Et si aujourd`hui, nous nous éclipsions …
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Et si aujourd`hui, nous nous éclipsions …
Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 5 _________________________________________________________________________________ Et si aujourd'hui, nous nous éclipsions … Quatrième chapitre par Annick Clerc-Bérod Les cartes d'une éclipse de Spleil – Partie 1 Nous avons vu dans le chapitre précédent que le Saros permettait de déterminer à l'avance les dates des prochaines éclipses de Lune et de Soleil. Cependant cette méthode ne permet pas de connaître avec précision l'importance et la durée de cette éclipse et surtout, dans le cas des éclipses de Soleil, de savoir si l'éclipse sera visible ou non dans un lieu déterminé sur la surface terrestre. Les éclipses de Lune sont dues à ce que la Lune perd réellement de sa lumière ; elles sont visibles pour tous les pays qui ont alors la Lune au-dessus de leur horizon. Dans une éclipse de Soleil, le Soleil ne perd nullement de sa lumière ; la Lune, en venant se placer devant lui, vole une portion de son disque aux observateurs, et cette portion est plus ou moins grande, suivant que l'observateur occupe telle ou telle position sur la Terre. Ensuite, les cônes d'ombre portée par la Lune se meuvent d'ouest en Est ; notre globe tourne sur lui-même, dans le même sens, autour d'un axe oblique par rapport aux cônes précédents. Finalement, notre Terre se déplace par rapport à la source de lumière qu'est le Soleil. La détermination du trajet d'une éclipse de Soleil à la surface de la Terre n'est alors pas simple, car il s'agit de calculer l'intersection des cônes d'ombre et de pénombre et de la Terre, de prédire son évolution sur la surface terrestre, ainsi que les instants et le carac- tère des phénomènes successifs. La figure 1 illustre une situation particulière liée à l'éclipse totale du 11 août 1999. Les astronomes déterminent toujours à l'avance les circonstances générales de chaque éclipse de Soleil et construisent des cartes destinées à montrer la marche de l'éclipse sur le globe terrestre (c'est-à-dire l'évolution de l'éclipse vue par un observateur situé dans l'espace à l'extérieur de la surface terrestre). Ils déterminent également des circonstances locales de l'éclipse qui décrivent, en un lieu donné, les différentes phases de l'éclipse, observables par un observateur situé en ce lieu (dans ce cas on regarde le Soleil et la Lune : l'observateur en fonction de sa position, verra ou ne verra pas d'éclipse, et dans le cas d'une éclipse centrale, suivant sa position, il verra la phase centrale ou non). Cette détermination nécessite de bonnes connaissances d'analyse numérique (qui passent par les éléments de Bessel, astronome allemand du 19ème siècle). Nous n'aborderons pas ici la détermination des circonstances locales d'une éclipse de Soleil, mais allons plutôt nous intéresser aux circonstances générales, en commençant par présenter dans cette première partie les deux éléments principaux permettant de construire des cartes d'éclipse : la taille et la vitesse de l'ombre et de la pénombre à la surface de la Terre. Taille de l'ombre La largeur de l'ombre à la surface de la Terre peut être très petite (dans l'éclipse du 17 mai 1882, observée en Egypte, elle ne mesurait que 22 km), mais peut s'élever à 50, 100, 200 kilomètres (dans l'éclipse du 19 août 1887, elle s'élevait, en Russie, à 220 kilomètres). Cette largeur varie donc passablement d'une éclipse à l'autre, car elle dépend des distances Terre-Lune et Soleil-Lune le jour de l'éclipse. Figure 1. Illustration des circonstances générales d’une éclipse de Soleil avec l’éclipse totale du 11 août 1999 à un instant donné La situation donnée par la figure 2 permet d'obtenir facilement les valeurs des rayons Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 6 _________________________________________________________________________________ des cercles d'ombre et de pénombre à la surface de la Terre (Note : les distances relatives ne sont pas respectées). Sur cette figure, on a tracé P un plan normal à l'axe des cônes d'ombre et de pénombre (tangent à la surface de la Terre), ρ et σ les rayons des cercles définis par les intersections du cône de d'ombre et du cône de pénombre avec ce plan. Soit Rs le rayon solaire, Rm le Figure 2. Représentation de l'ombre et de la pénombre dans un plan normal P à rayon lunaire, rs et rm les distances respectives du centre du Soleil et du centre de la Les valeurs extrêmes pour les éclipses périgées et Lune au plan P. En appliquant un vieil ami, le théoapogées sont en italique et l’on obtient des valeurs des diamètres de 268 km pour une éclipse périgée rème de Thalès, les valeurs de ρ et σ sont obtenues (donc totale) et de 375 km pour une éclipse apogée en fonction de Rs, Rm, rs et rm . (donc annulaire). De même on constate que