Quel modèle d`Etat-providence ? Comment concilier solidarité
Transcription
Quel modèle d`Etat-providence ? Comment concilier solidarité
Quel modèle d’Etat-providence ? Capítulo 45 del libro de Serge Paugam (Dir.) Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales, PUF, Paris, janvier 2007, p. 887-914. Comment concilier solidarité sociale et efficacité économique à l’ère de la globalisation : une lecture régulationniste ROBERT BOYER INTRODUCTION Il est désormais largement admis qu’une nouvelle époque s’est ouverte en matière de réforme des systèmes nationaux de protection sociale, que ce soit la conséquence des problèmes internes, y compris financiers que rencontrent les divers régimes ou l’effet indirect de la transformation des modes de régulation et régimes de croissance qui avaient permis l’épanouissement de systèmes de couverture sociale généreux et à vocation universelle. Souvent de façon implicite, et parfois tout à fait explicitement, les responsables politiques sont à la recherche d’un modèle canonique vers lequel pourraient converger leurs efforts de réformes, référence d’autant plus souhaitable qu’elles s’avèrent spécialement difficiles en matière de couverture sociale. À grands traits, nombre d’analystes concluent à la nécessité d’un passage du Welfare traditionnel, basé sur des compensations financières des divers risques, vers un Workfare fondé sur une série d’incitations mobilisant la stratégie des acteurs eux-mêmes pour éviter la plus grande partie des risques, en particulier ceux liés au chômage. Le présent chapitre propose un angle d’attaque particulier, celui que permet l’application des concepts et méthodes de la théorie de la régulation, à la question de la couverture sociale. Il peut être intéressant de brièvement récapituler quels sont les enseignements majeurs tirés d’analyses de longue période et plus récemment d’analyses comparatives. L’une des particularités de cette approche est de souligner qu’aucune configuration institutionnelle ne saurait prétendre à la perfection, pas plus qu’au succès en très longue période : le succès d’une innovation institutionnelle conduit très généralement à susciter des comportements individuels et collectifs qui finissent par remettre en cause la viabilité d’un système au moment même où les acteurs le considèrent comme allant de soi et doté de permanence. La seconde particularité tient à l’insistance sur la diversité des trajectoires nationales, loin de la métaphore qui assimilerait les configurations institutionnelles nationales aux choix organisationnels d’entreprises soumises au grand vent de la concurrence internationale. Dans un second temps, il est proposé d’appliquer la même méthode à l’analyse des transformations des conceptions et modalités de gestion de la solidarité sociale au cours des quinze dernières années. N’est-il pas couramment admis que le workfare l’a, d’ores et déjà, emporté sur les stratégies visant à prolonger l’un des objectifs majeurs du welfare, à savoir concilier solidarité et efficacité économique ? C’est dans ce contexte que prend tout son intérêt le modèle danois de flexicurité, dont il est important de cerner les caractéristiques structurelles, d’autant plus qu’il est devenu une référence fréquente pour nombre de gouvernements européens. C’est à la lumière de ces résultats qu’il est possible d’expliciter quelques conséquences, pour la France, en matière de réformes tant du droit du travail que de la couverture sociale. Plutôt que de traiter cette question dans toute sa généralité, l’analyse se concentrera sur la partie de la couverture sociale qui concerne directement le chômage et l’emploi, à l’exclusion donc des questions liées à la famille, à la santé, ou encore à l’éducation. LES SYSTEMES NATIONAUX DE PROTECTION SOCIALE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE ET COMPARATIVE Cette question n’est pas fondatrice de la théorie de la régulation mais très précocement des chercheurs se sont intéressés à la formation des politiques économiques et sociales et ce faisant, ils n’ont pas manqué de rencontrer la difficile question théorique que représente la caractérisation de la couverture sociale dans les sociétés contemporaines. De près de deux décennies de travaux sur la question, ressortent sept enseignements majeurs. À l’intersection des logiques de trois ordres La protection sociale n’est pas une notion simple au sein même des recherches institutionnalistes. Les études internationales comparatives font ressortir des définitions très variées, ce qui débouche sur des typologies extrêmement diverses, même si la taxonomie de Esping-Andersen (1990) a tendu à constituer la référence commune à nombre d’analystes. L’intérêt d’une approche structuraliste est de fournir une clé de lecture générale ainsi qu’une taxonomie originale qui rend compte de la diversité persistante des systèmes nationaux de protection sociale (SNPS). En effet, si à la suite de Bruno Théret (1997) on peut définir la protection sociale comme ce qui assure les conditions de reproduction d’une population tant pour l’activité économique que pour le pouvoir politique : « La consubstantialité à l’économique de protection sociale salariale contraint le politique à la traiter comme moyen d’une alliance avec l’économique, qui lui permette de refonder un lien administratif de protection de l’ordre domestique, à la fois complémentaire et substituable à la relation salariale passant par le marché du travail » (p.204). Ainsi la forme structurelle qu’est la protection sociale est au confluent de trois ordres, respectivement économique, politique et domestique entre lesquels peuvent se nouer diverses relations d’alliance ou/et de substitution. On mesure le caractère composite de la protection sociale, bâtie sur des activités et des logiques appartenant à ces trois ordres (Figure 1). Selon la force et la direction des liens correspondants, sont concevables huit idéal-types de SNPS. Entre autres le SNPS libéral présente deux variantes : individualiste lorsque l’ordre domestique est dominé par l’ordre économique (les États-Unis), mais paternaliste si à l’inverse l’impératif de la reproduction domestique se transmet à la sphère économique via le rôle de l’entreprise dans la couverture du risque salarial (le Japon). Si au contraire le politique est fortement impliqué dans la couverture sociale et qu’il intervient fortement dans la reproduction domestique, ce qui à son tour impose des contraintes à la logique économique, le SNPS est alors de type étatiste universaliste (Suède). Mais les SNPS universalistes-minimalistes (Royaume-Uni) ou encore corporatistes-méritocratiques (Allemagne) définissent des configurations encore différentes du fait du basculement de la hiérarchie entre ordres économique et domestique par rapport aux deux précédents. Au demeurant certaines des combinatoires peuvent déboucher sur des configurations non-viables, ce qui réduit le nombre des SNPS observables. Dernier intérêt de cette approche, les précédentes et nombreuses taxonomies trouvent leur place et peuvent être ainsi comparées. Figure 1 – Structure élémentaire de la protection sociale E : ordre économique P : ordre politique D : ordre domestique S : forme structurelle de protection sociale Source : Bruno Théret (1997), p.207 L’extrême variété des formes d’organisation et des structures de financement n’est pas une anomalie Une conséquence directe de l’analyse est de dépasser, en les généralisant, les oppositions traditionnelles entre assurance et assistance sociale, entre systèmes universalistes et régime résiduel, entre systèmes bismarckien et beveridgien, entre financement par les cotisations sociales ou par l’impôt. Ce sont autant de modalités qui varient selon le type de SNPS et dont l’observation des systèmes existants confirme l’existence. À cet effet, on peut projeter la représentation des SNPS