Mieux lire l`anglais de spécialité scientifique : les TICE au secours

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Mieux lire l`anglais de spécialité scientifique : les TICE au secours
Mieux lire l’anglais de spécialité scientifique : les TICE au secours des
étudiants d’informatique
Danielle JOULIA
Enseignante d’anglais
IUT A Paul Sabatier UT3
CLLE- LTC CNRS UT2J
[email protected]
Fabienne VIALLET
Enseignante-chercheur en informatique
IUT A Paul Sabatier UT3
EFTS UT2J
[email protected]
RESUME
La compréhension écrite de documentations techniques en anglais est la compétence première
à développer en langue étrangère chez les étudiants d'un D.U.T. Informatique, généralement faibles
en anglais et peu motivés par une matière considérée comme mineure dans leur cursus scientifique.
Notre objectif est de proposer des solutions didactiques susceptibles de les rendre opérationnels en
anglais en situation de lecture professionnelle, notamment par le biais d'un logiciel d'aide à la
lecture / compréhension de textes techniques. Nous avons développé une application en nous
fondant sur les théories cognitives et socio-constructivistes et l'avons expérimentée et évaluée avec
des étudiants du semestre 1 pour tester notre hypothèse d'une meilleure compréhension chez les
apprenants qui ont utilisé le logiciel d'aide à la lecture. Nous rendons compte des résultats que nous
avons obtenus et concluons sur la validité de cette approche destinée à améliorer les stratégies de
lecture des étudiants d'informatique.
MOTS-CLES :
lecture assistée par ordinateur, TICE, lecture-compréhension, enseignement/apprentissage des
langues étrangères, anglais de spécialité, anglais informatique, LANSAD, apprentissage par les
tâches.
1 INTRODUCTION
L'anglais constitue un passage obligé dans les études d'informatique, notamment la
compréhension écrite de documentations techniques, compétence première à développer chez les
étudiants d'un DUT Informatique. Ces derniers, peu intéressés par la langue étrangère, ont tendance
à négliger cette matière, qui représente un faible coefficient dans leur diplôme. Nous avons voulu
répondre à cette situation problématique en proposant une approche pédagogique, d'une part
médiatisée par les TICE, ce qui pouvait motiver nos étudiants, férus d'ordinateurs, et d'autre part
centrée sur des textes techniques, utilisés comme supports en cours d'informatique, et susceptibles
de retenir leur attention. Nous allons exposer la démarche que nous avons adoptée pour mener à
bien notre projet pédagogique.
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2 DEROULEMENT DU PROJET
2.1 Objectifs et méthodologie de mise en œuvre : la vision du pédagogue
Notre premier objectif fut d'abord de choisir des textes qui puissent servir de supports de
lecture, en vue de les intégrer au logiciel que nous développions. Aussi avons-nous recensé des
documentations techniques en anglais que devaient consulter les étudiants pendant leurs études de
DUT Informatique. Nous avons analysé ces documentations pour mettre en évidence un ensemble
de régularités à différents niveaux (sémantique, structurel, syntaxique, lexical). Nous nous sommes
ensuite posé la question de savoir ce que signifiait lire et comprendre en langue étrangère. Après
avoir passé en revue la littérature sur la lecture étudiée d'un point de vue cognitif (Gineste & Le Ny,
2002 ; Fayol & Gaonac’h, 2003 ; Gaonac’h, 1990 ; van Dijk & Kinstsch, 1983), nous nous sommes
orientées vers une approche didactique qui vise à réduire la surcharge cognitive qu'induit une
lecture en langue étrangère, en mettant à disposition un ensemble d'aides à la lecture. Trois types
d'aides (référentielles, discursives et linguistiques) furent proposés à l'apprenant pour tenter de
résoudre ses difficultés de lecture et rendre l'input compréhensible. Le logiciel, qui présente un texte
en anglais extrait du manuel du langage de commandes du système d’exploitation UNIX (utilisé au
semestre 1 lors des TP d’informatique) offre ainsi un étayage aux niveaux de la macrostructure de
ce texte (concepts informatiques, organisation textuelle) et de la microstructure (lexique et syntaxe).
