L`après-‐attentats: réflexion concertée au sein du

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L`après-‐attentats: réflexion concertée au sein du
L’après-­‐attentats: réflexion concertée au sein du secteur Le 22 mars, notre pays a été durement frappé au cœur. Un coup que chacun a ressenti personnellement, d’une manière ou d’une autre, y compris dans l’industrie événementielle. Plusieurs événements ont été annulés et un sentiment d’insécurité s’est installé. Comment poursuivre nos activités aujourd’hui? Qu’est-­‐ce que cela signifie pour notre secteur? L’ACC Belgium ne voulait pas attendre passivement l’évolution de la situation et a donc pris l’initiative de rassembler autour de la table des experts de divers horizons pour entamer un débat sur le sujet. Trois semaines exactement après les attentats de Bruxelles, le Kinepolis d’Anvers accueillait un débat sur les conséquences du terrorisme sur notre industrie. “Lors de l’annonce du report des BEA Awards le 23 mars, nous avons directement eu le sentiment que nous devions aborder ce sujet d’une manière ou d’une autre”, raconte Johan Vandepoel de l’ACC Belgium concernant cette initiative. “Nous estimions qu’une concertation était nécessaire au sein du secteur sur la manière d’aborder cette nouvelle situation”. En tout cas, c’est un sujet que de nombreux professionnels ont à cœur, comme l’a démontré l’affluence massive. Une centaine de personnes du secteur ont réservé ou libéré leur après-­‐midi pour assister à cette rencontre. Un panel étendu et diversifié Pour ce débat, un panel ultra diversifié s’est constitué, avec des représentants d’agences événementielles (Bert Knuts d’Event Masters et Manu Andries de D-­‐Side), un assureur (Wim Verheyen de la compagnie d’assurances Verheyen), un expert en sécurité (Thierry Van Keirsbilck), un annonceur (Alain De Greef de BNP Paribas Fortis), un avocat (Geert Philipsen de gsj-­‐advocaten), un représentant de la police (Peter Vanisterbeek), une spécialiste en communication (Eveline De Ridder de Whyte Corporate Affairs) et un conseiller en prévention (Donald Goedheid). Le modérateur Wouter Boits de l’agence The Oval Office leur a soumis différents sujets. GARANTIR LA SÉCURITÉ PHYSIQUE La première partie du débat était axée sur la sécurité physique et la manière de la garantir. Une première notion importante a directement été avancée: l’analyse de risque. “Tout commence par une bonne analyse de risque avant votre événement”, contextualise Thierry Van Keirsbilck. “Vous devez déterminer quels sont les points sensibles et sur base de cela, prendre les mesures adéquates. L’analyse de risque elle-­‐même n’a pas forcément un coût élevé mais les mesures qui en découlent, elles, peuvent être coûteuses”. “Il est important d’objectiver les risques de votre événement”, estime Donald Goedheid. “Vous ne devez donc pas faire de différence entre les événements B2B privés et les grands événements publics entourés d’une promotion à plus ou moins grande échelle. Depuis le mois de novembre, la menace terroriste est devenue une composante incontournable de l’analyse de risque. Pour les événements d’entreprise, les changements sont minimes mais pour les festivals et les événements publics, c’est un sujet plus sensible. Pour moi, une analyse de risque repose sur trois piliers: qui est le commanditaire et quels sont ses points sensibles? Quelle est la teneur de l’événement, son message et ses points sensibles? Vient en troisième lieu l’évaluation de instances de sécurité qui disposent parfois d’informations qu’un organisateur n’a pas”. 1 Partenariat avec la police L’autorité policière a également un rôle à jouer. “Notre rôle est celui d’un partenaire pour l’organisation et nous examinons ce qui est possible ou non”, déclare Peter Vanisterbeek. “Lorsque des événements se déroulent dans des lieux publics ou ont un impact sur ces lieux, nous devons remplir notre rôle et nous réalisons notre propre analyse de risque sur base des informations de l’organisateur. Lorsqu’il s’agit d’événements privés sur un site privé, nous utilisons l’analyse de risque de l’organisateur afin de déterminer si nous devons prévoir des choses en plus. Mais nous ne pouvons pas envoyer une présence policière sur chaque événement privé”. Les annonceurs ont également bien conscience de l’évolution