mission d`information sur les moyens de lutte contre la surpopulation

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mission d`information sur les moyens de lutte contre la surpopulation
UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS
33, rue du Four 75006 PARIS
Tél. : 01 43 54 21 26
Fax : 01 43 29 96 20
E-mail : [email protected]
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Paris, le 25 octobre 2012
MISSION D’INFORMATION SUR LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA
SURPOPULATION CARCERALE
OBSERVATIONS DE L’UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS
Au premier septembre 2012 le nombre de détenus en France était de 66 126 dont :
- 16 266 prévenus
- 1 813 détenus placés en semi libertés (dans des centres ou quartiers de semi liberté)
- 406 détenus placés en chantier extérieur
- 47 641 condamnés dont les peines n’ont pas été aménagées.
Après une hausse constante depuis plusieurs années (le nombre de détenus en septembre 2010
était de 60 789), ce chiffre a dépassé à trois reprises depuis début 2012 les 67 000 pour
atteindre à son apogée, en juillet 2012, le nombre de 67 373.
Depuis deux mois il connait donc une très légère baisse liée notamment à la part des
détentions provisoires.
L’évolution à la hausse observée au cours des dernières années concerne en effet tant les
prévenus que les condamnés. Ainsi entre septembre 2010 et septembre 2012 le nombre de
détentions provisoires a augmenté de plus de 10 000, et le nombre de condamnés détenus de
plus de 5 000.
Si l’augmentation de la part de détention provisoire ne peut qu’interroger, il convient
néanmoins de préciser qu’en 20 ans, le recours à cette mesure est globalement en baisse, la
dernière amélioration étant en lien avec la réforme des critères de placement en détention
provisoire par la loi du 5 mars 2007. Au cours des années 1990, le nombre de détentions
provisoires était en permanence supérieur à 20 000.
La part des condamnés détenus est en revanche particulièrement inquiétante puisqu’elle
avoisinait les 35 000 dans les années 1990 et ne cesse depuis de croître pour dépasser la barre
des 50 000 depuis le début d’année 2012 alors pourtant que les aménagements de peine sont
en constante évolution.
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Il en résulte que la densité de la population carcérale est en moyenne de 115.2% (132.1% dans
les DOM TOM).
Ex : Mayotte : 212.38% avec un fort taux d’étrangers en situation irrégulière pour lesquels, faute de garantie de
représentation, l’emprisonnement ferme est fréquemment prononcé sans possibilité d’aménagement
Si les établissements pour peine, Etablissements Pour Mineurs et Centres ou quartiers de
semi-liberté sont en moyenne moins concernés par cette difficulté, avec un taux moyen
d’occupation de moins de 100%, les maisons d’arrêt sont à une moyenne de 129.8% de taux
d’occupation (149% en moyenne dans les DOM TOM), certains établissements atteignant
plus de 200% (ex : Orléans : 232% ; La Roche sur Yon : 250%).
Cette situation met la France dans l’incapacité d’accorder aux personnes détenues des
conditions d’incarcération dignes et obère les possibilités de réinsertion.
En effet les chances pour un détenu, dans une telle situation de surpopulation carcérale,
d’accéder à un travail en détention, à une formation, à une scolarisation, voire même
simplement à des activités, sa possibilité de rencontrer le conseiller d’insertion et de probation
pour préparer son projet de sortie, d’accéder à des soins notamment psychiatriques ou
psychologiques, ou encore de conserver des liens avec sa famille par le biais des parloirs sont
limitées.
Cette surpopulation a aussi une incidence sur le nombre et la violence des incidents, et les
conditions d’exercice des agents de l’administration pénitentiaire.
L’ancien gouvernement proposait pour principal remède l’augmentation du parc carcéral.
S’il est bien évidemment nécessaire d’envisager de poursuivre un certain nombre de
programmes immobiliers, notamment pour remplacer à terme, une partie du parc pénitentiaire
vétuste, il convient surtout d’opérer un bilan des causes possibles, tant conjoncturelles que
structurelles, de cette situation, d’autres solutions apparaissant possibles pour limiter la
surpopulation et ses effets.
I – Les causes possibles de la surpopulation carcérale
A – Les causes conjoncturelles
La situation actuelle des juridictions et des services pénitentiaires, le manque d’effectifs et de
moyens, sont pour partie cause de cette augmentation.
1 – Les stocks de peine inexécutées
En 2011 il a été annoncé que le nombre de peines inexécutées en France était de 100 000.
Les chiffres, issus d’une évaluation pour le territoire national en fonction des peines
inexécutées dans les 7 juridictions de la couronne parisienne, sont pour partie contestables et
l’ont d’ailleurs été par l’USM lors d’auditions parlementaires (notamment par Monsieur
CIOTTI et Monsieur BLANC) n’étant pas représentatifs au plan national.
Il ne s’agit en outre pas uniquement de peines d’emprisonnement ferme.
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Néanmoins, les contrats d’objectifs signés entre le ministère et 14 juridictions, l’attribution de
moyens complémentaires (notamment des recrutements de vacataires) ont permis pour partie
de résorber ces stocks.
Il est donc plausible que l’augmentation de la population carcérale soit pour partie liée à ces
efforts, ce qui expliquerait en outre le léger tassement salutaire constaté ces derniers temps.
2 – Le recours accru à la comparution immédiate
La comparution immédiate au cours des dernières années, est devenue un indicateur de
performance des juridictions, tant quant au nombre de comparutions immédiates sur l’année,
que sur la baisse du délai moyen de traitement des procédures pénales qu’elle induit.
Dans certains ressorts, elle est en outre devenue un moyen de gestion des flux. Lorsque
l’audiencement est engorgé, ne permettant pas d’audiencer ou de renvoyer des dossiers non
extrêmement urgents mais nécessitant un traitement rapide, à quelques semaines ou mois, le
recours est accru à la comparution immédiate constitue un moyen pour certains parquets que
soit apportée une réponse pénale rapide.
Enfin, la procédure de comparution immédiate permettant de décerner mandat de dépôt même
lorsque la peine prononcée est inférieure à 1 an, cette pratique peut conduire à décerner plus
simplement des mandats de dépôt.
Elle a surtout une incidence sur la détention provisoire.
3 – L’augmentation de la détention provisoire hors instruction
En effet, la comparution immédiate a une incidence sur le taux de détention provisoire dans 3
hypothèses :
Au préalable, en cas d’incarcération provisoire dans l’attente de l’audience : il y est
fait recours de manière assez régulière dans les plus petites juridictions en semaine ou en cas
de défèrement le week-end ;
En cas de renvoi de plein droit demandé par le prévenu, le délai est parfois porté au
maximum faute de places en audiences de renvoi ;
Postérieurement à l’audience de comparution immédiate en cas de condamnations à
de l’emprisonnement ferme assorti d’un mandat de dépôt puisque sont comptabilisés au titre
de la détention provisoire les 10 jours du délai d’appel, et, en cas d’appel, la période
d’incarcération précédant la comparution devant la cour d’appel.
L’augmentation du nombre de détentions provisoires est en outre liée à celle des délais
d’audiencement en cour d’assises au cours des dernières années.
Enfin, si le nombre de mandats de dépôt décernés dans le cadre d’instructions préparatoires
est globalement en baisse depuis la réforme du 5 mars 2007, la durée moyenne de ces
détentions provisoires est sans conteste en hausse à raison des pénuries d’experts,
d’enquêteurs, de la charge des juges d’instruction (-83 postes en 3 ans), et du formalisme
accru lié au renforcement du contradictoire. Sur ce point, l’USM a toujours préconisé
d’introduire, pour les parties, une possibilité de renoncer à tout ou partie des délais de
règlement prévus à l’article 175 du code de procédure pénale.
