L`église Saint-Nicolas en Havré
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L`église Saint-Nicolas en Havré
Bernard Tirtiaux, Maître verrier, nous explique son travail et ses choix : Propriétaire du bien Ville de Mons Maître d’ouvrage Ville de Mons Maître d’œuvre Bureau-atelier d’architecture et d’urbanisme Dupire-François Gestion de la restauration et de la subsidiation Direction de la restauration du patrimoine, Département du patrimoine, DGO4, SPW Adresses et contacts Direction de la restauration du patrimoine - Département du patrimoine - DGO4 - SPW 1, rue des Brigades d’Irlande - B-5100 Jambes 00-32-(0)81 33 21 81 www.wallonie.be/patrimoine Architecte de la restauration en province du Hainaut : L Bruno Collard [email protected] Suivi de la procédure de certificat de patrimoine pour la verrière : L Christine Herman, architecte [email protected] Suivi de chantier : Cellule d’appui technique : L Jean-Christophe Scaillet [email protected] Assistance administrative Dossiers Feder : Josiane Vetsuypens [email protected] L Directrice a.i. de la restauration du patrimoine : L Martine Marchal [email protected] Inspecteur général a.i. du patrimoine : Pierre Paquet [email protected] L Directeur général de la DGO4 : L Ghislain Geron [email protected] Ministre du Patrimoine pour la Région wallonne 2, chaussée de Louvain - B-5000 Namur 00-32-(0)81 31 07 10 Ville de Mons 22, Grand Place - B-7000 Mons 00-32-(0)65 40 51 11 - [email protected] Photo : SPW / DG04 / F. Dor. Occupation Lieu de culte : fabrique d’église Saint-Nicolas en Havré patrimoine - décembre 2013 « Il y a 45 ans aujourd'hui, je plaçais huit petits vitraux historiés montés sous plomb dans la chapelle de Martinrou : un tout premier travail inscrit dans la tradition. Cette passion précoce pour ce beau métier ne s'est jamais démentie et, curieusement, il ne m'est jamais arrivé durant ma longue carrière de me trouver sans commande. Le vitrail me charme et œuvrer en lumière me procure toujours le même plaisir. Le verre est une matière extraordinaire qui a le pouvoir de musicaliser la lumière, de la transmuer en or dans nos pays plombés de nuages et de pluies. Curiosité oblige, je me suis initié à toutes les techniques éprouvées, vitraux sous plomb, vitraux peints, gravés à l'acide, au sable, dalles de verre clivées coulées dans du béton... Jusqu'au jour où l'idée simple m'est venue de refendre la dalle de verre épaisse (19 mm) pour en tirer des bandes sinueuses. Pour les assembler, plus de plomb ni de béton mais un fin filet de silicone cristal qui, pressé et nettoyé, devient une membrane translucide, pratiquement invisible. L’église Saint-Nicolas en Havré « Enveloppé de lumière, l’oiseau est maintenu en suspension par le souffle musical des grandes orgues. Sept notes flottantes déclinant ambre et orangés environnent l'oiseau ». Ma première application sera une petite fenêtre placée chez moi il y a trente ans dans une cage d'escalier. Suivront nombre de sculptures pour en arriver, grâce à la confiance et l'amitié de l'architecte Jean Lelotte, à un défi d'architecture avec un mur de verre (40 m²) et un auvent (30 m²) placés à Malmédy. A la fois souples et robustes, ces cloisons, puits de lumière, garde-corps ont une excellente tenue mécanique et une très bonne résistance aux UV. La verrière de Saint-Nicolas que nous avons installée, Benoît Regniers et moi-même, est le résultat d'une belle marque de confiance et un beau défi relevé avec ouverture d'esprit et enthousiasme par les maîtres d'ouvrage en charge de la restauration de l'église Saint-Nicolas. L'artistique n'est pas épargné dans ce projet : un grand oiseau bleu trône au sommet de la verrière. Enveloppé de lumière, il est maintenu en suspension par le souffle musical des grandes orgues. Sept notes flottantes déclinant ambre et orangés environnent l'oiseau. Raconteur d'histoire et imagier, je reste fidèle à moi-même et vous offre cette envolée en espérant qu'elle vous apporte lumière et légèreté. » Financement des travaux de la restauration Intervention régionale wallonne en faveur du patrimoine protégé C’est à la Wallonie qu’il appartient de gérer, avec les propriétaires, le