulièrement exposées, dans tous les domaines de la vie,
aux discriminations et à l’intolérance ainsi qu’à une violence directe. Dans certains pays d’Europe,
elles ont d’ailleurs été victimes d’actes criminels inspirés par la haine qui, pour certains, sont allés
jusqu’au meurtre” déclare le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas
Hammarberg, à l’occasion de la parution aujourd’hui d’un document thématique sur les droits de
l’homme et l’identité de genre.
Ce document thématique fait valoir que les normes internationales reconnues en matière de droits
de l’homme, telles que le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et le droit aux soins de santé,
s’appliquent à tous, y compris aux personnes transgenres. De même, celles-ci ont le droit d’être
protégées contre la discrimination sur le marché du travail.
D’après le document du Commissaire, des mesures positives ont été prises dans certains pays
pour protéger les droits des personnes transgenres. Malgré cela, la transphobie règne, ainsi
qu’une ignorance profonde. Il est recommandé aux Etats membres du Conseil de l’Europe de
lutter davantage contre la discrimination, y compris en formant les personnels de santé. Par
ailleurs, les personnes qui souhaitent faire reconnaître leur identité de genre ne devraient pas être
obligatoirement soumises à une stérilisation ni à aucun autre traitement médical. »
Sources : Communiqué de presse - 604 (2009) - le 29 juillet 2009
T Thomas Hammarberg : “Le profilage ethnique et religieux est contraire aux normes des
droits de l’homme”
« Dans son dernier point de vue qui paraît aujourd’hui, Thomas Hammarberg, Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe, affirme que “par rapport au reste de la population, les
membres de minorités font l’objet de contrôles d’identité plus fréquents et sont plus souvent
interpellés par la police, interrogés et fouillés. Ils sont victimes du « profilage ethnique », une
forme de discrimination qui s’est généralisée aujourd’hui en Europe. Ces méthodes sont
contraires aux normes des droits de l’homme. Elles sont par ailleurs plutôt contre-productives, car
elles dissuadent les gens de coopérer avec la police dans la lutte contre la véritable criminalité”.
“L’interpellation et la fouille d’une personne doivent obéir à des raisons objectives, mais se limiter
aux cas où il existe un soupçon – raisonnable et individualisé – d’activité criminelle. La couleur
de peau, la manière de s’habiller et le port apparent de signes religieux ne sont pas des raisons
objectives” précise-t-il, avant d’affirmer que les pratiques disproportionnées “nuisent globalement
à la collectivité. Tous les groupes de la société devraient avoir de bonnes raisons de faire
confiance à la police. Surtout ceux qui pourraient être la cible d’actes xénophobes, voire
d’agressions motivées par la haine”.
Pour conclure, il souligne que “la police devrait être la première à promouvoir l’égalité et à
prévenir la discrimination raciale, à bénéficier de formations la préparant à intervenir dans une
société plurielle et à recruter des agents issus de minorités”. »
Sources : Communiqué de presse - 587 (2009) - le 20 juillet 2009
T “Les pays devraient mettre fin à l’apatridie des « Roms »” déclare le Commissaire
Hammarberg
« “Les pays devraient faire tout leur possible pour mettre fin à l’apatridie des Roms et leur
accorder la nationalité” a dit le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
Thomas Hammarberg dans son dernier Point de vue publié aujourd’hui.
“Dans plusieurs pays d’Europe, certains Roms sont apatrides et vivent sans protection sociale,
-15-
ce qui redouble les difficultés auxquelles ils doivent faire face. En effet, l’apatridie rend la vie
encore plus difficile à ces personnes déjà stigmatisées et exposées à une multitude de problèmes
graves liés à la discrimination. La situation est pire encore pour les migrants.” »
Sources : Communiqué de presse - 551 (2009) - le 6 juillet 2009
-16-
COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
T Premières décisions prises en vertu des nouvelles procédures : Adoption de 146
décisions suivant la procédure du juge unique.
« A la suite des décisions de la mise en place du Protocole n/ 14bis, la Cour a rendu les
premières décisions adoptées sur la base de la procédure du juge unique.
Le 7 juillet, les décisions ont porté sur 41 requêtes contre le Royaume-Uni, 76 contre l’Allemagne,
17 contre les Pays-Bas et 1 contre le Danemark. Le 10 juillet, les décisions adoptées ont
concerné 8 requêtes contre la Suisse et 3 contre la Norvège.
Le Président de la Cour, Jean-Paul Costa, s’est félicité des premiers résultas, longuement
attendus, du Protocole n/ 14 (ouvert à la signature en 2004), tout en soulignant l’importance d’une
mise en œuvre pleine et entière de ce Protocole. “Cela donne à la Cour un nouveau souffle”, a
t-il déclaré “et nous ferons tout notre possible pour faire en sorte que cette procédure ait un
impact réel sur la charge de travail de la Cour”. 4 »
Source : Communiqué du Greffier - 562 - le 10 juillet 2009
4 Pour plus d’informations voir le dossier réalisé dans la veille bimestrielle n/ 24 : “La réforme de la Cour européenne des droits
de l’homme”, page 149.
-17-
ACTUALITÉ LÉGISLATIVE
ET JURIDIQUE
NATIONALE
-18-
T Publication de la circulaire CRIM 09-8/G5 du 13juillet 2009 présentant les dispositions
de la loi n/ 2009-526 du 12 mai 2009 en matière d’entraide pénale internationale
L Ce document est disponible sur internet :
http://intranet.justice.gouv.fr/site/dacg/art_pix/circulaire_130709_BEPI_open.pdf
T Publication de la circulaire CRIM 09/7/G5 du 20 juillet 2009, présentant des dispositions
pratiques visant à compléter la circulaire du 11 mars 2004 relative à la diffusion des
mandats européens.
A la suite de la circulaire CRIM 09/8/G5 en date du 13 juillet 2009, relative aux
modifications législatives introduites par la loi du 12 mai 2009 en matière d’entraide pénale
internationale, la présente circulaire se concentre sur les dispositions pratiques mises en œuvre
afin d’améliorer l’efficacité de la procédure du mandat d’arrêt européen.
L Ce document est disponible sur internet :
http://intranet.justice.gouv.fr/site/dacg/index.php?rubrique=1461&ssrubrique=6357&article=31772
T Réalisation par le Service des Etudes de législation comparée du Sénat d’un rapport
sur le rôle de la police judiciaire dans l’instruction des affaires pénales :
« Cette étude est une analyse comparative du rôle de la police judiciaire dans la phase
préliminaire de la procédure pénale dans six pays européens (Allemagne, Angleterre et pays de
Galles, Espagne, Italie, Portugal et Suisse ). »
Sources : Les Documents de travail du Sénat, série législation comparée, n/ LC 198, juillet 2009 :
http://www.senat.fr/elc.html
T Réalisation par le Service des Etudes de législation comparée du Sénat d’un rapport
sur la rémunération des inventeurs salariés :
« La présente étude expose les règles qui régissent la rémunération des inventeurs salariés dans
huit pays européens : l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, le
Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. »
Sources : Les Documents de travail du Sénat, série législation comparée, n/ LC 199, juillet 2009 :
http://www.senat.fr/elc.html
T Question parlementaire sur le risque de chevauchement des travaux du Conseil de
l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
« La question de la “concurrence” entre les deux organismes que sont le Conseil de l’Europe et
l’Union européenne est récurrente ; elle a été soulevée dans le cadre d’une question
parlementaire à propos des activités de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne,
créée à Vienne le 15 février 2007 et succédant à l’Observatoire européen des phénomènes
racistes et xénophobes. »
Sources : Question écrite n/ 03507, publiée dans le JO Sénat du 28 février 2008, page 362.
Réponse du Secrétariat d’Etat aux affaires européennes, publiée dans le JO Sénat du 20 août 2009, p.
1980.
L Question et réponse ministérielles disponible sur le site du Sénat :
htttp: //www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ080203507
-19-
JURISPRUDENCE
-20-
ARRÊTS DE
LA COUR EUROPÉENNE
DES
DROITS DE L’HOMME
5
5 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifs
dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.
-21-
LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-APRÈS COMMENTÉS,
classement par articles
- Article 2 : DROIT A LA VIE
- CEDH, Guiliani et Gaggio c. Italie, 25 août 2009, req. n/ 23458/02, p. 24.
- Article 3 : INTERDICTION DE LA TORTURE
- CEDH, Prencipe c. Monaco, 16 juillet 2009, req. n/ 43376/06, p. 45.
- CEDH, Sulejmanovic c. Italie, 16 juillet 2009, reqq. n/ 22635/03, p. 49.
- Article 5 : DROIT A LA LIBERTÉ ET A LA SÛRETÉ
- CEDH, Mooren c. Allemagne, Grande chambre, 9 juillet 2009, req. n/ 11364/03, p. 54.
- CEDH, Prencipe c. Monaco, 16 juillet 2009, req. n/ 43376/06, p. 45.
- Article 6 : DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
- CEDH, Aktas c. France (req. n/ 43563/08), Bayrac c. France (req. n/ 14308/08), Gamaleddyn
c. France (req. n/ 18527/08), Ghazal c. France (req. n/ 29134/08), Singh c. France (req.
n/ 25463/08) et Singh c. France (req. n/ 27561/08), (déc.), 30 juin 2009, p. 64.
- CEDH, Dattel c. Luxembourg (n/ 2), 30 juillet 2009, req. n/ 18522/06, p. 31.
- CEDH, Lee Davies c. Belgique, 28 juillet 2009, req. n/ 18704/05, p. 34.
- CEDH, Luka c. Roumanie, 21 juillet 2009, req. n/ 34197/02, p. 42.
- CEDH, Seyithan Demir c. Turquie, 28 juillet 2009, req. n/ 25381/02, p. 35.
- CEDH, Stagno c. Belgique, 7 juillet 2009, req. n/ 1062/07, p. 58.
- CEDH, Union fédérale des consommateurs Que choisir de Côte d’Or c. France, (déc.), 30 juin
2009, req. n/ 39699/03, p. 61.
- Article 9 : DROIT A LA LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET DE RELIGION
- CEDH, Aktas c. France (req. n/ 43563/08), Bayrac c. France (req. n/ 14308/08), Gamaleddyn
c. France (req. n/ 18527/08), Ghazal c. France (req. n/ 29134/08), Singh c. France (req.
n/ 25463/08) et Singh c. France (req. n/ 27561/08), (déc.), 30 juin 2009, p. 64.
Article 10 : DROIT A LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
- CEDH, Ferret c. Belgique, 16 juillet 2009, req. n/ 15615/07, p. 51.
- CEDH, Hachette Filipacchi Associés (« Ici Paris » c. France, 23 juillet 2009, req.
n/ 12268/03, p. 40
-22-
- Article 14 : INTERDICTION DE DISCRIMINATION
... combiné avec article 9 : LIBERTÉ DE CONSCIENCE, DE PENSÉE ET DE
RELIGION :
- CEDH, Aktas c. France (req. n/ 43563/08), Bayrac c. France (req. n/ 14308/08), Gamaleddyn
c. France (req. n/ 18527/08), Ghazal c. France (req. n/ 29134/08), Singh c. France (req.
n/ 25463/08) et Singh c. France (req. n/ 27561/08), (déc.), 30 juin 2009, p. 64.
... combiné avec article 11 : LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION :
- CEDH, Danilenkov et autres c. Russie, 30 juillet 2009, req. n/ 67336/01, p. 29.
- CEDH, Dattel c. Luxembourg (n/ 2), 30 juillet 2009, req. n/ 18522/06, p. 31.
- Article 38 : EXAMEN CONTRADICTOIRE DE L’AFFAIRE ET RÈGLEMENT AMIABLE
- CEDH, Guiliani et Gaggio c. Italie, 25 août 2009, req. n/ 23458/02, p. 24.
- Article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : PROTECTION DE LA
PROPRIÉTÉ
- CEDH, Joubert c. France, 23 juillet 2009, req. n/ 30345/05, p. 37.
- CEDH, Perdigão c. Portugal, 4 août 2009, req. n/ 24768/06, p. 28.
- CEDH, Union fédérale des consommateurs Que choisir de Côte d’Or c. France, (déc.), 30 juin
2009, req. n/ 39699/03, p. 61.
- Article 2 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : DROIT A L’INSTRUCTION
- CEDH, Aktas c. France (req. n/ 43563/08), Bayrac c. France (req. n/ 14308/08), Gamaleddyn
c. France (req. n/ 18527/08), Ghazal c. France (req. n/ 29134/08), Singh c. France (req.
n/ 25463/08) et Singh c. France (req. n/ 27561/08), (déc.), 30 juin 2009, p. 64.
- Article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention : DROIT DE NE PAS ÊTRE JUGÉ
OU PUNI DEUX FOIS
- CEDH, Aktas c. France (req. n/ 43563/08), Bayrac c. France (req. n/ 14308/08), Gamaleddyn
c. France (req. n/ 18527/08), Ghazal c. France (req. n/ 29134/08), Singh c. France (req.
n/ 25463/08) et Singh c. France (req. n/ 27561/08), (déc.), 30 juin 2009, p. 64.
-23-
ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
L Affaires à suivre :
L’audience en grande chambre concernant l’affaire Taxquet c. Belgique 6 relative à la
motivation des arrêts de cours d’assises a été fixée au 21 octobre 2009. La France est tierce
intervenante dans cette procédure.
La Cour européenne a tenu une audience en Grande chambre dans l’affaire Mangouras c.
Espagne, req. n/ 12050/04 7 le mercredi 23 septembre 2009. Cette affaire concerne le
placement en détention provisoire de l’ancien capitaine d’un navire pétrolier, accusé d’avoir
provoqué une importante pollution en mer à la suite du naufrage de celui-ci près des côtes
espagnoles. Une retransmission de l’audience est disponible sur le site internet de la Cour.
Guiliani et Gaggio c. Italie
25 août 2009
- req. n/ 23458/02 - non violation de l’article 2 de la Convention en son volet matériel en ce qui concerne l’usage excessif
de la force - non violation de l’article 2 de la Convention en son volet matériel en ce qui concerne les
obligations positives de protéger la vie - violation de l’article 2 en son volet procédural - non violation
de l’article 38 de la Convention -
T Faits :
La requête porte sur les conditions du décès de Carlos Guiliani, le fils et le frère des requérants,
survenu au cours des manifestations organisées à l’occasion de la tenue du G8 à Gènes en
Italie en 2001.
Le 20 juillet, pendant une manifestation autorisée, des affrontements opposèrent les
manifestants aux forces de l’ordre. Deux véhicules de police se trouvèrent isolés. L’un deux,
à bord duquel se trouvaient des carabiniers, fut encerclé et violemment pris à partis par un
groupe de manifestants. Blessé, l’un des carabiniers tira des coups de feu vers l’extérieur du
véhicule. Carlo Giuliani fut mortellement blessé par une balle qui l’atteignit au visage. Le
conducteur du véhicule roula à deux reprises sur son corps inanimé.
Une enquête fut ouverte par les autorités italiennes et des poursuites pénales pour homicide
volontaire furent engagées contre l’auteur des coups de feu et le conducteur du véhicule.
L’autopsie révéla que la mort de Carlos Guiliani avait été provoquée par le coup de feu et non
par le véhicule de police.
6 L’arrêt rendu le 13 janvier 2009 par la Cour européenne est résumé dans la veille bimestrielle janvier-février 2009, n/ 23, p. 86.
7 Dans cette affaire, l’arrêt rendu par la Cour le 8 janvier 2009 avait été résumé dans la veille bimestrielle janvier-février 2009,
n/ 23, p. 91.
-24-
A la demande du parquet, trois expertises furent réalisées. Les conclusions de la troisième
déploraient l’impossibilité d’examiner le corps de la victime, celui-ci ayant été incinéré.
En mai 2003, le juge des investigations préliminaires classa la procédure sans suite. Il estima
que le conducteur du véhicule qui, compte-tenu de la confusion régnant autour du véhicule
n’avait pu voir Carlo Guiliani, ne pouvait être considéré responsable d’un homicide. Concernant
l’auteur du coup de feu mortel, il estima que celui-ci avait tiré en l’air sans avoir l’intention de
tuer et que, du fait de l’agression dont il était victime avec ses collègues, il se trouvait en
situation de légitime défense.
T Griefs :
Invoquant l’article 2 (droit à la vie) de la Convention, les requérants soutenaient que Carlo
Giuliani avait été tué par les forces de l’ordre. Toujours sur ce fondement, ils reprochaient aux
autorités nationales de ne pas avoir protégé sa vie, et de n’avoir pas mené une enquête
effective sur les conditions de son décès.
Sous l’angle de l’article 3 (interdiction de la torture) de la Convention, les requérants estimaient
que l’absence de secours immédiats et le passage de la jeep sur le corps de la victime avaient
contribué à son décès. Ils se plaignaient également de ne pas avoir bénéficié d’une enquête
conforme aux exigences procédurales découlant des articles 6 (droit à un procès équitable) et
13 (droit à un recours effectif) de la Convention.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 2 de la Convention :
Rappelant dans un premier temps les principes généraux résultant de sa jurisprudence relative
à l’article 2 de la Convention8, la Cour indique que cet article “garantit le droit à la vie et expose
les circonstances dans lesquelles infliger la mort peut se justifier, se place parmi les articles
primordiaux de la Convention et aucune dérogation ne saurait y être autorisée. Combiné à
l’article 3, il consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment
le Conseil de l’Europe”. (§ 204)
Sur le volet matériel de l’article 2 de la Convention (usage prétendument excessif de la force) :
La Cour affirme qu’en l’espèce, le carabinier auteur du coup de feu a utilisé son arme dans un
but de légitime défense, ce qui correspond à “l’un des cas énumérés au second paragraphe de
l’article 2, dans lequel le recours à une force meurtrière peut être légitime”. (§ 224)
Elle poursuit en déclarant que, dans les circonstances de la cause, “le recours à la force
meurtrière (...) n’a pas outrepassé les limites de ce qui était nécessaire”. (§ 225)
Relevant que l’auteur du tir, exclu du service d’ordre et placé dans un véhicule non blindé, avait
pris cette initiative sous l’effet de la panique, elle estime qu’il n’est pas “nécessaire de se
pencher dans l’abstrait sur la compatibilité avec l’article 2 des dispositions législatives
applicables en matière d’usage des armes par les membres des forces de l’ordre lors
d’opérations de maintien de l’ordre” (§ 226). La juridiction européenne estime qu’en l’espèce,
l’usage de la force n’a pas été disproportionné et conclut, à l’unanimité, à l’absence de violation
sur le volet matériel de l’article 2 de la Convention.
Sur le volet procédural de l’article 2 de la Convention (manquement aux obligations de protéger
8 CEDH, McCann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, req. n/ 18984/91, §146-147 ; CEDH, Kiliç c. Turquie, 28 mars
2000, req. n/ 22492/93 ; CEDH, Makaratzis c. Grèce [GC], 20 décembre 2004, req. n/ 50385/99 et CEDH, Kaya c. Turquie, 19
février 1998, req. n/ 22729/93 .
-25-
la vie de Carlo Giuliani) :
La Cour vérifie si l’opération de maintien de l’ordre a été planifiée, organisée et conduite de
façon à réduire au minimum le recours à la force meurtrière et si les défaillances ayant pu
entacher la préparation et la conduite de cette opération étaient en rapport direct avec la mort
de Carlo Giuliani.
Notant que les défaillances soulevées par les requérants n’ont pas été prises en considération
par les autorités nationales, les juges européens affirment que “lorsqu’un Etat accepte que sur
son territoire se déroule un événement international à très haut risque, il doit prendre les
mesures de sécurité qui s’imposent et déployer un effort maximal pour assurer le maintien de
l’ordre. Ainsi, il lui incombe de prévenir les débordements pouvant occasionner des incidents
violents. Si toutefois de tels incidents se produisent, les autorités doivent être attentives dans
leur réponse à la violence, de façon à réduire au minimum le risque de recourir à la force
meurtrière. En même temps, l’Etat a le devoir d’assurer le bon déroulement des manifestations
organisées autour de l’événement, en protégeant entre autres les droits garantis par les articles
10 et 11 de la Convention.” (§ 231)
La Cour souligne ensuite que ni l’enquête menée au niveau national ni les autres éléments du
dossier ne permettent d’apporter des réponses aux questions posées. Elle se déclare donc
dans “l’impossibilité d’établir l’existence d’un lien direct et immédiat entre les défaillances qui
ont pu entacher la préparation ou la conduite de l’opération de maintien de l’ordre et la mort de
Carlo Guiliani”. (§ 239)
Concernant l’allégation des requérants selon laquelle les autorités auraient tardé a contacter
les secours, la Cour retient que cet appel n’a pas été tardif et qu’il n’est pas établi que
l’ambulance soit arrivée “en dehors d’un délai raisonnable” . (§ 242)
Dans ces conditions, elle estime “qu’il n’est pas établi que les autorités italiennes ont manqué
à leur obligation de protéger la vie de Carlo Guiliani”. Par cinq voix contre deux, la Cour conclut
à la non violation de l’article 2 de la Convention en son volet matériel pour ce qui est des
obligations positives de protéger la vie.
Sur l’observation des obligations procédurales découlant de l’article 2 de la Convention :
Les juges européens relèvent tout d’abord que l’autopsie pratiquée le lendemain du décès de
la victime n’a pas permis d’établir avec certitude la trajectoire de la balle. Affirmant partager les
doutes du parquet relatifs au caractère superficiel des informations recueillies pendant cet
examen, ils trouvent par ailleurs regrettable que le parquet ait autorisé l’incinération du cadavre
avant même que les résultats de l’autopsie aient été connus, cette décision ayant rendu
impossible tout examen ultérieur.
Puis, ils soulignent que compte-tenu des “lacunes de l’examen médico-légal et la nonconservation du corps, il n’est pas surprenant que la procédure judiciaire ait débouché sur le
classement sans suite de l’affaire” et affirment que “les autorités n’ont pas mené une enquête
adéquate sur les circonstances du décès de Carlo Guiliani”. (§ 251)
La Cour souligne que l’enquête aurait dû porter sur les “aspects de l’organisation et de la
gestion des opérations de maintien de l’ordre”, ce qui n’a pas été le cas. Elle estime donc que
l’enquête “n’a pas été adéquate dans la mesure où elle n’a pas recherché quelles étaient les
personnes responsables” (§ 253) et conclut, par quatre voix contre trois, à la violation de l’article
2 de la Convention dans son volet procédural.
- Sur la violation alléguée de l’article 3 de la Convention :
Sous l’angle de l’article 3 de la Convention, les requérants soutenaient que l’absence de
secours immédiats et le passage de la jeep sur le corps de Carlo Guiliani avaient contribué à
-26-
son décès et étaient constitutifs d’un traitement inhumain.
Selon la Cour européenne, “l’on ne saurait déduire du comportement des forces de l’ordre
qu’elles ont eu l’intention d’infliger des douleurs ou des souffrances à Carlo Giuliani”.9 (...) “eu
égard aux circonstances de la présente affaire, (...) les faits allégués appellent un examen sous
l’angle de l’article 2 de la Convention, examen auquel elle vient de se livrer” (§ 260-261). Elle
décide donc ne pas devoir examiner l’affaire sous l’angle de l’article 3 de la Convention.
- Sur la violation alléguée des articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 de la Convention
(droit à un recours effectif) :
La Cour note que le grief allégué par les requérants sur le fondement de l’article 6 § 1 de la
Convention est lié à celui relatif d’une part à la manière dont les autorités chargées de l’enquête
ont traité le décès de Carlo Giuliani et d’autre part aux répercussions qui en ont résulté sur
l’accès à des recours effectifs qui leur auraient permis de faire redresser le préjudice que ce
drame leur a causé.
Elle considère qu’il convient d’examiner ce grief en liaison avec l’obligation plus générale que
l’article 13 de la Convention fait peser sur les Etats contractants, de prévoir un recours effectif
pour les violations de la Convention, y compris de l’article 2 de la Convention.10
Enfin, les juges européens indiquent que, eu égard aux circonstances de l’espèce et au
raisonnement qui l’a conduite à constater une violation de l’article 2 de la Convention en son
volet procédural, il n’y a pas lieu d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 13 de la
Convention. (§ 266)
- Sur la violation alléguée de l’article 38 (examen contradictoire de l’affaire et procédure de
règlement à l’amiable) de la Convention :
Concernant ce grief, les juges européens rappellent “qu’il est fondamental pour le bon
fonctionnement du système de recours individuel prévu par l’article 34 de la Convention que les
Etats fournissent toute l’aide nécessaire pour permettre un examen effectif des requêtes” 11.
Ils réaffirment également que “la non mise à disposition de la Cour, sans explication valable,
des informations pertinentes dont un Etat dispose expose celui-ci non seulement à des
conséquences quant au bien-fondé des allégations de la partie requérante, mais aussi au
constat de non-respect de l’article 38 § 1 a) de la Convention. Les mêmes conséquences
s’appliquent à un Etat qui fournit des informations en retard” 12. (§ 269)
En l’espèce, elle précise que le caractère incomplet des informations délivrées par le
gouvernement italien ne l’a pas empêchée d’examiner l’affaire et conclut, à l’unanimité, que
l’Etat défendeur n’a pas manqué aux obligations découlant de l’article 38 de la Convention. (§
270-271)
N Les opinions dissidentes des juges Bratza et Sikuta sont annexées à l’arrêt.
jjj
9 CEDH, Makaratzis, [GC], précité, § 53.
10 CEDH, Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, §§ 93-94, Recueil 1996,VI.
11 CEDH, Tanrikulu c Turquie, [GC], 8 juillet 1999, req. 2373/94, § 70.
12 CEDH, Bazorkina c. Russie, 27 juillet 2006, req. n/ 69481/01, § 171.
-27-
Perdigão c. Portugal
4 août 2009
- req. n/ 24768/06 - Violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (Protection de la propriété) -
T Faits :
Les requérants étaient propriétaires d’un terrain ; une procédure d’expropriation fut engagée
en vue de la construction d’une autoroute.
Ils demandèrent une indemnité d’expropriation de plus de 20 millions d’euros, somme destinée
à couvrir les bénéfices qu’ils auraient, selon eux, pu tirer de l’exploitation d’une carrière existant
sur le terrain.
En juillet 2003, la cour d’appel d’Evora rejeta leurs prétentions. Elle considéra que ces
bénéfices éventuels ne devaient pas être pris en compte et fixa l’indemnité à un peu plus de
197 000 euros. Cependant, les frais de justice réclamés aux requérants lors de cette procédure
excédaient cette somme, de sorte que, en plus de l’indemnité d’expropriation qui revint
finalement à l’Etat, ils durent s’acquitter de 15 000 euros supplémentaires.
T Griefs :
Invoquant l’article 1er du Protocole n/ 1 additionnel à la Convention et l’article 5 de la Convention
(Droit à la liberté et à la sûreté), les requérants expliquaient que l’indemnité d’expropriation qui
leur avait été accordée avait été totalement absorbée par la somme qu’ils avaient dû verser à
l’Etat portugais au titre des frais de justice.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 :
Dans un premier temps, la Cour note que l’absence d’indemnisation dont se plaignent les
requérants trouve son origine dans l’application de la réglementation relative aux frais de
justice. Sur ce point, elle réaffirme que les frais de justice sont des « contributions » au sens
du deuxième alinéa de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 qui “reconnaît aux Etats le droit
de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour assurer le paiement de ces
contributions.” 13 (§ 34).
Rappelant que pour être compatible avec la première phrase de l’article 1er du Protocole
additionnel n/ 1, “une ingérence dans le droit au respect des biens d’une personne doit ménager
un « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs
de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu”,14 la juridiction européenne s’interroge
sur le point de savoir si cet équilibre a été effectivement respecté. Elle observe qu’en l’espèce,
les requérants ont reçu une indemnité d’expropriation, d’un montant de 197 236,25 euros, mais
qu’après détermination de la somme qu’ils devaient acquitter au titre des frais de justice, ils ont
dû verser à l’Etat 15 000 euros supplémentaires. Or, pour la Cour, “de telles conditions de
dédommagement – ou plus exactement une telle absence de dédommagement – ne sauraient
en principe respecter le « juste équilibre » voulu par l’article 1 du Protocole n/ 1, disposition qui
(...) doit être interprétée de manière à garantir des droits concrets et effectifs et non pas
13 Décision de la Commission, Aires c. Portugal, 25 mai 1995, req. n/ 21775/93, Décisions et rapports 81, p. 48.
14 CEDH, Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, req. n/ 7151/75 , § 69.
-28-
théoriques ou illusoires” 15 (§ 40).
Concernant l’argument du Gouvernement selon lequel, les frais de justice étant indexés par
rapport à la valeur économique du litige, les requérants ont eu un comportement fautif en
attribuant “une valeur économique au litige non conforme à la réalité”, la Cour indique que l’on
ne saurait leur faire grief d’avoir tenté de convaincre le tribunal d’inclure dans l’indemnité
d’expropriation des éléments qui étaient de leur point de vue essentiels. (§ 41)
Elle affirme ensuite qu’il ne lui appartient pas d’examiner le système portugais relatif à la
détermination et à la fixation des frais de justice. Cependant, elle souligne qu’en l’espèce,
“l’application concrète de ce système a conduit à une absence totale de dédommagement des
requérants pour la privation de propriété dont ils ont pourtant fait l’objet. Dans ces
circonstances, une telle situation a fait peser sur les requérants une charge excessive qui a
rompu le juste équilibre devant régner entre l’intérêt général de la communauté et les droits
fondamentaux de l’individu” (§ 42). La Cour conclut, par cinq voix contre deux, à la violation de
l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention.
- Sur la violation alléguée de l’article 5 de la Convention :
Les juges européens rappellent que “cette disposition ne vise que la liberté physique de la
personne et qu’elle a pour but d’assurer que nul ne soit dépouillé d’une manière arbitraire”16.
En conséquence, cette disposition n’est pas applicable à la situation litigieuse et cette partie de
la requête doit être rejetée. (§ 45)
N Les juges Zagrebelsky et Sajó ont exprimé une opinion dissidente dont le texte se trouve joint
à l’arrêt.
jjj
Danilenkov et autres c. Russie 17
30 juillet 2009
- req. n/ 67336/01 - violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 11 (liberté de réunion
et d’association) de la Convention.
T Faits :
Les requérants, appartiennent à l’ « UDR », syndicat protégeant la cause des dockers de
Russie. Ils entamèrent une grève de deux semaines afin de réclamer une hausse des salaires,
une amélioration des conditions de travail et du régime d’assurance-maladie et d’assurancevie. La grève prit fin sans que ces objectifs aient été atteints. A la suite de ce mouvement de
grève, les requérants furent affectés à des équipes de travail spéciales, transférés sur des
postes à temps partiels et enfin la société déclara qu’ils étaient en surnombre et les licencia
pour cause de réorganisation structurelle.
15 CEDH, Comingersoll S.A. c. Portugal, 6 avril 2000, req. n/ 35382/97, § 35.
16 CEDH, Amuur c. France, 25 juin 1996, req. n/ 19776/92, § 42.
17 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais
-29-
Les membres du syndicat saisirent les tribunaux nationaux. Ils se plaignaient de faire l’objet
d’un traitement discriminatoire et illégal en raison de leur affiliation syndicale.
Les juridictions civiles firent partiellement droit à leur demande. Elles condamnèrent la société
à verser aux requérants le manque à gagner subi par eux mais rejetèrent les accusations de
discrimination ; elles exposèrent que l’existence d’une discrimination ne pouvait être établie que
dans le cadre de poursuites pénales et qu’elles n’étaient donc pas compétentes pour connaître
du grief de discrimination.
Les requérants ne purent intenter une procédure pénale. En effet, la société portuaire, en sa
qualité d’une entité ne pouvait pas voir engager sa responsabilité et le parquet général refusa
d’ouvrir une instruction pénale contre le directeur général de la société, au motif que l’enquête
préliminaire n’avait pas démontré que celui-ci avait eu l’intention délibérée de prendre des
mesures discriminatoires à l’encontre des requérants.
Parallèlement aux actions en justice, les membres du syndicat saisirent la Fédération
internationale des ouvriers du transport et de la Douma régionale de Kalingrad. Ces deux
instances reconnurent l’existence d’une discrimination fondée sur l’appartenance à un syndicat
et demandèrent que les droits des requérants furent respectés.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, les requérants invoquaient une violation de l’article 14 (interdiction
de la discrimination) combiné avec l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la
Convention. Ils soutenaient que l’Etat avait toléré la politique discriminatoire de leur employeur
et contestaient la décision de rejet de leur plainte pour discrimination. Enfin, ils invoquaient une
violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention.
T Décision :
- Sur la violation de l’article 14 combiné avec l’article 11 de la Convention
L’étendue des obligations étatiques inscrites sous l’article 14 combiné avec l’article 11 de la
Convention :
La Cour rappelle que la liberté syndicale est un aspect particulier de la liberté d’association
protégée par l’article 11 de la Convention et que l’Etat a l’obligation d’assurer une protection
contre la discrimination dans ce domaine.
Elle relève que tout salarié ou ouvrier doit être libre de s’affilier, ou de ne pas s’affilier à un
syndicat sans encourir une sanction ou subir des désagréments. Elle estime fondamental que
chaque personne victime d’un traitement discriminatoire ait la possibilité de contester et le droit
de saisir un tribunal afin d’obtenir une réparation.
Au regard, des articles 11 et 14 de la Convention, les Etats ont donc l’obligation de mettre en
place une voie de droit de nature à apporter une solution réelle et effective à la protection contre
la discrimination syndicale.
Les juges européens examinent si l’Etat russe a pris les mesures légales nécessaires pour
protéger les requérants qui prétendaient avoir été victimes d’un traitement discriminatoire dans
l’exercice de leur liberté syndicale notamment dans leur choix de s’affilier à ce syndicat.
La suffisance des mesures de protection contre la discrimination sur le terrain de l’affiliation
syndicale :
La Cour note que la société portuaire en cause a utilisé diverses techniques pour inciter les
requérants à renoncer à leur affiliation syndicale, notamment en les affectant à des équipes de
travail spéciales, en ayant recours à des licenciements que les tribunaux ont par la suite jugés
illégaux, en réduisant leur salaires, en prononçant des sanctions disciplinaires etc...
-30-
En outre, malgré l’interdiction absolue de la discrimination pour affiliation ou non-affiliation
syndicale consacrée à l’époque par le droit civil russe, les autorités judiciaires ont refusé
d’examiner les plaintes pour discrimination déposées par les requérants, prétextant que la
discrimination ne pouvait être établie que dans le cadre d’une procédure pénale.
Les juges de Strasbourg observent que la voie de recours pénale a pour principal défaut d’être
fondée sur le principe de responsabilité subjective et qu’elle exige que soit prouvée, « au-delà
de tout doute raisonnable », l’intention délibérée des principaux dirigeants de la société d’opérer
une discrimination envers les membres du syndicat. Or, cette intention n’ayant pas été établie
devant les tribunaux, les autorités judiciaires avaient décidé de ne pas engager de poursuites
pénales. Ainsi, la Cour ne s’estime pas convaincue que les poursuites pénales auraient pu
redresser de manière adéquate et réaliste la discrimination anti-syndicale alléguée.
Elle conclut à l’unanimité que l’Etat russe n’a pas assuré une protection judiciaire claire et
effective contre la discrimination fondée sur l’affiliation syndicale et qu’il y a violation de l’article
14 combiné avec l’article 11 de la Convention .
- Sur la violation de l’article 13 de la Convention
Les requérants se plaignent de n’avoir pas bénéficié d’un recours effectif concernant leur plainte
pour discrimination.
