Mauritanie - African Economic Outlook
Transcription
Mauritanie - African Economic Outlook
Mauritanie 2016 Marcellin Ndong Ntah / [email protected] Isiyaka Sabo / [email protected] Selma Cheikh Malainine / [email protected] www.africaneconomicoutlook.org Mauritanie MAURITANIE • L’économie de la Mauritanie a enregistré un ralentissement de la croissance réelle du PIB, avec un taux de croissance de 3.1 % en 2015 contre 6.6 % en 2014, en raison essentiellement de la baisse des prix du minerai de fer, son principal produit d’exportation. • Les perspectives économiques demeurent néanmoins prometteuses à court terme, notamment grâce à la mise en exploitation du gisement de Guelb II, nouveau champ minier, à la relance des activités manufacturières et à l’intensification des réformes structurelles. • La transformation des villes mauritaniennes en véritables moteurs de croissance tarde du fait d’une urbanisation non planifiée et non encore maîtrisée, ce qui a un impact négatif sur le développement local. Vue d’ensemble Du fait notamment de la baisse continue des cours mondiaux du fer, l’économie mauritanienne est sortie en 2015 de son sentier de croissance forte, avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) estimé à 3.1 %, après 6.6 % en 2014. La contribution des industries extractives au PIB a ainsi significativement baissé en 2015 pour se situer à 7.4 % (12.8 % en 2014). Le ralentissement de la croissance s’explique également par la baisse de l’investissement brut. Les perspectives économiques demeurent toutefois prometteuses à court terme, notamment grâce à l’entrée en exploitation du gisement de Guelb II, nouveau champ minier de fer, à la relance des activités manufacturières et à l’intensification des réformes structurelles. L’année 2015 a été marquée par une consolidation des acquis macroéconomiques du pays. Ainsi, l’inflation a été contenue à 1.5 % (3.5 % en 2014), sous l’effet notamment de la baisse des cours internationaux des produis alimentaires. La position budgétaire demeure viable, avec un déficit gérable du solde budgétaire global de 2.9 % du PIB (3.7 % en 2014). Les réserves officielles avaient un niveau confortable fin 2015, estimé à 809 millions de dollars US (USD), soit 6.8 % des importations non extractives (5.5 mois d’importations), contre 639.1 millions USD soit 4.7 mois d’importations en 2014. Le secteur tertiaire a confirmé son essor, avec une contribution au PIB au plus haut, de 44.8 %. Le déficit courant est resté sur sa dynamique de redressement progressif pour se situer à 22.2 % du PIB (30 % en 2014). Il est prévu que cette dynamique prévale jusqu’en 2017. Les résultats encourageants de l’Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages (EPCVM) de 2014, publiés en 2015, révèlent des progrès significatifs en matière de réduction de la pauvreté. En effet, la pauvreté a reculé de 42 % en 2008, à 31 %. Avec un score de 0.506, le classement IDH (Indicateur de Développement Humain) 2015 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) situe la Mauritanie au 156e rang, soit une amélioration de 5 places par rapport au classement 2014. Par ailleurs, plusieurs autres indicateurs sociaux se sont redressés. Toutefois, en dépit des progrès enregistrés, la performance sociale reste globalement mitigée. Le pays demeure en effet dans la catégorie des pays à IDH faible. Le premier Objectif du Millénaire pour le développement (OMD), consistant à ramener le taux de pauvreté à 28 % à fin 2015, n’a pas pu être atteint. Malgré le niveau relativement peu élevé du chômage (12.8 % en 2014), le marché du travail maintient un niveau élevé de précarité et d’informalité, avec un taux d’emploi vulnérable de 54.62 %. Parmi les défis majeurs de développement du pays figurent notamment la maîtrise de l’urbanisation (avec une forte croissance de la population urbaine, qui représente 48.3 % de la population totale), la persistance des quartiers à habitat précaire, la gestion foncière à améliorer, 2 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Mauritanie une meilleure application de la fiscalité ainsi qu’une réduction de la vulnérabilité au changement climatique. Dans ce contexte, la perspective d’une urbanisation bien encadrée et orientée apparaît comme une donnée essentielle du développement local. Graphique 1. Taux de croissance du PIB réel % Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique du Nord Afrique (%) 14 12 10 8 6 4 2 0 -2 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015(e) 2016(p) 2017(p) Source: BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques 2014 2015(e) 2016(p) Croissance du PIB réel 6.6 3.1 3.5 4.5 Croissance du PIB réel par habitant 4.1 0.7 1.0 2.2 Inflation 2017(p) 3.5 1.5 6.7 6.1 Solde budgétaire (% PIB) -3.7 -2.9 -2.4 -2.2 Compte courant (% PIB) -30.0 -22.2 -20.3 -19.3 Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Du fait essentiellement de la baisse des prix du minerai de fer, principal produit d’exportation, la Mauritanie a connu en 2015 un ralentissement de sa croissance économique, avec un taux estimé de 3.1 % contre 6.6 % en 2014. Les industries extractives ont ainsi enregistré un recul d’environ cinq points de pourcentage en termes de parts dans le PIB, pour se situer à 7.4 % contre 12.8 % en 2014 (voir tableau 2). Plus précisément, les parts dans le PIB des industries de fer et des produits pétroliers ont chuté respectivement de 4.4 points et de 1.2 point. Le ralentissement de la croissance économique en 2015 trouve également ses origines dans la baisse de l’investissement brut. L’année 2015 a par ailleurs enregistré une hausse de l’activité dans l’agriculture, l’élevage et la pêche – dont les parts conjuguées dans le PIB sont passées de 22.4 % en 2014 à 24.2 % en 2015 –, ainsi que dans la branche « autres services » du secteur tertiaire – dont la part dans le PIB est passée de 16.6 % en 2014 à 18.2 % en 2015. Avec une part dans le PIB sans cesse croissante depuis 2013 pour se situer à 24.2 % en 2015, le secteur primaire demeure un pilier majeur de l’économie. Ce secteur est tiré par l’élevage, l’agriculture et la pêche. Contrairement au secteur primaire, la part dans le PIB du secteur © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 3 