patrimoine wallon, sa protection, son entretien, sa restauration. Des interventions financières sont prévues pour permettre aux propriétaires de se conformer aux obligations auxquelles ils ont à faire face. Le taux accordé dans ce cadre par la Wallonie, 60 % minimum, est un des plus élevés en Europe. Dans le cas de la restauration de l’église Saint-Nicolas en Havré de Mons, les subsides de la Wallonie-Patrimoine et de l'Union européenne-Feder représentent 90 % du montant total des travaux. Edition du Département du patrimoine de la DGO4, Service public de Wallonie. Direction de la collection : Pierre Paquet, Inspecteur général a.i, Patrimoine - Textes : Jean-Christophe Scaillet, Direction de la restauration du Patrimoine - Anne-Françoise Piérard, Patrimoine. Editeur responsable : Ghislain Geron - 1-3, rue des Brigades d’Irlande - 5100 Jambes Mise sous presse de « L’église Saint-Nicolas en Havré » : novembre 2013 direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie Patrimoine Rue d’Havré à Mons Photo : SPW / DG04 / F. Dor. SOMMAIRE La restauration de la tour et de la façade à rue de l’église Saint-Nicolas en Havré est terminée. Installés pour parer à l’urgence il y a plus de 20 ans, les échafaudages recouvrant l’église sont enfin démontés. Stabilité assurée, renforcements effectués, réparations opérées, cette phase de restauration est arrivée à terme. Elle comprend aussi la pose d’une composition de verre unique et contemporaine. L’église Saint-Nicolas en Havré est classée depuis le 6 mai 1939 en raison de sa valeur artistique, archéologique et historique. Elle est située au début de la rue d’Havré, sur un des principaux axes menant à la Grand-Place de Mons. Le tissu urbain très dense à cet endroit et la présence d’un échafaudage enveloppant l’édifice depuis 20 ans ont rendu le monument presque invisible aux yeux des passants. Dans le cadre du Fonds européen de développement régional « programmation 2007-2013, convergence, Mons : Grand-Place et Patrimoine Unesco », une importante campagne de restauration de la tour et son clocher, ainsi que de la façade méridionale a débuté en juin 2011. Le porche principal donnant accès à l’église est situé dans cette façade sud qui vient d’être restaurée, côté rue d’Havré. Au-dessus du porche, la nouvelle composition de verre qui nous intéresse agrémente une importante baie cintrée. Elle mesure 4,5 m de large pour une hauteur de 6,5 m, soit une surface approximative de 28 m². L’appui de celle-ci est situé à 13 m de haut, elle occupe une partie importante de la façade. Quelques dates qui ont marqué l’édifice La restauration, étape par étape L’orgue et la verrière Une première verrière à laquelle il avait fallu renoncer Au 21e siècle, la cohabitation de la baie et des orgues est enfin possible Une solution contemporaine, à l’épreuve du temps et protectrice Un mur de faisceaux de verre Photo : SPW / DG04 / F. Dor. Who’s who Débarrassée de ses échafaudages après restauration et enrichie d’une création contemporaine L’ossature, question de résistance au temps, au vent Résistance, solidité mais à quel poids ? Quelques chiffres sur la verrière Le créateur de la verrière… nous explique son travail et ses choix Financement des travaux de restauration Who’s who Protégée par classement L’église Saint-Nicolas en Havré est classée L comme monument par arrêté du 15 avril 1939 (publication le 6 mai 1939). Le buffet d’orgues de l’église est repris L dans la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie du 7 février 2013. Une première verrière à laquelle il avait fallu renoncer Photo : Kikirpa. L’orgue et la verrière Photo : SPW / DG04 / Patrimoine / G. Focant. Les orgues de Saint-Nicolas en Havré, inscrites sur la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie. A remarquer aussi, la partie de baie visible en sa présence. En l’absence d’informations techniques sur les performances thermiques du système de verrière mis en œuvre, puisque c’est « une première », une étude a été réalisée. Etant donné la présence d’un orgue monumental à seulement 40 cm à l’avant de la baie, il fallait en effet vérifier que la verrière permet d’assurer un climat propice à