PhD PICHENOT 2009-03-02 - CERFE

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PhD PICHENOT 2009-03-02 - CERFE
Université de Reims Champagne-Ardenne
UFR Sciences Exactes et Naturelles
École doctorale Sciences Technologies Santé (n° 358)
THÈSE
présentée pour obtenir le grade de :
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE
Spécialité : Biologie de la Conservation
par
Julian PICHENOT
Contribution à la Biologie de la Conservation du Sonneur à
ventre jaune (Bombina variegata L.)
Écologie spatiale et approche multi-échelles de la sélection de l’habitat
en limite septentrionale de son aire de répartition
2C2A-CERFE, CENTRE DE RECHERCHE ET DE FORMATION EN ÉCO-ETHOLOGIE
LABORATOIRE ÉCO-TOXICOLOGIE UPRES EA 2069
Soutenance prévue le 9 décembre 2008 à Reims devant le jury composé de :
Dr. Claude MIAUD
Dr. Mathieu DENOEL
Dr. Virginie STEVENS
Pr. Séverine PARIS
Dr. Rémi HELDER
Pr. Sylvie BIAGIANTI
Pr. Pierre JOLY
Université de Savoie, Grenoble
Université de Liège, Belgique
Université de Liège, Belgique / MNHN, Paris
Université de Reims Champagne-Ardenne, Reims
2C2A-CERFE, Boult-aux-Bois
Université de Reims Champagne-Ardenne, Reims
Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon
Rapporteur
Rapporteur
Examinateur
Examinateur
Encadrant
Co-directeur
Co-directeur
RESUME
Le Sonneur à ventre jaune figure parmi les espèces d’amphibiens vulnérables pour lesquelles il est urgent de
mettre en place des plans de conservation. Dans cette perspective, nous avons conduit une étude dans le Nord-Est
de la France sur les relations entre cette espèce et son habitat. Les patrons de déplacements d’individus dans un
paysage peu fragmenté ont d’abord été étudiés. Les sonneurs étaient relativement mobiles et les échanges
observés entre des patchs (groupes de mares) étaient principalement influencés par la distance qui séparaient ces
patchs et par la surface en eau du patch receveur. Une approche multi-échelles, basée sur des modèles linéaires
généralisés à effets mixtes (GLMMs), a ensuite été utilisée pour étudier l’effet de variables écologiques mesurées
à deux échelles d’observation, la mare et le patch, et l’effet du contexte paysager sur l’occurrence du Sonneur. Les
GLMMs ont montré que l’espèce recherche des patchs composés de nombreuses petites mares, ensoleillées, peu
profondes et peu végétalisées. Cependant, l’occurrence dans une mare ou dans un patch dépendait principalement
du contexte paysager. Une Analyse Factorielle de la Niche Écologique (ENFA) nous a permis d’identifier
plusieurs variables paysagères déterminant la présence de l’espèce localement. Ces variables décrivent
l’occupation des sols, le relief et l’hydrographie. Sur la base de ces résultats, nous avons construit une carte de
qualité de l’habitat afin de visualiser à une échelle régionale, les zones potentiellement favorables à l’espèce. Nos
résultats soulignent l’importance de la prise en compte d’échelles multiples pour l’étude des relations espècehabitat chez les amphibiens.
Mots-clés : biologie de la conservation, écologie spatiale, patrons de déplacements, sélection de l’habitat, études
multi-échelles, Sonneur à ventre jaune, Bombina variegata
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ABSTRACT
The yellow-bellied toad belongs to the vulnerable amphibian species that urgently need conservation programs. In
this perspective, a study on the relationships between the species and its habitat was conducted in North-Eastern
France. First, the movement patterns of individuals in a poorly fragmented landscape was studied. The toads were
relatively mobile and the exchanges observed between patches (groups of ponds) were mainly influenced by the
distance separating these patches and by the water surface of the receiver patch. A multi-scale approach based on
generalized linear mixed models (GLMMs) was then used to study the effect of environmental variables measured
at two scales of observation, the pond and the patch (radius 200 m), and the effect of the landscape context (radius
2500 m) on the occurrence of toads. The GLMMs showed that the species uses patches composed of many small
ponds, sunny, shallow and poorly vegetated. However, the occurrence of the species in a pond or in a patch
depended mainly on the landscape context. An Ecological Niche Factor Analysis (ENFA) allowed us to identify
several landscape variables determining the presence of the species on a local level. These variables described
land use, topography and hydrography. Considering these results, we constructed a map of habitat quality to view
at a regional scale, areas potentially favourable to the species. Our results highlight the importance of taking into
account multiple scales in studies on amphibians species-habitat relationships.
Keywords : conservation biology, spatial ecology, movement patterns, habitat selection, multi-scale studies,
yellow-bellied toad, Bombina variegata
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REMERCIEMENTS
Cette étude n’aurait pu être réalisée sans l’implication et le soutien de nombreuses personnes
ou organismes que je tiens à remercier ici.
Tout d’abord, je remercie vivement Claude MIAUD, Maître de Conférence à
l’Université de Savoie, et Mathieu DENOËL, Chercheur qualifié du F.R.S.-F.N.R.S. à
l’Université de Liège, les rapporteurs de ce travail, ainsi que, Virginie STEVENS, postdoctorante au Muséum National d’Histoire Naturelle, et Séverine PARIS, Professeur à
l’Université de Reims Champagne Ardenne, pour avoir accepté d’en évaluer la qualité.
Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance et ma sympathie à Rémi HELDER,
directeur du Centre de Recherche et de Formation en Eco-éthologie de la Communauté de
Communes de l’Argonne Ardennaise (2C2A-CERFE) et à Marie-Lazarine POULLE, directrice
adjointe, qui m’ont accueillis dans leur équipe et ont mis à ma disposition les moyens humains,
matériels et financiers nécessaires au bon déroulement de cette étude. Rémi, je te remercie pour
ton accueil lors de mon arrivée « à l’improviste » au 2C2A-CERFE mais aussi pour ton
encadrement et ton aide tout au long de ces trois années.
Je remercie sincèrement Sylvie BIAGIANTI, Professeur à l’Université de Reims
Champagne-Ardenne, et Pierre JOLY, Professeur à l’Université Claude Bernard Lyon 1, de
m’avoir co-encadré au cours de ces trois années de thèse.
Cette étude a bénéficié du soutien financier apporté au 2C2A-CERFE par la
Communauté de Communes de l’Argonne Ardennaise (2C2A), le Conseil Régional de
Champagne-Ardenne et le Conseil Général des Ardennes. Je n’aurais pu la mener à bien sans
l’attribution d’une bourse d’étude cofinancée par le Conseil Régional de Champagne-Ardenne
et le Conseil Régional de Picardie. Je tiens à remercier particulièrement : Thierry RIGAUX,
chargé de mission patrimoine naturel et biodiversité au Conseil Régional de Picardie pour
m’avoir aidé à concrétiser ce projet de recherche, ainsi que Michèle FUSELIER-BAULLARD,
vice-présidente du Conseil Régional de Picardie, pour son soutien.
Le Conseil Général de l’Aisne m’a également apporté plusieurs financements qui m’ont
notamment aidé à couvrir mes frais de déplacements. Je remercie spécialement Jérôme
LITTIERE, chef du Service de l’Aménagement rural au Conseil Général de l’Aisne, Cécile
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POCHET, chargée de mission environnement, pour avoir cru en ce projet ambitieux, mais
aussi Valérie GEORGET pour la gestion administrative.
Je souhaite également remercier tout le personnel de la Communauté de Communes de
l’Argonne Ardennaise, pour son accueil et pour son aide.
Je remercie les Directions Régionales de l’Environnement pour les autorisations de
captures qui m’ont été attribuées dans le cadre de ce travail et pour leur collaboration et, en
particulier, Guillaume WIDIEZ (autorisation pour les Ardennes et la Marne), Max GILLETTE
(Meuse), Olivier PICHARD (Aisne) et Eric COUDERT (Seine-et-Marne). Je remercie
également Christian DEVER et Arnaud METAIS (Office National des Forêts), pour avoir
fourni une autorisation d’accès à la forêt domaniale de la Croix-aux-Bois aux véhicules du
2C2A-CERFE et pour m’avoir autorisé à y mener mes recherches.
Mes remerciements s’adressent aussi à de nombreuses personnes qui ont participé de
près ou de loin à ce travail. Je vais tenter de les citer sans en oublier…
-
Stéphane DRAY, Jean-Paul LENA et Pedro PERES-NETO pour leurs précieux
conseils concernant l’analyse de mes données.
-
Jérôme PELLET pour ses conseils sur le radio-tracking et pour m’avoir « aiguillé »
vers la fameuse « boussole solaire » qui m’a été très utile.
-
L’équipe de l’ADREE, pour ses conseils et ses suggestions concernant mes protocoles :
Jérôme CANIVE, Fabrice GREGOIRE, Jean MAUCORPS, Vincent PEREZ et Marion
SAVAUX.
-
Alain MARRE, Vincent GODARD et Luc BARRUEL : merci de vous être déplacés
dans les Ardennes pour me donner votre avis de géographe, je regrette que nos projets
de collaboration n’aient pu se concrétiser.
-
Pierre DEOM, Claire MENISSIER et La Hulotte pour m’avoir ouvert les portes d’une
mine documentaire.
-
Mes collègues du CERFE : Eve AFONSO, Rachel BERZINS, Carole BODIN, Carole
BRENDEL, Anne-Lise BRISON, Kévin GEORGIN et Marie-Hélène GUISLAIN (un
très grand merci à tous les deux pour votre aide dans la relecture finale !), Caroline
HENRY, Pauline HUBERT, Maud LELU, Emmanuel LIENARD, Xavier MANDINE,
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Marina MERGEY, Diane NEDELLEC, Cécile PATRELLE, Olivier PAYS, Thomas
QUINTAINE, Olivier ROUSSEAU, Thomas RUYS, Nicolas VILLERETTE.
-
Je n’oublie pas non plus mes stagiaires qui ont tous bien travaillé (j’avoue avoir été
plutôt exigeant…). Leur mission était double : me relayer sur le terrain pour le suivi par
Capture-Marquage-Recapture et prospecter le massif de la Croix-aux-Bois pour trouver
de nouveaux sites. Dans le cadre de son stage en 2007, Ludwick SIMON (stagiaire
BTSA GPN, Géonat – Cieux, Haute-Vienne) a aussi réfléchi à un cahier des charges
pour la gestion des habitats du Sonneur à ventre jaune dans le massif forestier de la
Croix-aux-Bois. Sandrine FARNY (en 2008, stagiaire L3 de l’Université Paul Verlaine
– Metz) a non seulement réalisé un très gros travail de terrain, mais elle a aussi rédigé
un très bon rapport de stage. Enfin Jonathan ROLLAND (en 2008, stagiaire volontaire
L2 de l’Université Joseph Fourier – Grenoble), m’a lui aussi apporté une aide
précieuse.
-
Je dois aussi des remerciements à l’ensemble des naturalistes, associations,
gestionnaires et autres personnes ressources qui m’ont transmis leurs données, qui
m’ont fait part de leur expérience ou qui m’ont aidé directement ou indirectement sur le
terrain (ça fait du monde…) : Christophe ANANIE, Damien AUMAITRE, Jonas
BARANDUN, Frédéric BARBE, Michel BAUDOIN, François BOCA, Eric
BONNAIRE,
Aurore
BOUSSEMART,
Marcel
BRIALMONT,
Yohann
BROUILLARD, Jean-Pierre BRYIS, Holger BUSCHMANN, Alexis CERISIERAUGER, Juliette CHERIKI, Alain CHERMETTE, Françoise CLARO, Pierre-Olivier
COCHARD, Gennaro COPPA, Commission Reptiles et Amphibiens de Lorraine,
Conservatoire du Patrimoine Naturel de Champagne-Ardenne, Conservatoire des Sites
Lorrains, Conservatoire des Sites Naturels de Picardie, Erik DAMMAN, Sylvain
DELEPINE, Jean-Christophe DE MASSARY, Pierre DEOM, Luis DE SOUSA, Bruno
FAUVEL, Sébastien FIGONI, David FRIMIN, Nicolas GALAND, Sylvain GAUDIN,
Laurent GAVORY, Damiens GEORGES, Rose-Marie GONZALES, Eric GRAITSON,
Patrick GRANGE, Jean-Michel HANNEQUIN, Christophe HERVE, Pierre HU, Joëlle
HUYSECOM, Jérôme JAMINON, Eric JAROSZ, Jean-Luc LAMBERT, Marc
LANGLOIS, Madén LE BARH, Sébastien LEGRIS, Jean LESCURE, LPO
Champagne-Ardenne, Olivier MABILLE, Maison de la Nature de Boult-aux-Bois,
Philippe MILLARAKIS, Aymeric MIONNET, Joël MORENIAUX, Natagora, Office
National des Forêts, Georges-Henri PARENT, Christiane et Nicolas PERCSY, Picardie
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Nature,
Ludivine
POTHIER,
Eric
RAFFENAUD,
Olivier
ROGER,
Benoît
SPANNEUT, Peter STALLEGER, Benoît STROEYMEYT, Philippe VAUCHELET,
Alain VOLTZ.
-
J’ai également une pensée émue pour deux défunts naturalistes qui m’ont apporté une
aide directe ou indirecte dans ce travail. Je pense à Henri MENU qui m'a confié de
précieuses informations sur le statut du Sonneur dans la Marne. Je pense également à
Stéphane ROSSI que je n'ai pas connu mais dont les fabuleuses découvertes seine-etmarnaises, m’ont permis de mieux connaître la distribution de l’espèce dans le sudouest de ma zone d’étude. En effet, des copies d’une partie de ses notes de terrain et de
son rapport sur les espèces et milieux remarquables de la Vallée du Petit Morin, m’ont
été aimablement transmises par Rémi DUGUET et Christian DESMIER, que je
remercie.
Mes remerciements les plus chaleureux vont à ma famille : Céline et Nicolas et surtout à
vous, Papa et Maman, qui m’avez soutenu et encouragé tout au long de mon aventure scolaire
et universitaire et jusqu’à cet aboutissement. Depuis toujours, vous m’avez permis de vivre
avec mes passions. Sans vous, je n’aurais pu « papillonner » entre les formations techniques et
universitaires pour m’orienter vers ce qu’il me plaisait. Je vous dois énormément…
Enfin, Estelle, je te remercie de tout mon cœur pour ton aide, aussi bien sur le terrain que
pour l’analyse des données ou encore la rédaction, mais aussi, et surtout, pour avoir su me
rassurer et me remonter le moral dans tous les moments difficiles. Merci d’être là…
10
11
SOMMAIRE
0.
INTRODUCTION GENERALE..................................................................................................................25
1.
CHAPITRE 1 : CONTEXTE BIBLIOGRAPHIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE ......................31
1.1.
LES EFFETS DE LA PERTE ET DE LA FRAGMENTATION DE L’HABITAT SUR LES AMPHIBIENS ET ENJEUX
POUR LEUR CONSERVATION ...................................................................................................................................31
1.1.1. La vulnérabilité apparente des amphibiens face à la perte et à la fragmentation de l’habitat ........31
1.1.2. Les conséquences de la perte et de la fragmentation de l’habitat sur les amphibiens .....................33
1.2.
ENJEUX DE LA RECHERCHE POUR LA CONSERVATION DES AMPHIBIENS MENACES PAR LA PERTE ET LA
FRAGMENTATION DE LEUR HABITAT .....................................................................................................................34
1.2.1. Identifier les facteurs influençant les déplacements, la connectivité et la structure spatiale des
populations ......................................................................................................................................................35
1.2.2. Prendre en compte des échelles multiples dans les études de sélection de l’habitat........................40
1.3.
ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LA BIOLOGIE DU SONNEUR A VENTRE JAUNE........................................42
1.3.1. Morphologie, taxonomie et répartition .............................................................................................42
1.3.2. Sites aquatiques utilisés pour la reproduction..................................................................................47
1.3.3. Reproduction, développement et survie ............................................................................................48
1.3.4. État des connaissances sur son habitat.............................................................................................50
1.3.5. État des connaissances sur ses capacités de déplacements ..............................................................51
1.3.6. Statut réglementaire, régression et menaces potentielles .................................................................52
1.4.
OBJECTIFS DE LA THESE ..........................................................................................................................54
2.
CHAPITRE 2 : PATRONS DE DEPLACEMENTS ANNUELS DANS UNE POPULATION ISOLEE
DE SONNEURS A VENTRE JAUNE (BOMBINA VARIEGATA L.) - EFFETS RELATIFS DE LA
SURFACE EN EAU, DE LA DISTANCE ET DU RELIEF SUR LES ECHANGES ENTRE PATCHS ......59
2.1.
INTRODUCTION .......................................................................................................................................59
2.2.
MATERIEL ET METHODES ........................................................................................................................61
2.2.1. Zone d’étude......................................................................................................................................61
2.2.2. Délimitation des patchs (groupe de mares) ......................................................................................64
2.2.3. Protocole de capture-marquage-recapture.......................................................................................65
2.2.4. Capacités de déplacement du Sonneur à ventre jaune......................................................................66
2.2.5. Echange d’individus entre les patchs................................................................................................67
2.3.
RESULTATS .............................................................................................................................................70
2.3.1. Taux de recapture, fréquence et amplitude des déplacements..........................................................70
2.3.2. Facteurs influençant les échanges entre les patchs ..........................................................................73
2.4.
DISCUSSION ............................................................................................................................................79
2.4.1. Amplitude des déplacements du Sonneur à ventre jaune ..................................................................79
2.4.2. Facteurs influençant les déplacements entre patchs.........................................................................81
2.4.3. Structure spatiale de la population et implications pour sa conservation........................................83
3.
CHAPITRE 3 : UTILISATION D’UNE APPROCHE HIERARCHIQUE POUR ETUDIER
L’INFLUENCE DE VARIABLES ENVIRONNEMENTALES SUR L’OCCURRENCE DU SONNEUR A
VENTRE JAUNE A L’ECHELLE DE LA MARE ET DU PATCH .................................................................89
3.1.
INTRODUCTION .......................................................................................................................................89
3.2.
MATERIEL ET METHODES .......................................................................................................................92
3.2.1. Zone d’étude et échantillonnage .......................................................................................................92
3.2.2. Occurrence et détectabilité du Sonneur à ventre jaune ....................................................................95
3.2.3. Variables explicatives mesurées à l’échelle des mares.....................................................................96
3.2.4. Variables explicatives mesurées à l’échelle des patchs ....................................................................98
3.2.5. Analyses en Composantes Principales et variables composites .......................................................99
3.2.6. Modélisation de l’occurrence du Sonneur à ventre jaune ................................................................99
3.2.7. Modélisation de l’occurrence dans les mares (« modèle mare ») ..................................................100
3.2.8. Modélisation de l’occurrence dans les patchs (« modèle patch ») .................................................102
3.2.9. Prise en compte de l’autocorrélation spatiale ................................................................................102
3.3.
RESULTATS ...........................................................................................................................................105
3.3.1. Détectabilité et taux d’occupation des patchs ................................................................................105
12
3.3.2. Variables composites obtenues à partir des ACP ...........................................................................106
3.3.3. Autocorrélation spatiale..................................................................................................................108
3.3.4. Quels sont les principaux facteurs pouvant expliquer la présence de l’espèce dans les mares ? ..108
3.3.5. Quels sont les principaux facteurs pouvant expliquer la présence de l’espèce dans les patchs ? .111
3.3.6. Quelle est l’échelle expliquant la plus grande proportion de variation ? ......................................111
3.4.
DISCUSSION ..........................................................................................................................................111
3.4.1. Facteurs influençant l’occurrence du Sonneur à ventre jaune .......................................................112
3.4.2. L’importance du contexte paysager ................................................................................................113
4.
CHAPITRE 4 : INFLUENCE DE FACTEURS PAYSAGERS SUR LA PRESENCE DU SONNEUR
A VENTRE JAUNE ET MODELISATION DE LA QUALITE DE L’HABITAT A UNE ECHELLE
REGIONALE ........................................................................................................................................................117
4.1.
INTRODUCTION .....................................................................................................................................117
4.2.
MATERIEL ET METHODES .....................................................................................................................119
4.2.1. Données de répartition et variables éco-géographiques ................................................................119
4.2.2. Identification des caractéristiques paysagères influençant la présence du Sonneur à ventre jaune
122
4.2.3. Constrution d’une carte de qualité de l’habitat ..............................................................................124
4.2.4. Evaluation du modèle......................................................................................................................125
4.3.
RESULTATS ...........................................................................................................................................127
4.3.1. Facteurs paysagers influençant la présence du Sonneur à ventre jaune........................................127
4.3.2. Modélisation de la qualité de l’habitat ...........................................................................................129
4.3.3. Évaluation du modèle......................................................................................................................129
4.4.
DISCUSSION ..........................................................................................................................................132
4.4.1. Quelles sont les variables paysagères influençant la présence du Sonneur à ventre jaune ? ........132
4.4.2. Où le Sonneur à ventre jaune peut-il s’établir dans la région étudiée ? ........................................133
4.4.3. Critiques et améliorations possibles du modèle..............................................................................134
4.4.4. Implications pour la conservation du Sonneur à ventre jaune .......................................................136
5.
DISCUSSION, PERSPECTIVES ET CONCLUSION ............................................................................141
5.1.
APPORTS DE L’ETUDE A LA CONNAISSANCE DE L’ECOLOGIE SPATIALE ET DE LA SELECTION DE
L’HABITAT DU SONNEUR A VENTRE JAUNE .........................................................................................................141
5.1.1. Mobilité et structure spatiale des populations (chapitre 2) ............................................................141
5.1.2. Déterminants de l’occurrence dans les mares et dans les patchs (chapitres 3) .............................143
5.1.3. Déterminants paysagers de l’occurrence et qualité de l’habitat à l’échelle régionale (chapitre 4)
144
5.1.4. Hétérogénéité de l’habitat et complémentation du paysage ...........................................................145
5.2.
QUELQUES RECOMMANDATIONS POUR LA CONSERVATION DU SONNEUR A VENTRE JAUNE .................146
5.2.1. Le Sonneur à ventre jaune et les activités humaines : la nécessité de trouver des compromis ......146
5.2.2. Maintenir une hétérogénéité de l’habitat depuis les mares jusqu’au paysage ...............................147
5.3.
PERSPECTIVES.......................................................................................................................................148
5.3.1. Comportement de déplacement et utilisation de l’habitat terrestre................................................148
5.3.2. Génétique, échelles et conservation ................................................................................................152
5.4.
CONCLUSION ........................................................................................................................................153
13
14
LISTE DES FIGURES
Figure ‎0-1 : Représentation schématique des processus de perte et de fragmentation de
l’habitat dans un paysage. A : habitat continu ; B : formation de trouées dans l’habitat ;
C : habitat fragmenté (adapté de Fahrig 2003)................................................................. 27
Figure ‎0-2 : Catégories de menaces des amphibiens (d’après IUCN 2006). ........................... 28
Figure ‎1-1 : Représentation schématique de trois types de structures spatiales d’une
population (adapté de Harrison 1991). A : une métapopulation « classique » de
Levins (1969) ; B : une population de type « source-puit » ; C : une population morcelée.
Les taches noires représentent des taches d’habitat occupées par une population locale et
les taches blanches des taches d’habitat inoccupées (suite à une extinction locale ou non
colonisées). Les flèches représentent les déplacements d’individus entre les taches
d’habitat (colonisation) et les pointillés la limite des populations. .................................. 37
Figure ‎1-2 : Morphologie, dimophisme sexuel et comportement de catalepsie du Sonneur à
ventre jaune (photographies prises dans les Ardennes françaises). A : individu
adulte (mâle) ; B : patron ventral d’un adulte (mâle) ; C : comportement de catalepsie ;
D : pupille cordiforme ; E : avant bras d’un mâle (en haut) et d’une femelle (en
bas) (adapté de Gollmann et Gollmann 2002) ; F : épines noires kératinisées sur le dos
d’un mâle.......................................................................................................................... 44
Figure ‎1-3 : Répartition géographique du Sonneur à ventre jaune. A : en Europe (Gasc et al.
1997) ; B : en France (Castanet et Guyétant 1989). ........................................................ 45
Figure ‎1-4 : Quelques exemples de milieux aquatiques utilisés par le Sonneur à ventre jaune
dans le nord-est de la France (forêt de la Croix-aux-Bois et abords, Ardennes). A : une
mare de châblis ; B : des ornières ; C : une place de stockage du bois (flaques d’eau) ; D :
une zone de source dans une prairie pâturée (piétinement par des bovins). .................... 48
Figure ‎1-5 : Accouplement et développement. A : mâle et femelle de Sonneur à ventre jaune
en amplexus (Mognéville, Meuse) ; B : ponte (Montagne de Reims, Marne) ; C :
têtard (forêt de la Croix-aux-Bois, Ardennes) ; D : juvénile récemment métamorphosé
(Schaumburg, Allemagne). .............................................................................................. 49
Figure ‎2-1 : Carte de localisation de la zone d’étude, dans la forêt de la Croix-aux-Bois
(département des Ardennes, France). Les points noirs représentent les patchs (groupes de
mares) suivis..................................................................................................................... 63
Figure ‎2-2 : Règle suivie pour délimiter les patchs , « groupes de mares », selon la méthode
du ‘Minimum Convex Polygon’........................................................................................ 65
Figure ‎2-3 : Distribution des amplitudes annuelles de déplacements des individus (mâles et
femelles regroupés) entre les mares appartenant ou non à un même patch, en 2006, 2007
et 2008. Les lignes verticales en pointillés indiquent respectivement la médiane (50%) et
le 95ème centile (95%), de l’ensemble des déplacements pour les mâles (bleu) et les
femelles (rouge)................................................................................................................ 72
Figure ‎2-4 : Carte illustrant les déplacements observés entre les patchs, au cours des années
2006, 2007 et 2008. Chaque patch est représenté par un cercle dont le diamètre est
proportionnel à sa surface en eau : il n’est donc pas à l’échelle (la surface réelle des
patchs est donnée dans le tableau 3). Les flèches en pointillés représentent les directions
des déplacements observés entre les patchs. .................................................................... 73
Figure ‎2-5 : Corrélation entre la surface en eau et le nombre d’individus capturés dans les 20
patchs (groupes de mares) suivis de 2006 à 2008. ........................................................... 75
Figure ‎2-6 : Relation entre la surface en eau et les taux de résidence (a), d’immigration (b) et
d’émigration (c) pour les 20 patchs suivis de 2006 à 2008.............................................. 75
15
Figure ‎2-7 : Pourcentage d’effet indépendant des variables explicatives, estimé par un
partitionnement hiérarchique. dist. surf. = distance de surface ; dist. plat = distance
plate ; rap. dist. = rapport des distances ; pente = pente moyenne ; surf. R = surface du
patch receveur ; surf. D = surface du patch donneur. * contribution indépendante
significative. NS contribution non significative............................................................... 76
Figure ‎2-8 : Diagramme résumant les effets des trois variables explicatives retenues dans le
modèle d’occurrence des déplacements et de leurs interactions. Les valeurs données
correspondent aux moyennes des paramètres estimés (‘average parameter’, Burnham et
Anderson 2002) ± leur erreur standard. Les lignes et les cadres en pointillés représentent
les interactions entre les variables. Les flèches noires pleines indiquent un effet négatif,
tandis que les flèches vides indiquent un effet positif. La largeur des flèches représente
l’importance de l’effet de la variable ou de l’interaction de variables............................. 78
Figure ‎3-1 : Représentation schématique de deux approches multi-échelles utilisées pour
étudier les facteurs influençant l’occurrence d’une espèce d’amphibien dans les mares.
A : Plan d’échantillonnage par disques concentriques centrés sur une seule mare
(approche classique). B : Plan d’échantillonnage par disques groupés hiérarchiquement,
ou « échantillonnage contraint », adapté pour prendre en compte plusieurs mares dans un
patch et plusieurs patchs dans un site. Cette dernière approche est centrée sur le paysage.
.......................................................................................................................................... 90
Figure ‎3-2 : Localisation de la zone d’étude et structure du plan d’échantillonnage. A :
disposition des 30 sites (disques de 2500 m de rayon) dans la zone d’étude. Les disques
noirs contenant la lettre « P » représentent les sites centrés sur des données de présence,
ceux contenant la lettre « A » représentent les sites où le Sonneur à ventre jaune est
présumé absent. Les traits noirs continus marquent les limites départementales. Les traits
noirs discontinus marquent les limites des cinq strates dans lesquelles les 30 sites ont été
positionnés ; B : agrandissement d’un site, montrant les 10 patchs qu’il contient. ......... 94
Figure ‎3-3 : Résumé de la démarche suivie pour la construction des GLMMs. Ab./ Rec. :
Abondance / Recouvrement. .......................................................................................... 104
Figure ‎3-4 : Probabilités de fausses absences après 1, 2 et 3 visites dans un patch. La ligne en
pointillés représente 5% de fausses absences. En dessous de cette ligne, le nombre de
visites réalisées sur un site permet de détecter l’espèce avec un intervalle de confiance de
95%................................................................................................................................. 106
Figure ‎3-5 : Corrélogrammes établis en calculant l’indice de Moran sur les résidus des
modèles complets à plusieurs classes de distance. Pour chaque classe de distance, les
points blancs indiquent une autocorrélation non significative et les points noirs, une
autocorrélation significative. A : corrélogramme du modèle de l’occurrence du Sonneur à
ventre jaune dans les mares. B : corrélogrammes du modèle de l’occurrence dans les
patchs avant (en haut) et après (en bas) prise en compte de l’autocorrélation spatiale.. 109
Figure ‎3-6 : Coefficients estimés des effets fixes et aléatoires (zone grisée) et leur intervalle
de plus haute densité finale (HPD). Les coefficients dont l’intervalle ne recouvre pas
zéro (ligne en pointillés) peuvent être jugés significativement différents de zéro. * Effets
aléatoires estimés à partir du modèle nul. ** Effets fixes estimés à partir du modèle
complet. .......................................................................................................................... 110
Figure ‎4-1 : Répartition des 293 localisations de Sonneurs à ventre jaune (points jaunes)
utilisées pour l’ENFA et zoom sur le maillage montrant plusieurs cellules de 400 mètres
occupées par l’espèce (cellules jaunes).......................................................................... 120
Figure ‎4-2 : Biplots de l’ENFA dans les plans formés par l’axe de marginalité (X) et
successivement chacun des quatres axes de spécialisation retenus (Y). A : axe de
marginalité et de spécialisation 1. B : axe de marginalité et de spécialisation 2. C : axe de
marginalité et de spécialisation 3. D : axe de marginalité et de spécialisation 4. Le
16
polygone gris foncé représente l’espace écologique utilisé par le Sonneur à ventre jaune
(niche écologique), tandis que le polygone gris clair correspond à l’espace écologique
disponible. Le diagramme des valeurs propres des axes de spécialisation est représenté
en dessous à gauche de chaque biplot. Il montre les quatre axes retenus (en gris) et l’axe
de spécialisation représenté (en noir). ............................................................................ 128
Figure ‎4-3 : Courbe de la qualité de l’habitat en fonction du rapport prédit/attendu (moyenne
± SD). La ligne rouge en pointillés représente la courbe d’un modèle totalement aléatoire
(Fi = 1). .......................................................................................................................... 130
Figure ‎4-4 : Carte de qualité de l’habitat (‘Habitat Suitability map’) obtenue avec l’ENFA.
L’indice de qualité de l’habitat a été reclassé en quatre catégories à partir de la courbe du
rapport prédit/attendu (Figure 4-3)................................................................................. 131
Figure ‎5-1 : Individu mâle équipé d’un émetteur................................................................... 150
Figure ‎5-2 : Expérimentation de la radio-télémétrie sur le Sonneur à ventre jaune en
septembre 2007 dans la forêt de la Croix-aux-Bois (Ardennes). A : une femelle explorant
des galeries de rongeurs sous un buisson de callunes (Calluna vulgaris), peu avant de
perdre son émetteur ; B : une autre femelle à l’entrée d’une galerie de rongeur dans un
talus ; C : un mâle (même individu qu’à la page précédente) à l’entrée de son gîte dans
un talus. .......................................................................................................................... 151
17
18
LISTE DES TABLEAUX
Tableau ‎2-I : Résumé des données de CMR obtenues pour les mâles et les femelles en 2006,
2007, 2008 et au cours des intersaisons (dernière capture de l’année t → 1ère capture de
l’année t + 1): nombre d’individus capturés (n), taux de recapture, proportion
d’individus mobiles (rapport du nombre d’individus recapturés s’étant déplacés entre des
mares, sur le nombre total d’individus recapturés) et amplitude moyenne des
déplacements (seuls les individus s’étant déplacés ont été considérés, i.e. les amplitudes
de 0 m n’ont pas été prises en compte dans ce calcul)..................................................... 71
Tableau ‎2-II : Description des déplacements d’une amplitude supérieure à 800 mètres,
observés chez 7 individus (3 femelles et 4 mâles). La date et la taille des individus (SVL
= longueur museau-cloaque, en mm), sont mentionnées pour leur capture de départ et
d’arrivée (recapture). La colonne « déplacement » donne le sens du déplacement observé
entre le patch de départ et le patch d’arrivée (voir la Figure 3). M: mâle ; F: femelle. ... 72
Tableau ‎2-III : Surface en eau des patchs (moyenne annuelle ± écart-type) et nombre
d’individus capturés des deux sexes. L’absence de valeur pour les individus capturés (-),
indique que le patch n’existait pas, ou qu’il n’était pas en eau au cours de la saison
considérée......................................................................................................................... 74
Tableau ‎2-IV : Matrice des corrélations entre les variables explicatives. Les coefficients de
corrélation (ρ de Spearman) > |0.5| apparaissent en gras. ................................................ 76
Tableau ‎2-V : Classement des modèles d’occurrence des déplacements entre les patchs. Surf.
rec. = surface du patch receveur ; Dist. surf. = distance de surface ; Rap. dist. = rapport
des distances (relief). Les trois premiers modèles (en gras), représentent l’intervalle de
confiance à 95%. .............................................................................................................. 77
Tableau ‎3-I : Caractéristiques des strates échantillonnées. ...................................................... 93
Tableau ‎3-II : Variables composites obtenues à partir des ACP réalisées sur les variables des
mares (A) et sur les variables des patchs (B). ................................................................ 107
Tableau ‎3-III : Corrélation entre les variables composites (ρ de Spearman). ........................ 108
Tableau ‎3-IV : Classement des modèles de l’occurrence à l’échelle de la mare : coefficients (±
e.s.) des modèles retenus dans l’intervalle de confiance de 95% de l’ensemble des
combinaisons linéaires des 5 variables........................................................................... 109
Tableau ‎4-I : Liste et description des variables éco-géographiques utilisées pour l’ENFA. . 121
Tableau ‎4-II : Contributions des variables à l’axe de marginalité et aux quatres axes de
spécialisation retenus. Les valeurs entre parenthèses correspondent aux valeurs propres
des axes. Les variables sont rangées par ordre décroissant en fonction de la valeur
absolue de leur coefficient sur l’axe de marginalité. Pour l’axe de marginalité, les
contributions des variables qui sont positives, indiquent que l’espèce « préfère » des
valeurs plus élevées pour ces variables que la moyenne de leurs valeurs dans l’espace
disponible. Pour les axes de spécialisation, des valeurs élevées (quelquesoit le signe du
coefficient) indiquent que l’espèce occupe une étendue restreinte de la distribution des
valeurs de ces variables (« étroitesse de la niche »)....................................................... 129
19
20
SOMMAIRE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Note sur un système d’aide à l’identification individuelle de Sonneurs à
ventre jaune, assistée par ordinateur ......................................................................... 183
ANNEXE 2 : L’Analyse Factorielle de la Niche Écologique (ENFA).............................. 190
21
22
Introduction générale
INTRODUCTION GENERALE
23
Introduction générale
24
Introduction générale
0. Introduction générale
La conservation d’une espèce menacée… comment aborder cette thématique sans évoquer
la « crise de la biodiversité » ? Difficile en effet, car ce sujet est devenu incontournable tant
pour les écologues que pour les professionnels des politiques publiques. Sans m’étendre sur
l’histoire du mot « biodiversité », il me paraît nécessaire de commencer cette introduction en
définissant ce mot et en rappelant brièvement son contexte.
La biodiversité représente « la variabilité des organismes vivants de toute origine y
compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et
les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces
et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». Cette définition est issue de la Convention
sur la Diversité Biologique qui a été conclue à Rio de Janeiro le 5 juin 1992. L’utilisation du
mot « biodiversité » est associée à la prise de conscience d’une augmentation alarmante du
taux d’extinction d’espèces animales et végétales au cours du XXème siècle. Cette crise de la
biodiversité, qui représente la plus grande extinction de masse depuis celles des dinosaures
(Vitousek et al. 1997, Balmford et al. 2003), est liée à l’explosion démographique d’une seule
espèce, Homo sapiens, qui entraîne de profondes modifications au sein des écosystèmes.