en considérant comment sont produits et financés les services correspondants : par prélèvement obligatoire organisé par l’État, par une solidarité organisée au sein de la famille, par internalisation des coûts sociaux par la firme ou encore par recours au marché pour la fourniture tant d’assurance que de services. Interviennent ainsi les ordres politiques domestique et finalement économique. Ce dernier se décompose à son tour en une myriade de formes organisationnelles qui s’échelonnent du marché (ou du contrat) à la firme, en passant par exemple par le réseau. À grands traits, il ressort des comparaisons internationales que ces quatre formes sont simultanément présentes dans beaucoup de SNPS, même si chacun d’entre eux peut se caractériser par une dominante (Boyer, 2004a) : de la firme au Japon, de la famille dans l’Europe du Sud, de l’État dans les social-démocraties scandinaves et finalement de la concurrence sur les marchés aux États-Unis (Figure 2). Figure 2 – Les divers systèmes de protection sociale combinent différemment quatre principes Organisé et financé par l’ETAT Suède Danemark France Union Soviétique Pays Bas Offre privée, gouvernée par le MARCHE Grande Bretagne États-Unis Centré sur et offert par la FIRME Japon Italie Portugal Espagne Centré sur et fourni par la FAMILLE Source : Adapté de Boyer (2004a). Le segment indique l’ampleur du recours au marché. Au passage, cette diversité et le fait que l’évolution générale n’est pas partout et toujours une « recommodification » de la couverture sociale, illustrent que l’enjeu de la réforme des SNPS en Europe n’est pas nécessairement le passage du public et de l’obligation au privé et au choix individuel. L’enjeu tient plutôt à une recomposition du rôle et des contributions respectives à la couverture sociale de quatre modalités : centrée et fournie par la famille, recours à l’offre privée, via le marché, via la firme et enfin une dernière configuration, organisée et financée par l’État. En effet, par principe, la couverture sociale introduit une recherche de sécurité qui, dans nombre de cas, peut s’opposer à la logique des marchés qui appelle des ajustements parfois drastiques pour préserver la viabilité de firmes en compétition. Lorsque, a contrario, l’individualisation et le recours au marché président à la réorganisation d’un SNPS, l’exclusion des agents économiques les plus faibles finit presque toujours par renouveler la demande adressée à l’État de prendre en charge les laissés pour compte. La trajectoire anglaise en matière de retraites est éclairante à cet égard (Atkinson, 2006), tout comme d’ailleurs l’évolution de ce même problème au Chili depuis la révolution libérale (Garate, 2005). Le résultat de luttes sociales, plus que la correction des imperfections de marchés d’assurance L’analyse théorique confirme l’existence de nombreux facteurs qui empêchent de recourir exclusivement à une logique de marché pour organiser la couverture sociale. D’abord, certaines approches de philosophie morale et politique suggèrent que la dignité, la capacité de réalisation des potentialités de chacun, la sécurité sont des biens essentiels auxquels tout individu devrait avoir droit. Dès lors ils ne sont pas commensurables avec les biens typiques que sont les marchandises dont traitent les théories économiques (Rawls, 1976 ; Sen, 2000). Ensuite, d’un strict point de vue analytique, les théories économiques reconnaissent aujourd’hui que les jugements de valeurs rétroagissent sur la possibilité d’obtention d’équilibres économiques efficients (Akerlof, 2005). En conséquence, certaines formes de sécurité garanties aux salariés peuvent contribuer à la performance des firmes, comme des économies nationales (Boyer, 2006c). Enfin, la plupart des services fournis par les SNPS se caractérisent par des externalités positives qu’un marché laissé à lui-même est incapable d’internaliser. Ainsi, l’accès à l’éducation favorise l’innovation, améliore le recours au système de santé ; ce dernier contribue à relever l’offre de travail donc de la production tout en améliorant l’état de santé de la population ; la lutte contre le chômage peut éviter la formation de trappes à pauvreté, limiter l’impact négatif des externalités de demande, sans oublier les effets potentiels à long terme du chômage de masse sur les inégalités, l’insécurité…. Pour autant, l’existence de ces imperfections de marché n’est pas une condition suffisante, pas plus que nécessaire d’ailleurs1, pour qu’émergent des interventions publiques ou collectives conduisant à un SNPS viable et légitime. D’un côté, les comparaisons internationales montrent que, dans leur grande majorité, les pays ne garantissent pas un minimum de sécurité à leur population à travers la constitution d’un SNPS en bonne et due 1 En effet, nombre d’interventions publiques sont le résultat de l’action de coalitions politiques et pressions de groupes d’intérêt, dont les objectifs ne sont en rien de restaurer l’efficacité perdue des marchés sur lesquels ils opèrent. forme…même si cela serait souhaitable (ILO, 2004). Faute de moyens lorsqu’ils sont très pauvres, mais aussi du fait de l’absence d’organisations sociales et politiques permettant de convertir ce besoin de sécurité, assez universel, en des programmes dotés de moyens financiers et matériels. D’un autre côté, l’histoire des pays qui jouissent aujourd’hui d’une protection sociale significative confirme que les grandes étapes de leur constitution correspondent à deux types bien précis d’épisodes. Soit l’ampleur d’un chômage durable et de masse fait ressortir l’évidence d’une intervention correctrice des équilibres – ou plutôt déséquilibres – de marché, car ils sont préjudiciables à la préservation du lien social lui-même. Soit les victimes d’une insécurité et/ou injustice se regroupent et s’organisent pour faire pression sur les États pour qu’ils reconnaissent la nécessité d’une couverture collective des « risques » correspondants : accidents du travail, maladies professionnelles, chômage, obsolescence des compétences, paupérisation lors de la cessation d’activité. Voilà pourquoi les SNPS sont encore plus variés que le sont par exemple les systèmes financiers : ils sont l'expression de la stratification d’une série de compromis institutionnalisés (André, Delorme, 1982), eux-mêmes expression de la séquence des luttes sociales et politiques en vue de l’institutionnalisation de droits sociaux. Dans la mesure où les compromis portent sur les relations sans doute les plus « structurantes » des sociétés salariales et démocratiques, ils sont susceptibles de contribuer à la forme du mode de régulation et même du mode de développement. Ce résultat du courant de recherche régulationniste (Boyer, Saillard, 2002) n’est pas sans importance pour la prospective de la protection sociale en Europe. La couverture sociale : composantes du rapport salarial et/ou relation État /Citoyens ? Les analyses de longue période portant sur les États-Unis et la France ont conduit à cerner l’émergence de la couverture sociale comme développement d’une composante nouvelle du rapport salarial. On définit ce dernier comme l’ensemble des conditions qui régissent le rapport capital/travail : organisation du travail, règles gouvernant embauches et licenciements, formation du salaire et du revenu, mode de vie. L’histoire fait clairement ressortir que les premiers risques sociaux à être pris en compte en France l’ont été à partir du contrat de travail à l’occasion par exemple des accidents du travail, puis du chômage. Mais simultanément les lois sur les pauvres en Angleterre introduisent une relation particulière, voire constitutive, avec l’État, ce qui d’une façon ou d’une autre se réfère directement à la sphère politique, en l’occurrence de la citoyenneté dans le cas de la France. Ainsi la couverture sociale ne constitue pas une forme institutionnelle