HAKIM AND PARTNERS

Transcription

HAKIM AND PARTNERS
Jacques el- Hakim
Professeur Agrégé à La Faculté de Droit
Avocat
Pont Victoria, Imm. Mardam
B.P. 5 788
Tel. 22 23 577 – Fax. 22 44 370
Etat et religion en Syrie
Index
Pages
I- Statistiques ………………………………………………………………
2
II- Lois fondamentales …………………….………………………………
3
III- Groupes religieux ……………………………………………………….
4
VI- Thèmes spécifiques …………………………………………………….
4
V- Tendances actuelles …………………………………………………….
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I- Statistiques :
Il n’y a aucune donnée précise. Sur une population globale de 20 Millions, on
pourrait avancer les chiffres suivants sous toutes réserves :
En milliers :
13.000
Sunnites
3.000
Alaouites
600.000
Druzes
400.000
Ismaéliens
1.000
Chi’ites
1.000
Grecs Orthodoxes
5.000
Grecs Catholiques
600
Syriaques Catholiques (Jacobites)
300
Arméniens Catholiques (Jacobites)
100
Protestants (Evangéliques)
100
Autres communautés
Le décret législatif nº 60 L.R. (Loi - Règlement) du 13 mars 1936, rendu par le HautCommissaire français à l’époque du Mandat Français (1920 – 1945) avait établi la liste des
communautés ayant un statut légal en Syrie. Il incluait les Alaouites et les Ismaéliens et
autorisait le changement de religion et les mariages mixtes. Mais il avait été modifié par le
décret 53 L.R. du 30 mars 1939 qui l’avait déclaré inapplicable aux communautés
islamiques. Les sunnites ont généralement représenté la croyance officielle de l’Etat. La
majorité suit l’Ecole hanafite de jurisprudence. Les autres sont chafi’ites, malékites ou
hanbalites. Les chafi’ites croient qu’à la mort du Prophète, le califat aurait dû être
transmis à Ali (son cousin et gendre) et ensuite aux imams qui lui ont succédé. Ils ne
reconnaissent pas la tradition (“ sunna ”) du Prophète, transmise par les écrits ou les
paroles relatant ses paroles ou ses actes et se fondent, après le Coran, sur l’interprétation
des juristes (“ulémas”) notamment par le raisonnement analogique (“qiyas”).
Alaouites, druzes et ismaéliens sont apparus au dixième siècle environ, notamment à
la suite du calife fatimide “Al-Hâkim”, incendiaire du Saint-Sépulcre.
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II- Lois fondamentales :
L’article 35 de la Constitution du 13 mars 1973 consacre la liberté de croyance et la
célébration de toutes les pratiques religieuses qui ne portent pas atteinte à l’ordre public.
Mais comme les lois propres aux communautés chrétiennes ont été consacrées lors des
conquêtes arabe (635) et ottomane (1453), ces lois ont dès lors une valeur constitutionnelle
et ne peuvent être abrogées ou modifiées sans l’accord des Autorités religieuses concernées.
Les zoroastriens(1) peuvent pratiquer leurs rites et voyager avec des laissez-passers délivrés
par les Autorités administratives.
L’article 3/2 considère que la Jurisprudence (“fiqh”) islamique est une source
principale de la législation.
Un code du Statut Personnel – CSP (décret législatif nº 95 du 17 septembre 1953
modifié par la loi nº 34 du 31 décembre 1975) a réuni les principales règles applicables à la
Communauté sunnite en matière de mariage, de filiation, de capacité et de succession et les
a généralement déclarées applicables à toutes les communautés, parallèlement à quelques
textes du Code Civil. Les derniers articles du CSP ont soumis les membres des
communautés druze et chrétiennes à certaines de ses dispositions – notamment en matière
d’héritage, de filiation, de pension alimentaire et d’autorité parentale, mais les dispositions
principales relatives au Statut Personnel sont restées régies par les lois relatives à chaque
communauté. Certains textes du Code Pénal (C.P.) punissent les infractions portant
atteinte à la religion(2). La loi sur l’Etat-Civil (décret législatif nº 26 du 12 avril 2007) a
également consacré quelques dispositions à la religion.