Dès les années 1960, de nombreux biologistes ont constaté que leurs sujets d’études,
qu’ils s’agissent d’écosystèmes, d’espèces ou encore de populations, étaient en train de se
raréfier (Meffe et al. 2006). C’est ainsi que la biologie de la conservation a vu le jour en tant
que nouvelle discipline synthétique s’intéressant aux dynamiques et aux problèmes des
espèces, des communautés et des écosystèmes perturbés directement ou indirectement par les
activités humaines ou d’autres agents (Soulé 1985). La biologie de la conservation est une
« science d’engagement », clairement orientée vers une mission : enrayer la crise de la
biodiversité. Son but principal est le maintien de trois aspects de la vie sur Terre : la diversité
biologique, l’intégrité écologique (i.e. la structure, la composition et les fonctions des
systèmes écologiques) et la santé écologique (i.e. l’autonomie d’un système écologique et sa
résilience, c’est-à-dire sa capacité à maintenir son organisation à la suite d’un stress)
(Trombulak 2004). Pour cela, il est nécessaire d’identifier les nombreuses menaces
susceptibles d’altérer le fonctionnement des systèmes écologiques et de comprendre les
mécanismes par lesquels elles les altèrent. Ceci implique la mise en commun des savoirs et
des avancées technologiques de nombreuses sciences. Ainsi, la biologie de la conservation est
25
Introduction générale
une discipline faisant appel à des sciences aussi variées que la génétique moléculaire, la
biogéographie, la philosophie, l’écologie du paysage, la sociologie, la biologie des
populations ou encore l’anthropologie (Meffe et al. 2006). Depuis les débuts de la biologie de
la conservation, toutes ces sciences et la manière dont les biologistes ont abordé leurs
problématiques, ont progressivement évolué. L’un des changements les plus importants en
écologie a été une prise de conscience progressive de la complexité des interactions dans les
systèmes écologiques et de l’importance des contextes spatio-temporels dans lesquels ces
interactions opèrent (Orians et Soulé 2001). En revanche, les activités humaines qui
perturbent les écosystèmes n’ont pas changé, les principales étant toujours l’agriculture,
l’exploitation de minerais ou encore l’urbanisation (Meffe et al. 2006).
La perte et l’altération des habitats1, entraînées par ces activités, sont les menaces les plus
importantes pour la biodiversité dans le monde (Noss et al. 2006). Bien souvent, elles causent
des changements de configuration pouvant mener à la fragmentation de l’habitat, qui
intervient à l’échelle du paysage2 (McGarigal et Cushman 2002 ; Figure 0-1). Cette
fragmentation de l’habitat peut être définie comme un processus menant à la transformation
d’un habitat étendu, en plusieurs taches d’habitat, ayant une surface totale inférieure à celle
de l’habitat de départ et étant isolées les unes des autres par une matrice paysagère
constituée d’un habitat différent (Wilcove et al. 1986). Bien que la perte et la fragmentation
de l’habitat soient des processus liés, la fragmentation peut, dans certains cas, être
indépendante de la perte de l’habitat (Fahrig 2003) : par exemple lorsqu’une route est
construite dans un paysage hétérogène, elle peut constituer un obstacle difficilement
franchissable entre deux taches d’habitat qui n’ont pas été altérées. Cependant, la
fragmentation de l’habitat résulte plus fréquemment d’un changement de configuration,
engendré par la perte de l’habitat et les deux processus sont souvent difficiles à dissocier
(Fahrig 1997).
De manière générale, si la perte de l’habitat peut conduire à la disparition
quasi « instantanée » des individus d’une espèce par destruction d’une tache d’habitat dans
laquelle ils se trouvent, la fragmentation peut avoir des effets plus indirects conduisant aussi,
à plus ou moins long terme, à une extinction. Cependant, c’est plus généralement l’association
de ces deux processus qui est préjudiciable (Fahrig 2003). La perte locale de
1
voir § 1.2.2 pour une définition du concept d’habitat.
La définition du paysage utilisée dans cette thèse est celle donnée par Burel et Baudry (1999) : « un niveau
d’organisation des systèmes écologiques, supérieur à l’écosystème ; il se caractérise essentiellement par son
hétérogénéité et par sa dynamique gouvernée pour partie par les activités humaines. »
2
26
Introduction générale
l’habitat engendre, d’une part, une réduction de sa surface totale dans un paysage (Andrén
1994), pouvant induire une réduction de l’effectif de la population3, qui devient alors plus
vulnérable aux processus stochastiques environnementaux et démographiques (Fahrig 1997).
D’autre part, la fragmentation entraîne l’isolement d’une tache d’habitat, qui est moins à
même de bénéficier d’un « effet de sauvetage » (‘rescue effect’, Brown et Kodric-Brown
1977), c’est-à-dire d’une immigration d’individus en provenance d’une autre population. Une
population isolée et de taille réduite peut ainsi être affectée par la consanguinité et la dérive
génétique (Keller et Waller 2002, Tallmon et al. 2004, Beebee 2005).
Figure 0-1 : Représentation schématique des processus de perte et de fragmentation de l’habitat dans un
paysage. A : habitat continu ; B : formation de trouées dans l’habitat ; C : habitat fragmenté (adapté de Fahrig
2003).
Parmi les vertébrés, les amphibiens apparaissent particulièrement sensibles à la perte et à
la fragmentation de leur habitat (Bowne et Bowers 2004, Cushman 2006). En effet, 32% des
espèces d’amphibiens sont considérées comme menacées d’extinction et au moins 43% de
leurs populations sont en régression (IUCN 2006 ; Figure 0-2). Depuis le constat de ce déclin
global des amphibiens, déjà signalé au début des années 1990 (Barinaga 1990, Pechmann et
al. 1991, Wake 1991), les biologistes ont mené des investigations pour tenter d’en trouver les
causes. De nombreuses revues ont été consacrées à ce sujet (p.ex. Blaustein et al. 1994a,
Beebee 1995, Alford et Richards 1999, Kiesecker et al. 2001, Collins et Storfer 2003, Beebee
et Griffiths 2005).
3
Dans ce travail, nous utiliserons le paradigme écologique de la population : « un groupe d’individus de la même
espèce, qui cohabitent dans l’espace et dans le temps et qui ont une opportunité d’interagir entre eux » (Waples
et Gaggiotti 2006).
27
Introduction générale
Figure 0-2 : Catégories de menaces des amphibiens (d’après IUCN 2006).
Les facteurs potentiellement impliqués dans cette régression seraient : des polluants
(Bridges et Semlitsch 2000, Davidson et al. 2002, Blaustein et al. 2003), la prédation par des
espèces introduites (Bradford et al. 1993, Matthews et al. 2001, Kats et Ferrer 2003, Denoël
et al. 2005), la mortalité liée aux routes (Hels et Buchwald 2001), l’augmentation des
rayonnements UV-B (Davidson et al. 2002, Blaustein et al. 2003), les changements
climatiques (Kiesecker et al. 2001, Carey et Alexander 2003, Rohr et Madison 2003), les
maladies émergentes provoquée par des champignons et des parasites (Sessions et Ruth 1990,
Blaustein et al. 1994b, Carey et al. 1999, Johnson et al. 1999, Johnson et al. 2002) et des
combinaisons ou interactions de plusieurs de ces facteurs (p.ex. Blaustein et al. 2003).
Toutefois, l’association de la perte et de la fragmentation de l’habitat constituerait la cause
principale de ce déclin global (Alford et Richards 1999, Carr et Fahrig 2001, Houlahan et
Findlay 2003, Bowne et Bowers 2004, Stuart et al. 2004, Cushman 2006, Gallant et al. 2007).
28
Chapitre 1
CHAPITRE 1
CONTEXTE BIBLIOGRAPHIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE
29
Chapitre 1
30
Chapitre 1
1. Chapitre 1 :
Contexte bibliographique et
objectifs de la thèse
1.1. Les effets de la perte et de la fragmentation de l’habitat
sur les amphibiens et enjeux pour leur conservation
Cette partie a pour but de donner un aperçu sur l’état des connaissances concernant les
effets de la perte et de la fragmentation de l’habitat sur les amphibiens et sur certains enjeux
actuels de la recherche pour leur conservation. Il ne s’agit pas d’une revue complète mais
simplement d’un résumé qui permet d’aborder la problématique de la conservation des
amphibiens, menacés par ces processus.
1.1.1.
La vulnérabilité apparente des amphibiens face à la perte et à la
fragmentation de l’habitat
En raison de certaines particularités biologiques, les amphibiens sont souvent considérés
comme vulnérables vis-à-vis des modifications de leur habitat. L’une de ces particularités,
souvent mise en avant, est la perméabilité de leur peau qui leur impose notamment de se
maintenir constamment près d’une source d’humidité pour minimiser leurs pertes en eau par
la respiration (Shoemaker et al. 1992) mais aussi et surtout par déshydratation (Thorson et
Svihla 1943, Littleford et al. 1947, Cohen 1952, Ray 1958). Ainsi, lorsqu’ils se déplacent à
terre, les amphibiens sont réputés éviter les milieux ouverts, tels que les sols nus des cultures,
les coupes à blanc dans les forêts voire les prairies, et ce plus particulièrement lorsqu’il n’y
existe aucune source d’humidité (Gibbs 1998, deMaynadier et Hunter 1999, Johnston et Frid
2002, Rothermel et Semlitsch 2002, Chan-McLeod 2003). De plus, leurs capacités de
déplacements apparaissent limitées par ces contraintes physiologiques (Sinsch 1990). Par
exemple, Mazerolle et Desrochers (2005) ont pu montrer, dans des enclos expérimentaux avec
Lithobates clamitans et Lithobates pipiens, que la déshydratation des individus est plus
importante lorsqu’ils se déplacent sur des sols stériles, en l’absence d’ombre.
31
Chapitre 1
De manière générale, les amphibiens sont considérés peu aptes à se déplacer sur de
longues distances, contrairement à d’autres vertébrés (Sinsch 1990, Blaustein et al. 1994a,
Duellman et Trueb 1994, Bowne et Bowers 2004), ce qui pourrait aggraver les effets de la
perte et de la fragmentation de l’habitat sur ces animaux (Cushman 2006). Ainsi, la distance
d’un kilomètre était encore récemment jugée difficilement franchissable pour la majorité des
espèces d’amphibien (Sjögren 1991, Vos et Chardon 1998, Conroy et Brook 2003, Smith et
Green 2005). Cependant, une avancée des connaissances relatives à leurs capacités de
déplacement, grâce notamment à l’utilisation de méthodes directes de suivis des individus
(radio-télémétrie et capture-marquage-recapture) ou indirecte (génétique), suggère que
certaines espèces sont capables de se déplacer sur de longues distances. Ainsi, dans une revue
récente, Smith et Green (2005) ont déterminé que, sur un échantillon de 53 espèces d’anoures,
44% sont capables de se déplacer sur plus d’un kilomètre et 7% sur plus de 10 kilomètres. Par
exemple Rhinella marina, une espèce originaire d’Amérique tropicale introduite en Australie,
est capable de parcourir plus de 15 kilomètres chaque année. Elle a ainsi rapidement étendu
son aire depuis son introduction dans ce pays (Easteal et Floyd 1986). Smith et Green (2006)
rapportent également la recapture d’un individu de Anaxyrus fowleri à 34 kilomètres de son
lieu de capture initial, dans une étude menée au Canada. En Europe, des distances de
déplacement de l’ordre de 15 kilomètres ont été observées chez Hyla arborea, Pelophylax kl.
esculentus et P. lessonae (Stumpel et Hanekamp 1986, Tunner 1992, Vos et al. 2000). La
faible mobilité des amphibiens est donc relative et, dans certains cas, elle pourrait être due à
un biais lié à un manque de données (Marsh et al. 1999) ou à une limitation des distances
détectables dans une zone d’étude trop petite, plutôt qu’aux capacités de déplacement des
individus (Smith et Green 2005).
Bien que les capacités de déplacement des amphibiens soient plus importantes que ce qui
fut suggéré dans le passé, des travaux récents ont pu montrer que la perte et la fragmentation
de l’habitat ont des répercussions importantes sur les déplacements des individus et donc sur
la persistance des populations (Sjögren 1991, Sjögren-Gulve 1994, Vos et Chardon 1998, Carr
et Fahrig 2001, Joly et al. 2001, Stevens et al. 2004, Mazerolle et Desrochers 2005).
32
Chapitre 1
1.1.2.
Les conséquences de la perte et de la fragmentation de l’habitat sur les
amphibiens
Chez les amphibiens, un effet négatif de l’isolement a été détecté chez plusieurs espèces
dont l’habitat était fragmenté (revue dans Marsh et Trenham 2001). Cet effet est perceptible
sur le taux de colonisation des mares (Sjögren 1991, Marsh et al. 1999), le taux d’extinction
locale (Edenhamn 1996), le taux d’occupation (Vos et Stumpel 1996, Vos et Chardon 1998),
la diversité spécifique (Laan et Verboom 1990, Lehtinen et al. 1999) et la différenciation
génétique (Reh et Seitz 1990, Hitchings et Beebee 1997). Dans d’autres études, lorsque
l’habitat était peu fragmenté, aucun effet de l’isolement par la distance n’a été détecté (Seppa
et Laurila 1999, Skelly et al. 1999). Par ailleurs, l’urbanisation et la densité du réseau routier
peuvent également réduire l’abondance des individus dans une mare ou réduire les possibilités
de déplacements des individus (Fahrig et al. 1995, Gibbs 1998, Knutson et al. 1999, Lehtinen
et al. 1999, Carr et Fahrig 2001, Pellet et al. 2005). L’isolement des mares peut donc avoir
des effets sur la persistance d’une population d’amphibiens (Dodd et Smith 2003).
D’autre part, comme nous l’avons vu précédemment, certains milieux peuvent être évités
par les individus lors des déplacements. Ainsi la capacité d’un individu à traverser un paysage
peut être fortement influencée par la nature de la matrice paysagère. Ceci a fait l’objet d’une
étude expérimentale intéressante menée sur Bufo calamita (Stevens et al. 2004). Des juvéniles
de cette espèce ont été placés dans des enclos reproduisant les substrats de plusieurs types
d’occupation des sols. Cette expérience a notamment permis de montrer que le comportement
de déplacement des individus (vitesse, direction suivie et longueur du trajet parcouru) est
clairement affecté par la nature de la matrice paysagère et qu’il existe des différences interindividuelles qui sont notamment liées à la taille corporelle. Les individus les plus grands
peuvent se déplacer plus facilement sur des sols encombrés : le rapport entre la taille
corporelle et la structure verticale de l’occupation du sol (sol nu, végétation herbacée, feuilles)
détermine la mobilité des individus. Une partie cependant des différences inter-individuelles
observées ne sont pas expliquées. Par ailleurs, dans l’étude de Mazerolle et Desrochers
(2005), la probabilité de retour dans une mare de grenouilles relâchées sur des substrats
différents, était aussi fortement influencée par la nature du substrat. De même, dans d’autres
études réalisées en conditions naturelles, un effet de la matrice paysagère sur la réussite de la
dispersion (Marsh et al. 2004, Rothermel 2004) et sur l’abondance des individus dans les
mares (p.ex. Joly et al. 2001) a également été détecté. Globalement, les forêts semblent être
33
Chapitre 1
favorables aux déplacements des amphibiens, tandis que les cultures apparaissent plus
difficiles à franchir. Ceci est sans doute lié à la protection offerte par le couvert forestier et en
particulier à l’humidité ambiante, à l’existence de nombreux refuges et à un encombrement de
la végétation au sol généralement réduit. Il existe cependant des exceptions et certaines
espèces se déplacent mieux sur des substrats nus, en dehors des forêts. C’est par exemple le
cas de Bufo calamita, pour qui l’optimum est un sol sablonneux (Stevens et al. 2004).
Enfin, dans certains cas, les effets de la fragmentation semblent accentués par la
fréquence et l’amplitude des déplacements chez les espèces disposant de bonnes capacités de
déplacements. En effet, dans un paysage fragmenté, elles pourraient être sujettes à une
mortalité plus importante que les espèces dont les capacités de déplacements sont réduites, si
les individus en déplacement dans la matrice paysagère sont exposés à un risque de mortalité
élevé (Gibbs 1998, Newcomb et al. 2004). Une mortalité importante peut notamment exister
dans les paysages comportant des réseaux routiers denses (Carr et Farhig 2001). Ainsi,
quelquesoit leur capacité de déplacement, les espèces peuvent être menacées par la perte et la
fragmentation de leur habitat : les plus mobiles peuvent être menacées à court ou moyen
terme par une émigration associée à une forte mortalité, tandis que celles qui sont peu mobiles
sont menacées à plus long terme des suites de la réduction de la surface de leur habitat et sous
l’effet de l’isolement.
1.2. Enjeux de la recherche pour la conservation des
amphibiens menacés par la perte et la fragmentation de leur
habitat
L’efficacité d’un programme de conservation ciblé sur une espèce menacée va
essentiellement dépendre des connaissances acquises, d’une part sur sa biologie et son
comportement et, d’autre part, sur les facteurs qui la menacent. Or, il reste beaucoup
d’informations à obtenir pour conserver efficacement certaines espèces d’amphibiens. Nous
avons identifié deux thèmes de recherche majeurs qui peuvent aider à orienter les actions de
conservation pour les amphibiens potentiellement menacés par la perte et la fragmentation de
34
Chapitre 1
leur habitat. Les sections suivantes présentent ces deux thèmes et introduisent les concepts et
théories qui y sont associés.
1.2.1.
Identifier les facteurs influençant les déplacements, la connectivité et la
structure spatiale des populations
Le cycle biphasique de la plupart des espèces d’amphibiens (phase larvaire aquatique et
phase adulte terrestre) leur impose des migrations, c’est-à-dire des déplacements dirigés vers
ou en dehors des sites aquatiques de reproduction (Semlitsch 2008). Ces déplacements sont
principalement réalisés par les adultes et ils ont lieu chaque année entre les sites de
reproduction et d’hivernage et, chez certaines espèces, entre des sites de reproduction et
d’estivage (p.ex. Lithobates pipiens ; Pope et al. 2000). Ils interviennent essentiellement à une
échelle locale, à l’intérieur d’une tache d’habitat. À une échelle spatiale plus large, la
dispersion, qui correspond aux déplacements unidirectionnels depuis des sites de naissance
vers des sites de reproduction localisés dans d’autres populations (Semlitsch 2008), est
également indispensable puisqu’elle permet de réduire la probabilité d’extinction locale des
populations (Hanski 1999, Marsh et Trenham 2001). Ainsi les possibilités de déplacements
peuvent fortement influencer la persistance des populations d’amphibiens dans un paysage
modifié par les activités humaines.
L’amplitude des déplacements observés à l’intérieur ou entre les taches d’habitat, peut
dépendre des capacités de déplacement de l’espèce, de la fidélité aux sites, de la capacité à
s’orienter et à détecter une tache d’habitat, mais aussi de la perméabilité4 de la matrice
paysagère. Les capacités de déplacement des amphibiens sont généralement sous-estimées en
raison de l’insuffisance des données acquises pour la plupart des espèces (voir § 1.1.1). De
plus, il existe des différences importantes entre les espèces dans la capacité à traverser un
paysage mais aussi entre les individus (Stevens et al. 2004). D’où l’intérêt d’étudier les
déplacements « au cas par cas », pour chaque espèce, dans divers contextes paysagers et à
partir d’un échantillon suffisant d’individus. Pour cela, des techniques directes et indirectes
peuvent être utilisées. La radio-télémétrie et la méthode de capture-marquage-recapture
4
La perméabilité représente le degré de limitation des déplacements des individus causé par la structure et la
composition du paysage (‘Landscape connectivity’ sensu Taylor et al. 1993).
35
Chapitre 1
(CMR) sont les techniques directes les plus utilisées. La première permet de suivre
précisément les déplacements des individus en les équipant d’un émetteur. Cette technique est
très utile, cependant son usage comporte encore des limitations importantes liées
principalement au poids des émetteurs qui ne permet pas d’équiper un individu de moins de 5
grammes (il est recommandé de ne pas dépasser 5 à 10% de la masse corporelle de
l’individu selon les auteurs ; White et Garrott 1990, Richards et al. 1994) et à la durée de vie
de la batterie qui ne dépasse pas un mois pour les plus petits émetteurs. Cette technique peut
donc difficilement être utilisée pour mener un suivi à long terme et la CMR est généralement
utilisée dans ce cas.
La connaissance de la structure spatiale des populations d’amphibiens, qui résulte à la
fois des déplacements des individus entre les sites aquatiques et de la distribution spatiale de
ces derniers dans le paysage, a une importance particulière en terme de conservation (Marsh
et Trenham 2001, Storfer 2003, Smith et Green 2005, Petranka et Holbrook 2006). En effet,
les mares peuvent être perçues comme des taches d’habitat utilisées pour la reproduction
(‘breeding patches’), réparties dans la matrice paysagère et hébergeant chacune une
population locale d’amphibiens, qui peut occasionnellement échanger des individus avec une
autre population locale. Cette structure spatiale correspond à celle d’une métapopulation
classique, dans laquelle les populations locales peuvent subir des extinctions et être
recolonisées par des individus (Figure 1-1A ; Levins 1969). Les déplacements d’individus
entre les taches d’habitat et les processus de recolonisation des taches d’habitat consécutives à
une extinction locale permettent à la métapopulation de persister à une échelle régionale,
englobant toutes les populations locales connectées. Ainsi, en délimitant une métapopulation,
il est possible de cibler précisément les zones à gérer pour maintenir des connexions entre les
taches d’habitat. Quatre conditions ont été formulées par Hanski (1999), pour démontrer
l’existence d’une métapopulation « classique » : (1) les taches d’habitat supportent des
populations locales ; (2) aucune population locale n’est suffisamment importante pour assurer
la survie à long terme du système ; (3) les taches d’habitat ne sont pas trop isolées pour
empêcher une recolonisation ; (4) les dynamiques locales sont suffisamment asynchrones pour
que l’extinction simultanée de l’ensemble des populations locales soit improbable.
Le concept de métapopulation sensu Levins (1969) a été massivement appliqué aux
populations d’amphibiens, en considérant chaque mare comme une tache d’habitat hébergeant
une population locale distincte (‘pond as patch approach’ ; p.ex. Sjögren 1991). Certains
auteurs considéraient même récemment que la majorité des populations d’amphibiens
36
Chapitre 1
fonctionnent en métapopulations (Alford et Richards 1999). Cependant, d’après la revue
réalisée par Smith et Green (2005), de nombreuses populations d’amphibiens ne répondent
pas aux quatre conditions énoncées par Hanski (1999) et l’application du concept dépend
essentiellement des possibilités de déplacements entre les taches d’habitat. Étant donné que
les capacités de déplacement ont été fortement sous-estimées chez de nombreuses espèces
d’anoures, la dispersion pouvant occasionnellement atteindre plus de 10 kilomètres chez la
plupart des espèces d’après Smith et Green (op. cit.), de nombreux systèmes qui ont été
jusqu’alors assimilés à des métapopulations classiques n’en étaient donc pas en réalité.
Figure 1-1 : Représentation schématique de trois types de structures spatiales d’une population (adapté de
Harrison 1991). A : une métapopulation « classique » de Levins (1969) ; B : une population de type « sourcepuit » ; C : une population morcelée. Les taches noires représentent des taches d’habitat occupées par une
population locale et les taches blanches des taches d’habitat inoccupées (suite à une extinction locale ou non
colonisées). Les flèches représentent les déplacements d’individus entre les taches d’habitat (colonisation) et les
pointillés la limite des populations.
Dans cette métapopulation classique, les taches d’habitat sont jugées similaires du point
de vue de leur taille et les populations locales le sont aussi du point de vue du nombre
d’individus qu’elles accueillent, ce qui paraît peu réaliste. La persistance d’un tel système
dépend de l’équilibre entre les extinctions et les colonisations dans l’ensemble des
populations locales. Un certain nombre d’autres types de métapopulations ont donc été définis
par la suite pour classer les structures spatiales observées qui n’entraient pas dans le cas
classique de Levins (op. cit.). Nous en citerons deux exemples : les métapopulations de type
« source-puit » et les populations morcelées.
Sous l’effet de la variabilité de la qualité de l’habitat à l’échelle de l’ensemble des taches,
certaines populations locales occupant des taches de bonne qualité comptent beaucoup
d’individus et la reproduction y est importante : elles constituent des « sources ». À l’inverse,
il peut exister des populations locales réparties dans des taches d’habitat de mauvaise qualité,
37
Chapitre 1
dans lesquelles les individus se reproduisent très peu ou pas du tout : elles sont définies
comme des « puits ». Les taches d’habitat sources « envoient » des émigrants dans les taches
puits : il s’agit de la métapopulation de type « source-puit » (Figure1-1B ; Pulliam 1988).
La persistance de ce type de métapopulation dépend moins des processus de
colonisation/extinction. C’est surtout la persistance locale des populations « sources », liée au
maintien de la qualité des taches et à la recolonisation de celles ayant subi des extinctions, qui
va permettre au système de perdurer. Pour certains auteurs, la distance séparant les taches
d’habitat est plus importante que leur qualité (p.ex. Murphy et al. 1990). Les populations
morcelées (Figure 1-1C ; Harrison 1991), quant à elles, constituent le cas extrême dans ce
continuum, du point de vue des déplacements entre les taches d’habitat. En effet, ces
populations sont formées de taches d’habitat entre lesquelles les déplacements des individus
sont très fréquents pouvant même lier entre elles toutes les taches.
Storfer (2003) donne trois exemples de structures spatiales de populations d’amphibiens
qui peuvent être classés a priori dans les types décrits précédemment. Le premier exemple
concerne une étude menée par Sjögren-Gulve (1994) sur Pelophylax lessonae, dans laquelle il
existe des évènements fréquents d’extinctions/colonisations et dont la structure spatiale se
rapproche du type classique de Levins (1969). Dans ce cas, la gestion de corridors pour
maintenir la connectivité apparaît être la meilleure solution pour maintenir ce système (Storfer
op. cit.).
Le deuxième exemple concerne une étude de Gill (1978), menée sur Notophtalmus
viridescens. Dans cette étude, les individus sont très peu mobiles et ils sont très philopatriques
(i.e. fidèles à leur mare natale) : seul un individu a colonisé une mare voisine sur plus de 8500
étudiés. Il semblait exister un succès de la reproduction variable spatialement et
temporellement dans les mares, quelques unes ayant ponctuellement un succès important.
Dans ce cas, selon Storfer (2003), en raison de la philopatrie importante, l’entretien de
corridors serait inefficace et le rôle de la dispersion ne serait pas primordial.
Le troisième exemple concerne une étude menée sur Rana luteiventris par Pilliod et al.
(2002). Dans la zone étudiée, les individus utilisent trois mares de natures différentes.
Certaines de ces mares sont utilisées pour la reproduction, d’autres comme habitats estivaux
et d’autres encore comme habitats d’hivernage. Cependant, quelques rares sites peuvent faire
office, à la fois, d’habitats de reproduction et d’hivernage. Ces derniers agissent comme des
populations sources qui permettent la persistance du système entier. La plupart des autres sites
de reproduction étaient trop peu profonds pour permettre l’hivernage (qui a lieu au fond des
38
Chapitre 1
mares). Les individus issus de la reproduction dans ces mares (juvéniles « dispersants »)
étaient donc contraints de se déplacer vers d’autres sites pour hiverner. Dans ce cas, ils
gagnaient des mares plus profondes qui contenaient généralement des poissons prédateurs
(introduits). Ces mares fonctionnaient donc comme des puits et le recrutement y était nul.
Dans ce système, Storfer (2003) argumente pour une gestion ciblée sur les quelques sites
sources plutôt que sur le système dans son ensemble, en ayant également la possibilité
d’éradiquer les poissons invasifs.
Les exemples donnés précédemment montrent qu’il est très important pour la
conservation d’une population dans un contexte fragmenté, de bien connaître sa structure
spatiale. Bien que les amphibiens pondent généralement dans des mares réparties en unités
discrètes dans le paysage, il n’est pas forcément justifié de réduire la définition de la tache
d’habitat à une seule mare. Certaines mares peuvent être suffisamment proches et/ou
suffisamment connectées par des déplacements pour constituer ensemble une tache d’habitat
plus grande. Le problème est le même pour certaines espèces d’amphibiens qui sont capables
de fractionner leurs pontes dans l’espace (i.e. de pondre dans plusieurs mares au cours d’une
même saison). Pour ces espèces, la structure de la population est encore plus difficile à définir
puisque les taches d’habitats représentent des groupes de mares. En concentrant la gestion
uniquement sur les mares prises isolément, il est possible qu’une partie de l’habitat ne soit pas
protégée.
En conclusion, la structure spatiale identifiée dépend non seulement des caractéristiques
biologiques de l’espèce étudiée mais aussi des particularités locales de son habitat (structure,
répartition et qualité des taches d’habitat), et de l’échelle d’observation prise en compte dans
l’étude. Les études sur les déplacements et la dynamique des populations sont très importantes
pour comprendre comment une gestion doit être menée pour maintenir un système dans son
ensemble. Cependant, ces études doivent être conduites à une échelle spatiale et temporelle
suffisamment large pour apprécier correctement les patrons de déplacements, les extinctions
locales éventuelles et les (re)colonisations. Dans tous les cas, la délimitation d’une
métapopulation reste relativement subjective et, comme pour délimiter une population,
l’utilisation complémentaire de la génétique peut aider à mieux définir une structure spatiale
(Waples et Gaggiotti 2006).
39
Chapitre 1
1.2.2.
Prendre en compte des échelles multiples dans les études de sélection
de l’habitat
L’habitat peut être défini comme les ressources et les conditions présentes dans une
zone, qui produisent son occupation – incluant la survie et la reproduction – par un
organisme donné (Hall et al. 1997). Comprendre comment les espèces sélectionnent leur
habitat constitue un point clé pour mieux estimer les conséquences de la perte et de la
fragmentation de l’habitat et pour proposer des mesures de conservation adaptées. La
sélection de l’habitat correspond à un processus hiérarchique impliquant une série de
décisions comportementales, innées ou apprises, prises par un animal concernant l’habitat
qu’il utilise à différentes échelles spatiales (Hall et al. 1997). Comme cette définition le
souligne, la sélection de l’habitat peut être vue hiérarchiquement (Johnson 1980), depuis le
microhabitat (p.ex. les mares), en passant par le domaine vital et jusqu’à l’aire de répartition
de l’espèce. Le concept d’échelle5 est donc central dans les études de sélection de l’habitat.
Dans ce travail, nous utiliserons la définition de l’échelle donnée par Hobbs (2003) : il s’agit
d’une manière de décrire les dimensions physiques d’objets d’intérêt dans le temps ou dans
l’espace. Une échelle est caractérisée à la fois par son étendue, c’est-à-dire l’étalement
maximum de ce qui est mesuré, et par sa résolution (ou grain), qui correspond à la plus petite
différence qui peut être définie à l’intérieur de l’objet décrit. Hobbs (op. cit.) donne deux
exemples pour illustrer le concept d’échelle spatiale et temporelle : l’échelle d’une règle
graduée est définie par sa longueur (p.ex. 30 cm) qui représente son étendue et par sa plus
petite subdivision c’est-à-dire son unité (p.ex. 1 mm), qui représente sa résolution ; tandis que
l’échelle d’un calendrier peut être définie par la durée qu’il couvre (un an) et sa résolution qui
est d’un jour. De manière générale, les processus écologiques sont souvent influencés par des
facteurs agissant au travers d’un spectre d’échelles et il a été montré que les animaux
sélectionnent différentes ressources à différentes échelles (Wiens 1989, Kotliar et Wiens
1990, Cushman et McGarigal 2002, Manly et al. 2002).
Chez les amphibiens, il est maintenant admis que la distribution des espèces est
influencée à la fois par des caractéristiques locales de l’habitat et par des caractéristiques du
5
Comme Legendre et Legendre (1998) le font remarquer, les écologues parlent d’ « échelle large » pour une
grande surface ou une longue durée, et d’ « échelle fine » pour une petite surface ou une durée courte, tandis
qu’en géographie le mot « échelle » fait allusion à l’échelle d’une carte et les expressions « grande échelle »
(p.ex. 1/25000) et « petite échelle » (p.ex. 1/1000000) sont employées dans un sens opposé à celui des écologues.
40
Chapitre 1
paysage, en plus de facteurs historiques. Jusqu’à récemment, les études de sélection de
l’habitat menées chez les amphibiens étaient restreintes à une échelle fine : celle des sites
aquatiques. Cependant, la caractérisation des mares n’est pas suffisante pour expliquer la
distribution des espèces d’amphibiens (Loman et Lardner 2006). Des études récentes ont
permis de montrer que des caractéristiques du paysage telles que la surface en forêt (Hecnar et
M’Closkey 1997a, Knutson et al. 1999, Vallan 2000, Weyrauch et Grubb 2004), les surfaces
agricoles (Knutson et al. 1999, Lehtinen et al. 1999, Joly et al. 2001) ou encore l’urbanisation
et la densité du réseau routier (Fahrig et al. 1995, Pellet et al. 2005), peuvent aussi déterminer
la présence ou l’abondance d’espèces dans les sites aquatiques. Cette influence du paysage a
été détectée dans des rayons de longueurs variables, allant de quelques centaines de mètres
(p.ex. Herrmann et al. 2005, Mazerolle et al. 2005), à plus d’un kilomètre autour des mares
(p.ex. Houlahan et Findlay 2003, Price et al. 2004).
À l’échelle des mares, l’occurrence et l’abondance des espèces d’amphibiens peuvent
notamment être liées à la physico-chimie de l’eau (Mann 2000, Bridges et Semlitsch 2000,
Brodkin et al. 2003, Merilä et al. 2004, Loman et Lardner 2006, McKibbin et al. 2008), à la
profondeur des mares et à l’hydropériode (Pechmann et al. 1989, Rowe et Dunson 1995,
Babbitt et Tanner 2000, Snodgrass et al. 2000, Babbitt 2005, Skidds et Golet 2005, Otto et al.
2007), à la présence et à l’abondance de prédateurs et de compétiteurs (Skelly 1996, Hecnar et
M’Closkey 1997b, Barnett et Richardson 2002, Van Buskirk 2003), ou encore, au
recouvrement par la végétation aquatique (Skelly et al. 1999, Denoël et Lehmann 2006). À
une échelle plus large, le paysage peut influencer la distribution des populations d’une espèce
en intervenant sur les possibilités de déplacements des individus et donc sur les potentialités
de colonisation des mares (Joly et al. 2001, 2003, Rothermel et Semlitsch 2002, Rittenhouse
et Semlitsch 2006), ou en conditionnant une certaine qualité de l’habitat à une échelle plus
fine (Knutson et al. 1999, Joly et al. 2001, Van Buskirk 2005).
Ces réponses des amphibiens à des facteurs dont l’effet est mesurable à des échelles
différentes, ont d’importantes implications méthodologiques (Van Buskirk 2005). Se placer à
une seule échelle d’observation, comme celle des mares par exemple, ne permet pas de
comprendre les patrons de distribution et peut même mener à des erreurs d’interprétation
(Wiens 1989). De plus, les actions de conservation doivent être conduites à une ou plusieurs
échelles spatiales appropriées qu’il est indispensable de déterminer (Noss 1992, Bosch et al.
2004).
41
Chapitre 1
Dans ce contexte, il est essentiel de caractériser l’habitat d’une espèce en se positionnant
à plusieurs échelles d’observation, puis de lier ses tolérances à l’étendue et au patron spatial
de cet habitat dans le paysage (Cushman 2006). Étant donné la difficulté de manipuler
expérimentalement l’environnement à des échelles suffisamment larges pour permettre
d’étudier l’effet de facteurs paysagers particuliers, des approches corrélatives sont plus
généralement employées dans les études de sélection de l’habitat, menées à des échelles
multiples. Ces études ont pour principe de comparer des mesures de paramètres
environnementtaux décrivant l’habitat, dans des sites « utilisés » et « non utilisés » pour
connaître leur effet sur l’occurrence ou l’abondance d’une espèce dans différents sites. Les
préférences des individus sont ainsi inférées sur la base d’une utilisation disproportionnée
d’un type d’habitat particulier (Manly et al. 2002).
1.3. État des connaissances sur la biologie du Sonneur à ventre
jaune
1.3.1.
Morphologie, taxonomie et répartition
Le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata L.) est un amphibien anoure de petite
taille (longueur museau-cloaque = 30-59 mm, masse corporelle des adultes = 2.5-15 g ;
Abbühl et Durrer 1993, Gollmann et Gollmann 2002). La couleur dorsale est terne, d’un brungris à un verdâtre et elle se confond généralement à la teinte du substrat des sites aquatiques
dans lesquels il se reproduit (coloration cryptique ; Figure 1-2A). La face ventrale, au
contraire, est colorée d’un jaune vif, parfois orangé, alternant avec des taches noires ou
grisâtres (Figure 1-2B). Cette coloration est dite aposématique : elle constitue un signal
d’avertissement qui est associé au désagrément occasionné au prédateur qui consommerait un
Sonneur à ventre jaune. En effet, cet amphibien dispose de glandes muqueuses (réparties sur
tout le corps) et granuleuses (réparties uniquement sur le dos) qui sécrètent chacune un venin
cutané différent mais, dans les deux cas, relativement puissant (Phisalix 1923a, 1923b). Le
venin muqueux, en particulier, est très irritant lorsqu’il entre en contact avec les muqueuses
humaines. En plus de l’avertissement que constitue la coloration vive du Sonneur à ventre
42
Chapitre 1
jaune, un comportement particulier nommé « catalepsie » ou ‘Unken reflex’, est souvent
observé lorsqu’un individu subit un stress (p.ex. lorsqu’il est manipulé) : sur le ventre, il se
cambre et retourne les mains et les pieds sur le dessus de son corps, laissant voir leur couleur
vive (Bajger 1980 ; Figure 1-2C). Plus rarement, certains individus peuvent se retourner sur le
dos en adoptant le même comportement (je n’ai personnellement jamais observé ce
comportement dans le nord-est de la France mais il m’a été rapporté par des naturalsites dans
d’autres régions). Ainsi, comme chez beaucoup d’autres espèces, les couleurs vives sont
associées à une venimosité. Ces particularités font que les Sonneurs à ventre jaune adultes ont
très peu de prédateurs, ce qui favorise leur survie (Barandun 1992).