de la situation en matière de sécurité. Alain De Greef: “Depuis les événements de novembre, la hiérarchie interne veut une vue encore plus précise des événements planifiés et des lieux où ils sont organisés. Tout est détaillé afin de déterminer s’il convient de mettre en place des mesures supplémentaires. Pendant la finale de la Coupe Davis, peu de temps après les attentats de Paris, nous avons par exemple fait déployer des gardes du corps privés armés pour la protection de nos VIP. Ce qui a impliqué des dépenses supplémentaires, évidemment”. Mise en forme et langage commun “Les organisateurs font leur analyse de risque mais souvent, ils ne la formalisent pas”, avance Peter Vanisterbeek. “Il faut réfléchit à une manière d’améliorer le rapport écrit de toutes ces informations. La qualité de l’analyse de risque est importante pour un service de police. Nous analysons les informations fournies par l’organisateur. Nous avons donc besoin d’objectivation, d’un langage commun facilitant le dialogue. Après les attentats de Paris, nous avons réfléchi à une manière de soutenir le secteur privé dans le cadre des événements. C’est pourquoi nous avons rédigé une charte rassemblant diverses informations et recommandations. Et nous souhaitons la partager avec le secteur événementiel”. EN BREF: -­‐tout commence par une bonne analyse de risque -­‐détailler les points sensibles -­‐impliquer les autorités locales en cas d’utilisation d’espace public -­‐besoin d’un langage commun pour faciliter le dialogue entre les différentes parties -­‐la charte de la police est partagée via l’ACC Belgium CONSÉQUENCES FINANCIÈRES ET JURIDIQUES Ces derniers mois, la menace terroriste a conduit à l’annulation de nombreux événements. Le second volet du débat traitait des conséquences financières et juridiques de ces annulations. “Quand les choses suivent leur cours normal, c’est la partie qui prend la décision d’annuler qui en assume les conséquences”, explique Geert Philipsen. “En Belgique, nous avons une notion du cas de force majeure hautement discutée mais au final appliquée de manière très stricte. Pour pouvoir parler de cas de force majeure, deux critères importants sont nécessaires: la situation doit être imprévisible et doit rendre impossible l’exécution de l’engagement. En Belgique, la position des juges est la suivante: si l’impossibilité n’est pas totale, on ne peut pas parler d’un cas de force majeure. Ce qui 2 fait que bon nombre de décisions prises ces derniers mois sont juridiquement considérées comme des décisions d’opportunité”. Niveaux d’alerte Ces derniers mois, le terme de ‘niveau d’alerte’ revenait quasiment chaque semaine dans les médias. Néanmoins, les niveaux d’alerte ne semblent pas déterminants en eux-­‐mêmes pour l’annulation ou non d’un événement. On ne peut pas simplement dire: aujourd’hui, le niveau d’alerte est de 3 ou 4, donc c’est un cas de force majeure. Pour les implications pratiques du niveau d’alerte, on est souvent renvoyé vers les autorités locales. Si celles-­‐ci décrètent une interdiction, le débat est clos, c’est un cas de force majeure. Mais il est recommandé aux agences d’avoir une preuve écrite de cette décision. Cas de force majeure ou non, une agence ne veut pas que son commanditaire paie les pots cassés de cette situation car elle entretient toujours l’espoir de nouvelles collaborations futures. D’où l’importance d’avoir une bonne assurance. Mais ici aussi, il faut tenir compte d’un certain nombre de conditions. “Les risques liés à un événement peuvent naturellement être assurés”, confirme Wim Verheyen. “Ce qui est important, c’est de pouvoir objectiver la cause. La cause doit être indépendante de la volonté de l’assuré lui-­‐même. Mais attention: on ne peut pas assurer une décision d’opportunité. Lorsque vous prenez vous-­‐même la décision parce que vous pensez que les participants ne vont pas venir, nous sommes dans une situation non assurable. Il est possible d’avoir une couverture pour une affluence moindre causée par un facteur extérieur. Pour cela, on peut avoir un budget. Les coûts supplémentaires pour le maintien d’un événement peuvent aussi être assurés. Une bonne analyse de risque effectuée par l’organisateur et un aperçu clair des mesures déjà prises ont une influence positive sur la prime”. Vers un contrat