emma La cLowN

Transcription

emma La cLowN
Humour / Création
Emma la Clown
Emma Mort, même pas peur
De et avec Meriem Menant
Durée : 1h30
à partir de 14 ans
Catégorie B
Contact secteur éducatif : Maud Cavalca / 03 84 58 67 56 / [email protected]
Réservations : Caroline Diet / 03 84 58 67 67 / [email protected]
Mardi 3, mercredi 4 décembre à 20h
jeudi 5, vendredi 6, samedi 7 décembre à 20h
à la Coopérative, rue parisot, belfort
Sommaire
Avant-propos
p. 1
Distribution
p. 2
Note d’intention
p. 3
Synopsis
p. 5
Thèmes de recherche pour le plateau
p. 6
Décor, accessoires, effets
p. 7
Premiers textes
C’est quoi mort ?
p. 8
J’hésite
p. 10
La peur c’est qui qu’a peur ?
p. 12
Tu m’entends la mort ?
P. 13
E.M.A.
p. 14
Toute fin
p. 15
Avant-propos
1
Distribution
Écriture et jeu
Meriem Menant
Mise en scène
Kristin Hestad
Composition de la musique
Mauro Coceano
Conseil batterie
Jean François Derouet
Décor et inventions
Didier jaconelli
Assistante mise en scène et création lumières
Emmanuelle Faure
Assistant création lumières
Nicolas Lamatière
Réalisation film
Dominique Tiéri
Création vidéo
Yann de Sousa
Création marionnette
Philippe Saumont, théâtre des Tarabates
Costumes, habillage décor
Anne de vains
Création son
Romain Beigneux Crescent
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Note d’intention
Pendant que je créais mon spectacle Emma la clown sous le Divan en 2004, une question me vint à
l’esprit : « quel thème après celui-ci ? » Une réponse m’a juste effleurée : la mort.
En 2008, j’ai voulu revenir sur le sujet, mais j’ai déplacé le thème de la mort, que je trouvais trop
« bref » à l’époque, vers celui de Dieu, puis Dieu et la science.
Et, à la fin de la création du spectacle Dieu est-elle une particule ? par Emma la clown, en octobre
2009, Kristin Hestad, ma metteur en scène norvégienne, m’a offert un livre d’Elisabeth Kübler-Ross
Mémoires de vie mémoires d’éternité. Cette célèbre psychiatre et médecin suisse, émigrée aux
États-Unis, a travaillé auprès des mourants. Elle a accompagné des gens en fin de vie, donné des
conférences, élaboré les processus et nommé les différentes étapes de la fin de vie. Ce livre m’a
beaucoup touchée.
Et, finalement le thème revenait à moi.
Depuis j’ai lu d’autres livres d’Elisabeth Kübler-Ross, j’ai réuni beaucoup de documents sur le sujet,
livres et magazines scientifiques et philosophiques. Je suis également allée au premier Salon de la
mort, qui s’est tenu à Paris en avril 2011...
Voilà, c’était parti.
Mais comment écrire un spectacle sur la mort ?
Pour un spectacle sur la psychanalyse, Emma la clown sous le Divan (2004), il y a des écrits,
des expériences, des théories et des faits, des guérisons, des concepts, ma propre expérience...
Pour un spectacle sur la science, Dieu est-elle une particule ? par Emma la clown (2009), beaucoup de
théories et expériences, une somme de documents imposante, il y a des laboratoires à visiter,
des centres de recherches, des scientifiques à rencontrer...
Pour un spectacle sur les sciences occultes, Emma la clown, voyante extralucide (2011), des écrits
aussi, et des voyants, à tester...
Mais la mort ? En faire l’expérience mettrait définitivement mon projet en péril.
Donc, il reste les lectures, des scientifiques et des personnes accompagnant les mourants à
interroger, des moines à rencontrer, des lieux consacrés à visiter, cimetières, ossuaires, morgues,
les laboratoires d’anatomie, les musées... Et ma propre perception, avec mon histoire,
mes « croyances », ma peur, et ma curiosité, que je mets entre les mains d’Emma la clown, qui saura
y faire avec tout cela.
Mais, pour elle, pour moi artiste qui pose sur la scène ce personnage, comment l’aborder ?
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Quelques pistes
- Par le corps. Qu’est-ce que la vie dans un corps et qu’est-ce qu’un corps, qui biologiquement n’a
plus la vie en lui ? Que se passe-t-il pour ce corps quand la vie s’en va ?
- Par les croyances : cérémonies, rituels funéraires, croyances, chamanisme.