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4 – Les délais d’orientation des détenus vers des établissements pour peine
La loi pénitentiaire a porté de 1 à 2 ans le reliquat de peine à exécuter permettant l’orientation
en établissement pour peine, après évaluation au Centre national d’évaluation, seul existant à
l’époque le CNE de Fresnes.
Certes, l’incidence de cette mesure sur la densité carcérale devait, dans l’esprit du législateur,
être compensée par une augmentation corrélative des aménagements de peine jusque 2 ans.
Toutefois, l’augmentation de la délinquance violente et des peines planchers a sans conteste
augmenté la part des peines supérieures à 2 ans, et l’encombrement du CNE impliquant
plusieurs mois d’attente, conduit au maintien de personnes condamnées à de longues peines
dans les maisons d’arrêts surpeuplées, alors que les établissements pour peines connaissent un
taux d’occupation moyen inférieure à 100%.
Sans nul doute, l’ouverture de nouveaux CNE (Réau, Sequedin….) permettra de limiter cet
effet. Il convient néanmoins de s’interroger sur l’opportunité de revenir à une orientation
possible vers ces établissements même lorsque le reliquat de peine est de 1 an, s’agissant au
surplus d’établissements assurant une meilleure réinsertion.
B – Les causes structurelles
La principale cause de la surpopulation carcérale nous semble toutefois liée à l’entrée en
vigueur de la loi du 10 août 2007, et ce à divers titres.
1- L’instauration des peines planchers et de dispositions liant le juge
Indéniablement, et c’est l’effet voulu par le législateur, cette loi a eu pour effet d’augmenter le
quantum des peines prononcées en cas de récidive et d’augmenter en outre la part des peines
fermes prononcées par les juridictions.
En effet, au-delà des seules peines-planchers dont le quantum est prévu par la loi en cas de
récidive cette loi a introduit :
L’obligation dans certains cas de prononcer de l’emprisonnement ferme (article 13241 alinea 3)
L’obligation de décerner mandat de dépôt, sauf motivation spéciale (article 465-1 du
code de procédure pénale)
L’impossibilité d’aménager les peines de plus d’un an en cas de condamnation en
récidive.
La loi du 10 août 2007 a donc contribué à augmenter :
La durée moyenne des peines
La part des peines d’emprisonnement ferme
La part des peines ne relevant pas de la procédure d’aménagement de peine en
application de l’article 723-15 du CPP (soit à raison du quantum de peine, soit en raison du
prononcé d’un mandat de dépôt)
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2 – Les effets induits de la loi du 10 août 2007
L’augmentation de la population carcérale ne s’est pas immédiatement ressentie dans les mois
suivant l’entrée en vigueur de la loi de 2007.
En effet, un certain nombre de condamnations à des peines planchers sont assorties en tout ou
partie du sursis ou du sursis avec mise à l’épreuve, lorsque l’emprisonnement ferme
n’apparaît pas justifié pour l’intégralité de la durée de la peine.
En cas de révocation (automatique en intégralité pour le sursis simple ; éventuellement partiel
à la première révocation pour le SME) la part du sursis révoqué vient s’ajouter à la durée de la
nouvelle peine prononcée.
En outre, au cours d’une même audience, et a fortiori dans le cadre d’un même dossier, le
juge doit assurer une certaine cohérence entre les diverses peines prononcées pour des faits
similaires. Le prononcé d’une peine plancher pour l’un des prévenus a forcément un effet
levier sur la durée de la peine prononcée pour un primo délinquant comparaissant pour les
mêmes faits soit dans le même dossier, soit au cours de la même audience, entraînant un
glissement progressif de la durée des peines.
Le précédent gouvernement s’est toujours opposé à procéder au bilan d’application des peines
planchers. Pourtant :
- la délinquance est globalement en baisse : 2 534 097 faits constatés en 2007 contre
2 184 460 en 2010 soit une baisse de 13,8 % (Observatoire national de la délinquance et des réponses
pénales – rapport 2011)
- le taux de réponses pénales est en hausse passant de 83,6% en 2007 à 88,4% en 2010 (et
même 93,9% pour les mineurs !)
- le nombre d’arrêts et jugements prononcés par les cours d’assises et les tribunaux
correctionnel est en baisse (- 5,63% en 5 ans) (Chiffres clé de la Justice 2007 à 2011 – Ministère de la
Justice :
Décisions prononcées par les cours d’assises (hors mineurs)
2007 : 2 969
2011 : 2 502 soit une baisse de 15.73%
Décisions prononcées par les tribunaux correctionnels (hors OP, qui ne concernent que les amendes) :
2007 : 416 584
2011 : 393 732 soi une baisse de 5.49%)
- le nombre de placements sous surveillance électronique a explosé, augmentant de 375,91 %
en 5 ans (Statistiques mensuelles des personnes écrouées – Direction de l’Administration Pénitentiaire), sans
compter l’augmentation importante de la part des peines aménagées.
Comment dès lors expliquer que sur la même période le nombre de détenus ne cesse
d’augmenter si ce n’est par l’effet des peines planchers ?
3 – La suppression des décrets de grâce et lois d’amnistie
Si l’USM est tout à fait d’accord avec la suppression de ces traditions, il n’en reste pas moins
qu’il s’agissait de dispositifs qui contribuaient à vider les établissements et à limiter le nombre
de peines ramenées à exécution.
Ceci vient donc de fait contribuer à augmenter sensiblement les taux moyen d’occupation.
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III - Préconisations de l’USM
L’USM estime indispensable, avant d’envisager toute modification législative ou toute
augmentation conséquente du parc pénitentiaire :
- De procéder à une analyse poussée de l’incidence de causes conjoncturelles, s’agissant
d’un facteur d’augmentation de la densité carcérale susceptible de se résorber à court
ou moyen terme
- De procéder sans tarder à un bilan d’application des peines planchers
- D’accorder aux juridictions les moyens nécessaires pour résorber les stocks
d’audiencement pour limiter le recours à la comparution immédiate comme moyen de
gestion des flux, permettant ainsi de limiter tout à la fois le nombre de peines non
aménagées et le recours à la détention provisoire
- De renoncer à l’idée récurrente d’un numérus clausus ayant vocation à entraîner des
inégalités sur le territoire (cf infra)
- De renforcer les procédures d’alerte surpopulation et le rôle des commissions
d’exécution des peines pour fluidifier les incarcérations non urgentes ;
- En ce sens, de doter les services d’exécution et d’application des peines, ainsi que les
services de l’administration pénitentiaire de moyens suffisants pour assurer ces taches
de coordination
- De privilégier l’orientation en établissements pour peines y compris lorsque le reliquat
de peine est de 1 an ;
Concernant le parc pénitentiaire en lui-même, elle suggère de maintenir un programme
raisonnable de construction de nouveaux établissements ayant vocation au surplus à remplacer
progressivement les établissements vétustes. Dans cette perspective, il convient notamment :
- D’analyser les besoins par territoires pour éviter que des établissements enclavés
connaissent, comme c’est le cas actuellement, un faible taux d’occupation, alors que
d’autres sont à 200%, obérant tout suivi des CIP et tout effort de réinsertion (listes
d’attente pour la formation, le travail, la scolarité….)
- De développer les centres et quartiers de semi-liberté avec des horaires d’accès
permettant ce type d’aménagement de peine y compris pour des emplois en horaires
atypiques
- De localiser ces centres et quartiers dans des lieux non enclavés pour permettre un
taux d’occupation maximal
- De renforcer les moyens accordés pour les placements extérieurs
- De remplacer en priorité les établissements de type « dortoirs », obsolètes et inaptes à
offrir des conditions dignes de détention, qui existent encore dans certains DOMCOM (Basse-Terre à La Guadeloupe, Saint-Pierre à la Réunion, Nouméa…).