Une autre caractéristique de l’espèce est la forme de ses pupilles qui sont cordiformes à
triangulaires lorsqu’elles sont fortement dilatées et en forme de « Y » lorsqu’elles sont
contractées (Figure 1-2D).
Un dimorphisme sexuel existe. Tout d’abord, des callosités noirâtres apparaissent chez
les mâles adultes, sur les avant-bras, sur le pouce, à l’intérieur des doigts et sur les orteils
(Figure 1-2E). Ces callosités sont surtout apparentes en période de reproduction. Un autre
caractère, indépendant de la saison, surtout visible à la loupe, est la présence de petites épines
noires kératinisées sur les verrucosités dorsales, qui existent chez les femelles et chez les
mâles mais qui sont beaucoup plus saillantes chez ces derniers (Abbühl et Durrer 1992 ;
Figure 1-2F). Concernant la taille corporelle (longueur museau-cloaque), elle est
généralement proche chez les deux sexes (Gollmann et Gollmann 2002). En France
(Ardèche), Massemin (2001) a détecté une différence significative pour la taille et la masse
corporelle moyennes des mâles et des femelles : les femelles avaient une taille et une masse
corporelle plus importantes que les mâles. Dans une autre étude menée en Italie (Lombardie),
au contraire, les mâles étaient, en moyenne, plus grands que les femelles (Di Cerbo 2001).
Cependant, les femelles atteignent généralement une taille maximale plus grande que les
mâles (Seidel 1988, Gollmann et Gollmann 2002). De plus, les femelles ont une masse
corporelle qui est aussi plus souvent supérieure à celle des mâles (Abbühl et Durrer 1993).
43
Chapitre 1
Figure 1-2 : Morphologie, dimophisme sexuel et comportement de catalepsie du Sonneur à ventre jaune
(photographies prises dans les Ardennes françaises). A : individu adulte (mâle) ; B : patron ventral d’un
adulte (mâle) ; C : comportement de catalepsie ; D : pupille cordiforme ; E : avant bras d’un mâle (en haut) et
d’une femelle (en bas) (adapté de Gollmann et Gollmann 2002) ; F : épines noires kératinisées sur le dos d’un
mâle.
Le Sonneur à ventre jaune appartient à la famille des Bombinatoridae (Ford et Cannatella
1993, Frost et al. 2006). Cette famille n’est pas reconnue par tous les systématiciens : certains
considèrent
que
les
Discoglossidae
et
les
Bombinatoridae
forment
un
groupe
monophylétique6 (p.ex. San Mauro et al. 2004, Roelants et Bossuyt 2005), tandis que d’autres
argumentent une paraphylie7 (p.ex. Ford et Cannatella 1993). C’est la raison pour laquelle le
Sonneur à ventre jaune était encore récemment placé dans la famille des Discoglossidae. Les
6
En systématique cladistique, un groupe monophylétique (ou clade) représente l’une des branches d’un arbre
phylogénétique, c’est-à-dire un taxon ancestral (nœud) et l’ensemble de ses descendants.
7
Un groupe paraphylétique rassemble seulement une partie des descendants d’un taxon ancestral.
44
Chapitre 1
Bombinatoridae rassemblent deux genres : Barbourula Taylor et Noble, 1924, qui ne contient
que deux espèces trouvées aux Philippines et à Bornéo, et Bombina Oken, 1816 qui contient
six espèces réparties en Europe et en Asie. L’aire de répartition du Sonneur à ventre jaune
s’étend sur la majeure partie de l’Europe. À l’est, elle s’arrête dans les Carpates, en débordant
sur l’Ukraine, tandis qu’elle atteint la France à l’ouest (Nöllert et Nöllert 1992, Szymura et
Gollmann 1996 ; Figure 1-3A). Au sud, elle atteint la péninsule Balkanique (nord de
l’Albanie, de la Dalmatie et de la Macédoine ; Haxhiu 1994) et l’Italie (Di Cerbo et Ferri
1996). La limite septentrionale passe par le sud des Pays-Bas (Bosman et Crombaghs 2006) et
le centre de l’Allemagne (Nöllert et Günther 1996, Buschmann 2001). Le Sonneur à ventre
jaune est notamment absent des îles britanniques (hormis un cas isolé d’introduction, Pimentel
2002), du sud de la Grèce ainsi que de la péninsule Ibérique. Il a enfin été signalé en Sicile,
mais cette mention a été contestée (Nöllert et Nöllert 1992). Dans son aire de répartition, le
Sonneur à ventre jaune a été trouvé du niveau de la mer jusqu’à plus de 2000 mètres d’altitude
(notamment dans les Balkans, Haxhiu 1994 ; et en Grèce, Denoël 2004).
Figure 1-3 : Répartition géographique du Sonneur à ventre jaune. A : en Europe (Gasc et al. 1997) ; B : en
France (Castanet et Guyétant 1989).
Le statut taxonomique des sous-espèces du Sonneur à ventre jaune est lui aussi sujet à
des polémiques. Généralement, quatre sous-espèces sont reconnues (Lang 1988, Szymura et
Gollmann 1996): B. v. variegata (L.), la plus répandue, en Europe centrale et occidentale ; B.
v. scabra (Küster, 1843), dans la péninsule des Balkans ; B. v. kolombatovici (Bedriaga,
1980), en Dalmatie ; B. v. pachypus (Bonaparte, 1838), en Italie. Sur la base d’études
génétiques, le Sonneur des Appennins B. v. pachypus a été élevé au rang d’espèce par Lanza
45
Chapitre 1
et Vanni (1991) et cette démarche a été soutenue ensuite par Canestrelli et al. (2006). Ce
choix a également été motivé par la distribution allopatrique des populations de ce taxon avec
le reste des populations de B. variegata (Gollmann et al. 1997). Cependant, des études
génétiques plus récentes montrent que B. variegata pachypus est finalement très proche de B.
v. variegata et qu’il n’est peut-être pas justifié de l’élever au rang d’espèce (Hofman et al.
2007).
A l’est de son aire de répartition, le Sonneur à ventre jaune est en parapatrie avec
Bombina bombina (Linnaeus, 1761) : le Sonneur à ventre de feu. Les deux espèces cohabitent
dans une zone restreinte de plaine en forme de croissant, qui suit approximativement la vallée
du Danube en partant de l’Autriche, puis qui longe les piémonts des Carpates jusqu’à la Mer
Noire (Szymura 1988). L’hybridation entre B. variegata et B. bombina intervient dans cette
zone. Son existence était présumée depuis très longtemps (Méhelÿ 1892) et elle a pu être
confirmée par des études génétiques. Depuis les années 1970 (Szymura 1976), cette
hybridation a fait l’objet de nombreuses études. En effet, ce cas d’hybridation est
particulièrement intéressant car il illustre le concept de « Zone de Tension », c’est-à-dire le
maintien d’une zone d’hybridation lié à un équilibre entre une forte sélection contre les
hybrides et la dispersion des individus parentaux dans la zone de parapatrie (Arnold 1997).
En France, le Sonneur à ventre jaune est uniquement représenté par la sous-espèce
nominale B. v. variegata. Il est largement répandu dans l’est (Alsace, Lorraine, ChampagneArdenne, Franche-Comté) et dans le Limousin (Figure 1-3B). Partout ailleurs, bien qu’il
puisse exister des noyaux de populations présentant des effectifs importants (p.ex. en Ardèche
ou en Isère), ses populations sont beaucoup plus dispersées et ce, plus particulièrement en
limite d’aire de répartition (au nord, à l’ouest et au sud). La limite septentrionale de répartition
passe par le sud du département des Ardennes (Grangé 1989) et, en allant vers l’ouest, elle
passe par le département de la Marne et le sud du département de l’Aisne (vallée de la
Marne). La limite nord-ouest se situe en Normandie, dans le département de l’Eure. Dans le
sud, la limite passe, d’ouest en est, par l’Aquitaine, le Lot, l’Ardèche et les Hautes-Alpes, à la
limite avec les Alpes de Haute Provence. Dans tout le pays, le Sonneur à ventre jaune est
essentiellement rencontré en plaine et plus particulièrement dans les zones de collines. Plus de
80% des localités de présence se situent à une altitude inférieure à 500 mètres (Grangé 1989),
le maximum étant atteint dans les Alpes (environ 1500 m ; PNE CRAVE 1995).
46
Chapitre 1
1.3.2.
Sites aquatiques utilisés pour la reproduction
L’espèce se reproduit préférentiellement dans des pièces d’eau peu profondes (niveau
d’eau généralement inférieur à un mètre), à l’eau stagnante, souvent peu végétalisées et bien
exposées au soleil (Seidel 1988, Wagner 1996, Jahn et al. 1996, Di Cerbo 2001). Cependant,
le Sonneur à ventre jaune peut montrer une grande flexibilité dans le choix de ses sites
aquatiques. Un large spectre de types de mares, de tailles diverses, recouvertes à des degrés
divers par la végétation, peut réellement être utilisé, notamment lorsque ces mares hébergent
peu de compétiteurs et de prédateurs (Barandun et Reyer 1997a, Gollmann et al. 1999). Dans
le nord de la France (Champagne-Ardenne, Lorraine, Picardie), le Sonneur à ventre jaune se
reproduit essentiellement dans des ornières forestières créées par les machines lors du
débardage en forêt, des flaques d’eau sur les places de stockage du bois, des mares de chablis,
des fossés, des carrières, des zones de sources et des mares dans des prairies pâturées (obs.
pers. ; Figure 1-4). D’autres types de milieux aquatiques sont moins fréquemment utilisés en
limite septentrionale de la répartition : les abreuvoirs, les lavoirs, les zones de crues ou
annexes de cours d’eau ou encore les bordures d’étangs. Enfin, dans d’autres régions, le
Sonneur à ventre jaune peut aussi être trouvé dans les vasques rocheuses de torrents (p.ex. en
Ardèche, Massemin 2001), ou dans les portions de ruisseaux au cours lent (Pinston et al.
2000). Les milieux utilisés, bien qu’étant très diversifiés, ont tous un point en commun : ils
sont soumis à une dynamique de perturbations physiques qui les rend temporaires ou qui
mène à leur renouvellement régulier (Barandun 1992, Morand 1997). Ces perturbations
peuvent être naturelles : crues et décrues des cours d’eau, successions d’assèchements et de
remplissages par les précipitations, piétinement par la faune, chute d’arbres menant à la
création d’une mare. Cependant, dans le nord et l’est de la France, les perturbations sont
majoritairement artificielles : il s’agit principalement de l’orniérage et des activités
d’exploitation dans les carrières.
Il est légitime de se demander où pouvait se reproduire le Sonneur à ventre jaune avant
que toutes ces activités humaines n’existent. Les zones de sources, les mares naturelles de
chablis, les mares temporaires dans les prairies, les vasques rocheuses des torrents en
montagne et les bras morts et noues des grands cours d’eau en plaine, faisaient alors
probablement partie de ses sites aquatiques de prédilection. L’espèce n’est donc probablement
pas typiquement forestière et elle est encore essentiellement rencontrée dans des prairies ou
bocages dans certaines régions françaises.
47
Chapitre 1
Figure 1-4 : Quelques exemples de milieux aquatiques utilisés par le Sonneur à ventre jaune dans le nord-est
de la France (forêt de la Croix-aux-Bois et abords, Ardennes). A : une mare de châblis ; B : des ornières ; C : une
place de stockage du bois (flaques d’eau) ; D : une zone de source dans une prairie pâturée (piétinement par des
bovins).
1.3.3.
Reproduction, développement et survie
La saison de reproduction commence relativement tard comparée à d’autres espèces
d’amphibiens. En général, les individus sont visibles dans les sites aquatiques à partir du mois
d’avril, la date la plus précoce trouvée dans la littérature naturaliste étant le 6 février en
Charente (Thirion et al. 2002). Cependant, la reproduction commence généralement à la fin
du mois d’avril et elle peut s’étendre jusqu’à la fin du mois d’août (Seidel 1988, Barandun
1995, Gollmann et Gollmann 2002). Les individus passent la quasi totalité de la saison de
reproduction dans les mares. L’activité reproductrice est synchronisée avec les précipitations
(Seidel 1988, Barandun et Reyer 1997a) : les accouplements (Figure 1-5A) et les pontes ont
lieu essentiellement à la suite de fortes pluies, lorsque le niveau d’eau des sites aquatiques est
au plus haut. Les mâles délimitent un territoire dans les pièces d’eau et attirent les femelles,
en émettant un chant doux qui porte à moins de 50 mètres. De plus, ils signalent leur présence
48
Chapitre 1
aux autres mâles en créant des ondes à la surface de l’eau avec leur pattes arrières (Elepfandt
et Simm 1985, Seidel 1999).
Figure 1-5 : Accouplement et développement. A : mâle et femelle de Sonneur à ventre jaune en amplexus
(Mognéville, Meuse) ; B : ponte (Montagne de Reims, Marne) ; C : têtard (forêt de la Croix-aux-Bois, Ardennes)
; D : juvénile récemment métamorphosé (Schaumburg, Allemagne).
Contrairement à de nombreuses autres espèces d’amphibiens (p.ex. Bufo bufo ou Rana
temporaria), les femelles du Sonneur à ventre jaune ne pondent généralement pas tout leur
stock d’œufs en une seule fois. Elles sont en effet capables de fractionner leur ponte dans
l’espace (i.e. distribution d’une ponte en plusieurs paquets, dans des pièces d’eau différentes)
et dans le temps (c’est-à-dire plusieurs paquets d’œufs sont déposés à différents moments de
la saison) (Seidel 1988, Barandun 1995, Buschmann 2002). Cependant, elles ne le font pas
systématiquement (p.ex. Kapfberger 1984). Les œufs sont pondus en petits paquets
comportant généralement moins de 20 œufs (dans le nord-est de la France, maximum observé
= 85 ; obs. pers.). Ces paquets d’œufs sont souvent accrochés à des petites plantes aquatiques
(Figure 1-5B), des racines, des brindilles qui sont immergées ou elles tombent au fond de la
pièce d’eau. Le nombre d’œufs pondus par femelle et par an est généralement compris entre
49
Chapitre 1
100 et 340 (Buschmann 1998). Ceci constitue une faible fécondité comparée à la plupart des
autres espèces d’anoures qui pondent, en général, plusieurs milliers d’œufs en une seule fois
(Duellman et Trueb 1994). De plus, au cours des années peu favorables à la reproduction,
notamment lorsque les pièces d’eau s’assèchent trop longtemps, le Sonneur à ventre jaune
peut ne pas se reproduire (Barandun 1990).
La vitesse de développement est très variable selon la température de l’eau. L’éclosion des
œufs a lieu environ 4 à 8 jours après la ponte dans des conditions naturelles. Les têtards sont
caractérisés par leur queue relativement courte et haute et leur forme globuleuse, légèrement
pyriforme (aspect « joufflu » ; Figure 1-5C). Ils mettent 30 à 130 jours environ avant de se
métamorphoser (Rafinska 1991, Barandun et Reyer 1997b, Morand et al. 1997). Les juvéniles
nouvellement métamorphosés (Figure 1-5D) ont une taille très variable qui va d’un peu moins
de 10 mm à 20 mm. Le taux de survie des œufs et des têtards (survie jusqu’à la
métamorphose), peut atteindre moins de 10% certaines années à cause principalement de
l’assèchement des mares (Barandun et Reyer 1997b). Une fois métamorphosés, les juvéniles
quittent généralement le site aquatique mais ils restent à proximité de l’eau. La mortalité, de la
ponte jusqu’à la maturité sexuelle est très importante. Par exemple, Beshkov et Jameson
(1980) ont estimé un taux de survie inférieur à 4%.
La faible fécondité du Sonneur à ventre jaune et la forte mortalité des stades larvaires et
juvéniles sont compensées à long terme par une longévité et une survie importantes des
adultes (Barandun 1992, Morand 1997). Des individus de plus de quinze ans ont été capturés
dans la nature (Plytycz et Bigaj 1993, Seidel 1993, 1996). Par ailleurs, des taux de survie
adulte de près de 80% (Seidel 1992) et de plus de 62% (Barandun 1990) ont été estimés lors
de suivis de populations réalisés sur plusieurs années. Ainsi, la survie adulte constitue un
point très important pour la persistance d’une population de Sonneur à ventre jaune.
1.3.4.
État des connaissances sur son habitat
Si la sélection des mares a été amplement étudiée, en revanche l’habitat terrestre utilisé
par le Sonneur à ventre jaune et le contexte paysager autour des sites aquatiques ont très
rarement été pris en compte dans les études de sélection de l’habitat. Martin et al. (2001) ont
utilisé des Analyses Canoniques des Correspondances pour étudier l’effet de 29 variables sur
l’occurrence de 16 espèces, dont le Sonneur à ventre jaune, dans des mares forestières du
50
Chapitre 1
département de l’Allier. Parmi ces 29 variables, seules 7 concernaient l’environnement autour
des mares : ces variables décrivaient la nature, la densité et la proximité d’autres mares dans
un rayon de 300 mètres. Cette étude, uniquement centrée sur les sites aquatiques, suggère que
la densité et l’isolement des mares par la distance ont un effet sur la présence du Sonneur à
ventre jaune.
La seule étude ayant réellement pris en compte l’habitat terrestre autour des mares est
celle qui a été réalisée par Di Cerbo (2001) dans des prairies situées à plus de 850 mètres
d’altitude en Italie (Lombardie). Dans un rayon de 100 mètres autour des mares, elle s’est
intéressée à la proportion de diverses strates végétales (herbacées, arbustes et arbres), à la
présence de routes et de constructions, à l’existence de refuges terrestres potentiels (pierres,
buissons, crevasses) et à la présence de bovins. Parallèlement, elle a réalisé des mesures
rendant compte de la qualité des mares : physico-chimie de l’eau, présence d’invertébrés,
recouvrement de la végétation aquatique et présence d’autres espèces d’amphibiens et de
reptiles. La présence du Sonneur à ventre jaune était corrélée à l’existence d’une végétation
herbacée et de refuges terrestres potentiels dans le rayon de 100 mètres. L’absence quant à
elle était corrélée à la profondeur des mares et à la présence de constructions. Par ailleurs,
l’abondance du Sonneur à ventre jaune était corrélée à l’abondance de cinq autres espèces
d’amphibiens (Salamandra salamandra, Triturus carnifex, Bufo bufo, Hyla intermedia et
Rana temporaria) et d’une espèce de serpent (Natrix natrix helvetica). Ce résultat apparaît
contradictoire car la présence de compétiteurs ou de prédateurs est réputée néfaste pour le
Sonneur à ventre jaune, bien que cela n’ait jamais été testé expérimentalement.
Ces deux études s’intéressaient donc à une échelle restreinte et très peu de données sont
actuellement disponibles concernant l’influence de l’habitat terrestre et du contexte paysager
sur l’occurrence et l’abondance dans les mares.
1.3.5.
État des connaissances sur ses capacités de déplacements
Etant donné la facilité de reconnaître les individus grâce à leur patron de coloration
ventrale jaune et noire, qui constitue une marque individuelle naturelle (voir Annexe 1), de
nombreuses études sont conduites par capture-marquage-recapture. Les déplacements des
individus entre les pièces d’eau ont donc été relativement bien documentés. Cependant, de
manière générale, les auteurs donnent peu d’informations sur les distances qui séparent les
51
Chapitre 1
pièces d’eau, sur la superficie et la nature du terrain étudié ou encore, sur la manière de
calculer les distances moyennes et maximales. Il est donc difficile de comparer tous les
résultats obtenus. De plus, il est possible que la plupart de ces études soient biaisées par
l’impossibilité de détecter des déplacements de longue distance en raison d’une zone d’étude
trop restreinte (Smith et Green 2005) mais il est également difficile de le vérifier compte tenu
du manque d’informations données. Enfin, le contexte paysager est lui aussi trop
succinctement décrit et, lorsque des déplacements de faible distance sont mentionnés, il
s’avère difficile de faire la part des choses entre l’influence potentielle de la matrice
paysagère sur le comportement des individus et les capacités de déplacements réelles. La plus
longue distance de déplacement qui a été détectée au cours d’une saison de reproduction était
de 2510 mètres (Herrmann 1996). Par ailleurs, Blab et al. (1991) estiment que la distance de
3500 mètres serait difficile à franchir pour le Sonneur à ventre jaune dans un paysage
constitué d’une proportion importante de cultures intensives. Des études génétiques ont
néanmoins permis de détecter des déplacements de longue distance chez les sonneurs. En
effet, dans la zone d’hybridation entre Bombina variegata et B. bombina, sur la base
d’analyses génétiques menées sur un échantillon de 1448 sonneurs, Szymura et Barton (1991)
ont détecté un événement de dispersion de longue distance de l’ordre de 11 kilomètres.
Bien qu’étant potentiellement importantes, les capacités de déplacement du Sonneur à
ventre jaune restent donc relativement méconnues et elles sont probablement sous-estimées.
Par ailleurs, l’influence du paysage sur le comportement de déplacement des individus n’a
jamais vraiment été étudiée.
1.3.6.
Statut réglementaire, régression et menaces potentielles
Le Sonneur à ventre jaune est classé sur la liste des espèces protégées en France (arrêté
du 23 juillet 1993). Il est également inscrit aux annexes II et IV de la directive « Habitats »
(directive CEE 92/43) et à l’annexe II de la convention de Berne. Le comité français de
l’UICN l’a récemment classé « vulnérable » sur la liste rouge des amphibiens et reptiles de
France.
D’après Gollmann et al. (1997), il serait en régression dans toute son aire de répartition.
Cependant, le déclin est particulièrement marqué à l’ouest. En Belgique, il n’existe plus
qu’une seule population résiduelle connue en Wallonie alors que le Sonneur y était localement
52
Chapitre 1
abondant dans le pays au XIXème siècle (Boulenger 1886, Parent 1983, de Wavrin 2007).
Aux Pays-Bas, cinq localités connues, situées dans le sud du pays (Limbourg), ne
rassembleraient plus que 150 individus environ (Bosman et Crombaghs 2006). Au
Luxembourg, où il était très abondant d’après des écrits du XIXème siècle, il n’a pas été
retrouvé depuis 1997 (Proess 2003).
En France, sa présence était signalée dans de nombreux départements au XIXème siècle
et au début du XXème siècle (Parent 1981). Il n’était pas mentionné en Bretagne et dans la
Manche à l’ouest, dans quelques départements du sud-est et du sud-ouest, ainsi que dans le
Pas-de-Calais. Au cours du XXème siècle, sa répartition s’est considérablement réduite et les
naturalistes s’accordent à dire qu’il est en régression partout. Il n’est désormais commun que
dans l’est et le Limousin, où il existe encore des localités hébergeant plusieurs milliers
d’individus. Sur la frange septentrionale de sa distribution, il a d’abord disparu du
département du Nord où il existait à la limite avec la frontière belge et le département de
l’Aisne, ainsi que dans plusieurs localités de ce dernier département (Lantz 1924). Il a aussi
disparu de plusieurs localités connues dans le centre et le sud du département des Ardennes
(Coppa comm. pers.) et du département de la Meuse (obs. pers.), là où il fut signalé dans le
passé (Dervin 1948, Grangé 1995, Parent 2004). En Île-de-France, il semble avoir disparu du
Val d’Oise (de Massary comm. pers.) et les dernières populations connues se trouvent dans le
nord-est de la Seine-et-Marne (Rossi 1998). En Normandie, une petite population, récemment
découverte dans l’Eure (Lemonnier 2005), est aujourd’hui la seule connue. En région Centre,
l’espèce n’est seulement bien représentée que dans le sud de l’Indre (Boyer et Dohogne
2008). La dernière population connue d’Eure-et-Loir (Lemée 1983, Colin 1994) est
probablement éteinte aujourd’hui. Une population résiduelle se maintient dans le Loir-et-Cher
sur un site géré (Dupin 2006). Dans les Pays de la Loire, il était commun, notamment dans la
Sarthe (Gentil 1884), à la fin du XIXème siècle, alors qu’il ne se maintient aujourd’hui que
dans quelques localités de ce département (Kerihuel 1999, Hubert et Fournier 2002), grâce à
de gros efforts de gestion (Bergeal comm. pers.). Dans le Maine-et-Loire, seuls quelques
individus ont été observés dans une unique localité de 1999 à 2001 (Vaslin 2005). Il peut sans
doute être considéré éteint dans le département de la Mayenne où seules deux localités étaient
connues aux cours des dernières décennies (Evrard et Daum 1982). Il est quasi éteint ou éteint
en Gironde, en Charente-Maritime et dans les Landes (Thirion et al. 2002, 2006), où il fut
qualifié d’assez commun à abondant à la fin du XIXème siècle (Granger 1894). Il fut aussi
signalé dans les Pyrénées atlantiques (Granger op. cit.), où il n’a pas été retrouvé au cours du
53
Chapitre 1
XXème siècle. Enfin, il aurait rapidement disparu de Provence et du Languedoc-Roussillon au
début du XXème siècle (Massemin et Cheylan 2001).
Tous ces témoignages attestent d’une régression importante et rapide de l’espèce au
cours du XXème siècle dans notre pays et ce, plus particulièrement, sur les limites (au nord, à
l’ouest et au sud) de son aire de répartition. Les causes potentielles qui sont avancées sont :
des changements climatiques, des pollutions, des concurrences biotiques, ainsi que la perte et
la fragmentation de son habitat (Parent 1983, Gollmann et al. 1997). D’après Gollmann et al.
(op. cit.), la disparition des milieux aquatiques temporaires qui fait suite aux changements
d’utilisation des sols, constituerait la menace la plus importante. Ces changements concernent
notamment la mise en culture des prairies et le drainage. Dans les forêts, où le Sonneur à
ventre jaune profite des ornières sur les chemins et des flaques sur les places de stockage du
bois pour se reproduire, une autre menace existe. En effet, les chemins et les places de
stockage du bois sont de plus en plus souvent empierrés pour faciliter l’accès aux parcelles
exploitées. Cet empierrement contribue également à réduire la quantité de sites aquatiques
disponibles pour la reproduction.
Ainsi, la destruction et l’altération de l’habitat du Sonneur à ventre jaune pourraient avoir
des conséquences importantes sur ses populations. En revanche, très peu d’auteurs prennent
en compte la dimension paysagère de ces menaces. Or les changements de l’occupation des
sols et la création de barrières (p.ex. les routes et les cours d’eau canalisés) réduisent
probablement les connections entre les populations et les menacent sans doute à plus ou
moins long terme.
1.4. Objectifs de la thèse
Comme nous venons de le voir, le Sonneur à ventre jaune est en forte régression, en
particulier sur toute la marge ouest de son aire de répartition européenne, alors que beaucoup
d’aspects de sa biologie sont peu documentés. Bien que l’espèce puisse être encore
localement commune en France, elle peut être considérée comme menacée. Cette thèse est
ciblée sur l’étude des relations espèce-habitat dans une zone d’étude qui correspond
approximativement à la superficie d’une région française (au sens administratif). Cette zone
d’étude couvre 11 000 km² et elle est située sur la bordure septentrionale de l’aire de
54
Chapitre 1
répartition française de l’espèce. L’existence d’un contexte paysager très diversifié et de
localités de présence situées essentiellement dans des forêts de superficies très différentes
mais également dans des prairies, permet d’envisager une étude prenant en compte à la fois
des variables locales et paysagères avec un nombre relativement important de réplicats. Cette
superficie importante apporte également une certaine flexibilité pour pouvoir prendre en
compte plusieurs échelles d’observation. D’autres part, la présence d’une localité relativement
isolée de l’espèce (parmi les plus septentrionales connues en France) dans la Forêt de la
Croix-aux-Bois (Ardennes), un massif forestier localisé tout près du 2C2A-CERFE8, permet
d’envisager un suivi intensif pour notamment étudier les déplacements des individus dans un
contexte paysager très peu fragmenté.
Le Sonneur à ventre jaune constitue un modèle biologique très intéressant
pour développer des approches multi-échelles de sélection de l’habitat, prenant en compte la
structure hiérarchique de ce processus et l’hétérogénéité spatiale de l’habitat. D’un point de
vue théorique, l’objectif principal de ce travail a été d’adapter une méthode d’analyse des
données présentant une structure hiérarchique à l’étude de la sélection de l’habitat par une
espèce d’amphibien qui est capable de fractionner ses pontes dans l’espace et donc qui peut
utiliser plusieurs mares dans un même contexte paysager.
Par ailleurs, cette étude répond également à des objectifs appliqués qui concernent la
biologie de la conservation du Sonneur à ventre jaune. Il s’agit : (1) de mieux comprendre ses
exigences en terme d’habitat, (2) d’aider à identifier ses menaces et (3) de fournir aux
gestionnaires des outils de prise de décision pour gérer et protéger son habitat aux échelles
appropriées.
Dans le chapitre 2, je m’intéresse aux patrons de déplacement des individus dans un
paysage très peu fragmenté. En étudiant le comportement de déplacement des individus
subadultes et adultes dans une matrice paysagère hautement perméable, il est possible de
s’intéresser à l’effet de variables ayant potentiellement un impact sur le turn-over dans les
sites de reproduction (émigration, résidence, immigration) et sur l’occurrence des
déplacements entre sites. Ces variables sont le relief, la surface en eau et la distance qui
sépare les sites de reproduction (‘breeding patches’). Grâce à un suivi par capture-marquagerecapture conduit sur trois années consécutives, je réponds aux deux questions suivantes : (1)
8
Centre de Recherche et de Formation en Eco-éthologie de la Communauté de Communes de l’Argonne
Ardennaise, Boult-aux-Bois, France.
55
Chapitre 1
Quelles sont les capacités de déplacement du Sonneur à ventre jaune dans un paysage peu
fragmenté (population « modèle ») ? (2) Quels facteurs locaux et paysagers, indépendants de
la fragmentation de l’habitat, influencent sa mobilité ?
Dans le chapitre 3, la question posée est la suivante : Quelle est l’influence relative du
paysage et de variables locales sur la présence du Sonneur à ventre jaune dans les mares et
dans des patchs (groupes de mares) ? Je teste l’hypothèse d’une sélection de l’habitat
hiérarchique en prenant en compte trois échelles d’observation (mare, patch et paysage) et des
variables mesurées à deux de ces échelles (mare et patch). Cette partie consiste également à
tester un plan d’échantillonnage « contraint », ayant une structure nichée (i.e. imbriquée),
adapté pour les espèces d’amphibiens capables de fractionner leurs pontes spatialement. Pour
cela, le modèle linéaire généralisé à effets mixtes (modèle hiérarchique) est utilisé.
Dans le chapitre 4, je cherche à répondre aux deux questions suivantes : (1) La présence
du Sonneur à ventre jaune à une échelle locale est-elle corrélée à des facteurs paysagers ? (2)
Existe-il des variables paysagères qui pourraient permettent de prédire la présence du Sonneur
à ventre jaune à une résolution fine et à une étendue régionale, sans prendre en compte la
qualité des sites aquatiques ? Pour cela, j’utilise l’Analyse Factorielle de la Niche Écologique
(ENFA), qui exploite des données de présences seules, d’abord pour mettre en évidence une
sélection de l’habitat avec dix variables « écogéographiques » (paysagères) qui concernent
l’occupation des sols, l’hydrographie et la topographie. Puis l’ENFA est de nouveau utilisée
pour produire une carte de qualité de l’habitat qui résume l’information apportée par ces
variables écogéographiques.
Les résultats obtenus sont discutés dans tous ces chapitres, puis ils donnent lieu à une
synthèse développée dans un cadre de biologie de la conservation.
56
Chapitre 2
CHAPITRE 2
PATRONS DE DEPLACEMENTS ANNUELS DANS UNE
POPULATION ISOLEE DE SONNEURS A VENTRE JAUNE
(BOMBINA VARIEGATA L.)
EFFETS RELATIFS DE LA SURFACE EN EAU, DE LA DISTANCE
ET DU RELIEF SUR LES ECHANGES ENTRE LES PATCHS
57
Chapitre 2
58
Chapitre 2
2. Chapitre 2 :
Patrons de déplacements annuels
dans une population isolée de Sonneurs à ventre
jaune (Bombina variegata L.) - Effets relatifs de la
surface en eau, de la distance et du relief sur les
échanges entre patchs
2.1. Introduction
Dans un paysage fragmenté, la persistance d’une espèce d’amphibien se reproduisant
dans des mares dépend fortement de sa capacité à coloniser ou à recoloniser ces mares, qui
peut elle-même varier en fonction de ses capacités de déplacement (Carr et Fahrig 2001,
Smith et Green 2005), de l’isolement des mares (Marsh et al. 1999, Dodd et Smith 2003), de
la nature de la matrice paysagère (Joly et al. 2001) et des capacités des individus à détecter
une mare (Mazerolle et Desrochers 2005).
De plus en plus de recherches sont focalisées sur l’effet de la matrice paysagère sur les
déplacements des amphibiens, dans des habitats fragmentés (deMaynadier et Hunter 2000,
Marsh et al. 2000, Joly et al. 2001, Rothermel et Semlitsch 2002). Cependant, il apparaît
difficile de séparer les effets de la perméabilité de la matrice paysagère, liée notamment à
l’occupation des sols, de l’isolement par la distance, ou d’autres variables plus rarement prises
en compte, telles que le relief (Funk et al. 2005), sur les déplacements des individus. De plus,
comme le signalent Gardner et al. (1987), la relation entre un processus et un patron observé à
l’échelle du paysage ne peut être testée rigoureusement que si le patron est connu en l’absence
du processus. L’étude des patrons de déplacements des individus dans des habitats peu
fragmentés pourrait donc aider à comprendre les impacts de la fragmentation sur les
populations d’amphibiens.
Dans une optique de conservation, il est essentiel de bien connaître les capacités de
déplacement des amphibiens et d’identifier les facteurs qui peuvent influencer l’émigration et
l’immigration dans les mares. Par ailleurs, une gestion conservatoire efficace dépend d’une
bonne connaissance de la structure spatiale et de la dynamique des populations et, en
particulier, de l’importance relative des processus locaux (natalité et mortalité) et régionaux
59
Chapitre 2
(immigration et émigration) (Hanski 1999). Si la majorité des individus sont fidèles à leur site
de reproduction et que les échanges entre ces sites sont limités, le système sera plus proche
d’une métapopulation, constituée de plusieurs populations locales, réparties dans les taches
d’habitats, et qui échangent seulement occasionnellement des individus (Hanski et Simberloff
1997). Dans ce cas, la dynamique de population sera fortement influencée par des processus
locaux. À l’inverse, si les déplacements sont fréquents et que les sites apparaissent peu isolés
les uns des autres, le système étudié se rapprochera davantage de celui d’une population
morcelée, dont la persistance sera essentiellement déterminée par des processus régionaux
(Harrison 1991).
Sachant que les patrons de déplacement peuvent varier entre les espèces (Rothermel et
Semlitsch 2002, Smith et Green 2005), entre les populations d’une même espèce (Patrick et
al. 2008) et entre les sexes (Pilliod et al. 2002, Muths 2003, McDonough et Paton 2007,
Rittenhouse et Semlitsch 2007), des études doivent être ciblées sur les caractéristiques
spécifiques, populationnelles et individuelles pouvant influencer les déplacements, pour
mieux les prendre en compte dans les plans de conservation.
Nous avons étudié les déplacements du Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata L.)
dans une population isolée, qui est située à l’extrême nord de l’aire de répartition française de
l’espèce. Deux particularités importantes du Sonneur à ventre jaune rendent l’étude de la
structure de ses populations particulièrement difficile comparée à d’autres espèces. En
premier lieu, le Sonneur à ventre jaune se reproduit essentiellement dans des pièces d’eau de
petite taille, temporaires (susceptibles de s’assécher ou de disparaître rapidement suite à une
perturbation physique). La composante aquatique de l’habitat de cette espèce est donc difficile
à délimiter dans le temps et dans l’espace compte tenu de sa dynamique, contrairement aux
espèces se reproduisant dans des mares permanentes. La deuxième caractéristique à prendre
en compte pour définir la structure de ses populations est intimement associée à la première :
il s’agit de sa capacité à fractionner ses pontes dans l’espace et dans le temps, qui est perçue
comme une stratégie de « distribution du risque » (Seidel 1988, Barandun 1995). En déposant
ses œufs en petits paquets dans des mares différentes et à des moments différents au cours
d’une saison, le risque d’échec dans la réussite de la reproduction (développement des larves
jusqu’à la métamorphose) est fortement réduit (Barandun 1992). Ainsi, l’utilisation d’une
approche du type « mare en tant que patch » (‘pond as patch approach’, Sjögren 1991,
Hecnar et M’Closkey 1996, Marsh et Trenham 2001), qui assume qu’une mare représente un
« patch » pouvant accueillir une population locale, n’est pas envisageable pour cette espèce.
60
Chapitre 2
Un patch est mieux représenté par un groupe de mares plutôt que par une seule pièce d’eau,
bien qu’il faille également pouvoir délimiter ce groupe de mares. Par ailleurs, ces deux traits
de vie supposent théoriquement que les individus soient capables de se déplacer facilement
dans le paysage pour faire face à l’imprévisibilité du milieu. Les possibilités de se déplacer
sont donc déterminantes pour la persistance des populations de cette espèce.
Les questions auxquelles nous avons cherché à répondre sont les suivantes :
i)
Quelles sont la fréquence et l’amplitude des déplacements annuels des individus adultes
des deux sexes dans un habitat peu fragmenté ?
ii)
La surface en eau des patchs (groupes de mares) a t-elle un effet sur les taux de
résidence, d’émigration et d’immigration ?
iii) Quels sont les effets indépendants et partagés de la distance, du relief et de la surface en
eau, sur l’occurrence des échanges entre ces patchs ?
