seance n°10 - Faculté de droit virtuelle

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seance n°10 - Faculté de droit virtuelle
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Fiche à jour au 15 novembre 2011
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Diplôme : Master 1
Matière : Droit pénal des affaires
Web-tuteur : Cécilia MOLLOT
SEEAANNCCEE NN°10 - LLEE BBLLAANNCCHHIIM
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I.
II.
ELEMENTS CONSTITUTIFS
2
Crim. 25 juin 2003
2
Ass. plén. 4 octobre 2002
4
PERSONNES PUNISSABLES
5
Crim. 3 décembre 2003
5
Crim. 14 janvier 2004
8
Crim. 7 décembre 1995
10
Date de création du document : année universitaire 2005/06
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2
Jusqu’à la loi n°96-392 du 13 mai 1996, le Code pénal limitait la
répression du blanchiment de l’argent ayant une provenance illicite aux
seules opérations portant sur le produit du trafic de stupéfiants (article
222-38 du Code pénal).
Maintenant ces dispositions pour des raisons procédurales1, la loi du 13
mai 1996 a introduit dans le Code pénal un chapitre composé de neuf
articles (articles 324-1 à 324-9) étendant la répression au blanchiment
des produits de tout crime et délit.
I. Eléments constitutifs
Les articles 222-38 et 324-1 du Code pénal prévoient deux formes de
blanchiment :
La première consiste à « faciliter, par tout moyen, la justification
mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime
ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ».
La seconde forme de blanchiment consiste à « apporter son concours à
une opération de placement, de dissimulation ou de conversion d’un
produit direct d’un crime ou d’un délit ».
•
Comme en matière de recel de choses, le délit de blanchiment
nécessite que soient relevés précisément les éléments constitutifs
d’un crime ou d’un délit principal ayant procuré à son auteur un
profit direct ou indirect.
Crim. 25 juin 2003 2
Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LYON,
- X... Moktar,
- Y... Michel,
contre l'arrêt de cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 28 mai
2002, qui, après relaxe d'Abdelhakim X... et Evelyne Z... des chefs de non
justification de ressources par une personne en relation habituelle avec une
autre se livrant à une activité illicite en matière de stupéfiants et de
blanchiment, de Frédéric A..., Moktar X..., des SCI OASIS et ARAGO du
chef de blanchiment, a condamné Moktar X..., pour infractions à la
1
Les articles 706-26 à 706-33 du Code de procédure pénale soumettent le blanchiment
du produit du trafic de stupéfiants à des règles spéciales de procédure.
2
Pourvoi n°02-86182, arrêt non publié au bulletin, Dr. pénal 2003, comm. 142, obs.
Véron ; Rev. sc. crim. 2004, p.350, obs. R. Ottenhof
3
législation sur les stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées, à 8
ans d'emprisonnement, avec maintien en détention et une période de sûreté à
concurrence des deux tiers, et 300 000 euros d'amende, Michel Y..., pour
infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, association de
malfaiteurs et contrebande de marchandises prohibées, à 14 ans
d'emprisonnement, avec une période de sûreté à concurrence des deux tiers, a
décerné mandat d'arrêt à son égard, a condamné ces deux prévenus à 5 ans
d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a ordonné des mesures
de confiscation et de restitution et a prononcé sur les pénalités douanières ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Michel Y... : […]
II - Sur les autres pourvois :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation […]
Sur le second moyen de cassation, proposé par le Procureur général près la
cour d'appel de Lyon, pris de la violation des articles 203, 591 et 593 du
Code de procédure pénale, 324-1, alinéa 2, du Code pénal, défaut de motif et
manque de base légale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Evelyne Z..., Abdelhakim X...,
Frédéric A... et Moktar X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel
du chef de blanchiment de biens et revenus représentant le produit direct ou
indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce des fonds d'origine frauduleuse
provenant notamment des délits de fraude fiscale, escroquerie et faux
qu'aurait commis Moktar X..., faits prévus et réprimés par l'article 324-1 du
Code pénal ;
Attendu que, pour les relaxer de l'infraction précitée, la cour d'appel énonce,
notamment, que la poursuite n'articule à l'encontre de Frédéric A... aucun fait
précis, postérieur à l'entrée en vigueur de la loi sur le blanchiment dont est
issu l'article 324-1 du Code pénal, pouvant constituer le délit, et que la
preuve n'est pas rapportée qu'Abdelhakim X..., en acceptant d'être le gérant
de la société Sovim dirigée en réalité par son frère Moktar X..., ait
sciemment aidé à la justification mensongère de l'origine frauduleuse des
biens et revenus de ce dernier, l'investissement au profit de cette entreprise
de fonds provenant des délits de fraude fiscale, escroquerie et faux n'étant
pas établis ; Qu'elle retient, en ce qui concerne Evelyne Z..., que fait défaut
l'élément intentionnel du délit de blanchiment, caractérisé par la
connaissance de l'origine délictueuse des fonds, et qu'il appartenait à la partie
poursuivante d'établir d'une manière précise l'existence d'une action qualifiée
délit, imputable à Moktar X... et d'en relever les éléments constitutifs, la
simple imputation d'escroqueries ou de fraude fiscale étant, à cet égard,
insuffisante ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, abstraction faite de motifs
erronés retenant que la qualité d'auteur de l'infraction principale était
exclusive de celle d'auteur de l'infraction de blanchiment consécutive, et dès
lors que ce délit nécessite que soient relevés précisément les éléments
constitutifs d'un crime ou d'un délit principal ayant procuré à son auteur un
profit direct ou indirect, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que le moyen doit donc être écarté ; […]
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Moktar X […]
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
4
I - Sur le pourvoi de Michel Y... :
Le déclare IRRECEVABLE ;
II - Sur les autres pourvois :
Les REJETTE ;
•
Les tribunaux peuvent retenir à charge des circonstances de fait
propres à créer un doute sur l’origine des fonds blanchis pour
caractériser l’élément intentionnel, lequel consiste en la
connaissance de l’origine délictueuse des fonds.
Ass. plén. 4 octobre 2002 3
Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 juillet 1998
ayant dit qu'il y a eu violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention
européenne des droits de l'homme en ce que la Cour de Cassation, Chambre
criminelle, a déclaré irrecevable le pourvoi formé par MM. Cheniti X...,
Hassane X... et Kamal X... contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, Chambre
correctionnelle, du 16 février 1993 qui, pour blanchiment du produit d'un
trafic de stupéfiants, les a condamnés à 5 ans d'emprisonnement et a décerné
à leur encontre mandat d'arrêt ;
Vu les articles 626-1 à 626-7 du Code de procédure pénale ;
Vu la décision de la Commission de réexamen d'une décision pénale du 14
mars 2002, saisissant l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation du
réexamen de ce pourvoi ;
Attendu qu'il y a donc lieu de déclarer recevable le pourvoi du 19 février
1993 ;
[…]
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, proposé dans le mémoire du
30 juin 1993 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 février 1993), que MM. Cheniti X...,
Hassane X... et Kamal X... ont apporté leur concours à des opérations de
placement, de dissimulation ou de conversion du produit d'un trafic de
stupéfiants dont M. Mustapha Y..., fils de Cheniti et frère de Hassane et de
Kamal, a été définitivement déclaré coupable ;
Attendu que les prévenus reprochent à la cour d'appel d'avoir retenu leur
culpabilité du chef de blanchiment d'argent provenant d'un trafic de
stupéfiants, alors, selon le moyen, qu'elle n'a relevé aucun élément positif