La Cour estime que cette allégation est directement liée avec celle examinée sous l’angle des
articles 11 et 14 de la Convention et qu’il n’est donc pas nécessaire d’examiner l’affaire sous
l’angle de l’article 13 de la Convention.
jjj
Dattel c. Luxembourg (n/ 2)
30 juillet 2009
- req. n/ 18522/06 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) et non violation de l’article1er
du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété) -
T Faits :
Les requérants, M. Dany Dattel, son épouse et leurs enfants, sont quatre ressortissants
allemands.
La mère de Dany Dattel, R.F., avait pris position sur le marché à terme en devises auprès de
la banque H.B. Luxembourg (« HBL »), filiale de la HBK située à Cologne. Cette banque étant
en liquidation, R.F, puis les autres requérants en leur qualité d’héritiers, tentèrent en vain, au
cours d’une première procédure, d’obtenir le paiement de la créance contre HBL.
La banque souleva devant le juge civil la nullité de la créance soutenant que celle-ci provenait
de fonds obtenus illégalement et de manière frauduleuse. Une expertise indiqua que le compte
de R.F avait été approvisionné par un second compte, alimenté par des manipulations
frauduleuses effectuées par Dany Dattel, chef du département des devises pour la HBK. Sur
cette base, les juges de première instance déclarèrent la créance dénuée de fondement.
Les requérants interjetèrent appel mais furent déboutés. Ils formèrent un pourvoi en cassation
qui fut rejeté le 14 juin 2001.
En 2005, la Cour européenne, saisie par les requérants qui invoquaient l’article 6 (droit à un
procès équitable) de la Convention concernant la durée de la procédure, conclut à la violation
-31-
de l’‘article 6 de la Convention sous cet angle. 18
En juillet 2001, les requérants engagèrent une seconde procédure civile afin d’obtenir le
remboursement de leur créance. Le 30 octobre 2002 le tribunal d’arrondissement déclara leur
recours irrecevable, en raison de l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions judiciaires
rendues dans la première procédure.
La cour d’appel rejeta l’appel des requérants et confirma le jugement de première instance
d’octobre 2002.
Le 10 novembre 2005, la Cour de cassation rejeta leur pourvoi pour manque de précision dans
l’expression de leurs moyens de cassation. Elle estima que le moyen était « constitué d’un
amalgame de cas d’ouverture de cassation partiellement reproduits dans les différentes
branches et sans lien logique entre eux, qui ne permettait pas d’en saisir le sens et la portée ».
T Griefs :
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la
Convention, les requérants soutenaient que le rejet de leur pourvoi en cassation avait porté
atteinte à leur droit d’accès à un tribunal et que les décisions à leur encontre avaient violé leur
droit au respect de leurs biens.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention au regard du droit d’accès à un
tribunal :
Sur la recevabilité :
Le Gouvernement soutient qu’à supposer que la Cour de cassation n’ait pas déclaré le pourvoi
irrecevable, la cour suprême se serait trouvée confrontée au principe de l’autorité de la chose
jugée.
Selon la Cour européenne, l’on “ne saurait spéculer sur les conclusions auxquelles la Cour de
cassation aurait abouti si elle n’avait pas rejeté l’unique moyen de cassation au motif qu’il
n’avait pas été formulé avec la précision requise”. Après avoir constaté que le grief ne se heurte
à aucun autre motif d’ irrecevabilité, elle rejette l’exception soulevée par le Gouvernement.
Sur le fond :
Selon le Gouvernement, « même à supposer que le pourvoi ait été déclaré recevable d’un point
de vue formel, il aurait été écarté, alors que le moyen dépassait le strict cadre du contrôle en
droit de la Cour de cassation, d’une part, et en raison de l’autorité de la chose jugée dont est
revêtue la première affaire, d’autre part » (§ 35).
Les juges de Strasbourg cherchent à déterminer “si le motif du rejet du pourvoi en cassation par
la Cour de cassation a privé les requérants de leur droit de voir examiné le moyen présenté
dans leur pourvoi”. Ils doivent donc apprécier “la proportionnalité de la limitation imposée par
rapport aux exigences de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice” (§ 36).
Conformément à sa jurisprudence,19 la Cour européenne estime que, de façon générale,
l’exigence de précision dans la formulation des moyens de cassation poursuit un but légitime
à savoir celui de permettre à la Cour de cassation d’exercer son contrôle en droit. Cependant,
18 CEDH, Dattel et autres c. Luxembourg, 4 août 2005, req. n/ 13130/02.
19 CEDH, Kemp et autres c. Luxembourg, 24 avril 2008, req. n/ 17140/05, § 53.
-32-
après avoir examiné le mémoire déposé devant la cour suprême, elle estime que “la précision
exigée par la Cour de cassation dans la formulation du moyen de cassation n’était pas
indispensable pour que la haute juridiction puisse exercer son contrôle. Pareille exigence
affaiblit à un degré considérable la protection des droits des justiciables devant la haute
juridiction nationale, surtout si l’on tient compte du fait que le Luxembourg ne connaît pas le
système des avocats aux Conseils spécialisés” (§ 43). Le rejet du pourvoi des requérants
relevait donc d’une “approche trop formaliste qui a empêché les requérants de voir la Cour de
cassation examiner le bien fondé de leur moyen” (§ 44).
Les juges européens en déduisent que la limitation imposée au droit d’accès des requérants
à un tribunal n’était pas proportionnelle au but de garantir la sécurité juridique et la bonne
administration de la justice. Ils concluent, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la
Convention sous l’angle du droit d’accès à un tribunal.
- Sur la violation alléguée de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention :
La Cour recherche dans un premier temps si les requérants étaient titulaires d’un « bien »
susceptible d’être protégé par cet article. En l’espèce, l’objet des procédures engagées portait
sur la déclaration d’une créance, il est donc nécessaire de déterminer si cette créance
constituait une « valeur patrimoniale ».
Les juges de Strasbourg, après avoir rappelé que la créance litigieuse faisait l’objet d’une
procédure en raison de son caractère illicite, examinent la motivation des juridictions ayant
statué lors des deux procédures. Ils ne voient “aucune apparence d’arbitraire dans la manière
dont les juges du fond ont ainsi statué sur les prétentions des requérants [et estiment] que la
créance alléguée par les requérants ne pouvait être réputée suffisamment établie pour
s’analyser en une « valeur patrimoniale » appelant la protection de l’article 1 du Protocole n/ 1”.
(§ 58). Dès lors, la Cour qui “considère que les requérants ne peuvent se prévaloir d’un « bien »
au sens de la première phrase de l’article 1 du Protocole n/ 1” (§ 59), rejette à l’unanimité ce
grief.
- Sur les autres violations alléguées :
Les requérants soutiennent que la procédure n’a pas été équitable au sens de l’article 6 de la
Convention.
La Cour constate “qu’en première instance et en appel, les décisions litigieuses ont été
motivées par des considérations tant de fait que de droit et sont intervenues à l’issue d’une
procédure contradictoire au cours de laquelle les requérants ont pu faire valoir tous les
arguments qu’ils ont estimé nécessaires.” (§ 61). A l’unanimité, elle rejette cette partie de la
requête manifestement mal fondée.
Sur le fondement de l’article 6 de la Convention, les requérants se plaignent également de la
longueur de la deuxième procédure.
La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant
les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en
particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités
compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés.20 En l’espèce, elle “n’aperçoit
aucune période d’inactivité particulière imputable aux autorités nationales, [et] estime, à la
lumière de sa jurisprudence, que la durée globale de la procédure ne se révèle pas
suffisamment importante pour que l’on puisse conclure à une violation de l’article 6 § 1 de la
Convention” (§ 62).
N L’opinion concordante du juge Vjic est annexée à l’arrêt.
20 CEDH, 27 juin 2000, Frydlende c. France (GC), req. n/ 30979/96, §43, CEDH 2000-VII.
-33-
Lee Davies c. Belgique
28 juillet 2009
- req. n/ 18704/05 - Non- violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention -
T Faits :
Le requérant, Lee Martin Davies, ressortissant britannique, se trouvait en Belgique en 1998,
lorsque des policiers pénétrèrent (sans mandat de perquisition) sur un terrain privé où ils le
découvrirent en compagnie d’une autre personne, locataire des lieux. Dans une voiture
stationnée sur ce terrain, ils trouvèrent des caisses contenant du cannabis. Sur la base des
éléments ainsi recueillis, le requérant fut poursuivi en qualité de co-auteur pour trafic de
stupéfiants avec association de malfaiteurs.
Il fut acquitté en première instance par le tribunal correctionnel au motif que les preuves avaient
été obtenues de manière illicite.
Le ministère public fit appel de cette décision, faisant valoir que les policiers avaient agi
conformément à la loi belge selon laquelle les fonctionnaires de police peuvent toujours
pénétrer dans les « lieux accessibles au public » ainsi que dans les « biens immeubles
abandonnés » afin de veiller au maintien de l’ordre public et au respect des lois et des
règlements de police. Il se prévalait également d’une disposition légale conférant aux policiers
des compétences en cas de flagrant délit.
La cour d’appel de Gand condamna le requérant en juin 2004, estimant que seule la
perquisition d’une partie des lieux était régulière mais que, pris dans son ensemble, le procès
n’en était pas moins équitable.
Le pourvoi en cassation formé par le requérant fut rejeté le 16 novembre 2004.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 6 § 1 (droit à un
procès équitable) de la Convention. En effet, il estimait ne pas avoir bénéficié d’un procès
équitable, les éléments de preuve ayant servi de base aux poursuites contre lui ayant été
recueillies de manière irrégulière.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention :
Se pose en l’espèce la question de savoir si la jurisprudence récente de la Cour de cassation
de Belgique est compatible avec la Convention.
Les juges de Strasbourg rappellent que si l’article 6 de la Convention garantit le droit à un
procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telles.
La question de l’admissibilité des preuves relève en premier lieu du droit national.21
La Cour doit uniquement examiner si la procédure, y compris la manière dont les éléments de
preuve ont été recueillis, a été équitable dans son ensemble. Elle doit donc rechercher si les
droits de la défense ont été respectés et en particulier si le requérant a pu remettre en question
l’authenticité des éléments de preuve et s’opposer à son utilisation. Elle doit également
s’assurer que les circonstances dans lesquelles ces éléments ont été recueillis ne font pas
douter de leur fiabilité ou de leur exactitude.
21 CEDH, Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, req. n/ 10862/84, § 45, série A 10 ; CEDH Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin
1998, req. n/ 25829/94, § 34, Recueil 1998-IV ; CEDH, Jalloh c. Allemagne (GC), 11 juillet 2006, req. n/ 54810/01, §§ 94-96,
résumé dans la veille bimestrielle n/ 11 (Juillet-octobre 2006), p. 25.
-34-
En l’espèce, les circonstances dans lesquelles les éléments de preuve litigieux ont été recueillis
ne font aucunement douter de leur fiabilité ou de leur exactitude et la Cour observe que le
requérant a eu la possibilité de contester devant trois degrés de juridiction les éléments
recueillis et les constatations faites et de s’opposer à leur utilisation.
La juridiction strasbourgeoise constate par ailleurs que la jurisprudence belge laisse au juge un
large pouvoir d’appréciation pour atténuer voire effacer les conséquences des irrégularités
affectant l’obtention d’une preuve.
Elle conclut donc, à l’unanimité, à l’absence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
- Sur la violation alléguée des articles 8 et 14 de la Convention :
Le requérant conteste la décision de la cour d’appel en ce qu’elle a considéré que les lieux où
la perquisition fut menée ne constituaient pas un « domicile » au sens de la Convention alors
même qu’il y exerçait son activité professionnelle et commerciale.
Les juges européens estiment que son activité de marchand d’antiquités est étrangère aux lieux
de la perquisition qui ont servi de base pour un trafic de stupéfiants. “Or, cette dernière activité
délictueuse ne peut être considérée comme une activité professionnelle et/ou commerciale
protégée par la notion de domicile au sens de l’article 8” de la Convention (§ 56). En
conséquence, la Cour, à l’unanimité, rejette ce grief.
jjj
Seyithan Demir c. Turquie 22
28 juillet 2009
- req. n/ 25381/02 - Violation de l’article 6 de la Convention -
T Faits :
Alors qu’il effectuait son service militaire, le requérant fut accusé de propagande séparatiste par
de certains de ses collègues. En décembre 2000, le procureur général près la Cour de sûreté
d’Izmir porta plainte contre celui-ci pour diffusion de ces idées.
En février 2001, il fut cité à comparaître devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Erzurum où il nia
les faits qui lui étaient reprochés par les témoins à l’origine des accusations portées contre lui.
Le compte-rendu de cette audience indiquait qu’il avait demandé à être exempté de l’obligation
de comparaître et qu’il n’était pas représenté par un avocat. Puis, à plusieurs reprises et en
l’absence du requérant, le tribunal de première instance tint des audiences au cours desquelles
ses déclarations et celles des témoins furent lues. Sur la base de ces témoignages, il fut
reconnu coupable par le tribunal qui le condamna à un an d’emprisonnement et à une lourde
amende. Le requérant interjeta appel de cette décision puis forma un pourvoi en cassation. La
Cour de cassation confirma le jugement du tribunal de première instance, en soulignant
notamment que, eu égard aux preuves et à la déclaration de culpabilité, la demande de la
condamnation avait été conforme à la procédure et au droit. Par un autre arrêt, daté du 25 juillet
2003, la Cour de sûreté de l’Etat d’Izmir annula la condamnation du requérant et ordonna sa
libération immédiate, au motif que la disposition ayant servi de base à la condamnation, à savoir
l’article 8 de la loi n/ 3713, avait été abrogée.
22 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-35-
T Griefs :
Invoquant l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, le requérant estimait ne pas
avoir eu un procès équitable ; il soutenait notamment que les droits de la défense n’avaient pas
été respectés. Sur le fondement de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention,
il exposait que l’article 8 de la loi anti-terroriste avait porté atteinte à sa liberté d’expression.
T Décision :
- Concernant la violation alléguée de l’article 6 de la Convention :
Sur la recevabilité :
Concernant le caractère équitable ou non d’un procès, la Cour rappelle qu’une attention
particulière doit être apportée à l’ensemble de la procédure.23
En l’espèce, elle note que le requérant a déposé sa requête dans un délai de six mois suivant
l’arrêt de la Cour de Cassation. Ce faisant, il a respecté les conditions énoncées par la
Convention et les juges de Strasbourg ne voient donc aucune raison de faire droit à la demande
de rejet présentée par le gouvernement.
Sur le fond :
La Cour rappelle que, bien que cela ne soit pas expressément mentionné, il résulte de l’article
6 § 1 de la Convention qu’un individu accusé d’une infraction pénale doit pouvoir assister à
l’audience. De plus, elle souligne que les sous-paragraphes (c), (d) et (e) du paragraphe 3
garantissent à toute personne accusée d’une infraction pénale le droit de se défendre en
personne, d’interroger ou de faire interroger les témoins et de se faire assister gratuitement par
un interprète s’il ne maîtrise par la langue utilisée lors de l’audience, ce qui lui semble difficile
si cette personne est absente.24
Les juges européens rappellent également que ni la lettre, ni l’esprit de l’article 6 de la
Convention n’empêche une personne de renoncer de son plein gré, que ce soit expressément
ou tacitement, aux garanties d’un procès équitable.25 Cependant, une telle renonciation doit être
établie de manière non équivoque et doit être accompagnée de garanties minimales.26 Pour
qu’un accusé puisse être considéré comme ayant implicitement renoncé à un droit important
en vertu de l’article 6 de la Convention, il doit être démontré qu’il pouvait raisonnablement
prévoir les conséquences de sa conduite.27
En l’espèce, la Cour constate que le requérant a fait son service militaire obligatoire à Erzurum
et que l’ensemble de la procédure pénale devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Izmir s’est
déroulée en son absence. Elle observe en outre que, dès le départ, il n’a pas été invité à
assister aux audiences devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Izmir qui l’a jugé et condamné.
Elle relève que, selon le compte-rendu de l’audience tenue devant la Cour de sûreté de l’Etat
d’Erzurum, le requérant a demandé à être exempté de l’obligation de comparaître au tribunal
23 CEDH, Murray c. Royaume-Uni, 8 février 1996, req. n/ 18731/91, § 63.
24 CEDH, Sejdovic c. Italie [GC], 1er mars 2006, req. n/ 56581/00, § 81.
25 CEDH, Kwiatkowska c. Italie (dec.), 30 novembre 2000, req. n/ 52868/99.
26 CEDH, Poitrimol c. France, 23 novembre 1993, req. n/ 14032/88, § 31.
27 CEDH, Jones c. Royaume-Uni (dec.), 9 septembre 2003, req. n/ 30900/02.
-36-
de première instance et qu’il n’a pas soulevé d’objection lorsque le tribunal a rendu sa décision.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ait implicitement renoncé à son droit de se défendre ou
de se présenter devant la Cour de sûreté d’Izmir.
Enfin, le requérant n’ayant pas été assisté par un avocat lors de l’audience et le tribunal ne lui
ayant pas lu ses droits ni fourni d’informations, la Cour européenne considère qu’en tant que
profane, il ne pouvait être en mesure d’apprécier les conséquences de son absence à
l’audience.
Dans de telles conditions il est impossible que le requérant ait renoncé sans équivoque et de
manière intentionnelle à ses droits résultant de l’article 6 de la Convention. (§ 42)
Par ailleurs, les juges de Strasbourg indiquent que, compte tenu de la place occupée par le droit
à un procès équitable dans une société démocratique, l’article 6 de la Convention impose à
chaque tribunal national de vérifier si le défendeur a eu l’occasion de participer à la procédure
engagée contre lui et ce, d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, cela est contesté.
Soulignant qu’il n’est pas clairement établi que la Cour de sûreté a seulement examiné les
motifs d’appels présentés par le requérant, la Cour ne trouve aucun élément permettant de
s’assurer que le ce dernier avait renoncé de manière non équivoque à son droit à comparution
lors de son procès ni du fait qu’il ait pu se confronter aux témoins le mettant en cause. Or, dans
l’hypothèse où une condamnation est basée, uniquement ou à un degré décisif, sur les
dépositions d’une personne que l’accusé n’a pas pu interroger ou faire interroger, que ce soit
durant l’enquête ou durant le procès, la Cour considère que les droits de la défense ont été
limités dans une mesure incompatible avec les garanties prévues par l’article 6 de la
Convention.28
Dans de telles circonstances, la Cour ne s’estime pas convaincue que la procédure d’appel ait
pu remédier au fait que la procédure en première instance avait eu lieu en l’absence du
requérant, alors qu’il n’avait pas été établi qu’il avait renoncé à son droit de comparaître et de
se défendre lui-même ou qu’il ait eu l’intention d’échapper à la justice.
Au vu de ces éléments, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 combiné
avec l’article 6 § 3 de la Convention.
- Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :
Après avoir déclaré le grief tiré de la violation de l’article 10 de la Convention recevable, la Cour
considère que, eu égard aux circonstances de l’affaire et à la constatation d’une violation de
l’article 6 § 1 et 3 (c) de la Convention, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur ce grief.
jjj
Joubert c. France
23 juillet 2009
- req. n/ 30345/05 - Violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 (protection de la propriété) -
T Faits :
En 1990, les requérants ont cédé l’ensemble de leurs parts dans la société M. à la société B.
Dans le cadre d’une vérification portant sur la société B., la direction des vérifications nationales
et internationales (ci-après « DVNI ») de la direction générale des impôts leur signifia un
28 CEDH, Sadak et autres c. Turquie, 5 décembre 2006, req. n/ 29900/96, 29901/96, 29902/96 and 29903/96, § 65.
-37-
redressement au titre de la plus-value réalisée lors de cette cession, l’estimant supérieure de
4 millions de francs à la somme déclarée. Des pénalités de mauvaise foi, d’un taux de 40 %,
leur furent imputées.
En janvier 1995, ils réclamèrent en vain à l’administration fiscale la décharge des cotisations
supplémentaires à l’impôt ainsi que des pénalités. En septembre 1995 ils saisirent le tribunal
administratif et firent valoir que la DVNI n’était pas habilitée à procéder au contrôle.
Le 31 décembre 1996, fut publiée au Journal Officiel la loi de finances pour l’année 1997 dont
l’article 122 disposait que les contrôles de l’administration fiscale contestés pour une prétendue
incompétence du service de contrôle, étaient réputés réguliers. L’administration fiscale
demanda l’application de cette disposition au cas des requérants.
Le 8 juin 1999, le tribunal administratif accueillit la demande des requérants. La cour
administrative d’appel infirma le jugement du tribunal administratif tout en prononçant la
décharge intégrale des pénalités, selon elle injustifiées. Le Conseil d’État rejeta le pourvoi en
cassation formé en février 2005 par les requérants.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, les requérants invoquaient une violation des articles 6 (droit à un
procès équitable), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de discrimination) de la
Convention ainsi que de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de
la propriété). Ils se plaignaient de l’intervention, en cours d’instance, d’une disposition législative
à caractère rétroactif ayant mis fin au litige fiscal en faveur de l’administration.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention pris isolément et combiné aux articles
13 et 14 de la Convention :
Les juges de Strasbourg rappellent que la Convention n’est en principe pas applicable aux
procédures fiscales 29 sauf “si la Cour distingue dans le litige en cause une « coloration
pénale », notamment lorsque des pénalités fiscales ont été appliquées” 30 (§ 30). En l’espèce,
la cour administrative d’appel de Bordeaux ayant prononcé la décharge intégrale des pénalités
fiscales, le litige opposant les requérants à l’administration fiscale a perdu sa « coloration
pénale ». L’article 6 de la Convention ne peut donc trouver à s’appliquer. En conséquence, les
articles 13 et 14 de la Convention, combinés à l’article 6 de la Convention, selon les griefs
soulevés par le requérants, ne peuvent pas non plus trouver à s’appliquer.
- Sur la violation alléguée de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 :
Sur l’existence d’un « bien » au sens de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 :
Les requérants estiment que le caractère rétroactif de la loi de finances pour l’année 1997 les
a privés de leurs « biens » dans la mesure où cette disposition a mis fin de manière définitive
au litige les opposant à l’administration.
La Cour rappelle qu’un “requérant ne peut alléguer une violation de l’article 1 du Protocole n/ 1
que dans la mesure où les décisions qu’il incrimine se rapportent à ses « biens »” (§ 50). En
29 CEDH, Ferrrazzini c. Italie (CG),12 juillet 2001, req. n/ 44759/98, § 23, CEDH 2001-VII.
30 CEDH, Bendenoun c. France, 24 février 1992, req. n/ 12547/86, §47, série A n/ 284.
-38-
l’espèce, la Haute juridiction constate que “les requérants bénéficiaient avant l’intervention de
la loi de finances pour 1997, d’un intérêt patrimonial qui constituait au moins une « espérance
légitime » de pouvoir obtenir le remboursement de la somme litigieuse et qui avait le caractère
d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole n/ 1” 31 (§ 53). L’article 1er du Protocole n/ 1 est
donc applicable en l’espèce.
Sur l’existence d’une ingérence :
Selon la Cour de Strasbourg, “la loi litigieuse, en réglant définitivement le litige, a entraîné une
ingérence dans l’exercice des droits que les requérants pouvaient faire valoir en vertu de la loi
et de la jurisprudence en vigueur et partant de leur droit au respect de leurs biens” (§ 54). En
l’espèce, cette ingérence constitue une privation de propriété.32
Sur la justification de l’ingérence :
La Cour reconnaît que l’ingérence litigieuse était « prévue par la loi ». Elle précise que les
autorités nationales sont en principe les mieux placées pour déterminer ce qui est d’utilité
publique et qu’elle respecte la manière dont le législateur national conçoit les impératifs de
« l’utilité publique » sauf si son jugement apparaît dépourvu de base raisonnable.33
La juridiction européenne rappelle que l’intervention rétroactive d’une loi de validation ne peut
être justifiée par le simple intérêt financier de l’Etat.34 Le gouvernement soutient que cette
disposition visait à éviter un contentieux prévisible et abondant mais la Cour n’est pas
convaincue par cet argument. Elle estime en effet que cette disposition ne visait en réalité qu’à
préserver le seul intérêt financier de l’Etat en diminuant le nombre de procédures fiscales
annulées par les juridictions administratives. L’augmentation du nombre de recours potentiels
de la part des contribuables était, selon elle, hypothétique au moment de son adoption.
Ainsi, “l’intervention de l’article 122 de la loi de finances pour 1997, qui réglait de manière
rétroactive et définitive le litige opposant les requérants à l’administration fiscale, n’était pas
justifiée par l’intérêt général” (§ 64). L’ingérence dans le droit au respect des biens des
requérants ne servait donc pas une « cause d’utilité publique ». En l’espèce, le juste équilibre
entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde
des droits fondamentaux de l’individu n’a pas été respecté. Les requérants ont été privés d’un
bien dont ils pouvaient espérer obtenir le remboursement dans la mesure où ils ne pouvaient
plus soulever, devant les juridictions administratives, l’incompétence des agents de la DVNI.
La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la
Convention européenne des droits de l’homme.
jjj
31 CEDH, Lecarpentier et autre, 14 février 2006, req. n/ 67847/01, § 38, résumé dans la veille bimestrielle n/ 8 (janvier-février
2006), p. 5 ; et CEDH, SA Dangeville c. France, 16 avril 2002, req. n/ 36677/97, § 48, CEDH 2002-III.
32 CEDH, Maurice et Draon c. France (CG), 6 octobre 2005, req. n/ 11810/03 et 1513/03, CEDH 2005-IX, § 80 et 7 et CEDH,
Lecarpentier et autre, 14 février 2006, req. n/ 67847/01, § 40.
33 CEDH, Pressos Compania Naviera SA et autres c. Belgique, 20 novembre 1995, req. n/ 17849/91, § 37, série A, n/ 332 et
CEDH, Broniowski c. Pologne (CG), 28 septembre 2005, req. n/ 31443/96, §149, CEDH 2004-V.
34 CEDH, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France (CG), 28 octobre 1999, req. n/ 24846/94 et 34165/96 à 34173/96,
§ 59, CEDH 2004-V.
-39-
Hachette Filipacchi Associés (« Ici Paris ») c. France
23 juillet 2009
- req. n/ 12268/03 - Violation de l’article 10 de la Convention (droit à la liberté d’expression) -
T Faits :
Le 13 novembre 1996, la requérante, la société de presse Hachette Filipacchi Associés, publia
dans son magazine hebdomadaire « Ici Paris » en pages 14 et 15, un article intitulé « Et s’il
faisait un « bide » à Las Vegas ? Johnny l’angoisse ! », illustré de quatre photographies du
chanteur populaire Johnny Hallyday, l’une le représentant sur scène et les autres, à caractère
publicitaire, vantant des produits pour lesquels il avait autorisé l’usage de son nom et de son
image. Le chanteur assigna la société requérante, critiquant un usage non autorisé de ses
photographies (atteinte à son droit à l’image), et faisant valoir sur le même fondement de
l’article 9 du code civil, qu’en le présentant comme presque ruiné et en faisant état de ses goûts
dispendieux, l’article en cause violait son droit au respect de sa vie privée et portait atteinte à
sa réputation.
Le tribunal de grande instance de Paris puis la Cour d’appel rejetèrent sa requête au motif que
le magazine avait fait mention d’éléments connus du patrimoine et du mode de vie du chanteur,
dont lui-même avait fait état à de nombreuses reprises et que le ton de l’article ne révélait pas
d’intention de nuire.
Par un arrêt du 30 mai 2000, la Cour de cassation cassa et annula en toutes ses dispositions
l’arrêt du 6 mars 1998. La haute juridiction, au visa de l’article 9 alinéa premier du code civil,
estima que cette disposition avait été violée aux motifs que « la publication des photographies
ne respectait pas la finalité visée dans l’autorisation donnée par l’intéressé », et que « les
informations publiées portaient non seulement sur la situation de fortune mais aussi sur le mode
de vie et la personnalité de M. Smet, sans que leur révélation antérieure par l’intéressé soit de
nature à en justifier la publication ».
La Cour d’appel de renvoi, par un arrêt du 9 octobre 2002, jugea la société requérante coupable
d’une atteinte portée à l’image et au droit au respect de la vie privée du chanteur et la
condamna au paiement de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu’à 3 000 euros
au titre des frais irrépétibles. La Cour de Cassation rejeta définitivement le pourvoi en cassation
de la société requérante.
T Grief :
La société requérante soutenait que sa condamnation avait porté atteinte à son droit à la liberté
d’expression au sens de l’article 10 de la Convention.
T Décision :
- Sur l’article 10 de la Convention :
Dans un premier temps, la Cour européenne écarte l’argument du gouvernement selon lequel
le litige se situerait sur un plan strictement privé et échapperait à tout contrôle direct ou indirect
de l’Etat. La condamnation litigieuse constitue, aux yeux des juges de Strasbourg, une
ingérence de l’autorité publique dans le droit à la liberté d’expression de la société requérante.
-40-
Dans un second temps, la Cour vérifie si cette « ingérence de l’autorité publique » remplit les
exigences du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention : être « prévue par la loi »,
poursuivre un « but légitime », être « proportionnée à ce but légitime ».
Elle rappelle avoir déjà jugé que le concept du « droit à l’image », issu de celui du « droit à la
vie privée » résultait d’une interprétation jurisprudentielle française bien établie de l’article 9 du
code civil. L’ingérence critiquée était donc bien « prévue par la loi », au sens de l’article 10 §
2 de la Convention.
Ensuite, concernant le but poursuivi, la Cour considère que l’ingérence avait pour but la
protection « des droits d’autrui », en l’occurrence le droit au respect de l’image et de la vie
privée du chanteur.
Enfin, elle recherche si l’ingérence est « nécessaire dans une société démocratique ».
S’agissant du caractère plus ou moins strict de son contrôle de proportionnalité, la juridiction
strasbourgeoise reprend sa jurisprudence fondée sur la distinction entre questions relevant ou
non d’un débat d’intérêt général en ces termes : “si l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse
guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine, en particulier,
du discours politique (Brasilier c. France, n/ 71343/01, §§ 39-41, 11 avril 2006 35) et, de façon
plus large, dans des domaines portant sur des questions d’intérêt public ou général, il en est
différemment des publications de la presse dite « à sensation » ou « de la presse du cœur»,
laquelle a habituellement pour objet de satisfaire la curiosité d’un certain public sur les détails
de la vie strictement privée d’une personne” (§ 40).
Selon elle, et contrairement aux dires de la société requérante, “l’article litigieux et les photos
l’accompagnant, (...) ne peuvent être considérés comme ayant participé ou contribué à un
« débat d’intérêt général » pour la collectivité, au sens donné par la jurisprudence de la Cour.
Dans ces conditions, la marge d’appréciation de l’Etat défendeur est plus large.” (§ 43).
Sur le droit à l’image :
La Cour rappelle que la protection du droit à l’image contre les abus de la part de tiers fait partie
intégrante des droits protégés par l’article 8 de la Convention. A cet égard elle conçoit que “le
détournement ou l’utilisation abusive d’une photographie, pour laquelle une personne avait
autorisé sa reproduction dans un but précis, puisse être considéré comme un motif pertinent
pour restreindre la liberté d’expression” (§ 46).
Cependant, elle souligne le caractère exclusivement publicitaire des photographies en cause,
ce qui distingue cette affaire de jurisprudences européennes antérieures, comme l’affaire Van
Hannover c. Allemagne,36 dans lesquelles les photographies litigieuses relevaient de procédés
clandestins ou litigieux.
Sur l’atteinte à la vie privée et à la réputation :
Selon la Cour, les informations publiées portant sur le mode de vie du chanteur et sur sa
personnalité “ne relevaient pas du cercle intime de la vie privée protégée” et surtout, avaient
été révélées antérieurement par le chanteur lui-même. Ce dernier ne pouvait donc prétendre
35 CEDH, Brasilier c. France, 11 avril 2006, req. n/ 71343/01, §§ 39-41, résumé dans la veille bimestrielle n/ 9 (mars-avril 2006),
p. 15.
36 CEDH, Van Hannover c. Allemagne, 24 juin 2004, req. n/ 59320/00.
-41-
au même degré de protection de sa vie privée, s’agissant désormais de faits notoires et
d’actualité. Les juges européens soulignent que les juridictions françaises auraient dû prendre
en compte ce critère dans l’appréciation de la faute reprochée à la société requérante, et pas
seulement au stade de l’évaluation de la réparation allouée. “De l’avis de la Cour, c’est pourtant
là un critère déterminant dans l’appréciation de l’équilibre à ménager entre le droit de la
requérante à la liberté d’expression et celui du chanteur au respect de sa vie privée”. (§ 53).
Enfin, selon les juges de Strasbourg, l’article litigieux ne contient aucune information de nature
offensante ou nuisible. Ils estiment donc que la société requérante n’avait pas dépassé les
limites attachées à l’exercice de la liberté journalistique dans une société démocratique.
Dans ces conditions, la Cour n’estime pas indispensable, d’examiner la nature ni le quantum
de la condamnation infligée pour mesurer la proportionnalité de l’ingérence. Elle conclut, à
l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention.
- Sur l’article 41 de la Convention :
Au titre de la satisfaction équitable, les juges européens allouent à la société éditrice la somme
de 26 000 euros, correspondant à la demande de la requérante et au montant fixé par les
juridictions françaises lors de sa condamnation.
jjj
Luka c. Roumanie
21 juillet 2009
- req. n/ 34197/02 - Double violation de l’article 6 § 1 (impartialité du tribunal et droit à un procès équitable) de la
Convention -
T Faits :
Le requérant, Gusztav Luka, est un ressortissant roumain. Gérant et chef du département
informatique de la société commerciale M, il fut licencié en 1999. Il demanda en justice
l’annulation de cette décision et le paiement de dommages intérêts.
Le 10 juillet 2000, le tribunal départemental de Mures accueillit favorablement ses demandes
et ordonna la réintégration du requérant dans son poste. Plusieurs procédures furent introduites
par le requérant aux fins d’obtenir le calcul des dommages et intérêt et l’exécution forcée du
jugement de première instance ; elles se poursuivirent jusqu’en 2003.
A l’occasion de la seconde procédure engagée pour déterminer le montant des dommages et
intérêts, le requérant forma, le 18 octobre 2001, un recours devant la cour d’appel. Son avocat,
invoqua une décision de la Cour constitutionnelle du 20 novembre 2001 selon laquelle les
dispositions de l’article 17 § 1 de la loi n/ 92/1992 sur l’organisation juridictionnelle étaient
inconstitutionnelles. Cet article prévoit que les décisions dans les litiges de travail sont prises,
en première instance, dans une formation comprenant un juge et deux assistants judiciaires,
à la majorité des voix. La partie adverse exerça également un recours devant la cour d’appel.
Parallèlement, le requérant demanda, devant la Cour suprême de justice, la récusation de tous
les juges de la cour d’appel de Târgu-Mures. Il exposa que les magistrats locaux avaient été
impliqués dans un scandale concernant la société M., argument qui avait déjà engendré par le
passé le renvoi des affaires concernant cette société à d’autres tribunaux.
La Cour suprême de justice considéra ce recours comme dénué de fondement et le rejeta. Le
-42-
7 février 2002, la cour d’appel de Târgu-Mures rejeta le recours exercé par le requérant sans
mentionner le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la formation de jugement des tribunaux de
première instance dans les litiges relatifs au droit du travail.
M. Luka fut réintégré à son poste le 12 septembre 2003.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait à une double violation de l’article 6 § 1 de
la Convention (droit à un procès équitable). Il contestait d’une part l’impartialité et
l’indépendance des tribunaux en raison de la participation, dans des formations de jugement,
d’assistants judiciaires, juges non professionnels ; il estimait enfin ne pas avoir bénéficié d’une
procédure équitable dans la mesure ou la cour d’appel n’avait pas répondu à son moyen tiré
de l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article 17 § 1 de la loi de 1992.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention sous l’angle de l’indépendance et
de l’impartialité des tribunaux :
La Cour rappelle 37 que “pour établir si un tribunal peut passer pour « indépendant » aux fins
de l'article 6 § 1, il faut notamment prendre en compte le mode de désignation et la durée du
mandat de ses membres, l'existence d'une protection contre les pressions extérieures et le point
de savoir s'il y a ou non apparence d'indépendance” (§ 37)
Quant à la condition d’impartialité, elle distingue la démarche subjective, “destinée à vérifier que
le tribunal n’a manifesté aucun parti pris ni préjugé personnel”, de la démarche objective
consistant “à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute
légitime” (§ 38).
