Choix d`un protocole exp

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Choix d`un protocole exp
Chapitre II.
Choix d’un protocole expérimental
II.1. Introduction
Notre objectif est de tester l’équivalence perceptive entre milieu réel et virtuel.
Autrement dit, nous allons nous intéresser à la comparaison de sensations visuelles
évoquées par différentes ambiances lumineuses en milieu réel et virtuel. La mesure des
sensations est l’objet de la psychophysique. Depuis plus d’un siècle et demi, cette
discipline a développé un vaste corpus théorique et méthodologique dans l’objectif de
déterminer « les relations quantitatives entre des stimuli
et des réponses évoquées
selon une règle expérimentale. » (Bonnet, 1986). L’usage des méthodes proposées par la
psychophysique ne peut se faire sans une réflexion préalables sur les postulats qui
l’étayent. C’est le sens de ce chapitre consacré à la présentation de « la loi du jugement
comparatif » (Thurstone, 1927) qui est le cadre théorique dans lequel nous avons choisi
de mener notre recherche. Nous introduirons notre exposé par des éléments de « mesure
des seuils » (Cf.§II.3), celle-ci fondant la psychophysique Fechnerienne (Cf.§II.4), qui
est elle-même à la base de la « loi du jugement comparatif » (Cf.§II.5).
II.2. Les origines de la psychophysique
Il est généralement admis que la psychologie a été fondée en tant que discipline
scientifique
indépendante
entièrement
dédié
à
en
1879,
l’étude
lorsque
Wundt
expérimentale
des
créa
le
premier
processus
laboratoire
psychologiques.
Antérieurement à cette date, le champ psychologique était principalement traité par les
philosophes. C’est avec les empiristes anglais (Locke, hume, Mill) que la sensation
devient
l’élément
central
de
l’expérience
humaine
sur
laquelle
se
base
toute
connaissance.
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
67
Cependant, la sensation reste longtemps objet de l’unique raisonnement philosophique,
Descartes ayant partitionné l’homme entre esprit et matière, les phénomènes de l’esprit
sont considérés comme inaccessibles à la science et à la mesure. Durant le XVIIIéme
siècle, un certain nombre d’esprits curieux vont pourtant s’interroger sur le lien entre un
stimulus et sa valeur subjective. En 1728, un mathématicien, Gabriel Cramer, énonce
une loi économique selon laquelle la valeur subjective de chaque dollar additionnel croît
comme la racine carrée du nombre de dollars. Autrement dit, la valeur subjective d’un
dollar est plus faible pour une personne riche que pour une personne pauvre. Cette étude
sera reprise par Bernouilli (1738) qui proposera une relation logarithmique entre la
valeur subjective de l’argent et sa quantité. C’est ainsi que s’est posé dès l’origine la
question du type de relation existant entre le stimulus physique et la sensation : la
sensation est-elle liée au stimulus par une loi puissance ou par une loi logarithmique ?
Même si cette question n’est pas au centre de notre problématique, il est cependant
nécessaire de la mentionner dans la mesure où elle constitue la toile de fond de toute
l’histoire de la psychophysique.
II.3. La psychophysique classique
II.3.1. Introduction
Dans la première moitié du XIXème siécle, deux scientifiques allemands, E.H.Weber et
G.T. Fechner développent un corpus méthodologique ayant pour objectif la mesure des
limites de sensibilité des organes sensoriels. Avec ces deux auteurs, émerge une notion
fondamentale en psychophysique, celle de seuil. Deux types de seuils sont à distinguer.
D’une part le seuil absolu défini comme « la plus petite quantité d’énergie du stimulus
nécessaire à produire une sensation » (Geischeider, 1976). D’autre part, le seuil relatif
qui correspond à la variation de quantité d’énergie du stimulus requise pour produire une
différence juste détectable de sensation (Just Noticeable Différence (JND) dans la
littérature anglo-saxonne). Afin de bien comprendre la nature de ces seuils, nous
présentons deux méthodes courantes pour les obtenir.
II.3.2. Le seuil absolu de sensation : détermination par le paradigme
« oui/non »
L’estimation du seuil absolu nécessite la présentation de plusieurs niveaux du stimulus
(Si). La réponse du sujet est dichotomique : « oui, j’ai détecté le stimulus » ou « non, je
n’ai pas détecté le stimulus ». La donnée récoltée sera la probabilité de détection du
stimulus pour chacun de ses niveaux. Si les organes sensoriels étaient des instruments
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
68
de détection parfaits, cette probabilité passerait brutalement de 0 à 1 pour un niveau
donné.
Cependant, la réponse de détection est soumise à deux types de facteurs principaux .
D’une part , des fluctuations neurophysiologiques tenant à l’état d’excitation des
récepteurs sensoriels (facteurs sensoriels). Cet état d’excitation est dans une certaine
mesure indépendant de l’intensité de la stimulation. Par exemple, l’ordre dans lequel sont
présentés les stimuli peut entraîner une désensibilisation des récepteurs. L’autre type de
fluctuation est due à l’attitude générale du sujet face au stimulus, par exemple son
niveau d’éveil ou son expérience passée (facteurs décisionnels). Une fois que la
probabilité de détection (variable dépendante) est obtenue pour chaque niveau du
stimulus (variables indépendantes), il faut déterminer la fonction psychométrique qui
relie ces deux variables. Pour estimer les paramétres de cette fonction, il est nécesaire
de faire des hypothèses sur sa forme mathématique. Le plus souvent, on fait l’hypothèse
d’une distribution normale cumulée des probabilités de détection. Cette hypothése
permet de transformer les probabilités(Pi) en unités d’écarts réduits (Zi) et ainsi de
linéariser la fonction psychométrique.