Pour cela, un suivi par capture-marquage-recapture a été mené, pendant trois années
consécutives. La zone d’étude est un massif forestier peu fragmenté et relativement
homogène, pour éviter une sous-estimation des déplacements liée à des habitats différents
dans la matrice, et de grande superficie, pour réduire un éventuel biais dans les distances de
déplacements qui serait lié à une zone d’étude trop petite (Koenig et al. 1996, Smith et Green
2005).
2.2. Matériel et méthodes
2.2.1.
Zone d’étude
Ce travail a été conduit dans le département des Ardennes (nord de la France), dans la
forêt de la Croix-aux-Bois (Figure 2-1; N49°23’33’’, E04°49’41’’). Cette forêt, de près de
7000 ha, se situe dans une région peu peuplée (15 habitants / km²). Elle est bordée
essentiellement par des prairies, pâturées et de fauche, et par quelques cultures. Le relief est
caractérisé par la présence de collines et de vallons, avec une altitude comprise entre 120
61
Chapitre 2
mètres et 265 mètres. Le cœur de la forêt de la Croix-aux-Bois est géré par l’Office National
des Forêts pour l’exploitation du bois (3300 ha), tandis que la périphérie est constituée de
parcelles privées, également exploitées. Les peuplements de feuillus occupent 80% de la
surface, contre 20% pour les résineux. Les essences dominantes sont le Chêne sessile
(Quercus petraea) et le Chêne pédonculé (Quercus robur) qui occupent 48% de la surface
boisée, suivis par l’Épicéa commun (Picea abies) et le Hêtre (Fagus sylvatica). La forêt de la
Croix-aux-Bois constitue l’une des localités les plus septentrionales dans l’aire de répartition
du Sonneur à ventre jaune en France (Grangé 1989). Par ailleurs, aucune autre localité
hébergeant l’espèce n’est connue dans un rayon d’environ 30 km autour de cette forêt.
Le Sonneur à ventre jaune se reproduit préférentiellement dans des pièces d’eau
nouvellement créées ou régulièrement renouvelées par des perturbations physiques (Seidel
1988, Barandun 1995). Dans la zone d’étude, il s’agit essentiellement d’ornières, créées par
les machines lors du débardage, ou de dépressions dans le sol engendrées par le stockage du
bois et formant des flaques qui sont alimentées en eau par les précipitations. Ces pièces d’eau
sont temporaires, et leur profondeur est comprise entre 5 et 50 cm. L’exploitation du bois
entraîne des perturbations qui contribuent chaque année à la création de nouvelles pièces
d’eau ou à leur renouvellement. Plusieurs mares, situées sur des emplacements de stockage du
bois, ou dans des chemins régulièrement fréquentés par les machines, existent depuis au
moins dix ans et sont ainsi renouvelées presque chaque année, tandis que d’autres se comblent
naturellement en quelques années ou sont comblées par les gestionnaires forestiers. Cette
dynamique de perturbations créée une mosaïque d’habitats aquatiques diversifiés du point de
vue de leur surface, offrant un contexte propice à la reproduction du Sonneur à ventre jaune.
L’exploitation forestière induit également une hétérogénéité de l’habitat, les mares créées
étant réparties de manière non homogène, en fonction de l’exploitation d’une parcelle et des
trajets empruntés par les machines pour le débardage du bois.
62
Chapitre 2
Figure 2-1 : Carte de localisation de la zone d’étude, dans la forêt de la Croix-aux-Bois (département des
Ardennes, France). Les points noirs représentent les patchs (groupes de mares) suivis.
63
Chapitre 2
2.2.2.
Délimitation des patchs (groupe de mares)
Des prospections intensives (2 à 3 journées par semaine) ont été menées chaque année, à
partir du mois de mars, jusqu’à la fin du mois d’août, pour rechercher des « patchs » utilisés
ou potentiellement favorables sur l’ensemble de la zone étudiée, un « patch » représentant une
localité de la zone d’étude comprenant au moins une mare ou, plus généralement, un groupe
de mares. Des patchs nouvellement créés ont ainsi pu être suivis peu de temps après leur
apparition. Au total, 22 patchs ont été suivis en 2006, 24 en 2007 et 28 en 2008.
Les coordonnées géographiques des mares ont été relevées chaque année à l’aide d’un
GPS. Leur longueur et leur largeur ont été mesurées à l’aide d’un décamètre, à trois reprises
(en avril, juin et août) au cours de chaque saison de suivi. La majorité des pièces d’eau étant
linéaires ou rectangulaires, leur surface a été estimée par le produit de leur plus grande
longueur et de leur plus grande largeur. La valeur maximale des 3 mesures, réalisées au cours
d’une année, a été retenue. En raison de l’instabilité de ces habitats aquatiques qui pouvaient
disparaître complètement au cours d’une année par comblement ou par assèchement, il n’a
pas été possible de suivre toutes les pièces d’eau pendant trois années consécutives. Le suivi
n’a donc pas été ciblé directement sur ces mares mais plutôt sur des groupes de mares proches
les unes des autres (p.ex. dans des parcelles exploitées, sur des portions de chemins
régulièrement empruntés par des véhicules ou sur des places de stockage du bois). Il a ainsi
été possible de prendre en compte la distribution particulière des groupes de mares, qui sont
répartis en taches dans le massif forestier.
Pour que la délimitation de ces patchs soit comparable sur l’ensemble de la zone étudiée,
des polygones ont été créés pour les délimiter. À l’aide de ArcView 3.2 (Système
d’Information Géographique, Esri, Redlands, CA, USA), des disques d’un rayon de 50 mètres
ont dans un premier temps été dessinés autour des localisations de chaque mare. Les mares
pour lesquelles les disques se recoupaient ont été considérées comme appartenant au même
patch. Ce patch a ensuite été représenté par un polygone formé en reliant toutes les mares
(désignées comme appartenant à ce patch) les plus extérieures (principe du Polygone Convexe
Minimum, ‘Minimum Convex Polygone’, White et Garrot 1990 ; Figure 2-2).
64
Chapitre 2
Figure 2-2 : Règle suivie pour délimiter les patchs , « groupes de mares », selon la méthode du ‘Minimum
Convex Polygon’.
En procédant de cette façon, les mares les plus proches, appartenant à deux patchs
différents, étaient situées à 103 mètres l’une de l’autre, tandis que celles du patch le plus isolé,
se trouvaient à une distance de 1250 mètres de leurs plus proches voisines. Les distances
séparant les mares, appartenant ou non à un même patch, étaient comprises entre 5 et 6930
mètres. La superficie totale de la zone étudiée au sein du massif forestier était de 1350 ha
(superficie du polygone minimum convexe obtenu à partir des localisations de l’ensemble des
mares suivies).
2.2.3.
Protocole de capture-marquage-recapture
Le suivi par capture-marquage-recapture (CMR) a été conduit durant 3 années
consécutives en 2006, 2007 et 2008. Chaque session de CMR a consisté en deux journées de
terrain successives visant à prospecter une fois entièrement l’ensemble des patchs. Ces
sessions ont été réalisées tous les 15 jours environ, du 21 avril au 31 août 2006, du 27 avril au
29 août 2007 et du 21 avril au 29 août 2008. Dans chaque patch suivi, toutes les pièces d’eau
étaient inspectées visuellement pour rechercher des individus. Pour le marquage des individus
capturés, une technique de photo-identification a été utilisée. Le patron de coloration ventrale
diffère d’un individu à l’autre, et cette variation peut servir à la reconnaissance individuelle
(p.ex. Seidel 1988, Abbühl et Durrer 1993, Jahn et al. 1996, Delarze et al. 2001). Une
photographie du ventre était donc réalisée pour chaque individu capturé. Pour cela, l’individu
était placé dans une boîte en plastique (boîtier pour disque compact). Le plastique transparent
de la boîte était délicatement appliqué contre le ventre de l’individu pour éviter la formation
de replis cutanés, pouvant empêcher l’observation correcte de certains critères
d’identification.
65
Chapitre 2
Un système d’aide à l’identification des individus, créé sur la base d’attributs du patron
ventral qui sont facilement observables et identifiables, a été incorporé à une base de données
élaborée avec le logiciel Access (voir Annexe 1). À partir d’une formule ventrale inspirée du
travail de Abbühl et Durrer (1993), les individus photographiés ont été classés dans des
groupes en fonction de leurs ressemblances. Le système de gestion de base de données a
permis de réaliser des requêtes pour identifier rapidement un individu à partir d’une
photographie de son ventre et de gérer les groupes en ajoutant des individus nouveaux. Les
individus photographiés étaient ainsi identifiés après chaque session de CMR.
Le sexe a été déterminé en recherchant la présence de callosités noirâtres sur les avantbras et les doigts. Celles-ci sont uniquement présentes chez les mâles qui atteignent la
maturité sexuelle (Abbhül et Durrer 1991). Afin d’éviter d’éventuelles erreurs de
reconnaissance du sexe, tous les individus ne présentant pas de callosités et ayant une
longueur museau-cloaque inférieure à 32 mm, n’ont pas été pris en compte. Ce chiffre
correspond à la taille la plus grande à partir de laquelle les callosités sont devenues visibles
sur les mâles de cette zone d’étude. Les individus dont la taille était inférieure ou égale à 35
mm ont été considérés comme subadultes.
2.2.4.
Capacités de déplacement du Sonneur à ventre jaune
Dans une première partie, les capacités potentielles de déplacement du Sonneur à ventre
jaune ont été étudiées. Pour chaque individu recapturé (i.e. capturé plus d’une fois), la
distance séparant deux points de capture a été estimée avec ArcView 3.2. L’ensemble des
déplacements réalisés entre des pièces d’eau, appartenant à un même patch ou à des patchs
différents, a été pris en compte pour obtenir une amplitude des déplacements pour chaque
individu. Cette amplitude correspond à la distance maximale, mesurée en ligne droite et « à
vol d’oiseau », parmi toutes les combinaisons de distances possibles entre les points de
captures d’un individu pris par paires. L’amplitude des déplacements des mâles et des
femelles a été calculée séparément pour les 3 années de l’étude (voir les résultats).
Pour les « intersaisons » 2006-2007 et 2007-2008, le taux de recapture et la proportion
d’individus mobiles (rapport du nombre d’individus recapturés ayant changé de mare sur le
nombre total d’individus recapturés) ont également été calculées en prenant la dernière
capture de chaque individu à l’année t et sa première capture à l’année t + 1.
66
Chapitre 2
Une ANOVA, suivie par un test HSD de Tukey (test post-hoc), ont été utilisés pour
étudier l’effet de l’année sur l’amplitude des déplacements. Les différences entre les deux
sexes ont été traitées séparément pour chaque année et pour les intersaisons, à l’aide de tests
de comparaison de moyenne (test t de Student ou de Wilcoxon), et de tests du Chi-2 pour les
proportions.
2.2.5.
Echange d’individus entre les patchs
La deuxième partie des analyses a consisté à étudier les taux d’échanges d’individus
entre les patchs et à tester des hypothèses concernant l’occurrence de ces déplacements. Les
données de déplacements entre les patchs des individus des deux sexes, obtenues en 2006,
2007 et 2008, ont été rassemblées dans un même échantillon. Des fractions de résidents,
d’émigrants et d’immigrants ont été calculées, pour chaque patch, selon la méthode décrite
par Hill et al. (1996) et Sutcliffe et al. (1997) : le nombre d’émigrants Ei correspond au
nombre d’individus marqués dans le patch i et recapturés dans n’importe quel autre patch ; le
nombre d’immigrants Ii correspond au nombre d’individus recapturés dans le patch i et qui
avaient préalablement été capturés dans un autre patch ; et le nombre de résidents Ri
correspond au nombre d’individus capturés dans le patch i et recapturés dans le même patch.
Ces nombres d’émigrants, d’immigrants et de résidents ont ensuite été utilisés pour calculer
les fractions suivantes :
-
la fraction émigrante, Ei / (Ei + Ri) ;
-
la fraction immigrante, Ii / (Ii + Ri) ;
-
la fraction résidente, Ri / (Ri + Ei + Ii).
L’effet de la surface en eau des patchs (i.e. la somme des surfaces en eau de l’ensemble
des mares d’un patch) sur ces fractions et sur le nombre d’individus capturés dans un patch a
été testé. En considérant la surface en eau comme un indicateur de la qualité d’un patch, des
taux de résidence et d’immigration élevés et, à l’inverse, des taux d’émigration faibles, sont
attendus pour les patchs ayant une surface en eau importante, comparés aux patchs dont la
surface en eau est moins étendue.
Par ailleurs, les effets de six variables sur l’occurrence des déplacements entre les patchs,
pris par paires, ont ensuite été testés. Pour cela, seuls les patchs ayant été suivis tout au long
67
Chapitre 2
des trois années (20 patchs) ont été considérés. Toutes les combinaisons par deux de ces 20
patchs ont été testées, en considérant les possibilités de déplacements dans les deux sens (380
combinaisons). Toutes les distances séparant les patchs ont été calculées, non plus entre les
mares, mais entre les barycentres des coordonnées géographiques des mares de chaque patch.
Les différentes variables testées appartiennent à trois groupes. Le premier groupe contient
deux variables : la surface en eau du patch « donneur » et la surface en eau du patch
« receveur ». Le deuxième groupe de variables concerne la distance séparant les patchs. Cette
distance a été prise en compte de deux façons : en calculant la « distance plate » entre les
deux patchs c’est-à-dire sans prendre en compte le relief, et en calculant la distance au sol ou
« distance de surface », en tenant compte cette fois ci du relief. Ces deux variables ont été
estimées grâce à l’extension Surface Tools version 1.6b, d’ArcView 3.2 (Jenness 2008). Pour
le calcul de la « distance de surface », une représentation tridimensionnelle de la topographie
(‘Triangulated Irregular Network’, TIN), a d’abord été obtenue à partir d’une grille d’altitude
d’une résolution de 50 mètres. La distance prenant en compte les changements d’altitude tout
au long du trajet en ligne droite séparant les deux patchs, a pu en être dérivée. Cette distance
est toujours supérieure à la distance plate et elle est d’autant plus grande que le relief est
important entre les barycentres des deux patchs. Elle représente donc une mesure plus réaliste
de la distance parcourue par un animal entre deux patchs. Le troisième groupe de variables
explicatives rassemble deux descripteurs du relief : la moyenne des pentes rencontrées (en
degrés) sur la ligne séparant les deux patchs, et le rapport de la distance de surface sur la
distance plate. Ce rapport est toujours supérieur à 1. Plus la différence entre la distance de
surface et la distance plate est grande, plus le rapport est grand et plus le relief est accidenté
entre les deux patchs.
Un partitionnement hiérarchique de la variation (MacNally 2000, MacNally et Walsh
2004) a été réalisé pour estimer l’effet indépendant de chacune de ces variables explicatives
sur l’occurrence de déplacements entre les patchs. Cette procédure, menée avec le paquetage
hier.part (Walsh et MacNally 2007) du logiciel R version 2.7.0 (R Development Core Team
2008) permet, pour chaque variable explicative, de déterminer sa contribution à la variation
expliquée, qui est indépendante (i.e. celle qui est uniquement associée à cette variable), et sa
contribution partagée avec d’autres variables. Grâce à cette méthode, il est possible de classer
objectivement les variables explicatives, en fonction de l’importance relative de leur effet sur
la variable réponse. La significativité de leur effet peut être estimée grâce à un test fourni par
le paquetage hier.part. Ce test génère une distribution aléatoire de la contribution des
68
Chapitre 2
variables à partir d’un nombre spécifié de randomisation (100 dans notre cas). Une variable
explicative a été considérée significative quand sa contribution était supérieure à l’intervalle
de confiance à 95% généré par cette randomisation (MacNally 2002, Walsh et MacNally
2007).
Des corrélations des rangs de Spearman ont ensuite été réalisées sur l’ensemble des
variables prises deux à deux pour tester leur colinéarité. Lorsque deux variables ont obtenu un
coefficient de corrélation supérieur à |0.5|, l’une des deux a été retirée de l’analyse. Pour
sélectionner la variable à conserver parmi les deux corrélées, la significativité de chacune des
variables impliquées dans une corrélation a été testée en utilisant le modèle linéaire généralisé
(GLM, McCullagh et Nelder 1989) avec un lien binomial, la variable réponse étant la
présence/absence de déplacements observés entre chaque paire de patchs.
Les modèles ont été comparés en calculant leur Critère d’Information d’Akaike (AIC) :
AIC = -2LL + 2k, avec LL, la log-vraisemblance du modèle et k, le nombre de paramètres.
Pour classer plus facilement les modèles, deux autres critères d’information ont été utilisés : le
ΔAIC, qui correspond à la différence entre la valeur de l’AIC du meilleur modèle (AIC le plus
petit) et la valeur de l’AIC du modèle qui lui est comparé ; et le poids d’Akaike (wi), qui
constitue une mesure de la probabilité qu’un modèle soit celui qui ajuste le mieux les données
parmi l’ensemble des modèles construits (Burnham et Anderson 2002). Le cumul des wi des
modèles classés par ordre décroissant en fonction de leur AIC, permet d’obtenir un intervalle
de confiance à 95% des modèles ajustant le mieux les données.
Les variables significatives retenues ont ensuite été incorporées simultanément dans une
série de modèles (GLM), en testant l’ensemble des combinaisons linéaires possibles entre ces
variables. Des interactions entre la qualité des patchs, la distance et le relief ont également été
prises en compte. Enfin, il peut exister une incertitude dans les valeurs des paramètres
estimés, en particulier lorsque ceux-ci varient fortement d’un modèle à l’autre. Pour prendre
en compte cette variabilité potentielle dans les paramètres estimés, des paramètres moyens
ainsi qu’une erreur standard associée (‘unconditional standard error’, Burnham et Anderson
2002) ont été calculés pour chaque variable explicative.
69
Chapitre 2
2.3. Résultats
2.3.1.
Taux de recapture, fréquence et amplitude des déplacements
Au total, durant les 3 années de suivi, 353 individus adultes ont été capturés (170 mâles
et 183 femelles). Le tableau 2-I résume les données relatives à la taille des échantillons
d’individus mâles et femelles, capturés et recapturés, et à l’amplitude des déplacements
réalisés, durant les trois années. Les taux de recapture des mâles et des femelles n’étaient pas
significativement différents (2006, 2007 et 2008, χ² = 2.23 ; ddl = 2 ; p = 0.33 ; 2006-2007 et
2007-2008, χ² = 0.76 ; ddl = 1 ; p = 0.38). De même, aucune différence significative n’a été
détectée concernant les proportions d’individus mobiles des deux sexes (2006, 2007 et 2008,
χ² = 0.39 ; ddl = 2 ; p = 0.82 ; 2006-2007 et 2007-2008, χ² = 0.22 ; ddl = 1 ; p = 0.64).
L’amplitude des déplacements des individus mâles et femelles était comparable en 2006 (W =
12.5, p = 0.99), en 2007 (t = 1.49, ddl = 66.47, p = 0.14), en 2008 (t = -0.99, ddl = 41.49 p =
0.33) et pour l’intersaison 2007-2008 (W = 481.5, p = 0.58). Une seule différence significative
a été détectée pour l’intersaison 2006-2007 : les femelles avaient une amplitude moyenne
légèrement supérieure à celle des mâles (W = 68, p = 0.04). Enfin, en regroupant les mâles et
les femelles, il y avait une différence significative entre les années pour l’amplitude moyenne
des déplacements (F2,133 = 8.85, p < 0.0001) : l’amplitude des déplacements de l’année 2006
était significativement plus importante que celle de l’année 2008.
L’année 2006 était caractérisée par un faible nombre d’individus capturés et donc un
effectif réduit de déplacements observés entre les mares (n = 11), comparés aux années 2007
(n = 73) et 2008 (n = 73) qui étaient similaires de ce point de vue (Figure 2-3). La moitié des
amplitudes des mâles et des femelles durant la totalité de l’étude (données de 2006 à 2008),
était inférieure à 200 mètres et seulement 5% étaient supérieures à 800 mètres. Les
déplacements correspondant aux amplitudes les plus importantes (>800 mètres, n = 7) sont
présentés dans le tableau 2-II. Deux de ces déplacements ont été réalisés par des individus
subadultes (F3 et M2) (i.e. ayant une longueur museau-cloaque inférieure ou égale à 35 mm).
Le déplacement le plus important (M2, 3810 m) qui a pu être observé a été réalisé dans un
intervalle de 15 jours (nombre de jours séparant deux sessions de CMR), par l’un de ces
subadultes. L’autre de ces subadultes (F3) s’est également déplacé sur une distance
70
Chapitre 2
relativement importante (960 mètres) dans un intervalle de temps similaire. Plusieurs
individus de taille adulte (>35 mm) ont effectué des déplacements supérieurs à 800 mètres.
Parmi eux, l’individu F1 était âgé d’au moins 9 ans : cet individu a été capturé avec une taille
proche de 40 mm en 2000 lors d’une précédente étude, cette taille étant atteinte généralement
vers l’âge de 3 ans voire plus, c’est-à-dire après au moins deux hivers (obs. pers.). Des
individus ont également réalisé un ou plusieurs allers-retours entre deux patchs (Figure 2-4) :
c↔e (4 individus) ; b↔c (3 individus) ; v↔u (2 individus) ; d↔e, t↔u, f↔g, et j↔k (1
individu chacun). Ces allers-retours avaient généralement lieu en début et en fin de saison de
reproduction. Ces individus avaient tous une longueur museau-cloaque supérieure à 40 mm.
Sur les trois années de suivi, le taux de migration entre les patchs était de 21.7% (♂ : 22% ;
♀ : 21.3%).
Tableau 2-I : Résumé des données de CMR obtenues pour les mâles et les femelles en 2006, 2007, 2008 et au
cours des intersaisons (dernière capture de l’année t → 1ère capture de l’année t + 1): nombre d’individus
capturés (n), taux de recapture, proportion d’individus mobiles (rapport du nombre d’individus recapturés s’étant
déplacés entre des mares, sur le nombre total d’individus recapturés) et amplitude moyenne des déplacements
(seuls les individus s’étant déplacés ont été considérés, i.e. les amplitudes de 0 m n’ont pas été prises en compte
dans ce calcul).
Année
Sexe
n
Taux de
recapture
Proportion
mobile
Amplitude des
déplacements
(moyenne ± e.s.)
2006
♂
♀
35
50
0.46
0.34
0.29
0.33
940.4 ± 722.94 m
308.6 ± 126.21 m
2006↔2007
♂
♀
35
50
0.69
0.42
0.67
0.70
130.04 ± 37.97 m
210 ± 71m
2007
♂
♀
103
83
0.60
0.69
0.58
0.57
169.97 ± 28.39 m
117.88 ± 20.48 m
2007↔2008
♂
♀
103
83
0.53
0.43
0.76
0.69
185.47 ± 34.70 m
173.94 ± 43.49 m
2008
♂
♀
109
114
0.46
0.45
0.47
0.49
172.78 ± 51.96 m
113.70 ± 29.97 m
71
Chapitre 2
Figure 2-3 : Distribution des amplitudes annuelles de déplacements des individus (mâles et femelles
regroupés) entre les mares appartenant ou non à un même patch, en 2006, 2007 et 2008. Les lignes verticales en
pointillés indiquent respectivement la médiane (50%) et le 95ème centile (95%), de l’ensemble des déplacements
pour les mâles (bleu) et les femelles (rouge).
Tableau 2-II : Description des déplacements d’une amplitude supérieure à 800 mètres, observés chez 7
individus (3 femelles et 4 mâles). La date et la taille des individus (SVL = longueur museau-cloaque, en mm),
sont mentionnées pour leur capture de départ et d’arrivée (recapture). La colonne « déplacement » donne le sens
du déplacement observé entre le patch de départ et le patch d’arrivée (voir la Figure 3). M: mâle ; F: femelle.
No.
Ind.
Capture
Date
SVL
Recapture
Date
SVL
Déplacement
Amplitude
F1
12/07/2007
50
06/05/2008
51
p→q
1320 m
F2
01/05/2007
09/05/2008
37
44
09/05/2008
17/06/2008
44
45
a→d
d→k
1270 m
1060 m
F3
28/07/2008
33
15/08/2008
34
v→r
960 m
M1
21/05/2007
04/06/2007
43
44
25/05/2007
19/05/2008
44
45
v→u
u→r
375 m
595 m
M2
21/04/2006
35
05/05/2006
35
c→r
3810 m
M3
04/06/2007
38
20/06/2008
42
i→g
1000 m
M4
14/08/2007
39
04/07/2008
41
b→d
840 m
72
1940 m (a →
k)
915 m (v →
r)
Chapitre 2
Figure 2-4 : Carte illustrant les déplacements observés entre les patchs, au cours des années 2006, 2007 et
2008. Chaque patch est représenté par un cercle dont le diamètre est proportionnel à sa surface en eau : il n’est
donc pas à l’échelle (la surface réelle des patchs est donnée dans le tableau 3). Les flèches en pointillés
représentent les directions des déplacements observés entre les patchs.
2.3.2.
Facteurs influençant les échanges entre les patchs
Au cours des trois années de l’étude, 77 échanges entre les patchs suivis, réalisés par 49
individus (26 mâles et 23 femelles), ont été observés (Figure 2-4). Le nombre de captures (i.e.
nombre d’individus « marqués ») dans chaque patch est compris entre 1 et 38 individus
(Tableau 2-III). La surface en eau moyenne des patchs est comprise entre 1.5 et 109 m². Le
nombre d’individus capturés dans les patchs est significativement corrélé à la surface en eau
(ρSpearman = 0.65, p = 0.002 ; Figure 2-5). Cependant, dans plusieurs patchs ayant une surface
en eau moyenne, un nombre d’individus très important a été capturé. Par exemple, dans les
patchs b et c dont la surface en eau était proche de 20 m², nous avons capturé respectivement
28 et 31 individus. Ceci suggère que le nombre d’individus capturés dans les patchs ne
dépend pas seulement de leur surface en eau (voir discussion).
Pour étudier l’effet de la surface en eau sur les fractions de résidents, d’immigrants et
d’émigrants, les 20 patchs suivis de 2006 à 2008 sans interruption, ont été classés dans 4
73
Chapitre 2
catégories selon leur surface : 1.5-12 m², « petits » patchs (n = 9) ; 17-23 m², patchs
« moyens » (n = 7) ; 37-42 m², « grands » patchs (n = 2) ; 71-109 m², « très grands » patchs (n
= 2). Les patchs ayant une surface en eau importante avaient un taux de résidence
significativement plus important que les patchs dont la surface était plus réduite (χ² = 14.21 ;
ddl = 3 ; p = 0.003 ; Figure 2-6a), et un taux d’émigration moins important que ces derniers
(χ² = 57 .28 ; ddl = 3 ; p < 0.001 ; Figure 2-6c). Aucun effet significatif de la surface en eau
n’a été détecté concernant le taux d’immigration (χ² = 5.03 ; ddl = 3 ; p = 0.17 ; Figure 2-6b).
Tableau 2-III : Surface en eau des patchs (moyenne annuelle ± écart-type) et nombre d’individus capturés des
deux sexes. L’absence de valeur pour les individus capturés (-), indique que le patch n’existait pas, ou qu’il
n’était pas en eau au cours de la saison considérée.
Patchs
a
b
c
d
e
f
g
h
i
j
k
l
m
n
o
p
q
r
s
t
u
v
w
x
y
z
aa
ab
Surface en eau (m²)
(moyenne 2006-2008
± SD)
6 (± 1.15)
7.5 (± 24.95)
16.25 (± 1.50)
16.5 (± 4.58)
24 (± 3.61)
23.5 (± 9.64)
40.5 (± 7.77)
35 (± 20.21)
4.5 (± 0.58)
4 (± 1.15)
56.5 (± 24.56)
6 (± 3.46)
28 (± 13.28)
1.5 (± 1.53)
11.5 (± 0.58)
5.75 (± 0.87)
70 (± 9.07)
109 (± 2.31)
5 (± 0.58)
6.5 (± 4.05)
4 (± 2.31)
18 (± 1.15)
27.6 (± 16.45)
19.5 (± 11.79)
42 (± 38.69)
16.15 (± 18.65)
12 (± 13.86)
21.75 (± 13.61)
2006
♂
1
7
7
1
7
0
2
0
1
1
0
0
0
0
3
1
2
0
0
0
2
0
-
74
♀
4
10
14
2
3
0
3
0
0
0
1
2
3
0
2
1
4
0
0
0
0
1
-
2007
♂
0
6
6
4
10
6
0
0
2
7
4
0
12
0
1
7
9
3
3
1
5
2
4
11
♀
1
8
11
2
6
1
1
1
0
1
2
1
3
0
5
8
11
1
3
0
1
7
4
5
2008
♂
0
6
5
2
6
5
5
0
0
4
19
0
6
0
1
1
11
15
0
0
1
7
3
0
1
2
5
4
♀
1
6
7
8
3
7
8
3
0
1
17
0
5
0
1
1
11
11
0
1
0
4
6
0
1
4
7
1
Chapitre 2
Figure 2-5 : Corrélation entre la surface en eau et le nombre d’individus capturés dans les 20 patchs (groupes
de mares) suivis de 2006 à 2008.
a
b
c
Figure 2-6 : Relation entre la surface en eau et les taux de résidence (a), d’immigration (b) et d’émigration (c)
pour les 20 patchs suivis de 2006 à 2008.
Pour étudier l’effet indépendant des variables pouvant expliquer l’occurrence des
déplacements entre les patchs, un partitionnement hiérarchique a été réalisé (Figure 2-7). Les
variables dont l’effet indépendant sur l’occurrence des déplacements entre patchs était
significatif sont : la distance de surface (37.8%), la distance plate (37.7%), le rapport des
distances (8.4%), la pente moyenne (7.7%) et la surface du patch receveur (7.1%). L’effet
75
Chapitre 2
indépendant de la surface du patch donneur n’était pas significatif. Ce sont donc les variables
qui décrivent la distance qui sont les plus importantes, suivies par celles décrivant le relief,
puis par la surface du patch receveur. Cependant, certaines de ces variables étaient fortement
corrélées puisqu’elles exprimaient une même partie de l’information (Tableau 2-IV) : c’est le
cas des deux variables de distance et de relief. Sur la base de leur AIC, dans les modèles
testant ces variables séparemment, seule la plus significative de chacune de ces deux paires de
variables fortement corrélées, a été retenue. Ainsi, trois variables explicatives ont finalement
été utilisées pour construire un ensemble de modèles permettant d’étudier l’effet de la
distance de surface, du rapport des distances (relief) et de la surface du patch receveur sur
l’occurrence des déplacements entre les patchs.
Figure 2-7 : Pourcentage d’effet indépendant des variables explicatives, estimé par un partitionnement
hiérarchique. dist. surf. = distance de surface ; dist. plat = distance plate ; rap. dist. = rapport des distances ; pente
= pente moyenne ; surf. R = surface du patch receveur ; surf. D = surface du patch donneur. * contribution
indépendante significative. NS contribution non significative.
Tableau 2-IV : Matrice des corrélations entre les variables explicatives. Les coefficients de corrélation (ρ de
Spearman) > |0.5| apparaissent en gras.
Variables
dist. surf.
dist. plate
dist. plate
0.99
rap. dist.
0.46
0.46
pente
0.35
0.39
0.98
surf. R
-0.08
-0.08
-0.14
76
rap. dist.
pente
-0.14
Chapitre 2
Toutes les combinaisons de ces trois variables, ainsi que leurs interactions, ont été testées
et les modèles obtenus (13 modèles) ont été classés sur la base de leur AIC (Tableau 2-V).
L’intervalle de confiance à 95% ne rassemblait que trois modèles parmi les 13 testés. Le
meilleur modèle ne contenait que l’interaction surface du patch receveur*distance de surface.
Le second modèle avait un ΔAIC inférieur à 2, ce qui signifie qu’il était très proche du
premier. Cependant, ce second modèle ne différait du premier que par l’ajout de la variable
rapport de distance et avait une valeur de log-vraisemblance (-51.6) très proche de celle du
premier (-52). Ce modèle n’était donc pas compétitif avec le meilleur modèle car il ajoutait
une variable, tout en améliorant très peu la log-vraisemblance (principe de parcimonie,
Burnham et Anderson 2002). Le troisième modèle de l’intervalle de confiance, comprenait la
surface du patch receveur et la distance de surface, sans leur interaction. Ce modèle, qui
n’avait que 3 paramètres, était beaucoup moins bien supporté par les critères d’information.
Tableau 2-V : Classement des modèles d’occurrence des déplacements entre les patchs. Surf. rec. = surface du
patch receveur ; Dist. surf. = distance de surface ; Rap. dist. = rapport des distances (relief). Les trois premiers
modèles (en gras), représentent l’intervalle de confiance à 95%.
Rang
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
Modèle
Surf. rec. * Dist. surf.
Surf. rec. * Dist. surf. + Rap. dist.
Surf. rec. + Dist. surf
Surf. rec. + Dist. surf. + Rap. dist.
Dist. surf. + Surf. rec. * Rap. dist.
Surf. rec. + Dist. surf. * Rap. dist.
Dist. surf.
Dist. surf. * Rap. dist.
Dist. surf. + Rap. dist.
Rap. dist.
Surf. rec. + Rap. dist.
Surf. rec. * Rap. dist.
Surf. rec.
k
AIC
ΔAIC
wi
4
5
3
4
5
5
2
4
3
2
3
4
2
112.10
113.18
116.95
118.85
119.07
119.09
126.22
126.77
128.10
188.44
189.05
191.04
214.15
0.00
1.08
4.85
6.75
6.97
6.99
14.12
14.67
16.00
76.34
76.95
78.94
102.05
0.57
0.33
0.05
0.02
0.02
0.02
0.00
0.00
0.00
0.00
0.00
0.00
0.00
La figure 2-8 résume les effets des trois variables explicatives prenant en compte la
distance, le relief, la surface en eau du patch receveur et leur interaction sur l’occurrence des
déplacements entre les patchs. La variable de distance avait un effet négatif très fort (-5.26),
tandis que la surface en eau du patch receveur (0.88) et l’interaction entre la distance et la
surface en eau avaient un effet positif (0.78). Cela signifie que l’effet de l’augmentation de la
distance séparant les patchs affecte moins les déplacements quand la surface en eau du patch
receveur est importante et, qu’à l’inverse, une diminution de la surface en eau du patch
77
Chapitre 2
receveur réduit la probabilité d’occurrence d’un déplacement entre deux patchs éloignés l’un
de l’autre. L’effet obtenu pour la variable décrivant le relief est positif pris isolément (0.07) et
en interaction avec la surface en eau (0.01), et négatif en interaction avec la distance (-0.02).
Cependant, les paramètres estimés moyens de cette variable et de ses interactions avec les
deux autres variables sont très faibles. De plus, dans les modèles testés, le rapport des
distances n’était significatif que dans les modèles 9, 10 et 11, qui sont peu supportés par les
critères d’information (voir tableau 2-V) et ses interactions avec les deux autres variables
n’étaient jamais significatives.
Figure 2-8 : Diagramme résumant les effets des trois variables explicatives retenues dans le modèle
d’occurrence des déplacements et de leurs interactions. Les valeurs données correspondent aux moyennes des
paramètres estimés (‘average parameter’, Burnham et Anderson 2002) ± leur erreur standard. Les lignes et les
cadres en pointillés représentent les interactions entre les variables. Les flèches noires pleines indiquent un effet
négatif, tandis que les flèches vides indiquent un effet positif. La largeur des flèches représente l’importance de
l’effet de la variable ou de l’interaction de variables.
Comme le partitionnement hiérarchique l’a montré, le rapport des distances a un effet
indépendant significatif, mais ses interactions avec les autres variables expliquent peu
l’occurrence des déplacements entre les patchs. C’est d’ailleurs ce qui a été observé sur le
terrain : des déplacements ont été détectés aussi bien entre des patchs séparés par des fortes
pentes (p.ex. entre les patchs p et q, a et d, b et c), qu’entre des patchs séparés par des zones
plates (p.ex. déplacements entre e et f ou v et r).
78
Chapitre 2
2.4. Discussion
Grâce à un suivi par CMR, mené sur une superficie relativement importante durant 3
années consécutives, cette étude apporte une description de l’amplitude des déplacements de
mâles et de femelles de Sonneur à ventre jaune, ainsi qu’une analyse de l’effet de la surface
en eau, de la distance séparant les patchs et du relief sur ces déplacements.
2.4.1.
Amplitude des déplacements du Sonneur à ventre jaune
Sur l’ensemble des individus s’étant déplacés, la moitié avaient une amplitude de
déplacement inférieure à 200 mètres. Cependant, 5% des individus se sont déplacés de plus de
800 mètres. Certains de ces déplacements de longue distance ont été détectés d’une année sur
l’autre, tandis que d’autres l’ont été au cours de recaptures successives durant une même
saison. Cinq individus se sont déplacés de plus de 1000 mètres. D’autres travaux avaient déjà
mentionné l’observation de déplacements supérieurs à un kilomètre chez le Sonneur à ventre
jaune (Plytycz et Bigaj 1984, Seidel 1988, Herrmann 1996, Sy et Grosse 1998, Gollmann et
al. 2000). La distance maximale trouvée dans une autre étude menée par CMR a été obtenue
par Herrmann (1996) en Allemagne : il s’agissait également d’un mâle, qui s’était déplacé sur
une distance de 2510 mètres, dans un intervalle de temps de trois mois. Les amplitudes de
déplacements observées dans la forêt de la Croix-aux-Bois sont donc particulièrement
importantes et elles permettent de démontrer que le Sonneur à ventre jaune dispose de
capacités de déplacements relativement bonnes dans un contexte paysager propice. De plus,
deux déplacements de longue distance ont été détectés dans un intervalle de temps de 15
jours : l’un de 3800 mètres, réalisé par un mâle, et l’autre de 960 mètres réalisé par une
femelle. Compte tenu de la distance parcourue, de la rapidité de ces déplacements et de l’âge
des individus (subadultes), ces comportements s’apparentent à une dispersion. En effet, ces
déplacements sont apparus très différents de tous les autres de par leur ampleur et leur
rapidité.