En l’espèce, les juges de Strasbourg affirment qu’aucune question d’impartialité subjective ne
se pose. Ils recherchent si les appréhensions du requérant peuvent être considérées comme
objectivement justifiées.38
La Cour précise que “l'existence d'un collège à composition mixte comprenant des magistrats,
des fonctionnaires publics ou des représentants de groupements d'intérêt ne constitue pas en
soi une preuve de partialité” (§ 41).39 Elle ne conteste pas l’avantage du principe de
l’échevinage tout en précisant que “Si le fait que des magistrats non-professionnels siègent
dans un tribunal n’est pas en soi contraire à l’article 6, les principes établis dans la
jurisprudence quant à l’indépendance et l’impartialité valent pour les magistrats non
professionnels comme pour les magistrats professionnels” (§ 42)
Or, elle constate que le rôle et les fonctions des assistants judiciaires, tels qu’établis par la
législation roumaine à l’époque des faits, “rendaient ces derniers vulnérables aux pressions
extérieures”. En effet, le droit interne ne conférait pas de garanties suffisantes quant à leur
indépendance dans l’exercice de leurs fonctions. En particulier, ils n’étaient pas inamovibles ni
protégés contre une révocation anticipée, et pouvaient exercer d’autres fonctions et mandats
conférés par les organisations au nom desquelles ils étaient élus (patronat et syndicats). La
Cour note que la législation relative aux assistants judiciaires a été modifiée, mais elle relève
que ces modifications n’ont été effectives qu’à partir du 20 février 2002, à savoir après le
37 CEDH, Findlay c. Royaume-Uni, 25 février 1997, n/ 2107/93, Recueil 1997-I, p 281, § 73.
38 CEDH, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France, 22 octobre 2007, req. n/ 1279/02 et 36448/02, résumé dans la veille
bimestrielle n/ 16 (septembre-octobre 2007), p. 21.
39 CEDH, Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, req. n/ 614/65, série A n/ 13, § 97 ; CEDH, Le Compte, Van Leuven et De
Meyere c. Belgique, 23 juin 1981, req. n/ 6878/75 et 7238/75, série A n/ 43, §§ 57 et 58.
-43-
prononcé de l’arrêt de la cour d’appel, le 7 février 2002.
Les craintes de M. Luka quant au manque d’indépendance et d’impartialité du tribunal étant
objectivement justifiées, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la
Convention.
- Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention sous l’angle du droit à un procès
équitable :
Selon la Cour, l’article 6 de la Convention impose au tribunal de se livrer à un examen effectif
des moyens, arguments et offres de preuve des parties et il est nécessaire de tenir compte de
la pertinence et de l’incidence sur l’issue de l’affaire de l’argument ou du moyen auquel le
tribunal n’a pas répondu.40
Elle estime que le moyen soulevé par le requérant était pertinent pour l’issue de l’affaire, car
d’une part, il s’appuyait sur une décision de la Cour constitutionnelle - donc, contraignante à
l’égard de toutes les autorités - allant dans le même sens et d’autre part, car la cour d’appel
avait la possibilité de réexaminer l’affaire sous tous ses aspects. “A supposer même que le
requérant ait invoqué ce moyen seulement devant la cour d’appel à l’occasion des débats, la
Cour considère qu’au regard de la pertinence et de l’incidence sur l’issue de la procédure, le
moyen en question exigeait une réponse spécifique et explicite.” (§ 58). A défaut d’une telle
réponse, il est impossible de savoir si la cour d’appel a simplement négligé ce moyen ou si elle
a voulu le rejeter et, le cas échéant, pour quelles raisons. 41
Le Cour considérant que le requérant est donc fondé à soutenir que sa cause n’a pas été
entendue équitablement en raison de l’absence de réponse à son moyen de recours, conclut,
à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
- Sur les autres violations alléguées :
Toujours sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant faisait valoir que l’issue
des procédures engagées avait été déterminée par l’ingérence du pouvoir exécutif dans
l’administration de la justice. Il se plaignait également de la durée excessive de la procédure
et de l’absence de caractère contradictoire de la procédure tranchant la demande de récusation
des juges.
La Cour “n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles
de la Convention” (§ 63). Considérant que cette partie de la requête est manifestement mal
fondée, elle la rejette en application de l’article 35 § 3 et 4 de la Convention.
Enfin, sur le fondement de l’article 41 de la Convention, la Cour alloue au requérant une
indemnité de 3 000 euros.
jjj
40 CEDH, Jahnke et Lenoble c. France (déc.),29 septembre 2000, req. n/ 40490/98, CEDH 2001-IX ; et CEDH, Dima c/
Roumanie, 16 novembre 2006, req. n/ 58472/00, § 36.
41 CEDH, Hiro Balani c. Espagne, 9 décembre 1994, série A n/ 303-B, p. 30, § 28.
-44-
Prencipe c. Monaco
16 juillet 2009
- req. n/ 43376/06 - Violation de l’article 5 § 3 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté) ; non-violation de l’article
3 de la Convention (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) -
T Faits :
La requérante, une employée de banque, fut poursuivie pour détournement de fonds de
plusieurs millions d’euros. Dès son premier interrogatoire, soit le 6 janvier 2004, elle reconnut
avoir commis les faits reprochés et expliqua avoir agi sur instructions téléphoniques de voix
inconnues, sans avoir profité personnellement de ces détournements. Le 7 janvier 2004, elle
fut inculpée et placée en détention provisoire.
Les recours et demandes de remise en liberté exercés par la requérante furent rejetés.
T Griefs :
Sur le fondement de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, la requérante
estimait d’une part que la durée de sa détention provisoire était excessive et d’autre part que
son maintien et détention était incompatible avec son état de santé.
T Décision :
- Concernant le premier grief :
La Cour décide d’emblée d’aborder ce grief sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention (droit
à la liberté et à la sûreté).
Soulignant la gravité et la complexité des faits, le Gouvernement soutenait que les autorités
judiciaires nationales avaient agi avec la promptitude nécessaire. Il exposait également que le
comportement de la requérante avait contribué, dans une certaine mesure, à la durée de sa
détention.
Selon la requérante, la gravité des motifs ayant conduit à son placement et à son maintien en
détention n’avaient jamais été mis en avant par les juridictions internes et son comportement
ne pouvait être considéré comme abusif ou dilatoire.
S’interrogeant sur la période à prendre en considération, la juridiction européenne constate que
la durée de la détention provisoire dont a fait l’objet la requérante a débuté le 7 janvier 2004 et
s’est achevée le 30 décembre 2007, soit, une durée totale de presque 4 ans. Puis, elle précise
que la période antérieure au 30 novembre 2005, date de l’entrée en vigueur de la Convention
européenne à l’égard de Monaco, ne relève pas de sa compétence ratione temporis. Elle décide
donc de limiter son examen à la période de deux ans et treize jours qui s’est écoulée du 30
novembre 2005 au 13 décembre 2007, en précisant toutefois devoir tenir compte du fait qu’à
cette date, la requérante était déjà en détention depuis presque deux ans.42
Les juges de Strasbourg rappellent tout d’abord que, conformément à la jurisprudence
constante de la Cour, il incombe en premier lieu aux autorités nationales de veiller à ce que la
durée de la détention provisoire ne dépasse pas la limite du raisonnable. Ils décident donc
42 CEDH, Kalachnikov c. Russie, 15 juillet 2002, req. n/ 47095/99, § 111.
-45-
d’examiner “toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l’existence d’une exigence
d’intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d’innocence, une exception à la règle du
respect de la liberté individuelle et en rendre compte dans leurs décisions relatives aux
demandes d’élargissement. C’est essentiellement sur la base des motifs figurant dans ces
décisions, ainsi que des faits non controversés indiqués par l’intéressé dans ses recours, que
la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 de la Convention”. (§ 73)
Ils indiquent ensuite que “La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne
arrêtée d'avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien
en détention, mais au bout d'un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les
autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté.
Quand ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », la Cour cherche de surcroît si les
autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la
procédure” 43. (§ 74)
En l’espèce, les juges européens relèvent que les juridictions internes ont avancé plusieurs
raisons pour justifier le maintien en détention de la requérante et la durée de l’instruction. Ils
constatent tout d’abord qu’il est établi que des soupçons pesaient sur elle et qu’elle avait
reconnu avoir commis les faits qui lui étaient reprochés. Ils notent également que les juridictions
d’instruction avaient invoqué la gravité des faits, le trouble causé à l’ordre public, l’absence de
garantie de représentation en justice, le risque de fuite et de concertation frauduleuse ou encore
de pression entre co-inculpés pour justifier leurs décisions.
La Cour européenne observe que le motif tiré de la gravité des faits figure dans l’ensemble des
décisions examinées. S’agissant du motif relatif au trouble causé à l’ordre public, elle note que
celui-ci n’apparaît que dans les arrêts de la chambre du conseil de la cour d’appel des 20 juillet
et 15 décembre 2006.
Elle reconnaît ensuite qu’en raison de leur gravité particulière, certaines infractions peuvent
susciter un “trouble social de nature à justifier une détention provisoire, au moins pendant un
temps” et que dans la mesure où le droit interne reconnaît cette notion, elle peut être prise en
compte pour décider de la mise en détention. Cependant, “la détention ne demeure légitime que
si l’ordre public reste effectivement menacé ; sa continuation ne saurait servir à anticiper sur
une peine privative de liberté”.44 (§ 79)
Or, pour la juridiction européenne, ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce : “ledit
risque n’a pas été suffisamment démontré par les autorités pour constituer, au fil du temps, une
motivation substantielle de la détention de la requérante”. (§ 80)
Elle poursuit en indiquant qu’ “en tout état de cause, la gravité des faits et le trouble à l’ordre
public ne peuvent justifier à eux seuls une aussi longue détention provisoire”.45 (§ 81)
S’agissant de la nécessité de garantir le maintien de la requérante à disposition de la justice,
la Cour européenne observe que “ce motif n’a pas été retenu avec constance” et que les
juridictions monégasques ont estimé qu’il y avait, compte tenu de l’importance de la peine
encourue, un risque que la requérante s’enfuit en cas de remise en liberté. (§ 82)
Affirmant concevoir que ces éléments sont susceptibles de caractériser un danger de fuite, elle
43 CEDH, Letellier c. France, 26 juin 1991, req. n/ 12369/86, § 35 ; CEDH, I.A. c. France, 23 septembre 1998, req. n/ 28213/95,
§ 102, CEDH, Labita c. Italie [GC], 6 avril 2000, req. n/ 26772/95, § 152 ; CEDH, Bouchet c. France, 20 mars 2001, req.
n/ 33591/96, § 40 ; CEDH, Zannouti c. France, 31 juillet 2001, req. n/ 42211/98, § 43.
44 CEDH, I.A. c. France, précité, § 104.
45 CEDH, Gérard Bernard c. France, 26 septembre 2006, req. n/ 27678/02, § 46, résumé dans la veille bimestrielle n/ 11 (juilletoctobre 2006), p. 11.
-46-
rappelle qu’“un tel risque ne peut s’apprécier sur la seule base de la gravité de la peine” 46 et
qu’il “décroît nécessairement avec le temps.” 47 (§ 83).
En l’espèce, “la plupart des décisions rendues ne sont nullement motivées sur ce point, les
juridictions s'étant contentées d'indiquer « qu'il y a[vait] lieu de garantir la représentation de la
requérante », sans plus de détails (voir les ordonnances du magistrat instructeur des 10 juillet
et 1er décembre 2006), sans spécifier en quoi il y avait lieu de considérer que, dans les
circonstances de la cause, un risque de fuite persistait après presque quatre années de
détention” (§ 84).
Quant aux garanties de représentation, la Cour rappelle qu’il convient de prendre en compte
les relations personnelles existant entre l’intéressée et l’Etat en cause.48 Sur ce point, elle note
que des éléments tels que l’absence d’antécédents judiciaires, l’existence de fortes attaches
personnelles à Monaco, pouvant apparaître comme réduisant le danger de fuite n’ont jamais
été pris en considération par les juridictions nationales. Ainsi, “Force est d’observer (...) que les
décisions litigieuses ne font aucune référence à la possibilité de laisser la requérante en
« liberté provisoire », au sens du droit monégasque et de la soumettre à des mesures de
contrôles propres à garantir sa représentation”. En conséquence, la question de savoir si
l’intéressée était susceptible de fournir des garanties adéquates de représentation en cas
d’élargissement n’a pas été dûment examinée par les autorités nationales.
En conclusion, les juges de Strasbourg estiment que “la longueur de la privation de liberté subie
par la requérante ne repose pas sur des motifs sinon pertinents du moins suffisants dans les
circonstances de l’espèce” et que, bien qu’ils aient limité leur examen à la période commençant
le 30 novembre 2005, les motifs invoqués par les juridictions internes pour maintenir l’intéressée
en détention ne sont pas valables. La durée de la détention de la requérante a donc été
excessive, ce qui constitue une violation de l’article 5 § 3 de la Convention. (unanimité).
- Concernant le second grief :
Sur l’exception de non épuisement des voies de recours interne :
La Cour européenne rejette l’exception du gouvernement monégasque qui soutenait que la
requérante aurait dû exercer un recours devant la Cour de révision judiciaire.
Elle considère en effet que ce recours qui entraîne, en cas d’échec du pourvoi, le prononcé
automatique d’une amende, n’est pas conforme à l’article 35 § 1 de la Convention suivant lequel
elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes qui sont à la fois
relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats : “Le fait d’infliger une amende en
fonction du résultat d’un recours, dont il n’est pas soutenu qu’il aurait été fautif ou abusif, est
de nature à vider celui-ci de sa substance. De l’avis de la Cour, un tel constat s’impose d’autant
plus que le pourvoi en révision devait porter sur des moyens relatifs à des allégations de
mauvais traitements au sens de l’article 3 de la Convention.” (§ 96)
Sur le fond :
La requérante dénonçait l’incompatibilité de son état de santé avec son maintien en détention,
elle faisait valoir qu’en raison de la prolongation injustifiée de sa détention, sa santé physique
et mentale avait été affectée. Compte-tenu de la substance de ce grief, la Cour décide de
46 CEDH, Tomasi c. France, 27 août 1992, req. n/ 12850/87, § 98.
47 CEDH, Ercüment Yildiz c. Turquie, 10 juin 2008, req. n/ 46048/06, § 38.
48 CEDH, Gombert et Gochgarian c. France, 13 février 2001, req. n/ 39779/98 et 39781/98, § 48.
-47-
l’examiner sous l’angle de l’article 3 de la Convention (interdiction de la torture).
Les juges européens rappellent que, pour tomber sous le coup de cette disposition, “un
traitement doit atteindre un minimum de gravité” et que “l’appréciation de ce minimum est
relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause et notamment de la
nature et du contexte du traitement, de ses modalités d’exécution, de sa durée, de ses effets
physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la
victime.” 49 (§ 104).
Ils précisent qu’on “ne peut déduire de l’article 3 de la Convention une obligation générale de
libérer un détenu pour motifs de santé ou de le transférer dans un hôpital civil, même s’il souffre
d’une maladie particulièrement difficile à soigner.50 Toutefois, cet article impose en tout cas à
l’Etat de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec
le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas
l’intéressé à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de
souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de
l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate,
notamment par l’administration des soins médicaux requis” 51. (§ 105)
En l’espèce, la Cour constate que les différents rapports médicaux produits devant elle ne
mentionnent aucune incompatibilité entre l’état de santé de la requérante et son maintien en
détention, “ni une dégradation de l’état de santé de la requérante du fait de sa détention, ni
même du caractère inadapté de la prison pour y faire face”. De plus, elle note que depuis le
début de son incarcération à la maison d’arrêt de Monaco, la requérante a bénéficié de plus de
deux cent vingt consultations effectuées sur place, d’une trentaine de transferts pour des
consultations extérieures dont la plupart par des médecins spécialistes et que, dans ces
conditions, “les autorités pénitentiaires, qui ont suivi de près et à intervalle régulier l’état de
santé de la requérante, n’ont pas manqué à leur devoir de prendre les mesures requises qui
s’imposaient”. (§ 107)
Dans ces conditions, la Cour estime qu’il n’est pas établi que la requérante a été soumise à des
traitements atteignant un niveau de gravité suffisant pour entrer dans le champ d’application de
l’article 3 de la Convention 52 et conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 3 de la
Convention.
jjj
49 CEDH, Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, req. n/ 24760/94, § 94.
50 CEDH, Mouisel c. France, 14 novembre 2002, req. n/ 67263/01, §§ 40-42.
51 CEDH, Kudla c. Pologne, [GC], 26 octobre 2000, req. n/ 30210/96, § 94.
52 CEDH, Gelfmann c. France, 14 décembre 2004, req. n/ 25875/03, § 59 ; CEDH, Matencio c. France,15 janvier 2004, req.
n/ 58749/00, § 89.
-48-
Sulejmanovic c. Italie
16 juillet 2009
- req. n/ 22635/03 - violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention -
T Faits :
A l’époque des faits, le requérant était détenu au pénitencier de Rebibbia à Rome.
Entre 1992 et 1998, il avait été à plusieurs reprises reconnu coupable de vol aggravé, tentative
de vol, recel et faux en écriture et condamné à une peine de deux ans, cinq mois et cinq jours
d’emprisonnement. Le juge de l’exécution fixa sa peine effective à neuf mois et cinq jours
d’emprisonnement.
Le 30 novembre 2002, alors qu’il déposait une demande de permis de séjour auprès de la
préfecture, il fut arrêté puis incarcéré au pénitencier de Rebibbia.
En octobre 2003, le requérant bénéficia d’une remise de peine et fut libéré.
T Griefs :
Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaignait de ses conditions de détention,
et en particulier de la surpopulation carcérale et de l’insuffisance du temps quotidien qu’il était
autorisé à passer hors de sa cellule.
Il exposait avoir partagé, jusqu’au 15 avril 2003, sa cellule - prévue pour deux détenus - avec
cinq autres personnes et qu’il disposait ainsi d’une superficie personnelle moyenne de 2, 70 m².
Du 15 avril au 20 octobre 2003 il avait partagé sa cellule avec quatre autres détenus, disposant
alors d’une superficie personnelle moyenne de 3, 40 m².
Par ailleurs, il considérait que le fait de rester quotidiennement plus de dix-huit heures dans sa
cellule et de n’être autorisé à sortir que 4h30 par jour constituait un traitement inhumain.
Enfin, il affirmait que ses souffrances avaient été aggravées par le rejet opposé par
l’administration pénitentiaire à ses demandes de travailler en prison.
T Décision :
Au soutien de ses griefs, le requérant reprenait les préconisations du Comité européen pour la
prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants (« CPT ») selon lesquelles
chaque détenu devrait passer au moins huit heures par jour en dehors de sa cellule et disposer
d’un espace disponible minimum de 7 m².
De son côté, le Gouvernement italien soutenait que le requérant avait passé en détention une
période relativement courte et qu’il devait prouver que les traitements dont il se plaignait avaient
atteint le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention.
La Cour précise que l’article 3 de la Convention “(...) impose à l’Etat de s’assurer que tout
prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité
humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une
détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance
inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé
et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate.” 53 (§ 39)
Elle rappelle que le Comité européen pour la Prévention de la Torture a effectivement fixé à 7
53 CEDH, Kudla c. Pologne [GC], 26 octobre 2000, req. n/ 30210/96, § 92-94.
-49-
m² par personne la surface minimale souhaitable pour une cellule de détention 54 et reconnaît
“qu’une surpopulation carcérale grave pose en soi un problème sous l’angle de l’article 3 de la
Convention.” 55 Cependant, elle “ne saurait donner la mesure, de manière précise et définitive,
de l’espace personnel qui doit être octroyé à chaque détenu aux termes de la Convention, cette
question pouvant dépendre de nombreux facteurs, tels que la durée de la privation de liberté,
les possibilités d’accès à la promenade en plein air ou la condition mentale et physique du
prisonnier” 56 (§ 40). Elle rappelle avoir retenu une violation de l’article 3 pour la seule raison
d’un espace personnel insuffisant, lorsque “les requérants disposaient individuellement de
moins de 3 m².” 57.
Par ailleurs, prenant en compte d’autres aspects des conditions de détention (possibilité
d’utiliser les toilettes de manière privée, l’aération disponible, l’accès à la lumière et à l’air
naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base), la Cour a déjà
conclu à la violation de l’article 3 de la Convention dans des affaires où le manque d’espace
s’accompagnait d’un manque de ventilation et de lumière.58 (§ 42)
En l’espèce, la juridiction européenne observe que pendant une période de plus de deux mois
et demi chaque détenu ne disposait que de 2,70 m². Or, “une telle situation n’a pu que
provoquer des désagréments et des inconvénients quotidiens pour le requérant, obligé de vivre
dans un espace très exigu, bien inférieur à la surface minimum estimée souhaitable par le CPT.
Aux yeux de la Cour, le manque flagrant d’espace personnel dont le requérant a souffert est,
en soi, constitutif d’un traitement inhumain ou dégradant.” (§ 43). Par cinq voix contre deux, elle
conclut que les conditions dans lesquelles le requérant a été détenu jusqu’en avril 2003,
constituent une violation de l’article 3 de la Convention.
En revanche, selon la Cour européenne, ce constat ne vaut pas pour la période ultérieure. En
effet, elle relève que, selon les documents fournis par le Gouvernement et non contestés par
le requérant, ce dernier a été transféré dans une autre cellule et que, jusqu’à sa remise en
liberté, sa situation a connu une nette amélioration.
Les juges strasbourgeois notent également que le requérant n’a dénoncé aucun problème relatif
au chauffage ni à l’accès et à la qualité des services sanitaires et qu’il n’a pas non plus indiqué
avec précision les répercussions que les conditions auxquelles il a été soumis ont eu sur son
état de santé physique.
Concernant la possibilité de se promener en plein air, la Cour note qu’au sein du pénitencier,
les détenus avaient la possibilité de se rendre dans la cour de promenade de 8 h 30 à 11
heures et de 13 heures à 15 heures, c’est-à-dire pendant quatre heures et trente minutes par
jour. En outre, ils étaient autorisés à sortir de leur cellule de 16 heures à 18 heures. Ainsi, au
total, le temps qu’un détenu pouvait passer en dehors de sa cellule était de huit heures et
cinquante minutes. (§ 48)
Soulignant qu’il est « regrettable » que le requérant n’ait pas été autorisé à travailler en prison,
ce qui n’est pas “en soi un traitement contraire à l’article 3 de la convention”, les juges de
54 Rapport du CPT (§ 43), disponible sur le site du Conseil de l’Europe : http://www.cpt.coe.int/fr/annuel/rap-02.htm#III.b.
55 CEDH, Kalachnikov c. Russie, 15 juillet 2002, req. n/ 47095/99, § 97.
56 CEDH, Trepachkine c. Russie, 19 juillet 2007, req. n/ 36898/03, § 92.
57 Notamment, CEDH, Aleksandr Makarov c. Russie, 12 mars 2009, req. n/ 15217/07, § 93 ; CEDH, Lind c. Russie, 6 décembre
2007, req. n/ 25664/05, § 59 et CEDH, Labzov c. Russie, 16 juin 2005, req. n/ 62208/00, § 44.
58 Notamment, CEDH, Moisseiev c. Russie, 9 octobre 2008, req. n/ 62936/00 et CEDH, Babouchkine c. Russie, 18 octobre
2007, req. n/ 67253/01, § 44.
-50-
Strasbourg estiment qu’il “a bénéficié d’un accès suffisant à la lumière et l’air naturels et à des
moments de loisirs et de convivialité avec des détenus autres que ceux qui se trouvaient dans
sa cellule”. (§ 49)
La Cour conclut que “pour la période où le requérant disposait de plus de 3 m² d’espace
personnel – et où la surpopulation carcérale n’était donc pas importante au point de soulever
à elle seule un problème sous l’angle de l’article 3 –, le traitement dont l’intéressé a fait l’objet
n’a pas atteint le niveau minimum de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 de
la Convention”. A l’unanimité, elle décide que ses conditions de détention, après avril 2003,
n’ont pas entraîné de violation de cette disposition.
Sur le fondement de l’article 41 de la Convention, la Cour alloue au requérant une somme de
1 000 euros au titre du dommage moral.
jjj
Ferret c. Belgique
16 juillet 2009
- req. n/ 15615/07 - non-violation de l’article 10 de la Convention (liberté d’expression) -
T Faits :
Le requérant, président d’un parti politique d’extrême droite belge, est éditeur et responsable
des écrits de ce parti et propriétaire du site web de celui-ci. Il était également député à la
chambre des représentants de Belgique à l’époque des faits.
Durant la campagne électorale, le parti du requérant distribua des tracts et des affiches qui
provoquèrent des plaintes de la part de particuliers et d’associations, pour incitation à la haine,
à la discrimination et à la violence sur le fondement de la loi du 30 juillet 1981 tendant à
réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie.
A la suite de ces plaintes, le requérant fut auditionné par la police, son immunité parlementaire
fut levée et il fut poursuivi en tant qu’auteur des tracts litigieux, éditeur responsable de ceux-ci
et propriétaire du site internet.
Le tribunal correctionnel de Bruxelles ordonna une réouverture des débats avant de statuer sur
le fond. Le requérant interjeta appel en contestant la compétence du tribunal. Son recours fut
déclaré irrecevable. Il forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté le 10 mars 2004.
Le 13 juin 2004, il fut élu en qualité de Conseiller régional et au Parlement de la communauté
française, bénéficiant alors de deux nouvelles immunités parlementaires. Le procureur réactiva
néanmoins les poursuites et la cour d’appel de Bruxelles reprit intégralement le procès.
Estimant que les faits reprochés ne se situaient pas dans la sphère de son activité
parlementaire et que les tracts contenaient des éléments incitant clairement et volontairement
à la discrimination, à la ségrégation ou à la haine, voire à la violence pour des raisons de race,
de couleur, ou d’origine nationale ou éthique, elle condamna le requérant à une peine de 250
heures de travail à exécuter dans le secteur de l'intégration des personnes de nationalité
étrangère et à l'inéligibilité pour une durée de dix ans.
Le pourvoi en cassation du requérant fut rejeté.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 10 de la Convention
(liberté d’expression). Il soutenait que sa condamnation relative au contenu de tracts de son
-51-
parti politique représentait une restriction excessive de sa liberté d’expression. En outre, au titre
de l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable), il soutenait que sa cause n’avait pas
été entendu par un tribunal « établi par la loi ». Enfin, à titre subsidiaire, il invoquait les articles
6 § 2 (présomption d’innocence), 9 (liberté de pensée et de religion), 11 (liberté de réunion et
d’association), l’article 13 (droit à un recours effectif), 14 (interdiction de discrimination) et 16
(restrictions à l’activité politique des étrangers) de la Convention et l’article 3 du Protocole
additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété).
T Décision :
- Sur la recevabilité :
Le gouvernement conteste la recevabilité de la requête en se fondant sur l’article 17 de la
Convention (interdiction de l’abus de droit). S’appuyant sur des décisions antérieures de la
Commission,59 il soutient que le caractère clairement xénophobe des tracts litigieux ne
permettent pas au requérant d’invoquer une violation de l’article 10 de la Convention.
La Cour considère que “les arguments avancés par le gouvernement quant à l’article 17 de la
Convention et, en conséquence, l’applicabilité de l’article 10, sont étroitement liés à la
substance des griefs énoncés par les requérants sur le terrain de l’article10 et notamment à la
question de la nécessité dans une société démocratique.” (§ 52). Par conséquent, elle
considère que le grief relatif à l’article 10 de la Convention ne se heurte à aucun motif
d’irrecevabilité.
- Sur le fond :
- Concernant l’article 10 de la Convention :
La Cour doit vérifier si la condamnation du requérant par les autorités nationales s’analyse en
une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de sa liberté d’expression.
Les juridictions ont fondé leur décision sur la loi du 31 juillet 1981 tendant à réprimer certains
actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. L’immixtion dans le droit à la liberté
d’expression du requérant était donc « prévue par la loi ».
L’ingérence ayant pour but d’assurer la défense de l’ordre et de protéger la réputation des droits
d’autrui, la Cour en déduit que l’immixtion poursuivait un but légitime.
Enfin, les juges de Strasbourg recherchent si l’ingérence était « nécessaire » dans une société
démocratique.
Rappelant, les principes généraux liés à la liberté d’expression, ils considèrent que “la
vérification du caractère « nécessaire dans une société démocratique » de l’ingérence litigieuse
impose à la Cour de rechercher si celle-ci correspondait à un « besoin social impérieux », si elle
était proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs fournis par les autorités nationales
pour le justifier sont pertinents et suffisants” 60 (§ 62).
La Cour souligne l’importance de la liberté d’expression dans le contexte du débat politique, en
affirmant qu’il faut limiter les restrictions afin de respecter la liberté d’expression en général
dans l’Etat concerné. Elle admet cependant que “la discussion politique ne revêt pas un
caractère absolu” (§ 63). Ainsi elle doit vérifier si les immixtions consenties par les Etats sont
compatibles avec la liberté d’expression établie par la Convention.
Consacrant, la tolérance et le respect de l’égale dignité entre tous les êtres humains comme
59 CEDH, Glimmerveen et Hagenbeek c. Pays-Bas, (déc.) 11 octobre 1979, req. n/ 8348/78 et n/ 8406/78.
60 CEDH, Sunday Times c. Royaume-Uni (n/ 1), 26 avril 1979, req. n/ 6538/74.
-52-
fondement d’une société démocratique, la Cour européenne juge nécessaire de sanctionner
toutes les “formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine
fondée sur l’intolérance” (§ 64).
Parallèlement, elle estime que la liberté d’expression est fondamentale pour un élu du peuple
qui représente ses électeurs et défend leurs intérêts. A ce titre, les ingérences dans la liberté
d’expression d’un parlementaire de l’opposition, tel que le requérant, l’incitent à se livrer à un
contrôle des plus stricts.
En l’espèce, la Cour relève, “que sous réserve d’application du principe constitutionnel de
l’irresponsabilité parlementaire, les membres des partis politiques sont en Belgique
personnellement responsables, civilement et pénalement, des propos qu’ils tiennent ou des
écrits qu’ils diffusent” (§ 67). Ainsi le requérant a été poursuivi par les autorités nationales en
tant qu’auteur des tracts litigieux, éditeur responsable de ceux-ci et propriétaire du site internet
ayant diffusé certains d’entre-eux.
Concernant les propos litigieux, les juges européens constatent que les tracts présentaient les
communautés visées “comme un milieu criminogènes et intéressé par l’exploitation des
avantages découlant de leurs installations en Belgique et tentait aussi de les tourner en
dérision. Un tel discours est inévitablement de nature à susciter parmi le public, et
particulièrement parmi le public le moins averti, des sentiments de mépris, de rejet voire, pour
certains, de haine à l'égard des étrangers”. (§ 69).
A ce titre, la Cour rappelle l’importance de la lutte contre la discrimination raciale sous toutes
ces formes et manifestations. Pour étayer son raisonnement, elle renvoie aux différents travaux
du Comité des ministres du Conseil de l’Europe relative à l’action de la Commission
Européenne contre le Racisme et l’Intolérance ( ECRI ).
Selon les juges européens, la qualité de parlementaire du requérant ne peut atténuer sa
responsabilité. En effet, les hommes politiques doivent éviter dans leurs discours publics de
diffuser des idées susceptibles d’encourager l’intolérance et la xénophobie. En outre, ils
soulignent que l’impact d’un discours raciste est d’autant plus important dans le cadre d’une
campagne électorale, où les arguments diffusés par le biais de tracts sont susceptibles de
toucher et de marquer un plus grand nombre de personnes.
Si la Cour considère que les partis politiques doivent défendre leurs idées “même si certaines
d’entre elles heurtent, choquent ou inquiètent une partie de la population” et jouirent d’une large
liberté d’expression, elle affirme que recommander des solutions aux problèmes liés à
l’immigration en préconisant la discrimination raciale peut nuire au climat social.
En conséquence, “les motifs des juridictions nationales pour justifier l’ingérence dans la liberté
d’expression du requérant étaient pertinents et suffisants, compte tenu du besoin social
impérieux de protéger l’ordre public et les droits d’autrui, c’est-à-dire ceux de la communauté
immigrée” (§ 78). L’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression du requérant était
donc « nécessaire dans une société démocratique ».
La Cour conclut, par quatre voix contre trois, à la non-violation de l’article 10 de la Convention.
Sur les autres violations alléguées :
S’agissant des griefs tirés des articles 6 § 2, 14 et 16 de la Convention ainsi que l’article 3 du
Protocole additionnel n/ 1, la Cour relève que les conditions de l’épuisement des voix de
recours internes ne sont pas remplies et rejette cette partie de la requête.
Elle estime ensuite que le requérant n’apporte aucune précision propre à étayer l’allégation de
violation des articles 17 et 18 de la Convention. Quant aux griefs tirés des articles 9 et 11 de
la Convention, elle considère qu’ils se confondent avec ceux sur le terrain de l’article 10 de la
Convention.
-53-
Enfin, concernant les deux griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour juge que le
requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes concernant le caractère partial de la cour
d’appel. Quant au grief relatif au fait que le requérant n’a pas été jugé par « un tribunal établi par
la loi », la Cour le considère mal fondé et le rejette. “En effet, tant la cour d’appel que la Cour de
cassation ont jugé que les infractions reprochées au requérant n’étaient pas de nature politique,
ce qui aurait pu les faire relever de la cour d’assises, car elles n’avaient pas pour objet de porter
atteinte à l’existence, à l’organisation ou au fonctionnement des institutions politiques” (§ 91).
N L’opinion dissidente du juge Sajó à laquelle se rallient les juges Zagrebelsky et Tsotsoria est
annexée à l’arrêt.
jjj
Mooren c. Allemagne
Grande chambre
9 juillet 2009
- req. n/ 11364/03 - Non violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté), Violation de l’article 5 § 4 (droit de faire
statuer à bref délai sur la légalité de sa détention) de la Convention -
T Faits :
Le requérant, ressortissant allemand soupçonné de fraude fiscale, fut arrêté et placé en
détention provisoire le 25 juillet 2002 par ordonnance du tribunal de district de Möchengladbach.
Il contesta la légalité de son placement en détention devant le tribunal de district de
Mönchengladbach et son avocat demanda l’accès au dossier. Le 16 août 2002, ce tribunal valida
la décision de placement en détention provisoire. Par ailleurs, l’avocat du requérant se vit
opposer un refus d’accès au dossier, dans l’intérêt de l’enquête ; il déclina l’offre que lui faisait
le Parquet de se voir exposé oralement les faits et preuves retenus contre son client.
Le requérant exerça un recours devant le tribunal régional qui fut rejeté le 9 septembre 2002.
Le tribunal de district de Mönchengladbach fut de nouveau saisi par le requérant, le 16
septembre 2002, d’une demande de contrôle de légalité de son placement en détention
provisoire. En vain.
Le 14 octobre 2002, la cour d’appel de Düsseldorf, saisie par le requérant, annula les décisions
d’août et septembre 2002, qui avaient validé son placement en détention. Elle renvoya l’affaire
au tribunal de district, refusant de statuer sur la détention ou d’annuler l’ordonnance de
placement en détention du 25 juillet 2002 qu’elle ne jugeait pas entachée de nullité
(« unwirksam ») mais d’un simple vice juridique (« rechtsfehlerhaft »). Le vice en question
pouvait, selon elle, être purgé dans le cadre de la procédure de contrôle juridictionnel. Le
requérant fut maintenu en détention.