Bonnet (1986) nous donne l’exemple suivant d’une expérience de détection fictive. Le
stimulus est un point lumineux de taille et de couleur fixes, présenté au centre d’un
écran d’oscilloscope pendant 100 ms. 7 intensités lumineuses (unités arbitraires) du
point ont été choisies (s1, s2, s3,…). Chacune de ces intensités est présentée 200 fois au
sujet (1400 essais), qui a chaque essai doit indiquer s’il a détecté le point. La table 1
présente la probabilité de détection « Pi(1) » pour chaque intensité du stimulus, et la
valeur de cette probabilité en unités d’écarts-réduits « Zi(1) ».
Table II.1 – Données fictives pour la mesure d’un seuil absolu
s1 = 10
s2 = 15
s3 = 20
s4 = 25
s5 = 30
s6 = 35
s7 = 40
Pi(1)
0.04
0.125
0.245
0.52
0.775
0.89
0.965
Zi(1)
-1.75
-1.15
-0.69
0.05
0.79
1.23
1.81
Si
L’ajustement des données en unités d’écarts-réduits « Zi(1) » par la méthode des
moindres carrés, permet d’obtenir les paramètres « a » et « b » de la fonction
psychométrique. Le seuil absolu est donné par la moyenne de la fonction ajustée
« M(Si) » avec M(Si) = -b/a. Dans notre exemple, le seuil absolu est de 24.69, ce qui
signifie qu’en dessous de cette intensité, le stimulus n’est pas détecté.
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
69
Figure II.1a – pourcentage de détection « Pi(1) » Figure II.1b – Ajustement de la droite des
en fonction du niveau du stimulus.
moindres carrés d’équation Zi = aSi – b aux
données de la table II.1.
2
1
Zi = 0,12 Si - 2,98
1
0,6
Zi(1)
Pi(1)
0,8
0,4
0
-1
0,2
M(Si)=24,69
-2
0
10
15
20
25
Si
30
35
10
40
15
20
25
30
35
40
Si
II.3.3. Le seuil relatif de sensation : détermination par le paradigme de « choix
forcé »
Dans le paradigme de choix forcé à une alternative, le sujet est contraint d’indiquer à
chaque essai si le stimulus variable (Vk) qui lui est présenté est supérieur ou inférieur à
un stimulus étalon (S) présenté précédemment. Il est ainsi possible d’obtenir pour
différents niveaux du stimulus variable la probabilité p(Vk>S). C’est à partir de cette
probabilité que sera estimée la fonction psychométrique pour la discrimination, de
laquelle sera dérivée la valeur du seuil relatif (SR) au niveau de l’étalon.
Bonnet (1986) nous donne l’exemple d’une expérience de discrimination fictive. Prenons
une situation expérimentale comparable à la précédente. On a 7 intensités lumineuses
(Vk1, Vk2, Vk3,…) en unités arbitraires, centrées sur le stimulus étalon (S). A chaque
essai on présente S pendant 100 ms, puis Vk. Le sujet doit indiquer si (Vk>S) ou si
(Vk<S). Les données sont présentées table II.2.
Table II.2 – Données fictives pour la mesure d’un seuil relatif
Vk
Vk1 = 190 Vk2 = 210 Vk3 = 230 Vk4 = 250 Vk5 = 270 Vk6 = 290 Vk7 = 310
P(Vk>S)
0.04
0.125
0.245
0.52
0.775
0.89
0.965
Z(Vk>S)
-1.75
-1.15
-0.69
0.05
0.79
1.23
1.81
La probabilité pour que le stimulus variable soit supérieur au stimulus étalon « P(Vk>S) »
est transformée en unités d’écarts-réduits « Z(Vk>S) ». Le graphique 2 montre la droite
des moindres carrés ajustés à la distribution
Z(Vk>S). A partir de cette droite, il est
possible de calculer les 3 paramétres d’intérêt dans une étude de seuil relatif : le point
d’égalisation subjective (PES), l’erreur constante (EC) et le seuil relatif (SR).
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
70
@ le PES correspond à la valeur du stimulus pour laquelle la probabilité de juger VK
supérieur à S est égale à 50%. Autrement dit, pour cette valeur du stimulus, les
sujets répondent totalement au hasard, ce qui indique que VK et S sont jugés
d’intensités égales. Dans notre exemple, le PES correspond à une intensité de
248.8.
@L’ EC correspond à la différence entre le PES et le stimulus étalon. Dans notre
exemple, EC = 248.8 – 250 = -1.2. L’EC réfléte les effets de certains facteurs non
contrôlés qui influencent de manière systèmatique les jugements du sujet.
Ces
facteurs expliquent que le PES ne correspond que rarement à la valeur réelle de
l’étalon. Geischeider (1976) signale par exemple une tendance naturelle a sousestimer le stimulus présenté en premier. Cette tendance conduit à un PES négatif
lorsque le stimulus étalon est toujours présenté en premier. Ceci explique notre
résultat.
@Le PES correspond à la probabilité P(Vk>S)=0.5, c’est à dire à une abscence
totale de discrimination. En revanche, la probabilité P(Vk>S)=1 correspond à une
discrimination parfaite. Le SR est défini traditionnellement comme la valeur du
stimulus
pour
laquelle
P(Vk>S)=0.75.
