Version imprimable - MOUVEMENT RÉGÉNÉRATEUR
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Mouvement régénérateur : le réajustement spontané par Denis Emonet L'être humain possède en lui un puissant instinct vital. Son rôle est d'abord de construire l'organisme, puis de préserver son bon état de fonctionnement. Malheureusement, si sa force est grande au début de la vie, elle se retrouve souvent bien affaiblie à l'âge adulte. Les causes de cet affaiblissement sont multiples, mais la première d'entre elles est sans doute la lutte incessante que l'on mène contre toute réaction physique ou psychique pour peu qu'elle soit douloureuse ou perturbante. La plupart du temps, et quel que soit le moyen utilisé, on cherche à faire disparaître ces manifestations sans se demander si elles ont une fonction. Certains de ces réactions nécessitent effectivement une intervention extérieure, médicale notamment, car elles révèlent un dysfonctionnement que le corps ou l'esprit ne sont pas – ou plus – capables de gérer seuls. Mais beaucoup devraient au contraire être accueillies avec gratitude, car elles sont le signe que l'organisme est en train de réagir pour restaurer son équilibre : ainsi la fièvre, trop systématiquement combattue, alors que l'on connaît son rôle, notamment dans la lutte contre l'invasion microbienne, ou encore le rhume, facteur de rééquilibrage non seulement après un choc thermique (« prendre froid »), mais aussi quand il y a eu accumulation trop importante de fatigue physique ou psychique. Tensions musculaires, crampes, larmes, agitation nocturne, accès de colère ou crises d'angoisse peuvent eux aussi être des moyens pour l'organisme d'évacuer des pressions internes trop fortes. On pourrait multiplier les exemples de ces manifestations, certes désagréables, mais qui sont pour le corps et l'esprit, à un moment donné, le meilleur moyen de se réguler. Si on neutralise ces réactions, on ne règle pas pour autant le problème qui les a fait naître. Pis encore, en contrariant le travail de l'organisme, on retarde son rétablissement et on s'expose à des risques de rechute ou d'aggravation. On a pu voir ainsi une tension au niveau maxillaire dégénérer en hypertension artérielle après qu'elle ait été bloquée par un moyen mécanique : la tension interne, ne pouvant plus s'extérioriser dans les mâchoires, avait été contrainte de chercher une autre voie de sortie. Au niveau psychique, refuser de voir un problème ou en empêcher la libre expression ne fera que le recouvrir, en masquer les symptômes, sans pour autant le régler en profondeur. D'où les fréquentes désillusions de personnes croyant de bonne foi s'être libérées d'un aspect gênant de leur personnalité par un « travail sur soi » et qui se rendent compte à un moment ou un autre qu'au fond rien n'a vraiment changé. La sagesse populaire avait bien compris la valeur des affections dites « bénignes ». Un vieux dicton disait : « Pour ne pas avoir de grosses maladies, il faut en avoir de petites ». Ces petits désordres au quotidien sont en effet la marque d'un corps et d'un psychisme réactifs, qui ne laissent pas les dysfonctionnements s'installer et prendre de l'ampleur. Un organisme qui a perdu cette capacité à « sentir vite et réagir fort » (les deux piliers du véritable équilibre) constituera un terrain propice à l'installation d'affections beaucoup plus graves qui auront eu le temps de faire leur nid en silence, sans déclencher aucun signal d'alarme. Cette dégradation n'est pas irréversible. Il est possible en effet de retrouver notre sensibilité et notre réactivité premières en réveillant les capacités d'autorégulation qui sommeillent au fond de chacun de nous. Celles-ci feront alors preuve d'une puissance et d'une efficacité inégalables. Rien d'étonnant à cela : la force qui est à l'œuvre est celle qui a su construire un organisme aussi complexe que le nôtre à partir d'un simple embryon. Pour redonner toute sa vigueur à cette sagesse instinctive, il est important de ne pas contrarier les réactions évoquées plus haut, même si cela implique des passages forcément pénibles. Mais cela ne suffit pas : il faut également lui accorder des plages de temps où elle pourra s'exprimer en toute liberté. C'est la fonction des séances de « mouvement régénérateur ». Il ne s'agit pas d'une pratique au sens habituel du terme. On n'adopte pas de postures, on ne contrôle pas sa respiration, on ne cherche même pas à se relâcher. Les quelques gestes techniques en début de séance ne sont là que pour aider à lâcher prise et favoriser la resensibilisation. Ensuite on coupe toute activité volontaire : on est assis, immobile, les yeux fermés. On met de côté – autant que faire se peut – ses préoccupations du moment, ses connaissances et ses idées. On ne fait rien, on n'attend rien. On donne ainsi carte blanche au système involontaire de l'organisme (celui qui fait battre le cœur, provoque étirements, bâillements et pleurs, expulse les corps étrangers, cicatrise les blessures, ressoude les fractures, etc...) pour qu'il mène à bien son travail de régulation. Si on ne précipite pas les choses – surtout pendant la période initiale de « rodage » – il déclenchera de lui-même, et à son heure, les réactions visant à régulariser ce qui a besoin de l'être. Ces réactions spontanées – les mouvements involontaires notamment – pourront surprendre dans un premier temps. Elles ne font pourtant que répondre aux besoins spécifiques de chacun. On peut faire confiance à la sagesse instinctive de l'organisme, elle n'agira jamais au détriment de la personne qu'elle a pour mission de protéger. Commencera alors un processus de réajustement en trois phases : 1. Détente Les muscles tendus se relâchent, quittant des habitudes sclérosées ; on peut éprouver une douce lassitude et un besoin de sommeil accru, qu'il faut respecter. 