Fin octobre 2002, le tribunal de district de Mönchengladbach rendit une nouvelle ordonnance
de placement en détention. Il rejeta le recours formé par M. Mooren contre cette ordonnance
mais accorda, sous certaines conditions, le sursis à son exécution. Le requérant fut libéré le 7
novembre 2002 et le 18 novembre son avocat fut autorisé à avoir accès au dossier. Le requérant
saisit, sans succès, la Cour constitutionnelle fédérale d’un recours contre la décision rendue par
la cour d’appel de Düsseldorf et contre l’ordonnance de placement en détention délivrée par le
tribunal de district de Mönchengladbach.
Le 9 mars 2005, le requérant fut reconnut coupable de fraude fiscale et condamné à un an et
huit mois d’emprisonnement, peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve.
-54-
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant, invoquait les articles 6 (droit à un procès équitable)
et 5 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté). Selon lui, la cour d’appel en décidant de
ne pas annuler l’ordonnance de placement initialement rendue par le tribunal de district le 25
juillet 2002 et en refusant de prononcer sa mise en liberté, alors même qu’elle avait jugé ladite
ordonnance non conforme à la loi, avait indûment retardé la procédure de contrôle de la légalité
de l’ordonnance litigieuse, laquelle ne se serait ainsi pas conclue dans un délai raisonnable. Il
exposait également que, dans la procédure de contrôle juridictionnel, son avocat s’était vu
refuser l’accès au dossier, ce qui avait rendu impossible une défense efficace.
Dans son arrêt de chambre rendu le 13 décembre 2007,61 la Cour européenne estima que la
requête ne devait être examinée que sous l’angle de l’article 5 de la Convention. Elle conclut à
la non violation de l’article 5 § 1 et à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Le requérant
demanda le renvoi en Grande chambre de son affaire.
T Décision :
- Sur l’exception préliminaire du gouvernement portant sur l’ensemble des griefs :
Le gouvernement soulève devant la Grande Chambre, une exception préliminaire de nonépuisement des voies de recours internes tirée du non exercice par le requérant d’une action en
réparation. Selon lui, avant d’introduire sa requête devant la Cour de Strasbourg, l’intéressé
aurait dû attraire le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie devant les juridictions civiles aux fins
d’obtenir réparation du dommage subi.
La Cour de Strasbourg rappelle, qu’il incombe à la partie défenderesse, sauf circonstances
exceptionnelles, de soulever les exceptions d’irrecevabilité dans ses observations avant
l’adoption de la décision sur la recevabilité par la chambre. En l’espèce, le gouvernement
allemand n’a pas respecté cette obligation. Elle en conclut que “le gouvernement est forclos à
soulever à ce stade de la procédure une exception préliminaire de non-épuisement des voies
de recours internes tirée du non exercice par le requérant d’une action en réparation” (§ 59).
L’exception est donc rejetée.
- Sur les griefs relatifs à la procédure de renvoi :
Le requérant estime que la cour d’appel l’a illégalement privé de sa liberté et a indûment retardé
la procédure de contrôle juridictionnel de la légalité de l’ordonnance litigieuse. La Cour statuant
en grande chambre estime, à l’instar de la chambre, qu’il y a lieu d’examiner ces griefs sous
l’angle de l’article 5 de la Convention, ce que les parties ne contestent pas.
- Sur le grief relatif à la légalité de la détention provisoire :
Le requérant conteste la décision de la chambre qui avait conclu à la non violation de l’article
5 § 1 de la Convention. Il estime que sa détention avait un caractère arbitraire, en
méconnaissance de l’article 5 § 1 de la Convention. Il conteste également la distinction existant
en droit allemand entre les ordonnances de placement en détention « juridiquement
défectueuses » et les ordonnances de placement en détention « entachées de nullité ». Enfin,
il considère que les exigences d’équité et de célérité prévues à l’article 5 § 4 de la Convention
ont été méconnues.
Selon le gouvernement, la sécurité juridique exige que certains vices de forme puissent être
purgés dans le cadre de la procédure de contrôle juridictionnel et que les décisions de justice
61 Cet arrêt de chambre rendu par la Cour européenne le 13 décembre 2007 n’existe qu’en anglais.
-55-
défectueuses restent valables jusqu’à leur remplacement. Par ailleurs, il soutient que la
détention n’était pas arbitraire. Enfin, il estime que le renvoi de la cause devant le tribunal de
district n’a pas retardé l’aboutissement de la procédure mais a, au contraire, permis d’éviter des
retards.
La Cour de Strasbourg explique que le simple constat d’une irrégularité dans une ordonnance
de placement en détention ne suffit pas à rendre la détention illégale. Elle précise qu’une
“décision de placement en détention doit être considérée comme étant ex facie invalide si le vice
y ayant été décelé s’analyse en une « irrégularité grave et manifeste » au sens exceptionnel
indiqué dans la jurisprudence de la Cour” (§ 75).
Par ailleurs, s’agissant de la détention arbitraire, les juges européens rappellent que cette notion
va “au delà du défaut de conformité avec le droit national” (§ 77) et qu’une détention peut être
régulière au regard de la législation nationale “tout en étant arbitraire et donc contraire à la
Convention”. Ils notent qu’un des éléments à prendre en compte pour évaluer du caractère
« arbitraire » ou non d’une privation de liberté est la motivation de la décision.
En l’espèce, la Cour constate que les juridictions nationales avaient constaté une irrégularité de
l’ordonnance du 25 juillet 2002, les exigences de formes dictées par l’article 114 § 2 du code de
procédure pénale n’ayant pas été respectées. Cependant, sa validité fut maintenue jusqu’au 25
octobre 2002, date à laquelle elle “fut remplacée par une nouvelle ordonnance, qui était plus
détaillée et dont le requérant n’a pas contesté la conformité à l’article 114 § 2 du code de
procédure pénale” (§ 85). Par ailleurs, il n’apparaît pas des circonstances de l’affaire que
l’ordonnance litigieuse ait été “entachée d’un vice grave et manifeste”. La Cour précise que le
système juridique allemand permet, comme d’autres systèmes judiciaires en Europe, de
distinguer “entre les ordonnances de placement en détention qui sont nulles et non avenues et
celles qui conservent leur validité tant qu’elles n’ont pas été annulées par une juridiction” (§ 86).
S’agissant de l’argument avancé par le requérant selon lequel l’impossibilité pour son avocat de
consulter le dossier de son client aurait constitué une violation de l’article 5 § 1, les juges de
Strasbourg précisent que les “paragraphes 1 et 4 de l’article 5 sont des dispositions distincte,
et l’inobservation du paragraphe 4 n’emporte pas nécessairement inobservation du paragraphe
1” et ils soulignent qu’à “supposer même qu’un refus d’autoriser l’avocat à consulter le dossier
(...) puisse, lorsqu’il s’ajoute à d’autres vices procéduraux, conduire à faire considérer qu’une
ordonnance de placement en détention souffre d’une « irrégularité grave et manifeste » au sens
de sa jurisprudence, (...) tel n’est pas le cas en l’espèce” (§ 88). En effet, les charges qui
pesaient sur le requérant étaient malgré tout détaillées de manière précise dans l’ordonnance
litigieuse et les conditions de fond auxquelles la détention était censée répondre étaient
remplies.
Les juges européens recherchent si le principe général de sécurité juridique a été respecté. Ils
estiment que la distinction entre ordonnances « défectueuses » et ordonnances « nulles et non
avenues », contestée par le requérant est bien établie dans la jurisprudence interne et que le
requérant pouvait donc anticiper la décision de la cour d’appel sur ce point. De même, ils
considèrent qu’en l’espèce, le principe de sécurité juridique n’est pas remis en cause par
l’exception introduite par les juridictions internes concernant le renvoi de la cause devant la
juridiction de première instance.
La Cour rappelle que la motivation de la décision ordonnant le placement en détention constitue
un élément pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si la détention subie par une personne doit
être ou non considérée comme arbitraire. L’absence totale de motivation de décisions judiciaires
autorisant une détention pendant une période prolongée est considérée comme incompatible
avec le principe de protection contre l’arbitraire consacré par l’article 5 § 1 de la Convention.62
62 CEDH, Stasaitis c. Lituanie,21 mars 2002, req. n/ 47679/99, § 67 ; CEDH, Nakhmanovich c. Russie, 2 mars 2006, req.
n/ 55669/00, § 70 et CEDH, Belevitskiy c. Russie, 1er mars 2007, req. n/ 72967/01, § 91.
-56-
De même, la célérité avec laquelle les juridictions internes remplacent une ordonnance de
placement en détention jugée défectueuse constitue un autre élément pertinent.
La Cour reconnaît les bienfaits du renvoi d’une affaire à la juridiction inférieure qui permet en
particulier d’éviter certains retards. En outre, elle considère que le temps qui s’est écoulé entre
le constat par la cour d’appel du caractère défectueux de l’ordonnance de placement en
détention et le prononcé d’une nouvelle ordonnance par le tribunal de district n’a pas rendu
arbitraire la détention subie par le requérant.
En conséquence, les juges de Strasbourg estiment que le requérant a été détenu
« régulièrement » et que la privation de sa liberté a été faite « selon les voies légales ». Elle
conclut, par neuf voix contre huit, à l’absence de violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
- Sur l’absence de célérité alléguée de la procédure de contrôle juridictionnel de la détention
provisoire :
Dans son arrêt du 13 décembre 2007, la chambre avait estimé que la cour d’appel en renvoyant
la cause au tribunal de district avait retardé de manière injustifiée la procédure de contrôle
juridictionnel et avait donc conclu à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
Devant la Grande chambre, le Gouvernement admet que la procédure de contrôle juridictionnel
a méconnu l’obligation de célérité imposée par l’article 5 § 4 de la Convention.
La Cour européenne rappelle les droits garantis par l’article 5 § 4 à savoir le droit reconnu aux
personnes arrêtées ou détenues d’exercer un recours et le droit d’obtenir dans un bref délai à
compter de l’introduction de leur recours une décision judiciaire concernant la régularité de leur
détention et mettant fin à leur privation de liberté si elle est illégale.63
Au regard des circonstances, “la Grande Chambre considère pour les raisons indiquées par la
chambre, que les juridictions allemandes [...] n’ont pas statué « à bref délai » sur la légalité de
la détention du requérant.” (§ 107). La Cour, à l’unanimité, conclut que l’article 5 § 4 de la
Convention n’a pas été respecté.
- Sur le refus allégué d’accès au dossier :
Sur l’exception préliminaire soulevée par le gouvernement :
Le Gouvernement avait soulevé une exception préliminaire de non épuisement des voies de
recours internes devant la chambre ; celle-ci l’a rejetée dans son arrêt du 13 décembre 2007
après avoir précisé que la possibilité de former séparément une demande de contrôle
juridictionnel ne constituait pas un recours effectif qui aurait offert au requérant des chances
raisonnables d’obtenir un redressement.
La Cour rappelle 64 qu’il ne saurait être reproché à un requérant “de ne pas avoir exercé un
recours qui aurait été tourné essentiellement vers le même but que celui visé par la procédure
menée par lui à son terme et qui n’aurait, de surcroît, pas présenté de meilleures chances de
succès” (§ 118).
Au regard des circonstances de l’espèce, elle estime que l’introduction par le requérant devant
les mêmes juridictions d’une demande séparée fondée sur l’article 147 § 5 du code de procédure
pénale aurait été vouée à l’échec dans la mesure où le tribunal régional examina expressément
et rejeta la demande d’accès au dossier dans une décision confirmée par la Cour
constitutionnelle fédérale. Elle rejette donc l’exception préliminaire du gouvernement.
63 Notamment, CEDH, Baranowski c. Pologne, 28 mars 2000, req. n/ 28358/95, § 68 et CEDH, Sarban c. Moldova, 4 octobre
2005, req. n/ 3456/05, § 118.
64 CEDH, Iatridis c. Grèce (GC), 25 mars 1999, req. n/ 31107/96, § 47, CEDH 1999-II ; CEDH, Miailhe c. France (n/ 1), 25 février
1993, §27, série A n/ 256-C.
-57-
Sur l’observation de l’article 5 § 4 de la Convention :
La chambre avait estimé que la procédure de contrôle juridictionnel de la légalité de la détention
du requérant avait méconnu l’article 5 § 4 de la Convention dans la mesure où celui-ci n’avait
pas pu contester les éléments retenus par les juridictions internes pour justifier de son placement
en détention, son avocat n’ayant pas eu accès au dossier. Le principe de l’égalité des armes
n’avait donc pas été respecté.
Le Gouvernement reconnaît la méconnaissance de l’exigence d’équité posée par l’article 5 § 4
de la Convention.
La Cour rappelle le principe de l’égalité des armes entre les parties.65 Ce principe n’est pas
respecté dès lors que l’avocat ne peut consulter les pièces du dossier qui revêtent une
importance essentielle pour une contestation efficace de la légalité de la détention de son
client.66
Adoptant le raisonnement de la Chambre, à l’unanimité, la Cour “juge que la procédure au
travers de laquelle le requérant a cherché à contester la légalité de sa détention provisoire a
méconnu l’exigence d’équité de l’article 5 § 4 de la Convention” (§ 125).
N L’opinion partiellement dissidente des juges Rozakis, Tulkens, Casadevall, Gyulumyan,
Hajiyev, Spielmann, Berro-Lefèvre et Bianku est annexée à l’arrêt.
jjj
Stagno c. Belgique
7 juillet 2009
- req. n/ 1062/07 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -
T Faits :
Les requérantes sont deux soeurs de nationalité italienne et résidant en Belgique. A la suite du
décès de leur père, elles bénéficièrent d’une assurance décès souscrite à leur profit auprès de
la société Fortis AG. Leur mère, administratrice légale de leur patrimoine, reçut de l’assureur une
somme qu’elle déposa sur des livrets bancaires et qu’elle vida en moins d’un an.
En 1996 et 1997, les requérantes engagèrent chacune une action à l’encontre de leur mère et
de la société Fortis Banque. Au cours de la procédure, elles passèrent un accord avec leur mère
par lequel celle-ci s’engageait à leur verser un tiers des sommes leur revenant, en contrepartie
de quoi, elles renonçaient à leur action à son encontre.
Leur recours contre Fortis Banque fut rejeté le 3 novembre 2000 par le tribunal belge qui jugea
que la disposition légale selon laquelle toute action dérivant d’une police d’assurance est
prescrite après trois ans à compter de l’événement qui y donne ouverture, devait s’appliquer
sans exception, indépendamment de la capacité juridique des parties.
Les requérantes firent appel de cette décision en 2004. Mais la cour d’appel rejeta l’argument
65 Notamment, CEDH, Garcia Alva c. Allemagne, 13 févier 2001, req. n/ 23541/94, § 39 ; CEDH, Svipsta c. Lettonie,9 mars
2006, req. n/ 66820/01, §129, CEDH 2006.
66 CEDH, Lamy c. Belgique, 30 mars 1989, §29, série A n/ 151 ; CEDH, Nikolova c. Bulgarie (GC), 25 mars 1999, req. n/
31195/96, § 58, CEDH 1999-II ; CEDH, Schöps c. Allemagne, 13 février 2001, req. n/ 25116/94, § 44 ; CEDH, Chichkov c.
Bulgarie, 9 janvier 2003, req. n/ 38822/97, § 77, CEDH 2003-I ; CEDH, Svipsta c. Lettonie, 9 mars 2006, req. n/ 66820/01, §129,
CEDH 2006.
-58-
tiré de leur impossibilité légale d’agir en raison de leur minorité à l’époque des faits.
Le pourvoi en cassation des requérantes fut également rejeté en 2006, au motif que le but
poursuivi par la prescription, à savoir éviter la disparition des preuves et des moyens de
vérification, ne pouvait être rempli s’il était loisible aux assurés ou leurs ayant droits d’introduire
un recours de nombreuses années après l’événement ayant ouvert leurs droits.
T Griefs :
Les requérantes exposaient avoir été privées de leur droit d’accès à un tribunal au sens de
l’article 6 de la Convention. En effet, la prescription n’ayant pas été suspendue durant leur
minorité alors que, selon le droit italien applicable, il leur était impossible d’agir en justice sans
curateur spécial, elles estimaient que les juridictions belges les avaient privées de tout recours
effectif devant un juge.
Selon le Gouvernement belge, la règle prévue par l’article 2252 du code civil relative à la
prescription qui ne court pas contre les mineurs résulte de l’impératif de sécurité juridique pour
les compagnies d’assurances et vise à la prévention de la disparition des preuves en cas de
délai de prescription prolongé. Estimant que la qualité de « mineur » ne jouait aucun rôle, il
soulignait que la limitation imposée aux requérantes de saisir le tribunal d’une action n’était pas
absolue puisqu’elle était compensée par la possibilité de faire désigner pendant leur minorité un
tuteur ad hoc ou un curateur spécial et d’ester en justice contre leur mère à l’âge de la majorité,
ce qu’elles ont d’ailleurs fait.
De leur côté, les requérantes reprochaient aux juges nationaux de ne pas avoir tenu compte de
leur situation particulière. Elles soutenaient par ailleurs que la faute de leur mère était accessoire
par rapport à celle commise par la compagnie d’assurance.
T Décision :
La Cour rappelle tout d’abord sa jurisprudence selon laquelle “le « droit à un tribunal », dont le
droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations
implicitement admises. (....)”. Cependant, elle considère que “le droit d’accès à un tribunal se
trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de sécurité juridique et de
bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable
de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente” (§ 25).
S’agissant de la prescription, les juges de Strasbourg indiquent avoir déjà jugé 67 que “les délais
de prescription ont plusieurs finalités importantes, à savoir garantir la sécurité juridique en fixant
un terme aux actions, mettre les défendeurs potentiels à l’abri de plaintes tardives peut-être
difficiles à contrer, et empêcher l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés
à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé à partir d’éléments de preuve
auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé”.
Soulignant que l’existence d’un délai de prescription n’est pas incompatible avec la Convention,
ils précisent qu’il leur revient de vérifier si la nature du délai de prescription en cause ou la
manière dont il a été appliqué est compatible avec la Convention 68. Ils ajoutent enfin qu’un “un
délai de prescription peut atteindre le droit d’accès à un tribunal dans sa substance s’il empêche
le justiciable de se prévaloir d’un recours disponible” 69. (§ 28)
67 CEDH, Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 24 septembre 1996, req. n/ 22083/93 , § 51 ; CEDH, Vo c. France [GC], 8 juillet
2004, req. n/ 53924/00, § 92.
68 CEDH, Phinikaridou c. Chypre,20 décembre 2007, req. n/ 23890/02, § 52.
69 CEDH, Mizzi c. Malte, 12 janvier 2006, req. n/ 26111/02, § 89.
-59-
En l’espèce, la Cour note que les juridictions belges ont jugé que le délai de prescription de trois
ans courait également contre les mineurs et constituait une exception au principe général inscrit
à l’article 2252 du code civil. Puis elle estime que cette loi “vise à assurer la bonne administration
de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, but en soi légitime”
(§ 29).
S’agissant de la proportionnalité de cette limitation d’accès à un tribunal par rapport à ce but
légitime, les juges européens relèvent qu’en vertu de l’article 3 du code civil belge, la législation
italienne s’appliquait pour toutes les questions liées à l’administration des biens des enfants
mineurs. Ainsi, les requérantes étant mineures, elles ne pouvaient pas saisir le juge compétent,
en raison de l’absence de désignation d’un curateur spécial qui est nécessaire pour représenter
les enfants lorsqu’il y a conflit, comme en l’espèce, entre les enfants et leur représentant légal,
en l’occurrence leur mère. Or, la Cour constate que “personne n’a pris l’initiative de demander
la désignation d’un curateur spécial, en application de l’article 321 du code civil italien, et, vu
l’âge des requérantes à l’époque, on ne saurait leur reprocher de ne pas avoir fait elles-mêmes
cette démarche”. (§ 30)
La juridiction européenne relève ensuite qu’à leur majorité, les requérantes ont introduit une
action contre leur mère et contre la société d’assurance Fortis AG, et que le recours contre
l’assureur a été déclaré irrecevable en raison de l’expiration du délai de prescription.
Au regard de ces divers éléments, la Cour considère “qu’il était pratiquement impossible aux
requérantes de défendre leurs biens contre la société Fortis AG avant d’avoir atteint l’âge de la
majorité et que leur action contre cette société était prescrite lorsqu’elles ont atteint l’âge de la
majorité.” Si le recours en reddition de compte de tutelle que les requérantes ont introduit contre
leur mère et auquel elles ont finalement renoncé, leur aurait permis d’obtenir une réparation en
principe intégrale du dommage subi, la Cour souligne que la question ici posée concerne l’action
dirigée contre la société Fortis AG, “et que ce sont les limitations apportées au droit de soumettre
cette action à un tribunal qui constituent l’objet du présent grief”. Elle poursuit en affirmant que
“Le fait que les requérantes ont introduit une demande contre leur mère, puis ont décidé de ne
plus la poursuivre, ne devait en principe avoir aucune incidence sur leur droit d’introduire une
demande contre la société Fortis AG et d’obtenir une décision sur le fond de cette demande.
Cela est d’autant plus vrai que, comme l’affirment les requérantes, la responsabilité de la
compagnie d’assurance était la responsabilité primaire, tandis que la responsabilité de leur mère
n’était qu’une responsabilité accessoire”. (§ 32)
Selon les juges de Strasbourg, “l’application rigide du délai de prescription, qui ne tient pas
compte des circonstances particulières de l’affaire, a, en l’espèce, empêché les requérantes de
faire usage d’un recours qui leur était en principe disponible” 70. (§ 33)
En conséquence, ils estiment que “la limitation au droit d’accès à un tribunal imposée aux
requérantes n’était pas proportionnée au but visant à garantir la sécurité juridique et la bonne
administration de la justice” et ils concluent, par six voix contre une, à la violation de l’article 6 § 1
de la Convention.
jjj
70 Mutatis mutandis, CEDH, Shofman c. Russie, 24 novembre 2005, req. n/ 74826/01, § 43.
-60-
DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ RENDUES PAR LA
COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Union fédérale des Consommateurs Que Choisir de Côte d’Or c. France
30 juin 2009
- req. n/ 39699/03 - Décision d’irrecevabilité - Article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention et article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à
la Convention (protection de la propriété) -
T Faits :
La requérante, l’Union fédérale des Consommateurs Que Choisir de Côte d’Or est intervenue
dans le projet du « TVG Rhin Rhône ». Ce projet suivit son cours jusqu’à l’ouverture de l’enquête
publique le 29 mai 2000. Le 25 janvier 2002, le décret « déclarant d’utilité publique et urgents
les acquisitions foncières et les travaux de construction de la nouvelle liaison ferroviaire (...) dite
« branche Est du TGV Rhin-Rhône » fut pris, après que le Conseil d’Etat (section des travaux
publics) eut été entendu. Estimant que le projet soumis à enquête ne correspondait pas à celui
décrit dans le schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse qui avait fait
l’objet des études précédentes, car l’enquête publique ne portait que sur la branche Est, laquelle
était devenue un projet « autonome et distinct », la requérante ainsi que d’autres associations
saisirent le Conseil d’Etat de demandes tendant à l’annulation de ce décret.
En janvier 2002, l’association requérante demanda au ministre de l’équipement de lui adresser
une copie de la délibération de la Section des travaux publics du Conseil d’Etat. Cette demande
fut rejetée au motif que les avis du Conseil d’Etat ne font pas partie des documents administratifs
communicables de plein droit. La requérante décida de saisir la Commission d’accès aux
documents administratifs, qui, le 1er octobre 2003, se déclara incompétente pour se prononcer
sur cette demande, les avis rendus par le Conseil d’Etat n’étant pas considérés comme des
documents administratifs et n’entrant donc pas dans son champs de compétence.
Par un arrêt en date du 2 juin 2003, le Conseil d’Etat rejeta les requêtes contentieuses en
considérant le dossier soumis à l’enquête publique complet et l’étude d’impact conforme aux
dispositions réglementaires ; il estima que cette étude comportait une analyse précise de l’état
initial de l’environnement et des impacts du projet sur celui-ci. Selon la Haute juridiction, la
circonstance que ces analyses étaient présentées par section du projet de voie ferroviaire ne
pouvait être regardée comme constituant un obstacle à l’information du public. Enfin, il ne
ressortait pas de l’examen de ces documents que certains effets du projet auraient été omis ou
mentionnés de manière incomplète.
T Griefs :
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, l’association requérante se plaignait de ne pas avoir
reçu, dans le cadre de la procédure devant le Conseil d’Etat, communication des conclusions
du commissaire du Gouvernement.
Estimant que sa cause n’avait pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et
-61-
impartial, la requérante appuyait son grief tiré du défaut d’impartialité du Conseil d’Etat sur les
trois circonstances suivantes : l’examen d’une requête tendant à l’annulation d’un décret
ministériel, alors qu’il dépend du chef du gouvernement, le place en situation de juge et partie ;
lorsque l’inscription au rôle de l’assemblée du contentieux est proposée au vice-président, le
premier ministre en est tenu informé ; le Conseil d’Etat était co-auteur du décret contesté devant
lui, puisque ledit décret avait été pris sur son avis.
Reprochant également au Conseil d’Etat son absence d’impartialité structurelle, elle soulignait
le cumul des attributions consultatives et juridictionnelles, ainsi que le principe de la « double
affectation » : des membres de la juridiction seraient de la sorte conduits à examiner des actes
administratifs sur lesquels ils ont précédemment rendu un avis. Elle indiquait en outre que le seul
fait qu’elle n’ait pu vérifier la composition des deux formations de section (administrative et
contentieuse) en raison du refus de communication de l’avis du Conseil d’Etat, constituait en soi
une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
Enfin, l’association requérante soutenait que dans l’hypothèse où la Cour conclurait à la violation
de l’article 6 § 1 de la Convention, elle devrait en déduire que les expropriations réalisées sur
le fondement du décret contesté devant le Conseil d’Etat sont illégales et, en conséquence,
méconnaissent le droit au respect des biens au sens de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1
à la Convention.
T Décision :
Sur le défaut de communication des conclusions du commissaire du gouvernement, la Cour
rappelle avoir déjà jugé que “le défaut de communication aux parties, avant l’audience, des
conclusions du commissaire du gouvernement n’emporte pas violation de l’article 6 § 1 de la
Convention” 71. Elle considère donc que cette partie de la requête, manifestement mal fondée,
doit être déclarée irrecevable et rejetée.
Concernant la violation alléguée du droit de la requérante à ce que sa cause soit entendue par
un tribunal indépendant et impartial, les juges de Strasbourg s’interrogent sur le point de savoir
si le Conseil d’Etat possédait « l’apparence » d’indépendance requise ou l’impartialité
« objective » requise, “les notions d’indépendance et d’impartialité objective étant étroitement
liées” 72 .
Ils se réfèrent tout d’abord à leur jurisprudence Sacilor-Lormines 73 selon laquelle le fait que le
Conseil d’Etat se rapproche organiquement de l’exécutif ne suffit pas à établir un manque
d’indépendance, les modalités de nomination et de déroulement de carrière des membres du
Conseil d’Etat ayant été jugées compatibles avec les exigences de l’article 6 § 1 de la
Convention.
Ils rappellent également que, d’une part, il ne leur appartient pas de statuer de manière abstraite
sur la question de savoir si les attributions consultatives du Conseil d’Etat sont compatibles avec
ses fonctions juridictionnelles et les exigences d’indépendance et d’impartialité qu’elles
impliquent, et que d’autre part, le principe de la séparation des pouvoirs n’est « pas déterminant
dans l’abstrait ». Il leur revient donc seulement de déterminer, dans chaque espèce, si l’avis
rendu par la haute juridiction a constitué “une sorte de préjugement” de l’arrêt en cause
“entraînant un doute sur l’impartialité « objective » de la formation de jugement du fait de
71 CEDH, Kress c. France, [GC], 20 février 2000, req. n/ 39594/98, §§ 72-76.
72 CEDH, Sacilor-Lormines, 9 novembre 2006, req. n/ 65411/01, § 62, résumé dans la veille bimestrielle n/ 12 (novembredécembre 2006), p. 9.
73 CEDH, arrêt précité Sacilor-Lormines.
-62-
l’exercice successif des fonctions consultatives et juridictionnelles” 74.
En l’espèce, il apparaît qu’aucun membre de la formation de jugement saisie de la demande
d’annulation du décret du 25 janvier 2002 n’avait précédemment participé à la formation qui avait
rendu l’avis sur ce texte. Ainsi les circonstances en cause diffèrent fondamentalement sur ce
point de celles des affaires Procola 75 et Kleyn et autres 76.
La Cour européenne en déduit que “les craintes de l’association requérante quant à
l’indépendance et à l’impartialité de la formation qui a jugé sa cause ne sauraient passer pour
objectivement justifiées”.
Elle indique par ailleurs qu’il ne saurait davantage être soutenu qu’il y avait “eu violation de
l’article 6 § 1 du seul fait que, faute d’avoir pu obtenir une copie de l’avis litigieux, elle ne fut pas
en mesure de vérifier si des membres de la formation qui a jugé sa cause avaient siégé dans
celle qui avait rendu celui-ci”. Partant, la Cour décide de déclarer irrecevable cette partie de la
requête et de la rejeter.
La juridiction européenne évoque ensuite les autres violations alléguées de l’article 6 § 1 de la
Convention, et en particulier l’absence de contrôle par le Conseil d’Etat de la matérialité des faits
et son silence sur la régularité de la mise en place des « comités de pilotage ».
Sur ces questions, elle rappelle en premier lieu qu’aux termes de l’article 19 de la Convention,
elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les
Parties contractantes, mais qu’il “ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit
prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs
pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention” 77 et qu’elle “n’a
pas à se substituer aux autorités nationales pour trancher une question relevant de
l’interprétation du droit interne” 78. En conséquence, elle affirme que son “rôle se limite à ce stade
à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation” et “estime à cet
égard que la procédure a, en l’espèce, satisfait aux exigences de la Convention”. Elle déclare
cette partie de la requête irrecevable.
Enfin, sur la violation alléguée de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention, les
juges européens estiment que “ce grief est incompatible ratione personae avec les dispositions
de la Convention, l’association requérante ne pouvant se prétendre elle-même victime de la
violation alléguée du droit au respect des biens”.79 Ils décident donc de déclarer cette partie de
la requête irrecevable et de la rejeter.
jjj
74 CEDH, Sacilor-Lormines, (précité) §§ 70-74.
75 CEDH, Procola c. Luxembourg, 29 septembre 1995, req. n/ 14570/89.
76 CEDH, Kleyn et autres c. Pays-bas, 6 mai 2003, req. n/ 39343/98.
77 CEDH, García Ruiz c. Espagne [GC], 21 janvier 1999, req. n/ 30544/96, § 28.
78 CEDH, Edificaciones March Gallego s.a. c. Espagne, 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 33.
79 CEDH, Marionneau et association française des hémophiles c. France, 25 avril 2002, req. n/ 77654/01.
-63-
Décisions d’irrecevabilité relatives aux signes religieux ostensibles
Aktas c. France
- req. n/ 43563/08 -
Bayrak c. France
- req. n/ 14308/08 -
Gamaleddyn c. France
- req. n/ 18527/08 -
Ghazal c. France
- req. n/ 29134/08 -
Singh c. France
-req. n/ 25463/08 -
Singh c. France
- req. n/ 27561/08 -
30 juin 2009
- article 9 (liberté de conscience, de pensée et de religion) combiné à l’article 14 (interdiction de
discrimination) de la Convention, article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, article 2
du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (droit à l’instruction), article 4 du protocole additionnel n/ 7
à la Convention (droit de ne pas être jugé ou puni deux fois) -
T Faits :
Mlles Aktas, Bayrak, Gamaleddyn, Ghazal et MM. Singh étaient inscrits pour la rentrée scolaire
2004-2005 dans différents établissements publics. Le jour de la rentrée, les jeunes filles, de
confession musulmane, se présentèrent avec les cheveux couverts d’un voile ou d’un
couvre-chef. MM. Singh étaient coiffés du « keski », le sous-turban porté par les Sikhs.
Les proviseurs estimèrent que ces accessoires étaient contraires aux dispositions législatives
interdisant le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement l’appartenance à une
religion. Face au refus des élèves de les retirer, on leur refusa l’accès aux salles de classe. Mlles
Bayrak, Gamaleddyn et Aktas substituèrent un bonnet à leur voile.
Après une période de dialogue avec les familles, le conseil de discipline des établissements
prononça l’exclusion définitive des élèves pour non-respect des dispositions de l’article L.
141-5-1 du code de l’éducation. Les recteurs d’académie concernés confirmèrent cette décision,
que les intéressés contestèrent devant les tribunaux administratifs. Leurs demandes furent
rejetées en première instance et en appel.
Dans les affaires Bayrak, Gamaleddyn et Aktas, la demande des requérants de bénéficier de
l’aide juridictionnelle en vu de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État fut refusée pour
absence de moyens sérieux de cassation. Malgré ce refus, Mlle Aktas et les parents de MM.
Singh intentèrent des recours devant le Conseil d’État qui furent rejetés. Concernant M.M.
Singh, le Conseil estima que le « keski » sikh ne pouvait être qualifié de signe discret. Il conclut
que, en portant ce signe, les requérants avaient manifesté ostensiblement leur appartenance
religieuse et méconnu l’interdiction posée par la loi.
T Griefs :
Invoquant notamment l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) combiné avec
l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, les requérants se plaignaient de
l’interdiction du port d’un couvre-chef imposée par leurs établissements scolaires, et alléguaient
avoir été victimes d’une différence de traitement fondée sur leur religion.
Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable), Mlles Aktas et
-64-
Bayrak contestaient le manque d’impartialité de la procédure disciplinaire et, avec Mlle
Gamaleddyn, le refus des juridictions françaises d’examiner en dernière instance la décision du
conseil de discipline.
Invoquant l’article 2 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (droit à l’instruction), Mlles
Aktas, Ghazal, Bayrak et MM. Singh se plaignaient de s’être vu refuser l’accès aux
établissements concernés.
Invoquant l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention (droit à ne pas être jugé ou
puni deux fois), les parents de Mlle Gamaleddyn dénonçaient le fait que leur fille avait d’une part
été privée d’accès aux cours, et d’autre part, sanctionnée par l’exclusion.
T Décision :
- Concernant les violations alléguées de l’article 9 de la Convention :
La Cour décide d’examiner sous l’angle de l’article 9 les différents griefs relatifs aux allégations
d’atteinte à la liberté religieuse. Elle rappelle que “le port du foulard peut être considéré comme
un acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction religieuse”.80 Elle indique que
l’interdiction faite à l’élève de porter une tenue ou un signe manifestant son appartenance
religieuse et la sanction y étant liée est constitutive d’une restriction au sens du second
paragraphe de l’article 9 de la Convention.
Enfin, elle reconnaît que l’ingérence en cause poursuivait des buts légitimes (la protection des
droits et libertés d’autrui et de l’ordre public) et qu’elle était « nécessaire dans une société
démocratique ».
S’agissant de la proportionnalité d’une telle ingérence, les juges de Strasbourg indiquent que
si l’article 9 de la Convention énumère les diverses formes que peut prendre la manifestation
d’une religion, il ne protège cependant pas “n’importe quel acte motivé ou inspiré par une religion
ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter d’une manière dictée par une
conviction religieuse”.81
Insistant sur l’importance du rôle de l’État comme “organisateur neutre et impartial de l’exercice
des diverses religions, cultes et croyances”, ils rappellent l’esprit de compromis nécessaire pour
sauvegarder les valeurs d’une société démocratique. Ils réaffirment par ailleurs que “l’Etat peut
limiter la liberté de manifester une religion (...) si l’usage de cette liberté nuit à l’objectif visé de
protection des droits et des libertés d’autrui, de l’ordre et de la sécurité publique” 82.