établissant la connaissance personnelle par les prévenus de la nature du trafic
auquel se livrait M. Mustapha X... et qu'elle n'a pas démontré qu'ils savaient
que les fonds, dont ils disposaient, provenaient d'un tel trafic ;
Mais attendu que, pour retenir les prévenus dans les liens de la prévention,
l'arrêt relève que les témoignages recueillis au cours de l'enquête et de
l'information ainsi que certaines déclarations des prévenus démontrent que
ceux-ci savaient que M. Mustapha X..., avec qui ils entretenaient d'étroites
relations familiales et d'affaires, se livrait à un trafic de stupéfiants ; que,
pendant la période de ce trafic, les prévenus se sont trouvés en possession
d'importantes sommes d'argent qu'ils ont, d'une part, utilisées pour acquérir
des biens immobiliers et, d'autre part, déposées sur de nombreux comptes
3
Pourvoi n°93-81533, Bull. n°1, Bull. inf. C. cass. 2002, n°256, p.7, rapport Dulin et
concl. Benmakhlouf, Dr. pénal 2003, comm. 34, obs. M. Véron
5
bancaires, ouverts, à leur demande, par des membres de leur famille ; que le
grand nombre de mouvements effectués sur ces comptes ne constitue qu'un
montage destiné à rendre impossible toute investigation cohérente ; que le
patrimoine des prévenus est très supérieur aux revenus qu'ils déclarent avoir
perçus à l'époque des faits et qu'il ne peut provenir des revenus tirés de leur
activité professionnelle non déclarés à l'administration des Impôts ; que ces
éléments démontrent que les prévenus savaient que l'argent qu'ils plaçaient
avait pour origine un trafic de stupéfiants ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a caractérisé
en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de blanchiment
du produit d'un trafic de stupéfiants dont elle a déclaré les prévenus
coupables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE RECEVABLE le pourvoi ;
LE REJETTE ;
II. Personnes punissables
•
La déclaration de l’opération d’investissement au TRACFIN ne
saurait exonérer l’intéressé s’il a agi de concertation frauduleuse
avec le propriétaire des sommes.
Pour une illustration s’agissant d’un assureur, conseil en gestion
de patrimoine, qui réalise plusieurs placements pour le compte
d’un de ses clients arrivé chez lui avec 2 millions de francs en
espèces et lui ayant expliqué que cet argent provenait de produits
importés non déclarés et non facturés :
Crim. 3 décembre 2003 4
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Christian,
- Y... Vincent,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en
date du 11 janvier 2002, qui a condamné le premier, pour blanchiment, à 1 an
d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende, le second, pour
recel, à 6 mois d'emprisonnement dont 5 mois avec sursis, et a prononcé sur
les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnel et ampliatifs produits ;
I - Sur le pourvoi de Vincent Y... :
Sur le premier moyen de cassation […]
4
Pourvoi n°02-84646, Bull. crim. n°234, JCP 2004, 1006 note C. Cutajar
6
II - Sur le pourvoi de Christian X... :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4,
324 -1 à 324-6 du Code pénal, L. 562-2, L. 562-4, et L. 562-8 du Code
monétaire et financier et 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré un prévenu (Christian X...)
coupable de blanchiment, lui a infligé une peine d'emprisonnement avec
sursis et d'amende, l'a déclaré solidairement tenu au paiement de l'ensemble
des amendes, avec d'autres prévenus déclarés coupables de vol aggravé et de
recel, et l'a condamné, solidairement avec certains de ces prévenus, à payer
une indemnité à une partie civile (la société UTL Norbert Dentressangle) ;
"aux motifs que Christian X..., assureur conseil en gestion de patrimoine,
soutenait que, s'il avait eu une certaine conscience de l'existence d'une fraude
fiscale commise par Guy Z..., il n'avait pu se douter de l'origine frauduleuse
des fonds remis par ce dernier (arrêt pp. 10 et 24) ; que Christian X... avait
réalisé plusieurs placements pour le compte de Guy Z... ; que Christian X...
