Le chapeau fait l`homme

Transcription

Le chapeau fait l`homme
ils en parlent encore...
Photo: M.-N. LOVENFOSSE
ils en parlent encore...
Des enseignants vous ont-ils
marqué?
EP: Ceux dont je me souviens tout particulièrement, que ce soit en primaire
ou en secondaire, étaient vraiment
passionnés par leur métier. Un enseignant, c’est toujours un exemple pour
l’élève. Il doit en être conscient. Ça ne
sert à rien de se contenter de suivre
un programme. Je ne dis pas qu'il faut
faire "plus", mais qu'il faut faire "bien".
Ça veut dire: ne pas marquer de différence entre les élèves, vérifier s’ils
ont bien compris, essayer de les passionner, si certains sont plus faibles,
voir s'ils sont encadrés chez eux et
les aider, guider l'élève
Quel a été votre parcours scolaire?
Elvis POMPILIO: J'ai commencé ma
scolarité à l'école communale de Montegnée, sur les hauteurs de Liège. Je
n'étais pas très brillant sauf en dessin, arts plastiques et chant. J'adorais
tout ce qui était artistique. Même si j'ai
reçu une éducation stricte, ma famille
ne se souciait pas de ce qui se passait à l'école. Je n'étudiais donc pas
beaucoup, et je signais moi-même
mes bulletins! Comme j'étais très sage
et discipliné en classe, j’étais un peu
le chouchou des enseignants. Ensuite,
j'ai fait 6 ans d'arts plastiques à l'ICADI,
à Liège. Avant 12 ans, je savais déjà
que je voulais faire des études artistiques, sans savoir exactement quoi.
À l'ICADI, j'ai fait de la photo, du graphisme, de l'architecture d'intérieur, de
la peinture, de la publicité, de la sérigraphie, de la sculpture, etc. Mais je
n'étais pas plus studieux pour la cause.
J'étais sur mon nuage... C'est après
coup que je me suis rendu compte de
ce que je devais à l'école. C’est tout
ce que j’y ai appris qui me permet, aujourd’hui, de décider et réaliser quasiment tout de A à Z. Je travaille seul, je
fais tout à la main, je reçois les clients,
je m'occupe de la publicité, des logos,
du packaging,etc.
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entrées libres < N°51 < septembre 2010
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évènements heureux, quelqu'un peut
en avoir besoin parce qu’il a un cancer, par exemple. Il faut tenir compte
de beaucoup de choses pour trouver
ce qui va convenir à une personne. Hé
bien les profs, c'est la même chose!
C'est cette attention qui fait la différence.
Quelle serait l'école idéale, pour
vous?
EP: Il faudrait au moins un psychologue par école, pour pouvoir vraiment
tenir compte des élèves, de leurs difficultés, de ce qu'ils veulent devenir.
Et il faudrait aussi des psychologues
pour former les enseignants! Certains
d'entre eux ne s'intéressent pas assez aux élèves. Par ailleurs,
CARTE D'ID
je trouve dommage de se voir
ENTITÉ
fermer des portes quand on fait
Nom: POM
un choix d'études. Si vous opPILIO
tez pour un métier artistique, on
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vous exclut de ce qui est "intelProfession
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Âge: 49 ans
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pour leur ouvrir l'esprit. On ne
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mieux pour lui, avec beaucoup de psyDans votre activité, vous avez ce
chologie. J’ai eu la chance d’avoir des
souci d’ouverture?
profs qui allaient montrer mes dessins
EP: J’essaie, oui. Je refuse de ne frépartout dans l'école. Cela me valorisait
quenter que le monde de la mode.
beaucoup. C'est important de valoriser
Souvent, on s’enferme dans ce qu’on
l'élève, de le mettre en confiance. C'est
connait. On a peur de la différence, de
un art! Le métier de professeur est un
l'autre, et d'être jugé. J’ai eu et j’ai enart! Il ne faut pas prendre ça comme
core la chance de rencontrer des gens
un simple boulot pour gagner sa vie.
très différents, certains riches, d’autres
Je ne sais pas si les enseignants saqui sont loin de l'être, des personnes
vent à quel point ils sont importants
cultivées, d’autres beaucoup moins.