Les différences observées dans les nombres d’individus capturés durant les 3 années et
dans l’amplitude des déplacements en 2006 et en 2008 peuvent être expliquées par un
contexte
climatique
différent,
notamment
79
pour
l’abondance
des
précipitations.
Chapitre 2
Malheureusement, il ne nous a pas été possible d’obtenir les données météorologiques pour
ces trois années. L’année 2006 s’est avérée nettement moins pluvieuse que les deux autres
années et la plupart des mares étaient à sec durant une grande partie de la saison de
reproduction. Seuls les plus grands patchs ont conservé des mares en eau pendant la majeure
partie de la saison de reproduction. En 2008, à l’inverse, les précipitations ont été très
importantes et réparties sur toute la saison, maintenant un niveau d’eau constant. L’année
2007 est apparue intermédiaire entre ces deux années. Peu d’individus ont pu être capturés en
2006 tandis que les distances moyennes parcourues ont été plus importantes au cours de cette
même année. La rareté des mares a sans doute pu contraindre certains individus à se déplacer
davantage pour trouver des patchs en eau, probablement lors de courts épisodes pluvieux.
Bien qu’étant généralement importante chez la plupart des espèces d’amphibiens qui se
reproduisent dans les mares, la philopatrie (i.e. la fidélité des individus à leur site de
naissance) varie selon les espèces (Duellman et Trueb 1994, Semlitsch 2008) et entre les
individus d’une même espèce (Schwarzkopf et Alford 2002). De plus, son intensité peut être
influencée par une dynamique de perturbations créant ou détériorant les mares à une échelle
locale (Pechmann et al. 2001, Gamble et al. 2007), et par la distribution des mares à une
échelle plus importante (Smith et Green 2005). Au cours des trois années de cette étude, un
taux de migration de 22% entre les patchs a été observé. Ce chiffre est comparable a celui qui
a été obtenu sur d’autres espèces, dans des zones d’études relativement favorables aux
déplacements (Marsh et Trenham 2001). En effet, Reading et al. (1991), ont par exemple
obtenu un taux annuel de migration inter-mares chez des mâles et des femelles de Bufo bufo,
de respectivement 20% et 26%. De même, Sinsch (1997) signale un taux de migration de 20%
chez des femelles de Bufo calamita.
La forte amplitude et la fréquence élevée des déplacements observés, comparativement à
d’autres travaux déjà menées sur le Sonneur à ventre jaune, peuvent être expliquées par
l’existence, dans la zone d’étude, d’un nombre important de mares, régulièrement renouvelées
par l’exploitation forestière et qui se trouvent dans un contexte paysager favorable aux
déplacements. Les forêts constituent, en effet, des habitats terrestres privilégiés pour de
nombreuses espèces d’amphibiens dont le Sonneur à ventre jaune, en raison d’une part, de la
présence de nombreux refuges terrestres (bois mort, litière végétale…) pour l’estivage et pour
l’hivernage, et, d’autre part, du maintien d’un microclimat favorable, lié à la couverture
végétale et à une humidité ambiante, réduisant les risques liés à la déshydratation. Dans la
présente étude, la détection de déplacements de longue distance a sans doute aussi été
80
Chapitre 2
favorisée par une bonne connaissance de la distribution des patchs potentiellement favorables
à l’espèce et par le suivi simultané d’un grand nombre de ces patchs, sur une superficie
relativement importante. En outre, un effort de prospections élevé, maintenu tout au long de la
durée de l’étude, a permis d’adapter le suivi par CMR à la dynamique de créations des mares.
Ainsi, la colonisation de plusieurs patchs nouvellement créés par l’activité de débardage
depuis d’autres patchs déjà suivis, a pu être étudiée. Enfin, les sessions de CMR ont été
régulièrement réparties, dès l’apparition des premiers individus (au mois d’avril) jusqu’à leur
désertion des mares en fin de saison de reproduction.
Les résultats de la présente étude n’ont pas permis de mettre en évidence une différence
dans l’amplitude des déplacements annuels des mâles et des femelles alors que plusieurs
études récentes, réalisées sur des anoures ou des urodèles, ont révélé une capacité de
déplacement plus importante chez les femelles (Pilliod et al. 2002, Muths 2003, Bartelt et al.
2004, McDonough et Paton 2007, Johnson et al. 2007). Cependant, ces études ont été
réalisées avec la radio-télémétrie, qui apporte des informations plus fines sur les déplacements
et qui permet sans doute de déceler des différences plus difficilement détectables avec la
CMR. Des études complémentaires seraient donc nécessaires pour confirmer qu’il n’existe
pas de différence liée au sexe chez le Sonneur à ventre jaune.
2.4.2.
Facteurs influençant les déplacements entre patchs
Un effet de la surface en eau a été trouvé sur les effectifs d’individus capturés dans les
patchs et sur les fractions de résidents et d’émigrants : le nombre d’individus capturés et la
fraction résidente étaient plus importants dans les patchs ayant une grande surface en eau
tandis que la fraction d’émigrants y était moins importante que dans les petits patchs. Les
grands patchs doivent logiquement avoir une capacité biotique (i.e. seuil de l’effectif en
individus pouvant être accueillis) plus importante que les petits patchs. L’émigration pourrait
donc être forte dans les petits patchs en raison notamment d’une compétition plus intense
(émigration densité-dépendante ; Lambin et al. 2001). Cette relation est fréquente dans les
études menées sur les échanges entre patchs dans des métapopulations, en particulier chez les
insectes (Kareiva 1985, McCauley 1991, Hill et al. 1996, Sutcliffe et al. 1997, Hanski 1999,
Baguette et al. 2000). Cependant, un taux d’émigration important peut aussi être lié à une
faible qualité du patch, celle-ci étant souvent corrélée à la surface (Hanski 1999). Chez les
81
Chapitre 2
amphibiens, des études ont montré que la surface en eau peut avoir un effet positif sur
l’occupation des mares, sur l’abondance des individus et sur la persistance des populations
locales (en considérant une mare comme un patch hébergeant un population locale). Par
exemple, Vos et Chardon (1998) ont obtenu un effet positif de la surface en eau sur la
probabilité d’occupation et sur l’abondance dans les mares chez Rana arvalis. Dans une autre
étude, Halley et al. (1996) ont utilisé un modèle stochastique de type « source-puit », pour
calculer le taux d’extinction de Bufo bufo et Triturus cristatus dans des mares. Dans leur
modèle, la capacité biotique était corrélée à la taille des mares. Pour les deux espèces, la
persistance d’une population locale dans une mare était liée à une relation entre sa taille
(capacité biotique) et sa distance vis-à-vis d’une autre mare source. Ainsi, la taille des mares
semble jouer un rôle important dans la dynamique des populations d’amphibiens.
Au cours de cette étude, des effectifs importants d’individus ont été capturés dans
certains patchs ayant une surface en eau moyenne (proche de 20 m²), ce qui suggère l’effet
d’un autre facteur non pris en compte dans l’analyse pour expliquer l’abondance dans les
patchs. D’après nos observations, ces résultats pourraient être en partie expliqué par la
localisation « stratégique » de ces patchs. En effet, ils étaient vraisemblablement situés sur des
voies de migration des individus et le taux de résidence n’y était pas plus élevé que dans les
autres patchs.
Les résultats obtenus avec le modèle linéaire généralisé montrent que l’occurrence des
déplacements entre deux patchs est influencée négativement par leur éloignement.
Parallèlement, un effet positif de la surface en eau du patch receveur a été obtenu.
L’interaction entre la distance et la surface en eau du patch receveur était positive, ce qui
signifie que l’effet de la distance entre les patchs est atténué par l’augmentation de la surface
en eau du patch receveur. Cet intéressant résultat peut être interprété de deux manières
différentes. La première explication possible pourrait être simplement liée à la géométrie des
grands patchs : en assumant que les individus émigrants se déplacent au hasard dans le
paysage (i.e. sans cible particulière), ils pourraient avoir davantage de chance de rencontrer un
patch dont la surface en eau est importante. Cet effet de la surface des patchs a par exemple
été mis en évidence dans des travaux menés sur des métapopulations de papillons (Kuussaari
et al. 1996, Baguette et al. 2000). Dans notre cas, ce résultat pourrait aussi être lié à une
corrélation entre l’attractivité d’un patch et sa surface en eau. Pour trouver un groupe de
mares, des signaux particuliers peuvent être utilisés par les individus (Bowler et Benton
2005). Chez les amphibiens l’utilisation de signaux olfactifs pour l’orientation d’individus en
82
Chapitre 2
migration (Oldham 1967, McGregor et Teska 1989, Joly et Miaud 1993) ou en dispersion
(Sjögren-Gulve 1998) a été signalée. La capacité de perception de ces signaux pourrait être
potentiellement forte chez des espèces se reproduisant dans des milieux aquatiques
temporaires, telles que le Sonneur à ventre jaune. Plusieurs observations réalisées au cours des
3 années de suivi sont en faveur de cette hypothèse. En effet, la colonisation de groupes de
mares nouvellement créées, dans des parcelles jusqu’alors inexploitées, par des individus
initialement capturés dans d’autres mares, a été observée à plusieurs reprises. Certains de ces
individus ont ainsi colonisé des mares dans les mois qui ont suivi leur création, en se
déplaçant parfois sur plus de 500 mètres. De plus, les deux individus ayant réalisé des
déplacements de longue distance ont colonisé des patchs dont la surface en eau était
importante. Or ces patchs ont attiré simultanément d’autres individus. Un grand patch pourrait
donc être plus attractif qu’un petit patch et réduire un impact négatif de la distance sur la
probabilité de colonisation.
L’effet du relief sur les déplacements des amphibiens a été relativement peu étudié.
Toutefois, deux travaux, basés sur la différenciation génétique des populations, ont apporté
des résultats opposés. Spear et al. (2005), n’ont pas trouvé de relation entre le relief et la
structure génétique de populations d’Ambystoma tigrinum melanostictum, tandis que Funk et
al. (2005) ont obtenu une corrélation entre la différenciation génétique et des caractéristiques
topographiques dans une étude menée sur Rana luteiventris. Dans les deux cas, la zone
étudiée était montagneuse et le relief était donc bien plus accidenté que dans la forêt de la
Croix-aux-Bois. Dans notre étude, un effet indépendant significatif du relief (variable
« rapport des distances ») a été détecté grâce au partitionnement hiérarchique. Cependant, la
prise en compte de cette variable dans le modèle linéaire généralisé a montré qu’elle était
beaucoup moins importante que la distance et la surface en eau pour expliquer l’occurrence
des déplacements entre les patchs.
2.4.3.
Structure spatiale de la population et implications pour sa
conservation
Les amphibiens sont généralement considérés comme des faibles disperseurs comparés
aux autres vertébrés (Sinsch 1990, Bowne et Bowers 2004). Cependant, des études basées sur
des méthodes de suivi direct (radio-télémétrie, capture-marquage-recapture) ou indirect
83
Chapitre 2
(marqueurs génétiques) des déplacements, ont suggéré qu’ils peuvent bouger plus
fréquemment et plus loin que ce qui était supposé (Szymura et Barton 1991, Sinsch 1997,
Trenham et al. 2001). Dans une revue récente traitant de l’application du concept de
métapopulation aux populations d’amphibiens, les auteurs ont estimé la distance de dispersion
maximale moyenne des anoures à deux kilomètres (Smith et Green 2005). Le Sonneur à
ventre jaune ne peut donc pas être considéré comme une espèce aux capacités de
déplacements limitées. La fréquence des déplacements observés, les longues distances
parcourues et la colonisation rapide de mares nouvellement créées, indiquent que les individus
sont relativement mobiles dans la zone étudiée. Comme le signalent Marsh et Trenham
(2001), l’isolement des mares intervient rarement dans les environnements peu fragmentés.
Bien que les groupes de mares soient répartis en taches dans la forêt de la Croix-aux-Bois et
bien qu’ils soient parfois relativement éloignés les uns des autres, aucune évidence d’un
isolement n’a été trouvée. En effet, des déplacements permettant de connecter des patchs très
éloignés, ont été observés à l’échelle de ces trois années d’étude, et au cours d’une génération
de Sonneur à ventre jaune tous les sites seraient probablement connectés. Nous n’avons pas
non plus observé d’extinctions locales. En revanche, lorsqu’un patch n’avait pas subi de
perturbation depuis plusieurs années et qu’il n’était plus favorable à la reproduction (p.ex.
quand le recouvrement par la végétation devenait trop important), il était généralement
abandonné par les individus qui colonisaient alors un autre patch proche.
La structure spatiale de la population étudiée ne correspond donc pas strictement à celle
d’un modèle simple de métapopulation (Hanski 1999, Smith et Green 2005). Elle se
rapproche davantage d’une population morcelée (Harrison 1991), dans laquelle les individus
se déplacent régulièrement entre les patchs. Ceci implique que, si une structure en
métapopulation existe, elle serait probablement mise en évidence à une échelle d’observation
beaucoup plus large (échelle régionale). Ce résultat n’est sans doute pas généralisable
puisqu’il dépend de la matrice paysagère et de la configuration des taches d’habitat. De plus,
dans notre cas, le contexte particulier de la forêt de la Croix-aux-Bois facilite l’interprétation
de la structure spatiale de sa population de sonneurs sur la base des données de CMR, car il
est possible de fixer des limites spatiales. En effet, étant donné la distance importante qui
sépare cette forêt des autres localités de présence connues (près de 30 km), il est raisonnable
de la considérer isolée d’un point de vue démographique, bien qu’en toute rigueur, il serait
nécessaire de le vérifier grâce à une étude génétique. Par contre, dans d’autres cas où le
paysage serait fragmenté et où il n’existerait pas de séparations géographiques nettes entre les
84
Chapitre 2
localités de présence (à l’échelle des capacités de déplacements du Sonneur à ventre jaune), le
recours à la génétique serait alors indispensable pour compléter les données de CMR afin de
délimiter des unités démographiquement (et génétiquement) distinctes.
Dans le cadre d’une restauration de l’habitat du Sonneur à ventre jaune, compte tenu de
sa capacité à fractionner ses pontes mais aussi des effets potentiels de la compétition intra- et
interspécifique dans les mares, la gestion ne devrait pas maintenir des mares en réseau mais
plutôt des groupes de mares (patchs) en réseau. Ceci pourrait permettre aux individus de se
déplacer facilement pour pondre dans des mares proches les unes des autres. De plus les
individus auraient ainsi la possibilité de changer de mares pour éviter la compétition (Petranka
et Holbrook 2006). Les résultats de cette étude indiquent également que des groupes de mares
nouvellement créés ont d’autant plus de chances d’être colonisés si leur surface en eau est
importante. Ce paramètre devrait donc être également pris en compte dans les démarches
adoptées par les gestionnaires.
Les relations mises en évidence entre la surface en eau, la distance et le relief dans cette
zone d’étude peu fragmentée, peuvent servir de base de comparaison pour comprendre
comment la fragmentation de l’habitat peut modifier la structure et la dynamique d’une
population dans un autre paysage qui serait fragmenté. Il serait notamment intéressant de
compléter ces données en étudiant plus précisément le comportement de déplacement des
individus, entre les patchs. Pour cela, des techniques de suivi des individus en déplacement,
telles que la radio-télémétrie, pourraient être utilisées. Enfin, une étude de la sélection de
l’habitat, menée à une échelle plus large et qui prendrait en compte à la fois les mares et leur
contexte paysager, pourrait apporter des éléments complémentaires sur l’importance de
facteurs mesurables à une échelle plus large, sur l’occurrence ou l’abondance du Sonneur à
ventre jaune dans les mares.
85
Chapitre 2
86
Chapitre 3
CHAPITRE 3
UTILISATION D’UNE APPROCHE HIERARCHIQUE POUR
ETUDIER L’INFLUENCE DE VARIABLES
ENVIRONNEMENTALES SUR L’OCCURRENCE DU SONNEUR A
VENTRE JAUNE A L’ECHELLE DE LA MARE ET DU PATCH
87
Chapitre 3
88
Chapitre 3
3. Chapitre 3 :
Utilisation d’une approche
hiérarchique pour étudier l’influence de variables
environnementales sur l’occurrence du Sonneur à
ventre jaune à l’échelle de la mare et du patch
3.1. Introduction
Bien que ce thème soit de plus en plus étudié, les conséquences de la fragmentation de
l’habitat sur les populations d’amphibiens sont encore peu connues (Vos et Chardon 1998,
Kolozsvary et Swihart 1999, Lehtinen et al. 1999, Carr et Fahrig 2001, Joly et al. 2003,
Cushman 2006). Les amphibiens ont un cycle de vie complexe, comprenant généralement une
phase aquatique et une phase terrestre (Duellman et Trueb 1994). Les adultes déposent
généralement leurs œufs dans des habitats aquatiques. Les larves s’y développent jusqu’à la
métamorphose et les juvéniles gagnent ensuite des habitats terrestres, qui peuvent également
être utilisés par les adultes pour s’alimenter, estiver ou hiverner. La durée passée par les
adultes dans les habitats aquatiques au cours d’une année est variable selon les espèces,
certaines ne les occupant que quelques semaines pour s’accoupler et/ou pour pondre (p.ex.
Bufo bufo, Heusser 1968), tandis que d’autres y passent plusieurs mois (p.ex. Bombina
variegata, Gollmann et Gollmann 2002). En raison de cette dépendance plus ou moins
importante des habitats aquatiques, les mares ont longtemps été assimilées à des taches
d’habitats ou « patchs », facilement délimitables dans une matrice paysagère inhospitalière, et
pouvant être occupées par des populations locales susceptibles d’échanger des individus entre
elles. Ceci a, en partie, motivé l’application du concept de métapopulation pour l’étude des
populations d’amphibiens se reproduisant dans les mares (Marsh et Trenham 2001). Par
ailleurs, les amphibiens étant généralement considérés comme très peu mobiles et hautement
philopatriques (Duellman et Trueb 1994), la qualité des mares a longtemps été placée au
centre des préoccupations, autant pour les scientifiques que pour les gestionnaires. Ainsi, la
connaissance de l’habitat terrestre et le contexte paysager des mares ont été négligés dans les
études de sélection de l’habitat menées sur les amphibiens et sans doute également dans les
actions de conservation.
89
Chapitre 3
Cependant, des travaux récents ont permis de montrer que l’habitat terrestre, situé dans un
rayon plus ou moins important autour des mares (de quelques dizaines de mètres à plusieurs
kilomètres), a généralement une grande influence sur l’occupation des mares (p.ex. Vos et
Stumpel 1996, Mazerolle et Villard 1999, Pope et al. 2000, Joly et al. 2001, Van Buskirk
2005). Ainsi, comme pour d’autres animaux (Manly et al. 2002), la sélection de l’habitat par
les espèces d’amphibiens peut être vue hiérarchiquement, les choix des individus pouvant être
influencés par des facteurs s’exprimant à plusieurs échelles (Wiens 1989). C’est pourquoi, il
apparaît indispensable de mener des études multi-échelles pour identifier les facteurs
influençant la distribution des populations d’amphibiens.
D’autre part, le plan d’échantillonnage utilisé pour étudier les relations espèce-habitat doit
être adapté aux particularités de l’espèce étudiée. Dans la plupart des études multi-échelles
menées sur les amphibiens, des disques concentriques ont servi à extraire l’information
souhaitée dans un rayon déterminé autour d’une mare (Figure 3-1A ; voir Zanini 2006 pour
une revue récente). Ces approches se sont avérées utiles pour étudier l’effet de variables
paysagères, telles que l’occupation des sols ou la présence de barrières (p.ex. routes, cours
d’eau), sur l’occurrence des amphibiens dans les mares (p.ex. Vos et Chardon 1998, Joly et al.
2001, Pellet et al. 2005, Denoël et Lehmann 2006). Cependant, elles ont été essentiellement
appliquées à des espèces non capables de fractionner leurs pontes dans l’espace.
Figure 3-1 : Représentation schématique de deux approches multi-échelles utilisées pour étudier les facteurs
influençant l’occurrence d’une espèce d’amphibien dans les mares. A : Plan d’échantillonnage par disques
concentriques centrés sur une seule mare (approche classique). B : Plan d’échantillonnage par disques groupés
hiérarchiquement, ou « échantillonnage contraint », adapté pour prendre en compte plusieurs mares dans un
patch et plusieurs patchs dans un site. Cette dernière approche est centrée sur le paysage.
90
Chapitre 3
Chez les espèces capables de fractionner leurs pontes, comme le Sonneur à ventre jaune,
les femelles déposent généralement plusieurs paquets d’œufs dans des mares plus ou moins
proches les unes des autres, au cours d’une même saison (Seidel 1988, Barandun 1995). La
plupart de ces espèces se reproduisent dans des milieux aquatiques temporaires et le
comportement de fractionnement des pontes peut être perçu comme une « stratégie de
réduction du risque » liée à l’assèchement des mares (risque de mort des larves par
dessiccation ; Barandun 1992). Le choix des sites de ponte chez ces espèces peut alors être vu
hiérarchiquement, en considérant plusieurs mares utilisées dans le contexte paysager qu’elles
partagent.
Pour cela, un plan d’échantillonnage particulier peut être mis en place : plusieurs mares
sont caractérisées dans un rayon choisi, délimitant un patch et, de la même manière, plusieurs
patchs peuvent être étudiés dans un rayon encore plus grand, les englobant et délimitant un
« site » (Figure 3-1B). Ces rayons peuvent être choisis sur la base de données biologiques
disponibles sur l’espèce (p.ex. taille approximative du domaine vital pour le patch, distance de
dispersion pour le site). Cependant, la prise en compte de facteurs paysagers communs à
plusieurs mares ou à plusieurs patchs complique les analyses multi-échelles, un tel plan
d’échantillonnage entraînant une dépendance à la fois statistique et spatiale des observations
situées dans un même disque.
Les modèles à effets mixtes constituent une solution appropriée pour analyser des données
présentant ce type de structure « nichée » (Pinheiro et Bates 2000). Ils permettent, en effet , de
prendre en compte une dépendance entre les observations, liée à la structure du plan
d’échantillonnage (p.ex. si des variables sont mesurées dans plusieurs mares appartenant à un
même patch), en incorporant un effet aléatoire qui contrôle à la fois cette dépendance. Les
modèles à effets mixtes permettent aussi de contrôler une distribution des effectifs étudiés non
équitable dans les différents échantillons, tel qu’un nombre de mares différent dans chaque
patch, induisant une structure de l’échantillon dite « déséquilibrée ». Bien qu’elles soient
adaptées pour aborder des phénomènes disposant d’une structure hiérarchique, ces approches
sont encore relativement peu utilisées dans les études de sélection de l’habitat (Gillies et al.
2006, Hebblewhite et Merrill 2008). Pourtant, elles permettent d’étudier l’effet de variables
mesurées à plusieurs échelles et elles aident également à identifier les échelles les plus
importantes pour expliquer la variable réponse, qui peut être par exemple l’occurrence d’une
espèce (McMahon et Diez 2007).
91
Chapitre 3
L’objectif de ce chapitre est d’étudier l’influence de facteurs locaux et paysagers sur
l’occurrence (présence/absence) du Sonneur à ventre jaune à deux résolutions spatiales, la
mare et le patch (i.e. groupe de mares), en prenant en compte des variables mesurées à
chacune de ces échelles. Nous cherchons à répondre aux deux questions suivantes :
i)
quels sont les principaux facteurs qui peuvent expliquer l’occurrence du Sonneur à ventre
jaune dans les mares et dans les patchs ?
ii)
quelle est l’importance relative des caractéristiques des mares, des caractéristiques des
patchs et du contexte paysager (sites ; Figure 3-1B) sur son occurrence ?
Notre hypothèse est que le contexte paysager doit être très important pour les espèces
capables de fractionner leurs pontes telles que le Sonneur à ventre jaune. Pour la tester, nous
avons utilisé un plan d’échantillonnage structuré hiérarchiquement (mares>patchs>sites) et
une méthode statistique permettant de prendre en compte la variabilité associée à chacune des
trois échelles.
3.2. Matériel et Méthodes
3.2.1.
Zone d’étude et échantillonnage
La zone étudiée se situe en limite septentrionale de l’aire de répartition française du
Sonneur à ventre jaune. Il s’agit d’un rectangle de 140 km x 80 km (11 200 km²), recouvrant
en partie les départements de l’Aisne, de la Seine-et-Marne, de la Marne, des Ardennes et de
la Meuse (N48°46’–49°29’ ; E03°08’–05°05’) (Figure 3-2). Cette zone est caractérisée par
une diversité paysagère relativement importante : zones cultivées sur de grandes étendues,
collines couvertes par des vastes massifs forestiers, vallées alluviales, prairies et bocages, sur
des formations géologiques diverses. De ce fait, elle a été divisée en cinq strates qui se
distinguent par leur géomorphologie, leur relief et l’occupation de leurs sols (Tableau 3-I).
92
Chapitre 3
Tableau 3-I : Caractéristiques des strates échantillonnées.
Strates
Cultures
(%)
Forêts
(%)
Prairies
(%)
Plans d'eau
(%)
Elévation moyenne
± écart-type
Pente moyenne
± écart-type
Champagne crayeuse
82.01
7.05
6.19
0.13
127.1 ± 33.6
1.9 ± 2.5
Champagne humide
23.13
43.22
31.27
0.35
179 ± 43.6
3.4 ± 4.7
Soissonnais
62.85
27.31
4.60
0.46
120.6 ± 41.1
3.8 ± 5.2
Tardenois
58.63
32.46
5.53
0.11
168.6 ± 51.1
3.9 ± 4.9
Brie
62.31
26.63
7.70
0.29
179.3 ± 45.6
2.8 ± 4
Des données de répartition dans cette zone d’étude ont été obtenues auprès d’associations
naturalistes et de diverses personnes ressources. Ces données ont été complétées par des
prospections menées de mai à août en 2005 et 2006. Toutes les analyses spatiales et
procédures de répartition des échantillons dans les strates ont été réalisés à l’aide d’un
système d’information géographique (ArcView 3.2, Esri, Redlands, CA, USA).
Afin de prendre en compte la diversité paysagère de ce terrain d’étude, trente sites y ont
été répartis de la manière suivante. Douze « sites de présence » ont d’abord été positionnés
sur des localités, choisies aléatoirement parmi celles où l’espèce était connue (données
géoréférencées d’observations de Sonneur à ventre jaune), et espacées d’au moins 6000
mètres. Dix-huit « sites d’absence » ont ensuite été répartis dans des zones où la présence de
l’espèce n’était pas connue, en conservant un espacement de 6000 mètres avec les autres sites
et de manière à obtenir six sites par strate, qu’il s’agisse ou non de sites d’absence ou de
présence.
Chacun de ces trente sites correspond à un disque d’un rayon de 2500 mètres (1963 ha).
Ce chiffre a été choisi en se basant sur les distances maximales de dispersion estimées lors
d’études menées sur les déplacements du Sonneur à ventre jaune dans différents contextes
paysagers (Plytycz et Bigaj 1984, Seidel 1988, Herrmann 1996). Dans chaque site, dix
« patchs » d’un rayon de 200 mètres (12.56 ha) ont été positionnés aléatoirement. Cette
distance correspond approximativement à l’amplitude moyenne des déplacements des
individus obtenus au cours d’une saison d’étude par Capture-Marquage-Recapture (Beshkov
et Jameson 1980, Plytycz et Bigaj 1984, Barandun 1995, Abbühl et Durrer 1996, Gollmann et
al. 2000).
L’échantillon est donc structuré hiérarchiquement en 30 sites contenant chacun 10 patchs,
soit un total de 300 patchs, qui ont été prospectés pour y rechercher le Sonneur à ventre jaune
93
Chapitre 3
et caractériser les pièces d’eau potentiellement favorables. La variable réponse qui a été
choisie pour mener l’analyse est l’occurrence du Sonneur à ventre jaune à l’échelle de la mare
et son occurrence à l’échelle du patch.
Figure 3-2 : Localisation de la zone d’étude et structure du plan d’échantillonnage. A : disposition des 30 sites
(disques de 2500 m de rayon) dans la zone d’étude. Les disques noirs contenant la lettre « P » représentent les
sites centrés sur des données de présence, ceux contenant la lettre « A » représentent les sites où le Sonneur à
ventre jaune est présumé absent. Les traits noirs continus marquent les limites départementales. Les traits noirs
discontinus marquent les limites des cinq strates dans lesquelles les 30 sites ont été positionnés ; B :
agrandissement d’un site, montrant les 10 patchs qu’il contient.
94
Chapitre 3
3.2.2.
Occurrence et détectabilité du Sonneur à ventre jaune
Plusieurs passages ont été réalisés sur les 30 sites entre début mai et fin août 2007. Le
Sonneur à ventre jaune a été recherché à la fois à vue et au chant dans toutes les mares et à
leurs abords immédiats (à quelques mètres), dans chaque patch. Lorsque la profondeur de la
mare était supérieure à 15 cm, une épuisette était utilisée pour rechercher d’éventuels
individus ou des larves. Une mare a été considérée comme utilisée lorsqu’au moins un
individu (adulte ou juvénile), une larve ou une ponte y a été observé au cours d’au moins un
passage.
La détectabilité à l’échelle des mares n’a pu être prise en compte dans les modèles car
l’une des principales conditions, nécessaire à l’application de la majorité des méthodes
d’estimation, n’était pas remplie. En effet, les individus étaient susceptibles de bouger au
cours d’une saison de reproduction, ce qui suggère que des mares pouvaient passer du statut
d’ « occupée » à celui d’ « inoccupée » et vice versa, au cours de la durée de l’étude (‘closure
assumption’, MacKenzie et al. 2002). De plus, les mares utilisées par le Sonneur à ventre
jaune sont généralement temporaires et elles sont sujettes à des perturbations importantes
pouvant mener à leur disparition rapide (p.ex. par assèchement ou sous l’effet d’activités
humaines). Ainsi, après le premier passage, de nombreuses mares n’existaient plus, tandis que
des nouvelles étaient apparues. Néanmoins, la majorité des mares étant de très petite taille, la
probabilité de ne pas détecter l’espèce alors qu’elle y était présente – nommée probabilité
d’obtenir une fausse absence – était potentiellement faible.
A l’échelle du patch, par contre, il a été possible d’appliquer une méthode d’estimation
de la probabilité de détection, en considérant que le patch était « fermé » durant l’étude. Cette
estimation permet de savoir s’il est vraisemblable de considérer que le Sonneur à ventre jaune
était absent dans les patchs où il n’a pas été détecté et donc s’il est possible de considérer le
patch comme non utilisé, compte tenu du nombre de passages réalisés. Cette partie de
l’analyse a été réalisée avec le programme PRESENCE (MacKenzie et al. 2002). Deux
modèles différents ont été construits pour chaque site : le premier avec la probabilité de
détection constante et le second avec une probabilité de détection variable à chaque visite
(‘survey specific’). Pour chaque site, le modèle expliquant le mieux les données a été
sélectionné à l’aide du Critère d’Information d’Akaike corrigé pour les petits échantillons
(AICc ; Burnham et Anderson 2002). Le modèle qui a obtenu l’AICc le plus petit parmi les
95
Chapitre 3
deux modèles a ensuite été utilisé pour calculer, pour chaque site, le taux d’occupation (ψ)
(proportion de patchs occupés) et la probabilité de détection (p) de l’espèce. Une moyenne, de
ces deux estimations, pour l’ensemble des sites, a ensuite été calculée.
En comparant le taux apparent d’occupation (‘naive estimate’) à ψ, il a été possible
d’estimer le pourcentage de patchs où l’espèce a été détectée, parmi les patchs où elle était
effectivement présente. En assumant que chaque visite dans un patch était comparable en
terme de pression d’échantillonnage, l’estimation de la probabilité de détection obtenue a
permis de calculer la probabilité d’avoir une fausse absence (f) et le nombre minimal de
visites (Nmin) qui étaient nécessaires pour détecter l’espèce (Pellet et Schmidt 2005). La
probabilité d’une fausse absence après une visite dans un site est : f
= (1 - p). Cette
probabilité décroît avec l’augmentation du nombre de visites dans un même patch et, pour n
visites, elle est estimée par : fn = (1 - p)n. Pour que l’espèce soit détectée avec un intervalle
de confiance de 95%, il faut f ≤ 0.05. Ainsi, connaissant sa probabilité de détection p, il est
possible d’en déduire le nombre minimal de visites nécessaires pour attester la présence de
l’espèce avec un intervalle de confiance de 95% (Pellet et Schmidt 2005) : Nmin =
log(0.05)/log(1 - p). Ce dernier calcul a été réalisé avec la moyenne des probabilités de
détection obtenues pour tous les sites.
3.2.3.
Variables explicatives mesurées à l’échelle des mares
Les mares étudiées étaient de taille et de nature très diverses. Il s’agissait, en majorité,
d’ornières forestières créées par les rouages des machines de foresterie, de zones de sources
dans des prairies, ou encore de flaques d’eau temporaires alimentées par des crues ou par les
précipitations. Toutes les mares d’une surface supérieure à 30 cm² et d’une profondeur
inférieure à 1 mètre ont été géolocalisées, à l’aide d’un GPS, et caractérisées selon le
protocole décrit ci-après.
Le Sonneur à ventre jaune est réputé coloniser des milieux aquatiques : peu profonds,
temporaires et/ou régulièrement renouvelés par des perturbations physiques, faiblement
recouverts par la végétation et bien ensoleillés (Seidel 1988, Barandun 1995, Wagner 1996,
Gollmann et Gollmann 2002). Nous avons donc choisi des variables qui concernaient la
surface et la profondeur des mares, leur degré de recouvrement par la végétation et leur
exposition au soleil. Nous avons également pris en compte l’abondance des autres espèces
96
Chapitre 3
d’amphibiens trouvées dans ces mares, qui pourraient constituer des compétiteurs ou des
prédateurs des œufs et des larves.
La surface (surf) et la profondeur (prof) maximales de chaque mare ont été mesurées à
l’aide d’un double mètre. L’abondance et le recouvrement de la végétation aquatique ont été
estimés séparément pour les hélophytes (helo) et les hydrophytes (hydroph), avec l’indice
suivant : 0 = absence de végétation ; 1 = végétation très peu abondante à recouvrement
négligeable ; 2 = végétation peu abondante à abondante, recouvrement <5% ; 3 = végétation
abondante à très abondante, recouvrement 5-25% ; 4 = abondance quelconque, recouvrement
25-50% ; 5 =abondance quelconque, recouvrement 50-75% ; 6 = abondance quelconque,
recouvrement >75%. Le recouvrement du fond des mares (recfon) par des débris végétaux
(essentiellement des feuilles) a été estimé visuellement ou par sondage lorsque le fond n’était
pas visible. Une notation de 1 à 3 a été assignée à chaque mare : 1 = absence de débris ; 2 =
recouvrement partiel ; 3 = recouvrement complet.
L’occurrence d’autres espèces d’amphibiens (occomp), qui peuvent potentiellement être
en compétition avec le Sonneur à ventre jaune (Pelophylax kl. esculentus, Rana dalmatina,
Rana temporaria, Bufo bufo, Ichthyosaura alpestris9, Lissotriton helveticus, Salamandra
salamandra) a été relevée par le même protocole que pour la recherche du Sonneur à ventre
jaune.
L’ensoleillement des mares a été pris en compte par deux variables complémentaires. Sur
le terrain, une boussole solaire a été positionnée à l’extrême sud de la mare. La boussole
solaire est constituée d’un cadrant gradué recouvert d’un globe transparent, sur lequel se
reflète tout ce qui entoure la mare et qui masque le soleil à certains moments de la journée
(p.ex. des arbres). Elle permet ainsi d’obtenir une estimation du nombre d’heures
d’ensoleillement moyen pour tous les mois de l’année, et ce, quelque soit la nébulosité. Sur la
base de cette estimation, un « indice d’ensoleillement zénithal » (iz) a été développé et calculé
pour chaque mare. Cet indice est une mesure du nombre d’heures d’ensoleillement journalier,
pondérée par la hauteur du soleil en fonction de l’heure et du mois :
iz = ΣSij*cos(zij)/ ΣSMij*cos(zij)
9
Le Triton alpestre, anciennement nommé Triturus alpestris (Laurenti, 1768), a été récemment renommé
Mesotriton alpestris Bolkay, 1928 dans un travail publié en espagnol (Garcia-Paris et al. 2004). Cette
nomenclature a été rapidement adoptée par la communauté scientifique. Cependant, en appliquant le principe
d’antériorité, la combinaison Ichthyosaura alpestris Sonnini et Latreille, 1802, aurait du être retenue (voir
Schmidtler 2004 pour plus d’informations). J’ai donc choisi d’utiliser cette dernière combinaison pour nommer
le Triton alpestre dans ce travail.
97
Chapitre 3
avec Sij, le nombre d’heures d’ensoleillement obtenu avec la boussole solaire pour l’heure i
au mois j, SMij, le nombre maximal d’heures d’ensoleillement en absence d’ombrage pour
l’heure i au mois j, et zij, l’angle zénithal du soleil (hauteur du soleil) pour l’heure i au mois j.
Cet indice prend la valeur 1 pour un ensoleillement maximal (mare ensoleillée toute la
journée), des valeurs comprises entre 0.5 et 1 lorsque la mare est exposée au soleil
essentiellement au milieu de la journée (soleil proche du zénith), des valeurs comprises entre
0 et 0.5 lorsque la mare est exposée au soleil le matin ou le soir, et 0 lorsque la mare est à
l’ombre toute la journée.
Un indice d’exposition de la mare (ei) a également été calculé. Cet indice prend en
compte à la fois l’inclinaison du terrain et son exposition par rapport au Nord (Wilson et al.