la parfaite conservation de l’instrument. L’étude portait explicitement sur les questions suivantes : effets de la verrière sur les conditions de conservation de l’orgue, risque de casse thermique des massifs de verre et risque de condensation à l’intérieur de la verrière. En ce qui concerne l’influence éventuelle de la transmission de chaleur sur l’orgue, par comparaison avec des données sur l’évolution des températures et taux d’humidité enregistrées en 2010-2011, les résultats ont permis de conclure que la verrière ne jouait aucun rôle négatif sur l’orgue. Les simulations ont révélé l’absence de risque de casse thermique, selon les normes de la Fédération de l’industrie du verre (FIV). Un très faible risque de condensation à l’intérieur de la verrière est remarqué lors de l’étude. Une ventilation du volume d’air contenu entre les deux parois de verre espacées de 18 cm a été prévue en conséquence. Afin de parer à toute éventualité, une gorge a été creusée dans le nouvel appui. Les eaux de condensat seront évacuées via de petits orifices. Comportement acoustique La présence d’une masse de verre aussi importante à l’arrière de l’orgue pouvait-elle influencer l’acoustique de l’église ? Une discussion avec le facteur d’orgue en charge de la restauration de l’instrument, l’auteur de projet spécialiste des orgues et le maître verrier a abouti à la conclusion qu’il n’y aura aucun impact négatif sur l’acoustique de l’église notamment grâce à la surface clivée des éléments de verre qui casse la réflection du son. La restauration, étape par étape 1 phase : 3 phase : re e Restauration de l’orgue (2010-2014). 2e phase : Restauration de la tour (février 2012-fin 2013). 4e phase : Restauration de la façade sud (juin 2011-fin 2013). Restauration des toitures hautes (septembre 2013-avril 2014). Photos de la frise ci-dessous : à gauche, à droite : SPW / DG04 / F. Dor et centrales : SPW / DG04 /Patrimoine : J.-Chr. Scaillet. GF En 2009, quand est monté le projet de restauration, il est prévu de démolir cette maçonnerie qui bouche la fenêtre et de la remplacer par un vitrage contemporain, offrant toutes les garanties nécessaires à la protection des orgues. Un premier projet prévoit une verrière monochrome : des double-vitrages blancs ou teintés gris, dans une résille métallique. Ce projet rend à la baie sa première fonction de fenêtre, avec un retour au concept de base de la construction du 18e s. Pourtant, sa ‘simplicité’ formelle, très en retrait de la décoration intérieure de l’église, apparaît, aux yeux des décideurs, embarrassante, déplacée et compromet la réussite de l’opération. Réorienté, le projet doit présenter des caractéristiques précises : un dessin contemporain, une technique moderne et sûre, une résistance à l’épreuve des accidents et dégradations. Il doit aussi répondre à certaines conditions impérieuses dues à la présence des orgues exceptionnelles. D’une part, les orgues sont à protéger à tout prix. D'autre part, il faut faire en sorte que le dos de l’instrument qui occupe une grande partie de la haute fenêtre ne soit pas visible de l’extérieur. Dernier impératif : le respect strict des budgets prévus à l’origine pour la restauration de cette baie. Photo : SPW / DG04 / F. Dor Maître autel de l’église Saint-Nicolas en Havré. Au 21e siècle, la cohabitation de la baie et des orgues est enfin possible Le motif Un oiseau bleu en vol, des cercles colorés pour figurer les notes produites par les orgues. L’oiseau stylisé qui flottera au-dessus de l’orgue est intégré à la peau de verre intérieure. Sa perception à partir de la voie publique sera extrêmement subtile. L’oiseau n’apparaît nettement que sur la peau intérieure. A l’origine, au début du 18e siècle, une verrière garnit la baie. Un siècle plus tard, en 1845, il est question de la boucher : située au-dessus de l’orgue et très endommagée, elle laisse entrer de l’eau, qui tombe sur l’orgue ! Le 17 juillet 1845, un accord du Cabinet des Bourgmestre et Echevins est donné pour qu’elle soit masquée par un mur de maçonnerie en briques, à condition de donner, en peinture, l’illusion d’un vitrail. Sur la thématique, le style et la chromatique de la 