Mauritanie secondaire n’a cessé de décroître depuis 2013, pour s’établir à 25.6 % en 2015. Bien qu’ayant conservé sa place de 2e grand secteur dans le PIB, le secteur secondaire voit aujourd’hui son poids très proche de celui du secteur primaire alors qu’il était quasiment le double de celui-ci il y a deux ans (voir tableau 2). La diminution vertigineuse du poids du secteur secondaire s’explique par la chute drastique de ses principales branches depuis 2013, à savoir les industries minières et pétrolières, sous l’effet de la baisse des cours mondiaux pour ces deux industries, mais aussi d’une baisse du volume des exportations pour le pétrole. Le secteur tertiaire, pour sa part, est resté sur son sentier de croissance et a conservé en 2015 la place de plus gros contributeur à la formation du PIB, avec un apport de 44.8 % contre 41.1 % en 2014. Du côté de la demande globale, le principal facteur de ralentissement de la croissance est le fléchissement de l’investissement brut en 2015, en raison de l’arrivée à terme de grands projets d’investissement public tels que la construction du nouvel aéroport international de Nouakchott. L’investissement brut est en effet est passé de 47.2 % du PIB en 2014 à 33.3 % en 2015. Cette tendance à la baisse devrait se poursuivre en 2016, avec une valeur projetée de 29.5 % du PIB. Toutefois, afin de maîtriser la gestion des investissements, le gouvernement a mis en place un programme d’investissement public assorti d’un cadre de dépenses sur le moyen terme (2016-18), en appui aux outils de programmation et de suivi des investissements, et en conformité avec les objectifs de développement et les stratégies sectorielles. Malgré l’inflexion de la croissance en 2015, les perspectives économiques demeurent prometteuses à court terme, notamment grâce à la mise en exploitation du gisement de Guelb II, nouveau champ minier qui relèvera la production annuelle de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) à 16 millions de tonnes (après 13 millions de tonnes en 2015), mais aussi grâce à la relance des activités manufacturières et à l’intensification des réformes structurelles. Ainsi, un léger relèvement du taux de croissance est attendu en 2016, à 3.5 %. Par ailleurs, en dépit d’une conjoncture internationale morose caractérisée par une baisse drastique des prix du fer, la SNIM a maintenu son projet de développement et de modernisation qui vise à atteindre le seuil de production de 40 millions de tonnes à l’horizon 2025, contre 13 millions en 2015. La SNIM a également noué un partenariat avec la société saoudienne SABEQ pour l’exploitation du gisement d’Atoumay, projet dont une partie des revenus sera allouée au renforcement des capacités dans le secteur. À noter en termes de perspectives favorables également, la découverte du gaz de Banda, dont l’exploitation permettra d’accroître l’offre nationale d’électricité mais aussi d’exporter de l’électricité au Sénégal et au Mali. Malgré des perspectives prometteuses à court terme, l’économie mauritanienne demeure vulnérable aux chocs extérieurs. En cause, sa forte dépendance aux exportations minières, qui représentent les quatre cinquièmes de l’ensemble des exportations du pays et un tiers des recettes de l’État. Afin de réduire sa dépendance aux exportations minières, le pays doit explorer toutes les voies possibles de diversification de son économie. Les secteurs de la pêche, de l’agriculture, de l’élevage et des transports représentent autant de pistes intéressantes. Le pays devra également améliorer son cadre budgétaire à moyen terme, afin d’assurer une meilleure gestion des ressources naturelles et de préserver sa stabilité macroéconomique. La Mauritanie est aussi dépendante de ses importations en denrées alimentaires, qui couvrent une part importante de ses besoins. Grâce à la baisse continue des prix internationaux des produits alimentaires, cette dépendance ne devrait toutefois pas assombrir les perspectives de croissance à court terme du pays. 4 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Agriculture, foresterie, pêche et chasse Dont pêche Activités extractives Dont extraction de pétrole brut et de gaz naturel 2010 2014 25.8 20.9 2.5 1.9 20.2 25.8 … … 8.6 7.8 Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau 0.6 0.5 Construction 6.0 7.8 Commerce de gros et de détail; réparation de véhicules automobiles et hôtels et restaurants 9.1 8.4 Activités de fabrication Dont hôtels et restaurants … … 4.3 4.6 Intermédiation financière, immobilier, locations et activités de services aux entreprises 14.7 13.7 Administration publique et défense; sécurité sociale obligatoire 10.7 10.6 Transports, entreposage et communications Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs … … 100.0 100.0 Mauritanie Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Source : Données des administrations nationales. Politiques macroéconomiques Politique budgétaire Les orientations de la politique budgétaire ont été traduites dans la loi de finances 2015 au travers de réformes qui ont pour objectif le maintien du solde budgétaire à un niveau soutenable à moyen et long termes, tout en assurant le financement de projets d’infrastructures économiques et sociales de base. L’assiette fiscale a ainsi été élargie et le taux de TVA est passé de 14 % à 16 %, tandis que les dépenses courantes ont été réduites (1.8 % du PIB hors industries extractives). La poursuite en 2015 d’une politique budgétaire prudente et peu expansionniste a permis de compenser les pertes de recettes enregistrées dans le secteur extractif, et de rendre possible un fléchissement du déficit budgétaire global : -2.9 % du PIB en 2015 contre -3.7 % en 2014. La position budgétaire demeure ainsi viable avec un déficit gérable. La couverture de ce déficit est assurée essentiellement par le recours aux ressources accumulées par le Trésor public auprès de la Banque centrale de Mauritanie (BCM). La programmation des dépenses budgétaires pour l’année 2015 a été marquée, notamment, par la poursuite des efforts de rationalisation des crédits de fonctionnement, et par la légère augmentation des dépenses d’investissement de l’État (13. 