2. Hypersensibilisation Les résidus physiques et psychiques de notre histoire personnelle vont remonter à la surface, d'où la réapparition temporaire de douleurs et perturbations dont l'origine peut remonter aux premières années de la vie. C'est un passage obligé : un dysfonctionnement ne peut être réellement régularisé s'il n'est pas d'abord perçu comme tel. Durant cette phase d'hypersensibilisation, les douleurs et les réactions désagréables comme la fièvre, les tensions, la diarrhée ou l'insomnie, ne seront plus considérés comme des ennemis à neutraliser; ils apparaîtront au contraire comme le signe que l'organisme perçoit de nouveau les anomalies et qu'il est en train de les rectifier. (A noter que dans le cas de douleurs déjà installées, il peut y avoir d'emblée soulagement, car on passe plus vite à la phase de résolution). On sera surpris par la puissance et la pertinence de ce travail instinctif : il est capable d'effectuer d'importants réajustements posturaux (comme le repositionnement d'une vertèbre ou la rectification d'une cambrure) par la prise spontanée de postures parfois complexes ou le déclenchement de mouvements d'une très grande précision; il peut aussi faire remonter à la surface, avant de les expulser, des mémoires enfouies au fond de l'inconscient depuis parfois plusieurs décades. La science se rend de plus en plus compte à quel point chaque être humain est unique. Un cancérologue disait récemment que, dans l'idéal, il faudrait trouver LE traitement adapté à chaque patient. Un organisme sensible connaît mieux que personne ses besoins spécifiques; s'il a conservé – ou retrouvé – toute sa réactivité, il déclenchera de lui-même la réaction adéquate. Il le fera avec la bonne intensité et la bonne durée, autant de paramètres extrêmement difficiles à doser par une personne extérieure, quelle que soit l'étendue de ses connaissances. 3. Evacuation Elle succède, de façon parfois soudaine et inattendue, à la phase d'hypersensibilisation. Une douleur ou un symptôme qui s'étaient manifestés d'une manière très aiguë pendant une période parfois assez longue peuvent disparaître tout à coup sans laisser de trace. Après coup, on aura même souvent du mal à s'en souvenir. On pourra ainsi parfois être libéré de problèmes dont on pensait ne jamais se sortir. Une personne dont l'existence avait été minée depuis l'enfance par des douleurs dorsales aigües a découvert ce que signifie vivre sans avoir mal au dos. D'autres qui ne pouvaient plus s'endormir sans l'aide de somnifères ont retrouvé un sommeil de bébé. Une femme a revécu physiquement, lors d'une séance très intense, l'inceste qu'elle avait subi dans son enfance. Plus tard, elle a vu ressurgir la colère contre son père qui n'avait pu s'exprimer à l'époque. Elle a depuis retrouvé le goût de vivre. Des deuils que l'on croyait « digérés » ont montré qu'ils ne l'étaient pas complètement, par la remontée à la surface de reliquats que le psychisme a ensuite tout naturellement évacués, comme il élimine une épine. Un organisme libéré des dysfonctionnements accumulés tout au long de son histoire retrouvera ses capacités premières d'adaptation. Il détectera immédiatement les anomalies et réagira avec force et rapidité pour les faire disparaître. Il souffrira plus que les autres et avant eux d'un changement brusque de température ou de l'attaque d'un virus, mais réagira plus fort et retrouvera plus vite son équilibre. De la même façon, le psychisme aura une réaction immédiate si on cherche à lui imposer une pression trop importante pour lui. L'équilibre du corps et de l'esprit ne seront plus vécus comme un combat incessant à mener mais comme l'état naturel d'un organisme réajusté. Ce réajustement dépassera même la notion habituelle d' « équilibre », entendu comme absence de problèmes marquants dans le corps et dans l'esprit : sans avoir rien fait pour cela, on retrouvera sa souplesse naturelle et on adoptera spontanément la posture et le geste justes (comme le fait n'importe quel animal...). La respiration descendra peu à peu dans le ventre, le centre de gravité s'abaissera. Les pieds se réchaufferont, la tête se rafraîchira, signe d'une meilleure répartition de l'énergie dans le corps. Comme le dit un vieil adage : « La santé, c'est avoir les pieds chauds et la tête fraîche ». Au niveau psychique, ce recentrage amènera une stabilité plus fiable, moins dépendante des événements extérieurs. En même temps, il réactivera les capacités intuitives, si souvent étouffées par une cérébralisation excessive. On pourra de nouveau se fier à sa « première impression » face aux personnes, aux situations et, même, aux lieux. On découvrira un autre mode de fonctionnement, où la sensation occupe la première place. La pensée consciente – si souvent manipulée en fait par l'inconscient personnel – ne sera plus le seul moteur des décisions et des actions. Celles-ci pourront surprendre par leur jaillissement spontané qui, en nous sortant de la sempiternelle répétition de schémas de fonctionnement figés, permettra une adéquation plus grande à la nouveauté de chaque situation. Une intelligence « instinctive », non dépendante du caractère, de l'histoire personnelle, des idées ou des habitudes, commencera à s'exprimer plus fort, en soi et à travers soi. Toute la conduite de la vie peut en être transformée.