avait reconnu que le 21 mai 1996, Guy Z... était arrivé avec un attaché-case
contenant 2 000 000 francs en espèces provenant, selon les déclarations du
client, de fraudes douanières perpétrées depuis six ans, consistant en la vente
de produits importés non déclarés en suite d'achats en Extrême-Orient ; qu'il
avait détaillé les agissements de Guy Z..., lequel achetait en théorie une
quantité de 100, seul 90 étant facturés, alors qu'il était en réalité livré à
hauteur de 130, revendant ainsi "au noir" 40 pièces ; que malgré ces
explications, Christian X... avait accompli les formalités nécessaires pour
convertir des espèces en bons anonymes placés auprès de Paneurolife
Luxembourg, filiale de UAP Luxembourg, satisfaisant ainsi au souhait de
son client d'effectuer un placement à l'étranger et anonyme ; que le seul fait
de reconnaître une provenance délictuelle au fonds remis, à savoir des ventes
et achats au moins pour partie sans facture effectués en infraction aux
dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et une
fraude douanière, constituait le délit de blanchiment, lequel était le fait
d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de
conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, quel qu'il
soit ; que Christian X... entendait être exonéré de toute responsabilité pénale
pour avoir satisfait à la procédure de déclaration à Tracfin, service institué
par la loi du 12 juillet 1990, cet organisme n'ayant pas fait opposition à la
réalisation de l'opération ; que si, aux termes de l'article 9 de la loi n° 90-614
du 12 juillet 1990, lorsque l'opération avait été exécutée comme il était prévu
à l'article 6, l'organisme financier était dégagé de toute responsabilité et
aucune poursuite pénale ne pouvait être engagée de ce fait contre ses
dirigeants ou ses préposés par application des articles 321-1 à 321-3 du Code
pénal, du 3ème alinéa de l'article L. 627 du Code de la santé publique ou de
l'article 415 du Code des douanes, aucune des lois modificatives, et
notamment celles postérieures à la loi du 13 mai 1996 qui avait institué les
articles 324-1 à 324-9 du Code pénal traitant du blanchiment, n'avait ajouté
aux exonérations limitativement énumérées - visant notamment le recel - le
visa des articles 324-1 et suivants du Code pénal ; que le texte exonératoire
de responsabilité étant d'interprétation stricte, Christian X... devait répondre
de blanchiment des fonds remis par Guy Z..., nonobstant l'accusé de
réception de Tracfin non assorti d'une opposition (arrêt pp. 25 et 26) ;
"alors qu'un conseiller financier est dégagé de toute responsabilité pénale, du
chef de blanchiment comme du chef de recel, s'il a déclaré au service
administratif créé à cet effet les opérations portant sur des fonds qui lui ont
paru provenir d'une activité illégale ; que la cour d'appel ne pouvait
valablement refuser d'appliquer cette cause légale de non-responsabilité à
une personne prévenue de blanchiment" ;
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a jugé que la cause
d'irresponsabilité pénale prévue à l'article 9 de la loi du 12 juillet 1990 n'était
7
pas applicable au délit de blanchiment résultant des articles 324-1 et suivants
du Code pénal, alors que cette infraction est expressément visée par l'article
L. 562-8 du Code monétaire et financier, lequel a repris les dispositions de
l'article 9 de la loi précitée, l'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès
lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que Christian X... a agi
en concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes qu'il était chargé
de placer ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3,
324 -1 à 324-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré un prévenu (Christian X...)
coupable de blanchiment, lui a infligé une peine d'emprisonnement avec
sursis et d'amende, l'a déclaré solidairement tenu au paiement de l'ensemble
des amendes, avec d'autres prévenus déclarés coupables de vol aggravé et de
recel, et l'a condamné, solidairement avec certains de ces prévenus, à payer
une indemnité à une partie civile (la société UTL Norbert Dentressangle) ;
"aux motifs que Christian X..., assureur conseil en gestion de patrimoine,
soutenait que, s'il avait eu une certaine conscience de l'existence d'une fraude
fiscale commise par Guy Z..., il n'avait pu se douter de l'origine frauduleuse
des fonds remis par ce dernier (arrêt pp. 10 et 24) ; que Christian X... avait
réalisé plusieurs placements pour le compte de Guy Z... ; que Christian X...