de base “Les accords contractuels entre l’agence, les fournisseurs et le commanditaire concernant les annulations sont toujours épineux”, intervient Geert Philipsen. “Car il y a toujours un protagoniste qui a le sentiment d’être tenu pour responsable. Une solution d’assurance me semble l’alternative la plus pertinente dans cette situation. Bon nombre des annulations de ces derniers mois sont compréhensibles d’un point de vue humain mais n’entrent pas dans la notion de cas de force majeure. Sachant cela, il peut être opportun d’examiner les couvertures possibles”. Wim Verheyen: “Nous nous sommes déjà réunis avec les membres de l’ACC Belgium* pour élaborer une sorte de contrat de base, à présenter au commanditaire en lui expliquant que c’est le minimum ce de qu’il devrait approuver. Mais la même question se pose toujours: qui est le preneur d’assurance à ce moment et surtout qui va payer la prime? A mon sens, c’est au commanditaire d’inclure cela dans son budget. Si un agence suggère une assurance au commanditaire en lui indiquant qu’une annulation fait partie des possibilités, pour moi, elle a rempli ses obligations”. *le site web de l’ACC Belgium propose un formulaire de demande simple pour une assurance annulation Le commanditaire et l’agence face à face Un report ou une annulation crée souvent des tensions au sein de la relation entre le commanditaire, l’agence événementielle et les fournisseurs. “En cas d’annulation, tout le monde est lésé”, rappelle 3 Alain De Greef. “Mais chez nous, cela s’est toujours passé dans une sorte de consensus, comptant sur la compréhension de chacun face à la situation. Nous avons en outre toujours payé les coûts démontrables. Si l’agence exige que la facture soit payée à 100%, cela entraîne généralement une rupture de confiance. Dans les grandes entreprises, l’agence se retrouve alors sur liste noire”. Bert Knuts réagit, illustrant la perspective d’une agence. “Vous entrez en partenariat avec votre commanditaire et en cas de difficulté, vous devez prendre une décision avec celui-­‐ci. Le cadre juridique vous contraint parfois à vous dresser à l’encontre de votre client. C’est une situation regrettable, qui est très difficile à démêler avec les assurances”. Manu Andries poursuit: “La situation des derniers mois a parfois poussé les clients à nous interroger: qu’est-­‐ce que vous nous conseillez? Maintenir l’événement ou l’annuler? Cela nous met dans une situation difficile. Pouvons-­‐nous les conseiller en bon père de famille?” “Face à une telle demande, il faut simplement dresser un tableau des éléments objectifs”, conseille Geert Philipsen. “Mais la décision finale revient au client. Vous pouvez l’informer mais ça s’arrête là”. Fouille, vie privée et obligation de notification Trois autres points ont été soulevés dans le cadre du volet juridique de ce débat. La fouille et le contrôle des sacs font l’objet de prescriptions strictes. Ces actions ne peuvent être effectuées que par des personnes en possession de l’autorisation adéquate (faisant souvent partie d’entreprises spécialisées). La collecte d’informations sur les participants (pour des raisons de sécurité) ne peut pas non plus se faire de manière informelle. Les personnes doivent être informées que leurs informations sont utilisées, vous ne pouvez pas utiliser ces informations à d’autres fins que celles annoncées et vous ne devez jamais demander plus d’informations que nécessaire pour votre objectif. Pour terminer, une personne de l’assistance a posé la question de savoir s’il est obligatoire de communiquer un événement privé à l’administration locale ou à une autre instance. La réponse est positive quand il s’agit d’un événement qui a lieu sur un lieu public ou qui peut avoir un impact (circulation, sécurité) sur le domaine public. L’évaluation de cet aspect revient à l’organisateur. EN BREF: -­‐il existe une différence importante entre le cas de force majeure et la décision d’opportunité -­‐les parties impliquées doivent tendre vers un consensus raisonnable afin de préserver la confiance -­‐proposer une solution d’assurance au commanditaire -­‐annulation ou non? La décision finale revient au commanditaire! LA CONFIANCE DANS LE SECTEUR LIVE Le secteur live a été directement touché par les attentats de Paris. Les attentats du 22 mars ont rendu la