Pratiquement,
il
faut
reprendre
les
paramétres « a » et « b » de la droite d’ajustement pour calculer la valeur V0.75 =
(0.67-b)/a, et y soustraire le PES. Soit, SR = V0.75 – PES = 22.2. Cette valeur
signifie que la plus petite différence juste détectable entre un point d’une intensité
250 et un autre point est + 22.2. Autrement dit, le sujet ne verra aucune différence
entre un point d’une intensité 250 et tout point ayant une intensité inférieure à
272.2.
Figure II.2– Ajustement de la droite des moindres carrés d’équation
données de la table II.2.
Z(Vk>S) = aVk – b aux
2
Z(Vk>S) = 0,03 Vk - 7,5
z(Vk>S)
1
0
SR = 22,2
-1
V0,75 = 271
PES = 248,8
-2
190
210
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
230
250
Vk
270
290
310
71
II.3.4. La question de la nature des seuils
Nous venons de voir que la mesure des seuils est soumise aux fluctuations des systèmes
sensoriels et cognitifs qui contrôlent la réponse des sujets. Le simple fait que le seuil soit
fluctuant entraîne un questionnement sur son existence. Même si ce questionnement
n’est aujourd’hui pas tranché, 150 ans de recherche expérimentale ont permis de
montrer une stabilité remarquable des seuils obtenus, et ceci quelle que soit la modalité
sensorielle étudiée. La psychophysique postule donc « l’existence d’un seuil comme une
limite définie statistiquement en terme de probabilité » (Bonnet, 1986).
Deux positions théoriques expliquent la nature fluctuante des seuils :
- La position de Fullerton et Catell (1892)
Selon ces auteurs, le stimulus entraîne toujours le même niveau d’excitation. Le
sujet possède une règle interne, selon laquelle au-delà d’un certain niveau critique
d’excitation, le seuil est atteint. Si le seuil mesuré est fluctuant, c’est parce que le
niveau critique d’excitation contient une part aléatoire.
- La position de Thurstone (1927)
Pour Thurstone, le niveau critique d’excitation ne contient aucune part aléatoire :
il est stable. Les fluctuations du seuil mesuré sont dues au fait que le même
stimulus n’entraîne pas systématiquement le même niveau d’excitation.
Nous verrons dans la suite de cet exposé comment ce changement de point de vue a
permis à Thurstone de formuler la « loi du jugement comparatif ». La figure II.3 tente de
schématiser les deux positions que nous venons d’évoquer.
Figure II.3 – Schéma des deux positions théorique sur la fluctuation des seuils mesurés
Les relations stables sont représentées par des lignes pleines et les relations instables par des lignes pointillées.
Stimulus
Excitation
Seuil
Selon Fullerton et Catell (1892), la relation
entre stimulus et excitation est stable. En
revanche, le seuil étant instable, le même
niveau d’excitation ne permet pas toujours
d’atteindre le seuil.
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
Stimulus
Excitation
Seuil
Selon Thurstone (1927), le seuil est relié de
manière stable à l’excitation. En revanche,
un même stimulus n’entraînera pas toujours
le même niveau d’excitation.
72
II.4. Les échelles psychophysiques de Fechner
L’histoire des sciences a retenu le 22 octobre 1850 comme date de fondation de la
psychophysique. Il semble que le physicien Gustav Theodor Fechner, alors qu’il était
encore au lit le matin de ce jour, eut la révélation d’une méthode permettant de relier le
monde interne des sensations au monde externe des stimuli. Jusqu’à ce jour, l’activité de
mesure des sensations se limitait au calcul de seuils relatifs pour des intensités discrètes
prises sur le continuum physique du stimulus.
II.4.1. Le problème de la mesure des sensations
Imaginons une expérience fictive dans laquelle on cherche à connaître le seuil relatif (SR)
de
salinité (goût salé) pour 9 concentrations de sel dans l’eau (Si). A la suite de 9
expériences du type « choix forcé » (voir plus haut), on obtient le seuil relatif propre à
chaque concentration étudiée (table II.3). La concentration Si=10 (unité arbitraire) a été
déterminée comme le seuil absolu de détection du goût salé. Au niveau du seuil absolu,
le seuil relatif est égal à 2. La figure II.4a présente la valeur des seuils relatifs en
fonction de la concentration saline du stimulus.
Les informations fournies par ce type d’étude sont très utiles. Elles permettent de
connaître l’intensité (ou la concentration) minimale détectée par le système sensoriel (ici
gustatif) et l’évolution de sa sensibilité le long du continuum physique du stimulus. Dans
notre exemple, on constate que le seuil relatif augmente de manière directement
proportionnelle à la concentration saline. Autrement dit le rapport SR/Si est constant.
Cette relation est connue sous le nom de « rapport de Weber » (1834). Elle a été
constatée sur de nombreux stimuli appartenant à toutes les modalités sensorielles. Dans
notre exemple fictif, nous avons utilisé un rapport de Weber de 0.2 conforme à ce que
rapportent Boring et al. (1948) concernant la sensation gustative de salinité. En fait,
Guilford (1954) a montré que le rapport de Weber ne se vérifie que pour les intensités
moyennes du stimulus et qu’il est souvent plus important pour les valeurs extrêmes.
Table II.3 – Résultats pour une série d’expériences fictives destinées à obtenir des seuil relatifs de salinité
(SR) à 9 niveaux de concentration du stimulus (Si).
Si
SR
10
2
20
4
30
6
40
8
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
50
10
60
12
70
14
80
16
90
18
73
Figure II.4a – Résultat d’une expérience fictive
dans laquelle le seuil relatif est déterminé pour 9
niveaux du stimulus.
Figure II.4b – Echelle psychophysique produite
par sommation des JND au-dessus du seuil absolu.