- Par l’étude de l’art (« l’Ascension vers l’Empyrée » de Jérôme Bosch), et des objets de culte.
- Par les grands textes. Platon, La Bible, le Livre des morts tibétains, le Livre des morts égyptiens.
- Également, en se référant à certaines expériences : témoignages d’expériences de sorties de corps,
d’E.M.I. (Expérience de Mort Imminente).
Au bout du compte, Emma ira au charbon. Tout comme dans Emma la clown : sous le Divan, elle sera
« l’expérimenteuse », d’une part pour en avoir intimement le cœur net, mais aussi parce que
personne ne veut s’y coller...
Quelques éléments de décor, accessoires, costumes
Le cercueil : Emma voudra essayer un cercueil, pour « se rendre compte ». Il aura un double fond,
pour y faire apparaître plus tard Emma en squelette...
Emma la clown en poupée de chiffon, grandeur nature. Qui représenterait Emma la clown molle donc
morte. Dialogue Emma vivante / Emma morte.
Un instrument de musique : une batterie de 4 crânes, avec un système de levier / pédale ou
d’électro-aimants qui permettra l’ouverture de la bouche des crânes ainsi que du haut de leur crâne.
Emma leur frappera sur la tête pour les faire taire.
Costume de la mort : la cape (trop longue), et la faux (molle du manche), pour jouer à la mort
et donner le ton dès le départ. C’est important que les spectateurs soient mis au parfum dès le début
de la représentation.
Costume de Chaman : les costumes de chamans, sont toujours composés d’un mélange de matières
animales, minérales et végétales.
Le costume d’Emma sera « local » et inoffensif. Composé de chiens et de lapins en peluches vidés et
cousus sur le manteau. Il lui permettra de rentrer en communication avec les esprits du lieu et d’en
savoir plus sur l’au-delà, car autant leur poser les bonnes questions.
Meriem Menant
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Synopsis
Emma la clown décide de se préparer à mourir, de faire une répétition de sa mort, afin d’être prête
pour le moment ultime.
Elle veut se rassurer et rassurer le public : après tout, la mort n’est pas si terrible que ça.
Elle abordera la mort de loin, avec distance, l’air de rien, par la circonférence, en étudiant les rites,
les grands textes, les peintures, les représentations figuratives, en gros, elle tournera autour du pot.
Elle se renseignera sur ce que c’est, pour le corps, qu’être mort, et s’occupera du devenir des corps.
Qu’en faire ? Elle essayera un cercueil, regardera une minute passer pour tenter de tordre le temps...
Puis elle dépassera progressivement la circonférence, et, sans s’en apercevoir, se rapprochera du
centre, de sa propre mort.
Elle écrira son testament, cherchera son épitaphe (« Eux d’abord ! » ou « Tout se passe comme
prévu », ou encore « Parlez plus fort ! »), ses dernières volontés.
Puis, à mesure qu’elle se rapprochera du centre, la peur commencera à poindre.
Elle tentera de la juguler, en jouant à la mort, en regardant un film d’horreur (La Nuit des morts
vivants par exemple), en faisant appel au chamanisme, en discutant avec son propre squelette, et en
interpellant la mort, la provoquant, la toisant, la testant, en cherchant la bagarre...
Puis, épuisée, matée, elle fera la liste des choses à faire pour la dernière fois, les choses les plus
importantes pour elle, comme manger une banane, ou plutôt non, la moitié d’une banane, on ne sait
jamais, regarder la neige tomber, écouter un concerto pour violon de Bach par Yehudi Menuhin,
respirer l’odeur des peupliers sous la pluie et toucher le ventre d’une grenouille chaude...
Et finalement, elle « simulera » sa mort, en étant à la fois « l’expérienceuse », la spectatrice, et la
mort elle-même, passant de la phase arrêt de vie dans son corps biologique à celle de l’expérience
après-vie où Emma fait connaissance avec son corps céleste.
Emma vivra son E.M.I (Expérience de Mort Imminente).
Presque heureuse d’avoir su bien mourir lors de cette répétition, elle repartira, apaisée, mais
néanmoins, avec une curiosité à vif.
À moins qu’elle ne décide de passer « véritablement » de l’autre côté, une fois pour toutes...
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Thèmes de recherches pour le plateau
Emma rédige :
- son testament
- son épitaphe
- ses dernières volontés
Emma essaye le cercueil, l’aménage, le transforme... En ressortira-t-elle facilement ? Et dans quel
état ?