à part entière dans l’analyse des modes de régulation, mais elle est incorporée dans deux des cinq formes institutionnelles : le rapport salarial et la relation État-économie. À ce titre la constitution des SNPS après la seconde guerre mondiale a contribué à l’émergence et au succès du régime de croissance fordiste. D’abord en complétant le compromis salarial fordien – acceptation des méthodes modernes de production contre partage des gains de productivité – par un compromis institutionnalisé entre les salariés et l’État concernant la couverture collective des « risques » précédemment assurés par la solidarité au sein de la famille ou de la communauté : maladie, maternité, chômage, retraite, aide au logement. Ensuite, d’un strict point de vue économique, la montée des revenus de transferts associés à la couverture sociale et la fiscalité ont introduit des stabilisateurs automatiques du cycle économique, au même titre que les politiques contracycliques de type keynésien. L’approche régulationniste a aussi été amenée à étudier tant l’émergence que la maturation puis la crise financière des SNPS, d’abord dans le cas de la France (André, Delorme, 1982), ensuite en comparaison internationale pour les pays de l’OCDE (André, 2002, 2006). Ces travaux ont fait apparaître trois résultats majeurs concernant la période contemporaine et les raisons du basculement d’une synergie vertueuse entre fordisme et couverture sociale étendue à l’apparition de déficits chroniques qui sont interprétés comme un indice de crise structurelle, voire pour certains, de fin des régimes collectifs de couverture sociale. Deux conditions de viabilité d’un SNPS : stabilité d’un compromis institutionnalisé et complémentarité avec les autres formes institutionnelles C’est sans doute sur ce point que la présente problématique se distingue le plus nettement des approches en termes d’imperfection de marché. Si la fonction des SNPS était exclusivement de corriger ces imperfections, il deviendrait difficile de comprendre pourquoi ils peuvent entrer en crise, après avoir connu le succès. Il est dès lors tentant d’invoquer une irrationalité de la part des décideurs publics, des bénéficiaires ou encore des prestataires de la couverture sociale. Ce n’est guère convaincant lorsqu’on se propose de rendre compte de la séquence : émergence, maturation, succès puis crise des SNPS constitués après la seconde guerre mondiale. L’interprétation régulationniste est toujours historiquement et géographiquement située. Un SNPS est viable, à défaut d’optimal, sous deux conditions. La première oppose la volatilité des allocations de marché à la stabilité des règles qui régissent la redistribution assurée par la couverture sociale et le système fiscal : il faut donc que soit acceptée cette déviation permanente par rapport aux canons d’une économie de marché pure, par un ensemble suffisamment important de groupes économiques et sociaux. Telle est l’origine lointaine et quelque peu oubliée, des systèmes contemporains : traumatisés par la crise des années trente et transformés par la seconde guerre mondiale, les entrepreneurs, salariés et administrations publiques ont noué un compromis institutionnalisé original incluant une couverture sociale étendue. S’il se délite ou est remis en cause par une fraction des acteurs, la légitimité et l’acceptabilité des SNPS hérités du passé deviennent problématiques. C’est une cause interne de crise des SNPS. Mais il se peut qu’en l’absence même de remise en cause du principe fondateur des divers régimes de couverture sociale, ils entrent en crise du fait de leur désajustement par rapport à l’évolution des autres formes institutionnelles, conséquence par exemple d’un durcissement de la concurrence, du changement de régime international, ou encore du régime monétaire et de change. Un tel épisode fait apparaître a contrario que la seconde condition de viabilité d’un SNPS est sa compatibilité avec le mode de régulation et le régime de croissance en vigueur. Ainsi la constitution de SNPS étendus et très (ou assez) protecteurs ne fut possible dans les années 1950 que grâce au dynamisme des gains de productivité et la stabilité de la croissance, impliqués par la généralisation du rapport salarial fordiste dans un contexte de concurrence oligopolistique et l’acceptation d’un État interventionniste assurant une notable redistribution des revenus et une offre abondante de services publics. Trop d’analyses contemporaines, raisonnant en équilibre partiel et sur des modèles statiques, oublient cette complémentarité des SNPS avec la plupart des autres formes institutionnelles. Certains SNPS peuvent concilier solidarité sociale et efficacité économique Il est clair que les coûts de la couverture sociale sont plus faciles à mesurer que la contribution qu’elle apporte au bien-être individuel et collectif : plus grande sécurité des trajectoires personnelles et professionnelles, meilleur état de santé, allongement de l’espérance de vie, maintien de la paix sociale, autant d’impacts qu’il est assez problématique d’évaluer. De ce fait, la modélisation des économistes tend à privilégier des effets de distorsion des SNPS par rapport aux allocations d’une économie de marché pure, de sorte que, depuis le fameux manuel de Paul Samuelson, nombre d’économistes considèrent qu’une plus grande solidarité sociale ne peut-être atteinte qu’au détriment de l’efficience économique, puisque cela conduit à détourner la production vers des activités réputées non productives de richesse et de valeur. Ce jugement négatif est encore renforcé par la théorie des incitations qui ne peut s’empêcher de voir dans l’existence d’allocation de chômage non seulement l’origine du chômage mais encore de la création de trappes à pauvreté et de dépendance des individus par rapport aux aides sociales. Le bilan coût/avantage d’un SNPS est susceptible de devenir favorable d’un strict point de vue économique, si par contre l’on prend en compte les externalités positives que les dépenses d’éducation, de formation, de sécurité et même les indemnités de chômage peuvent avoir quant au ressort de la croissance. Dans le cas du régime de l’après seconde guerre mondiale trois composantes de la couverture sociale ont favorisé l’efficacité dynamique. Tout d’abord la redistribution du revenu associée à l’État du Bien-être et à la progressivité de l’impôt a limité les inégalités, ce qui permet l’accès progressif du plus grand nombre au mode de vie typique du fordisme. Or c’est l’un des deux piliers de ce régime de croissance fondé sur l’institutionnalisation de la synchronisation de l’évolution des méthodes de production avec celle des modes de vie. En France, comme dans nombre d’autres pays de l’OCDE, le conflit entre solidarité sociale et efficacité économique s’est alors atténué, au point de diffuser l’idée qu’ils étaient compatibles, voire même complémentaires. Si ensuite on inclut l’éducation et la formation dans une définition élargie des SNPS, il est clair que les dépenses correspondantes peuvent tout à la fois contribuer à réduire les inégalités et favoriser la productivité et le changement technique, comme le suggèrent les théories de la croissance endogène et comme le vérifient les études économétriques qu’elles ont suscitées. Même les allocations chômage peuvent favoriser la croissance en rendant acceptable le changement technique qui en permanence détruit de vieilles industries et provoque l’obsolescence des compétences. Ce d’autant plus qu’une politique active de formation s’attacherait à requalifier les travailleurs en fonction des produits et industries émergentes. Mais cette complémentarité vertueuse n’est pas garantie a priori : tout dépend des caractéristiques respectives du régime de croissance et de la nature du SNPS. En effet, si par exemple disparaissent les rendements d’échelle associés à la production