avait reconnu que le 21 mai 1996, Guy Z... était arrivé avec un attaché-case
contenant 2 000 000 francs en espèces provenant, selon les déclarations du
client, de fraudes douanières perpétrées depuis six ans, consistant en la vente
de produits importés non déclarés en suite d'achats en Extrême-Orient ; qu'il
avait détaillé les agissements de Guy Z..., lequel achetait en théorie une
quantité de 100, seul 90 étant facturés, alors qu'il était en réalité livré à
hauteur de 130, revendant ainsi "au noir" 40 pièces ; que malgré ces
explications, Christian X... avait accompli les formalités nécessaires pour
convertir des espèces en bons anonymes placés auprès de Paneurolife
Luxembourg, filiale de UAP Luxembourg, satisfaisant ainsi au souhait de
son client d'effectuer un placement à l'étranger et anonyme ; que le seul fait
de reconnaître une provenance délictuelle au fonds remis, à savoir des ventes
et achats au moins pour partie sans facture effectués en infraction aux
dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et une
fraude douanière, constituait le délit de blanchiment, lequel était le fait
d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de
conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, quel qu'il
soit ; que Christian X... entendait être exonéré de toute responsabilité pénale
pour avoir satisfait à la procédure de déclaration à Tracfin, service institué
par la loi du 12 juillet 1990, cet organisme n'ayant pas fait opposition à la
réalisation de l'opération ; que si, aux termes de l'article 9 de la loi n° 90-614
du 12 juillet 1990, lorsque l'opération avait été exécutée comme il était prévu
à l'article 6, l'organisme financier était dégagé de toute responsabilité et
aucune poursuite pénale ne pouvait être engagée de ce fait contre ses
dirigeants ou ses préposés par application des articles 321-1 à 321-3 du Code
pénal, du 3ème alinéa de l'article L. 627 du Code de la santé publique ou de
l'article 415 du Code des douanes, aucune des lois modificatives, et
notamment celles postérieures à la loi du 13 mai 1996 qui avait institué les
articles 324-1 à 324-9 du Code pénal traitant du blanchiment, n'avait ajouté
aux exonérations limitativement énumérées - visant notamment le recel - le
visa des articles 324-1 et suivants du Code pénal ; que le texte exonératoire
de responsabilité étant d'interprétation stricte, Christian X... devait répondre
de blanchiment des fonds remis par Guy Z..., nonobstant l'accusé de
réception de Tracfin non assorti d'une opposition ; que de plus Christian X...
avait déclaré à Paneurolife connaître le proposant, Guy Z..., depuis six mois,
alors qu'en réalité il ne le connaissait que depuis un peu plus d'un mois ; que
cette déclaration mensongère, qui confortait le souci du conseiller financier
8
de voir accepter sa demande de placement, caractérisait a fortiori l'élément
intentionnel ; (arrêt pp. 25 et 26) ;
"alors qu'en se bornant à relever que le prévenu avait transmis à un
établissement financier et appuyé la demande de placement du client en
connaissance de la possible origine frauduleuse des fonds, et en ne
recherchant pas, comme l'y avait invité le prévenu (conclusions pp. 15 et 16),
si la déclaration concomitante effectuée au service Tracfin n'établissait pas sa
bonne foi, en ce que la coopération avec l'administration en vue de permettre
la recherche d'éventuelles infractions commises par le remettant des fonds
était nécessairement exclusive de l'intention d'apporter un concours véritable
aux opérations financières de ce dernier, la cour d'appel n'a pas légalement
justifié sa décision" ;
Attendu que, pour caractériser l'élément intentionnel de l'infraction de
blanchiment retenue à la charge de Christian X..., la cour d'appel relève que
ce dernier était le conseiller financier de Guy Z..., auquel il a fait souscrire
divers contrats permettant de placer, à l'étranger et de manière anonyme,
d'importantes sommes d'argent remises en liquide, dont il savait qu'elles
avaient une origine illicite ; que la déclaration mensongère faite par Christian
X... dans les courriers confidentiels adressés les 21 mai 1996 et 3 juin 1996 à
Paneurolife fait ressortir sa volonté de présenter son client comme étant
digne de foi ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a implicitement mais
nécessairement écarté l'argument du prévenu invoquant sa bonne foi, a
justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
[…]
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
• L’auteur principal d’une infraction peut être poursuivi pour
blanchiment des sommes produites par sa propre activité illicite.