La juridiction européenne se réfère aux affaires françaises Dogru et Kervanci,83 dans lesquelles
elle a déjà examiné la question de la limitation des signes religieux dans les établissements
scolaires publics français. Elle estime, qu’en l’espèce, même si l’ingérence litigieuse concernait
l’ensemble des cours, cette jurisprudence trouve à s’appliquer.
Elle constate que l’interdiction de tous les signes religieux ostensibles dans l’ensemble des
établissements scolaires publics est motivée par la sauvegarde du principe constitutionnel de
laïcité, objectif conforme aux valeurs sous-jacentes à la Convention et à la jurisprudence de la
Cour.
La Cour considère que la position des autorités françaises selon laquelle le port permanent de
80 CEDH, Leyla Sahin c. Turquie [GC], 10 novembre 2005, req. n/ 44774/98, § 78.
81 CEDH, Leyla Sahin c. Turquie, précité, § 105.
82 CEDH, Leyla Sahin c. Turquie, précité, § 111.
83 CEDH, Dogru C. France et CEDH, Kervanci c. France, 4 décembre 2008, req. n/ 31645/04 et req. n/ 27058/05), résumé dans
la veille bimestrielle n/ 22 (novembre-décembre 2008), p. 27.
-65-
couvre-chefs de substitution (telle que le bonnet de Mlle Aktas) constituait aussi une
manifestation ostensible d’appartenance religieuse relève de la marge d’appréciation des Etats
membres. Elle observe que cette position s’inscrit dans l’autre objectif de la loi de 2004 qui
consiste à répondre à l’apparition de nouveaux signes d’appartenance religieuse, voire à
d’éventuelles tentatives de contournement de la loi.
Concernant la sanction d’exclusion définitive, les juges européens estiment qu’elle n’est pas
disproportionnée, les élèves ayant eu la possibilité de poursuivre leur scolarité au sein
d’établissements d’enseignement à distance. L’ingérence des autorités dans leur droit à la liberté
d’exprimer leur religion était donc justifiée et proportionnée par rapport à l’objectif visé. En
conséquence, les griefs tirés de l’article 9 de la Convention doivent être rejetés pour défaut
manifeste de fondement.
Concernant les griefs des requérants Gamaleddyn relatifs à la procédure mise en œuvre par le
collège jusqu’à l’exclusion de leur fille, la Cour estime que les autorités scolaires, tout en faisant
respecter les règles en vigueur, ont assuré à la jeune fille un suivi pédagogique pendant la
période de dialogue prévue par la loi. Cette période transitoire n’a été ni illégale ni arbitraire ;
cette partie de la requête de M. et Mme Gamaleddyn est donc manifestement mal fondée et doit
être rejetée.
Enfin, les dispositions litigieuses s’appliquant à tous les signes religieux ostensibles et ayant
“pour finalité de préserver le caractère neutre et laïc des établissements d’enseignement”, la
Cour rejette également comme manifestement mal fondée, la partie de la requête de Mlles
Ghazal et Aktas et de MM. Singh, relative à l’article 14, en relation avec l’article 9.
- Concernant les violations alléguées de l’article 6 § 1 de la Convention :
Concernant le grief tiré de l’iniquité de la procédure dans les affaires Bayrak, Gamaleddyn et
Aktas
La Cour considère que cette partie de la requête doit être rejetée. En effet, la décision des
conseils de discipline a été soumise au contrôle du tribunal administratif et de la cour
administrative d’appel, organes jouissant de la compétence de pleine juridiction et devant
lesquels les requérants ont pu faire valoir leurs arguments.
Concernant le refus d’accorder l’aide juridictionnelle en vue d’un recours devant le Conseil d’État
dans l’affaire Gamaleddyn
La juridiction européenne note que ce refus était motivé par le souci légitime de n’allouer des
deniers publics qu’aux demandes ayant une chance d’aboutir. Elle souligne que la composition
du bureau d’aide juridictionnelle offre des garanties substantielles quant à l’équité de ses
décisions. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 de la Convention, cette partie de leur
requête est donc rejetée.
Dans la même affaire, le grief tiré de la durée de la procédure est également rejeté pour non
épuisement des voies de recours internes, les requérants n’ayant pas utilisé le recours en
responsabilité contre l’État français pour fonctionnement défectueux du service public de la
justice.
- Concernant les violations alléguées de l’article 2 du Protocole additionnel n/ 1 :
Mlles Ghazal et Aktas, de M. Bayrak et de MM. Singh invoquaient l’article 2 du Protocole
additionnel n/ 1. La Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose sous cet angle, les
-66-
circonstances pertinentes étant les mêmes que pour l’article 9. En conséquence, elle décide qu’il
n’y a pas lieu de les examiner.
- Concernant les violations alléguées de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 :
M. et Mme Gamaleddyn, invoquaient l’article 4 du Protocole n/ 7, exposant que leur fille aurait
été punie deux fois pour les mêmes faits. La Cour rejette cette partie de la requête, cette
disposition ne s’appliquant qu’au domaine pénal.
jjj
-67-
ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE
ET DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
84 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr
-68-
84
LISTE DES ARRÊTS ET CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX
CI-APRÈS COMMENTÉS
classement par domaine
ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE
- CJCE, Zuid-Chemie BV c/ Philippo’s Mineralenfabriek NV/ SA, 16 juillet 2009, C-189/08,
p. 70.
LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
- CJCE, Olympique Lyonnais c/ Olivier Bernard et Newcastle United, conclusions de l’Avocat
général Mme E. Sharpston présentées le 16 juillet 2009, C 325/08, p. 85.
POLITIQUE SOCIALE
- CJCE, Evangelina Gómez-Limón Sánchez-Camacho c/ Instituto Nacional de la Seguridad
Social (INSS), Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS), Alcampo SA,16 juillet
2009, C-537/07, p. 73
- CJCE, Rodríguez Mayor e.a. c/ Succession vacante de Rafael de las Heras Dávila et Sagrario
de las Heras Dávila, conclusions de l’Avocat général M. Paolo Mengozzi présentées le 16 juillet
2009, C 323/08, p. 87.
- CJCE, Seda Kücükdeveci c/ Swedex GmbH & Co. KG, conclusions de l’Avocat général M.
Yves Bot présentées le 7 juillet 2009, C 555/07, p. 88.
PRINCIPES DU DROIT COMMUNAUTAIRE
- CJCE, Transportes Urbanos y Servicios Generales SAL c/ Administración del Estado
conclusions de l’Avocat général M. M. Poiares Maduro présentées le 9 juillet 2009 C 118/08,
p. 90.
SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS
- CJCE, Petra von Chamier-Glisczinski c/ Deutsche Angestellten-Krankenkasse 16 juillet
2009, C-208/07, p. 78.
-69-
ESPACE DE LIBERTÉ DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE
Zuid-Chemie BV c/ Philippo’s Mineralenfabriek NV/ SA
16 juillet 2009
- C-189/08 « Coopération judiciaire en matière civile et commerciale - Compétence judiciaire et exécution des
décisions - Règlement (CE) n/ 44/2001 - Notion de “lieu où le fait dommageable s’est produit” »
T Faits :
Zuid-Chemie est une entreprise de production d’engrais établie à Sas van Gent (Pays-Bas). Au
cours du mois de juillet 2000, elle a acheté deux lots d’un produit dénommé « micromix » à HCI
Chemicals Benelux BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas). HCI, n’étant pas en mesure de
fabriquer elle-même le micromix, elle s’est adressée à la société Philippo’s Mineralenfabriek
NV/SA, établie à Essen (Belgique), qui en a assuré la fabrication. Zuid-Chemie est ensuite allée
prendre livraison de ce produit en Belgique.
Il est apparu que l’engrais ne pouvait plus être utilisé ou ne pouvait l’être que dans une moindre
mesure, ce qui aurait causé un préjudice à la société Zuid-Chemie.
Le 17 janvier 2003, Zuid-Chemie a cité Philippo’s devant le Rechtbank Middelburg (Pays-Bas)
qui s’est déclaré incompétent pour connaître du litige en considérant que le dommage initial subi
par Zuid-Chemie s’était produit à Essen, lieu de livraison du produit.
En appel, le Gerechtshofte’s-Gravenhage (Cour d’appel de La Haye) a confirmé le jugement de
première instance. Un pourvoi en cassation a été formé par Zuid-Chemie.
Le Hoge Raad der Nederlanden a considéré que le débat portait sur la notion de « lieu où le fait
dommageable s’est produit » et a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des
communautés européennes.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5 point 3 du règlement (CE)
n/44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L12, p1).
L’article 5 point 3 du règlement n/ 44/2001/CE énonce que :
« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État
membre :
[…]
3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait
dommageable s’est produit ou risque de se produire ; […] »
Les questions posées par le Hoge Raad der Nederlanden à la Cour sont les suivantes :
« 1) l’article 5, point 3, du règlement n/ 44/2001 doit-il être interprété en ce sens que dans le cadre
d’un litige tel que celui au principal, les termes “lieu où le fait dommageable s’est produit”
désignent le lieu de la livraison du produit défectueux à l’acheteur ou s’ils font référence au lieu
où le dommage initial est survenu du fait de l’utilisation normale du produit aux fins auxquelles il
est destiné ?
-70-
2) dans l’hypothèse où il serait répondu à la première question que l’article 5, point 3, du règlement
n/ 44/2001 doit être interprété en ce sens que les termes “lieu où le fait dommageable s’est
produit” visent le lieu où le dommage initial est survenu du fait de l’utilisation normale du produit
aux fins auxquelles il est destiné, ce dommage doit-il consister en un dommage physique aux
personnes ou aux choses ou peut-il s’agir (à ce stade) d’un dommage purement financier ? »
T Décision de la Cour de justice :
- Sur la première question :
La Cour rappelle que les dispositions du règlement n/ 44/2001/CE doivent être interprétées de
manière autonome en se référant au système et aux objectifs de celui-ci . Elle considère en outre
que puisque le règlement n/44/2001/CE remplace la « convention de Bruxelles » du 27
septembre 1968 relative à la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile
et commerciale (JO 1972, L299, p32), l’interprétation donnée par la Cour de cette dernière vaut
également pour le règlement lorsque les dispositions de ces normes sont équivalentes.
Les juges luxembourgeois précisent que “le système des attributions de compétences
communes, prévues au titre II de cette convention, est fondé sur la règle de principe, énoncée
à l’article 2, premier alinéa, de celle-ci, selon laquelle les personnes domiciliées sur le territoire
d’un État contractant sont attraites devant les juridictions de cet État, indépendamment de la
nationalité des parties” (point 20). Toutefois, le titre II, section 2, de la convention de Bruxelles
prévoit, par dérogation à ce principe, un certain nombre d’attributions de compétences spéciales,
parmi lesquelles figure celle de l’article 5, point 3, de cette convention. Ces règles de
compétence spéciales sont d’interprétation stricte.
La Cour note néanmoins que lorsque “le lieu où se situe le fait susceptible d’engager une
responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle et le lieu où ce fait a entraîné un dommage ne sont
pas identiques, l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit », qui figure à l’article 5,
point 3, de la convention de Bruxelles, doit être entendue en ce sens qu’elle vise à la fois le lieu
où le dommage est survenu et le lieu de l’évènement causal qui est à l’origine de ce dommage,
de sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l’un ou
de l’autre de ces deux lieux” (§ 23). Cette règle se justifie par des raisons de bonne
administration de la justice et d’organisation utile du procès .
Le débat porte ici sur la détermination du lieu où le dommage est survenu qui est “celui où le fait
susceptible d’engager une responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle a entraîné un dommage”
(point 23). Le lieu de « la matérialisation du dommage » est celui où le fait générateur déploie
ses effets dommageables, c’est-à-dire celui où le dommage entraîné par le produit défectueux
se manifeste concrètement tandis que le lieu où s’est réalisé le fait ayant endommagé le produit
lui-même est celui où l’événement causal est intervenu. En l’espèce, le lieu où le dommage est
survenu est l’usine de Zuid-Chemie sise aux Pays-Bas.
La Cour dit pour droit (dispositif) : “ L’article 5, point 3, du règlement (CE) n/ 44/2001 du
Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance
et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce
sens que dans le cadre d’un litige tel que celui au principal, les termes «lieu où le fait
dommageable s’est produit» désignent le lieu où le dommage initial est survenu du fait
de l’utilisation normale du produit aux fins auxquelles il est destiné”
- Sur la deuxième question :
Selon la Cour de justice ne juge pas utile de répondre à cette question. En effet, “le dommage
-71-
initial subi par Zuid-Chemie consistant en un dommage physique aux choses, force est de
constater que la question de savoir si un dommage purement financier aurait, à ce stade, suffi
pour aboutir à l’interprétation énoncée au point 32 du présent arrêt revêt un caractère
hypothétique.
Compte tenu de cette constatation et au regard de la fonction confiée à la Cour, qui est de
contribuer à l’administration de la justice dans les États membres et non de formuler des
opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, (...) il n’y a pas lieu de
répondre à la seconde question” (points 35 et 36).
jjj
-72-
POLITIQUE SOCIALE
Evangelina Gómez-Limón Sánchez-Camacho c/ Instituto Nacional de la
Seguridad Social (INSS), Tesorería General de la Seguridad Social
(TGSS), Alcampo SA,
16 juillet 2009
- C-537/07 « Directive 96/34/CE - Accord-cadre sur le congé parental - Droits acquis ou en cours d’acquisition au
début du congé - Continuité dans la perception de prestations de sécurité sociale au cours du congé Directive 79/7/CEE - Principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de
sécurité sociale - Acquisition de droits à une pension d’invalidité permanente pendant le congé
parental »
T Faits :
Mme Gomez-Limon Sanchez-Camacho est employée depuis le 17 décembre 1986, comme
auxiliaire administrative, à temps plein, par Alcampo SA, entreprise exerçant son activité dans
le secteur de la grande distribution.
A compter du 6 décembre 2001, elle bénéficia du régime de réduction du temps de travail
applicable aux travailleurs ayant la garde légale d’un enfant de moins de six ans, conformément
à la législation alors en vigueur, et le temps de travail journalier de l’intéressée fut donc réduit
d’un tiers. Parallèlement, sa rémunération et le montant des cotisations versées tant par
l’entreprise que par l’intéressée au régime général de la sécurité sociale furent diminués dans
la même proportion.
Une décision de l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (« INSS »), du 30 juin 2004 reconnut
que Mme Gómez Limón Sánchez Camacho était atteinte d’une invalidité permanente totale
l’empêchant d’exercer sa profession habituelle et qu’elle avait droit à une pension s’élevant à
55 % d’une assiette égale à 920,33 euros mensuels.
L’intéressée a saisi le Juzgado de lo Social n/ 30 de Madrid devant lequel elle a fait valoir que,
« même si le calcul effectué tient compte des cotisations réellement versées, celles-ci ont été
minorées proportionnellement à la réduction de son salaire consécutive à la diminution de son
temps de travail durant la période de congé parental qui lui a été accordée pour s’occuper d’un
enfant mineur, alors que sa pension aurait dû être calculée sur la base du montant des
cotisations correspondant à une activité à temps plein. Elle soutient que le calcul qui lui a été
appliqué revient à priver d’effet pratique une mesure destinée à promouvoir l’égalité devant la
loi et à éliminer la discrimination fondée sur le sexe » (point 20).
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La question préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 2, points 6 et 8 de l’accord-cadre
sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995 figurant en annexe de la directive 96/34/CE
du Conseil du 3 juin 1996 ainsi que de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978
relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et
-73-
femmes en matière de sécurité sociale.85
La clause 2 points 6 et 8 de l’accord-cadre sur le congé parental dispose :
« 6. Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé
parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé
parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions
collectives ou de la pratique nationale, s’appliquent.
8. Toutes les questions de sécurité sociale liées au présent accord devront être examinées et
déterminées par les États membres conformément à la législation nationale, en tenant compte de
l’importance de la continuité des droits aux prestations de sécurité sociale pour les différents
risques, en particulier les soins de santé. »
Le premier considérant de la directive 79/7/CEE énonce :
« Considérant que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février
1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes
en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les
conditions de travail [(JO L 39, p. 40)], prévoit que le Conseil, en vue d’assurer la mise en œuvre
progressive du principe de l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale, arrêtera [... ] des
dispositions qui en préciseront, notamment, le contenu, la portée et les modalités d’application
[...] »
L’article 7 de la directive 79/7/CEE dispose:
« 1. La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu’ont les États membres d’exclure de
son champ d’application : […]
b) les avantages accordés en matière d’assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé
des enfants ; l’acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d’interruption
d’emploi dues à l’éducation des enfants ; […] »
Les questions posées par le Juzgado de lo Social n/ 30 de Madrid à la Cour sont les suivantes :
1) « est-il possible que la jouissance de cette période de congé parental, dans le cas de la
réduction du temps de travail et du salaire dont bénéficient les personnes s’occupant d’enfants
mineurs, affecte les droits en cours d’acquisition du travailleur ou de la travailleuse bénéficiant de
ce congé parental, et le principe du maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition peut-il être
invoqué par les particuliers devant les institutions publiques d’un État ? »
2) « la formulation “droits acquis ou en cours d’acquisition” figurant dans la clause 2 de
l’accord-cadre sur le congé parental, comprend-elle seulement les droits relatifs aux conditions de
travail et concerne-t-elle uniquement la relation contractuelle de travail avec l’entrepreneur ou
affecte-t-elle au contraire le maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition en matière de
sécurité sociale ; l’exigence de la ‘continuité des droits aux prestations de sécurité sociale pour les
différents risques’ énoncée dans la clause 2 peut-elle être considérée comme respectée par le
régime examiné en l’espèce qui a été appliqué par les autorités nationales et, le cas échéant, ce
droit à la continuité des droits aux prestations sociales peut-il être invoqué devant les autorités
publiques d’un État membre au motif qu’il est suffisamment précis et concret ? »
3) « les dispositions communautaires sont-elles compatibles avec une législation nationale qui,
durant la période de réduction du temps de travail pour cause de congé parental, diminue la
pension d’invalidité devant être touchée par rapport à celle qui aurait été applicable avant ce congé
et entraîne également la réduction du droit à de futures prestations et à la consolidation de
celles-ci proportionnellement à la réduction du temps de travail et du salaire ? »
4) « Les juridictions nationales étant tenues d’interpréter le droit national à la lumière des
obligations énoncées dans la directive, pour faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que
85 JO 1979, L6, p24.
-74-
les objectifs fixés par la législation communautaire soient atteints, cette obligation doit-elle être
appliquée aussi à la continuité des droits en matière de sécurité sociale pendant la période de
jouissance du congé parental et, concrètement, dans les cas où il est fait usage d’une modalité
de congé partiel ou de réduction du temps de travail telle que celle utilisée en l’espèce? »
5) « le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, et, en particulier, le principe
de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, au sens de la
directive 79/7, s’oppose-t-il à ce que, pendant la période de congé parental à temps partiel, un
travailleur acquière des droits à une pension d’invalidité permanente en fonction du temps de
travail effectué et du salaire perçu et non comme s’il avait exercé une activité à temps plein ? »
T Décision de la Cour de justice :
- Sur la seconde partie de la première question :
La Cour doit ici déterminer si la clause 2 point 6 de l’accord-cadre peut être invoquée par des
particuliers devant une juridiction nationale à l’encontre des autorités publiques.
Elle rappelle le principe de l’effet direct vertical des directives communautaires dès lors que ses
dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment
précises 86 et la possibilité de transposer ce principe aux accords “nés d’un dialogue conduit, sur
la base de l’article 139, paragraphe 1, CE, entre partenaires sociaux au niveau communautaire
et qui ont été mis en œuvre, conformément au paragraphe 2 de ce même article, par une
directive du Conseil, dont ils font alors partie intégrante” 87 (point 34).
En l’espèce, la Cour estime le contenu de la clause point 6 de l’accord-cadre sur le congé
parental suffisamment précis. Ainsi, elle juge que “La clause 2, point 6, de l’accord-cadre sur
le congé parental, conclu le 14 décembre 1995, qui figure en annexe de la directive
96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental
conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, peut être invoquée par des particuliers devant une
juridiction nationale” (dispositif, point n/ 1).
- Sur la première partie de la première question, la première partie de la deuxième question, la
troisième question et la seconde partie de la quatrième question :
La juridiction de renvoi demande en substance “si la clause 2, points 6 et 8, de l’accord-cadre
sur le congé parental s’oppose à la prise en compte, lors du calcul de la pension d’invalidité
permanente d’un travailleur, de ce qu’il a bénéficié d’une période de congé parental à temps
partiel pendant laquelle il a cotisé et a acquis des droits à pension en proportion du salaire
perçu, ce qui a pour conséquence l’octroi d’une pension d’un montant inférieur à celui qui lui
aurait été versé s’il avait continué à exercer une activité à temps plein” (point 38).
La Cour constate que la clause en question renvoie à la “législation des Etats membres et aux
conventions collectives pour la détermination du régime du contrat ou de la relation de travail,
y compris la mesure dans laquelle le travailleur, au cours de la période dudit congé, continue à
acquérir des droits à l’égard de l’employeur ainsi qu’au titre de régimes professionnels de
sécurité sociale” (point 40), ainsi que pour “l’examen et la détermination de toutes les questions
de sécurité sociale liées audit accord” (point 41).
Les juges communautaires relèvent que la clause 2, points 6 et 8, de l’accord-cadre n’impose
pas aux États membres l’obligation de garantir aux travailleurs que, pendant la période au cours
de laquelle ils bénéficient d’un congé parental à temps partiel, ils continueront à acquérir des
86 CJCE, Marshall, 26 février 1986, aff. 152/84, Rec. p.723, points 46et 49 ; CJCE, Kutz-Bauer, 20 mars 2003, C-187/00, Rec.
p I-2741, points 69 et 71 et CJCE, Impact, 15 avril 2008, C-268/06, Rec p I-2483, point 57, résumé dans la veille bimestrielle n/ 19
(mars-avril 2008), p. 80.
87 CJCE, Impact, 15 avril 2008, précité, point 58 ; CJCE, Angelidaki e.a., 23 avril 2009, C 378/07 à C-380/07, point 195.
-75-
droits à des prestations futures de sécurité sociale dans la même mesure que s’ils avaient
continué à exercer une activité à temps plein.
La Cour dit pour droit : “La clause 2, points 6 et 8, de l’accord-cadre sur le congé parental
ne s’oppose pas à la prise en compte, lors du calcul de la pension d’invalidité permanente
d’un travailleur, du fait que ce dernier a bénéficié d’une période de congé parental à
temps partiel pendant laquelle il a cotisé et a acquis des droits à pension en proportion
du salaire perçu.” (Dispositif, point n/ 2)
- Sur la première partie de la quatrième question et la seconde partie de la deuxième question :
La Cour de Luxembourg recherche si la clause 2, point 8, de l’accord-cadre sur le congé parental
doit être interprétée en ce sens qu’elle impose aux États membres l’obligation de prévoir la
continuité de la perception de prestations de sécurité sociale au cours du congé parental, et si
ladite clause peut être invoquée par des particuliers devant une juridiction nationale à l’encontre
des autorités publiques.
Elle souligne que les Etats membres doivent intervenir pour définir les conditions d’accès au
congé parental et les modalités d’application de ce dernier tout en respectant les prescriptions
minimales fixées par l’accord-cadre sur le congé parental. Elle constate par ailleurs que les
caisses nationales de sécurité sociale n’ayant pas été parties à l’accord-cadre sur le congé
parental, elles ne peuvent se voir imposer des obligations découlant de ce texte.
Selon la Cour, “La clause 2, point 8, de l’accord-cadre sur le congé parental n’impose pas
d’obligations aux États membres, hormis celle d’examiner et de déterminer les questions
de sécurité sociale liées à cet accord-cadre conformément à la législation nationale. En
particulier, elle ne leur impose pas de prévoir, pendant la durée du congé parental, la
continuité de la perception de prestations de sécurité sociale. Ladite clause 2, point 8, ne
peut être invoquée par des particuliers devant une juridiction nationale à l’encontre des
autorités publiques” (dispositif, point n/ 3).
- Sur la cinquième question :
La Cour constate que la législation nationale en cause ne comporte pas de discrimination directe
dans la mesure où elle s’applique tant aux travailleurs masculins que féminins.
S’agissant de la discrimination indirecte, les juges de Luxembourg rappellent la définition
résultant de sa jurisprudence 88 : “il y a discrimination indirecte lorsque l’application d’une mesure
nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus
élevé de femmes que d’hommes” (point 54). Ils conviennent qu’un nombre plus important de
femmes que d’hommes optent pour une réduction de leur temps de travail et donc de leur
rémunération et de leurs droits aux prestations sociales, pour assurer l’éducation de leurs
enfants. Cependant, ils rappellent également “qu’une discrimination consiste dans l’application
de règles différentes à des situations comparables ou dans l’application de la même règle à des
situations différentes” (point 56). “Or, le travailleur, qui bénéficie du congé parental que lui
reconnaît la directive 96/34 mettant en œuvre l’accord-cadre sur le congé parental, selon l’une
des modalités définies par la loi nationale ou par une convention collective, en exerçant, comme
dans l’affaire au principal, une activité à temps partiel, se trouve dans une situation spécifique,
qui ne peut être assimilée à celle d’un homme ou d’une femme qui travaille à temps plein” (§ 57).
Il n’y a donc pas discrimination indirecte.
Ensuite, la Cour précise que la réglementation concernant l’acquisition de droits aux prestations
de sécurité sociale au cours des périodes d’interruption d’emploi dues à l’éducation des enfants
88 Notamment CJCE, Boyle e.a., 27 octobre 1998, C-411/96, Rec. p. I-6401, point 76, et CJCE, Lewen, 21 octobre 1999,
C-333/97, Rec. p. I-7243, point 34.
-76-
relève de la compétence des Etats membres.89
Elle considère enfin que la directive 79/7/CEE n’oblige en aucun cas les États membres à
accorder des avantages en matière de sécurité sociale aux personnes qui ont élevé leurs
enfants ou à prévoir des droits à prestations à la suite de périodes d’interruption d’activité dues
à l’éducation des enfants.90
Ainsi la Cour dit pour droit : “Le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes,
et, en particulier, le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière
de sécurité sociale au sens de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978,
relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre
hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ne s’oppose pas à ce que, pendant la
période de congé parental à temps partiel, un travailleur acquière des droits à une
pension d’invalidité permanente en fonction du temps de travail effectué et du salaire
perçu, et non comme s’il avait exercé une activité à temps plein”. (dispositif, point n/ 4)
jjj
89 CJCE, Johnson, 11 juillet 1991, C-31/90, Rec p I-3723, point 25.
90 CJCE, Grau-Hupka, 13 décembre 1994, C-297/93, Rec. p. I-5535, point 27.
-77-
SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS
Petra von Chamier-Glisczinski c/ Deutsche Angestellten-Krankenkasse
16 juillet 2009
- C-208/07 « Sécurité sociale - Règlement (CEE) n/ 1408/71 - Titre III, chapitre 1 - Articles 18 CE, 39 CE et 49 CE
- Prestations en nature destinées à couvrir le risque de dépendance - Résidence dans un Etat membre
autre que l’Etat compétent - Régime de sécurité sociale de l’Etat membre de résidence ne comportant
pas de prestations en nature afférant au risque de dépendance »
T Faits :
Se trouvant dans une situation de dépendance, Mme. von Chamier-Glisczinski, ressortissante
allemande résidant à Munich, recevait de la « DAK », l’organisme de sécurité sociale auprès
duquel elle était assurée par le biais de son mari, les prestations de l’assurance dépendance
prévues à l’article 38 du livre XI du SGB (prestations mixtes).
Le 27 août 2001, elle demanda à la DAK que les prestations en nature auxquelles elle avait droit
en vertu de la réglementation allemande soient dispensées auprès d’un établissement de soins
situé en Autriche et dans lequel elle souhaitait séjourner. Cette demande fut rejetée au motif que,
dans ce type de situation, le droit autrichien ne prévoit pas l’octroi de prestations en nature aux
affiliés à son régime d’assurance sociale. Selon la DAK,Mme. von Chamier-Glisczinski ne
pouvait prétendre qu’à l’allocation de soins visée à l’article 37 du livre XI du Sozialgesetzbuch.
Mme. von Chamier-Glisczinski saisit alors le Sozialgericht de Munich, mais son recours fut rejeté
par jugement du 11 octobre 2005. Elle interjeta appel devant le Bayerisches Landessozialgericht
de Munich qui décida de saisir la Cour de justice des communautés européennes.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19 paragraphe 1, sous
a) du règlement (CEE) n/ 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 et sur l’interprétation des articles
18 CE, 39 CE et 49 CE.
L’article 19, paragraphe 1 sous a) du règlement du 14 juin 1971 prévoit :
« 1. Le travailleur salarié ou non salarié qui réside sur le territoire d’un État membre autre que
l’État compétent et qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour
avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18, bénéficie
dans l’État de sa résidence :
a) des prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par
l’institution du lieu de résidence, selon les dispositions de la législation qu’elle applique,
comme s’il y était affilié ;
b) des prestations en espèces servies par l’institution compétente selon les dispositions
de la législation qu’elle applique. Toutefois, après accord entre l’institution compétente et
l’institution du lieu de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière
institution, pour le compte de la première, selon les dispositions de la législation de l’État
compétent.
2. Les dispositions du paragraphe 1 sont applicables par analogie aux membres de la famille qui
résident sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent, pour autant qu’ils n’aient pas
-78-
droit à ces prestations en vertu de la législation de l’État sur le territoire duquel ils résident. »
L’article 18, paragraphe 1, CE, dispose :
« Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les
dispositions prises pour son application. »
L’article 39, paragraphes 1 à 3, CE énonce que :
« 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté.
2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs
des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de
travail.
3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de
sécurité publique et de santé publique :
a) de répondre à des emplois effectivement offerts,
b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,
c) de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi conformément aux
dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des
travailleurs nationaux,
d) de demeurer, dans des conditions qui feront l’objet de règlements d’application établis
par la Commission, sur le territoire d’un État membre, après y avoir occupé un emploi. »
L’article 49, premier alinéa, CE, dispose :
« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à
l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis
dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. »
Les questions posées par le Bayerisches Landessozialgericht à la Cour sont les suivantes :
1) « en vertu du mécanisme prévu à l’article 19, paragraphe 1, sous a), du règlement n/ 1408/71,
l’institution de l’État membre de résidence du travailleur est-elle tenue de verser, pour le compte
de l’institution compétente, des prestations en espèces, éventuellement sous la forme de
remboursement ou de prise en charge des frais, dans les situations où le système de sécurité
sociale de l’État en question, à la différence de celui de l’institution compétente, ne prévoit pas
pour ses assurés le versement de prestations en nature ? »
2) « en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 49 CE, existe-t-il un droit, opposable à l’institution
compétente, à la prise en charge, sur autorisation préalable, des frais de séjour et d’assistance
dans un établissement de soins dans un autre État membre, pour un montant égal aux prestations
auxquelles l’assuré a droit dans l’État membre compétent ? »
T Décision de la Cour de justice :
- Sur la première question :
La Cour considère que la juridiction de renvoi lui demande en substance “si le règlement
n/ 1408/71 doit être interprété (...) en ce sens qu’une personne dépendante, assurée en tant que
membre de la famille d’un travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié, est en droit d’obtenir
le service de prestations sous la forme de remboursement ou de prise en charge de frais, par
l’institution compétente, lorsque, à la différence du système de sécurité sociale de l’État
compétent, celui de l’État membre où réside cette personne ne prévoit pas, pour ses assurés,
le service de prestations en nature dans des situations de dépendance telles que celle de ladite
personne” (point 35).
Pour la partie requérante, un raisonnement par analogie pourrait être appliqué en ce sens que
le remboursement de prestations en nature perçues dans l’Etat membre de résidence (Autriche)
pourrait être effectué par l’institution compétente (Allemagne) puisqu’elle considère qu’en
l’espèce il ne s’agit que d’exporter une prestation.
-79-
A l’inverse, les gouvernements intervenants ainsi que la Commission estiment que l’article 19
du règlement n/ 1408/71/CEE opère une distinction claire entre les prestations en nature et les
prestations en espèces. Un double mécanisme doit alors être établi distinguant d’une part les
prestations en nature octroyées dans l’Etat de résidence conformément à la législation
applicable à l’institution du lieu de résidence et d’autre part les prestations en espèces octroyées
conformément à la législation applicable à l’institution compétente (point 37).
Il convient de rappeler que le droit autrichien prévoit seulement des prestations en espèces à
l’exclusion des prestations en nature. Ainsi, le problème est de savoir si la requérante,
ressortissante allemande, est en droit, selon l’article 19 du règlement n/ 1408/71/CEE, de
demander le remboursement à l’institution compétente allemande de prestations perçues en
nature en Autriche.
La Cour rappelle à titre liminaire que les époux von Charmier-Glisczinski relèvent du champ
d’application personnel du règlement et que les prestations fournies relèvent des « prestations
de maladie » au sens dudit règlement. De plus, il ressort de la jurisprudence relative à l’article
19 du règlement n/ 1408/71/CEE que l’Etat compétent a la charge de garantir au travailleur
salarié ainsi qu’aux membres de sa famille le bénéfice de “prestations de maladie en natures
servies par l’institution de ce dernier Etat membre” (point 42).
Cependant, les juges communautaires s’interrogent sur l’utilité de prendre en considération
l’article 22 du règlement n/ 1408/71/CEE afin de procéder à l’interprétation de son article 19 telle
que demandée par la juridiction de renvoi (point 43). En effet, l’article 22 vise “l’hypothèse du
transfert, durant une maladie, de la résidence d’un membre de la famille d’un travailleur salarié
ou d’un travailleur non salarié dans un Etat membre autre que celui de l’institution compétence”
(point 45). Or, dans la situation de la requérante, les mécanismes instaurés par les articles 19
et 22 du règlement n/ 1408/71/CEE “ne diffèrent pas de manière significative quant à leurs
résultats”. En effet, tous deux visent à assurer “le bénéfice, dans un Etat membre autre que celui
de l’institution compétente, des prestations en nature servies, pour le compte de celle-ci, par
l’institution du lieu de résidence (...) conformément à la législation applicable à l’institution de cet
autre Etat membre, ainsi que des prestations en espèces conformément à la législation
applicable à l’institution compétente, servies soit directement par cette dernière institution, soit
pour le compte de celle-ci” (point 46).
S’agissant des notions de « prestations en nature » et de « prestations en espèces », la Cour
estime qu’elles doivent recevoir une interprétation autonome. Cependant, les magistrats du
plateau de Kirchberg retiennent que “s’agissant du régime d’assurance dépendance en cause
au principal, les prestations de l’assurance dépendance consistant dans une prise en charge ou
un remboursement de frais d’établissement spécialisé occasionnés par l’état de dépendance de
l’intéressé entrent dans la notion de prestation en nature au sens du règlement n/ 1408/71” (point
48).
Reprenant sa jurisprudence Molenaar,91 la Cour retient une interprétation à la fois littérale et
téléologique de l’article 19 du règlement n/ 1408/7/CEE. Celui-ci s’interprète en ce sens “qu’un
assuré bénéficie, dans l’Etat membre de sa résidence, de prestations en nature dans la mesure
où la législation de ce dernier Etat, quelle que soit la dénomination plus spécifique du système
de protection sociale dans lequel elle s’insère, prévoit le service de prestations en nature
destinées à couvrir les mêmes risques que ceux couverts par l’assurance concernée dans l’Etat
compétent” (point 50). De plus, le paragraphe 2 dudit article étend le bénéfice de la protection
aux membres de la famille qui ont dès lors le droit de recevoir des prestations en nature servies
par l’institution du lieu de leur résidence dans les limites et selon les modalités de la législation
que celle-ci applique (point 51).