1- Qui reconnaissent l’existence d’un dieu du bien (Mazda, symbolisé par la lumière) et du mal (Ahriman,
symbolisé par le diable) et qui sont représentés, au nord de la Syrie, par des groupes en provenance de
l’Irak ou de l’Iran.
2- Ils s’appliquent à l’outrage public, aux cérémonies religieuses publiques (article 426 C.P.), au trouble
apporté à leur exercice par des voies de fait ou des menaces, à la destruction, à la dégradation ou à la
souillure des édifices consacrés au culte ou des emblèmes vénérés par un groupe de personnes (article 463
C.P.), à l’atteinte aux sépultures (articles 464 à 468 C.P.).
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III- Groupes religieux :
a- L’Islam respecte les “gens du livre” (chrétiens et juifs, notamment), leurs croyances et
leurs institutions(3). La Constitution (article 3/1) exige que le Président de la République
soit de confession musulmane. Les autres lois ne font aucune distinction en ce qui concerne
l’accès aux fonctions publiques mais en raison de la place qu’occupe la religion dans les
sentiments de la population, la majorité musulmane élit rarement à ces postes ou aux
organes des professions libérales lorsqu’elle y est appelée à le faire, les ressortissants
d’autres religions, ou elle le fait dans des proportions très limitées. C’est pourquoi les
Constitutions ou les lois promulguées à l’époque ottomane, sous le Mandat Français ou au
début
de l’indépendance, établissaient des quotas déterminés pour les mandats
parlementaires ou l’accès à certaines fonctions électives (tribunaux de commerce, conseils
municipaux etc…).
L’absence de quotas conduit souvent à l’absence ou à la rareté des minorités dans les
chambres de commerce ou d’industrie ou les Conseils des Ordres Professionnels (avocats,
médecins, ingénieurs, pharmaciens, etc…), l’Administration devant utiliser pour pallier
cette carence, la faculté qui lui est donnée de pourvoir à certains postes par nomination.
b- La loi sur les Associations (loi égyptienne nº 384 du 29 octobre 1956 appliquée en Syrie à
l’époque de l’Union avec l’Egypte de 1958 à 1961), par l’arrêté législatif nº 93 du 8 juillet
1958 soumet à une autorisation administrative préalable la création de toute association et
l’adoption de ses statuts et applique à ces dernières un contrôle très étroit. Cette loi
s’applique aux associations charitables mais non aux communautés religieuses.
IV- Thèmes spécifiques :
a- Administration étatique: Les institutions islamiques relèvent du Mufti, fonctionnaire
désigné par décret présidentiel et inverti d’une fonction réglementaire et administrative.
Les autres communautés relèvent de leurs organes respectifs et leurs relations avec l’Etat
3- Bien qu’il réserve aux musulmans l’accès aux fonctions publiques en application de la sourate
coranique disposant que : “O vous qui croyez, obéissez à Dieu, à son Prophète et aux dirigeants de votre
croyance ”.
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sont supervisées par la Présidence du Conseil qui reçoit
en dépôt leurs lois et leurs
règlements communautaires.
b- Education : L’enseignement religieux est obligatoire. Il est dispensé par des enseignants
de la religion concernée et consigné dans des ouvrages approuvés par l’autorité religieuse
compétente. Jusqu’en 1961, de nombreuses écoles privées, souvent tenues par des
congrégations religieuses, dont beaucoup de congrégations étrangères, dispensaient en
Syrie un enseignement de grande qualité, conformément à la loi sur l’enseignement privé nº
160 du 20 septembre 1958(4) . Mais sous la pression conjointe des groupes islamistes et des
cadres du Parti Baas (constitué majoritairement d’instituteurs des écoles publiques,
hostiles au développement des écoles privées), le Ministère de l’Education exerçait sa
mainmise sur les écoles privées(5). Le Conseil d’Etat (Haute Cour Administrative – HCA)
avait annulé la mainmise sur les immeubles des écoles privées de sorte que ces dernières, en
tant qu’institutions éducatives, exerçaient désormais leurs activité dans des immeubles
appartenant aux congrégations ou aux particuliers qui en étaient originellement
propriétaires(6). La question reste actuellement à ce point, en attendant qu’une décision
politique définitive soit prise en la matière.