Le bureau de l’USM
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REPONSE AU QUESTIONNAIRE
1 - Jugez-vous souhaitable la « déjuridictionnalisation » ou la « civilisation » de certains
contentieux ? Pour quel(s) contentieux cette piste pourrait-elle être envisagée ? Pourraiton en attendre une diminution effective du nombre de courtes peines privatives de
liberté ?
L’USM n’est pas hostile à l’engagement d’une réflexion sur la déjudiciarisation. Elle a
notamment toujours proposé la dépénalisation en matière de droit de la presse, qui pourrait
utilement n’être traité que devant les juridictions civiles.
Néanmoins, force est de constater que les infractions pour lesquelles une déjudiciarisation
serait envisageable sont par nature celles qui troublent le moins l’ordre public, créent le moins
de dommage, et donc pour lesquelles la prison n’est envisagée que dans des cas extrêmes
(notamment multi-récidive). Ainsi, au titre des « incivilités » (qui ne constituent pas une
notion pénale) un certain nombre de délits ne justifie pas, pour une première poursuite, une
peine d’emprisonnement, même avec sursis ; par contre, leur répétition peut réellement causer
un préjudice important, a fortiori s’il s’agit toujours de la même victime.
Une déjudiciarisation n’aurait donc qu’une incidence très faible sur la population carcérale et
risquerait au contraire de heurter la population.
2 – Faudrait-il rendre plus fréquents les déplacements de magistrats du parquet et du
siège (hors juges de l’application des peines) dans les établissements pénitentiaires, et
notamment dans les maisons d’arrêt ?
Au cours des dernières années, il a souvent été évoqué l’idée d’imposer aux magistrats d’aller
dans les établissements pénitentiaires.
La loi leur en fait déjà obligation à divers titres :
- Conseils d’évaluation remplaçant les commissions de surveillance, auxquels participent
les magistrats du parquet, les juges d’application de peines, les juges d’instruction et le
président du tribunal ;
- Audiences et commissions d’application des peines en détention ;
- L’obligation pour les parquetiers de visiter les établissements pénitentiaires une fois par
an a été supprimée par la loi du 23 décembre 2010, mais les articles D176 et suivants du code
de procédure pénale prévoient les visites régulières des juges d’instruction, des juges
d’application des peines, des juges des enfants, des présidents de chambre de l’instruction et
un rapport annuel des chefs de cour sur la situation des établissements situés sur leur ressort.
Au-delà de ces obligations de déplacement, les magistrats ont divers moyens de savoir ce qui
se déroule en détention, notamment pour les JAP lors de leurs entretiens avec les condamnés,
et pour les JI au travers de la lecture du courrier des détenus.
Les parquetiers sont malheureusement amenés également à s’y rendre en cas de scène de
crime ou de suicide.
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Les magistrats n’ont pas de réticence à aller en prison. Ils effectuent d’ailleurs un stage de 15
jours en prison, dans les fonctions de direction mais surtout de CIP et de surveillant, au cours
de leur formation initiale.
Force est pourtant de constater que s’ils ne remplissent plus, pour la plupart, cette obligation
légale, c’est essentiellement par manque de temps.
La question n’est donc pas de savoir s’il convient d’augmenter par la loi le nombre de visites
à effectuer, mais bien de faire en sorte que ces visites soient effectives et puissent se dérouler
de manière intempestive.
En effet, le législateur a voulu remplacer les commissions de surveillance par les conseils
d’évaluation pour rendre le contrôle plus effectif. Pourtant, comme il ressort du bilan
d’application de la loi pénitentiaire publié par la Commission des Lois du Sénat en juillet
2012, « il n’est pas sûr néanmoins que cette nouvelle instance dont la composition est encore
plus lourde que celle de la commission de surveillance -qui ne comprenait « que » vingtquatre membres, joue un rôle efficace. Les interlocuteurs de vos co-rapporteurs se sont
d'ailleurs montrés sceptiques sur l'organisation du conseil. A l'évidence, et contrairement au
souhait du législateur, le pouvoir exécutif n'a pas tiré les enseignements de l'échec des
commissions de surveillance en donnant à ces nouvelles structures une composition allégée
qui leur permette d'exercer à la fois un rôle d'évaluation et de proposition ». L’action des
conseils d’évaluation se calque dans la réalité sur celle des commissions de surveillance :
réunions dans une salle le plus souvent extérieure à la détention, suivies d’une visite guidée de
l’établissement, ne permettant pas de constater d’éventuels dysfonctionnements.
3 – Pensez-vous que la peine d’emprisonnement doit rester, en matière délictuelle, la
peine de référence ? Existe-t-il des délits qu’il serait opportun de transformer en
infractions contraventionnelles ?
L’USM est favorable au maintien de la peine d’emprisonnement comme peine maximale de
référence, au même titre que la peine d’amende, pour chacune des incriminations pénales.
Il s’agit en effet d’une question de cohérence dans l’architecture générale du code pénal.
Ce n’est toutefois pas parce que, au maximum, une personne encourt une peine
d’emprisonnement que celle-ci sera nécessairement prononcée.
La question est depuis peu évoquée d’une « peine de probation » (cf infra) ; supprimer la
référence à la peine d’emprisonnement pour y substituer une peine de probation, dans les
incriminations elles-mêmes risque de trouver rapidement ses limites.
Ex : un emprisonnement pour un premier vol à l’étalage de faible montant apparait disproportionné ; toutefois
la multiplication de tels faits peut le justifier ; il en sera de même pour un vol simple, même commis par un
primo délinquant, mais d’une très grande gravité (ex : affaire Tony Muselin)
Ex : l’emprisonnement n’apparait pas justifié pour des dégradations délictuelles isolées ; si elles sont répétées
ou particulièrement graves sans pour autant qu’une circonstance aggravante puisse être retenue, il semble
difficile de ne pas envisager à terme le recours à une peine d’emprisonnement, au moins avec sursis ou SME.
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Il ne faut en outre pas oublier que la prison n’est que l’ultime recours en application du
principe d’individualisation des peines, celles-ci devant être proportionnées à la gravité des
faits commis et à la personnalité de leur auteur.
Il est en effet rare que dès la première infraction, une personne fasse l’objet de poursuites
devant le tribunal (et non d’une alternative aux poursuites) et qu’elle y soit dès la première
comparution condamnée à de l’emprisonnement ferme. Même le recours à un
emprisonnement avec sursis (simple, SME, STIG) n’est pas systématique eu égard au panel
de peines envisageables à titre de peines complémentaires ou de peines principales (amende,
TIG, …).
Surtout le message serait très difficile à faire passer, notamment auprès des victimes de ces
faits dont la répétition cause un préjudice important. La référence à la prison est comprise et
intégrée par la population, tant par les victimes que par les auteurs, et quelle autre peine de
référence pourrait dès lors se substituer à l’emprisonnement ?
4 – Avez-vous le sentiment de répondre à une « attente sociale » lorsque vous requerrez
et prononcez une peine d’emprisonnement ? Dans quelle mesure la pression – politique,
médiatique, sociale, etc. – modifie-t-elle le travail des magistrats ? Est-ce un phénomène
nouveau ?
Lorsque le juge prononce une peine d’emprisonnement il le fait à raison des faits commis, des
circonstances de la commission, de la personnalité de l’auteur et aussi au nom d’une certaine
cohérence entre les peines prononcées à une même audience et plus généralement au sein de
la juridiction et en s’inscrivant dans une jurisprudence nationale.
La cohérence de cette jurisprudence est nécessaire pour assurer une égalité de traitement entre
les justiciables d’une audience à l’autre et également pour permettre une lisibilité des peines.
Deux dossiers ne sont jamais semblables en tous points mais si pour des faits approchants et
avec des personnalités proches les peines sont trop disparates, il en résultera un sentiment
d’injustice.
