Principe du calendrier juif

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Principe du calendrier juif
Principe du calendrier juif
Jacob Ouanounou
Pour la rédaction de cette synthèse, je me suis appuyé sur un excellent document de Tracey Rich, que chacun peut
trouver sur Internet en suivant ce lien : http://www.jewfaq.org/calendr2.htm .
Introduction
Avant d'entrer dans la description du fonctionnement précis du calendrier hébraïque, il est
nécessaire de donner quelques informations d'ordre général.
La conception d'un calendrier perpétuel n'est pas un exercice simple. Plusieurs éléments contribuent
à cette difficulté.
Tout d'abord, ni le nombre de jours du cycle solaire, ni celui du cycle lunaire ne sont des nombres
entiers. Aussi, ni les années ni les mois ne peuvent avoir tout le temps la même durée en jours.
On pourrait imaginer que la partie décimale du nombre de jours n'a pas d'importance, puisque nous
ne comptons que des jours. Or ceci est faux, car ces partie décimales s'additionnent à mesure que
s'écoulent les années, et le décalage finit par être important. L'exemple des années bissextiles en est
une bonne illustration : ce quart de jour (approximativement) cumulé sur un siècle finit par faire 25
jours. Au bout de trois siècles – ceci est une courte période dans la perspective d'un calendrier
perpétuel – le décalage est de l'ordre de la durée d'une saison.
Il est donc impératif de prendre en compte la partie décimale de la durée des cycles – solaire et
lunaire – dans la conception d'un calendrier perpétuel.
Le calendrier grégorien fonctionne de la manière suivante : une année sur quatre est bissextile. Mais
les siècles ne sont pas bissextiles, sauf les multiples de 400 qui sont bissextiles. Avec ce système –
pas aussi trivial qu'on le croit – le décalage du calendrier grégorien par rapport au cycle
astronomique est d'environ 0,3 jour tous les dix-mille ans.
Pour compliquer les choses – et pour ne pas laisser dans l'ombre des informations importantes – il
faut ajouter que ni le cycle solaire ni le cycle lunaire n'ont une durée invariable. Même d'un point de
vue astronomique, la Lune ne met pas toujours la même durée pour tourner autour de la Terre, ni la
Terre pour tourner autour du Soleil. Ces durées varient d'un cycle à l'autre, en fonction des positions
des autres astres, qui interagissent avec le Soleil, la Terre et la Lune. Deux années astronomiques
n'ont donc pas nécessairement la même durée, ni deux mois. C'est la durée moyenne de l'année
solaire – année dite tropique – qui est une grandeur astronomique établie qui a un sens. Il en est de
même du mois lunaire, dont la durée moyenne est de 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes.
Ce qui importe donc est que la durée moyenne des cycles calendaires corresponde à la durée
moyenne des cycles astronomiques.
Les cycles lunaires étant plus nombreux et plus courts que les cycles solaires, ils sont plus sensibles
aux erreurs. En effet, les cycles étant plus nombreux, les erreurs se cumulent plus vite. De plus,
étant plus courts, ils mettent en exergue chaque décalage. Pour donner des ordres de grandeur : si le
calendrier hébraïque avait fait une erreur d'une minute sur la durée moyenne du cycle mensuel,
l'erreur cumulée qui aurait été perçue aujourd'hui serait d'un peu plus de quinze jours, soit plus de la
moitié du mois. Nous aurions dans ce cas assisté à la pleine lune au moment où notre calendrier
aurait annoncé la nouvelle lune.
La durée moyenne du cycle mensuel hébraïque est de 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes.
Fonctionnement du calendrier hébraïque perpétuel
Le calendrier hébraïque fonctionne sur le principe d'une année solaire et d'un mois lunaire. Pour
rendre ces deux cycles compatibles, certaines années ont 13 mois. En effet, un cycle de 12 mois a
un retard de 11 jours sur l'année solaire, et il est donc nécessaire d'ajouter un mois à chaque fois que
le retard cumulé atteint près d'un mois, soit environ une année sur trois.
Les années de treize mois, appelées années embolismiques, se produisent six fois tous les dix-neuf
ans. Dans un cycle de dix-neuf ans, elles ont lieu les années 3, 6, 8, 11, 14, 17, 19 du cycle. Pour
savoir si une année est embolismique, il suffit de déterminer le reste de la division de son millésime
par dix-neuf et de voir s'il fait partie de la liste ci-dessus. (Remarque : ici le judaïsme a une
approche osée, il considère pour de bon que le monde n'a que 5774 ans environ, et établit tous ses
calculs sur cette base. Et ça marche !).
Le calcul du mois lunaire s'appuie sur la notion de Molad (naissance) qui détermine l'instant exact
de la nouvelle lune (au tiers de seconde près !). Il est donc nécessaire de connaître exactement
l'instant précis d'une nouvelle lune (d'un Molad) pour pouvoir calculer les suivants. À noter: le
premier Molad, le Molad Tohou, celui qui a donné lieu à la création de la Lune ne s'est pas produit à
minuit (aucune raison pour qu'il en fût ainsi …). Actuellement, on se base en général sur le Molad
de l'année 5732, parce que cette année, qui est de notre époque, n'a donnée lieu à aucune déhiya,
aucun ajustement calendaire.