2% du PIB contre 12.9 % en 2014). Le tableau 3 ci-après montre que les recettes budgétaires demeurent dominées en 2015 par les recettes fiscales, et les dépenses budgétaires par les dépenses de fonctionnement. Issues essentiellement de l’application des impôts et taxes, les recettes fiscales ont connu une légère régression à cause du ralentissement de l’activité économique. L’année 2015 a été la deuxième année de mise en œuvre des aménagements fiscaux et douaniers introduits en 2014, dans le cadre de la protection des petites industries et avec pour objectif de promouvoir le développement de l’appareil productif national. Ces aménagements portent sur l’introduction d’une taxe de consommation sur les eaux minérales, le relèvement de la fiscalité sur certains produits laitiers, et aussi l’introduction d’une taxe de consommation sur le lait UHT. La baisse enregistrée au niveau des autres recettes (notamment non fiscales) reflète les manques à gagner des recettes minières et des dividendes des entreprises publiques. © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 5 Mauritanie Pour 2016, le gouvernement entend maintenir une politique budgétaire rigoureuse, entre consolidation des acquis et mise en œuvre de certaines mesures de rationalisation de la gestion des finances publiques. Les prévisions et l’exécution budgétaires sont largement influencées par les cours des principaux produits d’exportation du pays, notamment les minerais de fer. L’un des principaux défis en termes de gestion budgétaire est dès lors de mettre en place une gestion optimale des richesses naturelles compte tenu de la volatilité de leurs prix sur les marchés internationaux et du caractère non renouvelable de ces ressources. Tableau 3. Finances publiques (pourcentage du PIB aux prix actuels) 2007 2012 2013 2014 2015(e) 2016(p) 2017(p) Total recettes et dons 21.3 32.4 27.6 27.8 28.8 27.1 26.2 Recettes fiscales 12.2 17.4 16.6 18.9 18.3 17.7 17.1 1.9 4.7 0.7 0.1 1.8 1.0 0.8 25.1 29.9 28.6 31.5 31.7 29.5 28.3 Dons Total dépenses et prêts nets (a) Dépenses courantes 18.4 19.7 16.8 17.9 17.8 16.7 16.3 Sans intérêts 16.8 18.8 15.7 16.8 16.0 15.1 14.6 Salaires et rémunérations 7.4 6.6 6.8 7.4 7.3 6.9 6.6 Intérêt 1.6 0.9 1.0 1.1 1.8 1.6 1.7 Dépenses d’investissement 6.7 9.5 11.1 12.9 13.2 12.1 11.3 Solde primaire -2.3 3.4 0.1 -2.6 -1.1 -0.8 -0.4 Solde global -3.8 2.5 -0.9 -3.7 -2.9 -2.4 -2.2 Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire La politique monétaire est restée prudente en 2015, orientée notamment par la maîtrise de l’inflation et le soutien à la croissance. À cet égard, et compte tenu du contexte international de faible prix des produits alimentaires, le taux d’inflation a été contenu sous les 5 %, à 1.5 %. La croissance de la masse monétaire est estimée à 3 % en 2015, après 8.6 % en 2014. De même, les crédits au secteur privé n’ont crû que de 7.8 % (11.2 % en 2014). Ces évolutions à la baisse reflètent le ralentissement de la croissance économique en 2015. Le comportement de la masse monétaire relève essentiellement de la hausse du crédit intérieur. Cette hausse, de 29 %, a largement compensé le recul des avoirs extérieurs nets, qui sont passés de 197 milliards d’ouguiyas (MRO) en 2013 à 92 milliards MRO en 2014, sous l’effet de la baisse des recettes en devises tirées des industries extractives. Le taux directeur de la BCM et le taux des réserves obligatoires ont été maintenus respectivement à 9 % et 7 %. Sur le plan opérationnel, les autorités monétaires ont continué de suivre de près l’évolution de la liquidité, dont la régulation s’est effectuée essentiellement à travers les adjudications hebdomadaires de bons du Trésor. Le volume des liquidités à stériliser est déterminé chaque semaine sur la base des prévisions des facteurs affectant la liquidité bancaire. Les bons du Trésor traités durant les séances d’adjudication ont porté sur des maturités de 4, 13, 26 et 50 semaines. Les autorités nationales entendent tirer parti du contexte actuel d’inflation maîtrisée pour adopter un cadre formel de prévision de la liquidité et étoffer les outils de gestion de la liquidité. Cela contribuera à formaliser la politique monétaire, à améliorer le mécanisme de transmission vers l’économie réelle, et à renforcer les institutions et la gouvernance pour la conduite de la politique monétaire. En gérant la liquidité de manière plus efficace, la BCM serait aussi mieux en 6 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Mauritanie mesure de réduire les interventions de change. Par ailleurs, la recapitalisation de la BCM devrait être entreprise pour appuyer la conduite de sa politique monétaire. Le régime de change a été reclassé de la catégorie «autres régimes dirigés» à la catégorie «régimes stabilisés». Même si l’ouguiya est conforme aux fondamentaux sur le moyen terme, la politique de change qui prévoit une dépréciation progressive de l’ouguiya vis-à-vis du dollar pourrait se solder par un désalignement à court terme, au cas où le dollar se renforcerait davantage par rapport aux principales autres monnaies. Selon le rapport annuel publié par la BCM en juin 2015, le taux de change effectif réel de la Mauritanie s’est apprécié de plus de 6 % depuis 2014. Coopération économique, intégration régionale et commerce La Mauritanie représente un trait d’union entre le Maghreb arabe et l’Afrique subsaharienne. Le pays entretient de bonnes relations avec ses voisins, et les modalités de coopération sont nombreuses : camions de marchandises en provenance du Maroc, vente d’électricité pour le Sénégal, lutte contre la migration illégale, le trafic de drogue et le terrorisme, implantation du réseau bancaire, ou encore le projet de construction du pont de Rosso, sur le fleuve Sénégal. En 2015, la Mauritanie et l’Union européenne ont signé un nouveau protocole d’accord dans le domaine des pêches pour une durée de 4 ans. Cet accord stipule entre autres que les navires européens sont contractuellement tenus de poursuivre le débarquement du poisson de fond au port de Nouadhibou, en plus de l’obligation d’embaucher des Mauritaniens à hauteur de 60 % des équipages maritimes. La contrepartie financière est de 55 millions d’euros (EUR), soit 12 millions EUR en moins que dans le protocole précédent. La Mauritanie fait partie