91 CJCE, IB, 5 mars 1998, C-160/96, point 37.
-80-
Par conséquent, les juges communautaires retiennent que l’article 19 du règlement 1408/71/CEE
doit s’interpréter comme n’exigeant pas le service de prestations en nature en dehors de l’Etat
compétent par ou pour le compte de l’institution compétente lorsque la réglementation de l’Etat
membre de résidence de l’assuré social ne prévoit pas le service de ces prestations (point 53).
La Cour de justice accueille ainsi partiellement les arguments développés par les gouvernements
intervenants et la Commission tout en rejetant l’idée “qu’en cas de résidence dans un Etat
membre autre que l’Etat compétent, l’accès de l’assuré social aux prestations en nature serait
régi de façon exclusive par la réglementation de l’Etat membre de résidence, de sorte que,
lorsque la législation de ce dernier Etat membre ne prévoit pas l’octroi de prestations en nature
couvrant le risque pour lequel le droit à de telles prestations est revendiqué, ces dispositions
auraient pour effet d’empêcher l’institution compétente d’octroyer de telles prestations en nature”
(point 55).
- Sur la seconde question :
La Cour considère que, par cette question, la juridiction de renvoi, cherche à savoir si dans
l’hypothèse où “des prestations en nature sont prévues au bénéfice des personnes assurées en
tant que membres de la famille d’un travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié qui se
trouvent dans une situation de dépendance telle que celle de Mme von Chamier-Glisczinski par
le système de sécurité sociale de l’État compétent, mais non par celui de l’État membre de
résidence, (...) les articles 18 CE, 39 CE ou 49 CE s’opposent (...) à une réglementation telle que
celle instaurée par l’article 34 du SGB XI (droit allemand), sur le fondement de laquelle une
institution compétente refuse de prendre en charge, indépendamment des mécanismes
instaurés par les articles 19 ou, le cas échéant, 22, paragraphe 1, sous b), du règlement n/
1408/71 et pour une durée indéterminée, des frais liés à un séjour dans un établissement de
soins situé dans l’État membre de résidence à concurrence d’un montant égal aux prestations
auxquelles la personne concernée aurait droit si la même assistance lui était dispensée dans
un établissement conventionné situé dans l’État compétent” (point 58).
Elle rappelle qu’en l’absence d’harmonisation communautaire en matière de sécurité sociale il
appartient aux Etats membres, dans le respect du droit communautaire et notamment de la
liberté de prestation de service et de la liberté de circulation des personnes, de déterminer les
conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale.
Le mécanisme instauré par les articles 19 et 22 du règlement n/ 1408/71/CEE permet aux
assurés sociaux d’accéder aux prestations de maladie servies en nature dans l’Etat membre de
résidence ou de séjour dans des conditions d’égalité par rapport aux personnes affiliées au
système de sécurité sociale de cet Etat membre (point 65). Cependant, dans la seconde
question la Cour est amenée à s’interroger sur l’application des dispositions du traité CE au litige
au principal. En effet, la réponse apportée à la première question “doit s’entendre sans préjudice
de la solution qui découlerait de l’applicabilité éventuelle de dispositions du droit primaire” (point
66). Il convient donc de vérifier si la situation au principal relève du champ d’application des
articles 18, 39 et 49 du traité CE.
Les juges communautaires rappellent que la notion de « travailleur » de l’article 39 CE revêt une
portée communautaire et qu’elle ne doit pas faire l’objet d’une interprétation restrictive.
Cependant, ils retiennent qu’aux vues des circonstances de l’espèce l’époux von ChamierGlisczinski ne faisait pas usage de la liberté de circulation garantie par l’article 39 CE. Dans ces
conditions, l’application de cette disposition de droit primaire ne saurait être accueillie (points 6973).
L’article 49 CE relatif à la liberté de prestation de service ne vise pas la situation d’un
ressortissant d’un Etat membre qui établit sa résidence principale à titre permanent sur le
territoire d’un autre Etat membre. En l’espèce, Mme von Chamier-Glisczinski, ressortissante
allemande, a fixé de façon stable sa résidence en Autriche, sans limitation prévisible de durée.
-81-
Les dispositions de l’article 49 CE qui ne visent que la prestation à titre temporaire ne peuvent
donc pas trouver à s’appliquer. (points 74-77). Cependant, la requérante étant une ressortissante
allemande, elle jouit, selon les dispositions de l’article 17 CE, du statut de citoyen de l’Union
européenne. Ainsi, en établissant sa résidence sur le territoire autrichien, elle a usé de son droit
de libre circulation et de libre séjour reconnu aux citoyens de l’Union par l’article 18 CE. La Cour
entend donc tirer pleinement les conséquences de cet usage de la liberté consacrée à l’article
18 CE.
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice 92 que “les facilités ouvertes par le traité en
matière de circulation des citoyens de l’Union ne pourraient produire leurs pleins effets si un
ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis à
son séjour dans un autre État membre en raison d’une réglementation de son État membre
d’origine le pénalisant du seul fait qu’il les a exercées” (point 82). Mais, force est de constater
qu’en matière de sécurité sociale il n’existe pas d’harmonisation communautaire. Seules des
règles relatives à la coordination des législations existent. Par conséquent, l’article 18 CE ne
saurait garantir aux assurés sociaux la neutralité d’un déplacement d’un Etat membre vers un
autre en matière de sécurité sociale. Comme le rappellent les juges luxembourgeois, la
République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche peuvent choisir librement les
modalités de leurs régimes d’assurance maladie, “l’un de ces régimes ne saurait être considéré
comme la cause d’une discrimination ou d’un désavantage pour la seule raison qu’il a des
conséquences défavorables lorsqu’il est appliqué (...) en combinaison avec le régime d’un autre
Etat membre” (point 87).
T Par ces motifs la Cour de justice du pour droit (dispositif) :
“1) Lorsque, à la différence du système de sécurité sociale de l’État compétent, celui de l’État
membre où réside une personne dépendante, assurée en tant que membre de la famille d’un
travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié au sens du règlement (CEE) n/ 1408/71 du
Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à
l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE)
n/ 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n/ 1386/2001
du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, ne prévoit pas le service de prestations
en nature dans des situations de dépendance telles que celle de cette personne, les articles 19
ou 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement n’exigent pas, en tant que tels, le service de
telles prestations en dehors de l’État compétent par ou pour le compte de l’institution
compétente.
2) Lorsque, à la différence du système de sécurité sociale de l’État compétent, celui de l’État
membre où réside une personne dépendante, assurée en tant que membre de la famille d’un
travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié au sens du règlement n/ 1408/71, dans sa
version modifiée et mise à jour par le règlement n/ 118/97, tel que modifié par le règlement
n/ 1386/2001, ne prévoit pas le service de prestations en nature dans des situations de
dépendance données, l’article 18 CE ne s’oppose pas, dans des circonstances telles que
celles de l’affaire au principal, à une réglementation telle que celle prévue à l’article 34 du
livre XI du code de la sécurité sociale (Sozialgesetzbuch), sur le fondement de laquelle
une institution compétente refuse, dans de telles circonstances, de prendre en charge,
indépendamment des mécanismes instaurés par les articles 19 ou, le cas échéant, 22,
paragraphe 1, sous b), dudit règlement et pour une durée indéterminée, des frais liés à
un séjour dans un établissement de soins situé dans l’État membre de résidence à
concurrence d’un montant égal aux prestations auxquelles cette personne aurait droit si
92 CJCE, Morgan et Bucher, 23 octobre 2007, C-11/06 et C-12/06.
-82-
la même assistance lui était dispensée dans un établissement conventionné situé dans
l’État compétent.”
jjj
-83-
AFFAIRES COMMUNAUTAIRES
A SUIVRE :
CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX
-84-
LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
Olympique Lyonnais c/ Olivier Bernard et Newcastle United
Conclusions de l’Avocat général Mme E. Sharpston
présentées le 16 juillet 2009
- C 325/08 « Libre circulation des travailleurs - Disposition nationale obligeant un joueur de football à dédommager
le club qui l’a formé lorsque, à l’issue de sa période de formation, il signe un contrat de joueur
professionnel avec un club d’un autre État membre - Entrave à la libre circulation - Justification d’une
telle entrave par la nécessité d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs
professionnels »
T Faits :
Un jeune joueur de football, s’est vu offrir un contrat professionnel par l’Olympique lyonnais, club
français qui l’avait formé pendant trois ans. Il déclina cette offre, mais en accepta une autre lui
proposant un emploi de joueur professionnel dans un club anglais, Newcastle United. À l’époque
des faits, les règles régissant le football professionnel en France imposaient au joueur, dans de
telles circonstances, de verser des dommages intérêts au club français.
Le joueur de football et le club anglais furent assignés devant les juridictions françaises par
l’Olympique lyonnais ; ce dernier leur réclamait une somme fondée sur la rémunération annuelle
que le joueur aurait reçue s’il avait conclu un contrat avec le club français.
La Cour de cassation a saisi la Cour de justice des communautés européennes de deux
questions préjudicielles.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La Cour de justice est appelée à interpréter l’article 39 CE qui garantit la libre circulation des
travailleurs à l’intérieur de la Communauté et qui dispose :
« 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté
2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs
des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de
travail.
3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de
sécurité publique et de santé publique :
a) de répondre à des emplois effectivement offerts ;
b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres ;
c) de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi conformément aux
dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des
travailleurs nationaux ;
d) de demeurer, dans des conditions qui feront l’objet de règlements d’application établis
par la Commission, sur le territoire d’un État membre, après y avoir occupé un emploi.
4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration
publique. »
-85-
La Cour de cassation demande à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur les questions
suivantes :
« 1. Le principe de libre circulation des travailleurs posé par [l’article 39 CE] s’oppose-t-il à une
disposition de droit national en application de laquelle un joueur ‘espoir’ qui signe, à l’issue de sa
période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre de
l’Union européenne, s’expose à une condamnation à des dommages-intérêts ?
2. Dans l’affirmative, la nécessité d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs
professionnels constitue-t-elle un objectif légitime ou une raison impérieuse d’intérêt général de
nature à justifier une telle restriction ? ».
T Conclusions :
L’Avocat général propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante :
“ 1) Le principe de libre circulation des travailleurs posé par l’article 39 CE s’oppose, en
principe, à une disposition de droit national en application de laquelle un joueur « espoir »
qui signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec
un club d’un autre État membre, s’expose à une condamnation à des dommages-intérêts.
2) Une telle règle peut, néanmoins, être justifiée par la nécessité d’encourager le
recrutement et la formation de jeunes joueurs de football professionnels, pour autant que
la somme concernée soit basée sur les coûts réels de formation supportés par le club
ayant assuré la formation et/ou économisés par le nouveau club et que, dans la mesure
où l’indemnité doit être payée par le joueur lui même, elle soit limitée au coût restant dû
de la formation individuelle”.
jjj
-86-
POLITIQUE SOCIALE
Rodríguez Mayor e.a. c/ Succession vacante de Rafael de las Heras Dávila
et Sagrario de las Heras Dávila
Conclusions de l’Avocat général M. Paolo Mengozzi
présentées le 16 juillet 2009
- C 323/08 «Directive 98/59/CE - Licenciements collectifs - Notion - Cessation du contrat de travail pour cause de
mort, retraite ou incapacité de l’employeur »
T Faits :
M. Rodriguez Mayor et six autres personnes, étaient salariés de l’entreprise Rafael de las Heras
Dávila. Du 30 avril au 5 mai 2004, ils se rendirent à leur lieu de travail mais les locaux de
l’établissement où ils étaient employés étaient fermés. Estimant avoir fait l’objet d’un
licenciement tacite, ils assignèrent leur employeur en justice. L’employeur, M. Rafael de las
Heras Dávila, décéda le 1er mai 2004 sans avoir rédigé de testament. A la suite de ce décès,
l’entreprise cessa toute activité.
Tous les héritiers légitimes de ce dernier ayant renoncé à la succession, l’action se poursuivit
contre la succession vacante et contre le Fondo de garantía salarial [Fonds de garantie salarial],
également appelé à la cause.
La juridiction de première instance rejeta leur demande ; les requérants interjetèrent appel de
cette décision devant le Tribunal Superior de Justicia de Madrid.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La Cour de justice est appelée à se prononcer sur l’interprétation d’une part de la directive
98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des Etats
membres relatives aux licenciements collectifs et d’autre part, de l’article 30 de la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne et de la Charte communautaire des droits sociaux
fondamentaux des travailleurs de 1989.
La juridiction de renvoi pose à la Cour de Luxembourg les trois questions préjudicielles
suivantes :
« 1) L’article 51 de l’Estatuto de los Trabajadores enfreint-il les obligations requises par la directive
98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États
membres relatives aux licenciements collectifs, en ce qu’il a circonscrit la notion de licenciements
collectifs aux licenciements pour des motifs économiques, techniques, d’organisation ou de
production et qu’il ne l’a pas élargie aux licenciements pour toutes les raisons non inhérentes à
la personne des travailleurs ?
2) La disposition figurant à l’article 49, paragraphe 1, sous g), de l’Estatuto de los Trabajadores,
qui prévoit, en faveur des travailleurs qui perdent leur emploi à la suite du décès, de la mise à la
retraite ou de l’incapacité de l’employeur, une indemnité limitée à un mois de salaire, en excluant
ces travailleurs de la réglementation fixée à l’article 51 de ce même texte, contrevient-elle
également à la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, en ce que cette disposition
espagnole enfreint les articles 1er, 2, 3, 4 et 6 de la directive précitée ?
-87-
3) La réglementation espagnole relative au licenciement collectif, et notamment les articles 49,
paragraphe 1, sous g), et 51 de l’Estatuto de los Trabajadores, enfreint-elle l’article 30 de la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Charte communautaire des droits sociaux
fondamentaux, adoptée lors de la réunion du Conseil européen de Strasbourg le 9 décembre
1989 ? »
T Conclusions :
L’Avocat général propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante :
“1) La notion de « licenciement » utilisée à l’article 1er de la directive 98/59/CE du Conseil,
du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres
relatives aux licenciements collectifs, ne s’étend pas aux cas de cessation du contrat de
travail en raison du décès de l’entrepreneur personne physique, lorsque les héritiers
légaux renoncent à la succession, et quand ce décès entraîne la cessation complète de
l’activité de l’entreprise, et qu’aucune disposition de l’ordre juridique d’un État membre
ne prévoit qu’une autorité publique se substitue à l’employeur pour l’accomplissement
des obligations imposées par la directive.
2) La directive 98/59 se borne à prévoir le rapprochement des législations des États
membres en matière de licenciements collectifs, quant à la procédure à suivre à cet égard,
tout en laissant aux États membres la compétence exclusive de déterminer le montant de
l’indemnité à accorder aux travailleurs. Par conséquent, la directive ne s’oppose pas à
une norme de droit national qui prévoit, en cas de cessation du contrat de travail faisant
suite au décès de l’employeur, le paiement d’une indemnité de fin de la relation d’un
montant inférieur à celui que le travailleur percevrait en cas de licenciement collectif.
3) L’article 30 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Charte
des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, étant donné le caractère général des
principes qu’ils expriment, ne peuvent aider à l’interprétation du champ d’application des
procédures de licenciement prévues par la directive 98/59, en ce que ces actes ne
prévoient rien quant à ces procédures.”
jjj
Seda Kücükdeveci c/ Swedex GmbH & Co. KG
Conclusions de l’Avocat général M. Yves Bot
présentées le 7 juillet 2009
- C 555/07 « Directive 2000/78/CE - Principe de non discrimination en fonction de l’âge - Législation nationale
relative au licenciement ne prenant pas en compte la période de travail accomplie avant que le salarié
ait atteint l’âge de 25 ans pour le calcul de la durée du préavis - Législation nationale incompatible avec
l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 - Rôle et pouvoirs du juge national - Principes
généraux du droit - Invocabilité d’exclusion d’une directive dans un litige entre particuliers »
T Faits :
Un litige oppose Mme Kücükdeveci à son ancien employeur, Swedex GmbH & Co. KG (ci après
« Swedex »), à propos du calcul de la durée du préavis applicable à son licenciement.
Employée depuis l’âge de 18 ans, par Swedex, Mme Kücükdeveci fut licenciée en 2006. Par
un recours introduit le 9 janvier 2007 elle contesta son licenciement devant l’Arbeitsgericht
Mönchengladbach (Allemagne) ; elle soutenait que l’article 622, paragraphe 2, dernière phrase,
-88-
du BGB, en ce qu’il prévoit que les périodes d’emploi accomplies avant l’âge de 25 ans ne sont
pas prises en compte pour le calcul de la durée du préavis, constituait une discrimination fondée
sur l’âge, contraire au droit communautaire et que l’application de cette disposition nationale
devait donc être écartée.
L’Arbeitsgericht Mönchengladbach ayant fait droit à la demande de Mme Kücükdeveci, Swedex
interjeta appel devant le Landesarbeitsgericht Düsseldorf (Allemagne).
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La Cour de justice est appelée à préciser le régime juridique et la portée du principe général de
non discrimination en raison de l’âge ainsi que la fonction que celui-ci remplit dans une situation
où le délai de transposition de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant
création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail
est écoulé.
La juridiction allemande saisit la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes :
« 1)
a) Une législation nationale qui prévoit que les délais de préavis que l’employeur doit
respecter augmentent progressivement en fonction de la durée de service, mais ne prend
pas en considération les périodes d’emploi que le travailleur a effectuées avant qu’il n’ait
atteint l’âge de 25 ans viole-t-elle l’interdiction de discrimination en raison de l’âge
consacrée par le droit communautaire, notamment le droit primaire communautaire ou la
directive 2000/78 […] ?
b) Peut on voir un motif justifiant que l’employeur ne doive respecter qu’un délai de
préavis de base en cas de licenciement de jeunes travailleurs dans le fait qu’on lui
reconnaisse un intérêt économique - auquel des périodes de préavis plus longues
porteraient atteinte - à une gestion du personnel flexible et qu’on refuse aux jeunes
travailleurs la protection de la stabilité de l’emploi et de la possibilité de prendre leurs
dispositions (qu’offrent aux travailleurs plus âgés des délais de préavis plus longs), par
exemple parce que, eu égard à leur âge et/ou à leurs obligations sociales, familiales et
privées moindres, on peut raisonnablement exiger d’eux une flexibilité et une mobilité
professionnelles et personnelles plus grandes ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, sous a), et de réponse négative à la
première question, sous b) :
La juridiction d’un État membre saisie d’un litige entre personnes privées doit-elle laisser
inappliquée une législation manifestement contraire au droit communautaire ou faut-il tenir compte
de la confiance que les justiciables placent dans l’application des lois nationales en vigueur en ce
sens que l’inapplicabilité ne jouera qu’après une décision de la Cour […] sur la réglementation en
cause ou sur une réglementation en substance similaire ? »
T Conclusions :
L’Avocat général propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante :
“1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000,
portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière
d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation
nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit, de manière générale, la non
prise en compte des périodes d’emploi effectuées avant l’âge de 25 ans pour le calcul des
délais de préavis en cas de licenciement.
2) Il incombe à la juridiction nationale de laisser inappliquée cette législation nationale,
y compris dans le cadre d’un litige entre particuliers”.
jjj
-89-
PRINCIPES DU DROIT COMMUNAUTAIRE
Transportes Urbanos y Servicios Generales SAL c/ Administración
del Estado
Conclusions de l’Avocat général M. M. Poiares Maduro
présentées le 9 juillet 2009
- C 118/08 « Responsabilité d’un État membre - Violation du droit Communautaire - Principes d’équivalence et
d’effectivité »
T Faits :
Un litige oppose la société Transportes Urbanos y Servicios Generales SAL à l’Administración
del Estado qui rejeta l’action en responsabilité contre l’État espagnol du fait de la violation
législative du droit communautaire.
Une loi espagnole du 28 décembre 1992 fut jugée incompatible avec les articles 17, paragraphe
2, et 19 de la sixième directive 77/388/CEE.93 Ce texte “limitait le droit d’un assujetti à déduire
la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après, « TVA »)afférente à l’achat de biens ou de services
financés au moyen de subventions et lui imposait de déposer des déclarations périodiques, dans
lesquelles il devait calculer les montants de la TVA répercutés et supportés, tout en procédant
au règlement du solde (autoliquidations)” (point 4)
La requérante qui avait effectué des « autoliquidations » pour les exercices 1999 et 2000 et dont
le droit à rectification et à répétition de l’indu était prescrit introduisit une demande tendant à
l’indemnisation de son préjudice.
En 2007, le Conseil des ministres, rejeta la demande. Il invoquait deux arrêts du Tribunal
Supremo du 29 janvier 2004 et du 24 mai 2005, dont il ressort que les actions en responsabilité
de l’État pour violation du droit communautaire sont soumises à une règle d’épuisement
préalable des voies de recours, administratives et juridictionnelles, contre l’acte administratif
faisant grief, adopté en application d’une loi nationale prétendument contraire au droit
communautaire.
La requérante forma un recours devant le Tribunal Supremo contre la décision du Conseil des
ministres. Celui-ci saisit la Cour de justice d’une question préjudicielle.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La Cour de Luxembourg est invitée à se prononcer, à titre préjudiciel, sur la conformité de la
jurisprudence espagnole, relative à l’action en responsabilité de l’Etat, avec le droit
communautaire.
La Haute juridiction espagnole pose à la Cour la question suivante :
« En appliquant, dans ses arrêts du 29 janvier 2004 et du 24 mai 2005, des solutions différentes
aux actions en responsabilité patrimoniale de l’État législateur fondées sur des actes administratifs
édictés en application d’une loi déclarée inconstitutionnelle et aux mêmes actions fondées sur des
actes édictés en application d’une règle déclarée contraire au droit communautaire, le Tribunal
93 CJCE, Commission c/ Espagne, du 6 octobre 2005, C-204/03.
-90-
Supremo méconnaît-il les principes d’équivalence et d’effectivité ? »
T Conclusions :
L’Avocat général propose de répondre à la question préjudicielle de la manière suivante :
“ 1) Subordonner l’action en responsabilité de l’État du fait de la violation législative du
droit communautaire à la contestation préalable de la validité de l’acte administratif pris
en application de la loi ne méconnaît pas le principe d’effectivité, dès lors que, par la
contestation en temps utile de la contestation de la validité dudit acte administratif, le
justiciable aurait pu obtenir réparation de la totalité du préjudice allégué.
2) Subordonner l’action en responsabilité de l’État du fait de la violation législative du
droit communautaire à la contestation préalable de la validité de l’acte administratif pris
en application de la loi méconnaît le principe d’équivalence, dès lors que l’action en
responsabilité de l’État du fait de la violation législative de la Constitution n’est pas
soumis à une telle condition et que les possibilités de mise en cause de l’acte
administratif pris en application de la loi ne diffèrent pas de façon significative, selon que
l’on conteste sa constitutionnalité ou sa conformité au droit communautaire.”
jjj
-91-
DÉCISIONS
D’AUTRES HAUTES INSTANCES
JURIDICTIONNELLES
FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES
94
94 - Source de la jurisprudence étrangère : Bulletin Reflets n/ 2, 2008, disponible sur le site :
http://curia.europa.eu/fr/coopju/apercu_reflets/lang/index.htm, sous la rubrique « Le Droit de l’Union en Europe », Jurisprudence
nationale et internationale.
-92-
BUNDESVERFASSUNGSGERICHT,
COUR CONSTITUTIONNELLE – ALLEMAGNE
30 juin 2009
- req n/ 2 BvE 2/08, 2 BvE 5/08, 2 BvR 1010/08, 2 BvR 1022/08, 2 BvR 1259/08, 2 BvR
182/09 « Traité de Lisbonne - Contrôle de constitutionnalité avant la ratification - Compatibilité de la loi
allemande de ratification avec l'ordre constitutionnel allemand »
T Faits :
Le Bundesverfassungsgericht (BVerfG) a été saisi par un groupe parlementaire du Bundestag
qui invoquait la violation par la loi de ratification du Traité de Lisbonne de certains principes
fondamentaux de l’ordre constitutionnel allemand, notamment, les principes de la séparation des
pouvoirs, de la démocratie et de souveraineté de l’Etat allemand.
Bien qu’approuvé par le Bundestag (représentant du peuple) et le Bundesrat (représentant des
Länder), le texte n’a pas encore été signé par le Président fédéral qui attendait que la Cour
constitutionnelle se prononce.
T Décision :
En faisant référence à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes,
de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions d’autres Etats membres, la Cour
constitutionnelle allemande affirme la compatibilité de la loi de ratification du Traité de Lisbonne
avec la Loi fondamentale allemande.
Le Bundesverfassungsgericht constate que le Traité ne crée pas une compétence générale de
l’Union européenne. L’intégration européenne ne doit pas priver les Etats d’une marge de
manœuvre suffisante pour régler les conditions de vie sur les plans économique, culturel et
social.
Cependant, il exige certaines adaptations de la législation allemande relative à la participation
du Bundestag et du Bundesrat dans le cadre de l’Union européenne. Le processus de ratification
est dès lors momentanément suspendu.
Ainsi la ratification du Traité est déclarée compatible avec la Loi fondamentale. En revanche tel
n’est pas le cas de la loi nationale relative à la participation des organes parlementaires
nationaux au processus d’intégration européenne.
-93-
COUR DU TRAVAIL DE LIÈGE – BELGIQUE
21 janvier 2009
« Citoyenneté de l'Union européenne -Dispositions du traité - Champ d’application personnel - Enfant
ressortissant d’un État membre n’ayant pas exercé son droit de circuler sur le territoire des États
membres - Exclusion »
T Faits :
La Cour du Travail de Liège a été saisie d’un recours contre un jugement du Tribunal du Travail
de Liège qui avait refusé d’octroyer un revenu d’intégration sociale aux requérants, parents non
ressortissants communautaires d’un enfant né en Belgique au motif que ces derniers ne
possédaient pas d’autorisation de séjour en Belgique.
Devant la Cour du Travail de Liège, les requérants se prévalent du principe consacré par l’arrêt
rendu par la Cour de justice des communautés européennes, CJCE, Zhu et Chen 95, selon
lequel l’article 18 CE et la directive 90/364/CEE relative au droit de séjour, confèrent au
ressortissant mineur en bas âge d’un État membre qui est couvert par une assurance-maladie
appropriée et qui est à la charge d’’un parent, lui-même ressortissant d’un État tiers, dont les
ressources sont suffisantes pour que le premier ne devienne pas une charge pour les finances
publiques de l’Etat membre d’accueil, un droit de séjour à durée indéterminée sur le territoire de
ce dernier État. Dans un tel cas, ces mêmes dispositions permettent au parent qui a
effectivement la garde de ce jeune ressortissant de séjourner avec celui-ci dans l’État membre
d’accueil.
T Décision :
La Cour du Travail considère en l’espèce que le principe tiré de l’arrêt Zhu et Chen ne peut être
transposé à la situation de l’enfant belge résidant en Belgique en compagnie d’un parent
étranger non citoyen de l’Union.
N Confronté à une affaire similaire, le 26 janvier 2009, le Tribunal du Travail de Bruxelles a posé
des questions préjudicielles à la Cour de Justice relatives aux droits qui s’attachent à la
citoyenneté européenne de l’enfant. 96
La demande de décision préjudicielle est disponible sur le site de la Cour de justice des
communautés européennes :
http://curia.europa.eu/jurisp/cgi-bin/gettext.pl?where=&lang=fr&num=79909596C19090034&d
oc=T&ouvert=T&seance=DDP_COMM
95 CJCE, Zhu et Chen, du 19 octobre 2004, C-200/02.
96 CJCE, Ruiz Zambrano, aff. C-34/09.
-94-
TRYBUNAL KONSTYTUCYJNY,
COUR CONSTITUTIONNELLE – POLOGNE
18 février 2009
- req n/ 3/08 « Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Loi nationale autorisant le Président de la
République à déposer une déclaration sur la reconnaissance de la compétence de la Cour en vertu de
l'article 35 UE - Possibilité pour toute juridiction nationale de saisir la Cour - Violation du droit
constitutionnel d'avoir sa cause entendue dans un délai raisonnable - Absence »
T Faits :
La Cour constitutionnelle polonaise a été saisie par le Président de la République dans le cadre
d’un contrôle préventif de constitutionnalité.
Selon la requête, la possibilité pour toute juridiction polonaise d'effectuer un renvoi préjudiciel
devant la Cour de justice (art. 35, par. 3, point b), UE) serait contraire au droit de voir sa cause
entendue par un tribunal sans retard excessif (art. 45, al. 1, de la Constitution).
T Décision :
La Cour constitutionnelle polonaise décide que la loi du 10 juillet 2008 qui autorise le Président
de la République à déposer une déclaration sur la reconnaissance de la compétence de la Cour
de justice des communautés européennes en vertu de l’article 35 paragraphe 2 UE, est
conforme à la Constitution.
Elle considère que l’exercice du renvoi préjudiciel ne peut pas être considéré comme entraînant
un retard excessif dans la mesure où il permet d’éliminer des doutes quant à l’interprétation ou
la validité des actes visés à l’article 35 UE. Les parties ont le droit de voir leur cause entendue
sans retard mais également celui d’obtenir une décision judiciaire régulière. La procédure
préjudicielle contribue avant tout à renforcer la protection des droits des justiciables et permet
un règlement plus rapide des affaires puisqu’il n’est plus nécessaire d’attendre que les décisions
ne soient plus susceptibles de recours pour dissiper les doutes quant à la validité et
l’interprétation des actes de l’Union européenne.
En outre, l’existence de la procédure préjudicielle d’urgence en matière de liberté, de sécurité
et de justice et de la procédure préjudicielle accélérée permet un règlement rapide des affaires
devant la Cour de justice.
-95-
USTAVNI SOUD,
COUR CONSTITUTIONNELLE – RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
2 décembre 2008
- req n/ 12/08 « Droit communautaire - Primauté et effet direct - Conflit entre le droit communautaire et une loi
nationale - Obligations et pouvoirs du juge national saisi - Non-application de la norme nationale Incapacité du juge national d'introduire une demande d'abrogation d'une législation considérée
contraire au droit communautaire devant la Cour constitutionnelle »
T Faits :
Dans le cadre d’un litige opposant une entreprise et le Conseil pour la radiodiffusion, la Cour
municipale de Prague a soumis à la Cour constitutionnelle, à propos d’un même texte législatif,
une double question : celle de sa conformité avec la Constitution d’une part, et avec le droit
communautaire d’autre part.
En effet, en application de l’article 95 § 2 de la Constitution tchèque, si une juridiction arrive à
la conclusion qu’une loi applicable au litige est contraire à l’ordre constitutionnel, elle doit
transmettre la question à la Cour constitutionnelle. Cette dernière s’est ainsi prononcée sur la
capacité des juridictions ordinaires d’introduire une demande d’abrogation d’une législation
considérée contraire au droit communautaire.
T Décision :
Selon la Cour constitutionnelle, l’arrêt rendu par la Cour de justice des communautés
européennes le 9 mars 1978, Simmenthal 97 implique que la juridiction du fond doit elle même
apprécier la conformité de la loi nationale à la législation communautaire en laissant au besoin
inappliquée la loi nationale si elle l’estime incompatible avec le droit communautaire.
Dans l’hypothèse où une double question se pose, la juridiction du fond doit traiter en priorité la
question de conformité au droit communautaire, et sur ce point, la Cour constitutionnelle n’est
pas compétente. Une telle primauté reconnue au droit communautaire ne crée pas, aux yeux des
juges constitutionnels tchèques, d’inégalité de traitement procédural injustifiée au regard de
l’exigence de protection des droits et libertés fondamentaux.
97 CJCE, Simmenthal, du 9 mars 1978, aff. 106/77.
-96-
HOUSE OF LORDS – ROYAUME- UNI
10 juin 2009
« Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable - Prise de mesures
restrictives de liberté à l’égard d’individus soupçonnés d’activités terroristes sur la base de preuves
secrètes - Violation de l’article 6 »
T Faits :
Une loi de 2005, le “Prevention of Terrorism Act” permet au ministre de l’Intérieur de restreindre
la liberté, les déplacements et les activités des personnes soupçonnées d’implication dans des
actes terroristes mais qui ne sont inculpées d’aucune infraction pénale.
La décision de placer une personne sous contrôle est prise par le ministre en accord avec un
tribunal, mais la procédure suivie devant celui ci n'offre pas pour autant les garanties d'équité
exigées dans les affaires pénales. La défense n’a pas accès au dossier comprenant les
éléments à charge et ne peut donc pas les contester.
La House of Lords a été saisie et s’est prononcée sur la légalité des mesures prises à l’égard
de trois requérants d’origine arabe qui ont été soumis à une assignation à résidence sur la base
de preuves auxquelles ils n’avaient pas accès. Elle s’est ainsi intéressée à la question de l’usage
de preuves secrètes contre des personnes soupçonnées d’implication dans des actes terroristes.
T Décision :
S’appuyant sur l’arrêt rendu en grande chambre, le 19 février 2009, par la Cour européenne des
droits de l’homme dans l’affaire A c/ Royaume-Uni 98 à propos de la détention illimitée des
ressortissants étrangers soupçonnés de liens avec une entreprise terroriste, qui avait conclu à
la violation de l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, la House of Lords, réunie en formation de neuf juges, juge à l’unanimité, qu’il y
avait eu violation de l’article 6 de la Convention européenne et au droit à un procès équitable.
En effet, les requérants n’ont pas eu la possibilité de contester les faits reprochés. Seuls ont eu
accès aux éléments à charge, le juge et des « avocats spéciaux » désignés par le ministre de
l'Intérieur. Ces derniers étaient chargés de transmettre le point de vue de la défense, sans lui
fournir pour autant les éléments de preuve retenus et sans lui parler ou lui donner la possibilité
de les contredire. La décision a été prise en l’absence de la personne incriminée.
98 CEDH, A c/ Royaume-Uni, 19 février 2009, req n/ 3455/05.
-97-
DOCTRINE
-98-
COMMENTAIRES D’ARRÊTS
-99-
CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX
T Patrick Auvret, “La sanction de l’apologie du terrorisme, restriction nécessaire à la liberté
d’expression dans une société démocratique”, commentaire de l’arrêt CEDH, Leroy c. France 99
du 2 octobre 2008, in : Revue Communication Commerce électronique, n/ 7, juillet 2009, étude
17, p. 9.
T Francis Crédot et Thierry Samin, “Défaut d’indépendance”, commentaire de l’arrêt de la
CEDH, Dubus, SA c. France 100 du 11 juin 2009, in : Revue de Droit bancaire et financier, n/ 4,
juillet 2009, comm. 111.
T Sous la direction de Emmanuel Decaux et de Paul Tavernier, “Chronique de jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme”, in : JDI, n/ 3, juillet 2009, chron. 6.
T Sous la direction de Olivier Dubos et de David Szymczak, “Décisions d’octobre à décembre
2008”, in : La Semaine Juridique, Administrations et Collectivités territoriales, n/ 30, 20 juillet
2009, p. 2189.
Commentaires des arrêts CEDH, Unedic c. France, du 18 décembre 2008101 ; CEDH, Démir
c. Turquie, [GC], du 12 novembre 2008 102 ; CEDH, Renolde c. France, du 16 octobre 2008 103 ;
CEDH, Dogru c. France et CEDH, Kervanci c. France, rendus le 4 décembre 2008 104 ; et
CEDH, Mann Singh c. France, (Déc.), du 13 novembre 2008 105.