2003) :
ei = cos (expo)*tan (pente)*100
avec expo, l’exposition mesurée en degrés par rapport au Nord, et pente, la pente en degrés
par rapport à l’horizontale.
Enfin, un indice de positionnement topographique (tpi) a été obtenu pour chaque mare
avec ArcView, en utilisant le ‘Topographic Position Index’ associé aux pentes (Guisan et al.
1999, Jenness 2005). Cet indice prend les valeurs suivantes : 1 = fond de vallée, 2 = pente
douce, 3 = pente « abrupte » (versant de colline) et 4 = sommet de colline.
3.2.4.
Variables explicatives mesurées à l’échelle des patchs
Seuls les patchs contenant des mares ont été pris en compte dans l’analyse. Sur le terrain,
un indice d’encombrement de la végétation au niveau du sol (encomb) a été obtenu pour
chaque formation végétale du patch, lorsqu’un changement de structure de la végétation était
perceptible. Cet indice a été estimé visuellement à l’aide d’une toile de 1 m² comportant 16
motifs carrés. En plaçant cette toile dans la végétation au niveau du sol, un indice de 1 à 16
peut être assigné à la formation végétale, en fonction du nombre de motifs visibles par
l’observateur, positionné à 10 mètres de la toile. Plus cet indice est faible et plus la végétation
est dense. L’indice obtenu pour chaque formation végétale testée a permis d’établir une
cartographie de l’encombrement de la végétation pour chaque patch. L’abondance des mares
dans les patchs a été prise en compte par deux mesures : le nombre de mares (nbmar200) et la
98
Chapitre 3
surface totale couverte par les mares dans le patch (surf200). L’abondance d’espèces
potentiellement compétitrices (abcomp200) à cette échelle est représentée par le nombre de
mares occupées par d’autres espèces d’amphibiens (urodèles et anoures). De plus, le ratio du
nombre de mares occupées par ces espèces sur le nombre de mares disponibles (rcomp200) a
également été calculé. Une moyenne des valeurs des indices iz et ei obtenues pour toutes les
mares a été calculée pour chaque patch (iz200 et ei200).
Toutes ces données ont ensuite été complétées par la mesure de variables paysagères
avec ArcView. L’occupation du sol a été obtenue à partir de la base de donnée CORINE land
cover (Ifen 2005). Trois variables ont été créées en regroupant plusieurs classes du code
CORINE dans chaque patch : la proportion de forêt (foret), la proportion de prairies (prairi) et
la proportion de cultures (cultur).
3.2.5.
Analyses en Composantes Principales et variables composites
Toutes les analyses statistiques qui suivent ont été menées avec le logiciel R version
2.7.0 (R Development Core Team 2008). La démarche suivie est résumée dans la figure 3-3.
Les variables obtenues pour les mares et les patchs pouvaient être potentiellement corrélées et
redondantes. Pour réduire ces corrélations et obtenir un nombre moins important de variables
résumant l’information, des Analyses en Composantes Principales (ACP) ont été réalisées
séparément pour chaque groupe de variables (« groupe mare » et « groupe patch »). Au
préalable, toutes les variables non normales ont été transformées par la méthode la mieux
appropriée (log10, logit ou racine) pour que leur distribution se rapproche de la normalité.
3.2.6.
Modélisation de l’occurrence du Sonneur à ventre jaune
Le plan d’échantillonnage induit une structure déséquilibrée (‘unbalanced’) des
données : le nombre de patchs étudiés n’est pas le même dans tous les sites et le nombre de
mares décrites est également différent dans chaque patch. Les modèles à effets mixtes,
souvent nommés « modèles multi-niveaux » ou « régressions hiérarchiques », permettent de
traiter ces données (Pinheiro et Bates 2000).
99
Chapitre 3
Les modèles linéaires généralisés à effets mixtes (GLMMs, ‘Generalized Linear Mixed
Models’) constituent une généralisation des modèles linéaires à effets mixtes, pour des
variables réponse dont la distribution ne satisfait pas à la condition de normalité, comme c’est
le cas pour les données binaires de présence/absence. Des GLMMs avec un lien logit et une
erreur binomiale ont donc été utilisés dans notre cas, pour étudier l’effet des variables
environnementales sur l’occurrence du Sonneur à ventre jaune à deux résolutions différentes :
dans les mares et dans les patchs (Figure 3-3).
Un effet aléatoire a été inclus pour prendre en compte la variation entre les mares à
l’intérieur des patchs (« effet patch ») et la variation entre les patchs à l’intérieur des sites
(« effet site »). Tous ces modèles ont été construits avec le logiciel R et les paquetages lme4
(Bates et al. 2008) et MASS (Venables et Ripley 2002), ce dernier permettant d’incorporer une
structure de corrélation lorsqu’une autocorrélation spatiale significative existe dans les résidus
d’un modèle.
3.2.7.
Modélisation de l’occurrence dans les mares (« modèle mare »)
Des modèles univariés ont été utilisés pour sélectionner les variables composites
significatives. Seules ces dernières ont été incluses dans une série de modèles : toutes les
combinaisons linéaires possibles de ces variables ont été testées. Afin de sélectionner les
meilleurs modèles, i.e. ceux expliquant le mieux les données, nous avons suivi une démarche
basée sur la théorie de l’information (Burnham et Anderson 2002). Pour cela le Critère
d’Information d’Akaike (AIC) a été utilisé pour classer les modèles sur la base de leur
vraisemblance. À partir de chaque AIC, un poids d’Akaike (wi) a pu être calculé. Le wi
constitue une mesure de la probabilité qu’un modèle soit celui qui ajuste le mieux les données
parmi l’ensemble des modèles construits. Il peut être utilisé pour obtenir un intervalle de
confiance à 95% des modèles expliquant le mieux les données : en cumulant les wi des
modèles rangés par ordre croissant selon leur AIC, l’intervalle de confiance est obtenu en
retenant tous les modèles ayant un cumul inférieur à 0.95.
L’interprétation de la significativité des effets fixes et aléatoires est complexe pour les
GLMMs et il n’est, en général, pas possible de s’appuyer sur des tests statistiques classiques
(tels que les tests F). En effet, ces tests utilisent généralement le rapport des vraisemblances.
Or, les logiciels ne permettent actuellement que d’approcher ces vraisemblances. De plus, les
100
Chapitre 3
degrés de liberté, indispensables pour réaliser ces tests, ne sont pas estimables de manière
fiable. C’est la raison pour laquelle le paquetage lme4 de R ne renvoie plus de ‘p-value’ pour
les effets fixes et aléatoires (Baayen et al. in press). Une solution alternative consiste à
s’appuyer sur la statistique bayésienne pour réaliser une simulation de Monte Carlo (tirage
pseudo aléatoire par ‘Markov chain Monte Carlo’, MCMC) des paramètres estimés par le
modèle, puis d’utiliser cette simulation pour construire un « intervalle de crédibilité » à 95%
(nommé littéralement « intervalle de plus haute densité finale », ‘Highest Posterior Density
interval’, HPD). L’interprétation devient alors simple : si cet intervalle n’englobe pas zéro,
l’effet du paramètre estimé peut être jugé significatif (McMahon et Diez 2007). Nous avons
donc suivi cette règle pour tester la « crédibilité » des effets fixes et aléatoires estimés.
Un « modèle nul », i.e. ne contenant aucune variable explicative mais incorporant
uniquement les effets aléatoires « patch » et « site », a été construit. Ce modèle a permis
d’estimer la proportion de la variance totale de la variable réponse (occurrence du Sonneur à
ventre jaune dans les mares) expliquée par chacune des trois échelles de l’analyse : la mare, le
patch et le site. Ces proportions sont estimées en utilisant des « Coefficients de Corrélation
Inter-classes » ou « CCI » (notés ρ), qui correspondent au rapport de la variance de l’échelle
considérée sur la variance totale (Raudenbush et Bryk 2002). D’abord introduit pour des
modèles linéaires avec des variables réponses continues, l’estimation des CCIs a été
récemment étendue aux modèles logistiques. Dans le cas d’une variable réponse binomiale, la
variance à l’échelle la plus fine (la mare dans notre cas) peut être estimée en considérant que
l’effet aléatoire, à cette échelle, suit une distribution logistique avec une moyenne nulle et une
variance constante, égale à π²/3, soit ~3.29 (Snijders et Bosker 1999). En suivant cette règle,
une estimation des CCIs a été obtenue pour les trois échelles de la façon suivante :
ρ1 = π²/3 / (π²/3 + σ²2 + σ²3)
ρ2 = σ²2 / (π²/3 + σ²2 + σ²3)
ρ3 = σ²3 / (π²/3 + σ²2 + σ²3)
avec ρ1, ρ2 et ρ3 les CCIs, respectivement, de la mare, du patch et du site ; σ²2, la variance de
l’effet aléatoire du patch et σ²3, la variance de l’effet aléatoire du site. Un CCI pour l’échelle
patch (ρ2), dont la valeur serait 0, indiquerait par exemple que les mares d’un même patch ont
des probabilités très variables d’être utilisées par le Sonneur à ventre jaune, tandis qu’un CCI
de 1 indiquerait que cette probabilité est la même pour toutes les mares dans un même patch.
Plus généralement, une valeur de CCI supérieure à 0.5 pour l’échelle « patch » indiquerait
101
Chapitre 3
qu’il existe une plus grande variabilité entre les patchs qu’à l’intérieur de ceux-ci. Ainsi, les
CCIs indiquent la part de la variance de la variable réponse qui est attribuable à chacune des
échelles de l’analyse.
3.2.8.
Modélisation de l’occurrence dans les patchs (« modèle patch »)
L’effet des variables composites mesurées à l’échelle des patchs a servi à expliquer
l’occurrence de l’espèce dans les patchs. Pour cela, la démarche utilisée a été la même que
précédemment : les variables ont d’abord été testées séparément, puis celles qui étaient
significatives ont été testées simultanément dans plusieurs combinaisons de modèles. Comme
les mares n’ont cette fois pas été prises en compte (la variable réponse étant l’occurrence dans
les patchs), un seul effet aléatoire a été spécifié : l’effet des patchs dans les sites (« effet
site »). A partir du modèle nul, un CCI a été estimé pour l’échelle « patch » (ρ2) et pour
l’échelle « site » (ρ3), en suivant la même démarche que pour le modèle mare.
3.2.9.
Prise en compte de l’autocorrélation spatiale
L’autocorrélation spatiale est un phénomène qui intervient lorsque les valeurs de
variables mesurées à des localisations proches ne sont pas indépendantes les unes des autres
(Legendre et Legendre 1998). Elle peut résulter de phénomènes biologiques entraînant une
distribution agrégative des individus et, dans ce cas, elle est une opportunité pour comprendre
les patrons observés (Dray et al. 2006). Cependant, dans la plupart des cas, elle peut poser des
problèmes d’interprétation (Dormann et al. 2007). En effet, dans l’étude des relations espècehabitat, la non prise en compte de l’autocorrélation spatiale des données peut mener à des
conclusions erronées en sur-estimant ou sous-estimant l’effet de certaines variables (Carroll et
Pearson 2000). Pour détecter la présence d’une éventuelle autocorrélation spatiale dans les
modèles mares et patchs, des indices I de Moran ont été calculés à plusieurs intervalles de
distance (Legendre et Legendre 1998). L’indice I de Moran, qui varie entre [-1 ;1], est une
mesure de la similarité entre les données spatialement proches.
102
Chapitre 3
Il est calculé avec la formule suivante (Moran 1950, Legendre et Legendre 1998) :
avec, yh et yi les valeurs des variables mesurées aux localisations h et i (mares ou patchs dans
notre cas) ; whi les pondérations de distance, whi = 1 si les localisations h et i sont dans le
même intervalle de distance d, sinon whi = 0 ; n le nombre de classes de distances testées ; W
le nombre de paires de mares ou de patchs.
L’indice est proche de 1 lorsqu’il existe une autocorrélation positive, proche de -1
lorsqu’elle est négative et il est égal à 0 en l’absence d’autocorrélation. La significativité de la
valeur obtenue est testée statistiquement (Cliff et Ord 1981). Un indice a ainsi été calculé et
testé, à 20 intervalles de 50 mètres pour le modèle mares et à 10 intervalles de 500 mètres
pour celui des patchs. Un graphique, nommé corrélogramme, a ensuite été utilisé pour
représenter les valeurs de l’indice de Moran (en ordonnée) pour chaque intervalle de distance
testé (en abscisse) (Legendre et Legendre 1998). Dans le cas où une autocorrélation
significative serait détectée, celle-ci serait prise en compte dans le modèle en y incorporant
une « structure de corrélation » qui contrôle la dépendance des données (Pinheiro et Bates
2000, Dormann et al. 2007) (Figure 3-3).
Toutes ces analyses ont été conduites avec le paquetage spdep du logiciel R et le
programme ROOKCASE (Sawada 1999).
103
Chapitre 3
Occurrence dans la mare
Occurrence dans le patch
Variables mare
Variables patch
Structure physique
Surface (surf)
Profondeur (prof)
Abondance / Surface occupée par les mares
Nombre de mares (nbmar200)
Surface couverte par les mares (surf200)
Végétation
Ab. / Rec. Hélophytes (helo)
Ab. / Rec. Hydrophytes (hydroph)
Débris végétaux au fond (recfon)
Végétation
Encombrement (encomb)
Compétiteurs potentiels
Occurrence amphibiens (occomp)
Ensoleillement
Indice zénithal (iz)
Exposition / topographie
Indice d’exposition (ei)
‘Topographical Positionnement Index’ (tpi)
1/ Choix des
variables
composites
(ACP)
Variables composites mare
VOL
EXPMAR
ZEN
AGE
2/ Sélection des
variables
significatives
3/ Construction
des modèles
complets
4/ Autocorrélation
spatiale
GLMMs univariés
Variables mare et
variables patch
GLMM complet
Si oui
Compétiteurs potentiels
Abondance amphibiens (abcomp200)
Nombre de mares occupées (rcomp200)
Ensoleillement
Indice zénithal (iz200)
Exposition / topographie
Indice d’exposition (ei200)
Occupation des sols
% Forêts (foret)
% Cultures (cultur)
% Prairies (prairi)
Variables composites patch
OPEN
COMP
ABMAR
SUN200
GLMMs univariés
Variables patch
GLMM complet
Si oui
GLMM spatial
GLMM spatial
Figure 3-3 : Résumé de la démarche suivie pour la construction des GLMMs. Ab./ Rec. : Abondance /
Recouvrement.
104
Chapitre 3
3.3. Résultats
Sur les 30 sites échantillonnés, 3 ne contenaient aucune mare. Dans 3 autres sites, un seul
patch contenait des mares. Ces 6 sites n’ont pas été pris en compte dans l’analyse. Parmi les
patchs issus des 24 sites restants, seuls 134 contenaient des mares. Un total de 1516 mares,
réparties dans ces 134 patchs, a été utilisé pour mener l’analyse.
3.3.1.
Détectabilité et taux d’occupation des patchs
Tous les sites ont été visités au moins deux fois (
= 2.7 ± 0.09), entre début mai et fin
août 2007. Le Sonneur à ventre jaune a été détecté dans 11 sites parmi les 24 visités. Dans
l’un des sites où il était considéré présent d’après les données de répartition, il n’a été retrouvé
dans aucun des patchs échantillonnés. À l’intérieur de ces sites, l’espèce a été détectée dans
121 mares sur les 1516 étudiées, et dans 35 patchs parmi les 134 visités.
Le meilleur modèle obtenu avec PRESENCE était toujours celui pour lequel la
probabilité de détection était constante à chaque visite. Le taux d’occupation apparent dans les
11 sites où l’espèce était présente (proportion de patchs où l’espèce a été détectée), était
compris entre 0.1 et 0.6 (médiane = 0.3). En moyenne, sur l’ensemble des sites, ce taux
d’occupation apparent était de 0.309 ± 0.013, alors que l’estimation du taux d’occupation (ψ)
est de 0.312 ± 0.014. Cette analyse suggère que l’espèce a été détectée dans 98.9% des patchs
où elle était présente. La plus faible probabilité de détection estimée pour tous les sites, était
de 0.703 (
= 0.86 ± 0.01). Dans trois sites, la probabilité de détection était de 1. Avec un
intervalle de confiance à 95%, Nmin = 1.52, un minimum de 2 visites a été suffisant pour
détecter l’espèce où elle était présente (Figure 3-4).
Compte tenu de ces résultats, les patchs où l’espèce n’a pas été détectée ont été
considérés comme non utilisés, et la probabilité de détection n’a pas été prise en compte dans
la suite de l’analyse.
105
Chapitre 3
Figure 3-4 : Probabilités de fausses absences après 1, 2 et 3 visites dans un patch. La ligne en pointillés
représente 5% de fausses absences. En dessous de cette ligne, le nombre de visites réalisées sur un site permet de
détecter l’espèce avec un intervalle de confiance de 95%.
3.3.2.
Variables composites obtenues à partir des ACP
Après avoir examiné les valeurs propres, quatre axes factoriels supportant ensemble
61.28 % de la variation ont été retenus (Tableau 3-IIA). Le premier axe (VOL) résume
principalement la surface de la mare et sa profondeur, et il représente donc son volume d’eau.
Le deuxième axe représente essentiellement son exposition en rapport avec sa situation
topographique (EXPMAR). Le troisième axe (ZEN) représente essentiellement l’indice
d’ensoleillement. Enfin, le quatrième axe (AGE) permet d’extraire les données corrélées de
l’indice d’abondance et de recouvrement de la végétation aquatique (hélophytes et
hydrophytes) et du recouvrement du fond de la mare. Cet axe peut être considéré comme un
indicateur d’autres variables potentiellement importantes, mais qu’il ne nous a pas été
possible de mesurer : l’hydropériode et le taux de renouvellement des mares (fréquence des
perturbations menant à un « rajeunissement » de la mare). Les mares les moins végétalisées et
dont le fond est faiblement recouvert (i.e. les plus « jeunes ») se situent dans les valeurs
positives de cet axe factoriel.
L’ACP réalisée sur les variables des patchs a également permis de retenir quatre axes, qui
supportent 72.1% de la variation (Tableau 3-IIB). Le premier axe (OPEN200) représente
l’ouverture du milieu (les cultures et les prairies contre les forêts, et un encombrement faible
106
Chapitre 3
de la végétation contre un encombrement important). Le deuxième axe (COMP200) est
corrélé avec l’abondance des autres espèces d’amphibiens (compétiteurs potentiels) dans le
patch. Le troisième axe (ABMAR200) est corrélé avec l’abondance des milieux aquatiques
caractérisés dans le patch (effectif et surface totale). Enfin, le quatrième axe (EXP200) résume
l’information de l’indice d’exposition moyen du patch. La colinéarité entre ces nouvelles
variables est faible à modérée (Tableau 3-3) car aucun coefficient de corrélation de Spearman
ne dépasse |0.5|.
Tableau 3-II : Variables composites obtenues à partir des ACP réalisées sur les variables des mares (A) et sur
les variables des patchs (B).
Variables
A - Mares
Variables composites
C1(VOL)
C2(EXPMAR)
C3(ZEN)
C4(AGE)
prof
0.74
0.01
-0.05
0.29
surf
0.77
0.06
-0.01
0.36
iz
0.07
-0.06
0.83
0.07
helo
0.55
0.02
0.38
-0.43
hydroph
0.40
0.34
0.18
-0.47
occomp
0.47
-0.01
-0.15
0.33
tpi
0.15
-0.77
-0.06
-0.23
ei
0.01
0.74
-0.19
-0.13
recfon
0.45
-0.14
-0.49
-0.45
Variation expliquée (%)
22.75
14.31
13.03
11.19
C1(OPEN)
C2(COMP)
C3(ABMAR)
C4(SUN200)
nbmar200
0.51
0.13
0.73
-0.05
idexp200
-0.02
-0.25
0.05
-0.94
idzen200
-0.59
0.23
0.33
-0.03
surf200
0.22
0.57
0.63
0.02
foret
0.91
-0.13
-0.12
0.03
cultur
-0.74
0.07
0.05
-0.14
prairi
-0.68
0.14
0.14
0.13
encomb
-0.64
0.25
-0.08
-0.05
abcomp200
0.33
0.81
-0.14
-0.22
rcomp200
0.14
0.72
-0.58
-0.06
Variation expliquée (%)
30.34
17.56
14.39
10
B - Patches
107
Chapitre 3
Tableau 3-III : Corrélation entre les variables composites (ρ de Spearman).
VOL
EXPMAR
ZEN
AGE
OPEN200
COMP200
EXPMAR
0.05
ZEN
0.06
-0.01
AGE
-0.05
0.05
0.07
OPEN200
-0.11
-0.16
-0.34
-0.02
COMP200
-0.29
-0.24
0.05
0.09
0.13
ABMAR200
0.04
-0.17
0.27
0.05
0.10
-0.05
EXP200
0.03
-0.42
0.01
0.03
0.14
-0.21
3.3.3.
ABMAR200
0.13
Autocorrélation spatiale
Aucune autocorrélation significative n’a été trouvée dans les résidus du modèle de
l’occurrence dans les mares (Figure 3-5A). En revanche, une autocorrélation significative a
été détectée dans le modèle complet de l’occurrence dans les patchs (Figure 3-5B) et un test
global de Moran sur l’intervalle [0 ; 5000 mètres] donne une valeur significative (Z = 0.92, p
< 0.001). Une structure de corrélation a donc été incorporée à ce modèle pour prendre en
compte la dépendance spatiale des patchs appartenant à un même site (Pinheiro et Bates
2000).
3.3.4.
Quels sont les principaux facteurs pouvant expliquer la présence de
l’espèce dans les mares ?
Cinq variables composites ont été retenues à l’issue de la sélection des modèles
univariés : trois variables mesurées à l’échelle de la mare (VOL, ZEN, AGE) et deux à
l’échelle du patch (ABMAR200 et COMP200). Aucun effet significatif n’a été détecté pour
EXPMAR, OPEN200 et EXP200.
Les 32 modèles issus de l’ensemble des combinaisons linéaires possibles des cinq
variables composites significatives ont été testés. L’intervalle de confiance, calculé à partir du
cumul des wi de tous ces modèles, permet d’en retenir trois, dont le modèle complet contenant
les cinq variables retenues (Tableau 3-IV).
108
Chapitre 3
Figure 3-5 : Corrélogrammes établis en calculant l’indice de Moran sur les résidus des modèles complets à
plusieurs classes de distance. Pour chaque classe de distance, les points blancs indiquent une autocorrélation non
significative et les points noirs, une autocorrélation significative. A : corrélogramme du modèle de l’occurrence
du Sonneur à ventre jaune dans les mares. B : corrélogrammes du modèle de l’occurrence dans les patchs avant
(en haut) et après (en bas) prise en compte de l’autocorrélation spatiale.
Tableau 3-IV : Classement des modèles de l’occurrence à l’échelle de la mare : coefficients (± e.s.) des
modèles retenus dans l’intervalle de confiance de 95% de l’ensemble des combinaisons linéaires des 5 variables.
Classement
AIC
wi
Variables mare
Intercept
Variables patch
VOL
ZEN
AGE
ABMAR200
0.60 ± 0.38
Modèle « Mare 1 »
561.1
0.48
-0.67 ± 0.91
-1.07 ± 0.14
1.25 ± 0.19
0.62 ± 0.13
Modèle « Mare 2 »
562.5
0.24
-6.86 ± 0.91
-1.05 ± 0.14
1.30 ± 0.19
0.64 ± 0.13
Modèle « Mare 3 »
562.9
0.19
-6.64 ± 0.90
-1.07 ± 0.14
1.25 ± 0.19
0.63 ± 0.13
0.63 ± 0.38
COMP200
-0.15 ± 0.42
Le modèle le plus parcimonieux d’après l’AIC est celui qui contient les 3 variables de la
mare (VOL, ZEN, AGE) et la variable ABMAR200. Cependant, les deux autres modèles
compris dans l’intervalle de confiance ont une différence d’AIC inférieure à 2 par rapport à ce
dernier et peuvent donc être considérés comme aussi bons pour décrire les données (Burnham
et Anderson 2002). Le modèle complet (contenant VOL, ZEN, AGE, ABMAR200 et
COMP200) a été utilisé pour comparer l’effet relatif de ces variables sur l’occurrence du
109
Chapitre 3
Sonneur à ventre jaune dans les mares. Celle-ci est fortement associée aux trois variables
mesurées à l’échelle des mares (Figure 3-6A). Un effet négatif du volume d’eau (VOL) a été
obtenu, tandis qu’un effet positif a été obtenu pour l’ensoleillement (ZEN) et pour la variable
AGE. Ce dernier effet doit être interprété comme une influence positive du faible
recouvrement par la végétation et du faible recouvrement du fond des mares par les feuilles
sur la présence du Sonneur à ventre jaune.
Figure 3-6 : Coefficients estimés des effets fixes et aléatoires (zone grisée) et leur intervalle de plus haute
densité finale (HPD). Les coefficients dont l’intervalle ne recouvre pas zéro (ligne en pointillés) peuvent être
jugés significativement différents de zéro. * Effets aléatoires estimés à partir du modèle nul. ** Effets fixes
estimés à partir du modèle complet.
110
Chapitre 3
3.3.5.
Quels sont les principaux facteurs pouvant expliquer la présence de
l’espèce dans les patchs ?
L’occurrence à l’échelle des patchs n’est expliquée que par l’abondance des mares
(ABMAR200) et des compétiteurs potentiels (COMP200). Ces deux variables ont un effet
positif sur la présence du Sonneur à ventre jaune dans les patchs (Figure 3-6B).
3.3.6.
Quelle est l’échelle expliquant la plus grande proportion de variation ?
D’après les CCIs estimés sur le modèle nul, 56% de la variation de l’occurrence du
Sonneur à ventre jaune dans les mares est attribuable à l’échelle du site, tandis que l’échelle
des patchs et l’échelle des mares expliquent respectivement 17% et 27% de la variation.
L’effet aléatoire « site » est significativement différent de zéro, contrairement à l’effet
« patch » dont l’intervalle de crédibilité englobe zéro (Figure 3-6A).
Concernant le modèle d’occurrence dans les patchs, 70.5% de la variation est attribuable
à l’échelle du site, contre 29% pour l’échelle du patch. Par ailleurs, l’effet aléatoire « site » est
une fois de plus significatif dans ce modèle (Figure 3-6B).
3.4. Discussion
Grâce à l’utilisation de modèles à effets mixtes, nous avons pu étudier l’influence de
variables mesurées à plusieurs échelles sur l’occurrence du Sonneur à ventre jaune, tout en
échantillonnant la diversité paysagère de la zone étudiée. Ainsi, il a été possible de prendre en
compte, à la fois les caractéristiques des mares et des patchs, et leur contexte paysager. Cette
démarche, qui a été très peu utilisée sur les amphibiens, s’avère flexible et bien adaptée pour
étudier l’influence de l’hétérogénéité de l’habitat sur la distribution des populations
d’amphibiens, en particulier dans le cas d’espèces mobiles ou utilisant plusieurs sites
aquatiques pour pondre au cours d’une saison.
111
Chapitre 3
3.4.1.
Facteurs influençant l’occurrence du Sonneur à ventre jaune
Concernant l’occurrence du Sonneur à ventre jaune dans les mares, les résultats des
modèles suggèrent que les mares les plus utilisées sont peu profondes, de faible surface et
bien ensoleillées. L’effet significatif de la variable AGE indique que l’espèce utilise
essentiellement des mares dans lesquelles le recouvrement par la végétation et par des débris
de végétaux est peu important. Ces mares sont, en général, soit nouvellement créées, soit
régulièrement « rajeunies » sous l’effet d’une perturbation physique. Tous ces résultats sont
en accord avec ceux d’autres études déjà réalisées dans d’autres zones géographiques, sur la
caractérisation des mares utilisées par l’espèce (Seidel 1988, Barandun et Reyer 1997a,
Gollmann et al. 1999).
Des variables mesurées à une échelle plus large ont plus rarement été prises en compte et
les déterminants paysagers de la distribution du Sonneur à ventre jaune restent méconnus.
Nous avons montré que l’occurrence de l’espèce dans les mares peut être influencée par des
variables environnementales mesurées dans un rayon de 200 mètres : un effet de l’abondance
des mares et de l’abondance d’autres espèces d’amphibiens dans les patchs a été détecté.
L’abondance des mares est une mesure de la quantité d’habitat disponible pour les individus
et il est donc logique que cette variable ait un impact positif sur la présence du Sonneur à
ventre jaune. Ce résultat a déjà été observé chez d’autres espèces d’amphibiens (p.ex.
Lissotriton helveticus, Denoël et Lehmann 2006). La compétition interspécifique n’existait
probablement pas à l’échelle des patchs. Au contraire, l’abondance des autres espèces
d’amphibiens à cette échelle a eu un effet positif sur l’occurrence dans les mares. Cette
variable reflète aussi probablement la qualité des patchs pour le sonneur et les autres
amphibiens. Un résultat similaire a été obtenu par Di Cerbo (2001), en Italie : l’abondance du
Sonneur à ventre jaune dans des mares était corrélée à celles de cinq autres espèces
d’amphibiens.
L’effet de l’abondance des mares et de l’abondance des autres espèces d’amphibiens
dans les patchs n’était plus significatif lorsque ces variables étaient placées dans le modèle
complet (i.e. regroupant ces deux variables et les trois variables décrivant les mares).
L’importance de ces deux variables est apparue moindre que celle des trois variables
mesurées à l’échelle des mares.
112
Chapitre 3
Après avoir pris en compte la détectabilité, nous avons pu suivre la même démarche pour
étudier les effets des variables sur l’occurrence du Sonneur à ventre jaune dans les patchs
(résolution supérieure de la variable réponse). Nous n’avons trouvé aucun effet significatif de
l’occupation des sols et de la topographie à cette échelle. Les deux variables qui sont apparues
significatives sont l’abondance des mares et l’abondance des autres espèces d’amphibiens. La
différence observée pour ces variables explicatives par rapport au résultat obtenu pour
l’occurrence à l’échelle des mares, est probablement en partie liée à une différence de
prévalence de l’espèce dans la variable réponse : la proportion des patchs utilisés parmi les
patchs disponibles étudiés était bien supérieure à la proportion de mares utilisées parmi les
mares disponibles.
3.4.2.
L’importance du contexte paysager
L’effet aléatoire des patchs, qui correspond à la variation entre les mares à l’intérieur
d’un patch, n’a pas eu d’effet significatif sur l’occurrence de l’espèce. En revanche, à
l’échelle supérieure, l’effet aléatoire des sites, qui correspond à la variation entre les patchs à
l’intérieur d’un site, s’est avéré significatif. De plus, la proportion de variance expliquée par
les sites était plus importante que celle des patchs et des mares. Ainsi, en utilisant cette
approche hiérarchique, nous avons pu démontrer que le contexte paysager, ici représenté par
un rayon de 2500 mètres, influence fortement la présence d’une espèce d’amphibien à une
échelle locale (mare et patch). L’occurrence dans les mares et dans les patchs n’est donc pas
totalement liée aux variables mesurées à ces échelles et il s’avère nécessaire de prendre en
compte d’autres variables mesurables à des échelles plus larges dans des analyses
complémentaires.
D’un point de vue appliqué, ces résultats suggèrent que le maintien de populations de
Sonneurs à ventre jaune dans une région dépend de la disponibilité de nombreux sites
aquatiques, distribués sur d’importantes superficies. La gestion ne doit pas uniquement être
focalisée sur les mares mais elle doit également satisfaire aux exigences de l’espèce quant à la
structure et à la composition du paysage. Pour cela, il apparaît nécessaire d’identifier les
déterminants paysagers conditionnant la présence de l’espèce en passant d’une approche
ciblée sur des sites à une approche régionale.
113
Chapitre 3
114
Chapitre 4
CHAPITRE 4
INFLUENCE DE FACTEURS PAYSAGERS SUR LA PRESENCE DU
SONNEUR A VENTRE JAUNE ET MODELISATION DE LA
QUALITE DE L’HABITAT A UNE ECHELLE REGIONALE
115
Chapitre 4
116
Chapitre 4
4. Chapitre 4 :
Influence de facteurs paysagers
sur la présence du Sonneur à ventre jaune et
modélisation de la qualité de l’habitat à une échelle
régionale
4.1. Introduction
L’identification des caractéristiques paysagères qui conditionnent la présence d’une
espèce menacée constitue un point crucial pour la mise en place de programmes de
conservation efficaces. Il est, en effet, indispensable de comprendre les relations qu’une
espèce entretient avec son environnement, pour trouver des mesures de conservation adaptées.
La protection d’une espèce dans une zone géographique donnée nécessite de bien connaître, à
la fois sa distribution dans cette zone, et ses exigences écologiques. Des techniques de
modélisation prédictives ont été développées, pour identifier les facteurs limitants pour le
maintien d’une espèce et pour localiser les zones qui lui sont favorables (Rushton et al. 2004).
Les modèles obtenus à partir de ces techniques constituent des outils précieux pour planifier
les actions de gestion conservatoire.
Deux approches sont utilisées pour modéliser les relations espèce-habitat. La première,
qui est la plus couramment employée, consiste à comparer des sites de présence et d’absence
(« utilisé » contre « non-utilisé »), tandis que la seconde consiste à comparer des sites de
présence à des sites disponibles (« utilisé » contre « disponible ») (Manly et al. 2002), c’est-àdire sans prendre en compte l’absence de l’espèce.
S’il est généralement facile d’attester la présence d’une espèce, son absence est, en
revanche, beaucoup plus difficile à démontrer (Kéry 2002, MacKenzie et al. 2002). Or, les
plans de conservation des espèces sont souvent appliqués à une échelle régionale, c’est-à-dire
sur une étendue relativement importante et les données sont généralement récoltées avec un
effort d’échantillonnage non réparti équitablement sur la zone étudiée. Il est donc difficile de
prendre en compte l’absence d’une espèce, et seules les données de présence sont alors
exploitables.
117
Chapitre 4
Une augmentation de la puissance des ordinateurs, associée au développement des
Systèmes d’Informations Géographiques, ont augmenté les possibilités d’inférence à partir de
données de « présence seule ». Des méthodes récentes, fondées sur le concept de niche
écologique (Hutchinson 1957), ont été développées pour modéliser la qualité de l’habitat
d’une espèce, sur la base de variables éco-géographiques et en utilisant uniquement des
données de présence (Guisan et Zimmermann 2000, Hirzel et al. 2002, Farber et Kadmon
2003, Pearce et Boyce 2006, Elith et al. 2006).
Parmi ces méthodes, l’Analyse Factorielle de la Niche Ecologique (ENFA; Hirzel et al.
2002) a été utilisée sur divers taxons : plantes (Zaniewski et al. 2002), insectes (Gallego et al.
2004, Chefaoui et al. 2005), oiseaux (Hirzel et al. 2004, Olivier et Wotherspoon 2006,
Braunisch et al. 2008), mammifères (Sattler et al. 2007, Praca et Gannier 2008). Bien qu’elle
s’est avérée efficace pour exploiter les données de présence seules sur de nombreuses espèces,
l’ENFA a été très peu utilisée sur des amphibiens.
De manière générale, peu d’études ont visé à modéliser la qualité de l’habitat
d’amphibiens, à une échelle régionale (superficie supérieure à 10 000 km²), avec une
résolution relativement fine (inférieure à 1 km x 1 km) (Soares et Brito 2007). Ceci est
probablement dû au fait que la plupart des modèles prédictifs établis pour les amphibiens ont
été focalisés sur les sites aquatiques. Or, il s’avère souvent difficile, voire impossible,
d’obtenir des données aussi précises à une échelle régionale.
Dans le cas du Sonneur à ventre jaune, qui pond dans des sites aquatiques qui sont
généralement de petite taille et temporaires (Barandun et Reyer 1997a, Gollmann et al. 1999),
la prise en compte des mares pour identifier des zones favorables à l’espèce sur une grande
superficie semble difficilement envisageable. Cependant, comme nous l’avons vu dans le
chapitre 3, la sélection de l’habitat par le Sonneur à ventre jaune peut être vue
hiérarchiquement et le contexte paysager semble particulièrement important pour expliquer
l’occurrence de l’espèce localement. Aussi, des variables paysagères pourraient avoir un
impact important sur la qualité de l’habitat à une échelle plus fine et elles pourraient
déterminer en grande partie les potentialités d’un site à accueillir l’espèce à cette échelle.
L’objectif de ce chapitre est de modéliser la qualité de l’habitat du Sonneur à ventre
jaune à une échelle régionale et avec une résolution fine. En nous focalisant sur des variables
éco-géographiques en rapport avec la topographie, l’occupation des sols et le réseau
hydrographique, nous avons tenté de répondre aux deux questions suivantes :
118
Chapitre 4
i)
Quelles sont, parmi ces variables, celles qui caractérisent un habitat favorable au Sonneur
à ventre jaune ?
ii)
Est-il possible de prédire la qualité de l’habitat, c’est-à-dire les potentialités d’accueil de
l’espèce, à une échelle régionale, en se basant sur ces variables ?
Pour cela, l’ENFA a d’abord été utilisée comme une méthode explicative (Basille et al.
2008) nous permettant d’extraire les caractéristiques paysagères déterminant la présence du
Sonneur à ventre jaune, puis elle nous a permis de construire une carte de qualité de l’habitat
(Hirzel et al. 2002) avec une résolution relativement fine, afin de visualiser les zones
susceptibles d’accueillir des populations de Sonneur à ventre jaune dans la région étudiée.
Enfin, la robustesse de ce modèle prédictif de qualité de l’habitat a été estimée à l’aide d’une
méthode récente de validation croisée adaptée aux approches basées sur des données de
présence seule (Boyce et al. 2002, Hirzel et al. 2006).