Des gloses conceptuelles (définitions) et lexicales (traductions) aident le lecteur au fil de sa lecture.
Les aides formelles (format textuel et structure rhétorique) guident la compréhension (voir figure 1).
Nous avons opté pour un apprentissage par les tâches, où l'apprenant se focalise sur le sens et utilise
la langue comme un moyen pour arriver à une fin.
Figure 1 : interface du logiciel montrant les aides conceptuelle, lexicale et formelle.
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2.2 Objectifs et méthodologie de mise en œuvre : la vision du technologue
Le projet portant sur la compréhension de texte, nous avons choisi de développer un
environnement hypertextuel, avec un texte et des aides hypertextuelles pour faciliter la tâche de
compréhension. Pour développer l'application, nous avons opté pour le logiciel Toolbook qui
permet de créer les fonctionnalités dont nous avions besoin, en offrant un environnement de
programmation complet, grâce à son interface graphique et à son langage Openscript. Une fois le
texte inséré dans une page du logiciel Toolbook, nous avons créé les hypermots (aide lexicale,
grammaticale, traduction ou définition). Nous avons également ajouté des boutons interactifs, qui
donnent accès à d'autres pages de l'application où se trouvent le plan du texte (macrostructure), les
mots-clés, les phrases-clés, les mots transparents, le format du texte et une version simplifiée du
texte, afin de faciliter la tâche de lecture-compréhension. Les aides sont accessibles par simple clic
de souris sur les mots du texte ou sur les boutons (organisation textuelle, phrases-clés, mots-clés…).
L'application ouvre sur une page d'accueil qui présente le texte à lire et les aides
hypertextuelles. L'étudiant lit le texte en s'aidant des hypermots, des boutons, qu'il active en
fonction de ses besoins d'information. Il répond ensuite aux questions de compréhension, qui sont
de deux types : questions fermées (vrai-faux) à cocher et questions ouvertes, saisies au clavier. Il
peut se déplacer dans le logiciel pour revenir au texte ou consulter les aides hypertextuelles avant de
répondre aux questions.
A la fin de l'activité, le logiciel génère un fichier de suivi où sont enregistrées toutes les
actions de l'étudiant, qui a lu le texte et répondu aux questions. Ces actions se sont inscrites dans un
fichier au fur et à mesure de l'activité de l'apprenant. Ce système de suivi par traçage des clics de
souris, activation d'hypermots, de boutons et de pages permet à l'enseignant d'avoir un aperçu des
stratégies de lecture mises en œuvre.
3 RESULTATS
Le logiciel fut expérimenté avec une cohorte de 112 étudiants de première année de DUT
Informatique, la moitié avait accès à la version du logiciel pourvu d'aides tandis que l'autre moitié
ne disposait d'aucune aide logicielle. Les étudiants étaient répartis en deux groupes de niveau en
anglais (faible et moyen) à partir de notes obtenues à un test de langue en début de semestre et de
leur moyenne annuelle d'anglais durant la terminale.
Compréhension
16
14
12
10
Scores
8
s/30
6
4
2
0
15,63
13,14
9,55
7,29
G1A
G1SA
G2A
G2SA
Groupes
Figure 2 : scores de compréhension chez les groupes avec aides et sans aide.
(G1A : groupe moyen en anglais avec aides logicielles, G1SA : groupe moyen en anglais sans aide,
G2A : groupe faible en anglais avec aides logicielles, G2SA : groupe faible en anglais sans aide).