c à f- Le financement des communautés religieuses : Ce dernier est assuré à la fois par les
revenus de chaque communauté et les prestations des fidèles(7). Il en est de même du statut
du personnel religieux et des congrégations dont les statuts peuvent être déposés auprès de
la Présidence du Conseil. Les aumôneries dans les hôpitaux et dans les prisons sont
soumises à des décisions “ad hoc” arrêtées d’accord entre les administrations et les
communautés concernées.
g- Le mariage et le droit de la famille sont régis par les Codes de Statut Personnel et de
procédure des tribunaux (islamiques – “char’is”- chrétiens ou israélites) relatifs à chaque
4- modifiée par la loi nº 167 du 30 juin 1959 et les décrets législatifs nº 127 du 9 septembre 1967 et nº 35
du 13 juillet 2008 qui imposaient a ces écoles les programmes officiels.
5- Arrêté du Ministre de l’Education (Commission de l’Enseignement Privé) nº 1605 du 11 novembre
1967.
6- C.f. Arrêt de la HCA nº 291 du 9 décembre 1974 (dossier nº 872) et décret législatif nº 42 du 14 mai
1974.
7- Les immeubles affectés au culte font l’objet d’un droit inaliénable (dénommé “fondation ” ou wakf)
dûment inscrit au Registre Foncier et régi par les statuts de la communauté concernée.
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communauté, tels qu’ils ont été décrits ci-dessus (alinéa II) ainsi que par les rares
dispositions du Code Civil relatives à la matière. Les différentes communautés sont restées
jusqu’à présent hostiles à l’instauration du mariage civil. Le Code de Statut Personnel
autorise le mariage d’un musulman avec une chrétienne
ou une israélite mais non
l’inverse. Dans ce dernier cas, le conjoint chrétien ou israélite n’a d’autre choix que
d’adopter la religion musulmane ou de conclure à l’étranger un mariage que les services
d’Etat-Civil refuseront d’enregistrer. Il pourra également recourir à la reconnaissance de
paternité ou de maternité pour faire reconnaître le lien de filiation de ses descendants,
mais une telle reconnaissance ne peut créer de lien légal qu’entre les intéressés et non avec
leur famille (articles 134 à 136 du Code de Statut Personnel – CSP).
h- Médias : La radio et la télévision de l’Etat consacrent une partie de leurs émissions aux
cérémonies religieuses, surtout musulmanes. Il en est de même des journaux. Certaines
communautés publient également des revues qui leur sont propres.
i- Droit pénal : Voir ci-dessus (alinéa II in fine). L’apostasie ne donne lieu qu’à des
vendettas privées et seule la conversion à l’Islam pourra être enregistrée à l’Etat-Civil. La
différence de religion entre musulmans et non-musulmans fait obstacle à l’héritage (article
264/b) mais non au testament. Le prosélytisme en faveur d’une autre religion que l’Islam
ne pourra être poursuivi que sous l’angle d’un trouble hypothétique apporté à l’ordre
public et pourra donner lieu à des sanctions administratives(8).
j- Festivités et droit du travail : Les entreprises sont libres de fixer le repos hebdomadaire
(un jour par semaine) comme elles l’entendent. Elles doivent accorder à leurs employés
onze jours de repos aux fêtes correspondant à leur communauté. Les administrations et les
entreprises étatiques annoncent périodiquement les congés accordés à leurs salariés et
correspondant aux fêtes laïques ou religieuses de toutes les communautés.
8- C’était le cas pour les “témoins de Jeovah ”.
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V- Tendances actuelles :
Les intégristes musulmans ont eu recours au Ministère de la Justice en 2009 pour
tenter de restreindre ou de supprimer les particularités des communautés chrétiennes et la
compétence des tribunaux ecclésiastiques, en demandant de modifer sur ces points
certaines dispositions du Code de Statut Personnel (suppression de l’adoption et de la
compétence des tribunaux catholiques dans les matières qui leurs étaient réservées par la
loi nº 31 du 18 juin 2006). Suite aux objections soulevées par les communautés précitées, la
Présidence de la République a ordonné le gel de ces tentatives. La Syrie reste, à n’en pas
douter, le pays arabe le plus ouvert aux spécifités religieuses des minorités.
Jacques el-Hakim
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