Emma exorcise sa peur :
- en regardant le film d’horreur La Nuit des Morts vivants
- en jouant à la mort, sous un drap noir et munie d’une faux
- en nettoyant des ossements
- en appelant le Chaman (se déguise en Chaman) = transe d’Emma
- en priant et chantant très très religieusement
- en jouant aux esprits, au fantôme, à la revenante
- Emma a un fou rire....
Le temps : Emma tient un réveil entre ses mains pour sentir le temps qui passe, pendant une minute.
Une minute de passée, une minute de perdue, une minute qui la rapproche de sa mort (angoisse ou
curiosité).
Emma s’essaye en pleureuse.
Marionnette à fils : Emma en squelette avec jupe, nez et chapeau en os, pour une conversation
philosophique Emma vivante / Emma morte.
Emma vit des choses pour la dernière fois, les dernières donc les plus belles, pour elle, chaque
dernière chose aura un lien avec les 5 sens.
Emma passera un coup de téléphone à quelqu’un, pour s’excuser, de quelque chose, lui demander
pardon, afin d’avoir la conscience « nette » avant de mourir.
Emma, au milieu de sa recherche et de ses expérimentations qui la rapprocheront de sa mort, fera
une pause pour détendre l’atmosphère. Pause qui s’avèrera peut-être « pire » encore...
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Décor, accessoires, effets
Vidéos : Présence de vidéos sur scène pour représenter :
• Le film de sa vie, le déroulé de la vie d’Emma (extraits d’autres spectacles ? Répétitions ? Scènes
incompréhensibles et très mal filmées ? Paysages ? Extraits de dessins animés... ?)
• L’Expérience de Mort Imminente d’Emma : le tunnel, la lumière. Plus exactement, sa vision du
tunnel et de la lumière...
• L’au-delà vu par Emma (clowns de cirque effrayants ?)
Je souhaite un décor très simple. Presque en plateau nu. En tous cas, si décor il y a, qu’il ne figure pas
un endroit particulier.
Comme il y aura des projections, il y aura soit cyclorama de fond, soit des draps blancs...
Un cercueil. Emma voudra essayer un cercueil. Pour « se rendre compte ».
Comme elle utilisera des accessoires, ils viendront de quelque part. Un coffre ?
Le coffre servira aussi de cercueil ?
Emma la clown en poupée de chiffon, grandeur nature.
Un instrument de musique : une batterie, dont les éléments de percussions seront des crânes, avec
un système de levier / pédale (comme pour la charleston d’une batterie), qui ouvrira la bouche d’un
ou plusieurs crânes.
Emma leur frappera sur la tête pour les faire taire.
Costume de la mort : La cape (trop longue), et la faux (molle du manche)....
Costume de Chaman : J’ai visité l’exposition « Maîtres du Désordres » au musée Branly. Les costumes
de chamans, y étaient impressionnants, mélange de matières animales, minérales et végétales.
Quel sera le costume de chaman d’Emma ? En grenouille ? En peau de rats ?
Et quelques effets :
La neige Didier Jaconelli, qui a créé la caravane du spectacle Emma la clown, voyante extralucide,
avait fabriqué une machine à neige pour ce spectacle, et nous n’avions finalement pas gardé l’idée.
Son prototype a fonctionné...
L’odeur des peupliers sous la pluie : Didier, pour avoir travaillé au Royal de Luxe sait manier les
odeurs.
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Premiers textes
C’est quoi mort ? Comment savoir qu’on est mort, tests ?
Alors moi je demande une question : comment on sait qu’on est mort. Et qu’on n’est pas en train de
dormir par exemple. Parce que quand on est mort on peut pas le dire aux gens, on peut pas leur dire,
bon je suis mort, salut quoi, parce que si on le dit c’est qu’on ment.
Pour le savoir il y a plusieurs preuves à avoir, que si tu les as pas, tu peux pas dire que tu es mort.
Alors voilà :
Si tu es en présence d’une personne morte, ce qui veut pas dire que tu es en l’absence d’une
personne vivante, ça a rien à voir, donc si tu es en présence d’une personne morte, pour être sûr
qu’elle est morte de morte de morte pour de bon, la première chose à faire c’est de la chatouiller aux
aisselles, j’aime pas ce mot, aisselles, je sais pas pourquoi j’aime pas, aux d’sous d’bras, tu la
chatouilles aux d’sous d’bras, c’est sensible chez tout le monde, tu peux pas résister aux guilis des
d’sous d’bras. Si la personne morte ne réagit pas, ça veut pas encore dire qu’elle est morte, c’est pas
un diagnostic suffisant pour l’enterrer. Mais c’est un début.