de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), dont l’action reste limitée en raison de différends entre certains pays membres. Les échanges commerciaux intra-zone s’élèvent à moins de 3 %. La Mauritanie entreprend aussi d’importants échanges avec les pays de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont elle n’est plus membre depuis 2000. Le commerce extérieur mauritanien reste marqué, côté exportations, par une forte concentration. Le déficit de la balance commerciale n’a pas beaucoup changé en 2015, en valeur et en proportion du PIB : 15.0 % contre 14.5 % en 2014. La baisse des exportations en valeur depuis 2014, sous l’effet de la baisse des cours du fer et de l’or, s’est accompagnée d’une baisse quasi proportionnelle des importations. Le déficit courant a poursuivi sa dynamique d’amenuisement : 22.2 % du PIB en 2015 contre 30 % en 2014. Il est prévu que cette dynamique prévale jusqu’en 2017. Pour 2015, cette dynamique s’explique par la baisse de la facture pétrolière et des importations d’équipement, et par l’accumulation de revenus et de transferts courants qui ont grandement compensé la diminution des exportations de fer et la hausse des importations des produits alimentaires. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) Balance commerciale 2007 2012 2013 2014 2015(e) 2016(p) 2017(p) 0.7 -10.9 -7.8 -14.5 -15 -14.4 -13.5 Exportations de biens (f.o.b.) 43.7 54.5 52.4 39.5 31.5 29.6 28.7 Importations de biens (f.o.b.) 43 65.4 60.1 54.1 46.6 44 42.2 Services -13.9 -17.8 -16.6 -14.9 -9.6 -7.6 -7.3 1.1 -3.9 -3.3 -2.9 -1.3 -1.2 -1.1 Revenu des facteurs Transferts courants 4.3 6.5 2.8 Solde des comptes courants -7.9 -26.1 -24.9 2.3 -30 3.7 2.9 2.6 -22.2 -20.3 -19.3 Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 7 Mauritanie Politique de la dette La dette de la Mauritanie est essentiellement constituée de la dette publique. Cette dernière est dominée par la dette extérieure contractée et garantie par l’État, qui représente presque 90 % du total de la dette publique du pays. La dette publique intérieure ne représente que 5 à 7 % du PIB, et consiste surtout en des bons du Trésor. Avec une proportion de 77.4 % du PIB en 2015, le niveau de la dette extérieure contractée et garantie par l’État reste assez élevé. Malgré ce niveau, la structure de la dette de la Mauritanie demeure viable, selon l’évaluation du Fonds monétaire international (FMI) (rapport 2015 des consultations au titre de l’article IV). L’évolution des ratios d’endettement de la Mauritanie a été relativement favorable, notamment grâce aux résultats de l’exercice de réévaluation des comptes nationaux du pays ainsi qu’à l’hypothèse de l’allègement de la dette passive envers le Koweït – retenue dans le cadre de l’analyse de la soutenabilité de la dette (ASD) 2014 du FMI. Cette ASD a néanmoins dégradé le statut du risque de surendettement du pays de « modéré » à « élevé », à cause de la nouvelle classification de ses capacités institutionnelles et du volume plus élevé des nouveaux décaissements de dette prévus. En effet cette évaluation menée selon la méthodologie utilisée par la Banque mondiale (BM) et le FMI, a mis en avant les effets retardés de la détérioration de l’environnement institutionnel en 2009 sur les seuils d’endettement. Cette dégradation du statut du risque de surendettement du pays est de nature à limiter sa capacité d’endettement extérieur. Les autorités se sont engagées à poursuivre une politique prudente d’endettement extérieur, ainsi qu’à faire des efforts pour améliorer l’environnement institutionnel et stabiliser les niveaux d’endettement, y compris le traitement définitif de la dette passive envers le Koweït, afin de revenir rapidement à un statut modéré de risque de surendettement. Une attention particulière devra aussi être accordée au renforcement de la qualité des politiques et des institutions nationales, et notamment de la capacité de gestion de la dette. Sur le plan institutionnel, la responsabilité du pays en matière de dette publique est engagée par la BCM et le ministère de l’Économie et des Finances. Graphique 2. Part de l’encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Source : FMI (WEO & Article IV). 8 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Mauritanie Gouvernance économique et politique Secteur privé L’environnement des affaires est marqué par les progrès récents au niveau du cadre institutionnel et règlementaire. Mais beaucoup reste à faire. Parmi ces progrès figurent la réduction des procédures de paiement au niveau de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS), la mise en place d’un guichet unique et d’un formulaire unique pour la création d’entreprise, la création d’un Centre International de Médiation et d’Arbitrage (CINAM), et enfin la révision du code de commerce. Ces efforts ont porté leurs fruits. Ainsi, dans l’édition 2016 du classement Doing Business de la BM, la Mauritanie s’est hissée dans la catégorie des dix meilleurs pays ayant enregistré le plus de progrès dans leur environnement des affaires. La Mauritanie a ainsi gagné huit places par rapport à son classement 2015, pour se positionner au 168e rang. Grâce à ses réformes, le pays a enregistré une performance remarquable dans le domaine de la création des entreprises, gagnant 91 places d’une année sur l’autre pour se retrouver à la 70e position. Le pays entend poursuivre ses efforts d’amélioration là où ses performances dans le classement Doing Business ne sont pas bonnes, notamment dans les domaines de la résolution de l’insolvabilité (189e en 2016), du paiement des taxes et impôts (187e), du raccordement à l’électricité (152e) et de la protection des investisseurs minoritaires (134 e). L’accès au financement, l’insuffisance de l’infrastructure et la corruption sont considérés comme les obstacles majeurs pour les affaires en Mauritanie. À cet égard, le gouvernement entend poursuivre la mise en œuvre des stratégies entamées en 2015 : stratégie de lutte contre la corruption, stratégie de promotion de l’investissement privé, et stratégie de mobilisation des financements en faveur des projets de développement. Le gouvernement entend également poursuivre les réformes porteuses et les étendre dans tous les autres domaines