10
Nombre d'unités de sensation
Seuil relatif (unités du stimulus)
20
15
10
5
0
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90 100
0
20
concentration saline
40
60
80
100
120
concentration saline
Bien que très utiles, ces résultats ne nous donnent d’indications que sur le point zéro de
la sensation (seuil absolu) et sur les capacités de discrimination du système. Rien n’est
dit sur le lien entre la sensation de salinité et concentration saline. Avec les données dont
nous disposons, on peut dire que la discrimination est plus fine lorsque la concentration
en sel servant d’étalon est faible que lorsqu’elle est forte. En revanche on ne sait pas si la
sensation de salinité est 5 fois plus importante avec une concentration de 50 qu’avec une
concentration de 10. Pour avoir se type d’information il serait nécessaire de posséder une
unité de mesure de la salinité. C’est à ce niveau que l’intuition de Fechner va apporter
une vraie nouveauté.
II.4.2. La solution de Fechner
Fechner (1860) cherche le moyen de créer des unités de sensation afin de pouvoir les
compter. A condition que ces unités soient de taille égale, il serait alors possible de
mesurer la sensation. Selon Fechner (1860), si l’on accepte la loi de Weber selon laquelle
le seuil relatif augmente proportionnellement à l’intensité du stimulus, et si l’on postule
que chaque seuil relatif représente une même augmentation de la sensation, alors il est
possible d’utiliser les seuils relatifs comme unité de sensation. Une illustration de la
solution proposée par Fechner est donnée table II.4.
Table II.4 – Déterminations des unités de sensation de salinité par la méthode de Fechner
Unités de sensation
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Concentration en sel
10
12
16
22
30
40
52
66
82
100
(Cs)
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
74
L’intensité du stimulus (concentration) correspondant à chaque unité de sensation est
calculée à partir de la table II.3: le niveau de sensation zéro est égal au seuil absolu
(10). A partir de cette valeur de seuil absolu, chaque SR supplémentaire sera ajouté pour
constituer une unité de sensation supplémentaire selon le modèle suivant :
Unité de sensation 0 Ö
Unité de sensation 1 Ö
Unité de sensation 2 Ö
Unité de sensation 3 Ö
…
Unité de sensation 9 Ö
Unité de sensation n
Cs0
Cs1
Cs2
Cs3
=
=
=
=
10
Cs0 + SR0 = 10 + 2 = 12
Cs1 + SR1 = 12 + 4 = 16
Cs2 + SR2 = 16 + 6 = 22
Cs9 = Cs8 + SR8 = 82 + 18 = 100
Ö Csn = Cs(n-1) + SR(n-1)
La figure II.4b montre l’échelle psychophysique qui relie l’intensité du stimulus
(concentration saline) à la sensation de salinité. Comme Fechner a fait le postulat que
chaque SR représente une augmentation de la sensation d’intensité égale, on peut dire
par exemple qu’une concentration saline de 52 (6éme unité de sensation) produit une
sensation de salinité 2 fois plus importante qu’une concentration de 22 (3éme unité de
sensation).
II.5. Les échelles de Thurstone et la « loi du jugement
comparatif »
II.5.1. Introduction
On vient de voir que la méthode de construction d’échelle de sensation proposée par
Fechner suppose l’utilisation de stimuli simples pouvant être décrits par un attribut
physique unique et quantifiable (concentration saline, luminance, poids, taille,…). Dans la
première moitié du 20ème siècle, L.L.Thurstone cherche des moyens de mesure
d’attributs sociaux ou psychologiques. Il souhaite par exemple pouvoir mesurer les
jugements des personnes sur « la gravité des crimes » ou « la préférence pour les
nationalités » (Thurstone, 1959). D’autres auteurs vont s’intéresser à la mesure de
l’agrément vis à vis de différentes odeurs (Engen & Mc Burney, 1964), ou tenter
d’évaluer l’acceptation d’idées politiques (Ekman et Künnapas, 1963). On voit que les
stimuli impliqués dans ce type d’étude (crimes, nationalités, odeurs, idées politiques) ne
sont pas caractérisables par des grandeurs physiques. De la même manière, l’objectif de
notre étude est de comparer l’évaluation de différentes ambiances lumineuses sur des
attributs perceptifs, lorsque ces évaluations sont faites en milieu réel et virtuel. Nos
stimuli seront donc très complexes, dans la mesure où une ambiance lumineuse ne peut
se résumer à un critère physique simple comme sa luminance moyenne, ou l’éclairement
sur le plan de travail. La méthodologie de Fechner n’est donc pas adaptée à notre
problématique. En revanche, la « loi du jugement comparatif » développée par Thurstone
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
75
(1927) et appliqué au protocole de « comparaison par paire » y est parfaitement
adaptée.
II.5.2. Le modèle du « jugement comparatif » de Thurstone
La réflexion de Thurstone a pour point de départ son interrogation sur la fluctuation des
seuils. On a vu précédemment que le seuil pouvait être défini comme « une limite définie
statistiquement en terme de probabilité » (Bonnet, 1986). Le seuil de discrimination
étant défini par une probabilité, il se peut que deux niveaux (Sj et Sk) du stimulus soient
confondus. Thurstone postule que cette confusion est due au fait que Sj et Sk n’ont pas
des effets sj et sk similaires sur l’organisme à chaque présentation (fig.II.3).