La mission du juge est bien évidemment de faire abstraction de toutes les pressions qu’il peut
subir, qu’elles soient médiatiques, politiques, sociales…. Le juge ne cherche pas à répondre à
une attente sociale lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement ; il la prononce parce qu’il
l’estime justifiée. C’est plutôt lorsque, en conscience, il estime que les éléments figurant en
procédure ne justifient pas un emprisonnement dans un dossier très médiatique, qu’il prend
conscience du poids de l’opinion publique et de ne pas répondre à l’attente sociale,
privilégiant son serment. Ce type de décision nécessite un certain courage.
La sur-médiatisation de certains faits divers et l’instrumentalisation qui a pu en être faite au
cours des dernières années, avec ces accusations systématiques de justice laxiste ne peuvent
laisser complètement indifférent et peuvent avoir une incidence inconsciente sur les décisions
des magistrats.
Ce phénomène est à son apogée notamment en matière de détention provisoire, cette mesure
étant tantôt présentée comme une nécessité absolue, tantôt fustigée. Il suffit pour s’en
convaincre de voir l’évolution de l’opinion publique et des médias sur la question de la
détention provisoire au fil de l’affaire d’Outreau.
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Malgré la loi du 5 mars 2007 restreignant les critères de détention provisoire, notamment en
matière délictuelle, avec la suppression de la référence au trouble à l’ordre public, l’attente
sociale est extrêmement forte. Oubliant l’indignation collective consécutive à l’affaire
d’Outreau, à l’origine de cette réforme, certains continuent de crier au laxisme du juge
lorsqu’une affaire ayant défrayé la chronique aboutit à un placement sous contrôle judiciaire.
Pourtant, personne n’est censé connaitre l’ensemble des éléments du dossier, s’agissant de
faits couverts par le secret de l’instruction, et la personne mise en examen est toujours
présumée innocente.
Faire abstraction des pressions de l’opinion publique est sans aucun doute plus difficile encore
pour les jurés d’assises ayant à statuer sur des affaires déjà longuement évoquées dans les
médias, que l’accusé soit présenté comme victime d’une erreur judiciaire ou comme le
coupable idéal.
Au-delà des pressions ressenties, il existe en outre une influence liée à l’évolution législative.
Ainsi, les peines planchers ont sans conteste eu une incidence sur le quantum des peines
prononcées, y compris hors récidive et donc sur la surpopulation carcérale.
Si dans une même dossier, deux prévenus ont le même degré d’implication et que l’un est
condamné à une peine plancher de 4 ans, le co prévenu qui comparait pour la première fois
devant un tribunal correctionnel, risque de se voir appliquer une peine plus lourde que s’il
avait comparu seul, au nom de la cohérence entre les peines. Cela vaut également pour des
peines prononcées au cours d’une même audience, dans des dossiers distincts.
5 – Êtes-vous favorable à la mise en place d’un numerus clausus dans les maisons
d’arrêt? Si oui, comment pourrait être organisé le dispositif ?
Ce dispositif existe déjà en centres de détention et maisons centrales, et dans une moindre
mesure en centres de semi-liberté. Dans ce cadre, l’USM n’y est pas opposée.
L’USM a par contre toujours été fermement opposée à la mise en place d’un numerus clausus
en maison d’arrêt.
Ce dispositif est en effet inconciliable avec le principe d’individualisation des peines tant lors
de leur prononcé que dans leurs modalités d’exécution.
Il ne s’agit pas ici pour les magistrats de fermer les yeux sur les conditions de détention
actuelles et se dédouaner de toute responsabilité dans cette situation.
Néanmoins la décision du tribunal ou la mise à exécution de la condamnation ne sauraient
dépendre d’un numerus clausus en maison d’arrêt.
-
Pour les incarcérations en urgence
Sont ici visés les cas de mandat de dépôt décerné à l’audience ou par le JLD dans le cadre
d’une comparution préalable, à l’issue d’une mise en examen accompagnée d’une saisine aux
fins de placement en détention provisoire, d’une comparution immédiate, d’une révocation de
contrôle judiciaire ou de sursis avec mise à l’épreuve…
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Ce type d’incarcération ne saurait être différé, relevant de l’urgence.
-
Pour les peines prononcées en audience correctionnelle « classique »
La seule marge de manœuvre réside donc dans la part des peines d’emprisonnement ferme
prononcées sans mandat de dépôt mais non aménageables (peines supérieures à 2 ans ou
ramenées à exécution dans le cadre de la procédure de l’article 723-15 du CPP).
En effet, eu égard aux nombreux filtres (alternatives aux poursuites, alternatives à
l’emprisonnement, aménagements des peines en application de l’article 723-15 du CPP…) et
à l’éventail existant de peines alternatives à l’emprisonnement, l’emprisonnement ferme n’est
prononcé et exécuté que dans les cas où aucune autre solution n’est envisageable.
C’est donc à l’Etat de mettre en œuvre les moyens de faire exécuter les décisions de justice et
non à la justice d’adapter sa décision ou l’exécution de celle-ci aux moyens qui lui sont
donnés. L’Etat doit être mis face à ses responsabilités et ce n’est pas au juge de renoncer à
prononcer ou mettre à exécution une peine au seul motif qu’il n’y a pas de place suffisante.
Diverses modalités de mise en œuvre d’un numerus clausus ont d’ores et déjà été envisagées à
l’occasion de l’examen de propositions de lois, qui présentent toutes des travers majeurs.
Ainsi, le transfert d’un détenu vers un autre établissement pour libérer une place trouve trois
obstacles majeurs :
- La nécessité de garantir une certaine stabilité du détenu durant sa détention, dans son
suivi par le SPIP mais également, lorsqu’il a entamé une formation, une scolarité, qu’il
travaille ; tout changement d’établissement implique une rupture dans cet effort
d’insertion et l’inscription, dans le nouvel établissement, sur des listes d’attente
souvent longues ;
- La nécessité, pour favoriser la réinsertion, de privilégier le maintien des liens
familiaux, ce qui implique de privilégier une incarcération à proximité du domicile de
la personne condamnée ;
- La surpopulation carcérale généralisée, rendant illusoire l’existence de place
disponible dans un établissement proche.
La libération d’une personne avant la fin de sa peine par application d’un dispositif
automatique et sans préparation d’un aménagement de peine heurte encore plus :
- Si la loi pénitentiaire incite à multiplier les aménagements de peine, ceux-ci doivent
correspondre à un projet et avoir un contenu socio éducatif, non résulter d’une
automaticité ; l’USM, opposée aux aménagements de peine sans contenu socio
éducatif ni contrôle judiciaire effectif, ne peut que rejeter l’idée de remises en liberté
sans suivi, dans le seul but de libérer une place ;
- Un tel dispositif suppose une sélection des détenus susceptibles de sortir pour libérer
une place et donc la question des modalités de cette sélection et de la personne qui les
sélectionne ;
- Il crée une inégalité selon les territoires, une personne pouvant exécuter sa peine en
intégralité au prétexte qu’elle se trouve dans un région où le taux d’occupation est
inférieur ou égal à 100%, ou être libérée prématurément si elle est incarcérée dans un
établissement surpeuplé ; un tel dispositif pourrait d’ailleurs conduire certains détenus
11
à faire une « course au transfert », dans l’espoir d’intégrer un établissement sujet à
l’encombrement, tactique se mettant en place au détriment d’efforts de réinsertion.
Le numerus clausus méconnait en outre le fait que tous les détenus ne relèvent pas du JAP.
Ainsi, comment un juge des libertés et de la détention décernant mandat de dépôt pourrait-il
parallèlement ordonner la remise en liberté ou le transfert d’une personne relevant de la
compétence du JAP ?