T Sous la direction de Olivier Dubos et de David Szymczak, “Décisions de juillet à septembre
2008”, in : La Semaine Juridique, Administrations et Collectivités territoriales, n/ 28, 6 juillet
2009, 2162.
Commentaires des arrêts CEDH Kart c. Turquie du 8 juillet 2008, req. n/ 8917/05 ; CEDH, Riolo
c. Italie, du 17 juillet 2008 106 ; CEDH, Chalabi c. France, du 18 septembre 2008 107 ; CEDH,
Bakes c. Luxembourg, du 8 juillet 2008, req. n/ 24261/05 et CEDH, Soulas c. France, du 10
99 CEDH, Leroy c. France, 2 octobre 2008, req. n/ 36109/03, résumé dans la veille bimestrielle n/ 21, septembre-octobre 2008,
p. 44.
100 CEDH, Dubus c. France, 11 juin 2009, req. n/ 5242/04, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 59.
101 CEDH, Unédic c. France, 18 décembre 2008, req. n/ 20153/04, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22, novembre-décembre
2008, p. 22.
102 CEDH, Demir et Baykara c. Turquie, [GC], 12 novembre 2008, req. n/34503/97, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22,
novembre-décembre 2008, p. 38.
103 CEDH, Renolde c. France, 16 octobre 2008, req. n/ 5608/05, résumé dans la veille bimestrielle n/ 21, septembre-octobre
2008, p. 32.
104 CEDH, Dogru c. France, 4 décembre 2008, req. n/ 27058/05, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22, novembre-décembre
2008, p. 27 et CEDH, Kervanci c. France, 4 décembre 2008, n/ 31645/04, résumé dans la même veille bimestrielle, p. 47.
105 CEDH, Mann Singh c. France (déc.), 13 novembre 2008, req. n/ 24479/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22, novembredécembre 2008, p. 45.
106 CEDH, Riolo c. Italie, 17 juillet 2008, req. n/ 42211/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20, juin-juillet-août 2008, p. 34.
107 CEDH, Chalabi c. France, 18 septembre 2008, req. n/ 35916/04, résumé dans la veille bimestrielle n/ 21, septembre-octobre
2008, p. 53.
-100-
juillet 2008.108
T Nathalie Fricero, “Droit à l’exécution du jugement dans un délai raisonnable : les précisions
de la cour européenne”, commentaire de l’arrêt CEDH Bendayan Azcantot et Benalal
Bendayan c. Espagne, du 9 juin 2009,109 in : Revue procédures, n/ 7, juillet 2009, comm. 229.
T Joseph Jehl, “Diffamation - Injures - Europe des droits de l’homme : liberté journalistique en
Serbie”, commentaire de l’arrêt CEDH, Bodrozic et Vujin c. Serbie, 23 juin 2009,110 in : La
Semaine Juridique, Ed. G, 6 juillet 2009, n/ 28, p. 36.
T Columbine Madelaine, “La conventionnalité du système de compétence universelle français”,
commentaire de la décision CEDH, Ould c. France, 17 mars 2009, 111 in : La Semaine Juridique
Ed. G, 6 juillet 2009, n/ 28, p. 38.
108 CEDH, Soulas c. France, 10 juillet 2008, req. n/ 15948/03, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20, juin-juillet-août 2008, p.
39.
109 CEDH, Bendayan Azcantot et Benalal Bandayan c. Espagne, du 9 juin 2009, req. n/ 28142/04, résumé dans la veille
bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 62.
110 CEDH, Bodroñiƒ et Vujin c. Serbie, du 23 juin 2009, req. n/ 38435/05, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009,
p. 52.
111 CEDH, Ould Dah c. France, (déc.), 17 mars 2009, req. n/ 13113/03, résumé dans la veille bimestrielle n/ 24, mars-avril 2009,
p. 66.
-101-
CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE
T Ludovic Bernardeau et Frédéric Schmied, “Jurisprudence de la CJCE : fiscalité directe
(janv./juin 2009)”, in : Revue de droit fiscal, n/ 30, 23 juillet 2009, 428, p. 13.
Commentaires des arrêts CJCE, Cobelfret du 12 février 2009, C-138/07 ; CJCE, NV KBC-bank
du 4 juin 2009, C-439/07, CJCE, NV Beleggen, Risicokapitaal, Beheer, du 4 juin 2009,
C-499/07 ; CJCE, Commission c/ Grèce, du 23 avril 2009, C-406/07 ; CJCE, Aberdeen
Property Fininvest Alpha Oy, du 18 juin 2009 112 ; CJCE, Commission c/ Pays-Bas du 11 juin
2009, C-521/07 ; CJCE, Margarete Block, du 12 février 2009, C-67/08 et CJCE, STEKO
Industriemontage, du 22 janvier 2009, C-377/07.
T J-S Borghetti, “Responsabilité du fait des produits défectueux la protection des intérêts
professionnels”, in : Le Dalloz, n/ 25, 2 juillet 2009, p. 1731. Commentaire de l’arrêt CJCE,
Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, du 4 juin 2009.113
T Laurence Burgorgue-Larsen, “De l’autonomie de la protection du droit communautaire par
rapport à la Convention européenne des droits de l’homme...”, in : AJDA, 6 juillet 2009, p. 1321.
Commentaire de l’arrêt de grande chambre CJCE, Epoux Elgafaji c/ Staatssecretaris van
Justitie, du 17 février 2009, C-465/07.114
T Christophe Caron, “Le luxe mis à l’honneur par la Cour de justice”, in : Revue communication,
commerce et électronique, n/ 7, juillet 2009, comm. 62, p. 25. Commentaire de l’arrêt de la
CJCE, Copad SA c/ Christian Dior couture SA, Sté industrielle lingerie, du 23 avril 2009.115
T Christophe Caron, “Le titulaire d’une marque peut s’opposer à la revente de ses produits de
prestige par ses soldeurs”, in : JCP, 2009, Ed. Entreprise et affaires, n/ 27, p. 1675.
Commentaire de l’arrêt CJCE, Copad SA c. Christian Dior couture SA du 23 avril 2009, C59/08.
T Muriel Chagny, “Les prix prédateurs devant la Cour de justice : du nouveau ?”, in : Revue
communication, commerce et électronique, n/ 7, juillet 2009, comm. 65, p. 29. Commentaire de
l’arrêt de la CJCE, France Télécom SA c/ Commission, du 2 avril 2009.116
T Safia Cazet, “Retour sur le relevé d’office des moyens tirés du droit communautaire : bilan au
lendemain de l’arrêt Heemskerk”, in : Revue Europe, juillet 2009, étude 7, p. 4. commentaire de
l’arrêt CJCE, Heemskerk BV, Firma Schaap c/ Productschap Vee en Vlees du 25 novembre
2008, C-455/06.
112 CJCE, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy, 18 juin 2009, aff. C-303/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin
2009 , p.138.
113 CJCE, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe, 4 juin 2009, aff. C-285/03, résumé dans la veille bimestrielle
n/ 25, mai-juin 2009, p. 122
114 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 ( Janvier-Février 2009 ), p. 119.
115 CJCE, Copad SA c/ Christian Dior couture SA, 23 avril 2009, aff. C-59/08, résumé dans la veille bimestrielle n/ 24, mars-avril
2009, p. 114.
116 CJCE, France Télécom SA c/ Commission, 2 avril 2009, aff. C-202/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 24, mars-avril
2009, p. 80.
-102-
T Sous la direction de Olivier Dubos et de David Szymczak, “Décisions d’octobre à décembre
2008”, in : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n/ 30, 20 juillet
2009, 2189.
Commentaires des arrêts CJCE, Huber, du 16 décembre 2008, C-524/06 ; CJCE, Coditel
Brabant c/ Cne Uccle, du 13 novembre 2008, C-324/07; CJCE, Michaniki AE c/ Ethniko
Symvoulio Radiotileorasis Ypourgos Epikrateias, du 16 décembre 2008 117 ; CJCE,
Commission c/ République française, du 28 décembre 2008 118 ; CJCE, Sté Arcelor
Atlantique et Lorraine e.a. [GC], du 16 décembre 2008 119 et CJCE, Dpt Loiret c/
Commission, du 11 décembre 2008, C-295/07P.
T Sous la direction de Olivier Dubos et de David Szymczak, “Décisions de juillet à septembre
2008”, in : La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n/ 28, 6 juillet 2009,
2162.
Commentaires des arrêts CJCE, S. Coleman c/ Attridge Law, Steve Law, du 17 juillet 2008,120 ;
CJCE, Ministerul Administra tiei si Internelor-Directia Generala de Pas apoarte Bucuresti
c/ Gheorghe Jipa, du 10 juillet 2008 121 ; CJCE, Ignacio Santesteban Goicoechea, du 12 août
2008 C-296/08 PPU ; CJCE, Blaise Baheten Metock et a. c/ Minister for Justice, Equality
and Law Reform, du 25 juillet 2008 122; CJCE, Andrea Raccanelli c/ Max-Planck-Gesellschaft
zur Förderung der Wissnschaftten eV, du 17 juillet 2008, aff. C-94/07 ; CJCE, Unión General
de Trabajadores de La Rioja (UGT-Rioja) e.a. c/ Juntas Generales del Territorio Histórico
de Vizcaya, e.a, du 11 septembre 2008, aff. jtes C-428/06 à C-434/06 ; CJCE, MOTOE, du 1er
juillet 2008, aff. C-49/07 ; CJCE, Chronopost SA, La Poste c/ Union française de l’Express
(UFEX) e.a., du 1er juillet 2008, aff. jtes C-341/06 P et C-342/06 P ; CJCE, Arcor e.a., du 17
juillet 2008, aff. C-152/07 à 154/07.
T Arnaud Folliard-Monguiral, “TPICE, arrêt Elio Fiorucci : le droit au nom”, in : Propriété
industrielle, n/ 7, juillet 2009, comm. 45. Commentaire de l’arrêt du TPICE, Elio Fiorucci c/
OHMI, du 14 mai 2009, aff. T-165/06.
T Sous la direction de Daniel Gadbin, “Chronique de jurisprudence communautaire 2008 (1ère
partie), in : Revue de droit rural, n/ 375, août-septembre 2009, p. 9.
Commentaires des arrêts CJCE, Commission c. République française123 ; CJCE,
Commission c. République française, du 17 juillet 2008, C-389/05 ; CJCE, Viamex agrar
Handels, C-96/06 ; CJCE, Heemskerk et Schaap, du 25 novembre 2008, C-455/06 ; CJCE,
CAS Spa c. Commission, du 25 juillet 2008, C-204/07; CJCE, Rüdiger Jager, du 11 mars
117 CJCE, Michaniki AE c/ Ethniko Symvoulio Radiotileorasis Ypourgos Epikrateias, 16 décembre 2008, aff. C-213/07,
résumé dans la veille bimestrielle n/ 22, novembre-décembre 2008, p. 62.
118 CJCE, Commission c/ République française, 9 décembre 2008, aff. C-121/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22,
novembre-décembre 2008, p. 96.
119 CJCE, Grande chambre, Arcelor Atlantique et Lorraine, e.a., 16 décembre 2008, C-127/07, résumé dans la veille bimestrielle
n/ 22, novembre-décembre 2008, p. 66.
120 CJCE, S. Coleman c/ Attridge Law, Steve Law, 17 juillet 2008, aff. C-303/06, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20, juinjuillet-août 2008, p. 88.
121 CJCE, Ministerul Administra tiei si Internelor-Directia Generala de Pas apoarte Bucuresti c/ Gheorghe Jipa, 10 juillet
2008, aff. C-33/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20, juin-juillet-août 2008, p. 61.
122 CJCE, Blaise Baheten Metock et a. c/ Minister for Justice, Equality and Law Reform, 25 juillet 2008, aff. C-127/08, résumé
dans la veille bimestrielle n/ 20, juin-juillet-août 2008, p. 83.
123 CJCE, Commission c. République française, 21 février 2008, aff. C-201/06, résumé dans la veille bimestrielle n/ 18 , janvierfévrier 2008, p. 73.
-103-
2008, C-420/06 ; CJCE, Pharma Handels Gmbh, du 17 juillet 2008, C-448/06 ; CJCE, Belgique
c. Commission, du 24 avril 2008, C-418/069 ; CJCE, Fabbrica italiana accumulatori
motocarri Montecchio (FIAMM), du 9 septembre 2008 124 ; CJCE, Thomas Flaherty c.
Commission, du 17 avril 2008, aff. jointes C-373/06P et C-379/06P, et CJCE, Espagne c.
Commission, du 15 mai 2008, C-442/04.
T Laurence Idot, “Concentration horizontale”, in : Revue Europe, juillet 2009, comm. 276, p. 14.
Commentaire de l’arrêt du TPICE, NNV, du 7 mai 2009, aff. T-151/05.
T Laurence Idot, “Ententes horizontales et amendes”, in : Revue Europe, juillet 2009, comm.
277, p. 15. Commentaire de l’arrêt du TPICE, Wieland-Werke,Outokumpu, KME Germany, du
6 mai 2009, aff. T-116/04, T-122/04, T-127/04 (3 arrêts).
T Laurence Idot, “Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs”, in :
Revue Europe, juillet 2009, comm. 290, p. 20. Commentaire de l’arrêt de la CJCE, Renate
Ilsinger, du 14 mai 2009.125
T Laurence Idot, “Pratique concertée : réunion unique entre entreprises concernées
(Commentaire de l’arrêt CJCE, T-Mobile Netherlands BV c/ Raad van bestuur van de
Nederlandse Mededingingsautoriteit, 4 juin 2009” 126), in : Le Dalloz, 2 juillet 2009, n/ 25/7386,
p.1689.
T Laurence Idot, “Clause abusive : examen d’office par le juge national du caractère abusif”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Pannon GSM Zrt c/ Erzsébet Sustikné Gyorfi, 4 juin 2009,
C-243/08), in : Le Dalloz, 2 juillet 2009, n/ 25/7386, p.1690.
T P. Jourdain, “La réparation des dommages aux biens à usage professionnel causés par un
produit défectueux”, in : JCP, Ed. G. 2009, n/ 27, 82. Commentaire de l’arrêt CJCE, Dalkia
France 127 du 4 juin 2009, C-285/08.
T Fabienne Kauff-Gazin, “Protection des données à caractère personnel”, in : Revue Europe,
juillet 2009, comm. 278, p. 15. Commentaire de l’arrêt de la CJCE, College van Burgemeester
van Rotterdam c/ Rijkeboer du 7 mai 2009 128
T Valérie Michel, “L’épouvantail du « tout marché » écarté et la santé publique valorisée”, in :
Revue Europe, juillet 2009, comm. 271, p. 11. Commentaires des arrêts CJCE,
124 CJCE, Grande chambre, FIAMM, FIAMM Tchnologies c/ Conseil de l’Union européenne, Commission des communautés
européennes et Giorgio Fedon et Figli SpA, Fedon America, Inc. c/ Conseil de l’Union européenne, Commission des
communautés européennes, aff. jointes C-120/06 P et C-121/06 P, du 9 septembre 2008, résumé dans la veille bimestrielle n/ 21,
septembre-octobre 2008, p. 99.
125 CJCE, Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers, 14 mai 2009, aff. C-180/06, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin
2009, p. 128.
126 CJCE, T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nederland NV, Vodafone Libertel NV c/ Raad van bestuur van
de Nederlandse Mededingingsautoriteit, 4 juin 2009, aff. C-8/08,résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 114.
127 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 ( mai-juin 2009 ), p. 122
128 CJCE, College van burgemrrster en wethouders van Rottredam c/ M.E.E. Rijkeboer, 7 mai 2009, aff. C-553/07, résumé
dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 167.
-104-
Apothekerkammer des Saarlandes et a. du 19 mai 2009 129, et CJCE, Commission c/ Italie,
19 mai 2009, C-531/06.
T Anne-Laure Mosbrucker, “Retour au thème après variations autour des régimes de
responsabilité”, in : Revue Europe, n/ 7, juillet 2009, comm. 267, p. 9. Commentaire de l’arrêt
CJCE, Guigard c/ Commission, du 20 mai 2009, C-214/08 P.
T Cyril Nourissat, “Nouvelles précisions sur l’office communautaire du juge national”, in : Revue
Procédures, n/ 8-9, août-septembre 2009, p.19. Commentaire de l’arrêt de la CJCE, Pannon,
GSM, du 4 juin 2009, C-243/08.
T Cyril Nourissat, “La fourniture de services n’est pas la prestation de services”, in : Revue
Procédures, n/ 8-9, août-septembre 2009, p.19. Commentaire de l’arrêt CJCE, Falco
Privatsiftung et Rabitsh, du 23 avril 2009, C-533/07
T Cyril Nourissat, “Première interprétation par la CJCE de la notion de résidence habituelle de
l’enfant au sens du règlement « Bruxelles II bis »”, in : Revue Procédures, n/ 8-9, août-
septembre 2009, p. 21. Commentaire de l’arrêt de la CJCE, A, du 2 avril 2009, C-523/07, C533/07.
T Fabrice Picod, «Difficulté à rester dans le sillage de marques réputées de parfum…”, in : La
Semaine Juridique, Ed. G., 6 juillet 2009, n/ 28, p. 35. Commentaire de l’arrêt CJCE, L’Oréal et
a., du 18 juin 2009.130
T Fabrice Picod, « Signification et notification d’un acte notarié en dehors d’une procédure
judiciaire » in : La Semaine Juridique, Ed. G., 6 juillet 2009, n/ 28, p. 35. Commentaire de l’arrêt
CJCE, Roda Golf & Beach, du 25 juin 2009.131
T Denys Simon, “De la nécessité de motiver sérieusement les demandes de sursis à exécution
en référé”, in : Revue Europe, n/ 7, juillet 2009, comm. 268, p. 9. Commentaire de l’ordonnance
du TPICE R, Biofrescos – Comércio de Produtos Alimentares, Lda du 25 mai 2009, aff.
T-159/09.
T Denys Simon, “Médicaments et publicité”, in : Revue Europe, n/ 7, juillet 2009, comm. 270,
p. 11. Commentaire de l’arrêt CJCE, Frede Damgaard, du 2 avril 2009, C-421/07.
T Thierry Vignal, “Liberté d’établissement. – Droit communautaire. – Interprétation des articles
43 CE et 48 CE. – Transfert du siège d’une société au sein de la Communauté européenne. –
Demande de modification de la mention relative au siège dans le registre des sociétés.”,
commentaire de l’arrêt de la CJCE, Cartesio du 16 décembre 2008, 132 in : JDI, n/ 3, juillet 2009,
16.
T Pascal Wilhelm et Lila Ferchiche, “Le sort des ventes subordonnées et des ventes avec
129 CJCE, Apothkerkammer des Saarlandes, [GC], 19 mai 2009, aff. jointes C-171/07 et C-172/07, résumé dans la veille
bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 142.
130 CJCE, L’Oréal SA e.a, du 18 juin 2009, aff. C-487/07, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 160.
131 CJCE, Roda Golf & Beach Resort, 25 juin 2009, aff. C-14/08, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, mai-juin 2009, p. 125.
132 CJCE, Grande chambre, Cartesio, 16 décembre 2008, C-210/06, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22, novembre-décembre
2008, p. 70.
-105-
primes en droit français de la consommation, après l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009”, in :
Contrats Concurrence Consommation, n/ 7, juillet 2009, étude 8, p. 10. Commentaire de l’arrêt
CJCE, VTB-VAB NV du 23 avril 2009, aff. jointes C-261/07 et C-299/07.
v
v
v
-106-
ARTICLES GÉNÉRAUX
-107-
CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX
T Jean-Philippe Brouant, “Droit européen et organismes d’HLM”, in : AJDI, juillet-août 2009,
p. 520.
T Alain Lacabarats, “ Les rôles du juge du fond et de la Cour de Cassation dans le traitement
de la question préjudicielle de constitutionnalité”, Acte de colloque du 3 avril 2009 : “Une
nouvelle compétence pour la Cour de Cassation : la question préjudicielle de constitutionnalité”,
in : Les Petites affiches, n/ 126, p. 30.
T Denys Simon, “Petits arrangements au Conseil européen...”, in : Revue Europe, n/ 7, juillet
2009, repère 7, p. 1.
T Frédéric Sudre, “Question préjudicielle de constitutionnalité et Convention européenne des
droits de l’homme”, in : Revue de Droit public et de la Science politique en France et à l’étranger,
n/ 3, 2009, p. 670.
T Zagrebelsky Gustavo, “Aspects abstraits et concrets du contrôle de constitutionnalité des lois
en Italie”, Actes de colloque du 3 avril 2009: “Une nouvelle compétence pour la Cour de
Cassation : la question préjudicielle de constitutionnalité”, in : Les Petites affiches, n/ 126, p. 12.
T Revue Trimestrielle des droits de l’Homme, n/ 79, juillet 2009 sommaire :
- Frédéric Sudre, « Le mystère des « apparences » dans la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme », p. 633.
- Elisabeth Lambert Abdelgawad, “L’exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme (2008)”, p. 651.
- Caroline Picheral, Hélène Surrel, « Droit communautaire des droits fondamentaux –
Chronique de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (2008) »,
p. 683.
- Michel Puéchavy, “La peine de mort au Japon et aux Etats-unis. Derniers
développements”, p. 709.
- Gérard Niyungeko, “La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : défis et
perspectives”, p. 731.
- Idris Fassassi, “L’examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme
des Nations-Unies”, p. 739.
- Claude Savonet, “Le droit au silence : un droit relatif ?”, commentaire de l’arrêt CEDH,
O’Halloran et Francis c. Royaume-Uni, 29 juin 2007, p. 763.
- Fabienne Kéfer et Sabine Cornélis, “L’arrêt Copland ou l’espérance légitime du
travailleur quant au caractère privé de ses communications”, commentaire de l’arrêt CEDH
Copland c. Royaume-Uni, 3 avril 2007, p. 779.
- Jean-Yves Carlier, “L’accès au territoire et la détention de l’étranger demandeur
d’asile”, commentaire de l’arrêt CEDH, Saadi c. Royaume-Uni, 29 janvier 2008,133 p. 795.
- Sébastien Van Drooghenbroeck, “Les frontières du droit et le temps juridique : la Cour
européenne des droits de l’homme repousse les limites”, commentaire de l’arrêt CEDH, Demir
et Baykara c. Turquie, 12 novembre 2008, p. 811.
133 CEDH, Saadi c. Italie, 28 février 2008, req. n/ 37201/06, résumé dans la veille bimestrielle n/ 18, janvier-février 2008, p. 21.
-108-
- Jean-François Flauss, “ Le droit du Conseil de l’Europe au service d’élections libres
et de la double nationalité”, commentaire de l’arrêt CEDH, Tanase et Chirtoaca c/ Moldova,
18 novembre 2008, p. 851.
- Hanspeter Mock, “Ne bis in idem : Strasbourg tranche en faveur de l’identité des faits”
commentaire de l’arrêt CEDH du 10 février 2009, Zolotoukhine c/ Russie,134 p. 867.
134 CEDH, Zolotoukhine c. Russie, 10 février 2009, req. n/ 14939/03, résumé dans la veille bimestrielle n/ 23, janvier-février 2009.
-109-
CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE
T Dossier : “Le règlement n/ 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non
contractuelles, dit « Rome II »”, in : Le Dalloz, n/ 24, p. 1619.
T Pierre Arhel, “Activité des juridictions communautaires en droit de la Concurrence (janvierfévrier 2009 )”, in : Les Petites affiches, n/ 163, 17 août 2009, p. 7.
T Alexandre Boiché, “ Mise en oeuvre pratique des apports de l’arrêt rendu le 2 avril 2009 par
la Cour de Justice des Communautés européennes en matière d’autorité parentale”, in : Actualité
juridique famille, n/ 7- 8/2009 (juillet -août 2009), p. 294.
T Carine Brière, “Le droit international privé européen des contrats et la coordination des
sources”, in : Journal du droit international Clunet, n/ 3, juillet 2009, doctr. 6.
T Jean-Philippe Brouant, “Droit européen et organismes d’HLM”, in : AJDI, juillet-août 2008,
p. 520.
T Christelle Chalas, “Conflits de juridictions. - Divorce. - Autorité parentale. - Règlement
« Bruxelles II ». - Convention de La Haye de 1961. - Droit commun. - Connexité. - Chef de
compétence facultatif. - Juridiction la mieux placée.”, commentaire de l’arrêt de la 1ère chambre
civile de la Cour de Cassation du 3 décembre 2008, n/ 07-19.657, JurisData n/ 2008-046079,
in : JDI, n/ 3, juillet 2009,15.
T Florence Chaltiel, “Le Traité de Lisbonne devant la Cour constitutionnelle allemande :
conformité et démocratie européenne (A propos de la décision du 30 juin 2009), in : Les Petites
affiches, n/ 146, 23 juillet 2009, p. 4.
T Patrick Dibout, “Le précompte : incompatibilité avec le droit communautaire ? Éclairage sur
le renvoi préjudiciel à la Cour de justice”, in : Revue de droit fiscal, n/ 30, 23 juillet 2009, 427,
p.8.
T Emmanuel Guinchard, “Pour une transformation du règlement Rome II sur la loi applicable
aux obligations non contractuelles en Convention de la Haye”, in : Les Petites affiches, n/ 164-
165, (18-19 août 2009), p. 7.
T Tanguy de Haan, “L’effet de la violation du contrat de licence sur l’épuisement des droits de
marque”, in : Revue Propriété industrielle, n/ 7, juillet 2009, étude 14.
T Laurence Idot, “Vers une révision du règlement n/ 44/2001, dit « Bruxelles I » ?”, in : Revue
Europe, n/ 7, juillet 2009, alerte 28, p. 2.
T Gilbert Leguay, “Système français d’assurance-construction et droit européen : préserver le
présente et construire l’avenir”, in : Revue de droit immobilier, n/ 7/8, juillet/août 2009, p. 412.
T Marie-Camille Pitton, “L’article 5, 1, b dans la jurisprudence franco-britannique, ou le droit
comparé au secours des compétences spéciales du règlement (CEE) n/ 44/2001”, in : JDI, n/ 3,
juillet 2009, var. 4.
-110-
DOSSIER
-111-
L’affaire Medvedyev c. France
Evénements préliminaires à l’audience de Grande chambre 135
Par son arrêt du 10 juillet 2008, CEDH, Medvedyev c. France,136 la Cour européenne a
condamné la France, sur le fondement de l’article 5 § 1 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales et a conclu à la non violation de l’article 5 § 3
de la Convention. Les 9 et 10 octobre 2008 les requérants et le Gouvernement français ont
respectivement demandé le renvoi de l’affaire devant la Grande chambre de la Cour
européenne. L’audience en Grande chambre s’est tenue le 6 mai 2009.
L’article 5 de la Convention prévoit que :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans
les cas suivants et selon les voies légales :
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
b) s’il fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une
ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir
l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;
c) s’il a été arrêté ou détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire
compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une
infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de
commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; [...]
3. Toute personne arrêtée ou détenue dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent
article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à
exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée
pendant la procédure. [...] ».
- Bref rappel des faits :
Dans cette affaire, le navire Le Winner qui naviguait sous pavillon cambodgien en haute mer,
et dont l’équipage était fortement soupçonné d’importer des produits stupéfiants, avait été
intercepté par la marine nationale française en vertu de la loi du 15 juillet 1994, 137 puis dérouté
sur le port de Brest. Avant d’entamer ces démarches, les autorités françaises en demandèrent
l’autorisation aux autorités cambodgiennes. Le Royaume du Cambodge n’étant pas partie aux
conventions internationales 138 qui régissent la navigation en haute mer, l’accord d’intervention
fut donné par une note verbale. L’opération fut effectuée sous le contrôle du Procureur de la
République saisi par le Préfet maritime. Le trajet dura treize jours. Arrivés à Brest, les membres
de l’équipage furent placés en garde à vue durant 48 heures. A l’issue de la garde à vue, ils
furent traduits devant le juge d’instruction.
135 L’audience de Grande chambre Medvedyev c. France du 6 mai 2009 est retransmise sur le site Hudoc de la Cour européenne,
dans la rubrique « Retransmission des audiences »
136 Pour un résumé détaillé des faits, voir veille bimestrielle n/ 20 (Juin à Août 2008), p. 41
137 modifiée par la loi du 29 avril 1996 relative au trafic en haute mer
138 Notamment, l’article 17 de la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite des stupéfiants et substances
psychotropes et les articles 108 et 110 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 12
décembre 1982.
-112-
- Décision de la Cour européenne :
Dans son arrêt de chambre, la Cour européenne décide en substance que :
- l’arrestation et la détention de l’équipage du Winner ne reposait sur aucune base légale (article
5 § 1 de la Convention) ;
- le contrôle de l’opération par le Procureur de la République français ne pouvait être considéré
comme conforme aux exigences de l’article 5 § 1 de la Convention, ce dernier n’ayant pas la
qualité de « magistrat autorisé par la loi à exercer des fonctions judiciaires » ;
- enfin, compte-tenu des « circonstances exceptionnelles » liées tant à l’état de délabrement du
navire, qu’aux conditions climatiques et à la distance à parcourir pour le déroutement, la
présentation de l’équipage devant le juge d’instruction plus de treize jours après
l’arraisonnement était conforme à la notion de « aussitôt traduite devant un juge» prévue par
l’article 5 § 3 de la Convention.
L’audience de Grande chambre du 6 mai 2009
- Questions posées aux parties par les juges européens avant l’audience de Grande
chambre :
La Cour européenne avait demandé au Gouvernement et aux requérants de se prononcer d’une
part, sur la juridiction de l’Etat français dans la présente affaire, au sens de l’article 1er de la
Convention, question qui n’avait pas été abordée par l’arrêt de chambre du 10 juillet 2008, et
d’autre part, sur le statut des marins durant l’intervention des autorités françaises. De la réponse
qu’apportera la Cour à la première question dépendra l’issue de l’affaire.
- Sur la première question portant sur la notion de “toute personne relevant de leur juridiction”
au sens de l’article 1er de la Convention139 :
g La thèse soutenue par les requérants :
Les requérants rappellent l’arrêt de Grande chambre Iliascu et autres c. Moldova et Russie
rendu le 8 juillet 2004 140 qui pose selon eux les principes en la matière.
Dans cet arrêt cité, la Cour “rappelle sa jurisprudence selon laquelle la notion de « juridiction »
au sens de l’article 1 de la Convention doit passer pour refléter la conception de cette notion en
droit international public (Gentilhomme et autres c. France, nos 48205/99, 48207/99 et 48209/99,
§ 20, arrêt du 14 mai 2002 ; Bankovic et autres c. Belgique et autres (déc.) [GC], n/ 52207/99,
§§ 59-61, CEDH 2001-XII ; Assanidzé c. Géorgie [GC], n/ 71503/01, § 137, CEDH 2004-II)”. Elle
précise par ailleurs que “Du point de vue du droit international public, l’expression « relevant de
leur juridiction » figurant à l’article 1 de la Convention doit être comprise comme signifiant que
la compétence juridictionnelle d’un Etat est principalement territoriale (décision Bankovic et
autres précitée, § 59), mais aussi en ce sens qu’il est présumé [sauf circonstances
exceptionnelles] qu’elle s’exerce normalement sur l’ensemble de son territoire”. Elle doit donc
“examiner, d’une part, l’ensemble des éléments factuels objectifs de nature à limiter l’exercice
effectif de l’autorité d’un Etat sur son territoire et, d’autre part, le comportement de celui-ci”
(§ 312).
139 Art 1er : les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis
au titre I de la présente convention”.
140 CEDH, Grande chambre, Iliascu et autres c. Molova et Russie, du 8 juillet 2004, req. n/ 48787/99, p. 71s.
-113-
Cependant, selon la juridiction de Strasbourg, “la notion de « juridiction » au sens de l’article 1
de la Convention ne se circonscrit pas nécessairement au seul territoire national des Hautes
Parties contractantes (Loizidou c. Turquie (fond), arrêt du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts
et décisions 1996-VI, pp. 2234-2235, § 52). La Cour a admis que, dans des circonstances
exceptionnelles, les actes des Etats contractants accomplis ou produisant des effets en dehors
de leur territoire peuvent s’analyser en l’exercice par eux de leur juridiction au sens de l’article
1 de la Convention. Ainsi qu’il ressort des principes pertinents du droit international, un Etat
contractant peut voir engager sa responsabilité lorsque, par suite d’une action militaire légale ou
non, il exerce en pratique le contrôle effectif sur une zone située en dehors de son territoire
national.” (§ 314).
Après avoir affirmé qu’à la suite de l’arraisonnement du navire par la marine française, qui
maîtrisait le navire et contrôlait son équipage, la France exerçait bien un contrôle effectif sur le
Winner et son équipage, les requérants en déduisent que cet élément est suffisant pour établir
la juridiction de l’Etat français sur le Winner au sens de l’article 1er de la Convention.
g La thèse soutenue par le Gouvernement :
Pour le Gouvernement, cette question de la juridiction de la France est cruciale et il la traite à
titre principal. Il n’aborde les autres points qu’à titre subsidiaire et surabondant. En effet, selon
lui, l’hésitation est effectivement permise sur la juridiction de l’Etat français au sens de l’article
1er de la Convention. Il expose que si la Cour considère que la haute mer n’est sous la juridiction
de personne et qu’en l’espèce, la France est intervenue à la demande d’un Etat non partie à la
Convention, cette opération serait hors de la juridiction de la France au sens de la Convention.
Le Gouvernement cite à cet effet la décision Bankovic rendue en Grande chambre le 12
décembre 2001, qui pose le principe selon lequel, “En conformité avec la notion essentiellement
territoriale de juridiction, la Cour n’a admis que dans des circonstances exceptionnelles que les
actes des Etats contractants accomplis ou produisant des effets en dehors de leur territoire
peuvent s’analyser en l’exercice par eux de leur juridiction au sens de l’article 1 de la
Convention”. (§ 67). Il continue en reprenant le paragraphe 80 de la décision : “En résumé, la
Convention est un traité multilatéral opérant, sous réserve de son article 562, dans un contexte
essentiellement régional, et plus particulièrement dans l’espace juridique des Etats contractants,
dont il est clair que la RFY ne relève pas. Elle n’a donc pas vocation à s’appliquer partout dans
le monde, même à l’égard du comportement des Etats contractants. Aussi la Cour n’a-t-elle
jusqu’ici invoqué l’intérêt d’éviter de laisser des lacunes ou des solutions de continuité dans la
protection des droits de l’homme pour établir la juridiction d’un Etat contractant que dans des cas
où, n’eussent été les circonstances spéciales s’y rencontrant, le territoire concerné aurait
normalement été couvert par la Convention”.
Le Gouvernement en déduit que les faits litigieux ne devaient donc pas être de la juridiction de
l’Etat français et laisse à la Cour le soin de rechercher si des faits exceptionnels pourraient
justifier l’application de la Convention à la haute mer.
- Sur le second point, concernant le statut des marins :
g La position des requérants :
Les requérants affirment que les marins du Winner ne pouvaient avoir que le statut de détenus
au sens de l’article 5 de la Convention puisqu’ils avaient été privés de leur liberté par les forces
-114-
militaires armées.
Ils demandent donc la confirmation du précédent arrêt et le prononcé de la violation de l’article
5 § 1 de la Convention.
g La position du Gouvernement :
Le Gouvernement conteste que les marins aient été privés de leur liberté et ne leur reconnaît
pas la qualité de « détenus ». En effet, il relève qu’en mer le sort des personnes embarquées
dépend de celui du navire légalement dérouté sur lequel elles se trouvent et que la liberté de
circulation ne peut être interprétée de la même façon sur terre et sur mer. De plus, le capitaine
du navire dispose de pouvoirs particuliers, notamment de maintien de l’ordre, sur le personnel
et toute autre personne à son bord. Dans ces conditions, il ne reconnaît aux marins que le statut
de « membres d’équipage d’un navire légalement dérouté en raison des activités illicites
effectuées ». Il rappelle que pendant le déroutement, aucun acte d’enquête n’a été effectué.