Avant d’aller plus loin dans l’exposé du modèle de Thurstone, il est nécessaire de définir
le concept de « continuum psychologique » qui est au centre de la théorie des échelles
psychophysiques. En psychophysique classique, on s’intéresse aux capacités de détection
et de discrimination des systèmes sensoriels, c’est à dire à un ensemble de propriétés
ponctuelles. Le fait de parler d’échelles de sensation, revient à supposer qu’il existe une
grandeur psychologique continue (la sensation) qui correspondrait, « au niveau de
l’expérience sensible du sujet, aux variations des niveaux de la stimulation » (Bonnet,
1986). Autrement dit, il existerait une relation bijective entre le continuum physique du
stimulus et le continuum psychologique de la sensation. Le postulat de l’existence d’un
continuum psychologique propre à chaque sensation est essentiel puisqu’il justifie à lui
seul le calcul d’échelles psychophysiques. Tout expérimentaliste recourant au calcul
d’échelles de sensation admet implicitement son existence, c’est à dire l’idée qu’un état
mental (la sensation) puisse être mesuré de manière analogue aux objets physiques.
C.Bonnet nous rappelle que ce présupposé a été l’objet de critiques violentes. Il rappelle
également que ces critiques ne tenaient pas compte du fait que la difficulté de mesure
n’est pas seulement liée aux grandeurs psychologiques. « L’apparente objectivité des
appareils de mesure [physique] n’est le plus souvent …. qu’apparente. La mesure des
intensités lumineuses, par exemple, pose de redoutables problèmes de calibrage des
appareils, de correction des mesures qui font nécessairement intervenir des modèles
théoriques, et qui imposent la répétition des mesures pour estimer la valeur la plus
probable. » (Bonnet, 1986). Nous ajoutons que les modèles théoriques pris en compte
dans le calibrage d’appareil de mesure de la lumière, font eux-mêmes référence à des
données
de
mesure
psychophysique.
Par
exemple,
le
modèle
théorique
du
luminancemètre, prend en compte les caractéristiques de sensibilité spectrale de l’œil
humain obtenue par des méthodes psychophysiques.
L’objectif de Thurstone est de concevoir des échelles sur lesquelles les différents niveaux
du
stimulus
seraient
localisés
en
fonction
de
leur
distance
sur
le
continuum
psychologique. Il pourrait, par exemple, définir une échelle de gravité (continuum
psychologique) sur laquelle il placerait différents crimes (stimuli) en fonction de
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
76
l’importance que les personnes accordent à ces crimes. Bien entendu, ceci suppose deux
postulats : d’une part l’existence d’une échelle subjective de gravité chez les sujets, et
d’autre part la possibilité de déterminer la position des crimes sur cette échelle, c’est à
dire de mesurer la sensation de gravité des crimes.
Le modèle de Thurstone implique un troisième postulat. Pour cet auteur, la position du
stimulus sur le continuum psychologique est médiatisée par ce qu’il nomme un
« processus discriminatif ». Thurstone le définit comme « le processus par lequel
l’organisme identifie, distingue et réagit aux stimuli ». Ce concept à été créé pour
souligner le fait que la sensation n’est pas uniquement due à des processus
physiologiques basés sur le fonctionnement des récepteurs sensoriels, mais aussi à un
ensemble complexe et largement indéterminé de phénomènes cognitifs de plus ou moins
haut niveau (mémoire, apprentissage, émotion, fatigue,…). Comme nous l’avons déjà
évoqué (fig.II.3), Thurstone considère que le lien entre le stimulus et l’excitation (ou
processus discriminatif) n’est pas stable, ce qui explique la confusion possible entre deux
niveaux du stimulus. L’idée est que chaque présentation du stimulus va entraîner
l’excitation d’un processus discriminatif différent (fig.II.5). Ainsi, suivant la valeur plus ou
moins élevée du processus discriminatif sur le continuum psychologique, le stimulus sera
perçu comme ayant une valeur psychologique plus ou moins élevée. En définitive, un
stimulus n’est jamais associé de manière univoque avec un seul processus discriminatif,
mais avec un ensemble de processus discriminatifs différents. Si un stimulus est présenté
un grand nombre de fois au sujet et que l’on suppose une distribution normale des
processus discriminatifs, alors on pourra considérer que la moyenne de la distribution
représente la valeur psychologique du stimulus (fig.II.5). L’écart-type de la distribution
est appelée « dispersion discriminative ». Elle est propre à chaque niveau du stimulus.
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
77
Figure II.5 – Illustration du modèle de jugement de Thurstone (1927)
La valeur physique des deux stimuli J et K est donnée par Sj et Sk.
Le stimulus J est associée à 5 processus discriminatifs (P1, P2, P3, P4, P5).
Le stimulus K est associé à 5 processus discriminatifs (P4, P5, P6, P7, P8).
Plus les stimuli sont proches sur le continuum physique et plus la probabilité pour qu’ils aient des processus
discriminatifs communs est grande. C’est cette probabilité que Thurstone utilisera pour déterminer la distance
psychologique entre deux stimuli.
La valeur psychologique de J et K est donnée par sj et sk, c’est à dire la moyenne (lignes pointillées) de leur
distribution discriminative sur le continuum psychologique étudié.
Continuum physique
Processus
discriminatifs
P1
Continuum psychologique
Sj
P2
P3
sj
Sk
P4
P5
P6
P7
P8
sk
sj
sk
Distribution des processus discriminatifs associés à 2 stimuli sur le
continuum psychologique
II.5.3. Le protocole de « comparaison par paire »
Son modèle de jugement établi, Thurstone a besoin d’un protocole expérimental pour
l’appliquer. Il va le trouver dans le « protocole de comparaison par paire ». Il s’agit de
comparer « par paire » chacun des n stimuli que l’on souhaite étudier. Chaque stimulus
est comparé avec tous les autres, ce qui représente n(n-1)/2 paires si l’on excepte les
essais de comparaison du stimulus avec lui-même. Pour chaque paire, le sujet devra
indiquer lequel des deux membres de la paire est « le plus » sur un critère particulier.