Il oublie aussi le fait que, pour éviter notamment les concertations frauduleuses, un JI ou un
tribunal peuvent décider d’ordonner l’incarcération dans des maisons d’arrêts ne dépendant
pas de leur ressort et donc relevant du contrôle d’un JAP voisin.
Pour ces cas, plutôt qu’un numerus clausus et une procédure rigide, il convient d’introduire
plus de souplesse dans la gestion des incarcérations.
Le Comité d’Orientation Restreint (COR) de la loi pénitentiaire dans son rapport de novembre
2007 (préconisation 105) proposait de mettre en place une procédure « alerte surpopulation »
par laquelle le directeur d’établissement alerte les autorités locales, notamment judiciaires,
d’un risque de surpopulation dans son établissement.
En pratique, les directeurs pénitentiaires ont pris pour habitude d’informer très régulièrement
les magistrats du ressort du taux d’occupation de l’établissement.
Les commissions d’exécution des peines sont le lieu idéal de tels échanges pour permettre à
chacun de trouver les solutions adaptées, tenir compte des contraintes des uns et des autres et
réduire l’incompréhension entre ces divers professionnels.
Cela ne peut se faire que si chacun dispose de temps suffisant pour ces tâches de coordination,
ainsi qu’il a été rappelé notamment dans les rapports des groupes de travail ministériels sur le
parquet et l’application des peines.
6 – La réduction de la surpopulation carcérale passe-t-elle, selon vous, par la
redéfinition de l’échelle de certaines peines ? Pour quelles infractions le recours à
l’emprisonnement pourrait-il être limité, voire exclu ? Comment pourrait-on améliorer
la mise en œuvre de l’obligation de « double motivation » des peines d’emprisonnement
ferme en matière délictuelle ?
Il existe selon nous d’autres solutions à envisager avant de remettre en cause l’échelle des
peines, d’autant qu’il ne s’agit que d’un maximum encouru, qui n’est prononcé que dans des
cas extrêmes ; modifier l’échelle n’aura de fait qu’une incidence limitée sur le quantum de la
peine réellement prononcée et donc sur la surpopulation carcérale elle-même.
Il convient par contre d’analyser plus précisément les causes de la surpopulation (causes
conjoncturelles et structurelles), et notamment d’effectuer un réel bilan d’application de la loi
sur les peines planchers.
L’actuelle échelle des peines est le fruit d’une longue réflexion menée notamment lors du vote
du nouveau code pénal en 1992. Remettre en cause cet équilibre sans une réflexion d’ampleur
est dangereux. En outre, cela nécessite du temps, et une incontournable phase de consultation
12
des professionnels et des associations de victimes, ne permettant donc pas d’avoir un effet sur
la surpopulation à brève échéance.
Quant à la motivation des peines d’emprisonnement, il s’agit d’une obligation légale d’ores et
déjà remplie par les juridictions en matière délictuelle, certes parfois a minima, faute de
temps.
La notion de « double motivation » des peines d’emprisonnement ferme en matière délictuelle
est obscure.
Outre les peines planchers, les points sur lesquels il conviendrait de revenir sont par contre les
dispositions issues de la loi du 10 aout 2007 :
- interdisant au juge de prononcer un nouveau SME dans certaines situations de récidive
et le contraignant donc à prononcer de l’emprisonnement ferme, sans pouvoir l’écarter
par une motivation spéciale ;
- obligeant le juge, sauf motivation spéciale, à décerner mandat de dépôt dans certaines
situations de récidive (article 465-1 du CPP).
Elles portent atteinte à la personnalisation des peines et à l’imperium du juge et conduisent
parfois à des incarcérations immédiates qui auraient pu être évitées ou dont l’exéuction aurait
pu être différée.
7 – Un bilan de l’utilisation de la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité, créée par la loi du 9 mars 2004, a-t-il été réalisé ? Que pensez-vous de cette
procédure, qui limite le rôle du juge à l’homologation ou au refus de la proposition de
peine faite par le procureur ?
A l’occasion des débats parlementaires sur l’introduction de la CRPC et sur ses extensions
successives, l’USM a dénoncé ce dispositif, tiré du droit anglo saxon, comme trop éloigné de
notre culture de droit romain et surtout comme un dispositif de pure gestion de flux.
Surtout, il nous apparaissait contraire au principe d’individualisation des peines et dangereux
en termes de lutte contre la récidive.
Si l’audience est certes chronophage, sa solennité permet au prévenu de comprendre les
enjeux, d’être confronté à la parole de la victime, et à cette dernière de s’exprimer sur les faits
et les conséquences qu’ils ont entrainées pour elle. Ces éléments peuvent d’ailleurs s’avérer
utiles dans l’appréciation par le juge de la peine à prononcer, notamment par la fixation
d’obligations d’indemnisation ou d’interdictions d’entrer en contact avec la victime.
La CRPC écarte la victime des débats, même si elle ne la prive pas du droit de réclamer des
dommages et intérêts. Bon nombre de victimes sortent frustrées de ces audiences, ayant le
sentiment que leur parole n’a aucun poids, tout étant décidé d’avance.
Il est en outre fréquent de voir des personnes déférées en comparution immédiate en état de
récidive légale, indiquant n’avoir jamais été condamnées puisque n’ayant jamais comparu à
l’audience, alors que figure à leur casier judiciaire traces de premières condamnations en
ordonnance ou composition pénale et en CRPC.
Surtout, dans certains ressorts où la charge pénale est lourde, il arrive parfois que le président
homologue des peines qui ne lui paraissent pas cohérentes avec le parcours du prévenu (le
13
plus souvent parce qu’elles lui semblent trop indulgentes, mais également parfois, s’agissant
de peines plus sévères que la jurisprudence habituelle du tribunal correctionnel, dès lors
qu’elles ont été acceptées par le prévenu) pour éviter de surcharger une audience ultérieure. Si
ces pratiques sont regrettables, la surcharge des juridictions incite parfois à utiliser la CRPC
comme un outil de gestion, permettant d’assurer un taux de réponse pénale conforme aux
objectifs fixés par la chancellerie, tout en évitant une accumulation des stocks.
L’USM estime qu’un bilan d’application de la CRPC est absolument nécessaire et qu’il
convient de garantir les moyens suffisants pour faire de cette procédure un outil
supplémentaire à disposition des parquets dans les cas où elle apparait la plus adaptée (primo
délinquants, procédures sans victimes….) sans qu’il devienne un pur outil de gestion des flux
au détriment des intérêts des parties.
8 – Estimez-vous que les procédures alternatives aux poursuites sont suffisamment
développées ? Si ce n’est pas le cas, quelles en sont les raisons et comment y remédier ?
Connaît-on la part des propositions de composition pénale que le juge refuse de valider
et la part des compositions dont les mesures ne sont pas exécutées ?
L’USM ne dispose pas de statistiques quant aux refus de validation des propositions de
compositions pénales.
Elle estime pour sa part que les alternatives aux poursuites sont, dans les textes, suffisamment
diversifiées pour permettre de trouver la réponse la plus adaptée aux petits actes de
délinquance et à la personnalité de leurs auteurs.
Elle déplore toutefois la politique du chiffre conduisant à toujours voir augmenter le taux de
réponse pénale. En effet, les alternatives aux poursuites ne sont le plus souvent pas utilisées là
où des poursuites auraient été envisagées mais bien pour éviter les classements sans suite en
opportunité.
Or, en cas d’échec de l’alternative aux poursuites, le procureur a le choix cornélien :
- Soit de classer quand même la procédure alors qu’un manquement du mis en cause est
constaté, laissant sans suite une remise en cause d’une décision de l’autorité
judiciaire ;
- Soit de poursuivre des faits qui viennent encombrer la juridiction correctionnelle, au
motif le plus souvent de la non comparution du mis en cause suite à un changement
d’adresse.