de masse de produits standardisés, alors que s’étend la couverture sociale et s’institutionnalisent les processus de redistribution, peut resurgir l’antagonisme entre sécurité sociale et performance économique. Leur complémentarité n’est jamais assurée en tout temps et tout lieu, comme le montre à l’évidence la chronique des deux dernières décennies. Toute configuration finit par entrer en crise et appeler des réformes En effet, la répétition d’une même stratégie de période en période conduit à faire évoluer quelques-uns des paramètres clés de l’économie, au point de pouvoir provoquer le basculement d’une zone de stabilité à une autre marquée par le développement des déséquilibres cumulatifs qui appellent alors une intervention ad hoc des acteurs et plus encore des pouvoirs publics pour réformer certaines des règles du jeu que sont les institutions et dans une certaine mesure les organisations. En l’occurrence un SNPS peut entrer en crise du fait aussi bien de déséquilibres internes qui lui sont propres que de son incompatibilité avec la transformation du mode de régulation sous l’effet d’une crise majeure (Figure 3). Paradoxalement, c’est le succès même de la réalisation des objectifs de l’État du Bienêtre qui a conduit à sa déstabilisation. N’avait-il pas pour propos de permettre l’épanouissement de la société salariale ? Au fur et à mesure que ce processus s’approfondit, aux luttes du salariat, se superposent – succèdent affirmeront certains – les luttes de classement au sein des salariés (Aglietta, Brender, 1984), car avec la division du travail s’approfondissent les spécialisations des individus. L’hétérogénéité salariale qui en résulte fait éclater l’uniformité des demandes de sécurité adressées à la couverture sociale. Face à la complexité croissante des risques et la tendance à l’individualisation des demandes, il n’est pas étonnant qu’apparaissent certaines inefficacités dans l’administration des SNPS, d’autant plus qu’aurait tardé l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour recomposer les procédures et modalités de gestion (Boyer, 2002). Mais les déficits des comptes sociaux ne peuvent s’interpréter uniquement comme la conséquence d’une mauvaise gestion, ne serait-ce que parce qu’ils tendent à croître tout au long d’une décennie. En effet, une troisième source de crise tient à la possibilité de divergence à long terme entre l’engagement financier associé aux droits de tirage au sein de chaque régime de la couverture sociale et le rendement des cotisations sociales et de la fiscalité, puisque rien ne peut garantir un tel équilibre à long terme. En conséquence, le taux de contribution et l’ampleur des prestations doivent être périodiquement réajustés, quitte à déboucher, lors de certaines périodes, sur de redoutables dilemmes tant dans l’ordre économique que politique. Figure 3 – Les facteurs de déstabilisation des SNPS de l’après-guerre Chômage / Concurrence internationale / Révolution Technologique Hétérogénéité salariale / Individualisme Crise du mode de régulation Déséquilibres financiers des États de Bien-être Perception d’une crise de l’État providence par les gouvernements Pression à la réforme des SNPS Inefficacité organisationnelle Communauté épistémologique internationale Un second grand facteur de remise en cause trouve son origine dans la répercussion sur la gestion des SNPS d’une crise économique majeure. D’un côté en généralisant le sentiment et la réalité d’insécurité salariale et personnelle, un tel épisode accroît les dépenses de nombre de régimes, qui sont de ce fait contracycliques. L’effet positif est de contribuer à la stabilisation macroéconomique mais si la croissance ne retrouve pas les tendances antérieures, les déficits persistent de période en période, au point de faire apparaître les problèmes de financement du SNPS comme sectoriels, mais structurels car liés à une « mauvaise » gestion. L’évolution du régime d’indemnisation du chômage est une bonne illustration des conséquences du basculement d’une croissance au voisinage du plein-emploi vers une trajectoire marquée par la persistance d’un chômage de masse. En fait instituée à la lumière de la situation dramatique de l’entre-deux-guerres, l’indemnisation du chômage n’eut qu’un rôle mineur tant que l’économie évoluait en suremploi puis au quasi-plein emploi : sa viabilité financière semblait assurée. Lorsque se grippe la croissance fordiste et que les tendances de l’emploi divergent par rapport à celle de la population active, apparaît la nécessité de relever les taux de cotisation correspondants. Dans les systèmes bismarckiens peut s’amorcer un cercle vicieux dans lequel le renchérissement du coût salarial pénalise à son tour l’emploi. D’où la multiplication des propositions de réforme, selon une logique que l’on retrouve dans nombre d’autres régimes, par exemple l’assurance-maladie. C’est ce processus qui conduit à l’invention de la C.S.G. qui marque une inflexion significative dans le financement de la sécurité sociale en France. C’est en quelque sorte une hybridation entre des sources beveridgienne et bismarckienne de financement. Bref, il faut concevoir la crise de l’État du Bien-être non comme l’expression d’un écart, malencontreux et transitoire, par rapport à une configuration optimale immuable, mais comme s’inscrivant dans une évolution de longue période. Ce fil directeur est utile dans l’analyse de deux des successeurs possibles aux configurations des SNPS hérités de la période de forte croissance. DEUX RECONFIGURATIONS DE LA COUVERTURE SOCIALE Ce n’est pas sans nombre de tâtonnements et d’essais et d’erreurs qu’ont fini par se dégager deux configurations. Si dans les années quatre-vingt-dix, c’est le modèle du workfare anglo-américain qui tend à s’imposer, depuis le début de la présente décennie, il coexiste avec une autre conception qualifiée par certains auteurs d’État social actif (Vielle & al., 2005), mais c’est sans doute la configuration danoise de la flexicurité (Barbier, 2005 ; Boyer, 2006) qui a le plus retenu l’attention des analystes, y compris des organisations internationales qui tendaient, auparavant, à privilégier une approche beaucoup plus défensive de la flexibilité (OCDE, 2004). L’apparent triomphe du workfare Par rapport à l’époque des trente glorieuses, le contexte intellectuel qui sert de cadre aux réformes des SNPS a radicalement changé, comme le montre une comparaison terme à terme des argumentaires respectifs (figures 4 et 5). À l’issue de la seconde guerre mondiale, les systèmes d’indemnisation du chômage sont bâtis sur l’idée que ce dernier résulte essentiellement d’un risque macroéconomique qui dépasse largement la volonté et le pouvoir d’adaptation des individus. Par contraste, les théoriciens contemporains insistent sur les aspects proprement microéconomiques du chômage, lié par exemple à un système d’incitations inadapté ou incohérent. En conséquence, l’universalisme présidait à la conception des États du bien-être car l’organisation de la société elle-même et la politique économique supposaient une responsabilité collective. À l’opposé les nouveaux dispositifs introduits à partir du milieu des années quatre-vingt retiennent des actions ciblées et tendent à invoquer des responsabilités individuelles, par exemple liées l’accoutumance au chômage et à la dépendance par rapport à l’aide publique. On diagnostique une césure équivalente concernant les relations entre les politiques sociales et le marché du travail. Dans le premier cas, il appartenait aux interventions publiques et à la couverture sociale de corriger les failles du marché, dans le second, le propos explicite ou implicite est de limiter un budget social, réputé inefficace, grâce à l’activation de fortes incitations de marché. Enfin, comme le chômage était supposé transitoire, dans les années de forte croissance le traitement du