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
78
Par exemple, il faudra indiquer lequel est le plus lumineux, ou le plus agréable. Les
réponses d’égalité ou l’absence de choix ne sont pas acceptés.
Afin d’estimer de manière valide la probabilité qu’un stimulus soit jugé « plus… » que les
autres, un nombre d’essai important est nécessaire. Ce nombre important d’essais peut
être obtenu de trois manière : 1. en faisant juger un grand nombre de fois toutes les
paires par un seul sujet ; 2. en faisant juger chaque paire une seule fois par un grand
nombre de sujets ; 3. en faisant juger plusieurs fois toutes les paires par plusieurs
sujets. Le choix dépend de l’expérience à l’étude. Par exemple, si l’on s’attend à ce que
les stimuli présentent peu de variabilité inter-sujets, la solution 1 sera la meilleure. En
revanche si les stimuli sont très complexes et que l’on s’attend à ce que les sujets les
jugent de manière très différente, la généralisation des résultats à toute une population
nécessitera l’usage de la solution 2. Torgerson (1958) indique un certain nombre de
précautions à prendre dans la constitution et la présentation des paires :
-
Les paires présentant un élément communs doivent être présentées à
des essais aussi éloignés que possible.
-
Il faut qu’il y ait équiprobabilité de la position de chaque stimulus dans
la paire, c’est-à-dire qu’un stimulus donné ne doit pas être toujours
présenté en premier.
-
L’ordre
de
présentation
des
paires
doit
être
aléatoire
afin
de
contrebalancer tout effet lié à l’autre de présentation. Par exemple, si
on présente les stimuli les plus lumineux dans les premières paires et
les moins lumineux dans le suivants, le jugement peut en être affecté.
II.5.4. L’équation de la loi du « jugement comparatif »
Soit deux stimuli J et K. Sj et Sk sont leurs valeurs sur le continuum physique. sj et sk
sont leurs valeurs sur le continuum psychologique (dites « valeurs scalaires »). σj et σk
sont leurs dispersions discriminatives. Si les deux stimuli sont présentés ensemble au
sujet, ils exciteront chacun (pour un essai donné) un processus discriminatif différent : dj
et dk. La différence entre des processus discriminatifs à un essai (dk – dj) est appelée
« différence discriminative ». Si les deux stimuli sont présentés un grand nombre de fois
ensemble, ils exciteront à chaque essai des processus discriminatifs différents. En
conséquence, pour deux stimuli donnés, la valeur (dk – dj) changera à chaque essai. Les
différences discriminatives pour une paire sont distribuées normalement sur le continuum
psychologique. La moyenne de cette distribution est égale à la différence des deux
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
79
stimuli en valeur scalaire, parce que la différence entre les moyennes est égale à la
moyenne des différences.
L’écart type de cette distribution est donnée par la formule classique de l’écart type des
différences :
σ d −d =(σ 2j +σ k2−2 rjkσ jσ k )1/2
k
j
où rjk est la corrélation entre les processus discriminatifs associés à J et K.
Si le sujet juge K>J, le processus discriminatif associé à K est supérieur à celui associé à
J. En conséquence, (dk – dj)>0. Si, comme dans la figure 2, les deux distributions
discriminatives ont une zone de chevauchement (en gris), il est possible qu’à un essai
particulier, (dk – dj)<0 alors que sk est supérieure à sj. C’est pour cette raison que l’on
doit réaliser un grand nombre d’essais. Ce dispositif permet d’estimer la probabilité de
jugement K>J. La figure II.6 illustre la distribution des différences discriminatives sur le
continuum psychologique. La zone grisée représente la probabilité p(dk – dj)>0, c’est à
dire la probabilité pour que K soit jugé supérieur à J. La moyenne de la distribution
donne la différence entre les stimuli en valeur scalaire (sk-sj).
Figure II.6 – Distribution des différences discriminatives sur le continuum psychologique. La portion grisée à
droite du 0 donne la probabilité pour que K soit jugé supérieur à J. La quantité z(dj-dk) est la différence entre
la valeur de J et de K sur le continuum psychologique.
_
0
Z (dj>dk)
+
Continuum psychologique
On peut alors déterminer la valeur (sk-sj) transformant la probabilité p(dk – dj)>0 en
unités d’écarts réduits. En, effet, on aura par définition:
p(dk – dj)>0 = z(dk> dj) = (sk-sj)/σdk-dj
soit :
sk-sj = z(dk> dj) σdk-dj
ou sous forme développée :
sk − sj = z ( dk − dj ) [σ 2j + σ k2 − 2 r jk σ jσ
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
k
]
1/ 2
80
II.5.5. Les simplifications de la loi du jugement comparatif
Cette équation est la forme complète de la loi du jugement comparatif. Cependant cette
équation ne peut être résolue sous cette forme à cause du grand nombre d’inconnues
contenues dans le terme de corrélation rjk. Des hypothèses simplificatrices sont
nécessaires pour rendre la loi applicable. Thurstone en a proposé 5 nommées « cas 1 » à
« cas 5 ». Nous présenterons ici les conditions simplificatrices B et C de Torgerson
(1958) qui sont les plus généralement utilisées. La condition A n’est pas présentée car
elle ne présente qu’un intérêt purement théorique et ne peut conduire à la construction
d’une échelle de sensation.