Il convient donc pour éviter ces éviter et pour plus de cohérence que le procureur soit conforté
dans son statut de magistrat et retrouve compétence pour décider dans certains cas de
l’inopportunité des poursuites ab initio.
Un obstacle concret existe en outre pour le recours aux médiateurs et délégués du procureur,
dont le paiement relève des frais de justice (article 92 du CPP). La baisse régulière des
budgets affectés au paiement des frais de justice, alliée au fait que ces budgets sont largement
amputés par les prescriptions en matière d’expertises obligatoires, a pu conduire certains
parquets à limiter le nombre de médiations pénales, rappels à la loi, compositions pénales,
faute de pouvoir honorer les mémoires de ces partenaires. L’effort consacré par le PLF 2013
au budget des frais de justice, permettant de faire face a priori aux prescriptions 2013 et de
solder une partie des dettes accumulées rendra sans doute une plus grande marge de
manœuvre aux parquets, leur permettant même d’envisager des mesures innovantes.
14
9 – Le rapport annexé à la loi de programmation relative à l’exécution des peines du 27
mars 2012 reprend la préconisation selon laquelle la charge de travail des juges de
l’application des peines devrait être limitée à 700 à 800 dossiers par magistrat : quelle
est-elle aujourd’hui ? Cet objectif vous semble-t-il raisonnable d’une part, accessible
d’autre part ?
L’USM a pris part aux travaux du groupe de travail ministériel mis en place dans les suites de
l’affaire de Pornic sur les services d’application de peines ayant servi de base à l’évaluation
faite en annexe de la loi de programmation relative à l’exécution des peines.
Plus précisément le groupe de travail a estimé la charge raisonnable d’un JAP, assurant une
qualité suffisante des décisions à :
« - en milieu ouvert:
700 à 800 dossiers, en tenant compte de la nécessaire pondération de certains dossiers
particulièrement complexes, au regard de la personnalité du condamné et/ou de la peine
prononcée : suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire, placement sous surveillance
électronique mobile (PSEM) et surveillance de sûreté. Le groupe considère qu'un dossier de
cette nature en vaut deux
ou
- en milieu fermé: 700 à 800 condamnés sous écrou à la date du 1er janvier
ou
– au titre de l'article 723-15 CPP: 700 à 800 décisions par an,
un panachage étant possible (ainsi un JAP à temps plein, suivant l'organisation du service,
pourrait par exemple avoir en charge 300 détenus, 200 dossiers de milieu ouvert et 200
dossiers de 723-15) ».
Ce chiffre a été adopté à l’unanimité par les membres du groupe de travail, qui a conclu en
outre que tout poste de juge localisé nécessitait la création d’un poste de greffier.
Aucune statistique n’était jusque là établie par la chancellerie, en l’absence d’indicateur,
d’infocentre et de recueil harmonisé des données.
Les seuls chiffres ainsi soumis au groupe de travail correspondaient aux éléments remontés
des juridictions sur un système purement déclaratif, faisaient apparaitre une moyenne de 885
dossiers par JAP localisé, certains pouvant atteindre 2 000 dossiers par JAP localisé.
Le groupe de travail a donc mis en lumière la nécessité d’obtenir des données précises
permettant de comptabiliser précisément le nombre de mesures par ETP de JAP, bon nombre
de postes de JAP étant vacants, et l’essentiel des JAP n’exerçant pas leurs fonctions à temps
plein.
Un tableau statistique a donc été établi
(ayant vocation à être intégré dans l’infocentre APPI) par le groupe de travail et diffusé par
la circulaire du 7 octobre 2011 en vue de l’établissement de statistiques fiables à compter de
l’année 2012.
Ces statistiques ne nous ont pas été communiquées en l’état.
C’est donc avec l’ensemble de ces réserves que ce chiffre a été fixé par le groupe de travail,
en vue d’être transmis et affiné dans le cadre des travaux du groupe de travail sur la charge de
travail des magistrats, préconisant en outre «qu'un bilan puisse être fait après la transmission
15
des rapports d'activité et tableaux de bord de l'année 2011 pour affiner les présentes
conclusions ».
Sous réserve des conclusions affinées du groupe de travail sur la charge de travail des
magistrats, après recueil de statistiques fiables, l’objectif apparait raisonnable pour permettre
aux JAP de traiter les dossiers dans le respect des délais et en maintenant un contrôle effectif
des mesures, tout en dégageant du temps pour le magistrat coordonateur, conformément à la
préconisation 20 du groupe de travail (« ▪ jusqu'à 2 JAP : la fonction coordonnateur est
estimée à 10% du temps de travail, hors délégation ; ▪ jusqu'à 4 JAP : la fonction
coordonnateur est estimée à 20% du temps de travail, hors délégation ; ▪ au delà de 4 JAP :
la fonction de coordonnateur est estimée à un maximum de 60% du temps de travail, hors
délégation ; ,en appel, la fonction soutien est évaluée par le groupe de travail à 15/20% du
temps de travail du président de la CHAP »).
Il semble en outre réalisable à moyen terme, le projet de loi de programmation ayant, dans son
annexe, envisagé la création de 120 postes de JAP et 85 de greffiers ; ces postes n’ont
toutefois pas été budgétés.
La CLE 2012 a certes localisé plus d’emplois de JAP, mais sans qu’il s’agisse de créations de
postes, mais uniquement de redéploiements au préjudice d’autres fonctions et notamment de
postes en cours d’appel.
Le PLF 2013 ne prévoit plus que 40 créations de postes de JAP. L’objectif reste néanmoins
réalisable et nécessaire.
10 - Malgré l’existence de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et du
contrôle judiciaire, les personnes en détention provisoire représentent le quart des
détenus. Comment peut-on expliquer cette proportion ? Les juges des libertés et de la
détention manquent-ils d’éléments d’information pour prononcer une mesure
alternative à la détention provisoire ou n’ont-ils pas les moyens de recourir aux
dispositifs existants ?
Le recours au dispositif d’assignation à résidence instauré par la loi pénitentiaire apparait
en l’état très résiduel.
Dans le cadre du bilan d’application de la loi pénitentiaire effectué par le Sénat, l’USM
avait rappelé que cela était notamment lié à la nature hybride de cette mesure ne donnant
pas lieu à écrou, bien que sa durée vienne au final en déduction de la peine : doit-elle
donner lieu à la suspension des SME et SSJ en cours ? Si le texte ne le prévoit pas en
l'absence d'écrou, cela pose des problèmes de fond).
De même, si aucun texte ne prévoit la tenue d'un registre spécial en maison d'arrêt, il
existe un risque important que cette période ne soit finalement pas imputée sur la peine.
Ces difficultés sont une des causes de la réticence des magistrats à prononcer ces mesures.
Ils convient en outre qu’ils se familiarisent avec ces dispositifs qu’ils doivent en effet
envisager dans l’urgence.
Concernant la part croissante de la détention provisoire dans la population détenue,
plusieurs explications peuvent être apportées :
16
-
-
-
Si la délinquance connait globalement une baisse, c’est la délinquance la plus
violente qui est en hausse, délinquance pour laquelle les comparutions immédiates
et ouvertures d’information sont le plus souvent décidées ;
Le nombre de mandats de dépots décernés dans le cadre d’instructions préparatoires a
diminué notamment par l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 écartant le trouble
à l’ordre public comme critère de placement en détention provisoire en matière
correctionnelle ; toutefois, la durée moyenne d’une détention provisoire dans le cadre
d’une instruction augmente, en raison des difficultés à faire réaliser expertises et
investigations, faute de moyens d’enquête et même de magistrats instructeurs (-83 en 3
ans)
Surtout les chiffres relatifs à la détention provisoire incluent les durées d’incarcération
provisoire par le JLD dans l’attente de l’audience de comparution immédiate,
l’incarcération provisoire en cas de renvoi d’une comparution immédiate, les 10 jours
de délai d’appel, et le délai d’audiencement en appel ; l’augmentation du nombre de
CI vient donc gonfler le nombre de détentions provisoires ; il en est de même pour les
délais allongés de comparution devant la cour d’assises
11 – Dans quelle mesure la comparution immédiate empêche-t-elle les aménagements de
peine ab initio ? Faudrait-il réduire le champ des infractions susceptibles d’être jugées
en comparution immédiate ?