chômage passait essentiellement par l’organisation de transferts monétaires compensatoires afin d’éviter que les chômeurs ne tombent dans la pauvreté. Depuis une décennie au contraire, la réduction de la générosité de l’indemnisation de l’inactivité est perçue comme une nécessité pour favoriser l’intégration par le travail. En définitive, les configurations respectives du welfare et du workfare font appel à des complémentarités organisationnelles et institutionnelles complètement différentes (figures 4 et 5, déjà citées). Dans le domaine des idées donc, la crise du welfare est consommée et de nouveaux principes canoniques tendent à se diffuser bien au-delà des pays qui ont adopté la voie conservatrice en faveur de réformes radicales du welfare. Pour autant, l’analyse de l’évolution des dépenses sociales par grandes catégories de risque est loin de confirmer la généralité et la puissance du workfare. Certes, la plupart des réformes font effectivement référence à ce modèle, mais compte tenu des traditions nationales, du style des relations professionnelles et du plus ou moins grand interventionnisme de l’État les SNPS sont loin de converger (André, 2002 ; 2006). Figure 4 – Les complémentarités du welfare Responsabilité sociale / Universalisme Un risque essentiellement macroéconomique Corriger les failles du marché par le budget social Transferts monétaires compensatoires Figure 5 – Les complémentarités du workfare Responsabilité individuelle / Actions ciblées Limiter le budget social grâce aux incitations du marché Un risque microéconomique Intégration dans/par le travail Le contre-exemple de la flexicurité À la fin des années quatre-vingt-dix, le modèle anglo-américain du workfare était devenu la référence par rapport à laquelle se mesurait la performance des autres SNPS. Or les années 2000 ont été marquées par l’apparition d’une anomalie majeure. En effet, il est un pays, largement ouvert à la concurrence internationale, dont la fiscalité et les cotisations sociales absorbent près de la moitié du PIB, qui indemnise à 90 % pour près de 4 ans ses chômeurs les plus défavorisés. Le taux de syndicalisation approche les 80 %, l’emploi public représente près du tiers de l’emploi total et le pays n’est pas spécialisé dans les hautes technologies. Les conditions de l’échec semblent réunies. Or, le taux d’emploi y est l’un des plus élevés au monde, le chômage largement inférieur à la moyenne européenne, le niveau de vie approche celui des États-Unis et il progresse au même rythme que la moyenne des pays de l’OCDE. Ce pays n’est autre que le Danemark et l’on comprend qu’il ait retenu l’attention des analystes comme des décideurs politiques (Boyer, 2006). L’analyse de ce modèle fait l’objet de la contribution de Jean-Claude Barbier au présent ouvrage (chapitre 46), de sorte qu’il suffit de limiter les présents développements à l’essentiel. Au cœur de ce « modèle », se trouvent le rejet d’une protection durable des emplois existants et l’adoption d’une stratégie favorisant au contraire la rapidité du redéploiement de la maind’œuvre entre entreprises. Cette flexibilité numérique est la conséquence de la législation, la moins contraignante de tous les pays européens en matière de protection légale de l’emploi. Comment faire accepter aux intéressés cette réallocation permanente et l’incertitude qui lui est associée ? La générosité de l’indemnisation du chômage remplit cette fonction car elle assure que l’état de chômeur ne correspond pas à une paupérisation et elle lève ainsi une partie de l’incertitude salariale, celle qui a trait au revenu. C’est la fonction de la sévérité du contrôle de la disponibilité des chercheurs d’emploi que de limiter un allongement « indu » de la période de chômage. De plus, après une période initiale qui a été réduite de 4 à 1 année, le chômeur est tenu d’accepter un emploi, même s’il ne correspond pas à sa fonction antérieure et s’il implique une baisse du revenu. Entre-temps, il a en général suivi une formation lui, permettant de s’adapter aux nouveaux emplois caractérisés par un revenu supérieur à celui de l’emploi détruit. On peut parler de complémentarité institutionnelle, puisque la fonction de réallocation du travail n’est assurée qu’à travers la conjonction de trois dispositifs – le droit du travail, la couverture sociale et une politique d’emploi active – régissant les relations des trois acteurs : les entreprises, les salariés et l’État (cf. chapitre 46, schéma 1). Les bénéfices de cette configuration – plus grande réactivité et croissance de la productivité - sont ensuite partagés entre ces mêmes acteurs, selon leurs propres objectifs : la survie et la profitabilité des firmes grâce à leur compétitivité, la sécurité du revenu pour les salariés, la capacité de prélèvements obligatoires pour l’État. La solidarité maintenue : la flexicurité n’est pas un workfare déguisé Le workfare s’entend comme une stratégie visant, pour l’essentiel, à réduire la part des budgets sociaux grâce à une baisse générale des normes antérieures et l’institution d’une série d’incitations faisant sentir aux salariés la pression à l’acceptation d’un emploi quel qu’il soit. Fondamentalement, les gouvernements comptent sur le renforcement du rôle des marchés pour que les individus exercent des choix les plus favorables à l’emploi, dans un contexte où les indemnités de chômage sont réduites et limitées dans le temps. En ce sens, il s’agit d’une re-marchandisation de la relation salariale, dès lors que l’individu ne peut plus compter sur le soutien d’un revenu assuré indépendamment de l’exercice d’une activité. La flexicurité vise à améliorer l’efficacité des politiques d’emploi sans nécessairement impliquer une réduction drastique de la part des dépenses sociales. En effet, dans sa variante danoise par exemple, les contraintes à l’embauche et au licenciement sont réduites, voire complètement supprimées, ce qui s’inscrit effectivement dans la logique d’un modèle de relations professionnelles dans lequel les entreprises sont dominantes. Par contre, les allocations de chômage sont maintenues à un niveau élevé car le but est aussi d’éliminer la pauvreté des chômeurs, source d’accentuation des inégalités. De la même façon, alors que dans le workfare anglo-saxon le choix de la formation est laissé aux individus, la flexicurité déploie en général une politique active de formation des individus. Ainsi la solidarité sociale est maintenue à travers des dispositifs collectifs et non pas seulement marchands. Les complémentarités sont donc différentes de celles que recherche le workfare, ce qui permet de distinguer entre diverses variantes d’adaptation à un même changement d’époque, voire à la coexistence de deux paradigmes, en particulier de différentes configurations pour les SNPS et politiques d’emploi. Il suffit à cet égard de comparer les États-Unis avec le Danemark ou encore le Royaume-Uni avec la Suède, pour s’apercevoir que les systèmes sont loin d’être équivalents, même si tous marquent une rupture par rapport à l’héritage du New Deal et de l’après seconde guerre mondiale. Référence de l’Agenda de Lisbonne, mais modèle sous tension La première moitié des années 2000 livre un début de réponse puisqu’on dispose de divers bilans du résultat de la stratégie de Lisbonne qui en 2000 proposait aux États membres de l’Union Européenne de faire du vieux continent l’économie la plus compétitive et innovante du monde tout en préservant, en la réformant, une solidarité sociale étendue. Encouragement de l’innovation, politique de formation tout au long de la vie, relèvement du taux d’emploi global et réforme, et dans certains cas extension de la couverture sociale, désignaient autant d’objectifs qui ne sont pas sans rappeler les composantes du modèle danois. En fait les résultats à mi-parcours sont décevants : l’Europe dans son ensemble et les pays tels