La durée d'un mois lunaire est de 29 jours 12 heures et 793 halakim – parties – , un hélek étant une
durée de 3 sec. ⅓ . Ceci permet de calculer le Molad suivant, et, de façon plus générale n'importe
quel autre Molad, et, notamment, le nombre de mois qui séparent deux dates quelconques.
Le Molad Rosh Hashana 5732 s'est produit le lundi 20 septembre 1971 à 7 heures et 743 halakim.
Dans ce qui suit, plutôt que de décrire formellement le principe, nous allons décrire la méthode de
calcul.
1. Commencer avec une année connue et son Molad Rosh Hashana
2. Déterminer le nombre de mois entre ce Molad et le Molad Tishri de l'année que l'on veut calculer
3. Multiplier le nombre de mois par la durée d'un Molad : 29 jours 12 heures et 793 halakim.
4. Ajouter le résultat au Molad de départ
5. Appliquer les déhiyot (ajustements) pour déterminer la date de Rosh Hashana de l'année
considérée. C'est l'étape la plus compliquée.
Voici les différentes déhiyot, qui sont de quatre types :
a. Molad Zaken :
Un Molad Zaken est un « vieux » Molad. Si le Molad se produit après midi (heure solaire), la date
est arrondie au jour suivant. (Note : ceci est logique, car la journée hébraïque commence au coucher
du soleil, et lorsqu'il est midi, on est beaucoup plus près de la fin de la journée que de son
commencement).
b. Lo Adou Rosh :
Rosh Hashana ne doit jamais avoir lieu ni un dimanche, ni un mercredi ni un vendredi, car sinon
Kippour aurait lieu vendredi ou dimanche – ce qui est impossible à cause du shabbat – ou Hoshaana
Rabba aurait lieu un samedi. Si la date calculée du Molad a lieu dimanche, mercredi ou vendredi,
alors Rosh Hashana est repoussé d'un jour.
Remarque : il peut se produire que les deux règles ci-dessus soient appliquées. Si le Molad Tishri a
lieu un mardi à 15 heures, la règle du Molad Zaken repousse la date de Rosha Hashana au mercredi,
et la règle de Lo Adou Rosh la repousse au jeudi.
c. Déhiya Gatarad :
Cette Déhiya (cet ajustement) a lieu lorsque le Molad Tishri d'une année simple (12 mois) a lieu un
mardi à 9 heures et 204 halakim ou plus tard : dans ce cas, Rosh Hashana est repoussé au
lendemain, mercredi, puis, du fait de la règle de Lo Adou Rosh, au jeudi.
Le nom de cette Déhiya est un moyen mnémotechnique : ‫גטרד‬, (Gatarad) sont les lettres qui
correspondent au mardi, 204.
Le but de cette déhiya est d'empêcher une année de douze mois d'avoir une durée illicite de 356
jours (une année simple dure 353, 354 ou 355 jours).
d. Déhiya Bétoutkafot :
La Déhiya Bétoutkafot a lieu lorsque le Molad Tishri d'une année embolismique se produit un lundi
après 15 heures et 589 halakim. Dans ce cas, Rosh Hashana est reporté au lendemain.
Cette règle s'applique si le Molad se produit un lundi, et non s'il est l'objet d'une déhiya au lundi.
Comme pour Gatarad, la règle de Bétoutkafot a pour but d'empêcher une année embolismique
d'avoir une durée de 382 jours (une année embolismique dure 383, 384 ou 385 jours).
Comme pour Gatarad, Betoutkafot ‫ בטותקפוט‬est un moyen mnémotechnique de mémorisation des
règles de cette Déhiya.
À noter : tous ces ajustements n'impactent pas le Molad. L'heure calaculée du Molad est une heure
exacte, au tiers de seconde près, de l'instant où se produit la nouvelle lune. Seules les dates
calendaires sont ajustées.
Enfin, lorsqu'on a déterminé la date de Rosh Hashana, on peut commencer le calcul du calendrier de
l'année correspondante.
Pour cela :
- On détermine le nombre de mois de l'année considérée (en appliquant la règle du cycle de 19 ans
pour les années embolismiques).
- On calcule, selon la même méthode, la date de Rosha Hashana de l'année suivante.
- On détermine alors le nombre de jours qui séparent ce deux dates de nouvel an, et qui, du fait des
déhiyot, sont de 353, 354 ou 355 jours pour les années simples, et 383, 384 ou 385 jours pour les
années embolismiques.
- Sachant que le mois de Adar 2 fait toujours 30 jours, cela détermine la durée de Heshvan et Kislev.
Sur une année normale de 354 ou 384 jours (‫ )כסידרה‬Heshvan dure 29 jours et Kislev 30 ; sur une
année défective de 353 ou 383 jours (‫ )חסרה‬Heshvan et Kislev durent 29 jours, et sur une année
abondante (‫ )שלמה‬de 355 ou 385 jours, Heshvan et Kislev durent 30 jours.
Avec ces règles, le calendrier juif est synchrone avec le cycle du Soleil et des saisons, et avec la
durée du cycle lunaire.
Vous n'êtes pas obligé de me croire sur parole : prenez le calendrier hébraïque, regardez à quelle
date est annoncé le nouveau mois – ou mieux, regardez à quelle date et à quelle heure est annoncé le
nouveau Molad – puis regardez le ciel : vous y verrez la nouvelle lune.
Et n'oubliez pas : si le calendrier hébraïque s'était trompé d'une minute par mois, vous ne verriez pas
la nouvelle lune, mais la pleine lune !