Cour de cassation de Belgique Arrêt

Transcription

Cour de cassation de Belgique Arrêt
30 AVRIL 2007
C.05.0461.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.05.0461.F
1.
TEAM ESPACE ET URBANISME MARC STEVENS - WALTER
WINTERBEECK, société anonyme dont le siège social est établi à
Couture -Saint-Germain, rue du Chêne au Corbeau, 79,
2.
W. W.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation,
dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait
élection de domicile,
contre
1.
RHODE INVEST, société anonyme dont le siège social est établi à Uccle,
avenue de la Sapinière, 33A,
défenderesse en cassation,
30 AVRIL 2007
2.
C.05.0461.F/2
LES ENTREPRISES GENERALES RENE HERBIGNAT, société
privée à responsabilité limitée en liquidation, dont le siège social est établi
à Charleroi, rue Tumelaire, 93, bte 1, représentée par son liquidateur,
Maître Roger Lorent, avocat, dont le cabinet est établi à la même adresse,
défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration
d’arrêt commun.
I.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 29 avril 2005
par la cour d’appel de Liège, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de
l’arrêt de la Cour du 31 octobre 2003.
Par ordonnance du 29 mars 2007, le premier président a renvoyé la
cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Christine Matray a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II.
Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 1134, 1142, 1147 à 1153, 1202 à 1208 du Code civil ;
- principe général du droit, déduit notamment de l'article 50 du Code
pénal, selon lequel une faute commune ayant entraîné un dommage oblige
solidairement ses auteurs à le réparer.
30 AVRIL 2007
C.05.0461.F/3
Décisions et motifs critiqués
Après avoir considéré que « la faute de l'architecte (à savoir les
demandeurs) n'a pas entraîné la seule augmentation de ses honoraires, elle a
entraîné l'autre partie du dommage, à savoir l'augmentation fictive du marché
de 9,5 p.c. dont l'architecte avait parfaite connaissance » et que « les fautes
concurrentes, qui s'interpénètrent, ont donc toutes contribué à produire le
dommage de [la première défenderesse] », en sorte que « la condamnation de
la [seconde défenderesse et des demandeurs] sera donc prononcée in
solidum », l'arrêt attaqué condamne les demandeurs in solidum avec la
[seconde défenderesse] à payer à la première défenderesse les intérêts
moratoires au taux légal depuis le 13 février 1990 jusqu'au 3 décembre 1993
sur le « montant relatif à l'augmentation du coût de l'entreprise », soit
110.213,46 euros.
Cette décision est fondée sur les motifs suivants :
« La demande de condamnation aux intérêts moratoires au taux légal a
été formulée pour la première fois contre la [seconde défenderesse] dans des
conclusions déposées le 13 février 1990 au greffe du tribunal de première
instance de Nivelles. C'est donc à compter de ce moment que les intérêts
moratoires doivent prendre cours sur le montant relatif à l'augmentation du
coût de l'entreprise. La date du 25 mars 1989, date du dernier paiement
obtenu, proposée par [la première défenderesse], est sans incidence en droit
sur le point de départ de la débition des intérêts ;
(...)
Le cours des intérêts moratoires relatifs aux honoraires indûment perçus
commence le 22 novembre 1991, date à laquelle a été lancée la citation contre
[les demandeurs], dans laquelle [la première défenderesse] postule la restitution
de tout montant perçu en vertu de la convention d'architecture du 13 novembre
1987 ; cette citation vaut mise en demeure ».
30 AVRIL 2007
C.05.0461.F/4
Griefs
En matière de responsabilité contractuelle, les intérêts moratoires, qui
sont destinés à couvrir le retard de paiement d'une obligation de somme,
courent à partir du jour de la sommation de payer, excepté dans le cas où la
loi les fait courir de plein droit (article 1153 du Code civil).
Si, lorsque plusieurs personnes sont tenues solidairement, la demande
d'intérêts formée contre l'un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à
l'égard de tous (article 1207 du Code civil), par contre, lorsque des débiteurs
sont tenus in solidum ou in totum, en raison de fautes concurrentes commises
dans l'exécution d'obligations contractuelles distinctes, les intérêts sur chacune
des dettes en principal ne courent à l'égard de chacun des débiteurs tenus pour
le tout qu'à partir de la mise en demeure qui lui est adressée (articles 1134,
1142, 1146 à 1153 [spécialement ce dernier] du Code civil).
L'arrêt attaqué, faisant droit à la demande de la première défenderesse,
condamne les demandeurs in solidum avec la [seconde défenderesse] aux
intérêts moratoires au taux légal sur la somme de 110.213 euros représentant
« le montant relatif à l'augmentation du coût de l'entreprise » facturé par la
[seconde défenderesse] à partir du 13 février 1990, soit la date du dépôt par la
première défenderesse des conclusions contre la [seconde défenderesse]
postulant le paiement desdits intérêts. Or ces conclusions ont été déposées
dans une instance liée uniquement entre les défenderesses, les demandeurs
n'ayant été assignés par la première défenderesse que le 22 novembre 1991
dans une instance séparée et les causes n'ayant pas été jointes avant le
jugement du 14 novembre 1995.
Il s'ensuit que l'arrêt condamne les demandeurs, in solidum avec la
[seconde défenderesse], à payer des intérêts moratoires à partir de la date de
la mise en demeure adressée uniquement à cette dernière et donne, partant, à
la responsabilité in solidum, à laquelle les demandeurs sont tenus avec la
[seconde défenderesse] à l'égard de la première défenderesse, les effets de la
responsabilité solidaire (violation de toutes les dispositions légales visées au
moyen).
30 AVRIL 2007
III.
C.05.0461.F/5
La décision de la Cour
En vertu de l’article 1153, alinéa 3, du Code civil, les intérêts résultant
du retard dans l’exécution d’une obligation de somme sont dus à partir du jour
de la sommation, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit.
L’arrêt attaqué condamne in solidum chacun des demandeurs et la
seconde défenderesse à réparer l’entier dommage subi par la première
défenderesse ensuite de la majoration fictive du prix de l’entreprise et des
honoraires de l’architecte.
Pour fixer au 13 février 1990 le point de départ des intérêts de retard
dus par les demandeurs sur la somme de cent dix mille deux cent treize euros
quarante-six centimes représentant « l’augmentation du coût de l’entreprise »,
l’arrêt attaqué, qui constate que ceux-ci ont été cités le 22 novembre 1991,
considère que « la demande de condamnation aux intérêts moratoires au taux
légal a été formulée pour la première fois contre la [seconde défenderesse] dans
des conclusions déposées le 13 février 1990 au greffe du tribunal de première
instance de Nivelles ».
En étendant aux demandeurs les effets de la mise en demeure adressée
par la première à la seconde défenderesse, alors que ni l’article 1207 du Code
civil, qui ne s’applique qu’en cas de solidarité, ni aucune autre disposition
légale ne prévoient en matière d’obligation in solidum semblable dérogation à
l’article 1153, alinéa 3, du Code civil, l’arrêt attaqué viole cette dernière
disposition.
Le moyen est fondé.
30 AVRIL 2007
C.05.0461.F/6
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il fixe au 13 février 1990 le point de
départ des intérêts moratoires dus par les demandeurs sur la somme de cent dix
mille deux cent treize euros quarante-six centimes, qu’il statue à leur égard sur
la capitalisation de ces intérêts et qu’il statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt
partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du
fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Daniel Plas,
Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé en audience
publique du trente avril deux mille sept par le président de section Christian
Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du
greffier Jacqueline Pigeolet.