d’évaluation déclinés dans le classement Doing Business. Une feuille de route des réformes Doing Business pour l’année 2016 a ainsi été adoptée en ce sens. Secteur financier Le secteur bancaire mauritanien est bien capitalisé et liquide. Toutefois, il demeure vulnérable face aux chocs du fait d’une concentration élevée de crédit (notamment des crédits à court terme), de l’exposition au risque de change, et d’une concurrence accrue qui renforce les vulnérabilités bancaires. Le système bancaire compte actuellement une vingtaine d’institutions, contre 10 en 2009. L’accroissement du nombre de banques en activité s’est traduit par une réduction significative des marges d’intermédiation. Le taux moyen pondéré du crédit bancaire est ainsi passé de 15.1 % en 2012 à 11.4% en 2014. Par ailleurs, la modernisation du système des paiements s’est poursuivie, comme en témoigne le développement de la monétique avec la généralisation de l’utilisation des cartes interbancaires et des guichets automatiques de banque (GAB), dont le nombre s’est accru de près de 25 % en 2014. Par ailleurs, la plupart des banques émettent désormais des cartes de paiement internationales dotées de plafonds d’utilisation à l’étranger parmi les plus élevés de la région. Toutefois, le taux de bancarisation du pays demeure faible (10 % environ), ce qui traduit une grande préférence des populations à détenir leurs liquidités. De plus, certaines banques ne satisfont pas à l’obligation minimum de fonds propres et sont sous-provisionnées, ce qui affaiblit la qualité des actifs. En 2015, les autorités nationales ont continué leurs efforts pour renforcer la stabilité du système financier, notamment à travers une meilleure application de la réglementation, le renforcement de l’indépendance des autorités de supervision, l’extension de la supervision exercée par la BCM aux banques publiques et au secteur de l’assurance, et le renforcement du cadre réglementaire des faillites bancaires. © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 9 Mauritanie Gestion du secteur public, institutions et réformes En matière de gestion du secteur public, l’année 2015 a été marquée par la mise en place d’un système intégré de gestion du personnel de l’État, la conception et la mise en ligne d’un site internet moderne pour le ministère de la Fonction Publique, l’extension des délais pour le recensement de la fonction publique, et enfin la poursuite des travaux pour la simplification et la modernisation des procédures administratives. La masse salariale des fonctionnaires et agents de l’État en 2015 a été de 116 milliards MRO, représentant 8.3 % du PIB hors industries extractives. Le gouvernement a procédé en janvier 2015 à l’augmentation des salaires des fonctionnaires et agents de l’État, qui varie entre 30 % et 50 % du salaire de base des fonctionnaires. En septembre 2015, un projet de décret portant sur l’harmonisation et la simplification du système de rémunération des agents de l’État et de ses établissements publics à caractère administratif a été adopté. Le gouvernement a également poursuivi une politique de discrimination positive en faveur des plus démunis, qui s’est traduite par l’adoption au Parlement d’une loi donnant aux handicapés un privilège spécial en matière d’accès à la fonction publique en leur réservant 5 % des offres de recrutement. Afin de permettre aux travailleurs d’exercer tous leurs droits syndicaux à travers leurs représentants, un organisme de concertation et de négociation a été créé : le Conseil national du dialogue social. La surveillance et la vérification ont été renforcées à travers les contrôles permanents de l’inspection générale de l’Etat et de la Cour des Comptes, la mise en place d’audits internes, et l’instauration des normes et des manuels de procédures. Le gouvernement a poursuivi en 2015 la mise en œuvre et le suivi de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Il a également renforcé la transparence dans l’octroi de titres pétroliers. Des activités de sensibilisation pour la lutte contre la corruption ont aussi été organisées dans le pays, dont des journées de formation sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) de l’ONG Transparency International, organisées par l’Observatoire Mauritanien de Lutte contre la Corruption (OMLCC) et le PNUD. Gestion des ressources naturelles et environnement La Mauritanie dispose d’importantes ressources naturelles avec notamment un sous-sol renfermant des potentialités minières, gazières et pétrolières répertoriées. Toutes ces ressources ne sont pas encore exploitées. Celles qui le sont constituent une source de revenus significative pour le pays. La politique environnementale de la Mauritanie est régie par la Stratégie nationale de développement durable (SNDD) et par son Plan d’actions national pour l’environnement (PANE) pour la période 2012-16. En 2015, le gouvernement a déployé des efforts importants pour renforcer le cadre institutionnel et réglementaire. Ainsi, plusieurs textes de loi et des instruments de ratification ont été adoptés et signés au cours de l’année, dont ceux de la Convention de Minamata sur le mercure, du Protocole de Nagoya de la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique (CDB) et portant pénalisation des plastiques souples. Dans le domaine des énergies renouvelables, le document Renewables Readiness Assessment (RRA) sur l’évaluation des conditions et la promotion des énergies renouvelables en Mauritanie a été validé et lancé officiellement, et une centrale éolienne a été mise en fonctionnement en 2015. De plus, la stratégie de développement du secteur de la pêche a été validée et, pour la première fois, l’exercice de la revue des dépenses publiques dans le secteur de l’environnement a été mené. Le pays a aussi rédigé le rapport des contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), en guise de contribution à l’Accord Climat adopté en décembre 2015 lors de la COP21 qui s’est tenue à Paris. 