Il faut ensuite que tu fasses appel au croque-mort, qui comme son nom l’indique ira plus loin que la
chatouille, il y mettra les dents, les siennes, et pas n’importe où, il croquera le gros orteil. Pourquoi le
gros orteil et pas le pouce ou le lobe de l’oreille ou tout autre bidule qui dépasse ? Sûrement pour
une raison valable, parce que bon, le goût d’un gros orteil je suis pas sûre que ça plaise à tout le
monde, et quelqu’un qui va mourir il se lave pas forcément les pieds juste avant de rendre son
tablier, tu vois.
Mais, mais, s’il réagit toujours pas après la chatouille et les dents du croquemort, ça veut toujours
pas dire que tu peux l’enterrer, tu attends.
Il y a encore la fameuse épreuve du miroir.
Tu mets un miroir devant la bouche de la personne si elle est ouverte, ou, si elle est fermée tu lui
ouvres la bouche. Tu peux t’aider d’un tournevis ou d’un décapsuleur des fois y en a qui serrent les
mâchoires, un vrai piège à renard, et si tu y arrives pas, tu te contentes du nez ; et, si y a buée, ah
ah ! C’est un farceur. Si y a pas de buée, bin, c’est pas bon signe, mais faut pas encore l’enterrer tout
de suite, faut vérifier tout plein de trucs encore.
Parce qu’après l’épreuve du miroir, il y a l’épreuve du cœur, bin oui. Est-ce qu’il bat encore ? Te
demande-je, me demande-je, te demandes-tu ?
Tu poses ton oreille sur le côté gauche de la personne, comme t’es en face c’est à droite pour toi, tu
poses ton oreille, la meilleure des deux, la plus sûre, on en a toujours une qui entend mieux c’est
comme ça, y a des gauchers même en oreille, et tu écoutes. Si y a pas boum boum, c’est mauvais
signe, mais c’est pas encore sûr qu’il est mort. Bin non, mais on se rapproche.
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Si, après le chatouillis du d’sous de bras, le gros orteil, le miroir, l’oreille sur le cœur, y a rien qui dit
oui, tu regardes la pupille de l’œil, un seul ça suffit, a priori ils font toujours tout ensemble les yeux,
et si la pupille, qu’est le machin noir dans la couleur au milieu des yeux, si elle est si large qu’elle a
mangé la couleur, c’est pas bon signe. Mais c’est pas encore dit, c’est pas encore dit...
Tu fais enfin, enfin, un enfincelo, un célapho, phaléço, un grammo-encéfal, le truc qui sent
l’électricité dans le cerveau, si ça circule quoi, et, si y a plus de jus, zéro volt, rien, nada, pendant 30
minutes, je dis bien 30 minutes, c’est pas de la blague c’est dans les textes, tu recommences pile
4 heures après, pendant encore 30 minutes, c’est comme ça c’est dans les textes ; et tu fais le bilan.
Et si après tout ce fichu binz, le mort il a toujours rien dit, c’est qu’il a pas menti.
Et tu peux commencer à creuser...
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J’hésite... Que faire du corps, tellement de choix possibles
J’hésite... Arghh, j’hésite. On a tellement de possibilités qui s’offrent à nous quand on est mort.
Je sais pas quoi choisir en fait.
Bon on vivrait au temps des loups, je dirai, en tant que morte, bon vous m’emballez dans un joli tissu,
rose ou blanc, enfin coloré joli, genre rose, ou blanc, mais pas marron ou vert, joli quoi, et vous me
posez gentiment, délicatement. C’est pas parce que je serai morte que je risque pas les bleus,
délicatement, dans une montagne à loups. Et je me laisserai, je dis bien je me laisserai, en tant que
morte, dévorer par les loups. Et les corbeaux. Et les serpents. Et les fourmis. Et tout ce qui a faim et
des dents. Et là je m’intègre, chimiquement, voire organiquement, voire moléculairement, voire
particulièrement au sol de l’humus. Je m’intègre en me désintégrant quoi. Le retour à la terre ça
s’appelle, y a pas de gâchis dans la nature, rien ne se perd, tout se composte.
Ça, ça aurait été du temps des loups. Mais aujourd’hui, y a plus de loups. Mais y a plein d’autres
choix. Alors j’hésite...