II.5.5.1. Les simplifications de la « Condition B »
Deux simplifications sont posées : 1/ tous les termes de corrélation sont
égaux ; 2/ les différences entre dispersions discriminatives sont faibles.
En tenant compte de ces simplifications ont obtient une loi du jugement
comparatif égale à :
[
]
sj − sk = z ( dk > dj ) 1 (1− r )
2
1/ 2
(σ k +σ j )
La démonstration mathématique complète est donnée dans Torgerson
(1958). Dans la mesure où le terme
[12 (1 − r )]
1/ 2
est une constante multiplicative, et dans la mesure où les unités d’écart
réduit sont arbitraires, on peut encore simplifier l’équation en donnant la
valeur –1 au terme de corrélation rjk. On obtient alors la loi simplifiée :
sk − sj = z ( dk > dj )(σ j + σ k )
II.5.5.2. Les simplifications de la « Condition C »
Dans cette condition, on fait l’hypothèse que l’écart-type de la distribution
des différences discriminatives est constante pour toutes les paires de
stimuli. On obtient donc l’équation simplifiée suivante :
sk − sj = cz ( dk > dj )
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
81
La condition C est la plus fréquemment choisie. Cependant dans un certain nombre de
cas, la restriction liée à l’hypothèse de constance des dispersions discriminatives n’est
pas tenable. Ceci est vrai en particulier lorsque les stimuli sont complexes. Dans ce cas,
on doit faire l’hypothèse que les dispersions discriminatives sont au moins légèrement
différentes : la condition est alors recommandée. La procédure analytique des données
de comparaison par paire sous chacune des deux conditions est présentée dans les deux
paragraphes suivants.
II.5.6. Les procédures analytiques de la loi du jugement comparatif
II.5.6.1. Procédure analytique de la « Condition C »
A la fin d’une expérience de comparaison par paire, on obtient la probabilité que chaque
stimulus soit jugé « plus… » que tous les autres. Ces probabilités sont représentées dans
un tableau à double entrée appelé « matrice P ». La table II.5 présente la matrice P
d’une expérience fictive de comparaison par paire sur 5 stimuli. La tache était d’indiquer
lequel des deux stimuli de la paire est le plus grand. Chaque valeur indique la probabilité
pour que le stimulus K soit jugé plus grand que le stimulus J. Il n’existe pas de paire
dans lesquelles les stimuli sont comparés avec eux-mêmes. La probabilité de 0.5 portée
dans la diagonale du tableau est théorique. Avec 5 stimuli, le nombre de paires était de
5(5-1)/2=10. Pour remplir les 20 cases du tableau, on reporte la probabilité p(k>j) sous
la diagonale et on reporte le complément p(k<j)=1-p(k>j) dans les cases au-dessus de
la diagonale.
Table II.5 – Matrice P. Chaque case représente l’élément p’jk correspondant à la probabilité p(K>J)
Stimuli K
Stimuli J
1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
0,50
0,39
0,25
0,11
0,11
0,61
0,50
0,31
0,14
0,13
0,75
0,69
0,50
0,39
0,28
0,89
0,86
0,61
0,50
0,31
0,89
0,87
0,72
0,69
0,50
En adoptant les hypothèses de la condition C (Cf. équation non développée de la loi du
jugement comparatif sous la condition C), on peut estimer pour chaque case la valeur
z(dk>dj) correspondant à la différence (sk-sj) des valeurs de J et K sur continuum
psychologique mesurées en unités d’écarts-types de la distribution des différences
discriminatives (σdk-dj). Cette matrice des écarts-réduits est appelée « matrice X »
(tab.II.6). Chaque case contient la transformation des p’jk en unité d’écarts-réduits.
Cette valeur est appelée x’jk, elle est égale à z(dk>dj).
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
82
Table II.6 – Matrice X. Chaque case représente l’élément x’jk correspondant à la transformation de la
probabilité p(K>J) en unités d’écarts-réduits.
Stimuli K
1
2
3
4
5
0,00
-0,28
-0,68
-1,25
-1,25
0,28
0,00
-0,50
-1,07
-1,14
0,68
0,50
0,00
-0,28
-0,58
1,25
1,07
0,28
0,00
-0,50
1,25
1,14
0,58
0,50
0,00
j
-3.46
-2.43
0.33
2.1
3.46
n∑
j
-0.69
-0.49
0.07
0.42
0.69
1
2
3
4
5
Stimuli J
(1)
(2) 1
n
∑ x'
n
jk
x' jk =s'k
On sait par l’équation sous la condition C que (sk-sj) = Cx’jk. En spécifiant l’unité de
mesure des valeurs scalaires de telle manière que C = 1, on obtient l’équation
(sk-sj) = x’jk ou x’jk=sk-sj. Torgerson(1958) prouve mathématiquement que la valeur
s’k qui correspond à la position du stimulus K sur le continuum psychologique peut être
estimée par la moyenne des x’jk (Cf.équation 2, table II.6). Le lecteur intéressé peut se
reporter à cette référence pour le détail de la démonstration. Une fois les valeurs s’k
obtenues, il suffit de les replacer sur une échelle pour visualiser la position relative de
chaque stimulus (figure II.7).
Figure II.7 – échelle de Thurstone pour les jugements de grandeur relative de 5 objets en condition C.