que l’Allemagne, la France et l’Italie en particulier sont loin d’avoir suivi les traces des pays sociaux démocrates dans la construction des institutions qui permettraient de concilier économie de la connaissance et de l’apprentissage avec la rénovation du modèle européen de solidarité sociale (Kok, 2004 ; Pisani, Sapir, 2006). Ce, en dépit d’appréciations plus favorables par certains des potentialités de la méthode de coopération ouverte qui a été mobilisée pour la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne (Zeitlin et Trubeck (dir.), 2003 ; Zeitlin, Pochet, 2005). Il n’est dès lors pas si facile de s’inspirer du modèle danois. Mais cette difficulté se double d’un second paradoxe : nombre de responsables Européens érigent au rang de norme et idéal une configuration institutionnelle au moment même elle est à nouveau soumise à de fortes tensions qui font douter certains danois de la résilience de la fléxicurité face aux évolutions récentes et plus encore celles qui sont attendues. Les difficultés d’insertion des immigrés dans les politiques actives d’emploi suscitent tant des réactions xénophobes que le questionnement de la légitimité d’un accès à une généreuse solidarité nationale. La volonté de relever encore le taux d’emploi pour faire face au vieillissement de la population risque de se heurter à l’effet dissuasif de l’ampleur des prélèvements obligatoires requis pour soutenir la large fraction de la population – près du quart – dont les revenus proviennent presque exclusivement de la solidarité. D’où l’impression que d’un point de vue macroéconomique, l’économie danoise se trouve sur le fil du rasoir. Il ressort aussi que la performance du système éducatif, tant secondaire qu’universitaire, n’est pas à la hauteur des sommes investies, lacune préjudiciable pour une société qui mise tant sur la capacité d’apprentissage des individus comme ressort de sa croissance. On peut aussi s’interroger sur la résistance du réseau de PME danois face à une explosion du coût de l’innovation et plus encore aux conséquences de la concentration des entreprises à l’échelle multinationale sous l’effet de la globalisation financière. Enfin un rapport de la commission sur la réforme de la couverture sociale, rendu public en décembre 2005, propose entre autres une réduction de la durée maximale des allocations chômage, soit une possible remise en cause de l’un des piliers de la flexicurité ! « Modèle » admiré à l’étranger, mais incertain au Danemark ! Ainsi la configuration qui a émergé des réformes entreprises en 1993 est aujourd’hui sous pression moins du fait de la mondialisation que des tensions sociales liées entre autres à l’immigration et aux tentations de sa remise en cause par une coalition gouvernementale composée de libéraux, conservateurs et populistes. LES REFORMES DE LA COUVERTURE SOCIALE EN FRANCE : DU BON USAGE DES « MODELES » En tout état de cause, les analyses précédentes font ressortir deux enseignements qui dépassent le seul cas danois. D’abord la possibilité d’une synergie entre solidarité sociale forte et dynamisme économique n’a pas disparu avec la crise du mode de croissance fordiste et des Welfare bismarckiens ou beveridgiens qui lui étaient associés. Ensuite et surtout dans le contexte des années 2000, la viabilité d’un SNPS ne tient pas seulement à la compatibilité des incitations qu’il oriente, mais tout autant à sa complémentarité par rapport aux formes institutionnelles qui façonnent le régime de croissance : le rapport salarial, le degré et la nature de la concurrence et les compromis institutionnalisés au titre des relations Étatéconomie. Armé de cette grille de lecture, il est possible d’éclairer certaines des difficultés que rencontrent en France les réformes de la couverture sociale. Copier l’intégralité des institutions danoises : mission impossible ! De fait, la configuration institutionnelle qui a conduit à l’émergence du modèle danois est très particulière et se distingue fortement de la trajectoire française. Le Danemark s’inscrit en effet dans une tradition quasiment séculaire de recherche d’un compromis entre des intérêts différents, voire contradictoires, en particulier ceux des entreprises et des salariés, à l’opposé des explosions sociales et des basculements du rapport de force qui traversent l’histoire française. Le fait que le pouvoir soit clairement partagé entre le gouvernement et les partenaires sociaux n’est pas sans influence sur la gestion attentive, et de plus en plus décentralisée, de la flexicurité. Rien de tel en France, pays caractérisé par un permanent chassé-croisé des responsabilités au gré des échéances électorales et des préférences idéologiques et un goût marqué pour la centralisation au-delà des efforts de déconcentration, souvent motivés par des préoccupations assez opportunistes de présentation des comptes publics. La densité des interactions entre les acteurs de la vie économique et politique est une condition permissive importante de la construction de la confiance dans les actions du gouvernement danois. On n’observe pas en France un degré de civisme équivalent encore moins un lien communautaire aussi intense qu’au Danemark (Algan et Cahuc 2005), puisque dans ce pays il rassemble l’ensemble de la population, à l’exception notable des immigrés De plus, les particularités du système éducatif qui s’inscrivent elles aussi dans une tradition séculaire et celles du système productif caractérisé par le dynamisme de PME tant industrielles que tertiaires, sont deux composantes essentielles dans l’explication de l’acceptation de la mobilité par les salariés. En France, l’impératif de sélection attribué à l’école passe souvent avant la dotation de toute la population des capacités requises pour opérer efficacement et de façon autonome dans un monde appelé à changer tout au long de la carrière professionnelle. Dernière particularité danoise, le pragmatisme dans le réglage fin des politiques actives d’emploi mérite d’être souligné. Il s’oppose aux fortes préférences doctrinales qui marquent en France la formation des politiques économiques, même si ce trait s’est quelque peu atténué. Hybridation plus qu’imitation Faut-il en conclure que la flexicurité est sans intérêt pour ce pays ? Pas nécessairement dès lors que l’on adopte une approche moins naïve de ce qu’est un « modèle ». Ce terme porte en lui le danger d’assimiler une configuration institutionnelle complexe - composée de formes institutionnelles, d’organisations, de normes, de conventions et de règles, bref d’un enchevêtrement de relations sociales, politiques et économiques entre les acteurs - à un produit si ce n’est standardisé, tout au moins aux caractéristiques aisément reproductibles par l’ingénierie sociale dont seraient dotés les gouvernements. On n’observe rien de tel dans les sociétés contemporaines, d’autant plus qu’opèrent en leur sein simultanément un approfondissement de la division du travail et une sophistication croissante des organisations, des contrats, des relations sociales et économiques. Si donc les gouvernements se proposaient d’importer l’ensemble de ces caractéristiques, l’histoire des « modèles », successivement rhénan, japonais, américain, suggère que la copie conforme d’une quelconque architecture institutionnelle est hors de portée, car l’hybridation entre de nouveaux principes, qui ont montré leur pertinence ailleurs, et l’inscription dans une trajectoire locale est la règle. On peut par contre rechercher les équivalents fonctionnels de ce qui fait le succès de ce modèle et réformer en conséquence les institutions et formes d’organisations existantes pour tenter de faire émerger les enchaînements vertueux correspondants. Dans cette optique, quelques espoirs sont permis. C’est à la lumière de ce principe que s’éclaire la difficulté des « réformes structurelles » en France. En fait, le capitalisme