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Effet
version du logiciel
niveau linguistique
Scores s/ 30
F (1,54)
t (54)
G1A/G1SA
4,54
2,13,
0,0376
G2A/G2SA
7,41,
2,72
0,0087
G1A/G2A
24,20
4,92
<0,0001
G1SA/G2SA
65,22
8,07
<0,0001
p
Figure 3 : tests statistiques : analyse de la variance (ANOVA, test de Fisher) et t de Student
Nous avions formulé l'hypothèse que l'étayage apporté par les aides logicielles était
susceptible d'améliorer la compréhension chez les étudiants qui en bénéficiaient. Leur tâche
consistait à répondre à des questions de compréhension (questions de rappel, questions littérales et
inférentielles, questions de transfert) après avoir lu le texte extrait de la documentation technique en
anglais et avoir consulté les trois types d’aides mises à disposition. Notre hypothèse fut confirmée :
ils obtinrent de meilleurs scores de compréhension que les étudiants qui avaient lu le texte « brut »,
sans aides. Cependant, si les résultats sont statistiquement significatifs, les différences entre les
groupes expérimentaux (disposant du logiciel avec aides) et les groupes contrôles (ayant utilisé le
logiciel sans aide) restent modestes et l'effet du niveau en anglais est plus important que l'effet des
aides hypertextuelles (voir figures 2 et 3). De plus les scores (réponses aux questions de
compréhension) ne sont pas très élevés, ils sont pour le meilleur des groupes à peine moyens (15
points sur un total de 30) ; les étudiants ne sont pas parvenus à un niveau de compréhension
satisfaisant. Aucune corrélation significative ne fut trouvée entre la consultation des aides
logicielles et les scores obtenus par les étudiants.
4 CONCLUSIONS, IMPACTS ET PERSPECTIVES
4.1 La vision du pédagogue
L'effet du niveau en langue étrangère est plus important que l'effet des aides logicielles. Sur la
base de l’analyse des fichiers-traces des étudiants, nous pouvons avancer qu’ils ne les ont pas
consultées à bon escient, en négligeant les aides macrostructurelles et en se focalisant sur les aides
microstructurelles. Ceci a transformé la tâche en un simple exercice de traduction, qui ne les a pas
conduits vers une compréhension fine du texte. Le dispositif exigeait une participation active de
l'apprenant, une autonomie et une responsabilité face à leur apprentissage, dont n'ont pas fait preuve
la majorité des étudiants. Mettre des aides à la disposition des lecteurs n'est pas suffisant, il faut
davantage les guider dans leur lecture, voire imposer un parcours de lecture, leur expliquer en
amont que la compréhension d'un texte ne se résume pas à sa traduction et les sensibiliser à la
production d'inférences.
La tâche que nous avons assignée aux étudiants fut trop difficile, à la fois sur le plan
conceptuel (concepts informatiques trop complexes) et sur le plan procédural (aides logicielles trop
nombreuses). Cette difficulté a donné lieu à une surcharge mentale, c'est-à-dire à un décalage entre
les ressources attentionnelles disponibles chez l'étudiant et celles qui sont requises pour accomplir
la tâche. L'apprenant ne disposant pas assez de ressources pour comprendre, ses performances au
niveau cognitif et métacognitif se sont avérées médiocres. Aussi, nous devons modifier la tâche, en
simplifiant le contenu du texte, en ne retenant que les informations essentielles et en diminuant le
nombre d'aides logicielles. Nous allégerons ainsi la charge cognitive et libérerons des ressources
attentionnelles pour qu'un maximum puisse être consacré à la compréhension.
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4.2 La vision du technologue
Pour les besoins du protocole expérimental, nous avons dû restreindre la liberté des étudiants
en interdisant les retours en arrière une fois qu'ils ont répondu aux questions, en imposant un
déroulement séquentiel fixe des activités. Cette inflexibilité tient au double statut du logiciel, qui
d'une part vise à faciliter la compréhension par le biais des aides logicielles, et d'autre part évalue
cette compréhension assistée par ordinateur. Elle n'engage pas l'utilisateur du logiciel à s'investir
dans une activité où il n'est pas tout à fait libre de ses actions, d'autant plus que l'interface sobre, et
peu attrayante, ne l'a guère séduit. La transformation de ce logiciel en jeu sérieux, en intégrant ses
fonctionnalités d’enseignement dans un jeu vidéo, apparaît comme une piste à suivre. Un jeu
sérieux est susceptible de capter davantage l'intérêt de nos étudiants et offre des potentialités de remédiation des savoirs. Toutefois, l’investissement en temps pour les enseignants est très lourd et
réaliser ce type d’application demande de doubles, voire triples compétences, de pédagogue,
d’informaticien et d'infographiste.
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