Valeurs scalaires
jugements de grandeur
0,8
0,4
S1
S2
0
S3
-0,4
S4
-0,8
S5
S5 est le stimulus qui est jugé le plus grand. S1 est jugé le
moins grand. Les stimuli situés au-dessus de 0 sont ceux
qui ont été jugés les plus grands dans plus de 50% des
essais. Les stimuli situés sous 0 ont été jugés les plus
grands dans moins de 50% des essais. Il s’agit d’une
échelle d’intervalles, c’est à dire que l’on peut comparer la
distance des couples de rang successifs. Par exemple, on
peut dire que S1 et S2 sont séparés par la même distance
psychologique que S4 et S5. De la même manière S3 est
plus éloigné de S2 que de S4.
II.5.6.2. Procédure analytique de la « Condition B »
Cette procédure analytique a pour point de départ la matrice X. Nous reprendrons
l’exemple numérique utilisé pour la condition C. Les calculs sont considérablement plus
longs en condition B. En effet, si la condition C postulait la constance des dispersions
discriminatives, la condition B postule des variations de ces dispersions. Il est donc
nécessaire d’estimer les dispersions discriminatives (σ'k) des différentes ambiances à
partir des données. Ces valeurs sont obtenues en plusieurs étapes par le calcul de la
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
83
variance V’k. Ici encore nous ne détaillerons pas la démonstration mathématique de
Torgerson. Nous présentons simplement les étapes permettant d’obtenir la variance V’k.
Torgerson indique que la variance est égale à la moyenne des carrés des écarts à la
moyenne:
n
Vk = 1 ∑ (x' jk − Mx ' jk )
n j =1
2
Comme La moyenne (Mx’jk) est égale au s’k de la condition C, on peut directement
construire une nouvelle matrice dont chaque case est remplie par l’élément (x’jk –
Mx’jk)². Nous l’appellerons « matrice V »
Table II.7 – Matrice V. Chaque case représente l’élément (x’jk-Mx’jk)² correspondant au carré des écarts à la
moyenne.
Stimuli K
1
0,48
0,17
0,00
0,31
0,31
2
0,59
0,24
0,00
0,34
0,42
3
0,37
0,18
0,00
0,12
0,42
4
0,69
0,42
0,02
0,18
0,85
5
0,31
0,20
0,01
0,04
0,48
0,21
0,27
0,18
0,36
0,17
(4) 1/V'k
4,72
3,77
5,42
2,79
5,77
(5) σ k' = B −1
Vk'
1,09
0,68
1,42
0,24
1,57
(x’jk-Mx’jk)²
Stimuli J
n
(3)
1
2
3
4
5
Vk = 1 ∑(x' jk −Mx' jk )
n j=1
2
A partir des valeur V’k (équation 3, table II.7), il est possible de calculer une constante
de proportionnalité donnée par la formule :
B = n2n
1
∑
k =1 Vk
Les valeurs de dispersion discriminative (σ'k) sont obtenues par la formule :
σ k = B −1
V k'
Nous avons vu que l’équation simplifiée de la loi du jugement comparatif est
sk − sj = z ( dk > dj )(σ j + σ k )
ou si l’on utilise la notation en valeurs observées :
s’k – s’j = x’jk (σ'k+ σ'j)
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
84
en sommant les J et en mettant l’origine de l’échelle à la valeur scalaire moyenne,
Torgerson obtient :
n
n

s 'k =  σ k' ∑ x 'jk + ∑ σ 'j x 'jk
j =1
j =1

1
n



Les deux termes dans la parenthèse peuvent être obtenus en construisant une nouvelle
y 'jk = σ k' x 'jk
matrice (Matrice Y) dans laquelle chaque case représente l’élément
(table II.8).
Table II.8 – Matrice Y. Chaque case représente l’élément
y 'jk = σ k' x 'jk .
Stimuli K
y 'jk = σ k' x 'jk
1
2
3
4
5
∑y
k
1
2
3
4
5
Stimuli J
(6)
∑y
'jk
j
(7)


=σ k'  ∑ x'jk 
 j

nsk' =∑ y 'jk −∑ y 'jk
j
k
s k'
0,00
-0,30
-0,75
-1,37
-1,37
0,19
0,00
-0,34
-0,73
-0,78
0,97
0,71
0,00
-0,39
-0,82
0,30
0,25
0,07
0,00
-0,12
1,96
1,78
0,91
0,78
0,00
-3,79
-1,66
0,46
0,50
5,44
-7,20
-4,10
0,58
2,20
8,52
-1,44
-0,82
0,12
0,44
1,70
'jk
=−∑σ 'j x 'jk
j
3,41
2,44
-0,12
-1,71
-3,08
Comme pour la condition C, la dernière étape consiste à reporter les valeurs S’k sur une
échelle (fig II.8)
Figure II.8 – échelle de Thurstone pour les jugements de grandeur relative de 5 objets en condition B.
Valeurs scalaires
jugements de grandeur
2
1,5
1
0,5
0
-0,5
-1
-1,5
S1
S2
S3
S4
L’échelle obtenue sous la condition C est légèrement
différente de celle obtenue sous la condition C. Si l’ordre
des ambiances est conservé, la distance entre stimuli de
rangs successifs est modifiée. Par exemple, le stimulus S4
est plus proche du stimulus S3 pour la condition B.
S5
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
85
Le modèle (condition B et C) choisi peut-être testé en déterminant l’ajustement entre les
valeurs prédites et les valeurs obtenues. Nous utiliserons deux tests d’ajustement pour
traiter nos résultats : le test de « goodness-to-fit » de Torgerson (1958) et le test du Khi
deux de Mosteller (1951). Le principe et la méthode analytique de ces tests sera
présentée rapidement dans l’expérience I.
Chapitre I. Choix d’un dispositif de réalité virtuelle
86