10 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Mauritanie La volonté du pays d’intégrer la dimension environnement dans les politiques et programmes a été matérialisée par la réalisation de plusieurs études et consultations publiques d’impact environnemental au démarrage de projets. Des contrôles d’impacts environnementaux ont été aussi renforcés au cours de l’année, notamment sur les sites de production industrielle et dans les carrières. Contexte politique En matière de gouvernance démocratique, l’action des pouvoirs publics en 2015 a consisté à renforcer la justice, consolider la démocratie, promouvoir les droits de l’homme, consolider l’unité nationale et lutter contre l’insécurité et les migrations clandestines. S’agissant de la consolidation de la démocratie, les pouvoirs publics ont œuvré pour l’ouverture du champ politique en termes de dialogue, et pour l’implication des jeunes dans la gestion des affaires publiques. C’est ainsi que plusieurs rencontres préliminaires se sont tenues avec l’opposition et qu’une rencontre préparatoire au dialogue inclusif a eu lieu en septembre 2015. Celle-ci a abouti à l’adoption d’un document traitant de toutes les questions d’intérêt national et appelant à l’organisation d’un dialogue inclusif dans les plus brefs délais et sans conditions préalables. La tenue des États Généraux de la Jeunesse a été couronnée par la création d’un Conseil National de la Jeunesse. En ce qui concerne la promotion des droits de l’homme, l’année 2015 a été notamment marquée par : i) la ratification de la Charte arabe des droits de l’homme ; ii) l’adoption d’une loi incriminant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; iii) l’adoption d’une stratégie de communication sur l’éradication des séquelles de l’esclavage ; iv) la mise en place d’un mécanisme national de prévention de la torture ; v) la mise en place du Programme national de Renforcement de la Cohésion Sociale ; et vi) l’élaboration du Plan d’Action national de Promotion et Protection des droits de l’homme. Au niveau multilatéral, la Mauritanie a largement contribué à l’obtention d’un cessez-le feu entre les parties en guerre au Mali. La Mauritanie a également participé à toutes les négociations visant à trouver une solution définitive et durable au conflit, mais aussi au troisième round du groupe de contact international sur la Libye. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines L’indice de développement humain (IDH) du pays se situe à 0.506, selon l’édition 2015 du Rapport sur le développement humain du PNUD, ce qui place la Mauritanie au 156e rang sur 188 pays. La Mauritanie a certes gagné 5 places dans le classement, mais le pays demeure dans la catégorie des pays à faible développement humain. Les performances du pays en matière d’éducation sont positives. Grâce à des changements majeurs tant au niveau des structures que des contenus des programmes d’enseignement, le taux brut de scolarisation (TBS) se situe à 100.9 % en 2013/14 contre 98.8 % en 2008/09. L’indice de parité des sexes (IPS) à l’école primaire est légèrement supérieur à 1 (1.05), ce qui signifie que le taux net de fréquentation du primaire est un peu plus élevé chez les filles que chez les garçons. En revanche, il n’est que de 0.84 dans l’enseignement secondaire. Il importe en outre d’améliorer le niveau et le nombre de personnels enseignant et d’encadrement, et d’assurer une meilleure gestion du système d’éducation. À noter que deux nouvelles écoles normales d’instituteurs ont été créées en 2015, et que l’année a été déclarée «Année d’éducation» par le gouvernement. Avec un taux d’alphabétisation national de 63.7 % en 2013, la situation de l’alphabétisation s’est améliorée ces dernières années et devrait continuer de l’être si plusieurs contraintes sont levées, dont l’insuffisance des ressources matérielles et humaines d’une part, et l’absence de passerelles organisées entre l’enseignement religieux traditionnel et l’enseignement formel d’autre part. © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 11 Mauritanie Dans le secteur de la santé, les efforts déployés par le gouvernement tels que l’extension de l’offre, l’accès aux médicaments de qualité et la promotion de l’assurance maladie universelle ont abouti à des progrès significatifs en matière de couverture et d’accès des populations aux soins de qualité. Cela a permis de porter le taux d’accessibilité géographique (dans un rayon de 5 km) aux soins de santé de plus à 80 %. De plus, les sensibilisations sur les mesures préventives ont permis de limiter la propagation de maladies telles que le paludisme, la tuberculose et le VIH/SIDA. En dépit de ces progrès, la situation de la santé demeure préoccupante. En effet, les taux de mortalité maternelle et infanto-juvénile restent élevés : respectivement 582 pour 100 000 et 115 pour 1 000, selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) 2013. Ces taux étaient de respectivement 626 pour 100 000 et 108 pour 1 000 en 2007. La prévalence de la malnutrition sur toutes ses formes a connu une hausse en 2015 (14 %) par rapport à la période de soudure de 2014 (12 %). La part des dépenses publiques de santé dans le budget global de l’Etat (4.6 % en 2013) reste en deçà des ambitions du pays. Il importe d’allouer davantage de ressources à ce secteur, mais également d’améliorer l’efficacité des dépenses. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail En dépit des efforts enregistrés, la pauvreté et les inégalités restent des préoccupations majeures en Mauritanie. L’incidence de la pauvreté en 2014 est estimée à 31 %. Elle a baissé entre 2008 et 2014 à un taux national moyen annuel de 1.8 %. Malgré cette baisse assez significative sur les dernières années, la cible de 28 % à fin 2015 n’a pas été atteinte, essentiellement à cause du niveau insuffisant de la croissance économique (5 % en moyenne). En effet, la croissance moyenne attendue nécessaire pour ramener l’incidence de la pauvreté à 28 % en 2015 était de 7 à 8 %. La répartition par sexe de la pauvreté est favorable aux ménages dirigés par les femmes avec une incidence de 27.4 % contre 32.3 % pour les ménages dirigés par les hommes. L’analyse de la décomposition de la réduction de la pauvreté entre l’effet croissance économique et l’effet redistribution a montré que la croissance a été pro-pauvre et que l’impact de la redistribution (inégalité) a également contribué largement à la réduction de la pauvreté entre 2008 et 2014, ce qui traduit