Dans ces conditions, les membres de l’équipage n’avaient aucun besoin d’être assistés d’un
avocat et n’ont demandé ni à en bénéficier ni de contacter leurs famille.
- Les conclusions présentées par les parties devant la Grande chambre :
- Concernant la légalité de la détention du personnel du navire :
La Cour européenne, dans son arrêt du 10 juillet 2008 a conclu à l’illégalité de la détention des
marins du Winner après avoir examiné d’une part, les textes internationaux en matière de
navigation maritime et d’autre part, la loi du 15 juillet 1994.
Elle rappelle à titre liminaire que l’affaire s’inscrit dans la lutte contre le trafic international de
stupéfiants mais précise néanmoins, que “cette fin ne saurait justifier tous les moyens” et que
les “Etats sont tenus de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés
garantis par la Convention” (§ 49).
En l’espèce, elle constate que les conventions internationales n’étaient pas applicables entre la
France et le Cambodge, ce dernier Etat n’ayant signé aucune de ces conventions. Concernant
la loi du 15 juillet 1994, elle constate que celle-ci ne prévoyait l’intervention de l’armée française
qu’auprès des Etats parties à la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 et ne trouvait donc
pas à s’appliquer. Elle note à cet égard que la modification de la loi, intervenue en 2005, après
l’affaire, étend à présent de telles interventions aux Etats tiers.
Toutefois, elle admet l’applicabilité de l’article 108 de la Convention de Montego Bay et reconnaît
la validité de l’accord donné par le Royaume du Cambodge aux autorités françaises qui autorisa
la marine nationale française à « intercepter, contrôler et engager des poursuites judiciaires
contre le bateau le Winner ». La Cour constate donc que cette note verbale constitue bien une
base légale à l’intervention des autorités françaises. Néanmoins, elle considère que les termes
de la note ne prévoyaient pas précisément la faculté de priver les membres de l’équipage de leur
liberté et partant, constate une violation de l’article 5 § 1 en raison d’un défaut de base légale
à la détention.
g La position des requérants concernant la légalité de l’arraisonnement du navire par les
autorités françaises :
Les requérants rejettent la position du Gouvernement français selon laquelle la Convention de
Montego Bay et la Convention de Vienne auraient été applicables, alors même que le Cambodge
n’était pas signataire de ces textes, en raison de l’accord ad’hoc intervenu en 2002 entre les
deux gouvernements. En effet, ils contestent la validité même de la note verbale, alléguant
-115-
l’absence de mentions substantielles telles que sa signature. Ils précisent que cette note a été
complétée en 2008 par le gouvernement du Cambodge ce qui, selon eux, démontre bien
l’insuffisance de précision de la première. Par ailleurs, ils indiquent que le Gouvernement ne
peut, pour justifier son intervention au regard de l’article 110 de la Convention de Montego Bay,
d’une part soutenir que le navire le Winner n’arborait aucun pavillon et d’autre part se prévaloir
de l’autorisation donnée par le gouvernement cambodgien pour procéder à l’arraisonnement du
navire. Ils y voient en effet une contradiction flagrante.
Les requérants invoquent donc une absence totale de base légale à l’intervention des autorités
françaises, tant en ce qui concerne l’application de textes internationaux auxquels le Cambodge
n’était pas partie qu’en ce concerne la validité même de la note verbale présentée par le
Gouvernement.
g La position des requérants sur la légalité de la privation de la liberté des marins du
Winner :
Selon les requérants, la loi du 15 juillet 1994 en cause dans cette affaire a démontré son
imprécision lorsque l’affaire a été jugée par les juridictions françaises. Ils notent qu’en
l’occurrence, ce texte a fait l’objet d’une modification en 2005 pour le rendre applicable aux
interventions en haute mer à des nations non signataires de la Convention de Vienne. Selon eux,
à supposer même que la note verbale ait été valide, celle-ci, compte-tenu de son imprécision,
ne peut constituer une délégation de compétences pour procéder à la détention et à la poursuite
des marins devant les juridictions françaises. D’autre part, les dispositions de la Convention de
Vienne auxquelles se réfère la loi de 1994 n’autorisent les autorités françaises qu’à prendre
« des mesures appropriées à l’égard des personnes se trouvant sur le navire ». Ces termes sont
imprécis et ne permettent pas la détention de l’ensemble du personnel du navire.
Les requérants contestent donc toute base légale permettant de justifier l’arraisonnement et la
détention des marins en raison de l’imprécision des textes. A ce titre, ils rappellent la position
unanime de la Cour européenne dans l’arrêt du 10 juillet pour constater la violation de l’article
5 § 3 de la Convention pour défaut de base légale.
g La position du Gouvernement sur le problème de la légalité de la détention du
personnel du navire :
Le Gouvernement n’aborde le sujet du fondement légal des opérations litigieuses qu’à titre
subsidiaire et surabondant.141 Il répond globalement aux deux premières questions.
Il soutient que ces opérations avaient des bases légales tant en droit interne qu’en droit
international.
A titre liminaire, il rappelle que le Winner s’était mis en situation délictuelle d’une part en refusant
d’arborer son pavillon alors qu’il en était requis par un navire militaire et d’autre part en
transportant et jetant à la mer des produits stupéfiants. Ces faits justifiaient donc selon lui
l’application de l’article 110 de la Convention de Montego Bay et des articles 7 et 12 de la loi du
15 juillet 1994.
De surcroît, selon le Gouvernement, la note verbale établie par l’Etat cambodgien a été rendue
possible par la Convention de Montego Bay qui prévoit la coopération internationale pour lutter
contre le trafic de stupéfiants. Par cet accord, pour lequel aucun formalisme n’est exigé, le
Cambodge autorisait l’intervention des forces militaires françaises. Le Gouvernement soutient
également qu’il résultait de la note verbale du 7 juin 2002 que le Cambodge déléguait aux
autorités française à la fois le contrôle et l’arraisonnent du navire, en vue de mettre fin au trafic
141 Le Gouvernement estime en effet que la question posée par la Cour européenne sur la juridiction de la France dans cette
affaire, au titre de l’article 1er de la Convention n’est pas établie. Les arguments du Gouvernement sont repris plus bas dans la note.
-116-
mais également la poursuite et la condamnation des éventuels coupables. La seconde note
verbale produite en 2008 par le Cambodge n’aurait eu pour but que de confirmer l’intention des
autorités cambodgiennes quant à la délégation qu’elles avaient accordée à l’Etat français en
2002, en réponse au raisonnement développé par la Cour de Strasbourg dans son arrêt de
chambre qui avait déclaré que les termes de la note étaient trop imprécis.
Concernant l’applicabilité du titre II de la loi du 15 juillet 1994, le Gouvernement précise que
selon la jurisprudence de la Cour européenne, il appartient aux seules juridictions nationales
d’apprécier le champ d’application d’une loi interne. En l’espèce, les juges nationaux avaient
décidé d’appliquer la loi litigieuse tout en ayant constaté que le Royaume du Cambodge n’était
pas partie à la Convention de Vienne. Il demande donc aux juges européens de ne pas se
substituer à ces juridictions et de ne pas constater de violation de la Convention.
Le Gouvernement précise également que la modification intervenue en 2005 de la loi du 15 juillet
1994, n’était qu’une confirmation du champ d’application de la loi et qu’à ce titre, elle ne remet
pas en cause la légalité des dispositions appliquées à la présente affaire.
Il souligne enfin que le titre I de la loi sur lequel les juges français se sont également fondés
prévoit, en son article 5, le déroutement du navire dans certaines conditions qui, selon lui, étaient
suffisamment réunies pour que ce texte trouve effectivement à s’appliquer.
Concernant l’absence de prévisibilité et d’accessibilité des normes nationales et internationales
soulevée par les requérants, le Gouvernement conteste formellement cette position. Il estime
que ces dispositions sont claires et qu’elles prévoient le déroutement des navires et donc la
restriction de liberté de l’équipage. Enfin, il relève que la Cour avait jugé dans la décision
Rigopoulos,142 que des trafiquants de stupéfiants peuvent s’attendre à être déroutés.
Concernant ce dernier arrêt, il rappelle que dans cette affaire pour laquelle la Cour n’avait pas
constaté de violation, Monsieur Rigopoulos n’avait pourtant à aucun moment été présenté à un
juge durant les 16 jours du déroutement du navire et qu’au surplus, les juges de Strasbourg
avaient conclu que la note verbale donnée par les autorités panaméennes était suffisante pour
justifier l’intervention du Gouvernement espagnol au regard du droit international public.
Le Gouvernement précise en outre, concernant le choix de dérouter le navire jusqu’à Brest, qui
était encore contesté par les requérants, que ce port était le plus proche dès lors qu’il n’était pas
possible d’autoriser le navire, dont l’état de délabrement représentait des risques de pollution,
à accoster en mer méditerranée.
Il demande donc à la Cour de conclure à la légalité de l’intervention tant en droit international
qu’en droit interne.
Enfin, le Gouvernement soutient que le contrôle effectué par le Procureur de la République
durant toute l’opération du déroutement est une garantie suffisante contre l’arbitraire, au sens
de l’article 5 § 1 de la Convention, celui-ci étant un magistrat habilité par la loi à exercer des
fonctions judiciaires. Sur ce point, sans développer à l’audience, il renvoie à ses observations
écrites.
142 CEDH, décision d’irrecevabilité, Rigopoulos c. Espagne, du 12 janvier 1999, req. n/ 37388/97
-117-
- Concernant l’absence de reconnaissance au Procureur de la République de la qualité de
« magistrat autorisé par la loi à exercer des fonctions judiciaires » :
Sur le fondement de l’article 5 § 1 143 de la Convention, la Cour européenne a décidé dans son
arrêt du 10 juillet 2008 que “Force est cependant de constater que le procureur de la République
n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette
notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l’indépendance à
l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié (voir Schiesser c. Suisse, arrêt
du 4 décembre 1979, série A n/ 34, §§ 29-30)”. (§ 61)
Antécédents à l’arrêt :
La Cour de Strasbourg ne pose pas ici de nouveaux principes en la matière et se contente tout
au plus de rappeler une jurisprudence ancienne et constante. En effet, les juges européens ont
déjà maintes fois énoncé, à l’occasion d’arrêts rendus à l’encontre d’autres Etats membres, les
qualités requises au sens de la Convention pour être qualifié de « juge » ou de « magistrat
habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », à savoir, l’impartialité et l’indépendance.
Cependant, l’interprétation de ces critères par la Cour européenne semble avoir évolué depuis
l’origine. En 1979, dans un arrêt Schiesser c. Suisse, 144 elle se prononce sur la conformité à
l’article 5 § 3 de la Convention du rôle du Procureur de district suisse. Elle pose les principes de
son interprétation mais adopte une approche spécifique à l’affaire.
Elle reconnaît en premier lieu, “l’existence d’une certaine analogie entre « juge » et
« magistrat », sans quoi [précise-t-elle] la présence de l’adjectif « autre » ne s’expliquerait du
reste guère” (§ 27). Par ailleurs, elle donne à “« Magistrat » en français, et plus encore « officer »
en anglais, (...) un sens plus large que « juge » et « judge »” (§ 28). Enfin, elle note que
“l’exercice de « fonctions judiciaires » ne se limite pas nécessairement au fait de juger”. Ainsi,
après avoir relevé que le ministère public et les juges d’instruction exercent, dans de nombreux
Etats membres, des fonctions judiciaires sans pour autant rendre la justice, elle constate qu’une
“analyse littérale donne (...) à penser que l’article 5 par. 3 (art. 5-3) englobe les magistrats du
parquet comme ceux du siège” (§ 28 in fine). Dans cet arrêt, les juges européens précisent que
si “le « magistrat » ne se confond pas avec le « juge », (...) encore faut-il qu’il en possède
certaines des qualités, c’est-à-dire remplisse des conditions constituant autant de garanties pour
la personne arrêtée”, à savoir, notamment “l’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties
(cf., mutatis mutandis, l’arrêt Neumeister précité, p. 44)”, ce qui, précise-t-elle, “n’exclut pas toute
subordination à d’autres juges ou magistrats pourvu qu’ils jouissent eux-mêmes d’une
indépendance analogue” (§ 31).
Dans cette affaire, le requérant contestait l’indépendance du procureur de district. Il relevait à
cet égard que celui-ci pouvait intervenir à double titre dans la procédure : au niveau de
l’instruction puis dans le déclenchement des poursuites ; enfin, il exposait que le procureur de
district était soumis à l’autorité hiérarchique du Parquet général et, à travers lui, au ministère de
la justice.
Or, la Cour constate qu’en l’espèce, le Procureur de district n’était intervenu que dans le cadre
de l’instruction et que, même s’il en avait la possibilité par ses attributions, il n’avait pas engagé
les poursuites contre le requérant et n’avait donc pas cumulé les fonctions de poursuite et
d’instruction.
En ce qui concerne le lien hiérarchique du procureur de district et plus précisément des
143 Selon, J-Pierre Marguénaud, les juges de Strasbourg ont choisi délibérément d’examiner la qualité de magistrat sous l’angle
de l’article 5 § 1 et non comme elle l’avait fait antérieurement de l’article 5 § 3 de la Convention pour donner un impact tout
particulier à l’arrêt. (cf : “Tempête sur le Parquet”, in : Revue de science criminelle, 2009, p. 176.)
144 CEDH, Schiesser c. Suisse, du 4 décembre 1979, req. n/ 7710/76, série A, n/ 34, § 28.
-118-
instructions qu’il aurait pu recevoir du Parquet général, de la direction de la justice ou du
gouvernement cantonal, la Cour se contente de constater qu’en l’espèce, aucune instruction n’a
été donnée et que les décisions prises dans la présente affaire l’ont été en toute indépendance.
Elle conclut, par cinq voix contre deux, 145 à la non violation de l’article 5 § 3 de la Convention,
après avoir affirmé que le procureur de district “présentait en l’espèce les garanties
d’indépendance, de procédure et de fond inhérentes à la notion de « magistrat habilité par la loi
à exercer des fonctions judiciaires »”.
Ensuite, l’analyse de la Cour européenne a évolué. En effet, appliquant la théorie des
apparences, comme elle l’avait fait pour le principe de l’impartialité au regard de l’article 6 § 1
de la Convention, celle-ci affirme qu’il importe peu de savoir si le ministère public a effectivement
ou non exercé son pouvoir de poursuite dans l’affaire en cause. Elle recherche si celui-ci
disposait des deux fonctions d’instruction et de poursuite. Ce seul constat suffit selon elle à jeter
des doutes sur l’indépendance contestée et de ce fait, sur la qualification de « magistrat autorisé
par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Ainsi, dans l’arrêt Huber c. Suisse 146 du 26
novembre 1992, elle rappelle avoir jugé, “Dans plusieurs arrêts postérieurs à l’arrêt Schiesser
du 4 décembre 1979 et relatifs, eux, à la législation néerlandaise en matière d’arrestation et de
détention de militaires (arrêt de Jong, Baljet et van den Brink du 22 mai 1984, série A n/ 77, p.
24, par. 49, arrêt van der Sluijs, Zuiderveld et Klappe de la même date, série A n/ 78, p. 19, par.
44, et arrêt Duinhof et Duijf de la même date, série A n/ 79, p. 17, par. 38), (...) que l’auditeur
militaire, après avoir ordonné la mise en détention des requérants, pouvait aussi se voir appelé
à jouer, dans la même cause, le rôle d’organe de poursuite une fois la cause renvoyée devant
le conseil de guerre” et en avoir conclut qu’il “ne pouvait être « indépendant des parties » à
ce stade préliminaire car justement il avait « des chances » de devenir l’une d’elles lors
de la phase ultérieure” (§ 52).
En l’espèce, elle considère, concernant le procureur de district, que “Sans doute la Convention
n’exclut-elle pas que le magistrat qui décide de la détention ait aussi d’autres fonctions, mais
son impartialité peut paraître sujette à caution (arrêt Pauwels précité, série A n/ 135, pp.
18-19, par. 38, et, mutatis mutandis, arrêts Piersack du 1er octobre 1982, série A n/ 53, p. 16,
par. 31, De Cubber du 26 octobre 1984, série A n/ 86, p. 16, par. 30, et Hauschildt du 24 mai
1989, série A n/ 154, p. 23, par. 52 in fine) s’il peut intervenir dans la procédure pénale
ultérieure en qualité de partie poursuivante”. (§ 53). Elle conclut à la violation de l’article 5 §
3 de la Convention.
Plus récemment, dans l’arrêt Pantéa c. Roumanie,147 la Cour européenne examinant la qualité
de « magistrat » du Procureur “rappelle que, dans l’affaire Vasilescu c. Roumanie (arrêt du 22
mai 1998, Recueil 1998-III, p. 1075, §§ 40, 41) elle a d’ores et déjà constaté - sur le terrain de
l’article 6 § 1 de la Convention - qu’en Roumanie, les procureurs, agissant en qualité de
magistrats du ministère public, subordonnés d’abord au procureur général, puis au
ministre de la Justice, ne remplissaient pas l’exigence d’indépendance à l’égard de
l’exécutif. La Cour ne décèle aucune raison qui justifierait une conclusion différente en l’espèce,
cette fois-ci sur le terrain de l’article 5 § 3 de la Convention, dès lors que l’indépendance à
l’égard de l’exécutif compte également parmi les garanties inhérentes à la notion de « magistrat
», au sens de l’article 5 § 3 (Schiesser précité, § 31)”.
145 Les opinions dissidentes des juges Ryssdal et Evrigenis sont annexées à l’arrêt.
146 CEDH, Huber c. Suisse, du 23 octobre 1990, req. n/ 12794/87 ; voir également, CEDH, Brincat c. Italie, du 26 novembre
1992, req. n/ 13867/88.
147 CEDH, Pantéa c. Roumanie, du 3 juin 2003, req. n/ 33343/96.
-119-
g La position des requérants sur la qualification de « magistrat » au sens de l’article 5
de la Convention du Procureur français :
Sur le statut du Parquet français, les requérants rappellent la jurisprudence antérieure de la Cour
et notamment les deux arrêts Schiesser c. Suisse de 1979 et Huber c. Suisse de 1990 dans
lesquelles ils relèvent les critères retenus par la juridiction européenne pour qu’un magistrat soit
reconnu comme « autorité judiciaire » au sens de l’article 5 § 3 de la Convention : indépendance
à l’égard de l’exécutif et des parties et impartialité (qualité organique) et ne pas être une autorité
de poursuite (qualité fonctionnelle). Ils évoquent d’une part le rôle de poursuites qu’exerce le
Parquet français (article 31 du code de procédure pénale) et d’autre part, la dépendance à
l’égard de l’exécutif, tant en droit (article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 et article 30
du code de procédure pénale) qu’en fait. Ils relèvent le pouvoir de sanctions disciplinaires que
détient l’exécutif à l’encontre des magistrats du Parquet, amovibles et révocables. Ils précisent
que les limites apportées par les pouvoirs propres des chefs de parquet et la liberté de parole
à l’audience sont insuffisantes pour assurer l’indépendance du Parquet au sens de l’article 5 de
la Convention. Enfin, les requérants exposent les différentes interventions du Ministre français
de la justice, notamment depuis 2004 : octobre 2007, mutation d’office d’un procureur, août
2007, convocation d’un magistrat du parquet par le Garde des Sceaux, octobre 2008,
convocation pour audition par la police judiciaire à la demande du Garde des Sceaux d’un
substitut et d’un procureur général.
g La position du Gouvernement sur la qualification de « magistrat » au sens de l’article
5 de la Convention du Procureur français :
Le Gouvernement conteste la thèse soutenue par les requérants et renvoie à ses conclusions
écrites.
- Concernant la durée de la détention des marins avant d’être présentés devant un juge ou un
magistrat autorisé par la loi à exercer des fonctions judiciaires (article 5 § 3 de la Convention) :
La Cour européenne, dans son arrêt du 10 juillet 2008 précise que la notion de « aussitôt
traduite devant un juge ou un autre magistrat autorisé par la loi à exercer des fonctions
judiciaires » implique une exigence de promptitude, de célérité. Cependant, comme dans l’affaire
Rigopoulos c. Espagne, précitée, elle considère que les « circonstances tout à fait
exceptionnelles » de la présente affaire, à savoir, l’état du navire, les conditions climatiques ainsi
que la distance à parcourir (5 500 km) jusqu’au port de Brest, justifiaient le délai de 15 à 16 jours
qui avait été nécessaire pour que les membres de l’équipage mis en garde à vue soient
présentés au juge des liberté et de la détention à qui elle accorde la qualité de juge au sens de
la Convention. Partant, elle conclut, par 4 voix contre trois à la non violation de l’article 5 § 3 de
la Convention. La juge Berro-Lefèvre exprime une opinion partiellement dissidente sur ce point
à laquelle se rallient les juges Lorenzen et Lazarova Trajkovsk.
Jurisprudence antérieure :
Habituellement la Cour européenne fait de la notion « aussitôt traduite » une interprétation
stricte. Elle estime en effet qu’un “tel contrôle [juridictionnel] doit fournir des garanties effectives
contre le risque de mauvais traitements, qui est à son maximum durant cette phase initiale de
détention, et contre un abus par des agents de la force publique ou une autre autorité des
pouvoirs qui leur sont conférés et qui doivent s’exercer à des fins étroitement limitées et en
stricte conformité avec les procédures prescrites”. (CEDH, Grande chambre McKay c. Royaume
-120-
Uni, du 3 octobre 2006). 148
Dans un arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni, du 29 novembre 1988, 149 concernant une
affaire de terrorisme, les juges européens, devaient analyser les termes anglais « promptly »
et français « aussitôt » au sens de la Convention. Ils retiennent qu’en “interprétant et appliquant
la notion de « promptitude » on ne peut témoigner de souplesse qu’à un degré très faible
(paragraphe 59 ci-dessus). Aux yeux de la Cour, même la plus brève des quatre périodes
litigieuses, à savoir les quatre jours et six heures de garde à vue de M. McFadden (paragraphe
18 ci-dessus), va au-delà des strictes limites de temps permises par la première partie de l’article
5 par. 3 (art. 5-3). On élargirait de manière inacceptable le sens manifeste d’« aussitôt » si l’on
attachait aux caractéristiques de la cause un poids assez grand pour justifier une si longue
détention sans comparution devant un juge ou un « autre magistrat »”. (§ 62 de l’arrêt).
Cette jurisprudence a ensuite été confirmée, notamment par un arrêt récent, Samoila et Cionca
c/ Roumanie du 4 mars 2008.150 Cependant, la Cour admet que des « circonstances
exceptionnelles » puissent justifier qu’un détenu ne soit pas aussitôt traduit devant un juge. Tel
était le cas dans l’affaire Rigopoulos c. Espagne, très similaire à l’espèce, à laquelle la Cour
et les parties se réfèrent. Dans cette affaire, le commandant d’un navire arraisonné et détourné
par les autorités espagnoles avait été détenu pendant seize jours. Il n’avait de ce fait pu être
traduit aussitôt devant un juge. La Cour, dans sa décision d’irrecevabilité de du 12 janvier 1999,
décide que le fait que le navire ait été arraisonné en haute mer dans l’Océan Atlantique, la
distance considérable entre le lieu d’arraisonnement et l’Espagne, (plus de 5 500 km), ainsi que
le fait qu’il avait fallu seize jours pour arriver au port de Las Palmas constituaient des
circonstances tout à fait exceptionnelles et “qu’il existait donc une impossibilité matérielle
d’amener physiquement le requérant devant le juge d’instruction dans un délai plus court”.
g La position des requérants sur la violation de l’article 5 § 3 de la Convention :
Sur le contrôle de la détention :
Les requérants évoquent la décision Rigopoulos pour s’en écarter. En effet, à la différence de
cette affaire, ils estiment d’une part que, comme l’a souligné la Cour européenne, le Procureur
n’étant pas un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires, leur détention n’a
pas été supervisée et contrôlée par une autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention.
D’autre part, le délai d’acheminement de 13 jours du navire n’était selon eux pas incompressible
puisque notamment, les marins auraient pu être transbordés sur le navire de la marine nationale
comme ce fut le cas du marin blessé, tandis que le navire aurait été rapatrié par les membres
de la marine nationale compétents.
Sur la nécessité de présenter « aussitôt » les marins à un juge :
Les requérants estiment avoir été privés de leur liberté et avoir eu la qualité de détenus dès
l’arraisonnement du navire. Par ailleurs, ils contestent la régularité du contrôle effectué durant
l’opération par le Procureur à qui il n’accordent pas la qualité d’autorité judiciaire. Dans ces
conditions, ils expliquent que même si, comme le soutient à présent le Gouvernement, les
marins ont été présentés à un juge d’instruction dès leur arrivée à Brest, ils ne peuvent
considérer avoir été présentés aussitôt devant un juge, 13 jours s’étant écoulés depuis leur
148 CEDH, Grande chambre McKay c. Royaume Uni, du 3 octobre 2006, req. n/ 543/03 § 32.
149 CEDH, Brogan et autres c. Royaume-Uni, du 29 novembre 1988, req. n/ 11209/84 ; 11234/84 ; 11266/84 ; 11386/85.
150 CEDH, Samoila et Cionca c/ Roumanie du 4 mars 2008, req. n/ 3065/03.
-121-
détention.
Enfin, ils relèvent que la mesure de garde à vue prononcée à leur encontre par un officier de
police judiciaire à leur arrivée à Brest puis renouvelée par le juge d’instruction n’a fait que
retarder le moment où ils ont pu bénéficier de l’assistance d’un avocat et avoir accès à leur
dossier.
g La position du Gouvernement sur le respect de l’article 5 § 3 de la Convention :
Le Gouvernement considère que les marins n’ont eu le statut de détenus qu’à leur arrivée au
port de Brest puisqu’au acte d’enquête n’a été pratiqué sur le navire jusqu’à ce moment. Par
ailleurs, il soutient que le contrôle effectué par le Procureur de l’arraisonnement à l’accostage
était régulier puisque celui-ci est un magistrat au sens de l’article 5 de la Convention.
Par ailleurs, il explique que, compte tenu de la distance entre le lieu de l’arraisonnement et le
port de destination, des conditions météorologiques et de l’état de délabrement du navire, le
délai de déroutement de celui-ci ne pouvait être moins long. Enfin, il expose que les marins
requérants ont été placés en garde à vue dès leur arrivée à Brest, par un officier de police
judiciaire puis, présentés le jour même à un juge d’instruction. Le lendemain, ils étaient à
nouveau entendus par un juge d’instruction puis, pour une mise en détention provisoire par un
juge des libertés et de la détention. Le juge d’instruction disposant du pouvoir de prononcer la
mise en liberté des intéressés doit être qualifié de magistrat au sens de l’article 5 § 3 de la
Convention. Dès lors, pour le Gouvernement la condition de célérité requise par la Convention
a été respectée et aucune violation de l’article 5 § 3 ne peut être soulevée.
En conclusion et tout au long des observations faites à l’audience de Grande chambre, le
Gouvernement, insiste sur la nécessité pour les Etats de pouvoir lutter contre le trafic
international de stupéfiant et sur l’impact qu’aura l’arrêt de Grande chambre, tant en la matière,
qu’en ce qui concerne la lutte contre les actes de piraterie.
Les requérants indiquent que la chambre criminelle de la Cour de cassation française, dans un
arrêt du 29 avril 2009 (09-80.157) a d’ores et déjà eu l’occasion de mettre en application la
jurisprudence dégagée par la Cour européenne dans son arrêt de chambre. Cependant, selon
eux, la Cour suprême n’a pas tiré toutes les conclusions qui s’imposaient puisque tout en
reconnaissant l’illégalité de la détention subie par les marins, elle a rejeté leurs moyens relatifs
à l’annulation de la procédure.
- Les questions posées aux parties par la Cour à l’issue de l’audience de Grande
chambre :
Après avoir entendu chacune des parties, la Cour européenne posera deux questions portant
respectivement sur la compétence du juge d’instruction en matière de garde à vue en droit
français et d’autre part, sur la possibilité pour l’équipage du Winner de bénéficier d’un interprète.
Sur le premier point, les parties s’accordent à reconnaître au juge d’instruction la qualité de
« magistrat » au sens de l’article 5 de la Convention,151 les requérants ne contestant dans son
intervention en l’espèce que le prononcé de la prolongation de la garde à vue qu’ils estiment
excessive et non fondée. Ils affirment en effet que cette mesure n’a fait que retarder la possibilité
151 Voir également CEDH, Grande chambre, T.W c. Malte, du 29 avril 1999, req. n/ 25664/94 et CEDH, Grande chambre, McKay
c. Royaume-Uni, du 3 octobre 2006, req. n/ 543/03. La Cour européenne exige en effet pour que la qualité de « magistrat » soit
reconnue au sens de la Convention, que le juge devant lequel la personne détenue est présentée dispose du pouvoir
d’élargissement.
-122-
pour eux d’accéder à leur dossier et de bénéficier de l’assistance d’un avocat.
Le Gouvernement affirme quant à lui que la mesure était nécessaire pour les besoins de
l’enquête puisqu’aucun acte d’enquête n’avait été réalisé durant le déroutement du navire.
Sur le second point, le Gouvernement reconnaît que les marins n’ont pas eu accès à un
interprète sur le navire. Il signale que l’équipage était composé de marins de cinq nationalités
différentes mais précise que le commandant du navire parlait anglais et que dans ces conditions,
un dialogue pouvait se faire. Il affirme enfin qu’à aucun moment les marins n’avaient demandé
ni l’assistance d’un avocat, ni d’entrer en communication avec leur famille.
L’affaire a été mise en délibéré.
www
La réaction du Gouvernement français : le projet de loi relatif à la
lutte contre la piraterie de police de l’Etat en mer. 152
Face à l’augmentation importante des actes de piraterie en Haute mer et à la suite de l’arrêt de
condamnation rendu par une chambre de la Cour européenne dans l’affaire Medvediev, le
Gouvernement a déposé, le 3 septembre 2009, un projet de loi devant le Sénat. Ce texte porte
adaptation à la convention de Montego Bay de diverses dispositions de la loi n/ 94-589 du 15
juillet 1994 relative aux modalités d’exercice par l’Etat de ses pouvoirs de police en mer, du code
pénal, du code de procédure pénale et du code de la défense.
Principaux apports de ce projet de loi :
Le projet de loi donne une définition des infractions pénales constitutives d’actes de piraterie
(article 25), en conformité avec la convention de Montego Bay. Il détermine également “les
modalités de recherche et de constatation de ces infractions, les agents habilités à y procéder,
ainsi que les critères de la compétence des juridictions françaises” 153.
Les opérations d’intervention de la police sur un navire ne pourront être mise en œuvre que s’il
existe de « sérieuses raisons » (et non plus s’il « existe des motifs raisonnables ») de
soupçonner qu’un acte de piraterie se commet ou se prépare à être commis ;
Le contrôle des mesures de coercition continuera de s’effectuer par le Préfet maritime ou, Outremer, par le délégué du Gouvernement pour l’action de l’Etat en mer. Lorsque l’opération
s’effectue dans le cadre international, le contrôle serait confié à “l’autorité désignée dans ce
cadre” (art. 26) ;
Selon l’article 28, la constatation des infractions relève de la compétence des officiers de police
judiciaires, ainsi que, lorsqu’ils y sont spécialement habilités, des commandants des bâtiments
de l’Etat, officiers de la marine nationale ainsi que des commandants des aéronefs de l’Etat,
chargés de la surveillance en mer. Les mesures conservatoires (saisies) doivent être autorisées
par le Procureur de la République.
L’article 29 permet de retenir la compétence des juridictions françaises (conformément aux
152 Le projet de loi déposé par le Gouvernement est accessible sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/dossierleg/pjl08-607.html
153 Extrait de l’exposé des motifs.
-123-
dispositions de l’article 105 de la convention de Montego Bay) lorsque les auteurs et complices
sont appréhendés par les autorités françaises et qu’aucun autre Etat ne se reconnaît compétent.
La mise en conformité avec les règles posées dans l’arrêt Medvediev :
L’article 6 du projet de loi modifie l’article L. 1521-1 du code de la défense. Cet article semble
vouloir pallier les difficultés résultant de l’arrêt Medvediev. Il élargit “le champ d’application de
l’exercice par l’Etat de ses pouvoirs de police en mer aux navires n’arborant aucun pavillon ou
sans nationalité ainsi qu’aux navires battant pavillon d’un Etat qui a sollicité l’intervention de la
France ou agréé sa demande d’intervention” et organise la mise en place de mesures de
coercition à l’encontre des personnes à bord du navire :
Le Procureur de la République territorialement compétent est averti sans délai des mesures de
restriction ou de privation de liberté par l’autorité compétente (Préfet maritime ou délégué du
Gouvernement). En outre, il est destinataire du compte rendu de l’examen de santé pratiqué,
dans un délai de 24 heures, sur la personne faisant l’objet de la mesure de restriction. Cet
examen précise si l’état de santé de la personne concernée permet de maintenir les mesures
de privation de liberté.
Le Procureur saisit le juge des libertés et de la détention qui se prononce, « avant l’expiration
du délai de 48 heures à compter de la mise en œuvre des mesures de restriction ou de privation
de liberté (...) sur leur prolongation éventuelle pour une durée maximale de 120 heures
[renouvelables jusqu’à ce que la personne puisse être remise à l’autorité compétente] à compter
de l’expiration du délai précédent 154 ».
Il est également précisé que le juge des libertés et de la détention peut solliciter du Procureur
tout renseignement supplémentaire lui permettant d’apprécier l’état de santé ou la situation
matérielle de l’intéressé, qu’il peut communiquer avec la personne privée de liberté et ordonner
un nouvel examen de santé. Ses ordonnances sont motivées et insusceptibles de recours. Elles
sont communiquées à l’intéressé dans une langue qu’il comprend.
L’article 6 prévoit enfin, outre un premier examen de santé pratiqué dans les vingt quatre heures
de la première mesure de privation ou restriction de liberté, un examen médical qui sera pratiqué
dans un délai maximal de dix jours à compter du premier examen de santé.
154 Article L.1521-14 nouveau du code de la défense.
-124-
ANNEXE :
Articles de doctrine commentant l’arrêt Medevedyev du 10 juillet 2008
- Patricia Hennion-Jacquet : “Délai de route prégarde à vue : quand la CEDH suspend le vol
du temps”, in : Le Dalloz, 2008, n/ 43, p. 3055.
- Haritini Matsopoulou : “A propos du rapport d’étape du Comité de réflexion sur la justice
pénale”, in : JCP, éd. gnle, n/ 13, 25 mars 2009, Aperçus rapides, p. 4
- Ghislain Poissonnier, in : Gazette du Palais, 28 octobre 2008, n/ 302, p. 13.
- Michèle-Laure Rassat : “Encore et toujours la Cour européenne des droits de l’homme”, in :
JCP, éd. gnle., n/ 16/17, 15 avril 2009, Actualités, p. 3.
- Jean-François Renucci : “Un séisme judiciaire : pour la CEDH les magistrats du parquet ne
sont pas une autorité judiciaire”, in : Le Dalloz, 2009, n/ 9, p.600.
Autres articles concernant le statut du Ministère public
- Jean-Paul Jean : “Le ministère public entre le modèle jacobin et le modèle européen”, in :
Revue de science criminelle, 2005, p. 670.
- Jean-François Renucci : “Le procureur de la République est-il un magistrat au sens européen
du terme ?”, in : Libertés, justice, tolérance, Mélanges en hommage au doyen Gérard CohenJonathan, Bruylant 2004, p. 1345-1350.
- Jean-Christophe Saint-Pau : “Le ministère public concurrence-t-il le juge du siège ?”, in : Droit
pénal, n/ 9, septembre 2007, étude n/ 14.
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