le diaρ = Rm - rm [(Rs - Rm ) / (rs - rm )] mètre de la pénombre qui est compris entre 6700 km et 7300 km est du même ordre de grandeur que σ = Rm + rm [(Rs + Rm ) / (rs - rm )] deux diamètres lunaires. Lorsque l'éclipse est annulaire le plan P de la figure 2 coupe l'axe des cônes après le sommet du cône Vitesse de l’ombre d'ombre ; il coupe donc le prolongement du cône La vitesse à laquelle se déplace l'ombre sur la surd'ombre. Les formules données sont également apface de la Terre est la combinaison de deux mouveplicables si l'on accepte que les rayons aient des vaments : le mouvement de l'ombre dans l'espace qui leurs négatives. est égal au mouvement de la Lune par rapport au Soleil vu depuis la Terre fixe et le mouvement de la Le tableau ci-dessous donne les valeurs extrêmes surface terrestre du à la rotation de la Terre sur de ρ et σ en fonction des distances Terre-Soleil et elle-même. Terre-Lune. On se place d'abord dans le plan du centre de la Terre, puis l'on se place à la surface de la Terre avec les deux corps au zénith, les distances Terre-Lune et Terre-Soleil sont alors diminuées d'un rayon terrestre, en fait, on néglige le rayon terrestre devant la distance Terre-Soleil. Le rayon solaire est pris égal à Rs = 696’000 km, le rayon lunaire est pris égal à Rm = 1’738,1 km et le rayon terrestre est pris égal à Re = 6’400 km. rm Périgée Moyenne Apogée 357 200 km 381 300 km 407 000 km 1,50 10 km -34,7 km 1,48 108 km - 187,4 km σ 3 379 km rm-Re 305 800 km 3 520 km 3 673 km 374 900 km 400 600 km ρ 134,1 km -5.0 km -157 km σ 3 350 km 3 490 km 3 643 km rs ρ 8 1,52 10 km 104,9 km 8 Depuis la Terre, le Soleil et la Lune se déplacent par rapport aux étoiles d'ouest en est (mouvement direct), la Lune se déplace environ treize fois plus vite que le Soleil, son ombre se déplace d'environ 1’000 m/s par rapport à la Terre supposée fixe. La Terre tourne sur elle-même également d'ouest en est. Si l’on supposait que le vecteur de la vitesse de l’ombre et celui de la vitesse du sol étaient colinéaires (c’est-à-dire, si l’orbite de la Lune n’était pas inclinée par rapport à l’équateur terrestre), la vitesse de l'ombre par rapport au sol serait égale à la différence de la vitesse de l'ombre de la Lune et de la vitesse du sol. À l'équateur la vitesse du sol est de l'ordre de 500 m/s, la différence des deux vitesses est de 500m/s ; plus on s'écarte en latitude de l'équateur, plus la vitesse de l'ombre est grande pour atteindre 1'000 m/s aux pôles (vitesse du sol nulle). Mais donc en réalité, le calcul de la vitesse de l'ombre à surface du sol est plus complexe. Pour effectuer ce calcul, on peut supposer dans un premier temps une Terre fixe avec une ombre de la Lune se Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 6 _________________________________________________________________________________ déplaçant avec une vitesse constante V par rapport à la Terre (figure 3). Sur cette figure, les positions du cône d'ombre et de son axe à des instants T0, T1, T2 et T3 séparés par un intervalle de temps dt constant ont été tracées. Pour avoir la vitesse et la trajectoire de l'ombre par rapport au sol dans le cas d'une Terre en rotation sur elle-même, il faut alors combiner les deux mouvements, tel qu’illustré sur la figure 4. Si v est le vecteur vitesse de l'ombre (par rapport à la Terre fixe) dans le plan tangent au point de contact de l'axe du cône avec la surface terrestre et u le vecteur vitesse du sol dans le même plan, alors la vitesse de l'ombre par rapport au sol est égale à la différence des deux vecteurs vitesses (v - u). En réalité la Terre n'est pas une sphère mais un ellipsoïde de révolution. Cela complique encore un peu les calculs. Figure 3. Vitesse de l'ombre à la surface d'une Terre fixe Durant le premier intervalle dt = T1 - T0 , l’ombre de la Lune s'est déplacée de ab = V dt dans l'espace et dans le plan passant par le centre de la Terre et normal à l'axe du cône d'ombre, alors que l'ombre a parcouru l'arc ac à la surface de la Terre ; à la fin de l'intervalle dt suivant l'ombre se trouve en d et a parcouru l'arc cd, puis à la fin de l'intervalle dt suivant elle se trouve en e ayant parcouru l'arc de. La vitesse de l'ombre à la surface de la Terre est ainsi donnée par la formule dl/dt = V/sin(H) Comme on le voit, cette vitesse est très grande, proche de a (H~0°) et égale à V en e (H=90°). La vitesse de la projection de l'ombre est donc très grande après le premier et avant le dernier contact avec la surface terrestre (où l'axe est tangent à la sphère terrestre). Figure 4. Combinaison des vitesses de l'ombre de la Lune et de la surface de la Terre A suivre ... Sources : Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides http://www.imcce.fr/langues/fr/ Astronomie et mécanique céleste http://media4.obspm.fr/public/AMC/index.html Eclipse du 11 août 1999 Tracé de la zone de totalité