menace terroriste encore plus palpable. La confiance du secteur en a peut-­‐être pris un coup mais la volonté d’agir pour s’en remettre le plus vite possible est bien présente, comme en témoigne ce débat. Le secteur est impatient de faire passer son message mais doit procéder avec circonspection, comme l’explique la spécialiste en communication Eveline De Ridder. “Je comprends la préoccupation du secteur, qui souhaite relativiser les effets de ce qui s’est passé et restaurer la confiance. Mais de mon point de vue centré sur la communication, je tiens à les mettre en garde de ne pas s’approprier cette crise, qui n’est pas la leur en définitive. Il ne s’agit pas d’une crise du secteur live. La communication sur le sujet doit rester mesurée, mieux vaut faire profil bas et éviter 4 absolument les grandes déclarations publiques. On peut évidemment communiquer avec les clients. Cette communication devrait inclure trois éléments: de l’émotion, des faits et surtout de l’action. J’ai entendu parler ici d’une charte, d’un contrat standard… Ce sont des actions concrètes que l’on peut entreprendre et sur lesquelles on peut communiquer. Agir et montrer que l’on agit est la meilleure forme de communication dans cette situation. Illustrer ce que vous faites pour permettre aux événements de se dérouler et pour en assurer la sécurité. Paris a accueilli une importante conférence sur le climat peu de temps après les attentats. Cela a tranquillisé beaucoup de gens par rapport au secteur live en France”. Redorer l’image Les agences événementielles constatent actuellement que notre pays n’a pas franchement la meilleure réputation en matière de sécurité. “Il y a une distinction entre les événements publics et les événements d’entreprise”, précise Bert Knuts. “Mais l’image des deux est intrinsèquement liée. J’aimerais revoir de grands événements à Bruxelles, de préférence avec un cachet international, car c’est une excellente manière de redorer l’image de notre pays. Le marché belge des événements corporate s’en remettra mais les revers sont assez cuisants au niveau international. C’est l’image que les médias ont dressé de l’“l’enfer bruxellois” et des dangers de la Belgique qui nous fait le plus de tort. Le secteur va devoir s’unir pour communiquer de manière positive sans s’approprier cette crise”. Chez les commanditaires, la prudence semble également être de mise. “Les commanditaires suivent la situation générale”, continue Alain De Greef. “Après les attentats, les déploiements de force se multiplient, effrayant tout le monde et les annonceurs en sont conscients. La perception a une importance énorme. Nous, les annonceurs, sommes souvent craintifs. Si la police dit: c’est éventuellement possible, pour nous, c’est exclu. Cela a pris deux semaines à BNP Paribas pour autoriser à nouveau ses collaborateurs à se rendre à des réunions à l’étranger, imaginez organiser quelque chose. Les actions du gouvernement et la manière dont elles sont perçues ont des conséquences énormes”. #welovelive Le secteur n’a aucune prise sur la manière dont le gouvernement communique mais il a élaboré une première initiative relativement simple. “Ces derniers jours, l’activité n’a pas manqué au sein de l’ACC Belgium”, explique Johan Vandepoel de l’ACC Belgium. “Le secteur de la publicité m’a appris qu’il est important de créer un mouvement. A l’heure actuelle, nous avons aussi besoin de mouvement en tant que secteur. Nous n’allons pas baisser les bras et nous allons redoubler d’efforts. C’est pourquoi nous avons choisi de créer un hashtag: #welovelive. Nous sommes les ambassadeurs de ce secteur et nous voulons le voir continuer à vivre et évoluer, de toutes les manières possibles. C’est pourquoi nous encourageons le secteur entier à se dresser en masse. Et c’est pourquoi nous demandons de signer toutes les publications relatives au secteur événementiel avec ce nouveau hashtag. Toutes ces publications sont rassemblées sur le site web www.welovelive.be. De cette manière, nous voulons montrer que nous croyons toujours au pouvoir de rassemblement de nos événements”. 5 EN BREF: -­‐le secteur live ne doit pas s’approprier la crise terroriste -­‐la meilleur communication, c’est l’action -­‐l’impression que donne un gouvernement a de grandes conséquences -­‐join the movement: #welovelive 6