Il conviendrait dans un premier temps d’arrêter de faire de la comparution immédiate un
indicateur de performance, soit en tant que tel, soit de manière indirecte en ce qu’elles
permettent d’abaisser le délai moyen de traitement des procédures pénales.
Surtout, il faut donner les moyens aux juridictions connaissant les délais de traitement les plus
longs d’apurer leurs stocks pour revenir à des délais d’audiencement normaux. En effet, une
juridiction qui audience à plusieurs mois, voire un an, a tendance à traiter par la voie de la
comparution immédiate des faits, certes, d’une certaine gravité, mais qui, s’ils pouvaient être
jugé à délai raisonnable, par COPJ ou CPPV, ne nécessiteraient pas de comparution
immédiate.
Il ne s’agit pourtant que d’une solution à court terme. En effet, il s’agit d’une procédure
particulièrement chronophage, monopolisant un grand nombre de magistrats et fonctionnaires
(3 juges quand bien même il s’agirait de faits relevant de la « juge unique », outre le cas
échéant le JLD qui aura statué sur les mesures provisoires avant l’audience ; le magistrat du
parquet pour le défèrement et l’audience ; un greffier à toutes les étapes de la procédure). Les
retards qu’elle génère sur le traitement des autres dossiers ne fait qu’augmenter les stocks : le
magistrat de permanence comparution immédiate ne peut prendre d’audience en parallèle ; si
le nombre de CI est trop important le tribunal peut être amené à renvoyer des dossiers
pourtant fixés depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois. Les temps morts (attente de la
procédure, de l’avocat, du rapport du SPIP…) sont en outre très nombreux. Tous ces éléments
contribuent à désorganiser la juridiction
Enfin, les droits de la défense, mais également ceux de la victime, sont dans ce type de
procédures, réduits à leur portion congrue.
L’USM n’est pas hostile à une réflexion sur la limitation du champ de la comparution
immédiate.
17
Elle ne soutient pas, comme d’autres, qu’il faut purement et simplement supprimer cette
procédure urgente qui trouve tout son utilité dans les cas d’infractions violentes ou réitérées,
nécessitant une réponse rapide, sans pour autant que la saisine d’un juge d’instruction soit
nécessaire, les investigations étant terminées.
Diverses pistes peuvent être explorées mais elles présentent toutes des inconvénients.
-
Première hypothèse : Augmentation du quantum minimum requis
Actuellement la comparution immédiate est réservée aux délits punis d’au moins 6 mois
d’emprisonnement en cas de flagrance (depuis la loi du 9 septembre 2002) ou 2 ans en cas
d’enquête préliminaire.
Augmenter ce quantum à 3 ans exclurait le recours à la comparution immédiate pour les
infractions routières, contentieux gros pourvoyeur de procédures urgentes (récidives de CEA,
de conduite sans permis, etc….)
L’augmenter à 5 ans, pour exclure la comparution immédiate des infractions relevant de la
compétence du juge unique peut également être une piste, mais écarte alors de ce champ tous
les faits de vols aggravés par une seule circonstance, de violences aggravées par deux
circonstances, etc…
Si une telle hypothèse était envisagée, peut-être pourrait-elle être modulée dans les cas de
récidive ou d’atteintes aux personnes où l’emprisonnement n’est pas forcément la réponse
adaptée mais où il est important qu’une réponse rapide soit donnée (même sous forme de
sursis avec mise à l’épreuve).
-
Seconde hypothèse : Limitation du quantum maximum requis
Jusqu’à la loi du 9 septembre 2002, le recours à la comparution immédiate n’était
envisageable que si la peine encourue était inférieure à 7 ans. Depuis il est possible pour tous
les délits, y compris punis de 10 ans d’emprisonnement.
Cette réforme a donc fait entrer dans le champ d’application de la comparution immédiate les
vols avec violences ayant entrainé une incapacité de travail, les extorsions, les infractions à la
législation sur les stupéfiants….
Certes, ces faits donnaient auparavant lieu à ouverture d’une information judiciaire avec
éventuelles demandes de placement en détention, quand bien même les investigations auraient
été terminées. Néanmoins, le recours à la procédure de comparution immédiate alors que la
peine encourue est particulièrement lourde, a fortiori en cas de peine plancher encourue, ne
permet pas de garantir une défense adaptée.
En tout état de cause, la comparution immédiate se prête difficilement à l’aménagement de
peine ab initio :
- Le SPIP n’a pas toujours pu procéder à une enquête suffisante dans l’urgence, faute
parfois de pouvoir se déplacer pour rencontrer la personne en garde à vue ou d’avoir
pu prendre contact avec ses proches pour un hébergement….
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-
Surtout, les délits jugés en CI sont parmi les plus graves et il peut sembler incohérent
de signifier la gravité de l’acte par une lourde peine d’emprisonnement ferme assortie
d’un mandat de dépôt, pour aussi vite l’aménager.
12 – Quelles sont les autres raisons qui empêchent l’aménagement des peines ab initio ?
Sont-ce les mêmes raisons qui rendent difficiles les aménagements de peine en cours
d’exécution ?
A l’occasion du bilan d’application de la loi pénitentiaire effectué par le Sénat l’USM
observait que les aménagements de peine ab initio étaient peu fréquents pour diverses
raisons :
- absence d’éléments suffisants sur la personnalité du condamné (le SPIP ne
déposant de rapport que pour les comparutions immédiates),
- manque de temps à l'audience pour expliquer les conséquences de cette décision,
- compositions de jugement estimant ne pas avoir la compétence requise pour
ordonner un aménagement de peine contrairement au JAP qui disposera selon elles
de plus d'éléments d'appréciation.
Les quelques tentatives ont donné lieu à d'importantes difficultés d'application
(imprécisions sur les obligations, les horaires…).
Certains tribunaux envisagent une voie médiane, ne fixant que le principe de
l’aménagement et laissant le soin au JAP d'en fixer les modalités. Le JAP et le SPIP ont de
ce fait presque autant de travail que sur une procédure en 723-15 classique, avec au
surplus la difficulté de devoir répondre à très bref délai (5 jours). C'est la même raison qui
conduit de nombreuses juridictions à ne pas envisager ce type de solution.
Concernant les aménagements en cours de peine, leur nombre ne fait que croître malgré
les difficultés rencontrées liés essentiellement aux moyens : le manque de CIP ne permet
pas un suivi et un soutien suffisant aux détenus souhaitant préparer un projet de sortie ; le
marché du travail limite les possibilités de trouver un emploi pour solliciter un placement
extérieur, une semi liberté ou une libération conditionnelle…
13 – Pour quelle(s) catégories(s) d’infraction(s) le juge est-il le plus susceptible de
prononcer une peine en milieu ouvert ?
Hormis les cas où le TIG est la peine de référence (notamment pour les tags), il est difficile de
répondre à cette question, le principe d’individualisation des peines pouvant conduire à
prononcer une peine ferme pour un primo délinquant, ou à l’inverse d’accorder une
alternative à l’emprisonnement à un réitérant ou récidiviste.