l’efficacité des politiques publiques sur cette période. En matière de lutte contre la pauvreté, la question de l’emploi reste d’actualité. En effet, le sous-emploi et les emplois vulnérables demeurent un problème préoccupant, notamment chez les jeunes et les femmes. En 2014, le taux d’emploi vulnérable était de 54.6 %, tandis que le taux de chômage était estimé à 12.8 % au niveau national contre 10.1 % en 2012. Le chômage des femmes (19.3 %) reste plus élevé que celui des hommes (9.9 %), tandis que celui des jeunes (14-34 ans) demeure problématique avec un taux estimé à 21.0 % en 2014. Le chômage des jeunes en milieu urbain est encore plus préoccupant, avec un taux de 27.4 % contre 11.3 % en milieu rural. Le sousemploi touche 19.2 % de la population active en 2014 et concerne majoritairement des personnes n’ayant aucun niveau de formation (49.2 %) ou ceux ayant atteint tout au plus le niveau primaire (28.1 %). La problématique de l’emploi est aggravée par l’analphabétisme, la difficulté d’accès à la formation à des métiers porteurs et le faible accès au financement d’activités génératrices de revenus. Pour répondre à ces défis, les initiatives en matière d’alphabétisation restent très limitées, tandis que celles en matière de formation professionnelle restent insuffisantes par rapport à l’ampleur du défi. En outre, l’absence ou l’insuffisance de dispositifs et outils de promotion de l’emploi, l’insuffisance d’initiatives d’investissements et la difficulté d’accès des couches vulnérables aux moyens de production ne facilitent pas l’accès à l’emploi, de façon générale. Par ailleurs, les institutions d’apprentissage restent insuffisantes et la main d’œuvre qualifiée fait défaut. 12 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Mauritanie Quant à la microfinance, considérée comme un des outils efficaces favorisant la création d’emplois et la lutte contre la pauvreté, elle souffre d’une insuffisance voire d’une inadéquation de l’offre par rapport aux besoins de la population et des filières d’activité. Elle doit encore faire face à l’inégalité entre zones rurales et urbaines, à la faible couverture du territoire national, à la faiblesse des capacités technique et financière des institutions de microfinance, ainsi qu’à l’insuffisance de l’offre de formation. Pour y remédier, le gouvernement a adopté en 2015 une stratégie nationale de promotion du secteur de la microfinance, qui s’est accompagnée d’un plan d’action pour la période 2015-19. Il compte également capitaliser sur les acquis du Projet de renforcement des capacités de microfinance (PRECAMF 1), financé par la Banque africaine de développement (BAD). Égalité hommes-femmes Dans le domaine de la promotion féminine, l’action du gouvernement est centrée sur la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes, l’intégration de la dimension genre dans les politiques publiques, l’élaboration d’une stratégie d’institutionnalisation du genre, l’adhésion aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme et l’appui aux organisations de défense des droits des femmes. En 2015, une nette amélioration de la participation des femmes a été constatée dans les instances parlementaires (9 femmes sur 56 sénateurs, 31 femmes sur 147 députés de l’Assemblée nationale), les postes électifs (35.4 % de conseillères municipales, 6 maires de commune) et les postes de haut niveau (8 femmes sur 28 ministres et 4 secrétaires générales). La prise de décision dans la sphère politique et économique reste cependant majoritairement dévolue aux hommes. En 2015, le gouvernement a assuré une formation professionnelle pour 250 filles qui ont abandonné l’école et créé un fonds de financement d’activités génératrices de revenus, lequel a consenti 123 millions MRO de prêts sans intérêts au profit de 11 926 femmes sans ressources dans 175 communes. Cependant, le statut de la femme demeure précaire en termes d’accès aux ressources économiques et financières ainsi que dans le secteur de l’emploi. En Mauritanie, le taux net de scolarisation se situe à 81.1 % selon l’annuaire statistique 2014/15, avec une répartition selon les genres plus ou moins paritaire (79.5 % garçons et 82.7 % filles), alors que le taux d’activité des hommes (69 %) reste largement supérieur à celui des femmes (27.5 %). Analyse thématique : villes durables et transformation structurelle L’évolution urbaine à long terme de la Mauritanie a été fortement marquée par les effets et les conséquences de la sécheresse des années 70. La dégradation des conditions de vie dans les zones rurales a amené les populations à affluer vers les principaux centres urbains. La part de la population urbaine est ainsi passée de 4 % de la population totale en 1962 (37 000 habitants) à 48.3 % en 2013 (1 710 103 habitants), selon les résultats du RGPH de 2013. Les villes mauritaniennes se sont façonnées dans l’urgence et parfois dans l’anarchie, sans que les pouvoirs publics puissent agir efficacement sur leur organisation et leurs capacités à accueillir convenablement de nouvelles populations. Cette rapide urbanisation a dessiné les contours d’une armature urbaine fragile et déséquilibrée. En effet, deux déséquilibres marquent profondément la répartition de la population urbaine. D’une part, le poids considérable de la capitale Nouakchott qui, avec 958 399 habitants en 2013, abrite plus de la moitié de la population urbaine (56 %) et représente 76.6 % de la population des principales villes du pays. La deuxième ville du pays, Nouadhibou n’abrite que 118 167 habitants. D’autre part, la distribution régionale de la population urbaine est inégale puisque environ 80 % de son effectif est concentré sur le tiers sud du pays. À part Nouakchott et Nouadhibou, les quatre autres principales villes du pays (localités de plus de 32 000 habitants) sont Kiffa, Kaédi, Rosso et Zouerate. © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 13 Mauritanie En l’absence de planification urbaine rigoureuse et sous l’effet des migrations vers les périphéries des villes, plus de 35 % de la population urbaine est installée dans des quartiers d’habitat précaire et des bidonvilles créés à la périphérie des principaux centres urbains. La proportion de ménages qui habitent un logement