Parce que, pour sûr, on peut faire dans le classique du classique, du cercueil de la tombe avec les
dates, le nom, et le pitaf, la phrase chouette à souvenir gravée dessus, avec la tête au nord, les pieds
devant, bien rangée à côté de mes camarades de néant, bien en ligne, rectangulairement, au
cimetière. On pourra me planter un arbre pour me faire de la jolie ombre, et abriter les pigeons,
déposer des offrandes, des pâtisseries, de la boisson, des cigarettes, parce que vous croirez, vous les
vivants, que je vais manquer, dans ma tombe en pierre tombale.
On peut aussi ajouter une statue, un ange, une marie qui pleure, une mouette, un symbole quoi,
en plâtre. Pour moi, je sais pas encore... Le système solaire en maquette mobile, ou les chutes du
Niagara en ciment... ça se pense, vu que c’est pour longtemps, faut pas se coltiner un bout de plâtre
vilain, et devenir la risée de moquerie du cimetière. Même mort, on est susceptible. Peut-être même
plus, vu que c’est pour l’éternité.
Bon en tous cas, ça c’est le choix classique.
Mais si je veux, je peux être brûlée, en cendres, pffuit, c’est rapide, ça fait pas de bruit, ça prend pas
de place, légère, grise, en poudre. Dans une boite spéciale, une urne on appelle ça, comme pour
voter. 800 degrés. C’est chaud, très chaud, et pendant une heure et demie, c’est long. C’est chaud et
c’est long ; une heure et demie, le temps d’un film... Bon, mais ensuite, je pose la question qui se
pose de quoi de quid de où de l’urne. Parce qu’on peut me mettre dans un HLM d’urnes dans le
cimetière, on peut me disperser dans la mer ou du haut de la Tour Eiffel, mais aussi, si je veux, avec
une carte bleue, je peux, grâce aux américains, être envoyée, en tant qu’urne je veux dire, dans
l’espace, en orbite autour de la terre, ou, mais c’est plus cher, autour de la lune. Et oui, et pour se
recueillir, et bin, faudra pas me rater. Je vous ferai coucou de mon urne là-haut pour que vous me
reconnaissiez. Je blague. Et, encore plus fort mais c’est plus cher, je peux, en tant qu’urne, être
envoyée dans le noir de l’espace intersidéral. Mais là faut oublier le recueillement pour vous, vous
pourrez pas vous recueillir sur mon urne. Mais les autres de l’autre côté, à l’autre bout de l’univers,
si. Si c’est pas des sauvages bien sûr...
L’autre choix, c’est la momie. Pas forcé la pyramide qui va avec, faut pas pousser c’est du boulot,
mais la momie oui. Pourquoi pas, y a pas eu que les pharaons d’Égypte à avoir été mis sous
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bandelettes, y a aussi eu les pharaons d’URSS : le Lénine, le Staline, même le Mao, ont été momifiés.
Moustaches comprises évidemment. Bon, en même temps, même morte je suis pas sûre que
j’aimerais qu’on m’aspire le cerveau par les narines, qu’on m’ôte l’intérieur du corps et qu’on me
farcisse d’herbes, d’aromates, de cire et de sciure de bois comme un poulet. Et qu’on me colle des
yeux en plastique....
J’ai aussi entendu, qu’en Amérique, en Amérique y a tout en terme de technologies, pour mourir
surtout, on peut, que je pourrai, à l’aide d’une carte bleue toujours, me faire congeler, descendre à
moins 270 degrés (Celsius ou Fahrenheit, je sais pas), en tous cas c’est froid, surtout après les 800 de
la crémation, un différentiel de plus de 1000 degrés quand même, mais bon y a pas trop d’utilité à
congeler les cendres non plus, trop tard, fallait se décider avant, on peut pas tout faire, bon,
je décide que je me fais congeler le corps. Et oui, tak, dans de la glace et je reste pareille pareille
pareille, sauf en cas de coupure de courant, parce que moins 270, c’est pas au Pôle nord que ça se
trouve, c’est technologique, dans des salles spéciales. Bon évidemment pour venir vous recueillir
faudra penser à l’anorak, aux bottes fourrées, et aux moufles. Faudra vraiment y penser... Sinon, je
vous ferai une petite place ! Je blague.
Et, encore en Amérique, les américains, ils pensent, des fois, et à tout, bon il parait qu’en Amérique,
avec plusieurs cartes bleues, tu peux te faire transformer en diamant. Véridique. Il parait que ça se
passe comme ça : on te met au four, pareil, mais avec un produit spécial en plus, et tu ressors t’es un
diamant, et, selon ta taille, tu peux devenir une bague, un bracelet, un rivière de colliers de diamant
ptêt même. Moi si je demandais juste à devenir une bague, mon problème suivant ça serait oui,
d’accord, je suis une bague, mais à quel doigt je vais me mettre ? Je parle pas de mes doigts à moi,
non vu que mes doigts seront dans la bague, non je parle de choisir une main, de quelqu’un de
vivant, et rien qu’ici ce soir, il y a tellement de choix ! C’est qui qu’a le doigt qui m’irait le mieux ?