français est un hybride entre le modèle méditerranéen en matière de protection de l’emploi et social-démocrate en termes de couverture sociale (Amable, 2003), ce qui est rarement reconnu. De plus, la stratégie des gouvernements hésite en permanence entre une adhésion implicite à une flexibilité de marché et l’invocation, souvent rhétorique, d’un modèle social européen idéal, qui n’est plus celui que représente l’Allemagne mais qui en fait doit beaucoup au modèle social-démocrate scandinave. Or, en l’absence d’un compromis fort sur un noyau dur garantissant une forme de sécurité des salariés, tout porte à croire que la flexibilité de marché est un attracteur puissant, même si diverses mesures transitoires tendent à freiner la vitesse de transformation en direction de cette configuration. Ce qui peut expliquer la vigueur des protestations contre les tentatives – souvent maladroites et parfois non pertinentes – de réforme de la couverture sociale – les retraites – et du droit du travail – le CPE. Savoir détecter la diversité des formes nationales de la flexicurité Il est une autre raison pour considérer que l’échec des réformes de la couverture sociale n’est pas une fatalité puisque les comparaisons internationales montrent la variété des formes de la flexicurité au-delà même de la polarisation des analystes sur le seul cas danois. Au Japon, dans le secteur exposé à la concurrence internationale, c’est la permanence de la relation d’emploi qui est le compromis de base à partir duquel il est possible d’ajuster les horaires, le salaire, la mobilité des salariés d’un poste de travail à l’autre. Quant au secteur abrité, une myriade de types de contrat permet de rendre compatibles les formes de flexibilité recherchées respectivement par les entreprises, surtout de service, et les différentes catégories de salariés (étudiants, mères de famille, retraités,...). Aux États-Unis, la politique économique vise un compromis équilibré entre stabilité monétaire et croissance, de sorte que la proximité du plein-emploi fait accepter aux salariés une forte mobilité, même sans couverture sociale étendue. Traditionnellement en France, c’était la stabilité de l’emploi et l’idéal de carrière salariale dans les marchés internes du travail qui constituaient le compromis fondateur, fortement institutionnalisé par le droit et les interventions publiques. Cette configuration a montré ses limites tout au long des deux dernières décennies. Pour autant, cela n’invalide pas la possible négociation d’un nouveau compromis qui garantirait une sécurisation des parcours professionnels grâce à un redéploiement, progressif mais déterminé, des interventions publiques et une nouvelle délimitation des responsabilités respectives de l’État et des partenaires sociaux. Ce pourrait être la flexicurité à la française. Mais hélas si l’économie a vocation à fournir un diagnostic, la politique de réforme institutionnelle demeure un art d’exécution, spécialement difficile. Évolution et réformes en France, ombres et lumières Peut-on tenter de cerner les facteurs qui en France déterminent la possibilité d’une telle bifurcation du système de solidarité ? D’un côté les chercheurs de diverses disciplines des sciences sociales ont clairement mis en évidence les changements intervenus en matière de mobilité du travail et d’évolution des compétences tout au long du cycle de vie. Certains juristes ont proposé de redéfinir la sécurité professionnelle par l’institutionnalisation de droits sociaux transférables et cumulables tout au long d’une carrière (Supiot, 1999). De leur côté, des économistes proposaient de dépasser l’opposition entre flexibilité externe et marché interne, en introduisant une troisième forme, intermédiaire, celle des marchés transitionnels (Gazier, 2005). Pour leur part les syndicats, tels la CFDT et la CGT, ont incorporé dans leurs analyses et revendications le changement des formes de mobilité, car ils sont conscients qu’il appelait une reconstruction de la couverture sociale comme du droit du travail. Enfin, les responsables politiques de divers horizons ont rendu hommage aux mérites de la flexicurité danoise, suggérant que ce pourrait être une référence dans l’élaboration de leur programme électoral. La conversion intellectuelle semble donc en bonne voie, mais qu’en est-il des possibilités de mise en pratique ? D’un autre côté en effet, le succès d’une telle réforme des objectifs et modalités de la solidarité se heurte à nombre d’obstacles. D’abord la fragmentation de la représentation des salariés favorise plus la compétition dans la défense des droits acquis et le blocage de réformes mal conçues et pauvrement mises en œuvre, qu’elle n’incite à la négociation de compromis novateurs qui pourraient avoir des effets redistributifs majeurs, et dont les conséquences ultimes sont difficiles à anticiper complètement. Ensuite, la remise en cause périodique de la ligne de partage entre le domaine de la loi et de l’accord entre partenaires sociaux est peu propice à la construction de la confiance nécessaire à la recherche d’un nouveau compromis institutionnalisé en matière de solidarité sociale. Enfin et surtout, la stratégie de négociation que les gouvernements successifs ont adoptée pour réformer, tant le rapport salarial hérité du fordisme que le SNPS, a consisté à sérialiser les enjeux quitte à reporter, d’une sphère à l’autre, déséquilibres et conflits, sans surmonter la crise systémique sous jacente. Bref la direction explorée depuis près de deux décennies est aux antipodes de la stratégie d’internalisation des externalités qui est au cœur du succès des pays scandinaves. On est donc loin de la volonté de synchronisation du droit, des politiques publiques, de la couverture sociale et la fiscalité qui caractérise le « modèle » danois. CONCLUSION Il est néanmoins abusif de prolonger les déterminismes observés par le passé car les périodes de crise sont précisément marquées par l’ouverture sur des alternatives, qui ex post peuvent définir une nouvelle figure de la solidarité sociale. Trois facteurs sont a priori favorables à une stratégie qui adapterait l’expérience social-démocrate aux spécificités françaises. D’abord la relative diversité des variantes institutionnelles selon lesquelles elle se décline dans les pays nordiques ouvre quelque espoir d’acclimatation. Ensuite tant la Suède que la Finlande et le Danemark ont traversé des crises majeures qui ne sont pas sans rappeler la trajectoire française. Enfin, c’est largement l’intensité des conflits et la sévérité des crises que ces pays ont connues qui a amené les acteurs à innover, par exemple au titre des politiques actives d’emploi, privilégiant la formation et l’incitation au travail au détriment d’une simple indemnisation des chômeurs. À cette aune, l’ampleur des problèmes sociaux, économiques et politiques qui se conjuguent aujourd’hui en France devrait être un puissant stimulant à la capacité d’invention des acteurs. En revanche, d’autres traits, outre ceux déjà mentionnés, tempèrent ce pronostic. La passion française pour les débats manichéens (l’État ou le Marché ? Le gradualisme ou la rupture ? La mondialisation ou le repli ? l’Europe contre le social ! ) n’est guère porteuse de solutions mûries et du pragmatisme éclairé qui est au cœur des sociétés scandinaves. En outre l’ampleur des incompréhensions à propos des changements – tant contraintes qu’opportunités – apportés par la mondialisation, la construction européenne et le basculement de paradigme productif, est un handicap majeur : la France est devenue une (relativement) petite économie ouverte mais tous les acteurs n’ont pas pris encore la pleine mesure de ce changement d’époque. BIBLIOGRAPHIE Aglietta M., Brender A., 1984, Les métamorphoses de la société salariale, Calmann-Levy, Paris. Akerlof G., 2005, Explorations in Pragmatic Economics, Oxford