Crim. 14 janvier 2004 5
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE
MONTPELLIER,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 4
février 2003, qui a relaxé M'Hamed X... du chef de blanchiment ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 324-1,
alinéas 2 et 3, du Code pénal ;
"en ce que l'arrêt attaqué ayant retenu pour origine des fonds l'activité
délictuelle du prévenu, a relaxé celui-ci au motif que l'auteur principal d'une
5
Pourvoi n°03-81165, Bull. crim. n°12, Dr. Pénal 2004, comm. 48, obs. M. Véron ;
Gaz. pal. 16-17 avril 2004, p.5, note O. Raynaud ; JCP 2004, II, 10081, note H.
Matsopoulou ; D. 2004, jur., p. 1377, note C. Cutajar ; Rev. sc. crim. 2004, p.350, obs.
R. Ottenhof
9
infraction ne peut être poursuivi pour blanchiment des sommes provenant de
sa propre activité illicite ;
"alors que la France, si elle n'a pas entendu faire application de l'article 6.2 c
de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990, n'a pas davantage
entendu faire application de l'article 6.2 b de ladite Convention ; que, dès
lors, l'article 324-1, alinéa 2, du Code pénal n'exclut pas l'incrimination de
l'auteur de l'infraction principale lorsqu'il apporte son concours à l'opération
de placement, dissimulation ou de conversion de produit direct ou indirect du
crime ou du délit par lui commis ; qu'il appartenait à la Cour, non pas de
poser un principe, mais de rechercher : 1 ) si le fait de porter clandestinement
à l'étranger des fonds préalablement convertis dans une devise n'ayant cours
légal ni dans le pays de départ, ni dans celui d'arrivée, peut constituer tout ou
partie d'une opération de dissimulation, conversion, placement du produit
d'un crime ou délit ; 2 ) si le prévenu avait apporté son concours à l'opération
par des actes matériellement distincts de ceux du délit principal" ;
Vu l'article 324-1, alinéa 2, du Code pénal ;
Attendu que ce texte est applicable à l'auteur du blanchiment du produit
d'une infraction qu'il a lui-même commise ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M'Hamed X... est poursuivi pour
avoir apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation
ou de conversion du produit direct ou indirect des délits de travail clandestin
et fraude fiscale ;
Attendu que, pour le relaxer, la cour d'appel énonce que l'auteur principal
d'une infraction ne peut être poursuivi pour blanchiment des sommes
produites par sa propre activité illicite et qu'en l'espèce il n'est pas établi que
les fonds proviennent d'infractions commises par d'autres personnes ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la
portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour
d'appel de Montpellier, en date du 4 février 2003 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce
désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le
greffier de chambre ;
•
Pour une illustration de blanchiment de capitaux provenant d’un
trafic de stupéfiants commis par un notaire :
10
Crim. 7 décembre 1995 6
REJET du pourvoi formé par Massiera Marcel, contre l'arrêt de la cour
d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, en date du 4 janvier 1995 qui, pour
blanchiment de capitaux provenant d'un trafic de stupéfiants, l'a condamné à
1 an d'emprisonnement avec sursis et à 100 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 222-38 du
nouveau Code pénal, L. 627 du Code de la santé publique, 593 du Code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Marcel Massiera coupable de
blanchiment de capitaux provenant de trafic de stupéfiants ;
" alors que le délit de blanchiment de capitaux suppose que les sommes dont
la personne poursuivie a contribué au placement proviennent d'une infraction
à la législation sur les stupéfiants ; que l'arrêt attaqué, qui se borne à relever
que Maria Linda Caputo a utilisé de l'argent appartenant à Vittorio Ceretta
pour acheter un appartement dont l'acte de vente a été signé par devant
Marcel Massiera, sans constater que cet argent proviendrait du trafic de
stupéfiants dont Vittorio Ceretta a été reconnu coupable, a privé sa décision
de base légale " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 222-38 du
nouveau Code pénal, L. 627 du Code de la santé publique, 593 du Code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Marcel Massiera coupable de
blanchiment de capitaux provenant de trafic de stupéfiants ;
" aux motifs propres qu'ainsi qu'en ont décidé à juste titre les premiers juges
par des motifs pertinents que la Cour fait siens (p. 41 du jugement), les
éléments de la procédure permettent d'établir que Marcel Massiera, agissant