Et puis moi je veux être avec vous tous ! Ou bien vous vous donnez des rendez-vous, le mois de
janvier c’est toi qui me porte, le mois de février c’est toi, le mois de mars c’est toi, je peux l’avoir
pour le week-end, j’ai un barbecue avec les collègues de mon mari etcetera etcetera etcetera ; et
vous allez vous revoir en fait pour me passer entre vous, ça peut être chouette. Ah oui parce que je
veux pas être envoyée par la poste. Seule dans une enveloppe à bulles... à propos de bulles, je vous
demanderais de pas faire la vaisselle, je veux pas être plongée dans du Paic, ni étouffer dans des
gants Mapa...Bon, mais je m’emballe, y a encore rien de fait.
C’est pour dire le choix que j’aurai. Que j’ai. Bon. Et que vu le choix, faut y penser avant.
Y a tellement de trucs à penser avant.
C’est pour ça, entre nous, un conseil, si vous mourrez, enfin quand vous mourrez, pensez à mourir
pas trop tôt, pas jeune quoi, pour bien tout préparer....
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La peur c’est qui qu’a peur La peur de mourir (légère, lointaine)
Des fois, je sais pas vous, mais des fois peut-être vous pareils, des fois je me réveille dans la nuit,
comme ça sans prévenir, rien m’a prévenue, je veux dire ni du dehors ni du dedans, rien m’a dit
attention écoute ça, non, et paf je me dis en moi-même ou une voix du moi-même me dit à
moi-même, en tous cas ça se passe dedans : tu vas mourir. C’est rapide, y a pas de discours, pas de
parapéri-phrases, direct, comme une nouvelle qu’a pas besoin qu’on en dise plus, tu vas mourir.
En fait, la voix elle dit tu vas mourir, mais moi j’entends : je vais mourir. Tu vois ?
C’est un moi du dedans de moi, qui annonce comme une nouvelle toute neuve, bon les gars rêvez
pas, on va tous y passer. Les gars, je veux dire les cellules, les muscles, les poumons, l’estomac, la
cervelle, les dents, le coccyx, tout, quoi. Je vais mourir. Un jour, moi, je vais mourir, stop,
débranchage, plus de souffle, plus d’amis, plus de paysages, plus de fauteuil, plus de...(choses sur la
scène), plus de toi madame, plus de toi monsieur son voisin, plus de vous tous.
Alors que pour vous, c’est juste plus de moi, ça fait moins.
Enfin, moi, fini.
C’est pas une nouvelle très agréable quelque part, et la sensation qui suit, qui dure plus longtemps
que la nouvelle, c’est pas juste trois mots la sensation, c’est plus long, ça tressaille, ça fait une
électricité tout du long, horizontalement, vu que je suis au lit, et je crois c’est un peu comme de la
peur. Une peur horizontale vu que je dors, enfin que j’étais en train de dormir.
Voilà, c’est une peur horizontale. Et hop je me rendors. Et le jour, le lendemain par exemple, la peur
horizontale de la nuit, la peur du « je vais mourir », elle devient pas une peur verticale. Pas du tout,
j’y pense plus ou si j’y pense, c’est juste de la pensée. C’est même pas la peur horizontale qui se
serait verticalisée, c’est juste de la pensée de tête. Sans peur. De la pensée. Du « oui, il parait que ça
se fait, qu’on meurt en fait quoi ».
Mais je me demande en moi-même, c’est qui qu’a peur dans la peur horizontale, c’est qui, qui a
tressailli, qui s’est fait électrifié tout du long....
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Tu m’entends la mort ? La grande peur de la mort
Mort !! Oh la mort !! Tu m’entends ? Tu les ouvres tes oreilles la mort ? Tu en as des oreilles la mort ?
Si ça se trouve même pas d’oreille, hé la mort !! pffff même pas d’oreille la mort !
Mort y es-tu ? M’entends-tu ?
Tu viens me faire la peau, me zigouiller, m’assassiner la mort ?
Dégage. Vermine, sac à vers.
Pourquoi moi d’abord ? Pourquoi pas lui ? Ou elle ?
Tu lui fais quoi à ta faux ? Tu l’écuses, tu l’élimes, tu la cisaillonnes, tu l’affûtes c’est ça le mot.