1re verrière des 18e-début 19e et du trompel’œil au pinceau, du milieu du 19e siècle, aucun document n’a malheureusement été conservé. Cette technique développée par le maître verrier Bernard Tirtiaux, depuis déjà quelques années, n’a jamais été utilisée à l’échelle d’une église comme celle de Saint-Nicolas en Havré. Des panneaux de verre de 19 mm d’épaisseur sont débités en fines et longues lames. Les tranches de ces lames sont chacune travaillées au marteau : de minces éclats sont détachés, pour créer une succession continue d’irrégularités et de pans, sur toute la longueur de la tranche de lame. Celle-ci est ensuite polie. L’effet d’optique est saisissant : la lumière est éclatée sur une multitude de surfaces et dispersée en toutes directions. La diffraction est démultipliée, la lumière scintille de toute part. Les lames sont assemblées au silicone en atelier, dix par dix. Les ‘massifs’ formés sont mis en place in situ. Sur le chantier, chacun des outils de manutention et de mise en œuvre a été spécialement conçu pour l’ouvrage. Rien n’est standardisé. Deux parois sont constituées, deux « peaux » de lames de verre qui s’étendent sur toute la surface de la baie. Chacune des parois de la verrière est maintenue sur une structure en inox, fixée dans la maçonnerie. Une solution contemporaine, à l’épreuve du temps et protectrice Une technique, une mise en œuvre particulière ont été privilégiées, le mur de verre lamellé collé. Novateur, ce projet cumule tous les avantages recherchés. Sa réalisation reste bel et bien dans les budgets initialement prévus. Cette solution offre le meilleur potentiel en termes d’esthétique et de résistance aux dommages. Elle répond à la forte contrainte que représentent les orgues exceptionnelles. Elle garantit leur parfaite protection en même temps qu’elle parvient à masquer la vue de l’extérieur. Photo : SPW / DG04 / F. Dor. Photo : SPW / DG04 / Patrimoine / F. Delaire. 1224 La chapelle Saint-Nicolas devient église paroissiale. 1416-1436 Remplacement de l’église existante par une église de style gothique. 1449 Achèvement de la tour de clocher. 1664 Destruction du bâtiment par un incendie. 1664 à 1701Le monument est reconstruit. L’architecte Anthony, à qui on doit la clôture du chantier de construction du beffroi de Mons, dirige les travaux : la façade est reconstruite en style baroque. La tour de clocher reste dans son aspect d’origine. Les magnifiques éléments du mobilier richement sculptés de l’église remontent à cette époque, fin du 17e - début du 18e siècle. Ce sont des artistes montois de renommée qui les ont réalisés. De nombreuses pièces sont encore aujourd’hui associées au nom de leur auteur. 1792Installation de l’orgue de et par le facteur d’orgues montois Jean-Joseph Ermel et son fils François-Joseph-Eugène. Le buffet est de François Gallemart. Les orgues ont été remplacées au milieu du 19e siècle. Le buffet est resté en place. Un mur de faisceaux de verre Photo : B. Regniers Quelques dates qui ont marqué l’édifice L’ossature, question de résistance au temps, au vent La structure fixée à la maçonnerie va jouer le rôle d’entretoise. Le matériau choisi est l’inox. Il offre des gages de longévité importants et donne les garanties recherchées pour la stabilité aux vents des peaux de verre. Résistance, solidité, mais à quel poids ? La verrière complète est composée de deux peaux de lames de verre de 35 mm de largeur, sur 6,50 m de hauteur pour une largeur de 4,5 m fixées sur une structure en inox. Il fallait s’assurer que la maçonnerie sous l’allège puisse supporter l'ensemble. Dans son ancienne configuration de baie rebouchée (19e et 20e siècles), c’étaient 23 tonnes de briques pleines maçonnées qui étaient supportées par les maçonneries inférieures du mur de façade. En comparaison, le poids de 5 tonnes de la nouvelle verrière n’éveille aucune inquiétude. Quelques chiffres sur la verrière : Surface de la baie : env. 28 m² Epaisseur d’une lame de verre : 19 mm. Longueur totale des lames de verre utilisées : 2,84 km Longueur des arêtes polies : 11,360 km Masse totale du verre installé : ± 1,89 m³ X 2 500 kg/m³ = 4,725 tonnes Quantité de silicone : 300 cartouches