en tant que notaire, connaissait la nature exacte des fonds au moyen desquels
l'acquisition était envisagée ;
" et aux motifs adoptés que, notaire devant recevoir l'acte authentique de
vente, Marcel Massiera était alerté de l'arrestation de Vittorio Ceretta par le
négociateur de l'agence immobilière Saint-Pierre, surpris de découvrir que
celui qui s'était présenté comme Vittorio Caputo était désigné comme un
trafiquant international de stupéfiants, ... ; en se retranchant derrière l'absence
de lien juridique entre Caputo et Ceretta, alors que ce seul fait ne pouvait être
exclusif d'une opération d'acquisition par prête-nom, en s'abstenant d'exiger
la justification de l'origine des fonds prétendument remployés, Marcel
Massiera, qui ne peut tirer argument de la modicité de l'investissement pour
excuser son manque de vigilance, a apporté sciemment son concours à une
opération de placement du produit d'un trafic de stupéfiants ;
" alors, d'une part, que le délit de blanchiment est un délit intentionnel qui
suppose la connaissance du prévenu de l'origine délictueuse des fonds, et sa
volonté de participer à ladite opération ; que l'arrêt attaqué ne constate nulle
part cette volonté de Marcel Massiera ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Marcel Massiera n'est
entré en contact avec Maria Linda Caputo et Vittorio Ceretta que de façon
fortuite, travaillant habituellement avec l'agence Saint-Pierre, qui avait mis
6
Pourvoi n° 95-80888, Bull. crim. n°375 ; Dr. pénal 1996, comm. 139 ; Rev. sc. crim.
1996.666, obs. Delmas-Saint-Hilaire
11
en vente l'appartement acheté ; que cette circonstance est exclusive de la
volonté de Marcel Massiera de participer à une opération de blanchiment ;
" alors, de troisième part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Marcel Massiera
n'a pas recherché l'origine des fonds utilisés par Maria Linda Caputo pour
acheter l'appartement dont il s'agit, d'où il suit nécessairement qu'il ignorait la
provenance litigieuse des fonds ; qu'en entrant néanmoins en voie de
condamnation, au motif que Marcel Massiera connaissait la nature exacte des
fonds utilisés, la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction et violé
les textes précités ;
" alors, enfin, que ni la loi du 12 juillet 1990 ni aucune disposition
législative, n'obligent un notaire à vérifier l'origine des fonds utilisés par ses
clients ; que, dès lors, le fait pour Marcel Massiera de n'avoir pas recherché
l'origine des fonds utilisés par Maria Linda Caputo constitue une simple
abstraction qui ne pouvait caractériser la connaissance de l'origine
frauduleuse des fonds placés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que l'arrêt attaqué, pour déclarer Marcel Massiera, notaire, coupable
de blanchiment de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants, après avoir
énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'il a reçu la visite, sous un nom
d'emprunt, d'un trafiquant international de stupéfiants souhaitant acquérir un
appartement, relève qu'ayant été informé de l'arrestation de cet individu, des
motifs de celle-ci, et de sa véritable identité, il a néanmoins régularisé l'acte
de vente, au profit de la concubine de ce trafiquant en lui conseillant de payer
le prix de l'appartement par des virements bancaires internationaux, et non
par des transferts de devises, afin de présenter l'opération comme plus
transparente ;
Attendu que les juges retiennent encore que le prévenu savait que certains
des documents utilisés lors de cette acquisition étaient falsifiés, et, qu'en sa
qualité de notaire, son attention avait été attirée sur le recyclage des fonds
provenant du trafic des stupéfiants ;
Qu'ils en déduisent qu'il connaissait la nature exacte des fonds au moyen
desquels l'acquisition était envisagée, et qu'il a apporté sciemment son
concours à une opération de placement du produit d'un trafic de stupéfiants ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les
griefs allégués ;
Qu'en effet, l'article 2 de la loi du 12 juillet 1990 fait obligation à toutes les
personnes qui, dans l'exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou
conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, de
déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont
connaissance, portant sur des sommes qu'elles savent provenir d'un trafic de
stupéfiants ou d'organisations criminelles ;
Que les moyens ne sauraient, dès lors, être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
12
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