University Press, Oxford Algan Y., Cahuc P., 2005, Civic Attitudes and the Design of Labor Market Institutions: Which Countries can Implement the Danish Flexicurity Model ? Mimeograph CEPREMAP-CREST, September. Amable B., 2005, Les cinq capitalismes : Diversité des systèmes économiques et sociaux sans la mondialisation, Éditions du Seuil, Paris. Amable B., Barré R., Boyer R., 1997, Les systèmes d’innovation à l’ère de la globalisation, Paris, OST/Economica. André C., Delorme R., 1982, « L’état et l’Économie », Le Seuil, Paris. André C., 2002, « État providence et compromis institutionnalisés. Des origines à la crise contemporaine », dans Boyer R., Saillard Y. (Eds), L’État des Savoirs, La Découverte, Paris, p. 144-152. André C., 2006, « Les configurations de la protection sociale en Europe : stabilité de la typologie malgré un certain effritement », 33 p., dans Politiques économiques et capitalisme contemporain, L'Harmattan, à paraître à l'automne 2006. Anxo D., Fagan C., Cebrian I., Gloria M., 2006, « Patterns of labour market integration in Europe: A life course perspective on time policies », Socio-Economic review, July, à paraître. Atkinson A.B., 2000, The Economic Consequences of Rolling Back the Welfare-State, MIT Press, Cambridge. Atkinson A.B., 2006, « Rethintking Solidarity for the 21st century », in Serge Paugam (Coor.), Repenser la solidarité au XXIe siècle, à paraître, PUF, Paris. Barbier J.-C., 2005, « Apprendre vraiment du Danemark: Réflexion sur le “miracle danois” », Working paper Centre d’Études de l’Emploi, 05/02, février. Beffa J.-L., Boyer R., Touffut J.-P., 1999, « Le droit du travail face à l’hétérogénéité des relations salariales », Droit Social, n° 12, Décembre, p. 1039-1051. Bertoldi M., 2006, The us new economy at ten: The Role of Public Policies, Mimeograph, Washington DC, June. Blanchard O., 2005, « European Unemployment: the Evolution of Facts and Ideas », Working Paper NBER n° 11750, Cambridge MA, November. Boyer R., 2002, La croissance début de siècle, Albin Michel, Paris. Boyer R., 2004a, « The French Welfare: An institutional and historical analysis in European perspective », ISS Research Series, Welfare State and Market Logic (2), n° 14, February, Institute of Social Science University of Tokyo, p. 1-83. Boyer R., 2004b, « New growth regimes, but still institutional diversity », Socio-Economic Review, vol. 2, n° 1, p. 1-32. Boyer R., 2006a, « The Lisbon strategy: merits, difficulties and possible reforms » mimeograph PSE. Boyer R., 2006b, La flexicurité danoise: quels enseignements pour la France ?, Éditions de l’ENS, Paris Boyer R., 2006c, « Employment and decent work in the era of “flexicurity” », UN/DESA Working paper series, New York Boyer R., Saillard Y. (dir.), 2002, L’État des Savoirs, La Découverte, Paris Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale, 2005, Aider au retour à l’emploi, Rapport n° 6, La documentation française, Paris. Esping-Andersen G., 1990, Three worlds of Welfare Capitalism, Princeton University Press, Princeton. Hall P., Soskice D. (dir.), 2001, Varieties of Capitalism: The Institutional Foundations of Comparative Advantage, Oxford University Press, Oxford. ILO, 2004, Economic Security for a Better World, International Labour Office, Geneva. Garate M., 2005, « Le système de retraites au Chili ; le paradoxe du meilleur élève » exposé EHESS, juin. Gazier B., 2005, Vers un nouveau modèle social, Flammarion, Paris Katzenstein P.J., 1985, Small States in World Markets. Industrial Policy in Europe, London, Cornell University Press. Kok W. and alii, 2004, « Facing the challenge. The Lisbon strategy for growth and employment », Report from the High Level Group, Luxemburg, November Lorenz E., Valeyre A., 2004, « Les formes d’organisation du travail dans les pays de l’Union européenne », Document de travail Centre d’Études de l’Emploi n° 32, Juin. Lundvall B.-A, 2002, Innovation, growth and social cohesion: The Danish model, Edward Elgar, Cheltenham. Lundvall B.-A., 2005, The Danish Model and the Globalising Learning Economy: Lessons for Europe?, Mimeograph Department of Business Studies, Aalborg University, May. Madsen Per K., 2005, The flexible Danish Labour Market: a review, CARMA Research papers 2005-01. Mishel L., Bernstein J., Bousley H., 2003, The State Of Working America 2002/2003, Economic Policy Institute, Cornell University Press, Ithaca, New York. MIRE, 1994, Comparer les systèmes de protection sociale en Europe, Vol. 1 : rencontres d’Oxford, Actes du colloque, Paris. MIRE, 1996, Comparer les systèmes de protection sociale en Europe, Vol. 2: rencontres de Berlin, Actes du colloque, Paris. OCDE, 2004, Perspectives de l’emploi de l’OCDE, OCDE, Paris. OCDE, 2005a, Promouvoir la formation des adultes, OCDE, Paris. OCDE, 2005b, Le Danemark. Etudes économiques, OCDE, Paris. Palier B., 2002, Gouverner la Sécurité sociale : les réformes du système français de protection sociale depuis 1945, PUF, coll. « Le lien social », 446 p.. Palier B., Viossat L.-Ch. (dir.), 2001, Politiques sociales et mondialisation, Éditions Futuribles, Paris. Pestiau P., 2006, The Welfare State in the European Union, Oxford, Oxford University Press Pierson P., 2004, Politics in Time: History, Institutions, and Social Analysis, Princeton University Press, Princeton. Pisani-Ferry J., Sapir A., 2006, « Last exist to Lisbon », Bruegel Policy Brief, March. Rawls J., 1987 [1971], A theory of justice, traduction française, Seuil, Paris. Samuelson P., 1965, L’économique, Armand Colin, Paris. Supiot A., 1999, Au-delà de l'emploi. Transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe Rapport pour la Commission Européenne (dir.), Paris, Flammarion, Sapir A., 2005, « Globalisation and the reform of European social models », Bruegel policy brief, issue 2005/01, November. Scharpf F. W., Schmidt V., 2001, Welfare and Work in the Open Economy, vol.1: From Vulnerability to Competitiveness, Vol. 2: Divers Responses to Common Challenges, Oxford, Oxford University Press. Schubert C. B., Martens H., 2005, The Nordic Model: A recipe for European success? European Policy Centre working paper n° 20, September Sen A., 2000, Development as Freedom, Anchor Books, New York. Soete L., 2005, « Activating Knowledge », Discussion paper prepared for the UK Presidency, October. Strobel P. (dir.), 2003, « L’État Providence nordique : Ajustements, transformations au cours des années quatre-vingt-dix », Revue française des affaires sociales, n° 4, Octobredécembre. THE DANISH GOVERNMENT, 2005, The Danish Reform Strategy, Contribution to EU’s Growth and Employment Strategy (The Lisbon Strategy). The Economist, 2006, “From welfare to workfare”, July 29th, p. 44-46. Thelen K., 2004, “How Institutions Evolve. The Political Economy of Skills in Germany, Britain, The United States, and Japan”, Cambridge University Press, Cambridge UK. Théret B., 1997, « Méthodologie des comparaisons internationales, approches de l’effet sociétal et de la régulation : fondements pour une lecture structuraliste des systèmes de protection sociale », L'année de la régulation, Vol. 1, p. 163-228. Theret B., 2002, Protection sociale et fédéralisme, PUM, Peter Lang. Turner L., 1996, « The survival of the Danish model: A historical sociological analysis of the Danish system of collective bargaining », Industrial and Labor Relation Review, April. Vielle P., Pochet P., Cassiers I., 2006, L’État social actif : vers un changement de paradigme, Bruxelles, Peter Lang. Visser J. et Hemerijck A., 1997, A Dutch Miracle, Amsterdam University Press, Amsterdam. Zeitlin J., Trubeck D. M. (dir.), 2003, Governing Work and Welfare in a New Economy. European and American Experiments, Oxford University Press, Oxford. Zeitlin J., Pochet P. (dir.), 2005, The open method of coordination in action. The European Employment and social inclusion strategies, Brussels, Peter Lang.