pour un enfant ou un jeune. Mais je me
Quand j'étais adolescent à Liège, dans
rends bien compte que c'est difficile
les années 75-80, je m'habillais de mad'intéresser les élèves, surtout quand
nière originale, extravagante, pas pour
ils n’ont pas choisi d'être là. C'est comchoquer, mais parce que j'étais vraipliqué! Certains élèves n'aiment pas
ment attiré par cela. J'étais contrôlé tous
l'école parce qu’ils sont devant l’obliles deux jours Place Saint-Lambert par
gation d’apprendre.
la police! Je n'ai jamais compris qu’on
Vous gardez de bons souvenirs
puisse faire autant de différence entre
des personnes en fonction de leur apde l’école?
parence, de leur compte en banque, du
EP: Franchement, oui! C'est moi qui
quartier d'où elles viennent…
n'étais pas à la hauteur de mes profs!
Heureusement que j'avais ce don artisJe me souviens d'une dame qui est vetique, qui m'a sauvé. Si mon entourage
nue un jour à la boutique avec une robe
m’avait poussé à étudier, j'aurais sans
longue très bohème, l'air un peu néglidoute été capable de faire de grandes
gé, un chignon mal fait. Le vendeur n'a
études et de devenir avocat, par
pas voulu s'occuper d'elle parce qu'il
exemple. Mais je ne me serais certaijugeait que ça n'en valait pas la peine,
nement pas dirigé vers la mode, alors
et c'est moi qui suis allé à sa rencontre. En discutant avec elle, j'ai pris
que c’est devenu une passion. Ce que
conscience qu’elle avait une culture
je fais touche à la fois à la mode, à l’art
incroyable, qu’elle faisait partie de la
et à la psychologie. On ne vend pas
famille du peintre DELVAUX, qu’elle
des chapeaux uniquement pour des
adorait les chapeaux et… qu'elle était
richissime! Elle a été ma cliente pendant 20 ans, et nous sommes devenus
amis.
Avec le recul, ça a été une
chance, finalement, qu'on vous
laisse totalement libre de décider
vous-même de votre avenir?
EP: J'ai souvent vu ça comme une
malchance, mais c'est positif d'avoir
pu choisir et me créer mon chemin.
Je pouvais m'habiller, bricoler comme
je voulais. Chez moi, j'avais un atelier
avec des machines à coudre à ma disposition. Je n'ai pas été brimé dans ce
que je voulais faire, et j'ai pris gout à
cette liberté. Il y a 8 ans, j'ai tout arrêté alors que tout se passait bien pour
moi, que j'avais des boutiques un peu
partout dans le monde, des vendeurs,
des ouvrières, etc. Les gens n'ont pas
compris... Mais je ne me retrouvais
plus dans cette vie-là, je n'étais plus
libre. Il m'a fallu 8 ans pour redémarrer
quelque chose, mais en m'y prenant
autrement.
Quels sont vos projets?
EP: J’aimerais continuer ce que je fais
actuellement, sans accepter de sollicitations supplémentaires pour ouvrir
des succursales, participer à des évènements en Chine, à Paris ou ailleurs.
C'est difficile de dire non, mais je me
suis promis à moi-même (et à mon
entourage) que j’y arriverais. Mon travail, c'est ma passion, mais je ne veux
plus me laisser emporter par le succès comme je l'ai fait. Je pense rester
quelques années ici, puis développer
d'autres projets de vie et professionnels. Peut-être un film, d'après la biographie écrite à mon propos1…
Pendant que nous parlons, on
entend les cris des enfants de
l'école d'à côté…
EP: J'adore ça! C’est formidable de
pouvoir entendre les enfants qui jouent
pendant les récréations. Parfois, je
reçois un ballon et je le renvoie. Ça
fait partie de la vie, et ça a beaucoup
de charme. L'école a beaucoup de
charme, et je suis sûr qu'il y a vraiment
moyen de faire en sorte que les jeunes
s’en rendent compte… 
INTERVIEW ET TEXTE
MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE
1. Vie Privée, biographie d'Elvis Pompilio par
Jean-Paul MASSE de ROUCH, France Europe Éditions, 2010.
Boutique Atelier Elvis Pompilio
rue Lebeau 67 - 1000 Bruxelles
Ouvert vendredi, samedi, dimanche
de 11h à 18h - tél. 02 512 85 88
[email protected]
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