Néanmoins quelques lignes peuvent se dégager : les SME et STIG sont sans aucun doute
majoritairement prononcés dans les cas où le sursis simple n’est plus possible, la personne en
ayant déjà bénéficié, mais où la peine ferme n’apparait pas justifiée, ou encore dans les cas
nécessitant un suivi (notamment une obligation de soins psychologiques, psychiatriques, ou
en alcoologie…) y compris pour des primo délinquants.
Il n’existe en tous les cas aucune règle hormis celle de l’individualisation des peines.
19
14 – Quels sont les aménagements de peine qu’il conviendrait de développer, au regard
de leurs résultats positifs sur la réinsertion des individus ? Y a-t-il, à l’inverse, des
aménagements de peine dont les résultats ne sont pas satisfaisants ? Pour quelle(s)
raison(s) ?
Il convient de privilégier les aménagements de peine avec contenu socio éducatif aux
seules mesures d’incarcération à domicile et de « gestion hôtelière » que constituent le
PSE lorsqu’il n’accompagne pas un placement extérieur, une semi-liberté ou une
libération conditionnelle.
Ces aménagements de peine donnent des résultats satisfaisants.
Les mesures de semi-liberté
2 036 condamnés ont bénéficié d’une semi-liberté en 2011.
Bien qu'il s'agisse d'une mesure présentant de très grands avantages, les JAP déplorent de
ne pouvoir y avoir suffisamment recours, alors pourtant que le taux d'occupation de
certains centres de semi-liberté est bien inférieur à 100%.
De nombreux ressorts sont dépourvus de CSL (St Malo, Albertville, Quimper....), excluant
de fait cette mesure pour les personnes domiciliées sur les ressorts concernés, en raison
d'importants délais de route.
Sur les ressorts où les CSL existent, leur localisation, l'absence de desserte par l es
transports en commun, les horaires d'ouverture le plus souvent incompatibles avec un
travail à horaires atypiques (2x8, 3x8...) sont autant d'obstacles à cette mesure.
Sur d'autres ressorts enfin, les CSL existent et sont adaptés aux besoins mais le nombre de
places limitées (ex : Hérault, 24 places ; quartier de semi-liberté de Brest : 12 places mais
en réalité taux d'occupation de 200% depuis plusieurs mois) fait que le CSL est plein sur
plusieurs mois, et même en surnombre.
Le 23 octobre 2012, par un communiqué, la Garde des Sceaux annonçait que le nombre de
places de semi-libertés et de peines aménagées serait plus que doublé en trois ans, soit une
création nette de 803 places. Toutefois, eu égard au taux d’occupation de ces
établissements (241% selon le Controleur Général des Lieux de Privation de Libertés), il
ne s’agirait en fait que d’améliorer les conditions d’incarcération des détenus bénéficiant
d’une semi liberté (ce qui ne peut être que salué) mais pas de permettre en réalité un
développement de ces mesures.
Néanmoins, une meilleure localisation de ces centres, hors de zones enclavées et en
permettant une meilleure adaptation des horaires d’accès, ne peut qu’être encouragée,
comme le demande l’USM depuis de nombreuses années.
Les mesures de placement à l’extérieur
989 placements extérieurs ont été prononcés en 2011.
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Les témoignages sont quasi unanimes sur le manque de places, certains ressorts ne
disposent en effet d'aucune place.
La difficulté récurrente est celle de l’absence de financement des structures y compris sur
des ressorts avec un important bassin de population. Le projet de loi de finances pour
2013 prévoit une augmentation de 2% des budgets consacrés au développement des
placements extérieurs (148,9M en 2012 ; 141,9M dans le PLF 2013) ; ceci ne peut
qu’être salué mais l’effort devra se poursuivre.
Ici se pose une nouvelle fois la nécessité de dégager du temps de JAP et de SPIP pour
démarcher les structures, s’assurer de leur sérieux et négocier les accords.
La libération conditionnelle
S’il s’agit d’un dispositif lourd, il donne d’excellents résultats et doit pouvoir être privilégié
pour l’aménagement des peines les plus longues.
En tout état de cause, il n’y a pas lieu de considérer que tel mode d’aménagement serait la
panacée et d’en exclure d’autres. Il faut que le JAP ait à sa disposition un panel de solutions
possibles, lui permettant la plus grande adaptation à la personnalité de la personne condamnée
(environnement social et familial, emploi, nécessité de soins….).
15 – Que pensez-vous de l’idée de créer une peine de probation ? Quelles obligations
pourrait-elle contenir ? Faudrait-il en faire une peine principale ? Dans quel(s) cas ?
L’USM s’interroge sur ce que recouvrirait cette « peine de probation ».
En effet, ce type de peines existe déjà dans notre législation depuis plusieurs décennies :
- sous forme de sursis avec mise à l’épreuve depuis 1958
- sous forme d’ajournement avec mise à l’épreuve
- sous forme de TIG pouvant assortir un sursis ou être prononcé de manière distincte, le
non-respect d’une peine de TIG constituant une nouvelle infraction (création du TIG
par la loi du 10 juin 1983)
- sous forme de « sanction réparation », la décision de condamnation prévoyant la peine
d’emprisonnement maximale de 6 mois ou 15 000 euros d’amende en cas de nonrespect (article 131-18-1 du Code pénal introduit par la loi du 5 mars 2007)
- sous forme d’injonction de soins ou de stage de citoyenneté (article 131-10 du Code
pénal)…
Ces sanctions sont :
- soit des peines principales (TIG, injonction de soins, sanction réparation…) (article
131-3 du code pénal) ;
- soit des peines complémentaires, pouvant être prononcées soit en complément par
exemple d’un emprisonnement ou d’une amende, soit à titre de peine principale
(article 131-10 du code pénal).
L’USM ne voit donc pas quel autre type de mesure pourrait donc être envisagé.
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Sans doute conviendrait-il de permettre aux magistrats de s’approprier les dispositifs instaurés
par la loi du 5 mars 2007. En effet, face à l’intense production législative de ces dernières
années et à la charge croissante de travail, ils n’ont pu se familiariser avec ces nouvelles
peines.
Il faut en outre que soient mis en place les moyens de contrôle de l’exécution de ces mesures.
Si néanmoins il était décidé de créer une nouvelle peine de probation, il n’y aurait pas
d’incohérence à la prévoir au titre des peines principales énumérées par l’article 131-3 du
code pénal ou des peines complémentaires prévues à l’article 131-10 prononcées à titre
principal.
16 – Quelles sont les pistes prioritaires pour améliorer le suivi des personnes
condamnées à des peines en milieu ouvert (et notamment le placement sous surveillance
électronique) ?
Si tout ne peut se résumer à la question des moyens, ceux-ci sont en tous les cas absolument
indispensables à mettre en œuvre pour développer, dans les conditions optimales de
préparation et de contrôle, les mesures déjà existantes.
On peut lister à ce titre :
- le besoin en CIP (sur les 1000 estimés nécessaires pour l’application de la loi
pénitentiaire à peine un tiers sera recruté y compris en englobant les 43 postes prévus
au PLF 2013)
- les besoins en JAP, greffiers et fonctionnaires dans les services d’application des
peines
- les besoins en magistrats et fonctionnaires du parquet pour les services d’exécution
des peines
- les besoins de financement des mesures de placements extérieurs….
Dans tous les cas, il faut permettre en cas d’incident dans l’exécution de la mesure une
réaction rapide de l’autorité judiciaire. A défaut c’est une décridibilisation de la justice qui
contribue au sentiment d’impunité.
L’essentiel pour limiter la récidive n’est en effet pas la sévérité de la peine prononcée mais
bien la garantie que l’infraction commise sera poursuivie, qu’une peine sera prononcée et
ramenée à exécution à délai raisonnable, et qu’en cas d’aménagement, tout manquement sera
suivi d’effet.
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