4.2. Matériel et Méthodes
4.2.1.
Données de répartition et variables éco-géographiques
La zone étudiée se situe en limite nord ouest de l’aire de répartition du Sonneur à ventre
jaune. Il s’agit d’un rectangle de 140 km x 80 km (11 200 km²), recouvrant en partie les
départements de l’Aisne, de la Seine-et-Marne, de la Marne, des Ardennes et de la Meuse
(voir § 3.2.1). La plupart des données de présence de l’espèce sont issues de prospections de
terrain réalisées en 2005, 2006 et 2007. D’autres données, récoltées depuis 2000 par les
bénévoles d’associations naturalistes et par diverses personnes ressources, y ont été ajoutées.
Les données retenues correspondent à des localisations géo-référencées d’observations d’un
ou de plusieurs individus adultes ou juvéniles. Un total de 293 données de présence ont été
ainsi récoltées (Figure 4-1).
119
Chapitre 4
Figure 4-1 : Répartition des 293 localisations de Sonneurs à ventre jaune (points jaunes) utilisées pour l’ENFA
et zoom sur le maillage montrant plusieurs cellules de 400 mètres occupées par l’espèce (cellules jaunes).
120
Chapitre 4
La préparation des variables et des cartes utilisées pour l’analyse a été réalisée à l’aide du
logiciel ArcView 3.2 (Esri, Redlands, CA, USA). La zone d’étude a été divisée en 71 000
cellules carrées de 400 mètres de côté (Figure 4-1). La surface couverte par une cellule
correspond approximativement à l’amplitude des déplacements réalisés par les individus au
cours d’une année (Barandun 1995, Abbühl et Durrer 1996, Gollmann et al. 2000 ; voir
chapitre 2). Les localisations de présence du Sonneur à ventre jaune ont donc été converties
en une grille, dans laquelle 187 cellules étaient occupées par l’espèce.
Dix variables éco-géographiques ont été mesurées dans chaque cellule (Tableau 4-I). Ces
variables sont supposées avoir une influence sur la distribution de l’espèce dans la zone
d’étude (Guisan et Zimmermann 2000). Pour les choisir nous nous sommes donc basés sur
nos connaissances personnelles de l’écologie de l’espèce et sur la littérature naturaliste.
Hormis pour celles qui étaient basées sur des distances, la plupart des variables ont été
mesurées dans un rayon de 2500 mètres autour de chaque cellule. Ce rayon est basé sur les
capacités potentielles de dispersion de l’espèce (Plytycz et Bigaj 1984, Seidel 1988,
Herrmann 1996 ; voir chapitre 2).
Tableau 4-I : Liste et description des variables éco-géographiques utilisées pour l’ENFA.
Echelle
Groupe
Variable
PENTE
Topographie ELEVATION
IndSol
FORET
Occupation
PRAIRIE
des sols
CULTURE
densHYDRO
disHYDROP15
Hydrographie
disPLANDEAU
disSOURCE
Description
pente en degrés
altitude en mètres
Indice d’exposition (Wilson et al. 2003)
proportion de zones boisées
proportion de prairies
proportion de cultures
densité de cours d'eau (toute largeur confondue)
distance aux cours d'eau de largeur >15 m
distance aux plans d'eau de superficie >2 ha
distance aux sources
cellule
rayon de
2500 m
X
X
X
X
X
X
X
Le premier groupe de variables concerne la topographie. Dans son aire de répartition, le
Sonneur à ventre jaune est surtout rencontré dans les zones de plaine ou de moyenne
montagne, au relief relativement accidenté (Szymura et Gollmann 1996). Le relief a donc été
pris en compte en calculant une moyenne des pentes dans un rayon de 2500 mètres autour de
la cellule (PENTE). De plus, l’altitude moyenne (ELEVATION) et un indice d’exposition
121
Chapitre 4
(IndSol), prenant en compte à la fois la pente et l’exposition par rapport au nord, ont été
calculés à une résolution de 400 mètres (Wilson et al. 2003 ; voir § 3.2.3).
Le deuxième groupe rassemble trois variables traitant de l’occupation des sols, dans un
rayon de 2500 mètres. Dans la zone d’étude, l’espèce est le plus fréquemment observée en
forêt et plusieurs populations sont connues dans des prairies. Au contraire, les cultures
pourraient constituer des milieux inhospitaliers, comme pour d’autres espèces d’amphibiens
(Knutson et al. 1999, Joly et al. 2001, Gallant et al. 2007). Les proportions de forêts, de
prairies et de cultures ont donc été calculées à partir de la base de données CORINE land
cover (Ifen 2005).
Le troisième groupe de variables concerne l’hydrographie. La distribution du Sonneur à
ventre jaune semble liée au réseau hydrographique dans plusieurs régions et certaines
populations s’établissent dans le lit majeur de grands cours d’eau (p.ex. Parent 1983, Joly et
Morand 1994, Thomas 2000). De plus, dans le nord et l’est de la France, le Sonneur à ventre
jaune semble absent des secteurs forestiers riches en grands étangs (p.ex. Parent 2004). Enfin,
certains auteurs considèrent les sources comme un habitat « primaire » pour l’espèce (p.ex.
Parent 1979). Pour chaque cellule, nous avons donc calculé : la somme des linéaires de cours
d’eau de tous gabarits dans un rayon de 2500 mètres ; la distance aux cours d’eau de plus de
15 mètres de largeur ; la distance aux plans d’eau de plus de 2 ha et la distance aux sources.
4.2.2.
Identification des caractéristiques paysagères influençant la présence
du Sonneur à ventre jaune
Nous avons utilisé l’ENFA pour extraire les caractéristiques paysagères influençant la
présence du Sonneur à ventre jaune, en nous basant sur les variables éco-géographiques
décrites précédemment. L’ENFA est une méthode fondée sur le concept de la niche
écologique, développé par Hutchinson (1957) (voir Annexe 2). Elle permet d’extraire
plusieurs axes factoriels qui résument l’information contenue dans les données. Cependant,
contrairement à celui obtenu avec une Analyse en Composantes Principales, le premier axe de
l’ENFA ne maximise pas la variance de la distribution : il maximise la marginalité, c’est-àdire l’éloignement entre le barycentre de l’espace utilisé (nuage de points formé par les
valeurs des cellules où l’espèce est présente dans l’espace des variables éco-géographiques) et
celui de l’espace disponible (nuage de points formé par les valeurs de l’ensemble des cellules
122
Chapitre 4
de la zone d’étude). Les autres facteurs extraits maximisent l’étroitesse de la niche écologique
ou, mathématiquement, le rapport de la variance de l’espace disponible sur la variance de
l’espace utilisé (Hirzel et al. 2002). Une valeur élevée pour le premier axe (marginalité)
indique que l’espèce est rencontrée dans des conditions environnementales qui s’éloignent des
conditions moyennes (i.e. qu’elle recherche des conditions environnementales bien
particulières), tandis que des valeurs propres élevées pour les axes suivants (axes de
spécialisation), indiquent que l’espèce est peu tolérante à une variation des variables écogéographiques qui contribuent à ces axes (i.e. l’espèce se maintient dans une gamme étroite
des valeurs de ces variables).
L’ENFA est peu sensible aux écarts à la normalité des distributions des variables écogéographiques utilisées. Cependant, l’analyse est optimale lorsque la distribution de ces
variables est proche de la normalité (Hirzel et al. 2002). Elles ont donc été transformées en
utilisant la fonction racine carrée ou l’algorithme Box-Cox pour que leur distribution soit plus
proche d’une distribution normale (Legendre et Legendre 1998). Les corrélations potentielles
qui peuvent exister entre les variables éco-géographiques ne constituent pas un problème pour
l’ENFA (Hirzel et al. 2002). Cependant ces corrélations ont été prises en compte dans
l’interprétation des axes de spécialisation (Basille et al. 2008).
Dans un premier temps, les axes qui expliquaient la majeure partie de l’information ont
été choisis en examinant le diagramme des valeurs propres. Puis, l’étude des particularités de
la niche écologique de l’espèce a été réalisée en examinant les « biplots » (Basille et al. 2008),
projections
de
l’espace
écologique
utilisé
(niche
écologique)
et
des
variables
environnementales dans un plan formé par l’axe de marginalité et un axe de spécialisation.
Les biplots permettent d’interpréter la marginalité et la spécialisation de l’espèce par rapport
aux variables intégrées dans l’analyse.
Ensuite, un test de Monte-Carlo a été utilisé pour tester la significativité de la marginalité
et des valeurs propres des axes de spécialisation retenus. Toutes ces analyses ont été réalisées
avec le paquetage adehabitat (Calenge 2006) du logiciel R version 2.7.0 (R Development
Core Team 2008).
123
Chapitre 4
4.2.3.
Constrution d’une carte de qualité de l’habitat
Cette partie de l’analyse a été conduite avec le logiciel BioMapper (Hirzel et al. 2007).
Une ENFA a été de nouveau réalisée avec les 10 variables éco-géographiques utilisées dans
l’analyse précédente et la grille contenant les cellules utilisées par le Sonneur à ventre jaune.
La sélection des axes utilisés pour construire la carte de qualité de l’habitat a été réalisée en
comparant la distribution des valeurs propres obtenues à celle du « bâton brisé » de Mac
Arthur (‘Mac-Arthur’s broken-stick’, Jackson 1993, Legendre et Legendre 1998, Hirzel et al.
2002). Pour cela Frontier (1976) a proposé de comparer la décroissance des valeurs propres à
une décroissance issue de données aléatoires. Dans ce modèle, la somme des valeurs propres
(variance totale) est considérée équivalente au bâton dans le modèle du bâton brisé de Mac
Arthur. Son unité vaut 1. Le bâton est brisé aléatoirement en q segments, ce qui signifie dans
notre cas que la variance totale est répartie aléatoirement dans les q vecteurs propres. Les
valeurs attendues (E) (valeurs propres « théoriques ») pour chaque vecteur propre yi sont
données par ordre décroissant, par :
avec i = 1, 2 …, q. Les valeurs propres observées sont considérées interprétables si elles
excèdent celles attendues dans la distribution du bâton brisé.
Cette fonction, implémentée dans le logiciel BioMapper, permet de retenir objectivement
les axes exploitables pour construire une carte de qualité de l’habitat. Plusieurs algorithmes
peuvent ensuite être utilisés pour construire la carte de qualité d’habitat avec BioMapper.
L’algorithme de la moyenne géométrique a été choisi car il s’avère efficace pour modéliser
les patrons de distribution complexes, qui peuvent notamment émerger lorsque les espèces
utilisent des habitats sub-optimaux ou plusieurs types d’habitats différents. De plus, cet
algorithme représente un bon compromis entre précision et généralité pour construire un
modèle (Guisan et Zimmermann 2000, Hirzel et Arlettaz 2003). Dans notre cas, ce choix se
justifie surtout par le fait que, lors des prospections sur le terrain, le Sonneur à ventre jaune a
été rencontré dans au moins deux types d’habitats très différents : des ornières forestières et
des zones de sources en prairies.
124
Chapitre 4
L’algorithme permet d’obtenir un indice de qualité de l’habitat, compris entre 0 et 100,
pour chaque cellule de la zone d’étude.
4.2.4.
Evaluation du modèle
La robustesse du modèle prédictif de qualité de l’habitat a été évaluée en examinant la
courbe du rapport « prédit sur attendu » et en calculant l’indice continu de Boyce (Boyce et
al. 2002, Hirzel et al. 2006). Cette approche permet d’estimer la fiabilité d’une carte de
qualité de l’habitat établie à partir de données de présences seules, sans utiliser un échantillon
de localisations indépendantes (Hirzel et al. 2006). Contrairement à la plupart des mesures qui
évaluent la capacité d’un modèle à prédire les présences et les absences, l’indice continu de
Boyce évalue sa capacité à prédire, de manière constante, plusieurs classes de qualité de
l’habitat. La démarche suivie pour réaliser cette évaluation est expliquée ci-dessous.
Les données de présence sont d’abord partagées en k sous-échantillons indépendants et k1 sous-échantillons sont utilisés pour calibrer le modèle, tandis que le sous-échantillon restant
est utilisé pour le valider (i.e. les valeurs de Fi sont calculées à partir des cellules de ce souséchantillon dit « d’évaluation »). L’opération est répétée k fois, avec un sous-échantillon
d’évaluation différent à chaque répétition. Le nombre k de partitions a été choisi en appliquant
la règle d’Huberty (Fielding et Bell 1997), implémentée dans le logiciel BioMapper. Cette
règle permet de choisir le rapport entre le nombre de classes de calibration et d’évaluation en
appliquant la formule suivante : 1/(1 + √(V - 1)), avec V le nombre de variables écogéographiques (Fielding et Bell 1997). Dans notre cas, avec 10 variables éco-géographiques,
quatre partitions des données ont été retenues. Le rapport « prédit sur attendu » (Fi ) est
ensuite calculé en suivant les trois étapes suivantes :
(1) calcul de la fréquence des cellules de présence prédites par le modèle (Pi) pour chaque
classe de qualité d’habitat i :
Pi = pi / Σ pj
avec pi le nombre de points d’évaluation que le modèle attribue à la classe de qualité d’habitat
i et Σ pj le nombre total de points d’évaluation ;
(2) calcul de la fréquence attendue pour une distribution aléatoire des cellules de présence
(Ai), qui revient à calculer la surface relative couverte par chaque classe de qualité d’habitat i :
125
Chapitre 4
Ai = ai / Σ aj
avec ai le nombre de cellules appartenant à la classe de qualité d’habitat i et Σ aj le nombre
total de cellules de la zone d’étude ;
(3) calcul du rapport de ces deux fréquences pour une valeur de qualité d’habitat i :
Fi = Pi / Ai
La courbe du rapport prédit sur attendu est obtenue à l’aide d’une « fenêtre mouvante »
(Hirzel et al. 2006) qui se déplace sur la distribution des valeurs de l’indice de qualité
d’habitat (comprises entre 0 et 100) en partant des valeurs les plus faibles vers les valeurs les
plus élevées. Dans notre cas, cette fenêtre comprend 20 unités. La première fenêtre englobe
l’intervalle de qualité d’habitat [0,20], et le rapport Fi est calculé pour la moyenne de cette
fenêtre (i = 10). Puis la fenêtre est déplacée d’une unité (intervalle [1,21]). Le calcul de Fi est
répété à chaque déplacement de la fenêtre jusqu’au dernier intervalle et à la dernière valeur de
i possibles (intervalle [80,100], i = 90).
Lorsque le modèle est fiable, peu de cellules où l’espèce est présente obtiennent une
valeur faible de l’indice de qualité de l’habitat : pour une valeur faible de i, Fi < 1. Au
contraire, la plupart des cellules de présence auront un indice i élevé : pour une valeur i
élevée, Fi > 1. Dans le cas d’un mauvais modèle, les fréquences prédites sont peu différentes
des fréquences aléatoires et Fi est constant et proche de 1 pour toutes les valeurs de l’indice
de qualité d’habitat. La courbe des valeurs de Fi contre les valeurs i de l’indice de qualité de
l’habitat est donc plate. Au contraire, pour un bon modèle, la courbe augmente régulièrement
au-dessus de 1.
L’indice continu de Boyce (Bcont) est une mesure qui rend compte de cette augmentation
de la courbe. Il s’agit d’un coefficient de corrélation de Spearman qui mesure la corrélation
entre Fi et i (Boyce et al. 2002, Hirzel et al. 2006). Cet indice varie entre -1 et 1 : une valeur
positive indique que le modèle prédictif est en accord avec la distribution des données de
présence dans la zone d’étude (Fi augmente, courbe ascendante) ; une valeur proche de zéro
indique que le modèle n’est pas différent d’un modèle aléatoire (Fi constant, courbe plate) ;
une valeur négative indique que le modèle est incorrect (Fi diminue, courbe descendante).
126
Chapitre 4
4.3. Résultats
4.3.1.
Facteurs paysagers influençant la présence du Sonneur à ventre jaune
Après avoir examiné le diagramme des poids des facteurs obtenus, quatre axes ont été
retenus pour interpréter les caractéristiques de l’espace écologique utilisé par le Sonneur à
ventre jaune. Ces quatre axes de spécialisation expliquent 89.5% de l’information. Les biplots
ont ensuite été utilisés pour interpréter à la fois la marginalité et la spécialisation (Figure 4-2).
Chacun des biplots représente le plan formé par l’axe de marginalité (X) et l’un des quatres
axes de spécialisation retenu (Y).
D’après les biplots (Figure 4-2), l’habitat utilisé est nettement différenciable des
conditions environnementales moyennes disponibles dans la zone d’étude. En effet, le
barycentre de la niche écologique est très éloigné de celui de l’espace écologique disponible,
ce qui traduit une marginalité importante. L’examen du tableau des contributions des
variables aux axes (Tableau 4-II) indique que cette marginalité est expliquée essentiellement
par (en ordre décroissant de leur contribution) : la proportion de forêts, la proportion de
cultures, l’altitude, les pentes et la distance aux sources. Les valeurs des cellules occupées par
le Sonneur à ventre jaune diffèrent des valeurs moyennes de la zone d’étude pour ces
variables : la présence de l’espèce est donc reliée à la disponibilité en forêts, à une faible
superficie cultivée, une altitude importante (comparée à l’altitude moyenne de la zone
d’étude), à un relief accidenté et à la proximité de sources.
Les deux premiers axes de spécialisation prennent en compte essentiellement : la
proportion des forêts, la proportion des cultures, la proportion des prairies et la densité du
réseau hydrographique. Cependant, la proportion des forêts et la proportion des cultures sont
fortement corrélées négativement (ρpearson = -0.84) et leur contribution à un même niveau sur
ces deux axes est donc en grande partie réduite. La spécialisation concerne par conséquent
essentiellement la proportion de prairies et la densité du réseau hydrographique. Le Sonneur à
ventre jaune occupe une étendue restreinte des valeurs de ces variables, ce qui indique une
forte spécialisation pour un paysage comportant une superficie en prairie relativement
importante et un réseau hydrographique dense. Le troisième axe de spécialisation exprime
majoritairement une sensibilité de l’espèce vis-à-vis de la distance aux sources et de la
127
Chapitre 4
proportion de forêts. Enfin, le quatrième axe représente surtout une spécialisation pour
l’altitude et la densité du réseau hydrographique. L’indice d’exposition, la distance aux grands
cours d’eau et la distance aux grands plans d’eau contribuent relativement peu à la marginalité
et à la spécialisation.
A
B
V
C
D
Figure 4-2 : Biplots de l’ENFA dans les plans formés par l’axe de marginalité (X) et successivement chacun
des quatres axes de spécialisation retenus (Y). A : axe de marginalité et de spécialisation 1. B : axe de
marginalité et de spécialisation 2. C : axe de marginalité et de spécialisation 3. D : axe de marginalité et de
spécialisation 4. Le polygone gris foncé représente l’espace écologique utilisé par le Sonneur à ventre jaune
(niche écologique), tandis que le polygone gris clair correspond à l’espace écologique disponible. Le diagramme
des valeurs propres des axes de spécialisation est représenté en dessous à gauche de chaque biplot. Il montre les
quatre axes retenus (en gris) et l’axe de spécialisation représenté (en noir).
128
Chapitre 4
Tableau 4-II : Contributions des variables à l’axe de marginalité et aux quatres axes de spécialisation retenus.
Les valeurs entre parenthèses correspondent aux valeurs propres des axes. Les variables sont rangées par ordre
décroissant en fonction de la valeur absolue de leur coefficient sur l’axe de marginalité. Pour l’axe de
marginalité, les contributions des variables qui sont positives, indiquent que l’espèce « préfère » des valeurs plus
élevées pour ces variables que la moyenne de leurs valeurs dans l’espace disponible. Pour les axes de
spécialisation, des valeurs élevées (quelquesoit le signe du coefficient) indiquent que l’espèce occupe une
étendue restreinte de la distribution des valeurs de ces variables (« étroitesse de la niche »).
Variables
Description
FORET
ELEVATION
CULTURE
PENTE
disSOURCE
PRAIRIE
densHYDRO
disHYDROP15
IndSol
disPLANDEAU
% de forêts
Altitude (m)
% de cultures
Pentes
Distance aux sources
Proportion de prairies
Densité du réseau hydro.
Distance cours d’eau >15m
Indice d’exposition
Distance plans d’eau >2ha
4.3.2.
Marginalité
Spéc. 1
Spéc. 2
Spéc. 3
Spéc. 4
0.52
0.44
- 0.44
0.38
- 0.32
0.21
0.19
- 0.07
0.06
0.00
- 0.54
- 0.03
- 0.76
0.14
- 0.01
- 0.22
- 0.25
0.02
- 0.01
0.07
- 0.47
- 0.04
- 0.65
0.01
0.08
- 0.42
0.39
- 0.10
0.00
0.01
0.66
- 0.32
- 0.07
- 0.05
0.55
0.09
- 0.13
0.32
- 0.12
- 0.05
0.39
- 0.47
0.34
0.36
- 0.26
0.01
- 0.42
- 0.19
- 0.01
- 0.31
Modélisation de la qualité de l’habitat
En comparant la décroissance des valeurs propres à la distribution du bâton brisé de Mac
Arthur, sept axes de spécialisation ont été retenus avec le logiciel BioMapper pour construire
le modèle prédictif. Sur la carte de qualité de l’habitat obtenue (Figure 4-3), les collines
forestières de la zone d’étude constituent globalement des taches d’habitat favorables, tandis
que les zones de cultures sont toutes défavorables. Plusieurs zones indiquées favorables par le
modèle ne sont néanmoins pas occupées, alors qu’à l’inverse, certaines localités de présence
se trouvent dans des cellules classées non favorables.
4.3.3.
Évaluation du modèle
L’indice continu de Boyce, obtenu pour ce modèle prédictif est de 0.758 ± 0.087, ce qui
suggère que le modèle est bien ajusté et que ses prédictions sont relativement fiables. La
courbe prédit/attendu a une ascension de forme logistique, avec un premier pallier au niveau
des valeurs 25 à 50 de l’indice de qualité de l’habitat, puis elle a une ascension régulière
jusqu’à la valeur de 80 (Figure 4-4). La déviation standard, relativement peu importante,
129
Chapitre 4
indique une stabilité dans les prédictions, mis à part pour les valeurs les plus importantes de
l’indice de qualité de l’habitat (i > 80). Sur la base de cette courbe, il est possible de définir
plusieurs catégories dans les valeurs de l’indice de qualité de l’habitat, permettant une
meilleure interprétation de la carte (Figure 4-3). Nous en avons retenu quatre : [0,10], habitat
non favorable ; [11,50], habitat marginal ; [51,80], habitat favorable (sub-optimal) ; [81,100],
habitat optimal.
Rapport
Prédit/Attendu
(Fi)
Qualité de l’habitat (i)
Figure 4-3 : Courbe de la qualité de l’habitat en fonction du rapport prédit/attendu (moyenne ± SD). La ligne
rouge en pointillés représente la courbe d’un modèle totalement aléatoire (Fi = 1).
130
Chapitre 4
Figure 4-4 : Carte de qualité de l’habitat (‘Habitat Suitability map’) obtenue avec l’ENFA. L’indice de qualité
de l’habitat a été reclassé en quatre catégories à partir de la courbe du rapport prédit/attendu (Figure 4-3).
131
Chapitre 4
4.4. Discussion
4.4.1.
Quelles sont les variables paysagères influençant la présence du
Sonneur à ventre jaune ?
Cette analyse, fondée sur le concept de niche écologique, a permis de confirmer
l’importance de plusieurs groupes de variables paysagères et de quantifier leur influence
potentielle sur la distribution des populations du Sonneur à ventre jaune. À notre
connaissance, il s’agit de la première étude permettant d’identifier des facteurs paysagers
influençant sa présence. Les résultats ont montré que, dans la zone étudiée, le Sonneur à
ventre jaune utilise préférentiellement des zones forestières, au relief accidenté, localisées à
proximité des sources, tandis qu’il tend à éviter les surfaces cultivées. Les paysages dans
lesquels le Sonneur à ventre jaune était présent sont généralement constitués de collines sur
lesquelles se trouvent des forêts alternant avec des zones de prairies. Nos résultats montrent
également une part de spécialisation pour la proportion de prairie, la densité du réseau
hydrographique et la distance par rapport aux sources.
Cette spécialisation pour la densité du réseau hydrographique et pour une faible distance
aux sources constitue un résultat intéressant, puisqu’il confirme des hypothèses qui ont été
émises par plusieurs naturalistes, dont Parent (1979). Cet auteur considérait les noues des
rivières et les sources comme des habitats « primaires » pour l’espèce dans le nord de son aire
de répartition européenne. En Wallonie notamment, l’espèce était encore rencontrée dans ces
deux biotopes avant qu’elle ne soit considérée comme quasi éteinte (de Wavrin 2007). Les
sources peuvent être utilisées par le Sonneur à ventre jaune pour la reproduction. Cependant,
ceci n’a été observé que très rarement dans la zone étudiée. La liaison qui semble exister entre
la présence du Sonneur à ventre jaune et la proximité de sources pourrait avoir une autre
explication : les sources pourraient constituer des refuges, en particulier au moment de
l’assèchement des milieux aquatiques temporaires utilisés pour la reproduction. En effet, ces
derniers étant hautement instables, la persistance du Sonneur à ventre jaune dans un paysage
pourrait dépendre fortement de l’existence de milieux aquatiques permanents. Dans plusieurs
132
Chapitre 4
localités de présence prospectées, des individus ont été observés dans des zones de sources
dans lesquelles aucun indice de reproduction n’a été trouvé. Ces sources utilisées étaient, par
ailleurs, situées à proximité de milieux aquatiques temporaires utilisés pour la reproduction.
D’ailleurs, durant le suivi mené par Capture-Marquage-Recapture dans le massif forestier de
la Croix-aux-Bois, l’année 2006 a été peu pluvieuse. Alors que la plupart des sites de
reproduction étaient à sec, plusieurs individus ont été trouvés dans des zones de sources ou
dans des petits ruisseaux proches de leurs sites habituels de reproduction.
4.4.2.
Où le Sonneur à ventre jaune peut-il s’établir dans la région étudiée ?
La carte de qualité de l’habitat construite à partir de l’ENFA montre que les zones les
plus favorables au Sonneur à ventre jaune se situent dans les collines forestières (p.ex.
l’Argonne, la Montagne de Reims, le Tardenois). L’habitat est beaucoup plus fragmenté à
l’ouest et les cellules utilisées se trouvent généralement dans un habitat marginal (prairies,
petits bois…).
L’espèce n’a pas été trouvée dans certaines grandes forêts qui ont pourtant obtenu un
indice de qualité de l’habitat favorable. Des prospections dans ces localités pourraient peutêtre permettre de découvrir de nouvelles populations. Cependant, l’espèce pourrait aussi être
absente de ces zones, bien que favorables, si elles sont isolées par rapport aux populations les
plus proches ou si l’habitat n’est pas favorable localement.
La vaste plaine cultivée, située au centre de la région étudiée (Champagne Crayeuse),
semble particulièrement inhospitalière en raison de la rareté des forêts et des prairies, et de la
faible densité du réseau hydrographique. De plus, des prospections réalisées dans cette zone
ont montré que les sites aquatiques temporaires y sont très rares.
Le modèle a prédit une mauvaise qualité de l’habitat dans des zones où l’espèce était
présente sur la frange ouest de la zone d’étude. Contrairement à la majorité des autres
localisations, ces dernières se trouvaient dans des contextes paysagers comportant un faible
recouvrement forestier (superficies de prairies importantes) et il s’agissait donc d’un habitat
très peu représenté dans la région. À l’inverse, la qualité de l’habitat prédite par le modèle
était parfois assez faible (habitat « marginal ») au cœur de certains grands massifs forestiers,
où le Sonneur à ventre jaune était néanmoins présent (en particulier dans l’Argonne, à l’est de
133
Chapitre 4
la zone d’étude). Dans ce cas, le biais pourrait venir du fait que la majorité des localisations
ont été obtenues en lisière des grands massifs forestiers et qu’il existait sans doute une
occupation des sols hétérogène dans un rayon de 2500 mètres autour de la plupart des cellules
utilisées. Les cellules ayant obtenu 100% de proportion de forêt dans un rayon de 2500 mètres
ont donc pu être considérés comme peu favorables pour l’espèce, en raison de cette
homogénéité du paysage. Il semble donc que la présence du Sonneur à ventre jaune soit
associée à un paysage hétérogène comportant à la fois de grandes superficies en forêts et en
prairies.
4.4.3.
Critiques et améliorations possibles du modèle
Le modèle a permis l’élaboration d’une carte de qualité de l’habitat relativement précise.
Néanmoins, nous pouvons y apporter quelques critiques.
Tout d’abord, étant issues de plusieurs sources (associations naturalistes et nos
prospections), les localisations ont été recueillies sans utiliser un plan d’échantillonnage
clairement défini. L’ENFA est réputée robuste pour traiter ce type de données mais une
recherche moins intensive de l’espèce ou sa moins bonne détectabilité dans des habitats non
forestiers, tels que les prairies, pourraient avoir contribué à biaiser les résultats en attribuant
davantage d’importance aux forêts. Néanmoins, étant donné notre connaissance de l’espèce et
du terrain étudié, ce biais potentiel a sans doute été très faible.
Par ailleurs, l’existence de « clusters » dans les données de répartition aurait pu
également contribuer à biaiser l’analyse en entraînant une dépendance spatiale dans les
données. En effet, les données récoltées étaient agrégées spatialement. La présence de
l’espèce dans une cellule peut être due à une attirance entre les individus et non simplement à
la qualité de l’habitat. Toutefois, nous pouvons supposer que ceci a peu d’influence sur
l’ENFA, puisque les individus sélectionnent probablement un habitat de bonne qualité même
s’ils s’attirent entre eux. En réalité, la dépendance spatiale des données pourrait seulement
altérer la qualité de la procédure de validation en menant à des partitions non indépendantes
entre elles, ce qui se traduirait par une surestimation de la fiabilité du modèle. Cependant,
pour pallier à ce problème, le logiciel BioMapper réalise, par défaut, un partitionnement
géographique des données : la zone d’étude est divisée en k sections contenant le même
nombre de cellules occupées (Hirzel et al. 2007), ce qui a pour avantage d’effacer en grande
134
Chapitre 4
partie la dépendance spatiale des données. La présence de clusters a donc probablement eu un
impact faible sur les résultats obtenus.
D’autre part, la région étudiée étant située en limite de l’aire de répartition, il est possible
que l’espèce occupe, en partie, des habitats marginaux, ce qui aurait pu compliquer l’analyse.
Ce problème a été mentionné dans quelques études utilisant l’ENFA (p.ex. Sachot 2002) et
des algorithmes ont été proposés pour y remédier (Braunisch et al. 2008). Ces algorithmes ont
été testés sur notre jeu de données, mais les résultats obtenus étaient toujours moins bons
qu’en utilisant l’algorithme de la moyenne géométrique. Ainsi, nous pouvons considérer que
nous avons utilisé l’algorithme le mieux adapté à notre jeu de données.
Parmi les améliorations envisageables, il pourrait être intéressant d’incorporer dans
l’analyse d’autres variables potentiellement importantes pour le Sonneur à ventre jaune. En
premier lieu, des facteurs édaphiques tels que la perméabilité du sol permettraient sans doute
d’améliorer les prédictions. En effet, l’existence de la majorité des sites aquatiques
temporaires utilisés par l’espèce dépend de la capacité du sol à retenir l’eau en surface. La
nature du substrat pourrait donc constituer un bon indicateur de la présence de sites
aquatiques disponibles pour l’espèce. En plus de la perméabilité du sol, l’existence de sites
aquatiques favorables au Sonneur à ventre jaune est étroitement liée à une dynamique de
perturbations, d’origine naturelle ou anthropique (Barandun et Reyer 1997a) : les mares
utilisées par le Sonneur à ventre jaune sont généralement nouvellement créées ou
régulièrement renouvelées (p.ex. par le passage des machines lors du débardage en forêt). La
prise en compte de ces régimes de perturbation pourrait apporter des informations
complémentaires pour estimer la qualité de l’habitat. Enfin, dans notre étude, la connectivité
n’a pas été prise en compte. Or la présence de l’espèce dans une localité peut être fortement
liée à la qualité de la matrice paysagère, i.e. aux possibilités de déplacements des individus
dans le paysage (Joly et al. 2001, 2003, Ray et al. 2002). Il pourrait donc être utile de
considérer les barrières et les corridors potentiels autour de chaque cellule pour estimer leur
effet sur la présence du Sonneur à ventre jaune.
Cette analyse constitue une première étape dans l’identification des zones d’intérêt pour
le Sonneur à ventre jaune ou pour le choix des sites à gérer en priorité. La démarche employée
est hiérarchique, puisqu’elle se base sur des mesures réalisées à une échelle large pour prédire
les potentialités d’accueil de l’espèce à une échelle locale. Il peut ensuite être utile de vérifier
sur le terrain si l’habitat est localement favorable et, en particulier, s’il existe dans ces
localités des sites milieux aquatiques temporaires. En effet, bien que la qualité de l’habitat à
135
Chapitre 4
une échelle fine puisse être influencée par des facteurs paysagers, il peut arriver que l’habitat
soit localement peu favorable alors que le contexte paysager l’est potentiellement. Nous
pouvons citer un exemple pour illustrer ce propos. Il est intéressant de constater que l’une des
zones forestières jugée favorable par le modèle, mais dans laquelle aucune donnée de
présence n’a été récoltée dans le cadre de notre étude, hébergeait une population de Sonneur à
ventre jaune il y a une vingtaine d’années. D’après un agent de l’Office National des Forêts,
la disparition de cette population a coïncidé avec l’empierrement du site principal de
reproduction. Bien que le paysage ait peu évolué, la qualité du site serait devenue localement
peu favorable. Ceci montre l’intérêt d’estimer la qualité de l’habitat sur un spectre d’échelles
et non seulement à une échelle locale ou à une échelle paysagère (Cushman et McGarigal
2002).
Finalement, pour mieux estimer les capacités du modèle, il serait intéressant d’étudier sa
« transposabilité », en modélisant la qualité de l’habitat du Sonneur à ventre jaune dans
d’autres régions, avec les mêmes variables éco-géographiques. Par ailleurs, ces variables
paysagères d’intérêt, mises en évidence grâce à l’ENFA, pourraient être utilisées dans une
zone d’étude plus restreinte, avec une méthode statistique basée sur des données de présence
et d’absence (p.ex. GAM ou GLM), afin d’obtenir des résultats encore plus précis.
4.4.4.
Implications pour la conservation du Sonneur à ventre jaune
La grande originalité de cette approche est qu’elle a permis d’estimer la qualité de
l’habitat du Sonneur à ventre jaune à une échelle régionale avec une résolution fine, sans
prendre en compte les sites aquatiques utilisés par l’espèce. Les résultats de cette analyse
confirment l’importance du contexte paysager et la nécessité de le prendre en compte, aussi
bien dans les études de sélection de l’habitat que dans les programmes de conservation des
espèces d’amphibiens. L’étude de la spécialisation réalisée grâce à l’ENFA indique une
sensibilité potentielle du Sonneur à ventre jaune par rapport à des changements qui pourraient
toucher plusieurs facteurs paysagers. Ceci implique que l’espèce pourrait être affectée par les
changements induits par des perturbations anthropiques à une échelle relativement large.
Ainsi, une homogénéisation du contexte paysager et la disparition de certains éléments clés du
paysage pourraient être la cause majeure de régression de ses populations dans le nord de la
France. D’après les résultats obtenus, la réduction de la superficie en forêts, la disparition des
136
Chapitre 4
prairies au profit des cultures, le captage des sources et la modification du réseau
hydrographique (détournement des cours d’eau, canalisation) pourraient avoir des
conséquences très importantes sur la persistance de l’espèce.
Un modèle prédictif comme celui construit dans cette étude peut servir à la définition de
zones terrestres « tampons » prenant en compte l’habitat favorable d’une espèce autour des
sites aquatiques dans lesquels elle se reproduit (Dodd et Cade 1998, Semlitsch 1998, 2000,
2002). La carte de qualité de l’habitat peut aussi permettre d’orienter les prospections pour
chercher d’éventuelles populations non encore découvertes, ce qui peut s’avérer très utile pour
la réalisation des atlas de répartition, dont le but est de mieux connaître le statut d’une espèce
dans une région. Enfin, les cartes de qualité de l’habitat peuvent êtres utilement exploités pour
le choix de sites propices pour une réintroduction ou pour un renforcement de population
(Hirzel et al. 2004). Elles constituent donc un outil efficace de prise de décisions pour les
gestionnaires.
137
Chapitre 4
138
Discussion, conclusion et perspectives
DISCUSSION, PERSPECTIVES ET
CONCLUSION
139
Discussion, conclusion et perspectives
140
Discussion, conclusion et perspectives
5. Discussion, perspectives et conclusion
En s’intéressant à la fois aux processus locaux et paysagers influençant sa distribution et
à la dynamique de ses populations, ce travail apporte des connaissances nouvelles sur
l’écologie du Sonneur à ventre jaune. L’étude de l’utilisation et de la sélection de l’habitat a
été abordée avec deux approches différentes. La première repose sur le concept de
métapopulation qui est basé sur une vision simplifiée de l’hétérogénéité du paysage, en le
considérant constitué de taches d’habitats réparties dans une matrice paysagère neutre. En
utilisant cette approche dans un paysage en apparence homogène (massif forestier), nous
avons pu mettre en évidence l’importance de variables rarement prises en compte pour
expliquer les déplacements des individus et la colonisation de sites de reproduction. La
deuxième approche employée se situe davantage dans le champ de l’écologie du paysage. Elle
a consisté à identifier les variables influençant la présence de l’espèce à plusieurs échelles
d’observation. Ainsi, en apportant des informations complémentaires, ces deux approches ont
permis d’apporter une perspective paysagère à l’étude des relations espèce-habitat chez le
Sonneur à ventre jaune.