Affuteuse de faux c’est ça que tu es la mort. Affreuse !
Dieu, Adonaï, Yahvé, Shiva, Rama, Vishnou, ô-ô-Ôsiris, Puissant tout Puissant, Monsieur le Président,
Madame l’Univers, je me repente, de tous mes péchés fautifs et même des autres je prends aussi
ceux des autres, je les représente, lui, elle, la dame, ses péchés fautifs, je les prends sur moi, si si,
j’insite, si ça peut faire reculer le binz définitif, je me repente et tu me pardonnes, tu m’abscons, tu
m’absous, monsieur le Chef du monde, le Directeur général de la lumière et de l’argile à humanité, je
veux pas aller aux ténèbres, la spéléologie ça a jamais été mon truc, je m’excuse pour tout, même ses
fautes à elle, j’avoue tout, Alpha Oméga, Seigneurités de l’Univers, écoutez, je me repente repente
repente, de tous les péchés fautifs, même ceux qui existent pas et que j’ai pas faits, et tu me touches
pas toi la mort, je veux pas traverser le mur, j’ai pas fini, j’ai pas tout fait, je veux bien donner un
orteil, une dent, même une de devant, en gage, pour te promettre que je viendrai c’est sûr, mais
après, plus tard même un tout petit peu plus tard, j’ai pas tout fait, j’ai pas tout dit, encore tant à
aimer, laisse-moi en miséricordieuse encore un moment.
Retiens-toi la mort ! Dégage faucheuse, zigouilleuse, assassine !
Tu m’entends ? Tu as des oreilles la mort ? Je te cause !
Bon vous les asticots internes qu’êtes pas encore réveillés, je sais que vous êtes là, c’est écrit dans les
livres de biologie, sinon d’où vous sortiriez, je le sais que vous y êtes, je vous sens pas, faut pas
exagérer non plus, mais je vous sais là, dedans, prêts à attaquer le festin quand moi zik plus de
souffle, plus là. Dormez dormez encore, chouchoux mangeurs de viande, je suis pas disponible, pas
encore, suis pas prête.
Dégage mort ! Meurt mort !
Ma vie on me la prend pas, mort, je te signale. C’est moi qui la donne. Et je déciderai à qui, peut-être
à toi.... ou.... bon, en tous cas, je déciderai quand ! À la minute, à la seconde près. Quand j’aurai tout
dit quand j’aurai tout fini.
Dégage la mort, tu me concernes pas !
Je vais rédiger mon testament, ça sera toujours ça de fait.
13
E.M.A. Qu’est-ce qu’une expérience de mort approchée ?
Faut savoir une chose, plus t’as de l’âge et plus t’as de chances de mourir.
C’est un peu comme : plus t’as d’assiettes à laver et plus t’as de chances d’en casser.
C’est mathématique.
En même temps tu peux avoir qu’une seule assiette à laver et la casser. Et plein d’assiettes à laver et
pas en casser une.
Alors que forcément pour la mort tu meurs. T’as pas le choix.
Y’en a des qui meurt et qui reviennent depuis la mort. Ça arrive, moi ça m’est pas arrivé, eux oui,
ils ont fait une E.M.A. comme on appelle ça, une Expérience de Mort Approchée. Il parait que ça fait
pas mal. Y’en a à qui c’est arrivé ici une E.M.A. ?
C’est des gens qui ont eu un accident et qui sont dans le coma, c’est-à-dire qu’ils répondent plus
quand on les appelle, ils se grattent plus là où on les chatouille, ils font une pause du corps quoi bon.
Et bin figurez-vous, ils sortent de leur corps. Leur corps il reste sur la table d’opération, entier, enfin
comme il est quoi, et eux ils en sortent. Mais ils s’en rendent pas compte au début, ils voient juste
eux-mêmes, sans miroir, ils voient eux-mêmes depuis le dehors d’eux-mêmes, comme vous et moi.
Et ils voient les gens autour d’eux qui font des trucs de médecine sur eux-mêmes, qui causent sur
eux-mêmes, mais ils peuvent pas leur parler parce qu’eux, les autres, les vivants, ils entendent pas.
C’est comme s’ils étaient, les eux-mêmes, dans une autre dimension, comme dans un autre
espace-temps, un machin parallèle, mais que eux seulement eux-mêmes voient que c’est parallèle.
Les autres ils s’affolent autour d’eux-mêmes, avec son encephagrammo, phalocemagre, son
lalocephale, bon, plat, le cœur à l’arrêt, la pupille qui se dilate et le corps qui refroidit. Ils disent on l’a
perdu.