précaire est passée de 32.5 % en 2008 à 35.9 % en 2014. Cette détérioration des conditions d’habitat des ménages dénote le faible impact des opérations de réhabilitation des quartiers précaires conduites au cours de cette période. Nouakchott connaît une croissance spatiale annuelle de 6.5 %, largement supérieure à sa croissance démographique, qui n’est que de 5 %. Cet étalement urbain de la ville et sa faible densification dénotent d’une gestion foncière peu efficace et non concertée. Ce manque d’optimisation dans l’utilisation des terrains urbains pose des problèmes d’accès aux services urbains de base, de gestion des déchets ménagers, d’assainissement, mais crée également des manques dans les infrastructures de transport et de proximité. De plus, la vulnérabilité de la ville aux effets du changement climatique constitue un risque majeur pour son urbanisation, qui se voit menacée par des inondations ou encore par l’ensablement. En effet, Nouakchott étant située au-dessous du niveau de la mer et ne disposant pas d’un réseau d’assainissement, fait face à d’importants problèmes d’inondations et d’eaux stagnantes consécutives aux pluies saisonnières. Cette situation, qui touche la quasi-totalité des quartiers de la ville, expose les populations à des risques sanitaires et environnementaux. Enfin, l’application de la fiscalité urbaine apparaît difficile, faute d’adressages urbains et fiscaux appropriés étant donnée l’occupation territoriale faiblement organisée et en perpétuel mouvement. Les pouvoirs publics considèrent l’urbanisation croissante comme un véritable défi. Mais cette urbanisation requiert la réhabilitation et la restructuration des quartiers à habitat précaire de Nouakchott et de Nouadhibou, en vue d’offrir des conditions décentes de vie à de nombreux ménages en leur garantissant l’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux services urbains de base. Fort de ce constat, les villes mauritaniennes ne peuvent pas être qualifiées de villes durables. La population active occupée représente 40.6 % de la population en âge de travailler, et 55.4 % de cette population réside en milieu urbain du fait de la concentration des activités économiques dans des pôles d’activité réduits. En milieu urbain, la population occupée l’est majoritairement dans les activités de commerce (33 %), qui regorgent un niveau important d’informalité, et dans les services de l’administration (30 %) tandis qu’en milieu rural, les activités d’élevage (30 %), de l’agriculture (30 %) et du commerce (20 %) occupent l’essentiel de la population active. Le taux de pauvreté au niveau national (31 %), mentionné à la sous-section 5.2, masque une forte disparité selon le milieu de résidence. En effet, 44.4 % de la population rurale vivent en-dessous du seuil de pauvreté (soit 74.0 % des pauvres et 22.9 % de la population totale), contre 16.7 % des personnes vivant dans le milieu urbain (soit 26.0 % des pauvres et 8.1 % de la population totale). Comme toute métropole, Nouakchott connaît une certaine insécurité (vols, petite criminalité, etc.). Mais, ceci reste sous le contrôle des forces de l’ordre du pays. Malgré les progrès enregistrés dans la promotion de la condition féminine, la femme mauritanienne urbaine comme rurale continue à souffrir : i) d’un faible et inéquitable accès aux facteurs de production (terre et capital) ; ii) de déperditions scolaires ; iii) de taux d’analphabétisme et de chômage plus accentués que chez les hommes ; et iv) de la persistance de mentalités et pratiques discriminantes. En milieu urbain, le taux de chômage des femmes est estimé à 24.7 %, supérieur à celui des hommes. La gestion des villes, y compris leur financement, est dévolue aux collectivités locales (communautés urbaines, communes, etc.). Ces dernières tirent essentiellement leurs ressources des recettes fiscales locales. Étant donné que leurs ressources générées sont trop faibles pour leur permettre d’assurer l’ensemble de leurs compétences, elles reçoivent également des dotations de l’État. Elles bénéficient aussi de l’appui des bailleurs de fonds internationaux. C’est ainsi que les partenaires techniques et financiers sont associés aux communes au travers du jumelage entre les villes, de l’appui à la décentralisation (coopération allemande) et du financement du développement urbain. 14 Perspectives économiques en Afrique © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Mauritanie Les pouvoirs publics ont engagé, dès le début de l’année 2000, une réflexion approfondie sur l’état des villes et leurs perspectives. Cette réflexion a abouti à l’identification de priorités en matière de développement urbain et à la définition des grandes lignes d’une stratégie de développement urbain au niveau national. Ceci a permis de préparer un ambitieux Programme de développement urbain (PDU), avec un double objectif : l’amélioration des conditions de vie et l’accroissement des possibilités d’emploi dans les principales villes et zones périurbaines du pays d’une part, et le renforcement du cadre institutionnel afin d’exécuter le programme de réformes urbaines, d’autre part. Le secteur du développement urbain reste toutefois caractérisé par une multitude d’intervenants (divers ministères et partenaires sociaux), ce qui rend nécessaire une forte coordination. D’une manière générale, les interventions des pouvoirs publics en faveur des villes s’articulent autour de projets et de programmes qui ont un impact réel sur les conditions de vie des populations dans les grandes villes, et autour d’initiatives qui visent à corriger les dysfonctionnements en termes de gestion et de planification des villes en particulier concernant la maîtrise foncière et la création de logements décents. Pour permettre aux villes de devenir des moteurs de croissance, les pouvoirs publics devraient parfaire le processus de décentralisation et de développement local en apportant des réponses concrètes aux questions relatives au partage des responsabilités entre l’État et les collectivités locales, à la faiblesse des ressources humaines et financières des collectivités locales, mais aussi à l’inefficacité de la participation citoyenne. © BAfD, OCDE, PNUD 2016 Perspectives économiques en Afrique 15