5.1. Apports de l’étude à la connaissance de l’écologie spatiale
et de la sélection de l’habitat du Sonneur à ventre jaune
5.1.1.
Mobilité et structure spatiale des populations (chapitre 2)
Le Sonneur à ventre jaune se reproduit dans des milieux aquatiques caractérisés par une
forte instabilité hydrique qui est déterminée par une dynamique de perturbations d’origine
naturelle ou anthropique (Seidel 1988, Barandun 1995). Cette instabilité suppose que l’espèce
soit capable de réagir rapidement face aux modifications entraînées par les perturbations, en
ayant notamment la capacité de se déplacer lorsqu’un milieu aquatique disparaît (Seidel
1988). Dans un article où il comparait les traits de vie du Crapaud calamite (Bufo calamita) à
ceux du Sonneur à ventre jaune, Morand (1997) écrivait : « … B. variegata est une espèce peu
141
Discussion, conclusion et perspectives
mobile et au déplacement lent, contrairement à B. calamita ». Par comparaison, le Crapaud
calamite est effectivement capable de se déplacer rapidement en courant, alors que le Sonneur
à ventre jaune se déplace, certes moins rapidement, en sautant à la manière d’une grenouille.
Cependant, nos résultats permettent de nuancer ces propos. En effet, au cours de l’étude des
patrons de déplacements des individus qui a été conduite durant trois années dans le massif
forestier de la Croix-aux-Bois avec la méthode de capture-marquage-recapture (CMR), nous
avons observé des déplacements réguliers des individus entre les patchs (groupes de mares)
répartis en taches dans le paysage. Plus précisément, 22% des individus recapturés se sont
déplacés entre ces patchs qui étaient espacés d’un minimum de 100 mètres les uns des autres,
ce qui suggère un comportement nomade. Plusieurs déplacements de plus de 1000 mètres et
un déplacement maximal de 3800 mètres ont également été observés. De plus, ce dernier
déplacement, ainsi qu’un autre d’une distance de 960 mètres, ont été détectés dans un
intervalle de temps de 15 jours seulement. Ces résultats montrent que le Sonneur à ventre
jaune dispose de bonnes capacités de déplacement et qu’il est capable de se déplacer
relativement rapidement et sur de longues distances. Il est donc fort probable que sa mobilité
ait été sous-estimée dans la plupart des précédentes études en raison soit d’un « effet
d’échelle » (i.e. d’une superficie étudiée trop petite pour détecter les déplacements de longue
distance), soit d’un contexte paysager peu propice aux déplacements. Ainsi, pour que les
résultats des futures études menées par CMR sur le Sonneur à ventre jaune et sur d’autres
amphibiens soient comparables, nous suggérons que les auteurs fournissent davantage
d’informations sur la surface de leur zone d’étude, sur les distances séparant les patchs suivis
et sur la structure du paysage.
Les résultats de ce chapitre 2 mettent également en évidence l’influence de la surface en
eau sur les déplacements qui a un effet sur le turn-over dans les patchs. En effet, le taux de
résidence est plus élevé et le taux d’émigration plus faible dans les grands patchs (c’est-à-dire
ceux ayant une surface en eau importante) que dans les petits patchs. De plus, l’occurrence
des déplacements entre deux patchs est influencée par la surface en eau du patch receveur, et
un groupe isolé de mares a une probabilité d’autant plus grande d’être colonisé par un
individu si sa surface en eau est importante. En revanche, dans notre terrain d’étude, le relief
avait un effet relativement faible sur les déplacements, comparé à la distance entre les patchs,
à la surface en eau et à leur interaction.
Enfin, à l’échelle du massif forestier de la Croix-aux-Bois, la structure spatiale de la
population de sonneurs ne correspond pas à celle d’une métapopulation classique en raison
142
Discussion, conclusion et perspectives
des déplacements fréquents observés au cours des trois années de l’étude. Il semble donc qu’à
l’échelle temporelle d’une génération de Sonneur à ventre jaune, l’ensemble des mares
étudiées soit probablement connecté par des déplacements réguliers d’individus. Dès lors, la
structure spatiale de la population de Sonneur à ventre jaune de la forêt de la Croix-aux-Bois
pourrait être assimilée à celle d’une population morcelée.
5.1.2.
Déterminants de l’occurrence dans les mares et dans les patchs
(chapitres 3)
Une approche multi-échelles, basée sur des modèles linéaires généralisés à effets mixtes
(GLMMs), a été utilisée pour étudier l’effet de variables écologiques mesurées à deux
échelles d’observation sur l’occurrence du Sonneur à ventre jaune. Les données ont été
recueillies sur le terrain à partir d’un plan d’échantillonnage « contraint », comprenant trois
échelles spatiales imbriquées : la mare, le patch (rayon 200 m) et le site (rayon 2500 m). Cette
approche a permis d’estimer les effets de variables mesurées à l’échelle de la mare et du patch
sur une variable réponse à deux résolutions spatiales différentes : l’occurrence du Sonneur à
ventre jaune dans les mares et dans les patchs. Les GLMMs ont aussi permis de prendre en
compte l’effet de la dépendance entre les données à l’intérieur de chaque échelle (mares dans
les patchs et patchs dans les sites) et l’importance de ces échelles (pourcentage de variation
qui leur est attribuable). L’occurrence de l’espèce dans les mares s’avère être négativement
influencée par le volume d’eau et l’âge des mares, tandis que l’ensoleillement et l’abondance
d’autres mares dans le patch ont eu un effet positif. L’occurrence dans un patch (résolution
supérieure de la variable réponse) est quant à elle influencée positivement par l’abondance des
mares et par l’abondance d’autres espèces d’amphibiens dans ce patch. La plus grande part de
variation de la variable réponse est attribuable à l’échelle du site (rayon de 2500 m), suivie par
la mare, puis par le patch (rayon de 200 m). Ainsi, cette analyse a permis de montrer que la
présence du Sonneur à ventre jaune dans une mare ou dans un groupe de mares (patch)
est fortement influencée par le contexte paysager dans un rayon relativement important.
L’utilisation de GLMMs sur notre jeu de données a également permis de mettre en
évidence l’importance de la résolution spatiale de la variable réponse. L’effet de
l’abondance des autres espèces d’amphibiens dans le patch n’était pas significatif pour
l’occurrence du sonneur dans les mares, alors qu’il était positif pour son occurrence dans les
143
Discussion, conclusion et perspectives
patchs. Le GLMM constitue donc un outil flexible et approprié pour mener une étude multiéchelles de la sélection de l’habitat, chez une espèce capable d’utiliser plusieurs mares dans
un même contexte paysager.
5.1.3.
Déterminants paysagers de l’occurrence et qualité de l’habitat à
l’échelle régionale (chapitre 4)
Le chapitre 3 a permis de montrer que la probabilité d’occurrence du Sonneur à ventre
jaune varie fortement selon le contexte paysager. Cependant, les variables paysagères
responsables de cette variation n’ont pas été étudiées dans ce chapitre. Dans le chapitre 4,
nous nous sommes intéressés plus précisément à l’identification de ces facteurs en conduisant
une étude de la sélection de l’habitat avec l’Analyse Factorielle de la Niche Écologique
(ENFA, Hirzel et al. 2002). Pour cela, la zone d’étude complète (140x80 km, soit une étendue
de 11 200 km²), a été divisée en cellules de 400x400 m. Dix variables éco-géographiques,
décrivant la structure du paysage, la topographie et l’hydrographie, ont été utilisées pour
caractériser l’espace écologique utilisé par le Sonneur à ventre jaune. Celui-ci est caractérisé
par une superficie importante de forêts et de prairies, constituant un paysage hétérogène, une
faible superficie en cultures, un relief accidenté par rapport à l’ensemble de la région
(collines), un réseau hydrographique dense et la proximité de sources. Ces dernières
pourraient constituer des refuges et permettre au Sonneur à ventre jaune de se maintenir dans
un paysage localement imprévisible, en raison de l’instabilité des milieux aquatiques
temporaires.
Une carte de qualité de l’habitat, permettant de visualiser les zones potentiellement
favorables à l’espèce dans la région étudiée, a été extraite sur la base de cette analyse. Ce
modèle prédictif, basé uniquement sur des variables paysagères, montre que la présence du
Sonneur à ventre jaune est, en grande partie, expliquée par l’occupation des sols, la
topographie et l’hydrographie. Cependant, la prise en compte de variables mesurées à une
échelle plus fine apporterait davantage d’informations sur la présence des milieux aquatiques
temporaires et permettrait sans doute d’améliorer la précision de la carte obtenue. Ainsi, il
apparaît nécessaire de se baser sur des variables mesurées sur un spectre d’échelles
pour modéliser la qualité de l’habitat et pas uniquement sur une seule échelle.
144
Discussion, conclusion et perspectives
5.1.4.
Hétérogénéité de l’habitat et complémentation du paysage
D’une manière générale, tous ces résultats démontrent l’importance de prendre en
compte l’hétérogénéité de l’habitat, qui entraîne des réponses de l’espèce, quantifiables à
plusieurs échelles. La persistance à long terme du Sonneur à ventre jaune dans un paysage
semble dépendre de l’existence d’habitats de différents types, qui demeurent facilement
accessibles par les individus. Notre étude de sélection de l’habitat menée à l’échelle régionale
montre que le réseau hydrographique et la proximité des sources déterminent la présence du
Sonneur à ventre jaune localement. De plus, au cours du suivi par CMR dans le massif
forestier de la Croix-aux-Bois, nous avons pu observer que certaines mares, peu ou pas
utilisées pour la reproduction, peuvent néanmoins héberger régulièrement des individus. Ces
mares se différenciaient de celles utilisées pour la reproduction par leur hydropériode qui était
généralement plus longue (assèchement peu fréquent ou mare permanente), par leur
ensoleillement moins important et par un recouvrement de la végétation élevé. En outre, nous
avons remarqué l’utilisation de ces milieux aquatiques, lorsque les mares temporaires utilisées
pour la reproduction s’étaient asséchées. De telles observations avaient déjà été mentionnées
dans d’autres études (p.ex. Barandun 1995, Massemin 2001). Jahn et al. (1996) ont également
signalé l’utilisation de pièces d’eau temporaires et bien ensoleillées pour la reproduction,
tandis que des milieux aquatiques plus profonds, ombragés et riches en végétation étaient
apparemment utilisés pour l’alimentation. Toutes ces données illustrent parfaitement le
concept de complémentation du paysage (‘Landscape complementation’, Dunning et al. 1992)
chez le Sonneur à ventre jaune, c’est-à-dire la proximité dans un paysage de plusieurs types
d’habitats, indispensables à l’espèce, et la possibilité pour les individus de se déplacer
facilement entre ces habitats (Taylor et al. 1993).
145
Discussion, conclusion et perspectives
5.2. Quelques recommandations pour la conservation du
Sonneur à ventre jaune
Les nouvelles connaissances apportées par ce travail permettent d’orienter les futurs
efforts de gestion pour la conservation du Sonneur à ventre jaune dans le nord-est de la
France. Nous suggérons de prendre en compte l’habitat de l’espèce dans sa globalité et de ne
pas restreindre la gestion aux mares temporaires utilisées pour la reproduction : une attention
particulière doit être attribuée aux refuges potentiels (aquatiques et terrestres), au contexte
paysager et à la connectivité.
5.2.1.
Le Sonneur à ventre jaune et les activités humaines : la nécessité de
trouver des compromis
La persistance d’une population de Sonneurs à ventre jaune dépend du maintien d’une
dynamique de perturbations naturelle ou artificielle, qui permet la création ou le
renouvellement, de manière constante, de pièces d’eau favorables à la reproduction.
Aujourd’hui, cette dynamique est rarement naturelle : elle est généralement liée à des activités
économiques telles que la sylviculture ou l’exploitation de carrières. Dans ces systèmes
perturbés par l’Homme, l’enjeu est de trouver un juste équilibre entre des contraintes
économiques et les besoins de conservation.
Dans les forêts françaises, le Sonneur à ventre jaune a colonisé les ornières créées par
l’activité de débardage et les flaques sur les places de stockage du bois. Ces deux types de
mares temporaires lui sont favorables. Cependant, l’intensification croissante de la production
de bois et les changements de pratiques sylviculturales pourraient fortement nuire à ses
populations à plus ou moins long terme. En effet, deux menaces importantes contribuent à la
perte des pièces d’eau utilisées par l’espèce pour la reproduction : le comblement des ornières
et l’empierrement des chemins et des places de stockage du bois. Dans plusieurs forêts
domaniales du nord-est de la France, nous avons constaté a plusieurs reprises le comblement,
en période de reproduction, de pièces d’eau utilisées par l’espèce. Cette perte d’habitat était
parfois accompagnée d’une destruction de pontes et d’une mortalité infligée aux stades
146
Discussion, conclusion et perspectives
larvaires, juvéniles et même adultes. Ainsi, il est possible que les ornières constituent des
« pièges écologiques », en attirant des individus qui s’y reproduisent avant qu’elles ne soient
détruites par comblement. Si une mauvaise réussite de la reproduction liée à de tels
évènements peut être compensée à long terme par une longévité élevée de l’espèce (Barandun
1992), en revanche, la mortalité adulte pourrait avoir de lourdes conséquences sur la
persistance des populations.
Au cours de notre étude, nous avons également constaté que les flaques localisées sur les
places de stockage du bois constituent probablement un habitat de meilleure qualité que les
ornières. En effet, nous y avons observé des effectifs d’individus plus importants et une
meilleure réussite de la reproduction que dans les ornières. De plus, une philopatrie
importante a été constatée dans ces pièces d’eau. Malheureusement, elles sont de plus en plus
souvent détruites par empierrement.
Dans les forêts du nord-est de la France, les mares temporaires propices pour la
reproduction du Sonneur à ventre jaune sont donc de plus en plus rares. La création de mares
de substitution, souvent préconisée, ne serait une solution appropriée qu’en étant
accompagnée de gros efforts de gestion, permettant de renouveler régulièrement les pièces
d’eau et d’éviter qu’elles ne s’atterrissent naturellement. Ce type de solution sera donc
particulièrement contraignant pour le gestionnaire. L’enjeu actuel n’est donc peut-être pas de
créer des mares compensatoires pour atténuer l’effet de la perte de l’habitat causée par le
comblement des ornières et l’empierrement. En effet, il serait plus parcimonieux de trouver
des compromis permettant à l’espèce de continuer à profiter des dynamiques de perturbations
engendrées par les activités humaines, plutôt que d’opter pour des solutions alternatives qui
seraient beaucoup plus contraignantes et qui ne réduiraient sans doute pas la mortalité. Les
gestionnaires forestiers ont une lourde responsabilité dans ce contexte, puisque le Sonneur à
ventre jaune ne se maintient plus qu’en forêt dans certaines régions.
5.2.2.
Maintenir une hétérogénéité de l’habitat depuis les mares jusqu’au
paysage
Sur la base des résultats obtenus dans les chapitres 2 et 3, dans le cadre d’une création de
pièces d’eau pour le Sonneur à ventre jaune, nous suggérons non pas de créer un réseau de
mares mais plutôt un réseau de groupes de mares, c’est-à-dire des mares réparties en
147
Discussion, conclusion et perspectives
agrégats dans le paysage. En effet, cette stratégie de gestion serait calquée sur les
particularités biologiques de l’espèce et lui permettraient de répartir plus facilement ses
pontes dans des mares proches et de minimiser les effets de la compétition à la fois intra- et
interspécifique en laissant la possibilité aux individus de changer de sites aquatiques plus
facilement. Dans l’idéal, ces mares devraient être hétérogènes et avoir une hydropériode, un
ensoleillement, une profondeur et un recouvrement par la végétation variables. De plus, ces
mares devraient pouvoir être renouvelées régulièrement, la principale contrainte étant le
maintien d’une dynamique de perturbation.
À l’échelle du paysage, nous avons montré dans le chapitre 4 que l’occupation des sols
était importante et en particulier la forte disponibilité en forêts et en prairies. Au contraire, la
présence du Sonneur à ventre jaune était généralement associée à une faible superficie en
cultures. L’idéal pour conserver l’espèce est de garder un paysage hétérogène, constitué
majoritairement de forêts et de prairies. De plus, il convient de préserver le réseau
hydrographique et en particulier les sources.
5.3. Perspectives
Les perspectives à l’issue de ce travail sont nombreuses. En effet, si les résultats obtenus
ont permis de mieux comprendre certains aspects de la biologie du Sonneur à ventre jaune et,
en particulier, la dimension paysagère de la sélection de l’habitat, ils permettent également de
soulever des questions qui pourraient être abordées dans des études futures.
5.3.1.
Comportement de déplacement et utilisation de l’habitat terrestre
Grâce à la CMR, nous avons pu étudier les patrons de déplacements des individus et les
échanges entre mares. Cependant, même utilisée de manière intensive, la CMR comporte des
limitations importantes. En dehors des problèmes liés à l’échelle d’observation (i.e. zone
d’étude trop restreinte) déjà évoqués précédemment, elle ne permet pas d’étudier précisément
le comportement des individus en déplacement car elle ne fournit que des données
fragmentaires (point de départ et d’arrivée). Les données qui concernent l’utilisation de
148
Discussion, conclusion et perspectives
l’habitat terrestre sont plus difficiles à obtenir. Néanmoins, elles sont importantes car elles
peuvent aider à définir des « zones tampons » pour protéger l’habitat de l’espèce autour des
mares qu’elle utilise (Semlitsch 1998). D’autre part, la connaissance du comportement de
déplacement des individus dans la matrice paysagère est aussi très importante pour pouvoir
prendre en compte la connectivité dans les programmes de conservation. Il apparaît donc
important de mieux comprendre comment les individus se déplacent dans un paysage et
comment la matrice paysagère influence leurs déplacements. Deux approches peuvent être
envisagées pour cela.
La première consiste à réaliser des expérimentations en conditions naturelles, seminaturelles (enclos) ou en laboratoire, visant à manipuler ou à recréer une matrice paysagère
(substrat, structure et composition de la végétation…) et à mesurer les réponses
comportementales des individus (Stevens et al. 2004, Mazerolle et Desrochers 2005, Patrick
et al. 2008) : vitesse de déplacement, orientation, distance parcourue, succès de colonisation
d’une mare…
La deuxième approche consiste à suivre les individus en déplacements dans leur
environnement naturel. Ainsi, il est possible d’étudier directement leur comportement dans la
matrice, ce qui peut permettre de quantifier le degré de perméabilité associé à une structure
paysagère particulière. La méthode la plus couramment employée pour pister les individus est
la radio-télémétrie. Son utilisation sur les petites espèces d’amphibiens est limitée par le poids
de l’émetteur et du système de fixation mais aussi par la durée de vie de la batterie (Rowley et
Alford 2007). En effet, il est conseillé de ne pas dépasser 10% de la masse corporelle de
l’animal (Richards et al. 1994). Cependant, des progrès technologiques récents ont permis une
miniaturisation des émetteurs (Naef-Daenzer et al. 2005). Nous avons expérimenté cette
technique sur le Sonneur à venter jaune à la fin de l’été 2007 dans le cadre d’une étude
préliminaire menée sur un très petit échantillon d’individus adultes (trois femelles et deux
mâles) ayant une masse corporelle supérieure à 6 g. Dans cette étude, la radio-télémétrie a été
utilisée pour tenter d’identifier les sites d’hivernage de ces individus. Les émetteurs, d’un
poids de 0.4 g, ont été fixés extérieurement à l’aide d’un élastique en latex (Figure 5-1). Deux
des individus ont rapidement perdu leur émetteur. Les trois autres (deux femelles et un mâle)
ont pu être suivis plus longtemps. L’une de ces deux femelles a perdu son émetteur après une
semaine. Au cours de cette semaine, elle s’est déplacée dans un rayon de cinq mètres autour
de sa mare de capture, dans laquelle elle passait la majorité de son temps. Cette femelle a
149
Discussion, conclusion et perspectives
néanmoins été observée dans des galeries de rongeurs situées sous un buisson de Calluna
vulgaris (Figure 5-2A).
Figure 5-1 : Individu mâle équipé d’un émetteur.
Les deux autres individus (un mâle et une femelle) ont été suivis pendant toute la durée
de vie de la batterie de l’émetteur (environ 1 mois) et ils se sont déplacés de plusieurs
centaines de mètres (respectivement 315 mètres et 450 mètres) au cours d’une seule nuit,
depuis la mare dans laquelle ils avaient été capturés, pour rejoindre chacun un site
d’hivernage différent. Dans les deux cas, il s’agissait d’un talus comprenant des fissures et des
galeries de rongeurs (Figures 5-2B et 5-2C).
Cet essai a permis de mettre au point le protocole, en particulier le mode de fixation de
l’émetteur et de vérifier que la technique était sûre pour l’animal suivi. Le test s’est avéré
concluant dans la mesure où nous avons recapturé quatre des cinq individus suivis au cours de
la saison suivante. Ces quatre individus ont été retrouvés sur leur sites de reproduction de
l’année précédente. Ils ne disposaient plus de leur émetteur et ils ne présentaient aucune
blessure apparente.
150
Discussion, conclusion et perspectives
A
B
C
Figure 5-2 : Expérimentation de la radio-télémétrie sur le Sonneur à ventre jaune en septembre 2007 dans la
forêt de la Croix-aux-Bois (Ardennes). A : une femelle explorant des galeries de rongeurs sous un buisson de
callunes (Calluna vulgaris), peu avant de perdre son émetteur ; B : une autre femelle à l’entrée d’une galerie de
rongeur dans un talus ; C : un mâle (même individu qu’à la page précédente) à l’entrée de son gîte dans un talus.
151
Discussion, conclusion et perspectives
5.3.2.
Génétique, échelles et conservation
Pour que les actions de conservation soient efficaces, il est nécessaire d’identifier
l’échelle spatiale la mieux appropriée pour intervenir. Pour cela, la connaissance de la
structure spatiale des populations apparaît essentielle (voir chapitre 2). Elle peut permettre de
définir des Unités de Gestion (‘Management Units’), c’est-à-dire des zones géographiques
échangeant peu d’individus avec d’autres zones adjacentes et qui peuvent être gérées
séparément (Taylor et Dizon 1999, Palsbøll et al. 2006). Dans le cas de la forêt domaniale de
la Croix-aux-Bois, en tenant compte de son isolement par rapport aux autres localités de
présence du Sonneur à ventre jaune les plus proches (environ 30 km), ainsi que des
déplacements des individus obtenus par CMR, l’unité de gestion peut être assimilée au massif
forestier dans son ensemble. En effet, les individus présents dans ce massif forestier forment
très probablement une unité démographiquement isolée. Cependant, la CMR ne permet pas de
faire la différence entre des déplacements d’individus et des flux de gènes et elle sous-estime
les dispersions de longue distance. Il est donc préférable d’utiliser la génétique de manière
complémentaire pour délimiter les unités de gestion.
Des études récentes, basées sur des tests d’affectation (‘Assignment Tests’, Manel et al.
2005) ont permis de définir la structure spatiale de populations d’amphibiens ou d’étudier les
migrations entre les mares en se basant sur l’information génétique (Andersen et al. 2004,
Jehle et al. 2005). Ces techniques, utilisant le maximum de vraisemblance ou la statistique
bayésienne, sont adaptées pour étudier les événements génétiques récents.
À l’échelle régionale de notre zone d’étude, il serait intéressant de pouvoir estimer
l’impact de certaines barrières paysagères sur les flux de gènes. Au cours de la présente étude,
nous avons identifié deux types de barrières potentielles pour la dispersion des sonneurs à
ventre jaune dans la région étudiée, des autoroutes et des grands cours d’eau. Les cours d’eau,
pourraient jouer un rôle double. Ils pourraient à la fois empêcher le flux de gène d’une rive à
une autre et faire office de corridor en reliant des populations éloignées situées le long d’une
rive. L’existence de localités de présence situées de part et d’autre de ces cours d’eau, dont la
largeur et le débit diffèrent, permet d’envisager une étude visant à tester l’effet de ces
barrières potentielles sur la connectivité.
À une échelle plus fine, la génétique pourrait aussi nous permettre de déterminer le
« voisinage écologique » des mares, c’est-à-dire la distance en dessous de laquelle des mares
152
Discussion, conclusion et perspectives
peuvent être considérées comme appartenant à un même patch (mares « connectées »). Ceci
permettrait donc de délimiter les patchs. C’est ce que Scribner et al. (2001) ont pu étudier
chez Bufo bufo, en s’intéressant à l’autocorrélation spatiale des fréquences alléliques.
5.4. Conclusion
Le Sonneur à ventre jaune constitue un modèle biologique à la fois complexe et très
intéressant, en particulier pour aborder les problèmes d’échelles. L’étude de la sélection de
son habitat illustre parfaitement l’un des défis majeurs auquel est confronté l’écologiste : celui
de pouvoir extraire des tendances dans la structure et dans le fonctionnement des systèmes
écologiques, qui sont caractérisés par une variabilité naturelle engendrant un « bruit de fond »
à tous les niveaux d’organisation (Barbault 1992). Dans ce travail, en nous positionnant à
différentes fenêtres d’observation, nous avons étudié les réponses du Sonneur à ventre jaune
face à l’hétérogénéité spatiale et temporelle de son habitat. Par ailleurs, nous apportons de
nouveaux éléments justifiant la prise en compte du contexte paysager aussi bien pour l’étude
que pour la conservation des populations d’amphibiens. Néanmoins, des études à long terme
sont requises pour compléter ces résultats préliminaires. De plus, si les méthodes employées
sont transposables à d’autres espèces ou régions, les résultats ne le sont pas directement, ce
qui souligne la nécessité de mener des études spécifiques d’une espèce et d’une région. En
appliquant les mêmes méthodes à d’autres zones géographiques, il sera possible d’établir des
comparaisons qui enrichiront nos connaissances et qui permettront d’optimiser les
programmes de conservation.
153
Discussion, conclusion et perspectives
154
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Annexes
180
Annexes
ANNEXES
181
Annexes
182
Annexes
ANNEXE 1 : Note sur un système d’aide à l’identification individuelle de
Sonneurs à ventre jaune, assistée par ordinateur
Les Sonneurs à ventre jaune adultes disposent d’un patron ventral de coloration jaune et
noir qui est très variable d’un individu à l’autre et qui constitue une marque pouvant permettre
de reconnaître facilement un individu. Grâce à l’existence de cette marque naturelle, il est
possible d’utiliser la photo-identification dans les études conduites par Capture-MarquageRecapture. Cependant, la reconnaissance individuelle peut s’avérer laborieuse lorsque le
nombre d’individus suivis est important.
Dans le patron de coloration ventral des individus, il existe des taches dont la forme et la
configuration sont hautement variables et, à l’inverse, certaines taches sont communes à un
grand nombre d’individus. Ces dernières peuvent être utilisées pour rassembler les individus
en fonction de leurs ressemblances. Il est possible d’obtenir un nombre relativement important
de combinaisons en fonction de l’occurrence de ces taches ou de leur forme. Abbühl et Durrer
(1993) ont ainsi proposé un système de classification dichotomique similaire à une clé de
détermination, pour classer les individus dans des groupes sur la base de ces attributs (Figure
A1). Cette clé consiste à examiner successivement les taches noires se situant au niveau du
bas-ventre (Urostylband), sur la poitrine (Brustband) puis sur la gorge (Kehlband). Ainsi,
Abbühl et Durrer ont défini 10 groupes de patrons ventraux dans lesquels les individus
peuvent être classés. Massemin (1999)10, a proposé d’utiliser une « formule ventrale », en
notant si le jaune du ventre est lié au jaune des cuisses (ce qui revient à noter la présence ou
l’absence d’une bande noire ventrale continue) et en comptant les taches noires du ventre
séparées les unes des autres par du jaune.
Nous avons utilisé des critères ventraux similaires pour reconnaître les individus au cours
du suivi mené par CMR dans le massif forestier de la Croix-aux-Bois. Dans un premier temps,
nous avons appliqué une méthode de tri des individus basée sur ces critères, en créant un
catalogue rassemblant les photographies des individus. Cependant, il s’est avéré très difficile
et surtout très long de retrouver un individu marqué dans ce catalogue, dès lors que l’effectif
d’individus suivis dépassait plusieurs centaines d’individus. Ceci m’a motivé à construire un
système d’ « aide à l’identification » des individus assisté par ordinateur. Il ne s’agit en aucun
cas d’un programme automatisé basé sur une analyse d’images mais simplement d’une base
10
Massemin, D., 1999. Note sur quelques critères de reconnaissance individuelle des sonneurs à ventre jaune
Bombina variegata. La Lettre du Sonneur 3: 8.
183
Annexes
de données construite avec le logiciel Access, dans laquelle un système de tri des individus a
été incorporé.
Figure A1-1 : Clé dichotomique proposée par Abbhül et Durrer (1993) pour classer les individus sur la base
de leur patron de coloration ventrale
Cette base de donnée a permis de rassembler toutes les données issues du suivi
démographique et de la caractérisation de l’habitat. Les photographies numériques étaient
réalisées sur le terrain en plaçant l’individu dans un boîtier à compact disque transparent11,
sous lequel était disposée une échelle graduée, permettant de mesurer la taille des individus
sur un ordinateur à l’aide d’un logiciel d’analyse d’image (Figure A1-2). Un formulaire a été
11
En raison des risques de contamination par des maladies infectieuses, un boîtier CD n’était utilisé que pour
une seule localité.
184
Annexes
spécialement conçu pour saisir les caractéristiques des individus capturés (sexe, âge, date et
lieu de capture…) et pour chaque individu, une photographie était placée dans ce formulaire
(Figure A1-3).
Figure A1-2 : Photographie d’un individu capturé lors d’une session de CMR. Les pointillés rouges délimitent
deux taches noires latérales de la poitrine qui sont présentes chez presque tous les individus.
Sept critères ont été utilisés pour classer les individus dans la base de données (Figure
A1-3) : (1) l’existence d’une bande ventrale noire ininterrompue (Bande Ventrale, BV) ; (2)
l’existence d’une bande noire liant le cloaque à la bande ventrale (Lien Central Bas, LCB) ;
(3) l’existence d’un lien entre la tache latérale droite de la poitrine et la bande noire de la
gorge (Lien Haut Droit, LHD) ; (4) l’existence d’un lien entre la tache latérale gauche de la
poitrine et la bande noire de la gorge (Lien Haut Gauche, LHG) ; (5) l’existence d’une
« cravate » partant de la bande noire de la gorge et s’étendant sans interruption jusqu’au
milieu des deux taches latérales de la poitrine (Lien Central, LC) ; (6) l’existence d’un lien
entre la base de la « cravate » et la tache latérale droite de la poitrine (Lien Bas Droit, LBD) ;
(7) l’existence d’un lien entre la base de la « cravate » et la tache latérale gauche de la poitrine
(Lien Bas Gauche, LBG). Ces critères correspondent à des données binaires (oui/non). En
tout, ils permettent d’obtenir 96 combinaisons, soit 96 groupes dans lesquels les individus
peuvent être classés. La répartition des effectifs dans ces combinaisons n’est pas homogène :
certaines combinaisons de critères sont communes tandis que d’autres sont rares.
185
Annexes
Figure A1-3 : Formulaire utilisé pour la reconnaissance individuelle. En haut : formulaire permettant de gérer
l’ajout de nouveaux individus et d’effectuer des requêtes pour identifier un individu marqué. En bas :
Agrandissement de la partie du formulaire consacrée à la reconnaissance individuelle. Le dessin de Sonneur à
ventre jaune représente les 7 critères utilisés pour le tri des individus. Une requête est réalisée en cochant les
cases correspondant aux critères observés sur une photographie prise sur le terrain.
La figure A1-4 présente la distribution de 600 individus capturés dans le nord-est de
la France, dans les 96 combinaisons de critères du patron ventral. L’effectif maximal obtenu
pour un groupe est de 37 individus, tandis que 23 groupes ne contiennent aucun individu.
Des requêtes permettent de rechercher un individu dans la base de donnée. Pour
cela, il suffit de cocher ou non les cases qui correspondent aux 7 critères. La base de donnée
filtre alors tous les individus qui correspondent à la requête et la photographie du patron
ventral de ces individus est affichée. Ainsi, il est possible de comparer directement les
photographies proposées par la requête à celle de l’individu que l’on souhaite identifier.
Un autre avantage de ce système de requêtes réside dans la possibilité de formuler des
incertitudes lorsqu’un critère est peu visible (p.ex. photographie de mauvaise qualité ou replis
186
Annexes
cutané empêchant de visualiser un critère). Dans ce cas, le filtre retient les deux modalités du
critère (« oui » et « non »).
Figure A1-4 : Distribution des effectifs de 600 individus dans les 96 combinaisons de critères du patron
ventral utilisés.
Enfin, il est également possible d’ajouter d’autres critères permettant de reconnaître un
individu facilement tels que la présence d’une blessure par exemple. Il est aussi possible de
trier par le sexe, par l’âge ou encore par un critère qui concerne la localité de capture
(département, commune, lieu-dit…).
Actuellement, notre base de données contient plus de 1200 individus et l’identification
individuelle reste néanmoins relativement rapide. Le principal facteur limitant de ce système
est la qualité des photographies. L’idéal est d’adopter un protocole standardisé pour que la
position des individus soit toujours la même et surtout qu’il n’y ait aucun repli cutané sur le
ventre (d’où l’utilisation du boîtier CD dans notre cas). Dans le cadre d’autres suivis de
populations du Sonneur à ventre jaune, notamment en Allemagne, des systèmes plus élaborés
ont été conçus pour que la distance entre l’individu et l’objectif soit constante. Des exemples
peuvent être trouvés dans Jahn et al. (1996) et dans Buschmann et al. (2006)12.
Pour conclure, bien qu’il ne s’agisse pas d’un programme automatisé, ce système d’aide
à l’identification des individus s’est avéré performant et fiable. Il nous a d’ailleurs permis de
détecter de nombreux doublons dans notre catalogue de photographies de départ, qui auraient
12
Buschmann, H., Scheel, B., Brandt, T., 2006. Amphibien und Reptilien im Schaumburger Land und am
Steinhuder Meer. Verlag Natur & Text, Rangsdorf (p. 172-173)
187
Annexes
pu biaiser notre analyse. Enfin, son utilisation nous a apporté un gain de temps non
négligeable dans le cadre de notre suivi par Capture-Marquage-Recapture.
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Annexes
189
Annexes
ANNEXE 2 : L’Analyse Factorielle de la Niche Écologique (ENFA)
L’Analyse Factorielle de la Niche Ecologique (‘Ecological Niche Factor Analysis’,
ENFA) est une méthode récente qui a été développée spécialement pour modéliser la qualité
de l’habitat (ou l’ « habitat potentiel ») d’une espèce à partir de données de présence seules
(Hirzel et al. 2002). En effet, les données d’absence sont souvent difficiles à obtenir dans les
échantillonnages et il existe un risque généralement important de ne pas détecter une espèce
alors qu’elle est présente (« fausse absence », MacKenzie et al. 2002). De plus, pour des
raisons historiques, une espèce peut être absente d’une zone dans laquelle l’habitat lui est
favorable et l’absence ne reflète donc pas forcément une mauvaise qualité de l’habitat.
L’ENFA permet de contourner ces difficultés en ne s’appuyant que sur des données de
présence pour inférer la qualité de l’habitat. Hirzel et al. (2002), ont fondé cette méthode en se
basant sur le paradigme de niche écologique développé par Hutchinson (1957). La niche
écologique, selon Hutchinson (1957), représente un espace écologique multidimensionnel
(hypervolume), dont chaque dimension est définie par des variables environnementales et qui
délimite les facteurs limitants pour la persistance d’une espèce.
Le principe général de l’ENFA consiste à comparer les conditions environnementales
« moyennes » d’une zone d’étude, définissant un espace écologique « disponible », aux
conditions environnementales des localisations géographiques où l’espèce est présente dans la
zone d’étude qui représentent l’espace écologique « utilisé » (Figure A2-1). Dans un espace
multivarié formé par les variables environnementales qui décrivent la zone d’étude, la
distance entre le barycentre de l’espace écologique utilisé par l’espèce et le barycentre de
l’espace écologique disponible, constitue la marginalité (M sur la figure A2-1), tandis que le
rapport entre la variance de l’espace disponible et la variance de l’espace utilisé représente la
spécialisation (S sur la figure A2-1). Comme dans une Analyse en Composantes Principales,
l’ENFA permet d’extraire des axes factoriels qui résument l’information. Le premier axe qui
est extrait maximise l’éloignement des barycentres et il mesure ainsi la marginalité. Les axes
suivants représentent les dimensions qui permettent de maximiser le rapport des variances, et
ils permettent ainsi d’identifier les variables qui contribuent à réduire la niche écologique de
l’espèce, ce qui correspond à une spécialisation.
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Annexes
Figure A2-1 : Représentation du principe de l’ENFA. M représente l’axe de marginalité. Il passe par les
barycentres de l’espace écologique disponible (ellipse bleue) et de l’espace écologique utilisé (ellipse rouge). S
représente l’un des axes de spécialisation
L’ENFA est utilisée principalement pour construire des cartes de qualité de l’habitat
(‘Habitat Suitability Map’), qui répondent à la question « Où l’espèce peut-elle s’établir dans
la zone étudiée ? ». Ces cartes constituent ainsi de précieux outils de prise de décision pour
les gestionnaires. Cependant, comme le soulignent Basille et al. (2008), l’ENFA peut aussi
être utilisée pour répondre à la question « Quelles sont les conditions environnementales
recherchées par l’espèce ? ».
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