Mais l’autre, le eux-mêmes, lui, il voit tout ça il essaye de dire mais non, vous m’avez pas perdu
puisque je vous vois coucou je suis là, bon, et tout à coup une lumière blanche. Une belle lumière
blanche comme une boule de lumière.
Pourquoi une boule ? Parce qu’il y a un tunnel entre toi et la lumière alors ça fait rond, une boule.
Mais pour la rejoindre il faut passer dans le tunnel, comme un jeu de colonie de vacances tu vois,
sauf que t’es mort, bon, au bout la lumière blanche et chaude à la fois et attractante, fort fort la
lumière mais que tu peux regarder sans t’aveugler le regard, c’est fait exprès.
Et la voix pleine de lumière et de chaleur qui demande t’es t’y content de toi ? On sait pas y a
peut-être des Québécois au bout du tunnel, bon, c’est l’idée, tu vois, t’es-t-y content de toi ? Bin
nous non, t’y retournes. Oh non, bin si, et recommences pas comme avant si tu vois ce que je veux
dire, parce que là, non, t’as vraiment rien compris, apprends, apprends, aime, aime, qu’elle lui dit la
lumière au eux-mêmes et le eux-mêmes il revient, il retourne dans son corps tout accidenté,
l’encelapho, le gramophalo, bon, le cœur rebat. Et il est rerentré dans son corps d’amertume et de
blessures. Plus jamais comme avant il sera. Il a compris. Quelque chose. D’important. Il a compris.
Une E.M.A. ça s’appelle. C’est fort.
Mais c’est pas donné à tous les accidentés ni comatés, non plus, faut pas rêver.
Y en a qui aimerait bien que ça leur arrive ici une E.M.A. ?
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Toute fin Les dernières choses à faire....
Il parait qu’à la toute fin, enfin quelques heures avant, on sait précisément quand ça se passera.
Qu’on passera de l’autre côté. Ils le savent précisément ceux qui sont directement prestement
concernés, je veux dire. Ceux qui sont au courant qu’ils vont y rester, ceux qui vont partir quoi…
Et que de ça ils ont plus peur.
Ceux qui sont au courant, je veux dire, c’est les qui sont malades bien malades ou vieux bien vieux.
Ils ont ça en partage les très vieux et les très malades. Ils sont au courant à l’intérieur d’eux-mêmes.
Ils sont près de la même porte.
Ils savent combien de temps il leur reste parmi nous ici-bas comme on dit.
Combien d’heures il leur reste.
Combien même de minutes il leur reste.
À quoi on pense quand on sait que c’est les dernières minutes, je veux dire, y a sûrement des trucs
qu’on pense qu’on aimerait faire, comme on prépare un ballot de derniers souvenirs... Pour après, de
l’autre côté.
Parce que bon fumer la dernière cigarette c’est bon pour les ceux qui vont se faire pendre, et puis
sentir le tabac en arrivant de l’autre côté c’est un coup à se faire remarquer....
La plus importante dernière chose à faire ?
Réfléchissez, prenez un moment pour ça…
Moi je dirai comme ça :
Manger une banane ; la dernière banane. Mais peut-être pas entière… Au cas où…
Sentir l’odeur des peupliers après la pluie ; pas l’odeur de l’andouille grillée, je voudrai pas partir avec
ça dans les narines. Les arbres tout transpirants, oui.
Écouter un disque de musique avec des violons mais pas trop tristes les violons, faut pas en rajouter
non plus ; genre du Bach. Forcément du Bach.
Avec le Yehu Yehu Menui le Méyudi Hénouhin, le Yé, le Yé, le.... bon.
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Regarder.... Regarder... quelque chose de lent, pour que ça dure plus longtemps. Une plante qui
pousse. Un peu long, je risquerai de m’endormir...
S’endormir avant de mourir, c’est redondant... Un truc lent, et beau tant qu’à faire ; lent, beau et
calme. De la neige qui fond. Un peu lassant... Faut pas partir lassée... Bon, de la neige qui tombe. Oui,
tiens, ça mange pas de pain, de la neige qui tombe.
Et toucher... oui le dernier truc que la peau elle emmènera avec elle.
Toucher.... une grenouille ? Du sable chaud ? Une grenouille sur du sable chaud. Une grenouille
chaude. Le ventre d’une grenouille chaude.
Je sais pas, vraiment je sais pas quoi toucher pour la dernière fois... Le vent.
Ça compte, ça compte le vent en toucher ?
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